C'est la première oeuvre de la mangaka qui réussit son entrée en la matière sur un sujet très sensible. Il s'agit de la vie amoureuse de personne handicapée. Notre beau héros n'a par exemple plus l'usage de ses jambes suite à un accident de voiture. Le thème est celui d'une certaine forme de sensibilisation sur les personnes handicapée et les obstacles qu'elles doivent rencontrer dans une société qui les ignorent ou pire qui a pitié d'eux.
Je n'ai pas trop aimé l'entrée en matière de ce récit où l'héroïne retrouve son premier amour lors d'une soirée professionnelle. Fort heureusement, la suite sera fortement intéressante. La qualité graphique ne sera pas la première qualité de cette oeuvre bouleversante, poétique et sociale. Cependant, le dessin reste correct même s'il manque de précision notamment dans les décors. J'ai par contre bien apprécié le réalisme des situations car rien n'est occulté ou enjolivé.
En effet, on se prend réellement d'amitié pour le couple qui devra traversé bien des épreuves pour pouvoir vivre leur relation pleinement et sereinement. La belle héroïne qui travaille dans une société de décoration intérieure va t'elle sortir avec un handicapé ? Aura t'elle la force d'affronter avec lui le regard des autres et de la famille ? Pourra t'elle fonder une famille ? Va t'elle le regretter en vieillissant? Bref, de douloureuses questions qui se posent dans cette romance...
En conclusion, une belle série qui va en se bonifiant de tomes en tomes. Cependant, il faudra sortir les mouchoirs. Le public du livre et film Nos étoiles contraires apprécieront. Je voudrais également dédié cet avis à un collègue très sympa qui a malheureusement perdu également l'usage de ses deux jambes. C'est avec de telle lecture qu'on peut retrouver la force de se battre contre les préjugés sur le handicap.
C'est vrai qu'on se dit qu'il est bien bête ce fier Mattéo de partir à la grande guerre pour épater sa Juliette qui a le coeur qui balance pour un autre homme issu d'une famille bourgeoise. Pourtant, avec un père antimilitariste et anarchiste qui a dû fuir l'Espagne, cela aurait dû le conduire à y réfléchir à deux fois. Même son ami qui revient estropié du front ne le fera pas changer d'avis. Il va vite déchanter notre Mattéo au fin fond des tranchées qui enterrent ses dernières illusions ! On nous promet une épopée époustouflante sur fond de passion romantique.
Ce 1er tome réussit parfaitement à faire son effet car nous avons deux personnages qui d'un premier abord ne sont pas fait pour s'aimer mutuellement. En effet, le beau et vulnérable Mattéo vit seul avec sa mère après la mort de son père braconnier disparu en mer. Juliette est une ravissante jeune fille issue d'un milieu plus aisée qui est vêtue de belles robes jetant un érotisme troublant.
L'auteur Jean-Pierre Gibrat possède une auréole particulière dans le monde de la bande dessinée depuis ses deux chefs d'oeuvre que sont Le Sursis et Le Vol du Corbeau. Ce n'est pas un auteur très prolifique. Du coup, ses productions sont très attendues par les nombreux fans. Graphiquement, c'est que du bonheur ! Une parfaite maîtrise des aquarelles ! Une colorisation qui sublime nos émotions. Il y a de la spontanéité dans son trait qui en fait oublier les petits défauts. Ce dessin est quasi-magnifique ! L'auteur parvient à conférer à ses personnages une véritable force tourmentée.
Je suivrai avec délectation les aventures guerrières de ce coeur perdu. La fin de ce premier tome nous promet une suite bien mouvementée. Et cette suite se produit dans un cadre qu'on n'attendait pas à savoir celui de la Révolution Rouge qui s'abat sur la Russie tsariste alors que l'Occident est toujours en proie à une horrible guerre de tranchée. On est totalement pris par l'ambiance de cette révolution jusque dans son idéologie et ses premières contradictions.
Dans le 2ème tome, Mattéo est en effet devenu un déserteur anarchiste. Il va côtoyer à nouveau l'amour et la mort. On commence à se dire que ce sympathique personnage se fourre toujours dans des conflits qui lui sont étrangers par dépit amoureux. Entre romantisme et échanges idéologiques, cette série offre bien des surprises. Personnellement, ce qui m'a intéressé était de découvrir le conflit qu'il y avait entre les néo-communistes et les anarchistes pour la prise du pouvoir. C'était quelque chose que j'ignorais jusqu'ici car on a souvent évoqué ce qui opposait les blancs aux rouges mais pas les noirs. Le travail de recherche historique apporte une dimension réaliste au récit avec également des personnages plutôt crédibles. Le trait est toujours aussi exceptionnel dans son réalisme grâce à une colorisation qui colle à merveille. Ce second tome est une réussite qui confirme le talent de l'auteur comme un des plus grands maîtres de la bande dessinée.
Le 3ème tome fait un bond dans le temps. On passe à l'année 1936, celle du front populaire alors que l'Allemagne et l'Italie se prépare à la guerre. L'écriture demeure toujours aussi riche. On regrettera cependant de ne pas savoir ce qui s'est passé pendant ces 18 dernières années où notre héros a dû purger sa peine d'emprisonnement dans les bagnes de Cayenne. Il ne semble pas avoir subi le poids des années malgré sans doute de dures conditions. C'est également le temps des ballades sur la plage après avoir traversé la révolution russe et la première guerre mondiale dans les tranchées. Bref, c'est l'album d'une pause sans doute nécessaire.
Dans le 4ème tome, Mattéo combat aux côtés des Républicains contre les Nationalistes lors de la guerre d'Espagne. Il a enfin un peu vieilli car on se retrouve tout de même en 1936 soit 20 ans de plus qu'au commencement du premier tome. Cependant, il est toujours aussi actif au côté d'Amélie, la belle infirmière. Rien à redire sur le dessin toujours aussi sublime de Gibrat. Les couleurs des paysages de la Catalogne (pour ne pas dire l'Espagne) sont très belles et assez marquantes. Au niveau du scénario, cela sera un tome assez lent où le récit prend son temps. D'un autre côté, il y a la qualité des dialogues ainsi qu'une certaine crédibilité de l'histoire.
Au final, une belle saga romantique sur fond de tragédie historique à découvrir de toute urgence !
Note Dessin : 4.5/5 – Note Scénario : 4/5 – Note Globale : 4.25/5
Thorgal est MA série préférée, celle par qui tout a commencé dans ma passion pour la bande dessinée. C'est donc avec un grand intérêt que j'ai acheté le jour même de sa parution ce spin-off qui va faire la lumière sur différents personnages de la saga Thorgal de la même manière que Jean Van Hamme a procédé sur la série XIII.
On commence tout d'abord par l'un des personnages les plus charismatiques de la bande dessinée, celle qu'on adore détester à savoir la fameuse Kriss de Valnor. Il faut dire qu'on l'avait quittée en une bien mauvaise posture dans la série mère. Elle sacrifiait sa vie pour sauver toute la famille de Thorgal. C'était beau et presque incroyable. Au fond, on devinait que se cachaient de biens lourdes épreuves durant sa jeunesse. Devant le tribunal des Walkyries, nous allons enfin avoir des révélations. Au passage, on remarquera un raccord tout à fait remarquable entre les deux séries.
Je trouve que ce début est plutôt une réussite car nous retrouvons l'esprit même des mondes de Thorgal. Certes, le scénariste Yves Sente n'évite pas certains clichés. Cependant, l'essentiel y est, c'est à dire un scénario efficace, une mise en page intelligente et un dessin respectueux de Rosinski qui intègre ses codes graphiques. Que demander de plus ? Une suite du même acabit !
La seconde partie de ce diptyque est plutôt intéressante car il fait directement le lien avec le tome 9 de la série mère Thorgal à savoir l'album des archers où ce personnage emblématique apparaît pour la première fois. Il y a là une habilité scénaristique qu'on ne pourra que souligner. Pour autant, la fin se devine assez aisément. Qu'importe car les fans seront tout de même ravi !
La troisième partie est celle que je n'attendais pas car je pensais au début que nous avions un diptyque. Celle-ci se révèle très vite de très haut niveau. Le scénario est prenant et fait directement le lien avec le bateau-sabre (tome 33 de Thorgal). On a l'impression que cette série parallèle avance de concert avec la série mère ce qui renforce la cohérence ainsi que l'univers crée. Le dessin est réellement fidèle à l'esprit de Rosinski. L'évolution de Kriss devient assez intéressante car c'est un personnage qui passe du côté du bien et on apprécie qu'elle soit une véritable héroïne. Il est vrai que les puristes pourront crier au scandale. Par ailleurs, j'ai apprécié les méandres du pouvoir ainsi que le jeu politique auxquels se livrent certains protagonistes. On dévore cette aventure avec plaisir. C'est l'un des meilleurs tomes !
Le 4ème tome sera celui des alliances où Kriss tente de s’imposer dans un monde d’homme et de guerre. J’ai bien aimé la surprise de taille qui nous attend. L’intrigue est toujours classique mais parfaitement bien maîtrisée. On en redemande toujours ! Ces intrigues de trône renvoient à la désormais très célèbre série.
On va néanmoins assister à une baisse de régime dans les épisodes 5 et 6 qui ne sont au fond que des aventures transitoires pour allonger la sauce. Pourtant, changement dans l’équipe des scénaristes avec le tome 6. Quant au dessin, rien à redire car il reste conforme à l’univers graphique de Rosinski.
Le tome 7 est assez étrange car il commence en effet avec cette fameuse montagne du temps où les épreuves s'accumulent pour Kriss de Valnor qui souhaite sauver également son fils. La dernière partie de l'album est entièrement consacrée à Jolan qui est confronté à l'empereur Magnus qui ressemble étrangement à Charlemagne. Son intrigue est également assez intéressante mais on se rend compte que cela aurait pu faire l'objet d'une autre série dans les mondes de Thorgal qui lui serait consacré. En l'occurrence, il partage l'affiche avec Kriss pour deux récits totalement différents.
Au final, une bonne utilisation de l’univers des Thorgal.
Note Dessin: 4/5 - Note Scénario: 4/5 - Note Globale: 4/5
Je suis un amateur de western en bd, et Delcourt m'avait déjà permis de prendre beaucoup de plaisir avec la lecture il y a pas mal de temps de Wayne Redlake et de Trio Grande.
C'est dans cette veine qu'a été taillé cet album, où tout m'a plu, du dessin au scénario en passant par la colorisation.
J'ai même pu hélas croire qu'il allait leur ressembler en se transformant en one shot, mais un second tome est prévu pour dans quelques mois, ouf !
J'espère que la suite sera du même niveau, car la série a commencé sur les chapeaux de roue, ne se contentant pas d'une présentation laborieuse du casting et du décor. C'est drôle, ça bouge, le temps s'étire ou se compresse sans que l'incongruité ou le côté improbable des situations ne nous empêchent d'y croire.
C'est bien le propre d'une bonne histoire, de confier à notre imagination le soin de relier les éléments fournis par les auteurs. Et comme en plus l'héroïne est jolie, on a là tous les clichés bien (et même très bien !) étalés devant nous pour nous donner envie de lire la suite. J'espère qu'elle ne me décevra pas, car la barre est placée plutôt haut.
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Après lecture du tome 2:
Je suis un peu moins enthousiaste après la lecture du deuxième tome. Quoi que...
J'ai trouvé cet album moins rythmé. Il est plus explicatif, fonctionnant pas mal sur de longs flash back censés expliquer comment on en est arrivé à la situation de départ du premier tome. C'est pas mal fait, mais j'avais l'impression d'un ralentissement de l'intrigue et étais déçu au début.
Malgré ce bémol, je maintiens tout de même les quatre étoiles et attends avec impatience la suite.
C'est qu'il n'y a pas que des déceptions.
D'abord, le dessin de Salomone est toujours excellent je trouve ! Et le cahier graphique ajouté en fin d'album, avec des esquisses et recherches est un plus appréciable. En particulier avec la belle Margot, qui est plus que mise en valeur !...
Margot justement, qui encore dynamite le récit. Chacune de ses apparitions assure le lecteur d'un plaisir visuel, certes, mais aussi d'une série de rebondissements, d'entourloupes et autres coups fourrés propres à le tenir en haleine.
Et la reprise de l'intrigue vers la fin de l'album promet quelques petits désagréments pour l'ensemble des protagonistes qui entourent Margot (certains pour l'encercler et la massacrer, comme Byron et Knut [toujours impayable avec ses borborygmes haineux], d'autres pour la protéger comme Tim [seul personnage transparent, fallot de la série], ou la surveiller comme l'Indien qu'on découvre moins terne que dans le premier tome).
Après avoir repris quelque peu de souffle dans ce deuxième tome, j'espère que le suivant - qui doit se faire moins attendre ! reprendra le rythme effréné du premier. Une série qui s'imposerait alors comme indispensable !
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Après lecture du tome trois:
Dans ce troisième tome l'intrigue se poursuit, comme l'ensemble des protagonistes poursuivent Margot. Celle-ci est de plus en plus au centre de l'histoire, des regards, voire de la cible, puisqu'à l'Indien, Tim et l'improbable duo Byron/Knut se joignent d'autres victimes des roueries de la belle.
Quelques toutes petites baisses de régimes, quelques respirations, mais le rythme global n'en pâtit pas trop, c'est toujours aussi dynamique et jouissif. Parmi les victimes revanchardes et autres poursuivants de Margot, quelques changements. De nouveaux venus, Navajos (et potentiellement un officier US et sa famille, ainsi qu'une mère supérieure: à croire que bientôt tout ce que compte ce Far West finissant sera à ses trousses !), et aussi un Tim un peu moins falot, aveugle, déniaisé par ce qu'il découvre de Margot, qu'il se permet même de traiter de salope !
Margot de Garine donc, encore et toujours à la baguette, la "sallhooop" de Knut domine encore le jeu. Quoi que... En tout cas elle est plus que mise en valeur par le toujours très beau dessin de Salomone (voir aussi la série de cartes postales accompagnant la première édition de l'album). Très beau dessin, et des couleurs elles aussi parfaites.
Bref, une lecture toujours aussi recommandable, alors qu'est annoncé le quatrième et dernier tome, qui j'espère conclura en beauté une des meilleures séries du genre depuis longtemps. Une série qui confirme le talent de Lupano !
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Après lecture du quatrième et dernier tome.
Ce quatrième album clôt la série, en précisant les liens entre les protagonistes, et la situation de départ. Il donne aussi des éclairages amusant sur la NRA et les réserves Navajos (en s'affranchissant quelque peu de la réalité historique, mais on s'en fiche).
Si Margot est bien encore la méchante de l'histoire, sa rouerie est quelque peu atténuée ici, et j'ai eu l'impression qu'après le décollage brutal, et les quelques accélérations/freinages des tomes suivants, Lupano avait décidé d'un atterrissage un peu plus calme.
Mais cette série, malgré des baisses de régime après le tome inaugural, qui bénéficie d'un très joli dessin, est quand même une chouette réussite, qu'il serait vraiment dommage de ne pas avoir lue.
Grégory Mardon est l'auteur dont j'attends patiemment chacune de ses publications car il m'a bien étonné ces dernières années avec notamment Petite frappe ou encore Madame désire ?. Ces oeuvres sont résolument modernes et surtout elles me parlent. Rares sont ceux qui peuvent y réussir. Par ailleurs, le dessin est rempli de grâce jusque dans les décors ou les mouvements. Les personnages sont particulièrement réussis comme à son habitude.
Prends soin de toi est une sorte de fable morale sur un road-trip d'un homme dont la compagne vient de le quitter pour faire sa vie avec un autre. La rupture est toujours un moment délicat à vivre car on ne voudrait jamais se séparer et continuer à vivre ensemble comme si de rien n'était. la vie est fait également de ces grandes contrariétés.
J'ai bien aimé la mission prétexte que cet homme s'est assigné en voulant rendre une vieille lettre non ouverte à son auteur plus de 40 ans après. La conclusion fait du bien et permets de comprendre qu'il faut continuer à vivre coûte que coûte. C'est certes classique dans l'approche mais c'est une lecture agréable qui fait mouche. Bref, un récit d'introspection admirable et plein d'empathie. A déconseiller bien évidemment à ceux qui sont vieux jeux.
Richard Guérineau donne une suite à son Charly 9, je crois que c'était inévitable. Et comme j'avais apprécié l'ensemble sans en cautionner tous les aspects, ici en revanche je suis pleinement satisfait. Guérineau se lâche tout seul sans scénariste derrière lui, et use d'un dialogue beaucoup plus conforme avec un beau français d'époque, sans qu'il soit pour autant pesant et pénible.
Le plus étonnant, c'est qu'il a parfaitement respecté tout l'aspect historique qui sert de fond à son récit, tout est vrai, c'est une période de l'Histoire de France très critique, Charles IX ayant légué à son frère Henri III un royaume malade des guerres de Religion et d'une Saint-Barthélémy funeste qui a fait rejaillir sur la monarchie un vent de cruauté sanglante. Ce roi, le plus intelligent des 3 fils de Catherine de Médicis ayant régné, a dû affronter bien des vicissitudes, des difficultés et des complots contre sa politique, qu'il lui a été houleux de diriger le pays. Je connais parfaitement cette période, je l'ai beaucoup étudiée pour savoir que ce dernier Valois a fait tout ce qu'il a pu pour obtenir la paix et apaiser les tensions entre huguenots et catholiques. Mais il y avait trop de forces contre lui, le poids était trop lourd.
Je crois que Guérineau a su bien faire sentir tout ça au lecteur, il donne un aperçu très complexe du royaume de cette époque. Si on est passionné comme moi par cette période, on est aux anges, mais si on est peu connaisseur, on risque d'être un peu largué tant les rouages de la politique sont compliqués et tant il y de protagonistes que Guérineau fait défiler, tous pourtant très connus... entre Catherine la reine-mère, la soeur Margot, François d'Alençon le frère gênant, Henriot qui n'est encore que roi de Navarre, Henri de Guise, les Mignons Joyeuse, O, Epernon, Quélus etc et bien d'autres encore, ça fait beaucoup de monde. Les événements ou faits sont rapportés assez fidèlement, tels l'assassinat du duc de Guise ou la bataille de Coutras...
Je trouve que Guérineau a été beaucoup plus sérieux dans son traitement que sur Charly 9 qui suivait le bouquin de Teulé ; ici, il est libre d'interpréter l'Histoire à sa façon mais en la respectant beaucoup plus. D'ailleurs il use de procédés identiques vus dans Charly 9, notamment les styles graphiques différents (j'adore la parodie de l' Histoire de France en Bandes Dessinées) et un certain humour. Il ne peut éviter 1 ou 2 parodies graphiques un peu limite, mais dans l'ensemble, le résultat est plus intéressant que dans Charly 9.
Sur la personnalité du roi, on a beaucoup exagéré son côté maniéré, ses "mignardises " et sa soi-disant homosexualité, alors qu'il était un roi sans doute précieux, peut-être légèrement efféminé mais aimant aussi les femmes. On sait qu'il a honoré plus d'une fois la reine Louise pour qui il avait une réelle affection, et d'ailleurs celle-ci le lui rendra après sa mort, conservant un deuil sincère et durable.
Guérineau sacrifie donc à 2 ou 3 reprises sur quelques tenues excentriques, mais c'est pour amuser la galerie, Henri étant plus porté sur une certaine élégance, il n'y a qu'à voir les tableaux le représentant toujours fardé mais impeccable et en habit d'homme, au contraire du futur Henri IV qui lui sentait l'écurie et avait des frusques parfois négligées.
Guérineau inclut aussi des mots historiques apocryphes ou les détourne de façon amusante, il en oublie aussi de plus fameux. Bref, son approche de ce règne et d'un roi qui commence à être réhabilité par les historiens, est fort subtile. Je m'attendais à plein de dérives un peu connes comme il l'a fait sur Charly 9, à une exagération gratuite sur l'homosexualité et les Mignons, mais point, à part 2 ou 3 trucs sans importance. L'ouvrage est de bonne facture sur le plan historique, c'est ce qui me réjouit.
Au niveau graphique, c'est également très agréable, j'aime ce dessin semi-réaliste qui reproduit bien les personnages connus et les édifices avec une bonne dynamique dans la mise en page. L'épilogue dessiné dans un style caricatural imité de Dick Browne, est jubilatoire avec Montaigne et Pierre de l'Estoile qui "arrangent" le dernier mot d'Henri lors de son assassinat par le moine fanatique Jacques Clément. C'est en effet ce mot qui a traversé la postérité, et je gage que beaucoup d'autres en divers siècles ont été enjolivés de même façon.
Au final, même si Guérineau a donné sa vision personnelle de ce roi, il a quand même suivi de belle façon l'Histoire de France et n'a pas détourné grand chose, il a même oublié les anachronismes et a non seulement atténué le côté homosexuel du roi, mais a aussi introduit des détails intéressants sur de petits éléments réels (les braguettes, le bilboquet etc..). C'est donc un ouvrage plus sérieux tout en ayant recours aux mêmes recettes qui ont fait le succès de Charly 9, qui déboulonne la mauvaise réputation de ce roi, un subtil équilibre entre le biopic historique et le ton décalé propre à l'auteur.
Voila une bien belle histoire qui se concentre sur un sujet bien particulier : le fait de raconter des histoires et leur impact. Et je dois dire que la BD rapporte à merveille l'art oratoire. Entre son dessin qui arrive à retranscrire les ambiances chaudes d'un pays du Moyen-Orient et son sujet qui se retranscrit dans tout les aspects de l'histoire, on est vite de plein pied dans le récit.
Cette histoire qui fait justement très conte nous entraine dans le sillage de cinq conteurs à la recherche de la façon de gagner le concours organisé par le calife de Bagdad. Comment être le meilleur dans l'art oratoire, comment raconter de la meilleure des façons et captiver le plus de monde ?
La question se pose au début, mais j'avoue que le déroulé (et surtout la fin) m'a surpris. Car je m'attendais à quelque chose de plus classique sur la forme et le fond. Mais Fabien Vehlmann sait lui aussi manipuler l'art narratif et nous entrainer dans diverses circonvolutions qui donnent tout l'intérêt au récit. Ici, nous parlons de la puissance de la parole, de l'histoire, de ce qu'on raconte. Il y a une réflexion puissante sur ce que vaut le récit, la question du conteur et ce qu'on a à raconter.
A ce niveau, j'aime beaucoup ce que la fin propose comme dénouement. C'était inattendu et bienvenue aussi. Ni heureuse ni malheureuse, elle semble nous rappeler qu'il est bon pour l'homme de raconter et écouter des histoires. Je suis friand de ça et je trouve que c'est une très belle conclusion. En tout cas, la BD m'a plu dans son message, son graphisme et son histoire. Une belle réussite !
Je remet un avis plus récent sur cette série qui était resté longtemps dans les immanquables, puisque je comprends beaucoup mieux l'enthousiasme derrière cette BD ! On est vraiment pas passé loin du culte, et c'est presque à regret que je ne met "que" un 4/5.
Parce que cette série est un vrai régal, d'un bout à l'autre ! Je me suis fendu la poire à lire ces péripéties d'une famille totalement ordinaire sortant complètement de l'ordinaire. J'ai presque versée une larme devant ce que l'auteur arrive à nous faire comme scène, et je me suis laissé entrainé sans m'en rendre compte jusqu'au tome final.
Tout est bon dans cette série : les dessins sont géniaux (mais l'auteur n'est pas à son coup d'essai et a une maitrise vraiment remarquable), servis par une pagination habile, avec des personnages crédibles et tellement attachants, des situations hilarantes et des péripéties variées, des questionnements vraiment pointus, des considérations géniales ...
Le gros point fort, c'est le point de départ : cette famille où l'on change de sexe, avec des personnages qui ne glissent ni dans le cliché des travestis ni dans la facilité de l'humour gras. C'est toujours bien mené, hilarant mais jamais méchant, rempli de douceur et de gentillesse. Si on crie contre le manque de visibilité de certaines sexualités en BD, c'est peut-être parce qu'on n'a pas cherché de ce côté : on y trouve travestis, transexuels, lesbiennes et gays, toujours dans l'humour mais jamais dans la méchanceté. On raille les clichés que les autres imposent, on développe des histoires d'amours sensibles et belles. C'est du beau manga, qu'on a envie de relire tant ça force le respect.
Mais tout n'est pas parfait, et je suis déçu par cette fin. Qui ne conclut rien, certes, mais qui passe vite sur certaines intrigues (la relation avec Yoko et tout ce qu'elle vit avec sa mère, le Yakuza et Kaoru, la mère de Kaoru ...), et qui ne donne pas beaucoup d'idée de l'avenir : notre héros continuera-t-il à faire acteur ? Comment envisagent-ils leurs avenirs ? Que deviennent tout les personnages secondaires ?
Je ne demandais pas un développement complet de tout ceci, mais quelques petites pistes, un peu plus de détails ... Là, j'ai vraiment eu l'impression que l'auteur à coupé au milieu en se disant que c'était le moment de passer à autre chose. C'est vraiment dommage, ça gache un peu tout ce qui a été fait ...
Et pour cela, je laisserais un 4/5 amplement mérité. Parce que traiter aussi finement d'un sujet autant risqué, c'est du grand art. Arriver à faire rire sans que jamais on ne sente de méchanceté, de railleries ou de haine, c'est du talent. Arriver à faire des histoires aussi belles (et pas forcément heureuses d'ailleurs), aussi vraies et aussi riches, c'est vraiment du génie. Je suis décidément frustré de cette fin, qui empêche de mettre plus.
Mais que cela ne vous dispense pas de le lire, parce que ça en vaut vraiment, vraiment la peine.
Lorsque j'ai refermé cette bande dessinée après l'avoir lue, la première chose qui m'est venu à l'esprit c'est, clairement : "mais qu'est ce que c'est que ce truc ?".
On en fait pas tous les dimanches matin des bds comme "l'Odeur des Garçons Affamés", véritable objet manuscrit non-identifié, sorte de "western sous psychotropes" à la croisée des chemins entre le soap opera, le western et le récit fantastique.
Ici le décor est vaste, vertigineusement vaste puisqu'il s'agit du grand Ouest américain, encore vierge et inapprivoisé, ou s'épanouissent des autochtones momentanément épargnés de la frénésie industrielle et démograhique WASP par la guerre de Sécession qui vient de se terminer.
Trois aventuriers, cependant, sillonnent la région afin de reconnaître le terrain en vue d'une future exploitation : Stingley, l'entrepreneur véreux, Oscar Forrest le "garçon" de ferme et Milton, photographe irlandais chargé d'immortaliser la beauté sauvage de ce territoire poussiéreux. C'est l'occasion pour ces individus aux caractères différents d'affronter leur point de vue et leur philosophie : d'aucuns piaffent cyniquement d'impatience en songeant aux seuls bénéfices pécuniers à envisager, d'autres se drapent sous l'écologie politique et les droits de l'homme, soucieux de garder cet Eden loin des vices du monde moderne qui vient. Au fil des pages les liens se créent , des secrets bien cachés éclatent au grand jour, certains masques tombent et le ton tourne progressivement vers le fantastique. Hallucinations, rêves étranges hantés d'ectoplasmes, délires visuels, ce chamboulement d'ambiance déroute et charme tout en un, l'oeuvre mue pour se transformer en méta-western.
L'intérêt (à mon sens du moins) de cette BD vient du fait qu'elle ose dépoussiérer les codes d'un genre relativement figé en sortant des sentiers battus. Le bizarre côtoie le familier : les Comanches mutiques et inquiétants brouillent les photographies de manière inexplicable et les chasseurs de primes dissimulent d'affreuses têtes de vampire sous des chapeaux à long bord. Le dessin, relativement simple et minimaliste, est atypique pour un western, plus habitué à des planches sales et fouillées à la Moebius.
C'est un pari risqué de la part de Frederik Peeters et Loo Hui Phang, elle rendra cette BD forcément clivante et rebutera peut être les puristes.
Pour ma part je la considère comme un exercice de style franchement réussi, qui tire tout son sel de son particularisme. Vivement conseillé.
Qui a dit que le western était un genre sclérosé et éteint ?
Après plusieurs années d’interludes il était temps que je parcours le deuxième volume conclusif. Dès lors une refonte de mon avis s’imposait.
J’ai une affection particulière pour cette série qui n’a malheureusement pas très bien marché commercialement alors qu’elle comblerait les attentes de bien des lecteurs en mal de Fantasy à l’ancienne. Siorn prenait le pari risqué de réhabiliter l’Heroic Fantasy pure et dure, un sous-genre qui n’a plus trop la cote de nos jours il faut bien se l’avouer (si on met de côté David Gemmell qui ne cesse d’être réédité). C’est un peu l’adaptation bande-dessinée européenne de Conan que nous n’avons jamais eu d’une certaine façon, car ce Siorn ne trompera personne sur les références et clins d’œil qu’il empreinte au héros le plus célèbre de l’écrivain texan, Robert E. Howard, ainsi qu'à son meilleur illustrateur, Frank Frazetta.
Tout les ingrédients sont réunis sans que rien ne manque : Siorn est un barbare, un Nosvars des steppes du nord, un guerrier solitaire, ou plutôt en exil car en conflit ouvert avec le chef suprême des siens, Kostrok, sa Némésis. Si ce dernier est l’archétype du Nosvars brutal et peu réfléchi, Siorn est son antagoniste : rusé, machiavélique, rapide et adroit. Tandis qu’il pense avoir réussit son casse et dérobé les gemmes de la forteresse de Jolarsh, Siorn est finalement rattrapé puis capturé et ramené auprès de l’infâme reine Ysbel (elle aussi archétype de la femme lascive tigresse à dompter de l’Heroic Fantasy) qui voit en ce sauvage malicieux un outil qu’elle peut utiliser dans sa guerre personnelle contre son frère. Mais on ne contraint pas si facilement un homme comme Siorn… Aussi, sur une idée inspirée probablement par New York 1997, Ysbel empoisonne Siorn, l’obligeant à se lancer dans une mission impossible derrière les lignes ennemies s’il souhaite obtenir l’antidote.
Les personnages sont cyniques à mort, portés par leurs petites ambitions égoïste, et même s’ils se battent du « bon » côté pour certains, ils ne le font que rarement pour la bonne cause mais parce que contraints et forcés. Le degré de violence se veut réaliste, ça perce la chair, le sang coule à gros bouillon, ça tranche des membres aussi facilement qu’un bon morceau de bœuf de Kobe. Les protagonistes s’aident d’une panoplie exhaustive d’armure et d’armes : la massue géante pour Kostork le bestiau, Siorn usant d’une hache en forme d’ailes de papillon style Druss la légende, Gaïl avec son marteau et sa carrure rappelle Brienne de Tarth du TdF, et la sexy Hebryn manie la faux (ou bien est-ce un tumi ? ) avec grâce.
D’un survival-actioner dans le tome 1 on passe à un compte à rebours avec repli défensif des « good guy » qui usent de la tactique militaire de la terre brûlée pour contrer l’avancée de l’armée Nosvars. Avant l’ordalie qui décidera du sort de la guerre dans un duel opposant Siorn le rebelle à sa Némésis, moment classique bien que toujours aussi épique, le récit est entrecoupé de sabotages, coups tordus d’assassin en scred, combat de boxe pour montrer qui c’est qui a la plus grosse, et autres escarmouches où on laisse place au chant des armes. Quel dommage que les auteurs n’aillent pas au bout du truc et ne nous offre une vraie histoire de Sword & Sorcery d’antan. Car point de créature infernale à zigouiller, de sorcier à débusquer sous une montagne de feu, ou de vieille relique à dénicher dans un tombeau hanté par un dieu ancien. On regrettera également que la fin soit en points de suspensions laissant augurer une possible suite dont on sait pertinemment aujourd'hui qu'elle ne verra jamais l'aube.
Parlons du visuel à présent. Le style semi-réaliste de Morgann Tanco est excellent mais que par intermittence selon mon impression personnelle. Si la majorité des dessins possèdent un encrage soigné et détaillé dans la lignée des Lauffray, Montaigne, Meyer et cie pour donner une idée ; j’ai parfois eu l’impression qu’il s’essoufflait par moment sur le tome 2 avec des arrières plans moins peaufinés. De même, si les couleurs m’ont globalement comblé, parfois je me suis demandé si le dessinateur n’avait pas eu du mal à respecter les délais pour fignoler. Avec Denis Bechu et GOM ils ont beau s’y être mis à trois, je n’ai pas toujours trouvé le raffinement identique tout le long. Néanmoins, le découpage est dynamique notamment lors des phases d'action, donc bien à propos avec la tonalité du récit. Et puis dans la recherche graphique je rassure, il y a à manger et à boire. Les personnages ont les gueules « leonesques » qu’ils doivent avoir, les paysages évocateurs font leur taf niveau sensationnel. Voir Siorn chevaucher aux côtés d’Hebryn dans les montagnes devant un ciel rosé m’a rappelé ce bon vieux Schwarzenegger gambadant dans les steppes l’horizon pointant devant lui.
C’est beau, du divertissement grand public pas pour les pisse-froids.
« Les hommes civilisés sont plus discourtois que les sauvages, car ils savent qu’ils peuvent se montrer impolis sans se faire automatiquement fendre le crâne ». Robert E. Howard.
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Perfect World
C'est la première oeuvre de la mangaka qui réussit son entrée en la matière sur un sujet très sensible. Il s'agit de la vie amoureuse de personne handicapée. Notre beau héros n'a par exemple plus l'usage de ses jambes suite à un accident de voiture. Le thème est celui d'une certaine forme de sensibilisation sur les personnes handicapée et les obstacles qu'elles doivent rencontrer dans une société qui les ignorent ou pire qui a pitié d'eux. Je n'ai pas trop aimé l'entrée en matière de ce récit où l'héroïne retrouve son premier amour lors d'une soirée professionnelle. Fort heureusement, la suite sera fortement intéressante. La qualité graphique ne sera pas la première qualité de cette oeuvre bouleversante, poétique et sociale. Cependant, le dessin reste correct même s'il manque de précision notamment dans les décors. J'ai par contre bien apprécié le réalisme des situations car rien n'est occulté ou enjolivé. En effet, on se prend réellement d'amitié pour le couple qui devra traversé bien des épreuves pour pouvoir vivre leur relation pleinement et sereinement. La belle héroïne qui travaille dans une société de décoration intérieure va t'elle sortir avec un handicapé ? Aura t'elle la force d'affronter avec lui le regard des autres et de la famille ? Pourra t'elle fonder une famille ? Va t'elle le regretter en vieillissant? Bref, de douloureuses questions qui se posent dans cette romance... En conclusion, une belle série qui va en se bonifiant de tomes en tomes. Cependant, il faudra sortir les mouchoirs. Le public du livre et film Nos étoiles contraires apprécieront. Je voudrais également dédié cet avis à un collègue très sympa qui a malheureusement perdu également l'usage de ses deux jambes. C'est avec de telle lecture qu'on peut retrouver la force de se battre contre les préjugés sur le handicap.
Mattéo
C'est vrai qu'on se dit qu'il est bien bête ce fier Mattéo de partir à la grande guerre pour épater sa Juliette qui a le coeur qui balance pour un autre homme issu d'une famille bourgeoise. Pourtant, avec un père antimilitariste et anarchiste qui a dû fuir l'Espagne, cela aurait dû le conduire à y réfléchir à deux fois. Même son ami qui revient estropié du front ne le fera pas changer d'avis. Il va vite déchanter notre Mattéo au fin fond des tranchées qui enterrent ses dernières illusions ! On nous promet une épopée époustouflante sur fond de passion romantique. Ce 1er tome réussit parfaitement à faire son effet car nous avons deux personnages qui d'un premier abord ne sont pas fait pour s'aimer mutuellement. En effet, le beau et vulnérable Mattéo vit seul avec sa mère après la mort de son père braconnier disparu en mer. Juliette est une ravissante jeune fille issue d'un milieu plus aisée qui est vêtue de belles robes jetant un érotisme troublant. L'auteur Jean-Pierre Gibrat possède une auréole particulière dans le monde de la bande dessinée depuis ses deux chefs d'oeuvre que sont Le Sursis et Le Vol du Corbeau. Ce n'est pas un auteur très prolifique. Du coup, ses productions sont très attendues par les nombreux fans. Graphiquement, c'est que du bonheur ! Une parfaite maîtrise des aquarelles ! Une colorisation qui sublime nos émotions. Il y a de la spontanéité dans son trait qui en fait oublier les petits défauts. Ce dessin est quasi-magnifique ! L'auteur parvient à conférer à ses personnages une véritable force tourmentée. Je suivrai avec délectation les aventures guerrières de ce coeur perdu. La fin de ce premier tome nous promet une suite bien mouvementée. Et cette suite se produit dans un cadre qu'on n'attendait pas à savoir celui de la Révolution Rouge qui s'abat sur la Russie tsariste alors que l'Occident est toujours en proie à une horrible guerre de tranchée. On est totalement pris par l'ambiance de cette révolution jusque dans son idéologie et ses premières contradictions. Dans le 2ème tome, Mattéo est en effet devenu un déserteur anarchiste. Il va côtoyer à nouveau l'amour et la mort. On commence à se dire que ce sympathique personnage se fourre toujours dans des conflits qui lui sont étrangers par dépit amoureux. Entre romantisme et échanges idéologiques, cette série offre bien des surprises. Personnellement, ce qui m'a intéressé était de découvrir le conflit qu'il y avait entre les néo-communistes et les anarchistes pour la prise du pouvoir. C'était quelque chose que j'ignorais jusqu'ici car on a souvent évoqué ce qui opposait les blancs aux rouges mais pas les noirs. Le travail de recherche historique apporte une dimension réaliste au récit avec également des personnages plutôt crédibles. Le trait est toujours aussi exceptionnel dans son réalisme grâce à une colorisation qui colle à merveille. Ce second tome est une réussite qui confirme le talent de l'auteur comme un des plus grands maîtres de la bande dessinée. Le 3ème tome fait un bond dans le temps. On passe à l'année 1936, celle du front populaire alors que l'Allemagne et l'Italie se prépare à la guerre. L'écriture demeure toujours aussi riche. On regrettera cependant de ne pas savoir ce qui s'est passé pendant ces 18 dernières années où notre héros a dû purger sa peine d'emprisonnement dans les bagnes de Cayenne. Il ne semble pas avoir subi le poids des années malgré sans doute de dures conditions. C'est également le temps des ballades sur la plage après avoir traversé la révolution russe et la première guerre mondiale dans les tranchées. Bref, c'est l'album d'une pause sans doute nécessaire. Dans le 4ème tome, Mattéo combat aux côtés des Républicains contre les Nationalistes lors de la guerre d'Espagne. Il a enfin un peu vieilli car on se retrouve tout de même en 1936 soit 20 ans de plus qu'au commencement du premier tome. Cependant, il est toujours aussi actif au côté d'Amélie, la belle infirmière. Rien à redire sur le dessin toujours aussi sublime de Gibrat. Les couleurs des paysages de la Catalogne (pour ne pas dire l'Espagne) sont très belles et assez marquantes. Au niveau du scénario, cela sera un tome assez lent où le récit prend son temps. D'un autre côté, il y a la qualité des dialogues ainsi qu'une certaine crédibilité de l'histoire. Au final, une belle saga romantique sur fond de tragédie historique à découvrir de toute urgence ! Note Dessin : 4.5/5 – Note Scénario : 4/5 – Note Globale : 4.25/5
Les Mondes de Thorgal - Kriss de Valnor
Thorgal est MA série préférée, celle par qui tout a commencé dans ma passion pour la bande dessinée. C'est donc avec un grand intérêt que j'ai acheté le jour même de sa parution ce spin-off qui va faire la lumière sur différents personnages de la saga Thorgal de la même manière que Jean Van Hamme a procédé sur la série XIII. On commence tout d'abord par l'un des personnages les plus charismatiques de la bande dessinée, celle qu'on adore détester à savoir la fameuse Kriss de Valnor. Il faut dire qu'on l'avait quittée en une bien mauvaise posture dans la série mère. Elle sacrifiait sa vie pour sauver toute la famille de Thorgal. C'était beau et presque incroyable. Au fond, on devinait que se cachaient de biens lourdes épreuves durant sa jeunesse. Devant le tribunal des Walkyries, nous allons enfin avoir des révélations. Au passage, on remarquera un raccord tout à fait remarquable entre les deux séries. Je trouve que ce début est plutôt une réussite car nous retrouvons l'esprit même des mondes de Thorgal. Certes, le scénariste Yves Sente n'évite pas certains clichés. Cependant, l'essentiel y est, c'est à dire un scénario efficace, une mise en page intelligente et un dessin respectueux de Rosinski qui intègre ses codes graphiques. Que demander de plus ? Une suite du même acabit ! La seconde partie de ce diptyque est plutôt intéressante car il fait directement le lien avec le tome 9 de la série mère Thorgal à savoir l'album des archers où ce personnage emblématique apparaît pour la première fois. Il y a là une habilité scénaristique qu'on ne pourra que souligner. Pour autant, la fin se devine assez aisément. Qu'importe car les fans seront tout de même ravi ! La troisième partie est celle que je n'attendais pas car je pensais au début que nous avions un diptyque. Celle-ci se révèle très vite de très haut niveau. Le scénario est prenant et fait directement le lien avec le bateau-sabre (tome 33 de Thorgal). On a l'impression que cette série parallèle avance de concert avec la série mère ce qui renforce la cohérence ainsi que l'univers crée. Le dessin est réellement fidèle à l'esprit de Rosinski. L'évolution de Kriss devient assez intéressante car c'est un personnage qui passe du côté du bien et on apprécie qu'elle soit une véritable héroïne. Il est vrai que les puristes pourront crier au scandale. Par ailleurs, j'ai apprécié les méandres du pouvoir ainsi que le jeu politique auxquels se livrent certains protagonistes. On dévore cette aventure avec plaisir. C'est l'un des meilleurs tomes ! Le 4ème tome sera celui des alliances où Kriss tente de s’imposer dans un monde d’homme et de guerre. J’ai bien aimé la surprise de taille qui nous attend. L’intrigue est toujours classique mais parfaitement bien maîtrisée. On en redemande toujours ! Ces intrigues de trône renvoient à la désormais très célèbre série. On va néanmoins assister à une baisse de régime dans les épisodes 5 et 6 qui ne sont au fond que des aventures transitoires pour allonger la sauce. Pourtant, changement dans l’équipe des scénaristes avec le tome 6. Quant au dessin, rien à redire car il reste conforme à l’univers graphique de Rosinski. Le tome 7 est assez étrange car il commence en effet avec cette fameuse montagne du temps où les épreuves s'accumulent pour Kriss de Valnor qui souhaite sauver également son fils. La dernière partie de l'album est entièrement consacrée à Jolan qui est confronté à l'empereur Magnus qui ressemble étrangement à Charlemagne. Son intrigue est également assez intéressante mais on se rend compte que cela aurait pu faire l'objet d'une autre série dans les mondes de Thorgal qui lui serait consacré. En l'occurrence, il partage l'affiche avec Kriss pour deux récits totalement différents. Au final, une bonne utilisation de l’univers des Thorgal. Note Dessin: 4/5 - Note Scénario: 4/5 - Note Globale: 4/5
L'Homme qui n'aimait pas les armes à feu
Je suis un amateur de western en bd, et Delcourt m'avait déjà permis de prendre beaucoup de plaisir avec la lecture il y a pas mal de temps de Wayne Redlake et de Trio Grande. C'est dans cette veine qu'a été taillé cet album, où tout m'a plu, du dessin au scénario en passant par la colorisation. J'ai même pu hélas croire qu'il allait leur ressembler en se transformant en one shot, mais un second tome est prévu pour dans quelques mois, ouf ! J'espère que la suite sera du même niveau, car la série a commencé sur les chapeaux de roue, ne se contentant pas d'une présentation laborieuse du casting et du décor. C'est drôle, ça bouge, le temps s'étire ou se compresse sans que l'incongruité ou le côté improbable des situations ne nous empêchent d'y croire. C'est bien le propre d'une bonne histoire, de confier à notre imagination le soin de relier les éléments fournis par les auteurs. Et comme en plus l'héroïne est jolie, on a là tous les clichés bien (et même très bien !) étalés devant nous pour nous donner envie de lire la suite. J'espère qu'elle ne me décevra pas, car la barre est placée plutôt haut. ****************** Après lecture du tome 2: Je suis un peu moins enthousiaste après la lecture du deuxième tome. Quoi que... J'ai trouvé cet album moins rythmé. Il est plus explicatif, fonctionnant pas mal sur de longs flash back censés expliquer comment on en est arrivé à la situation de départ du premier tome. C'est pas mal fait, mais j'avais l'impression d'un ralentissement de l'intrigue et étais déçu au début. Malgré ce bémol, je maintiens tout de même les quatre étoiles et attends avec impatience la suite. C'est qu'il n'y a pas que des déceptions. D'abord, le dessin de Salomone est toujours excellent je trouve ! Et le cahier graphique ajouté en fin d'album, avec des esquisses et recherches est un plus appréciable. En particulier avec la belle Margot, qui est plus que mise en valeur !... Margot justement, qui encore dynamite le récit. Chacune de ses apparitions assure le lecteur d'un plaisir visuel, certes, mais aussi d'une série de rebondissements, d'entourloupes et autres coups fourrés propres à le tenir en haleine. Et la reprise de l'intrigue vers la fin de l'album promet quelques petits désagréments pour l'ensemble des protagonistes qui entourent Margot (certains pour l'encercler et la massacrer, comme Byron et Knut [toujours impayable avec ses borborygmes haineux], d'autres pour la protéger comme Tim [seul personnage transparent, fallot de la série], ou la surveiller comme l'Indien qu'on découvre moins terne que dans le premier tome). Après avoir repris quelque peu de souffle dans ce deuxième tome, j'espère que le suivant - qui doit se faire moins attendre ! reprendra le rythme effréné du premier. Une série qui s'imposerait alors comme indispensable ! **************************** Après lecture du tome trois: Dans ce troisième tome l'intrigue se poursuit, comme l'ensemble des protagonistes poursuivent Margot. Celle-ci est de plus en plus au centre de l'histoire, des regards, voire de la cible, puisqu'à l'Indien, Tim et l'improbable duo Byron/Knut se joignent d'autres victimes des roueries de la belle. Quelques toutes petites baisses de régimes, quelques respirations, mais le rythme global n'en pâtit pas trop, c'est toujours aussi dynamique et jouissif. Parmi les victimes revanchardes et autres poursuivants de Margot, quelques changements. De nouveaux venus, Navajos (et potentiellement un officier US et sa famille, ainsi qu'une mère supérieure: à croire que bientôt tout ce que compte ce Far West finissant sera à ses trousses !), et aussi un Tim un peu moins falot, aveugle, déniaisé par ce qu'il découvre de Margot, qu'il se permet même de traiter de salope ! Margot de Garine donc, encore et toujours à la baguette, la "sallhooop" de Knut domine encore le jeu. Quoi que... En tout cas elle est plus que mise en valeur par le toujours très beau dessin de Salomone (voir aussi la série de cartes postales accompagnant la première édition de l'album). Très beau dessin, et des couleurs elles aussi parfaites. Bref, une lecture toujours aussi recommandable, alors qu'est annoncé le quatrième et dernier tome, qui j'espère conclura en beauté une des meilleures séries du genre depuis longtemps. Une série qui confirme le talent de Lupano ! ***************** Après lecture du quatrième et dernier tome. Ce quatrième album clôt la série, en précisant les liens entre les protagonistes, et la situation de départ. Il donne aussi des éclairages amusant sur la NRA et les réserves Navajos (en s'affranchissant quelque peu de la réalité historique, mais on s'en fiche). Si Margot est bien encore la méchante de l'histoire, sa rouerie est quelque peu atténuée ici, et j'ai eu l'impression qu'après le décollage brutal, et les quelques accélérations/freinages des tomes suivants, Lupano avait décidé d'un atterrissage un peu plus calme. Mais cette série, malgré des baisses de régime après le tome inaugural, qui bénéficie d'un très joli dessin, est quand même une chouette réussite, qu'il serait vraiment dommage de ne pas avoir lue.
Prends soin de toi
Grégory Mardon est l'auteur dont j'attends patiemment chacune de ses publications car il m'a bien étonné ces dernières années avec notamment Petite frappe ou encore Madame désire ?. Ces oeuvres sont résolument modernes et surtout elles me parlent. Rares sont ceux qui peuvent y réussir. Par ailleurs, le dessin est rempli de grâce jusque dans les décors ou les mouvements. Les personnages sont particulièrement réussis comme à son habitude. Prends soin de toi est une sorte de fable morale sur un road-trip d'un homme dont la compagne vient de le quitter pour faire sa vie avec un autre. La rupture est toujours un moment délicat à vivre car on ne voudrait jamais se séparer et continuer à vivre ensemble comme si de rien n'était. la vie est fait également de ces grandes contrariétés. J'ai bien aimé la mission prétexte que cet homme s'est assigné en voulant rendre une vieille lettre non ouverte à son auteur plus de 40 ans après. La conclusion fait du bien et permets de comprendre qu'il faut continuer à vivre coûte que coûte. C'est certes classique dans l'approche mais c'est une lecture agréable qui fait mouche. Bref, un récit d'introspection admirable et plein d'empathie. A déconseiller bien évidemment à ceux qui sont vieux jeux.
Henriquet - L'homme-reine
Richard Guérineau donne une suite à son Charly 9, je crois que c'était inévitable. Et comme j'avais apprécié l'ensemble sans en cautionner tous les aspects, ici en revanche je suis pleinement satisfait. Guérineau se lâche tout seul sans scénariste derrière lui, et use d'un dialogue beaucoup plus conforme avec un beau français d'époque, sans qu'il soit pour autant pesant et pénible. Le plus étonnant, c'est qu'il a parfaitement respecté tout l'aspect historique qui sert de fond à son récit, tout est vrai, c'est une période de l'Histoire de France très critique, Charles IX ayant légué à son frère Henri III un royaume malade des guerres de Religion et d'une Saint-Barthélémy funeste qui a fait rejaillir sur la monarchie un vent de cruauté sanglante. Ce roi, le plus intelligent des 3 fils de Catherine de Médicis ayant régné, a dû affronter bien des vicissitudes, des difficultés et des complots contre sa politique, qu'il lui a été houleux de diriger le pays. Je connais parfaitement cette période, je l'ai beaucoup étudiée pour savoir que ce dernier Valois a fait tout ce qu'il a pu pour obtenir la paix et apaiser les tensions entre huguenots et catholiques. Mais il y avait trop de forces contre lui, le poids était trop lourd. Je crois que Guérineau a su bien faire sentir tout ça au lecteur, il donne un aperçu très complexe du royaume de cette époque. Si on est passionné comme moi par cette période, on est aux anges, mais si on est peu connaisseur, on risque d'être un peu largué tant les rouages de la politique sont compliqués et tant il y de protagonistes que Guérineau fait défiler, tous pourtant très connus... entre Catherine la reine-mère, la soeur Margot, François d'Alençon le frère gênant, Henriot qui n'est encore que roi de Navarre, Henri de Guise, les Mignons Joyeuse, O, Epernon, Quélus etc et bien d'autres encore, ça fait beaucoup de monde. Les événements ou faits sont rapportés assez fidèlement, tels l'assassinat du duc de Guise ou la bataille de Coutras... Je trouve que Guérineau a été beaucoup plus sérieux dans son traitement que sur Charly 9 qui suivait le bouquin de Teulé ; ici, il est libre d'interpréter l'Histoire à sa façon mais en la respectant beaucoup plus. D'ailleurs il use de procédés identiques vus dans Charly 9, notamment les styles graphiques différents (j'adore la parodie de l' Histoire de France en Bandes Dessinées) et un certain humour. Il ne peut éviter 1 ou 2 parodies graphiques un peu limite, mais dans l'ensemble, le résultat est plus intéressant que dans Charly 9. Sur la personnalité du roi, on a beaucoup exagéré son côté maniéré, ses "mignardises " et sa soi-disant homosexualité, alors qu'il était un roi sans doute précieux, peut-être légèrement efféminé mais aimant aussi les femmes. On sait qu'il a honoré plus d'une fois la reine Louise pour qui il avait une réelle affection, et d'ailleurs celle-ci le lui rendra après sa mort, conservant un deuil sincère et durable. Guérineau sacrifie donc à 2 ou 3 reprises sur quelques tenues excentriques, mais c'est pour amuser la galerie, Henri étant plus porté sur une certaine élégance, il n'y a qu'à voir les tableaux le représentant toujours fardé mais impeccable et en habit d'homme, au contraire du futur Henri IV qui lui sentait l'écurie et avait des frusques parfois négligées. Guérineau inclut aussi des mots historiques apocryphes ou les détourne de façon amusante, il en oublie aussi de plus fameux. Bref, son approche de ce règne et d'un roi qui commence à être réhabilité par les historiens, est fort subtile. Je m'attendais à plein de dérives un peu connes comme il l'a fait sur Charly 9, à une exagération gratuite sur l'homosexualité et les Mignons, mais point, à part 2 ou 3 trucs sans importance. L'ouvrage est de bonne facture sur le plan historique, c'est ce qui me réjouit. Au niveau graphique, c'est également très agréable, j'aime ce dessin semi-réaliste qui reproduit bien les personnages connus et les édifices avec une bonne dynamique dans la mise en page. L'épilogue dessiné dans un style caricatural imité de Dick Browne, est jubilatoire avec Montaigne et Pierre de l'Estoile qui "arrangent" le dernier mot d'Henri lors de son assassinat par le moine fanatique Jacques Clément. C'est en effet ce mot qui a traversé la postérité, et je gage que beaucoup d'autres en divers siècles ont été enjolivés de même façon. Au final, même si Guérineau a donné sa vision personnelle de ce roi, il a quand même suivi de belle façon l'Histoire de France et n'a pas détourné grand chose, il a même oublié les anachronismes et a non seulement atténué le côté homosexuel du roi, mais a aussi introduit des détails intéressants sur de petits éléments réels (les braguettes, le bilboquet etc..). C'est donc un ouvrage plus sérieux tout en ayant recours aux mêmes recettes qui ont fait le succès de Charly 9, qui déboulonne la mauvaise réputation de ce roi, un subtil équilibre entre le biopic historique et le ton décalé propre à l'auteur.
Les Cinq Conteurs de Bagdad
Voila une bien belle histoire qui se concentre sur un sujet bien particulier : le fait de raconter des histoires et leur impact. Et je dois dire que la BD rapporte à merveille l'art oratoire. Entre son dessin qui arrive à retranscrire les ambiances chaudes d'un pays du Moyen-Orient et son sujet qui se retranscrit dans tout les aspects de l'histoire, on est vite de plein pied dans le récit. Cette histoire qui fait justement très conte nous entraine dans le sillage de cinq conteurs à la recherche de la façon de gagner le concours organisé par le calife de Bagdad. Comment être le meilleur dans l'art oratoire, comment raconter de la meilleure des façons et captiver le plus de monde ? La question se pose au début, mais j'avoue que le déroulé (et surtout la fin) m'a surpris. Car je m'attendais à quelque chose de plus classique sur la forme et le fond. Mais Fabien Vehlmann sait lui aussi manipuler l'art narratif et nous entrainer dans diverses circonvolutions qui donnent tout l'intérêt au récit. Ici, nous parlons de la puissance de la parole, de l'histoire, de ce qu'on raconte. Il y a une réflexion puissante sur ce que vaut le récit, la question du conteur et ce qu'on a à raconter. A ce niveau, j'aime beaucoup ce que la fin propose comme dénouement. C'était inattendu et bienvenue aussi. Ni heureuse ni malheureuse, elle semble nous rappeler qu'il est bon pour l'homme de raconter et écouter des histoires. Je suis friand de ça et je trouve que c'est une très belle conclusion. En tout cas, la BD m'a plu dans son message, son graphisme et son histoire. Une belle réussite !
F.Compo
Je remet un avis plus récent sur cette série qui était resté longtemps dans les immanquables, puisque je comprends beaucoup mieux l'enthousiasme derrière cette BD ! On est vraiment pas passé loin du culte, et c'est presque à regret que je ne met "que" un 4/5. Parce que cette série est un vrai régal, d'un bout à l'autre ! Je me suis fendu la poire à lire ces péripéties d'une famille totalement ordinaire sortant complètement de l'ordinaire. J'ai presque versée une larme devant ce que l'auteur arrive à nous faire comme scène, et je me suis laissé entrainé sans m'en rendre compte jusqu'au tome final. Tout est bon dans cette série : les dessins sont géniaux (mais l'auteur n'est pas à son coup d'essai et a une maitrise vraiment remarquable), servis par une pagination habile, avec des personnages crédibles et tellement attachants, des situations hilarantes et des péripéties variées, des questionnements vraiment pointus, des considérations géniales ... Le gros point fort, c'est le point de départ : cette famille où l'on change de sexe, avec des personnages qui ne glissent ni dans le cliché des travestis ni dans la facilité de l'humour gras. C'est toujours bien mené, hilarant mais jamais méchant, rempli de douceur et de gentillesse. Si on crie contre le manque de visibilité de certaines sexualités en BD, c'est peut-être parce qu'on n'a pas cherché de ce côté : on y trouve travestis, transexuels, lesbiennes et gays, toujours dans l'humour mais jamais dans la méchanceté. On raille les clichés que les autres imposent, on développe des histoires d'amours sensibles et belles. C'est du beau manga, qu'on a envie de relire tant ça force le respect. Mais tout n'est pas parfait, et je suis déçu par cette fin. Qui ne conclut rien, certes, mais qui passe vite sur certaines intrigues (la relation avec Yoko et tout ce qu'elle vit avec sa mère, le Yakuza et Kaoru, la mère de Kaoru ...), et qui ne donne pas beaucoup d'idée de l'avenir : notre héros continuera-t-il à faire acteur ? Comment envisagent-ils leurs avenirs ? Que deviennent tout les personnages secondaires ? Je ne demandais pas un développement complet de tout ceci, mais quelques petites pistes, un peu plus de détails ... Là, j'ai vraiment eu l'impression que l'auteur à coupé au milieu en se disant que c'était le moment de passer à autre chose. C'est vraiment dommage, ça gache un peu tout ce qui a été fait ... Et pour cela, je laisserais un 4/5 amplement mérité. Parce que traiter aussi finement d'un sujet autant risqué, c'est du grand art. Arriver à faire rire sans que jamais on ne sente de méchanceté, de railleries ou de haine, c'est du talent. Arriver à faire des histoires aussi belles (et pas forcément heureuses d'ailleurs), aussi vraies et aussi riches, c'est vraiment du génie. Je suis décidément frustré de cette fin, qui empêche de mettre plus. Mais que cela ne vous dispense pas de le lire, parce que ça en vaut vraiment, vraiment la peine.
L'Odeur des garçons affamés
Lorsque j'ai refermé cette bande dessinée après l'avoir lue, la première chose qui m'est venu à l'esprit c'est, clairement : "mais qu'est ce que c'est que ce truc ?". On en fait pas tous les dimanches matin des bds comme "l'Odeur des Garçons Affamés", véritable objet manuscrit non-identifié, sorte de "western sous psychotropes" à la croisée des chemins entre le soap opera, le western et le récit fantastique. Ici le décor est vaste, vertigineusement vaste puisqu'il s'agit du grand Ouest américain, encore vierge et inapprivoisé, ou s'épanouissent des autochtones momentanément épargnés de la frénésie industrielle et démograhique WASP par la guerre de Sécession qui vient de se terminer. Trois aventuriers, cependant, sillonnent la région afin de reconnaître le terrain en vue d'une future exploitation : Stingley, l'entrepreneur véreux, Oscar Forrest le "garçon" de ferme et Milton, photographe irlandais chargé d'immortaliser la beauté sauvage de ce territoire poussiéreux. C'est l'occasion pour ces individus aux caractères différents d'affronter leur point de vue et leur philosophie : d'aucuns piaffent cyniquement d'impatience en songeant aux seuls bénéfices pécuniers à envisager, d'autres se drapent sous l'écologie politique et les droits de l'homme, soucieux de garder cet Eden loin des vices du monde moderne qui vient. Au fil des pages les liens se créent , des secrets bien cachés éclatent au grand jour, certains masques tombent et le ton tourne progressivement vers le fantastique. Hallucinations, rêves étranges hantés d'ectoplasmes, délires visuels, ce chamboulement d'ambiance déroute et charme tout en un, l'oeuvre mue pour se transformer en méta-western. L'intérêt (à mon sens du moins) de cette BD vient du fait qu'elle ose dépoussiérer les codes d'un genre relativement figé en sortant des sentiers battus. Le bizarre côtoie le familier : les Comanches mutiques et inquiétants brouillent les photographies de manière inexplicable et les chasseurs de primes dissimulent d'affreuses têtes de vampire sous des chapeaux à long bord. Le dessin, relativement simple et minimaliste, est atypique pour un western, plus habitué à des planches sales et fouillées à la Moebius. C'est un pari risqué de la part de Frederik Peeters et Loo Hui Phang, elle rendra cette BD forcément clivante et rebutera peut être les puristes. Pour ma part je la considère comme un exercice de style franchement réussi, qui tire tout son sel de son particularisme. Vivement conseillé. Qui a dit que le western était un genre sclérosé et éteint ?
Siorn
Après plusieurs années d’interludes il était temps que je parcours le deuxième volume conclusif. Dès lors une refonte de mon avis s’imposait. J’ai une affection particulière pour cette série qui n’a malheureusement pas très bien marché commercialement alors qu’elle comblerait les attentes de bien des lecteurs en mal de Fantasy à l’ancienne. Siorn prenait le pari risqué de réhabiliter l’Heroic Fantasy pure et dure, un sous-genre qui n’a plus trop la cote de nos jours il faut bien se l’avouer (si on met de côté David Gemmell qui ne cesse d’être réédité). C’est un peu l’adaptation bande-dessinée européenne de Conan que nous n’avons jamais eu d’une certaine façon, car ce Siorn ne trompera personne sur les références et clins d’œil qu’il empreinte au héros le plus célèbre de l’écrivain texan, Robert E. Howard, ainsi qu'à son meilleur illustrateur, Frank Frazetta. Tout les ingrédients sont réunis sans que rien ne manque : Siorn est un barbare, un Nosvars des steppes du nord, un guerrier solitaire, ou plutôt en exil car en conflit ouvert avec le chef suprême des siens, Kostrok, sa Némésis. Si ce dernier est l’archétype du Nosvars brutal et peu réfléchi, Siorn est son antagoniste : rusé, machiavélique, rapide et adroit. Tandis qu’il pense avoir réussit son casse et dérobé les gemmes de la forteresse de Jolarsh, Siorn est finalement rattrapé puis capturé et ramené auprès de l’infâme reine Ysbel (elle aussi archétype de la femme lascive tigresse à dompter de l’Heroic Fantasy) qui voit en ce sauvage malicieux un outil qu’elle peut utiliser dans sa guerre personnelle contre son frère. Mais on ne contraint pas si facilement un homme comme Siorn… Aussi, sur une idée inspirée probablement par New York 1997, Ysbel empoisonne Siorn, l’obligeant à se lancer dans une mission impossible derrière les lignes ennemies s’il souhaite obtenir l’antidote. Les personnages sont cyniques à mort, portés par leurs petites ambitions égoïste, et même s’ils se battent du « bon » côté pour certains, ils ne le font que rarement pour la bonne cause mais parce que contraints et forcés. Le degré de violence se veut réaliste, ça perce la chair, le sang coule à gros bouillon, ça tranche des membres aussi facilement qu’un bon morceau de bœuf de Kobe. Les protagonistes s’aident d’une panoplie exhaustive d’armure et d’armes : la massue géante pour Kostork le bestiau, Siorn usant d’une hache en forme d’ailes de papillon style Druss la légende, Gaïl avec son marteau et sa carrure rappelle Brienne de Tarth du TdF, et la sexy Hebryn manie la faux (ou bien est-ce un tumi ? ) avec grâce. D’un survival-actioner dans le tome 1 on passe à un compte à rebours avec repli défensif des « good guy » qui usent de la tactique militaire de la terre brûlée pour contrer l’avancée de l’armée Nosvars. Avant l’ordalie qui décidera du sort de la guerre dans un duel opposant Siorn le rebelle à sa Némésis, moment classique bien que toujours aussi épique, le récit est entrecoupé de sabotages, coups tordus d’assassin en scred, combat de boxe pour montrer qui c’est qui a la plus grosse, et autres escarmouches où on laisse place au chant des armes. Quel dommage que les auteurs n’aillent pas au bout du truc et ne nous offre une vraie histoire de Sword & Sorcery d’antan. Car point de créature infernale à zigouiller, de sorcier à débusquer sous une montagne de feu, ou de vieille relique à dénicher dans un tombeau hanté par un dieu ancien. On regrettera également que la fin soit en points de suspensions laissant augurer une possible suite dont on sait pertinemment aujourd'hui qu'elle ne verra jamais l'aube. Parlons du visuel à présent. Le style semi-réaliste de Morgann Tanco est excellent mais que par intermittence selon mon impression personnelle. Si la majorité des dessins possèdent un encrage soigné et détaillé dans la lignée des Lauffray, Montaigne, Meyer et cie pour donner une idée ; j’ai parfois eu l’impression qu’il s’essoufflait par moment sur le tome 2 avec des arrières plans moins peaufinés. De même, si les couleurs m’ont globalement comblé, parfois je me suis demandé si le dessinateur n’avait pas eu du mal à respecter les délais pour fignoler. Avec Denis Bechu et GOM ils ont beau s’y être mis à trois, je n’ai pas toujours trouvé le raffinement identique tout le long. Néanmoins, le découpage est dynamique notamment lors des phases d'action, donc bien à propos avec la tonalité du récit. Et puis dans la recherche graphique je rassure, il y a à manger et à boire. Les personnages ont les gueules « leonesques » qu’ils doivent avoir, les paysages évocateurs font leur taf niveau sensationnel. Voir Siorn chevaucher aux côtés d’Hebryn dans les montagnes devant un ciel rosé m’a rappelé ce bon vieux Schwarzenegger gambadant dans les steppes l’horizon pointant devant lui. C’est beau, du divertissement grand public pas pour les pisse-froids. « Les hommes civilisés sont plus discourtois que les sauvages, car ils savent qu’ils peuvent se montrer impolis sans se faire automatiquement fendre le crâne ». Robert E. Howard.