Livre 2 : Le Livre des délices et des infortunes :
Doté d’une très belle couverture mettant en scène trois personnages égarés dans une forêt épaisse et mystérieuse, espionnés par trois étranges créatures mi-canidés mi-humaines en premier plan, le récit nous met de manière inattendue dans les pas du personnage secondaire du premier volume, Pontus, en compagnie de Brumel, la fille de Timoléon et Gasgar, tous deux victimes du clan des Guérisseuses, et de Krekl, un « homonte » de la branche néandertalienne, artiste chamane dont la discrétion n’a d’égal que son aura. Les trois compagnons auront pour quête de franchir la muraille pour rejoindre la cité de Turbia. En vertu d’un accord entre Timoléon (dont on ignore ce qu’il est advenu suite au coup d’Etat des Guérisseuses) et son ami le comte Lupullo, ce dernier avait accepté de se fiancer à Brumel pour sceller une alliance entre Elbaar et Valcarna face au Dombrak. Hélas, les choses ne se dérouleront pas tout à fait comme prévu…
Si l’effet de surprise du premier tome est moins flagrant (nous sommes désormais familiarisés avec les us et coutumes des Nors), ce nouveau chapitre va s’orienter vers le genre plus classique de l’épopée médiévale, avec son lot de complots et d’alliances stratégiques, jusqu’à la terrible bataille finale. Depuis la prise de pouvoir par la secte religieuse des Guérisseuses, les interactions entre Nors et Mérogs se sont accrues, et malheureusement pas dans une optique pacificatrice. Ce « Livre des délices et des infortunes » va confirmer la maîtrise totale de Nicolas Puzenat dans sa narration, d’une fluidité exemplaire, que renforce la structure minutieuse du macrocosme qu’il a créé, avec des personnages bien campés. Autant d’ingrédients qui contribuent à faire de cette bande dessinée une vraie réussite.
Au-delà de ces qualités, l’auteur intègre des aspects politique, philosophique et religieux, et d’autres, plus contemporains, d’ordre écologique et sociétal, ce qui confère une certaine valeur ajoutée à l’ouvrage. A travers les personnages féminins du peuple Nors, notamment celui de Brumel, l’auteur continue à nous questionner sur la question du genre, alors même que le lecteur ne prête plus tant attention à la corpulence impressionnante de ces femmes que l’on avait découvert dans le premier volet. De même pour Pontus, qui a appris à assumer son homosexualité en vivant parmi les Nors, pour qui l’amour libre n’a rien de tabou, à la différence des Mérogs, obnubilés par leur « dieu pendu » Kmaresh. A ce titre, on apprécie l’ironie exprimée par Puzenat à l’égard de certains adeptes exaltés, les « Pendus d’amour », qui rappellent étrangement nos fanatiques monothéistes et qui, pour manifester leur foi, se font suspendre à une potence tout en tentant de rester en l’air le plus longtemps possible, jusqu’à ce que leur langue devienne bleue. Hélas, parfois ça passe, parfois ça trépasse…
Si Pontus et Brumel se révèlent des héros attachants, le plus intéressant est sans doute le personnage de Krekl. De petite taille et assez insignifiant en apparence, le portraitiste homonte tient plus du gnome que du héros « sans peur et sans reproche ». Au début, il suscite parfois l’hilarité de ses amis (et du lecteur) avec ses croyances un rien extravagantes (notamment celle sur l’origine des hyènes peuplant son village), mais progressivement, Krekl va semer le doute dans l’esprit de Pontus et Brumel, beaucoup plus terre-à-terre, et gagner en crédibilité au fil de l’histoire. Krekl, c’est un peu l’Indien qui amuse le « civilisé » avec son folklore mythologique mais qui finit par rallier ses compagnons à ses vues par sa sagesse, son humilité et le respect ABSOLU qu’il voue à la nature, à la vie dans son ensemble, sa perception chamanique des choses, sa capacité à percer l’âme des gens et à communiquer avec les « Vakks » (les esprits des êtres vivants). Une approche qui s’inscrit pleinement dans le Zeitgeist.
Ajoutons que Nicolas Puzenat, on lui en sait gré, n’est pas tombé dans l’écueil du manichéisme. Dans leur société quasi idyllique, les Nors ne sont pas tous biens intentionnés (on le voit avec les redoutables Guérisseuses), pas plus que les Mérogs sont tous critiquables. Dans son observation de la chose politique, c’est davantage le système et ses péchés originels qu’il réprouve, tout comme la corruption du pouvoir (décelée de façon saisissante par Krekl lorsqu’il rencontre Gasgar) et la tentation mortifère de l’« œil pour œil, dent pour dent ».
D’un point de vue graphique, on reste charmé par l’inventivité et la richesse de cet univers déployé avec grand naturel. Le trait simple et sobre de Nicolas Puzenat ne cesse de gagner en finesse et de perfectionner son souci du détail, qu’il s’agisse des magnifiques paysages forestiers, ou des architectures imaginaires ou inspirées de l’époque médiévale. Le lecteur prendra beaucoup de plaisir à s’immerger dans ce monde uchronique aussi merveilleux que fascinant.
Grâce à cette fabuleuse épopée qui se déroule avec une force tranquille sous nos yeux éberlués, Puzenat s’impose sans en avoir l’air comme un fabuleux conteur au potentiel « tolkienesque ». Car si on peut y trouver ça et là des références au « Seigneur des anneaux » voire à « Game of thrones » (la muraille), l’auteur ne s’est pas livré à un simple copier-coller, tant s’en faut. Il a créé ici un monde tout à fait original avec sa propre mythologie, lequel réussit à nous dépayser fortement tout en se voulant un miroir à la fois réaliste et bienveillant, empreint d’une subtile pointe d’ironie, sur les travers de notre monde bien réel, avec « ses délices et ses infortunes ». La fin ouverte de ce second volet laisse sans trop de doutes entrevoir une suite. Certaines régions et villes de la carte n’ont pas encore été décrites dans le récit, et la mer de Brumine, que Pontus s’apprête à prendre, semble pleine de promesses…
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Livre 1 :
Cette histoire, qui bénéficie d’un pitch très original, s’avère tout à fait dépaysante. Trop peu académique pour s’apparenter à série des « Jour J », « Megafauna » plaît beaucoup pour son côté à la fois artisanal et ambitieux. Pour réaliser cette uchronie à l’atmosphère médiévale, Nicolas Puzenat s’est nourri des études paléoanthropologiques les plus récentes, selon lesquelles l’homme de Néandertal aurait bien croisé notre ancêtre l’homo-sapiens avant de disparaître, et aurait même déposé quelques gênes dans son cousin, ou plutôt sa cousine si l’on parle d’accouplement… une partie des scientifiques évoquent même l’idée d’un métissage au profit de Cro-Magnon (autre nom de l’homo-sapiens), en plus grand nombre.
Quant à l’auteur de cet album, il va jusqu’à imaginer que Néandertal n’a pas regagné le néant, mais aurait continué à vivre dans notre millénaire, au moins jusqu’au Moyen-âge puisque l’histoire se déroule en 1488. Et sa survivance a eu des conséquences sur le cours des choses puisque les Sapiens ont dû apprendre à cohabiter avec ces voisins à la fois semblables et pourtant si différents. Le mélange des deux races n’a pas eu lieu, et Néandertal, peu désireux de faire cause commune avec ses rivaux, a fait ériger une muraille gigantesque sur leurs frontières communes, traversant de part en part le continent européen, ainsi divisé en deux entités distinctes.
Officiellement en guerre, les deux peuples ont toutefois maintenu des relations commerciales. Les Sapiens échangent du bétail et des vivres contre de l’or, des pierres précieuses et des épices dont les « Nors » raffolent. Mais depuis quelques temps, ces derniers ont mystérieusement suspendu toute relation avec leurs voisins du Sud, menacés par la famine. Pour tenter d’en savoir plus, les Sapiens vont envoyer discrètement un émissaire qui sera chargé de rencontrer le « Dimaraal » Vorel, l’un des chefs les plus puissants du camp ennemi. L’émissaire en question, Timoléon de Veyres, jeune étudiant en médecine, va prendre la route en compagnie de son ami, Pontus, qui fera office de garde du corps. L’accueil de la population néandertalienne sera plus que tiède voire hostile, et Timoléon aura fort à faire pour gagner sa confiance. C’est ainsi qu’au fil de l’histoire, on va comprendre peu à peu pourquoi les Nors ont décidé non seulement de couper les relations avec le Sud, mais également de maintenir depuis plusieurs siècles ce « cordon sanitaire » qu’est la grande muraille pour tenir à distance les Sapiens.
Nicolas Puzenat nous offre ici une parabole bien sentie sur notre civilisation « occidentale ». La société médiévale où a grandi « Timo », c’est la nôtre. Les Nors, c’est le peuple exotique et méconnu, qui donne lieu à toutes sortes de préjugés quant à leur primitivité. Mais bien vite, Timo, auquel le lecteur va s’identifier facilement par son approche candide et son ouverture d’esprit, apprendra à revoir son point de vue en vivant parmi eux. Le contraste est d’autant plus saisissant lorsque le jeune homme franchit la frontière. La région au sud de la muraille est quasi désertique, résultat des pratiques agri-économiques inconséquentes des Sapiens, et la violence s’accroit parmi les habitants faméliques. Derrière la muraille en revanche, le paysage est luxuriant et les forêts abondent, riches en faune et en flore. Les Nors, tout en vivant en harmonie avec la nature, semblent avoir atteint un stade de développement technologique aussi avancé que leurs rivaux.
Avec ce récit très bien mené, Nicolas Puzenat parvient à nous sensibiliser sur les dérives de notre monde, de façon assez subtile, ainsi que sur une quantité de thèmes comme les préjugés racistes ou la question des stéréotypes de genre, par le biais de la relation amoureuse entre Timo et la néandertalienne Gargar, très corpulente et d’une tête plus haute que son amant. Le trait certes peu académique trouve son équilibre dans l’univers enchanteur déployé ici. Et la magie opère facilement. On savait que l’auteur, à travers « Espèces invasives » avait du goût pour l’architecture, et une fois encore, il l’exprime ici de fort belle façon. Si les constructions des Sapiens sont conformes à l’époque médiévale, celles des Néandertaliens, désireux de préserver leur environnement, semblent par contraste être inspirées par l’Art nouveau, tout en courbes et en circonvolutions végétales.
« Megafauna » est un alliage parfait entre aventure et réflexion politico-philosophique sur le devenir de notre monde, ainsi qu’une invitation à rencontrer l’« étranger », en faisant abstraction des préjugés, de ses mœurs qui nous paraissent si étranges. L’auteur évite de tomber dans le prêchi-prêcha, et nous sert d’ailleurs une conclusion plutôt sombre. Heureusement, il y a cet humour discret qui irrigue le récit, notamment sur la question du culte religieux. Ici, le « fils de Dieu » n’est pas Jésus mais Kmaresh, et il a été pendu ! Lieux saints et jurons font ainsi référence à la potence ou à la corde, et c’est plutôt bien vu. Encore une publication éminemment sympathique des Editions Sarbacane.
Ce n'est qu'en terminant le premier tome que j'ai découvert que son héroïne était une personne réelle et que c'était son authentique biographie qui nous était racontée là. Autant le récit impliquait le vrai Marcel Proust, autant la mise en scène très vivante, le côté attachant de l'héroïne et une forme de légèreté et d'humour dans la narration m'avaient fait croire à une histoire romancée impliquant Proust simplement comme un contrepoint pour ancrer dans le réel un récit de fiction.
C'est donc l'histoire vraie de celle qui est devenue un peu par hasard la gouvernante de Marcel Proust, une jeune femme issue de la campagne, au départ timide et naïve avant de montrer son esprit vif et charmant, et devenir une véritable amie pour l'écrivain. Il y a un petit côté Pretty Woman à voir cette gentille servante découvrir le mode de vie luxueux de l'écrivain dont le succès commençait à peine mais qui avait toujours vécu au sein de la grande bourgeoisie. On ne parle pas de romance, Proust étant ouvertement homosexuel, ni de réelle proximité, ce dernier étant aussi asocial et désireux de solitude pour se concentrer sur son travail. Mais c'est justement l'originalité de cette relation, faite d'admiration d'une part et de tendresse d'autre part, qui fait l'intérêt de ce récit.
J'ai trouvé la mise en scène et le graphisme très agréables, rendant immédiatement les personnages sympathiques et pleins de vie. Et de savoir en plus qu'il s'agit d'une histoire vraie ajoute de l'intérêt puisqu'il permet d'avoir un œil intime sur la vie de ce célère auteur français et sur celle de ceux qui travaillaient pour lui à l'époque.
J'ai lu par ailleurs que cette série était inspirée par "Le Labyrinthe de Pan". Comme je ne connais pas ce fim je ne peux rien dire à ce propos.
Par contre je trouve ce diptyque très intéressant car j'estime que D.P Filippi brouille les pistes en y introduisant beaucoup de trompe-l'oeil, notamment dans le tome 1. J'ai lu plusieurs séries de Filippi et j'ai retrouvé beaucoup de ses univers de prédilection.
Un château isolé à l'ambiance mystérieuse et maléfique (Le Livre de Jack, Songes), une bande d'enfants perdus (Gargouilles, Le Livre de Jack, Téo) plus un graphisme de Gaspard Yvan qui me rappelle celui de Camboni, font que Filippi m'a donné l'impression d'installer son lecteur dans une ambiance assez connue et confortable.
C'est une illusion. En effet, dès les deux premières planches Yvan nous sert de la bouillie de viscères bien plus à sa place chez Tardi que chez Mickey. La suite du tome 1 est une succession de points d'interrogations. D'où vient cet équipage hétéroclite de militaires et de civils ? Qui est ce Svoga (capitaine, lieutenant, soldat) qui semble maître du jeu ? Quelle ligne choisir entre un récit d'aventure militaire classique ou une orientation pamphlétaire plus révolutionnaire ? Pourquoi ce saupoudrage de fantastique qui à ce moment du récit me semble assez incongru.
J'ai refermé le tome 1 séduit par la construction et le rythme mais en me demandant où Filippi voulait nous conduire. C'est l'une des beautés de cette série, les auteurs répondent à (presque) toutes les questions d'une façon assez inattendue avec un retour à une rationalité brutale. L'illusion du fantastique s'évanouit pour laisser la place aux horreurs de la réalité même si elles sont travesties sous formes de contes.
Nettoyeurs de tranchées, rats de tunnels, meurtres de camarades, viols, prostitution juvénile, les auteurs nous renvoient dans l'ombre la plus sombre d'une réalité guerrière souvent éloignée des récits officiels.
Les auteurs préfèrent travailler sur le descriptif réaliste dans les épisodes entre soldats mais nous plongent dans un univers de conte pour les civils. Ces deux registres se rejoignent dans la tragédie vécue par tous ces innocents.
Filippi conclut son récit par une dernière "grande illusion" qui ne peut résister à la réalité historique.
Le graphisme de Gaspard Yvan s'inscrit dans la continuité des excellents graphismes produits avec Camboni dans d'autres séries avec Filippi. Son trait rond et gracieux tranche avec la dureté des scènes exposées. Ce décalage renforce cette thématique de l'illusion que je pense centrale dans le récit.
C'est donc une œuvre très travaillée au niveau du récit et du graphisme et qui fournit une lecture riche avec une forte intensité émotionnelle.
Une très bonne lecture.
Qu'est-ce que j'ai rigolé ! Ha que c'est bon de rire ! Ça faisait d'ailleurs bien longtemps que je ne m'étais pas froissé une côte à la lecture d'une BD.
Le style graphique d'Aroha Travé est tout à fait remarquable, tout en finesse, alors que par ailleurs, elle dépeint des situations trash à souhait. Parce que c'est trash, et par conséquent pas "que" drôle. Il y a forcément une dimension sociale puisque les personnages évoluent dans des cadres populaires. Dans cette banlieue de Barcelone, on a affaire à une mère dépassée, à des drogués, des zonards, issus de classes défavorisées... Mais tout cela est raconté sans patos, et avec une crudité éloquente. Et les visages sont très expressifs
Globalement, on suit les enfants (un peu turbulents) d'une mère divorcée, un peu dépassée par les événements. Tout est donc raconté à hauteur d'enfant, mais avec un langage extrêmement fleuri. Les dialogues sont à ce titre vraiment savoureux, et écorcheront d'ailleurs les oreilles sensibles. Je me suis laissé dire que notre autrice s'appuyait sur des souvenirs d'enfance. Bref ! On n'a pas affaire à des modèles de vertu !
Il y a aussi quelques beaux passages, certes extrêmement brefs, comme ce dialogue de la petite Yanira avec le fantôme d'un enfant... (attention spoil) victime d'un curé pédophile ! Ben ouais ! C'est poétique, mais brièvement ! Faut savoir apprécier quand ça se présente parce que c'est aussi bref qu'une lueur d'intelligence dans les yeux de Darmaninin. Exemple mal choisi puisqu'il n'y a aucune lueur d'intelligence dans les yeux du sinistre de l'inférieur... Bref ! Ceci m'amène à évoquer le titre. J'y vois personnellement une allusion au fait que toute cette jeunesse sauvage, livrée à elle-même du fait de la dissolution de l'ensemble des liens sociaux, est la première victime de cette société de merde où l'inhumanité est le cadet des soucis de nos dirigeants néolibéraux pour qui seule compte la bonne marche de la sacrosainte économie.
Mais que l'on ne s'y trompe pas : il n'y a pas de discours politique dans Chair à canon. Pas plus que de prétention sociologique. Juste une bonne tranche de fun, du fait des situations vraiment cocasses, un témoignage tragicomique qui n'a d'autre but que de déclencher l'hilarité (ou pas). Mais témoigner n'est-ce pas déjà ouvrir une porte sur la conscience ?...
Pour conclure, je regrette juste qu'Aroha Travé n'ait pas trouvé une fin plus conclusive, c'est à dire une vraie chute à laquelle, je l'avoue, je m'attendais. Mais en y regardant de plus près, c'est pas si pire. On termine comme on a commencé : sur des jeux d'enfants. Es la vida que sigue, después de todo !
Une excellente relecture du mythe du roi Arthur.
Ce qui frappe dès le départ est le dessin qui est tout bonnement génial. Voilà le genre de style dynamique et expressif qui me donne envie de lire une BD du début jusqu'à la fin et ça tombe bien : le scénario est tellement captivant que j'ai lu l'album d'une traite !
Le scénario est centré sur la seconde fille du roi Arthur qui se sauve pour échapper à un mariage arrangé. J'étais intrigué au début et plus j'avançais dans ma lecture, plus je trouvais que c'était génial. J'avais un peu peur de tomber sur un récit 'féministe' manichéen du genre 'les hommes sont tous des salauds et les femmes sont toutes des victimes', le genre de réflexion cliché et facile sans profondeur, mais au fil des chapitres on voit que tout n'est pas aussi manichéen et il y a des réflexions très intéressantes sur le pouvoir. Le scénario est rempli de surprises et de révélations que je n'avais pas vu venir. Les personnages sont attachants et les dialogues sont savoureux.
Un album à lire absolument !
Woua ! Il y a tout ce que j'aime dedans cette BD ! Je sors de ma lecture absolument charmé. Détails :
D'abord, un dessin ultra chouette, fin, original, en particulier les (rares) scènes de nuit, splendides. Une ligne claire souple qui flatte le regard. On ne fait pas trop gaffe en survolant, mais franchement, c'est un trait de génie, dans tous les sens du terme. Les couleurs aussi fonctionnent très très bien, imprimant une ambiance forte et dynamique à l'ensemble.
L'univers, en grande partie dépendant du dessin, est super original. Les auteurs font du neuf avec du vieux. Et que je te reprends cette bonne vieille légende arthurienne ! Et que je t'ajoute une bonne dose d'humour, de cool-trash (chais pas trop ce que ça veut dire, mais je trouve que ça correspond :) ainsi qu'un brin de baroque avec aussi un peu de satanisme (Merlin n'en est que plus pervers). Les dialogues sont quant à eux très frais, et mis au goût du jour.
Les personnages sont très typés, que ce soit Arthur lui-même, en pleine décadence et baignant littéralement dans son caca, le comte de Cumbre (qui a une identité double, mais chuuuuut !) et son petit zizi au bol, le grand taiseux de Claude, ou tout simplement l'héroïne, une jeune femme pleine de vie et éprise de liberté. Bref ! On a affaire à une galerie de portraits tous plus incroyables les uns que les autres.
Le scénario enfin. Ce n'est pas un scénario en fait, mais une course effrénée. Ca bombarde à deux mille à l'heure, avec des rebondissements en veux-tu-en voilà. Qui plus est, ça coupe sans arrêt l'herbe sous le pied. Franchement une très belle mécanique. La fin est pour le moins assez inattendue, et si, comme le dit MacArthur, on a affaire à une allégorie du pouvoir, les auteurs poussent le bouchon encore plus loin en achevant cette épopée sur une dualité bien/mal, création/destruction... qu'ils semblent présenter comme une composante indissociable de la vie elle-même. Avec là au milieu, l'Homme (en l'occurrence la Femme) qui demeure entièrement libre de prêter le flanc à l'une ou l'autre, ou de tout simplement suivre son propre chemin Moi, ça me convient parfaitement en tout cas. Mine de rien, c'est hyper finaud !
Ajoutons que ça plaira sans aucun doute à papa comme à sa fifille. On dit intergénérationnel, non ?
Un bel album que voilà !
Encore une fois, j'avais peur de moins aimer que la majorité des posteurs. Je craignais surtout que ça soit un album gadget dont le seul vrai intérêt est de raconter un récit de manière originale alors que le récit en lui-même ne serait pas passionnant à lire. Le résumé cliché (le héros gagne des millions et bien sûr il a des ennuis) semblait confirmer mes craintes.
Le début était pas mal et puis petit à petit j'ai fini par être totalement captivé par le récit. Oui, on aurait pu raconter le récit de manière 'normale' sans rien changer et oui on n’échappe pas à quelques clichés comme le fait que bien sûr plusieurs adultes vont essayer de profiter de l'ado pour voler ses millions et pourtant ça marche ! J'ai bien aimé le style graphique, tout est facile à comprendre et on ne se perd pas face à toutes ces pastilles. Le scénario s'améliore au fil des pages et dans le dernier tiers on voit à quel point tout était bien calculé et maitrisé par l'auteur. Il y a des surprises dans le scénario malgré le début un peu cliché.
Le seul truc qui m'a embêté est que le héros de 14 ans est tout de même un peu trop gamin pendant une bonne partie de l'album. On dirait presque qu'il a genre 8-10 ans et il m'a un peu énervé par moment.
Cette série porte des valeurs vraiment à mon goût. Serge Le Tendre nous propose un récit au parfum de Pagnol assez intime sur les valeurs de réconciliation, de pardon et d'ouverture à l'autre.
Il utilise avec brio la thématique du trauma post combat d'un gosse envoyé dans l'enfer berlinois au printemps 45. Le scénario n'évite pas quelques clichés un peu réducteurs mais l'histoire est bien construite avec une intensité dramatique qui va crescendo .
Le Tendre choisit un final optimiste qui renvoie aux efforts politiques du rapprochement Franco-allemand des années 50/60. On peut y lire une sorte d'hommage à une volonté de construire la paix en Europe après tant de barbarie.
Je trouve cette lecture très intéressante car elle rappelle combien les hommes sont prompt à s'entretuer pour un affect devant une situation que l'on pourrait assez facilement surmonter.
Je découvre le graphisme de Dethorey qui fait la part belle à cette volonté de vie dans ce village de Provence. Les personnages possédent cette expressivité volubile des gens du Sud quand ils sont entre eux. Les dialogues sont fleuris et sentent bon la lavande .
Manfred avec son look de l'Afrikakorps dominant qui débarque est un rien provocateur mais les passages berlinois arrivent en contrepoids pour rappeler le prix que les civils allemands ont du payer pour les errements tragiques de leurs soldats.
La mise en couleur est très lumineuse pour magnifier le soleil provençal en contraste avec les teintes rouges sombres des combats berlinois.
Une bonne lecture avec du sens. 3.5
Carmen - Travis même combat !!
Ces 2 séries partagent le même univers. J’avoue ma petite préférence pour notre mercenaire, je la trouve bien plus charismatique.
Au scénario, on retrouve Duval qui déploie la même formule, des histoires bien construites aux thématiques sf sous fond d’action.
J’ai découvert la série à son 2eme cycle depuis je ne loupe pas un album, une série qui ne m’a pas encore déçu et qui arrive à se renouveller je trouve.
On aura ses préférences niveau cycle et dessinateurs mais c’est toujours bien fait et maîtrisé.
Avant de briller avec les univers de La brigade chimérique et Les contes de la pieuvre, Gess s’illustrait avec talent sur les débuts de notre héroïne, 8 albums et 3 cycles à son actif.
Ça démarre brouillon avant de trouver son rythme de croisière, il a de chouettes trouvailles graphiques dans la narration (pour l’époque) et l’action est bien rendu, je déplore juste des couleurs loupées sur le tome 8.
Honnêtement ne vous arrêtez pas au 1er cycle bien trop pop corn et encore maladroit, c’est clairement le moins bon, les 2 suivants montent de suite en puissance avec quelques pages ou cases d’anthologie, il en est de même pour les scénarios.
Les 2 cycles suivants (4 albums chacun) sont assurés par Emem, que je ne connaissais pas. Je dois avouer ma déception à sa découverte, la relève était mal engagé … mais je m’y suis finalement bien fait, on perd en dynamisme avec un trait plus figé et froid, cependant ça accompagne parfaitement les scénarii de Duval qui montent encore d’un cran.
A compter du 17eme tome, Louis assure le renouveau des aventures de Carmen. Il possède un dessin plus lisible que ces prédécesseurs, un trait souple et efficace, je l’ai trouvé bien appliqué, on regagne en dynamisme.
Un premier cycle court de 2 albums qui fait bien le taf et qui joue sur notre nostalgie, j’adore le personnage de Leonid. Le 19eme entame un nouveau cycle mais continue avec les mêmes ingrédients à savoir quelques personnages de Code Mc Callum qu’on ressort. Des histoires sans doute moins marquantes que les précédentes mais toujours distrayantes.
Voilà Carmen McCallum ça peut faire mouais si on s’arrête à ces premiers tomes mais une série qui prend de l’envergure par la suite, ça vaut le coup de persévérer pour tout amateur de sf serie B intelligente. J’aime beaucoup la façon du scénariste de traiter de sujets divers : génétique, IA, eau, cataclysme nucléaire … ni trop lourd ni trop léger et surtout divertissant.
J'ai emprunté cet album avec beaucoup de circonspection. En effet j'ai détesté Les Récits - Les Petits Rêveurs que je regarde presque comme une insulte à l'oeuvre de St Ex et je ne suis pas un grand fan des oeuvres de Sfar que j'ai lues.
Contrairement à mon idée première et à de nombreux autres avis, j'ai été très séduit par cette série. Je trouve que Sfar respecte le texte de St Ex . Plus, il me donne l'impression d'aimer profondément ce texte.
Le découpage que propose l'auteur met très bien en valeur les passages forts de la rencontre entre l'adulte et l'enfant. J'ai trouvé la création du passage sur la rose vraiment admirable. C'est au point que les propositions de Sfar me donnent des pistes de reflexions que je n'avais pas perçues auparavant.
Sfar balaye toute la richesse du texte avec justesse. Du rationnel à l'affectif, la gamme des sentiments proposés m'a touché tout du long de ma belle lecture.
Je suis un peu hermétique au dessin de Sfar mais ici je l'ai trouvé à sa place. Je ne me fais pas de souci pour la perception des enfants qui y retrouveront un petit côté graphisme de Bob l'éponge. Pour ma lecture adulte j'ai beaucoup aimé ce côté tendre, poétique et presque fataliste que donne Sfar au Petit Prince. Je salue aussi la représentation digne et réaliste d'Antoine de Saint-Exupéry.
J'ai aussi apprécié la mise en couleur qui accentue le contraste entre l'univers si coloré de l'enfant et la grise matérialité de l'aviateur.
J'ai passé un excellent moment de lecture grâce à cette série qui m'a pris à contre-pied.
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Livre 2 : Le Livre des délices et des infortunes : Doté d’une très belle couverture mettant en scène trois personnages égarés dans une forêt épaisse et mystérieuse, espionnés par trois étranges créatures mi-canidés mi-humaines en premier plan, le récit nous met de manière inattendue dans les pas du personnage secondaire du premier volume, Pontus, en compagnie de Brumel, la fille de Timoléon et Gasgar, tous deux victimes du clan des Guérisseuses, et de Krekl, un « homonte » de la branche néandertalienne, artiste chamane dont la discrétion n’a d’égal que son aura. Les trois compagnons auront pour quête de franchir la muraille pour rejoindre la cité de Turbia. En vertu d’un accord entre Timoléon (dont on ignore ce qu’il est advenu suite au coup d’Etat des Guérisseuses) et son ami le comte Lupullo, ce dernier avait accepté de se fiancer à Brumel pour sceller une alliance entre Elbaar et Valcarna face au Dombrak. Hélas, les choses ne se dérouleront pas tout à fait comme prévu… Si l’effet de surprise du premier tome est moins flagrant (nous sommes désormais familiarisés avec les us et coutumes des Nors), ce nouveau chapitre va s’orienter vers le genre plus classique de l’épopée médiévale, avec son lot de complots et d’alliances stratégiques, jusqu’à la terrible bataille finale. Depuis la prise de pouvoir par la secte religieuse des Guérisseuses, les interactions entre Nors et Mérogs se sont accrues, et malheureusement pas dans une optique pacificatrice. Ce « Livre des délices et des infortunes » va confirmer la maîtrise totale de Nicolas Puzenat dans sa narration, d’une fluidité exemplaire, que renforce la structure minutieuse du macrocosme qu’il a créé, avec des personnages bien campés. Autant d’ingrédients qui contribuent à faire de cette bande dessinée une vraie réussite. Au-delà de ces qualités, l’auteur intègre des aspects politique, philosophique et religieux, et d’autres, plus contemporains, d’ordre écologique et sociétal, ce qui confère une certaine valeur ajoutée à l’ouvrage. A travers les personnages féminins du peuple Nors, notamment celui de Brumel, l’auteur continue à nous questionner sur la question du genre, alors même que le lecteur ne prête plus tant attention à la corpulence impressionnante de ces femmes que l’on avait découvert dans le premier volet. De même pour Pontus, qui a appris à assumer son homosexualité en vivant parmi les Nors, pour qui l’amour libre n’a rien de tabou, à la différence des Mérogs, obnubilés par leur « dieu pendu » Kmaresh. A ce titre, on apprécie l’ironie exprimée par Puzenat à l’égard de certains adeptes exaltés, les « Pendus d’amour », qui rappellent étrangement nos fanatiques monothéistes et qui, pour manifester leur foi, se font suspendre à une potence tout en tentant de rester en l’air le plus longtemps possible, jusqu’à ce que leur langue devienne bleue. Hélas, parfois ça passe, parfois ça trépasse… Si Pontus et Brumel se révèlent des héros attachants, le plus intéressant est sans doute le personnage de Krekl. De petite taille et assez insignifiant en apparence, le portraitiste homonte tient plus du gnome que du héros « sans peur et sans reproche ». Au début, il suscite parfois l’hilarité de ses amis (et du lecteur) avec ses croyances un rien extravagantes (notamment celle sur l’origine des hyènes peuplant son village), mais progressivement, Krekl va semer le doute dans l’esprit de Pontus et Brumel, beaucoup plus terre-à-terre, et gagner en crédibilité au fil de l’histoire. Krekl, c’est un peu l’Indien qui amuse le « civilisé » avec son folklore mythologique mais qui finit par rallier ses compagnons à ses vues par sa sagesse, son humilité et le respect ABSOLU qu’il voue à la nature, à la vie dans son ensemble, sa perception chamanique des choses, sa capacité à percer l’âme des gens et à communiquer avec les « Vakks » (les esprits des êtres vivants). Une approche qui s’inscrit pleinement dans le Zeitgeist. Ajoutons que Nicolas Puzenat, on lui en sait gré, n’est pas tombé dans l’écueil du manichéisme. Dans leur société quasi idyllique, les Nors ne sont pas tous biens intentionnés (on le voit avec les redoutables Guérisseuses), pas plus que les Mérogs sont tous critiquables. Dans son observation de la chose politique, c’est davantage le système et ses péchés originels qu’il réprouve, tout comme la corruption du pouvoir (décelée de façon saisissante par Krekl lorsqu’il rencontre Gasgar) et la tentation mortifère de l’« œil pour œil, dent pour dent ». D’un point de vue graphique, on reste charmé par l’inventivité et la richesse de cet univers déployé avec grand naturel. Le trait simple et sobre de Nicolas Puzenat ne cesse de gagner en finesse et de perfectionner son souci du détail, qu’il s’agisse des magnifiques paysages forestiers, ou des architectures imaginaires ou inspirées de l’époque médiévale. Le lecteur prendra beaucoup de plaisir à s’immerger dans ce monde uchronique aussi merveilleux que fascinant. Grâce à cette fabuleuse épopée qui se déroule avec une force tranquille sous nos yeux éberlués, Puzenat s’impose sans en avoir l’air comme un fabuleux conteur au potentiel « tolkienesque ». Car si on peut y trouver ça et là des références au « Seigneur des anneaux » voire à « Game of thrones » (la muraille), l’auteur ne s’est pas livré à un simple copier-coller, tant s’en faut. Il a créé ici un monde tout à fait original avec sa propre mythologie, lequel réussit à nous dépayser fortement tout en se voulant un miroir à la fois réaliste et bienveillant, empreint d’une subtile pointe d’ironie, sur les travers de notre monde bien réel, avec « ses délices et ses infortunes ». La fin ouverte de ce second volet laisse sans trop de doutes entrevoir une suite. Certaines régions et villes de la carte n’ont pas encore été décrites dans le récit, et la mer de Brumine, que Pontus s’apprête à prendre, semble pleine de promesses… -*-*-*-*-*-*-*-*-*- Livre 1 : Cette histoire, qui bénéficie d’un pitch très original, s’avère tout à fait dépaysante. Trop peu académique pour s’apparenter à série des « Jour J », « Megafauna » plaît beaucoup pour son côté à la fois artisanal et ambitieux. Pour réaliser cette uchronie à l’atmosphère médiévale, Nicolas Puzenat s’est nourri des études paléoanthropologiques les plus récentes, selon lesquelles l’homme de Néandertal aurait bien croisé notre ancêtre l’homo-sapiens avant de disparaître, et aurait même déposé quelques gênes dans son cousin, ou plutôt sa cousine si l’on parle d’accouplement… une partie des scientifiques évoquent même l’idée d’un métissage au profit de Cro-Magnon (autre nom de l’homo-sapiens), en plus grand nombre. Quant à l’auteur de cet album, il va jusqu’à imaginer que Néandertal n’a pas regagné le néant, mais aurait continué à vivre dans notre millénaire, au moins jusqu’au Moyen-âge puisque l’histoire se déroule en 1488. Et sa survivance a eu des conséquences sur le cours des choses puisque les Sapiens ont dû apprendre à cohabiter avec ces voisins à la fois semblables et pourtant si différents. Le mélange des deux races n’a pas eu lieu, et Néandertal, peu désireux de faire cause commune avec ses rivaux, a fait ériger une muraille gigantesque sur leurs frontières communes, traversant de part en part le continent européen, ainsi divisé en deux entités distinctes. Officiellement en guerre, les deux peuples ont toutefois maintenu des relations commerciales. Les Sapiens échangent du bétail et des vivres contre de l’or, des pierres précieuses et des épices dont les « Nors » raffolent. Mais depuis quelques temps, ces derniers ont mystérieusement suspendu toute relation avec leurs voisins du Sud, menacés par la famine. Pour tenter d’en savoir plus, les Sapiens vont envoyer discrètement un émissaire qui sera chargé de rencontrer le « Dimaraal » Vorel, l’un des chefs les plus puissants du camp ennemi. L’émissaire en question, Timoléon de Veyres, jeune étudiant en médecine, va prendre la route en compagnie de son ami, Pontus, qui fera office de garde du corps. L’accueil de la population néandertalienne sera plus que tiède voire hostile, et Timoléon aura fort à faire pour gagner sa confiance. C’est ainsi qu’au fil de l’histoire, on va comprendre peu à peu pourquoi les Nors ont décidé non seulement de couper les relations avec le Sud, mais également de maintenir depuis plusieurs siècles ce « cordon sanitaire » qu’est la grande muraille pour tenir à distance les Sapiens. Nicolas Puzenat nous offre ici une parabole bien sentie sur notre civilisation « occidentale ». La société médiévale où a grandi « Timo », c’est la nôtre. Les Nors, c’est le peuple exotique et méconnu, qui donne lieu à toutes sortes de préjugés quant à leur primitivité. Mais bien vite, Timo, auquel le lecteur va s’identifier facilement par son approche candide et son ouverture d’esprit, apprendra à revoir son point de vue en vivant parmi eux. Le contraste est d’autant plus saisissant lorsque le jeune homme franchit la frontière. La région au sud de la muraille est quasi désertique, résultat des pratiques agri-économiques inconséquentes des Sapiens, et la violence s’accroit parmi les habitants faméliques. Derrière la muraille en revanche, le paysage est luxuriant et les forêts abondent, riches en faune et en flore. Les Nors, tout en vivant en harmonie avec la nature, semblent avoir atteint un stade de développement technologique aussi avancé que leurs rivaux. Avec ce récit très bien mené, Nicolas Puzenat parvient à nous sensibiliser sur les dérives de notre monde, de façon assez subtile, ainsi que sur une quantité de thèmes comme les préjugés racistes ou la question des stéréotypes de genre, par le biais de la relation amoureuse entre Timo et la néandertalienne Gargar, très corpulente et d’une tête plus haute que son amant. Le trait certes peu académique trouve son équilibre dans l’univers enchanteur déployé ici. Et la magie opère facilement. On savait que l’auteur, à travers « Espèces invasives » avait du goût pour l’architecture, et une fois encore, il l’exprime ici de fort belle façon. Si les constructions des Sapiens sont conformes à l’époque médiévale, celles des Néandertaliens, désireux de préserver leur environnement, semblent par contraste être inspirées par l’Art nouveau, tout en courbes et en circonvolutions végétales. « Megafauna » est un alliage parfait entre aventure et réflexion politico-philosophique sur le devenir de notre monde, ainsi qu’une invitation à rencontrer l’« étranger », en faisant abstraction des préjugés, de ses mœurs qui nous paraissent si étranges. L’auteur évite de tomber dans le prêchi-prêcha, et nous sert d’ailleurs une conclusion plutôt sombre. Heureusement, il y a cet humour discret qui irrigue le récit, notamment sur la question du culte religieux. Ici, le « fils de Dieu » n’est pas Jésus mais Kmaresh, et il a été pendu ! Lieux saints et jurons font ainsi référence à la potence ou à la corde, et c’est plutôt bien vu. Encore une publication éminemment sympathique des Editions Sarbacane.
Celeste
Ce n'est qu'en terminant le premier tome que j'ai découvert que son héroïne était une personne réelle et que c'était son authentique biographie qui nous était racontée là. Autant le récit impliquait le vrai Marcel Proust, autant la mise en scène très vivante, le côté attachant de l'héroïne et une forme de légèreté et d'humour dans la narration m'avaient fait croire à une histoire romancée impliquant Proust simplement comme un contrepoint pour ancrer dans le réel un récit de fiction. C'est donc l'histoire vraie de celle qui est devenue un peu par hasard la gouvernante de Marcel Proust, une jeune femme issue de la campagne, au départ timide et naïve avant de montrer son esprit vif et charmant, et devenir une véritable amie pour l'écrivain. Il y a un petit côté Pretty Woman à voir cette gentille servante découvrir le mode de vie luxueux de l'écrivain dont le succès commençait à peine mais qui avait toujours vécu au sein de la grande bourgeoisie. On ne parle pas de romance, Proust étant ouvertement homosexuel, ni de réelle proximité, ce dernier étant aussi asocial et désireux de solitude pour se concentrer sur son travail. Mais c'est justement l'originalité de cette relation, faite d'admiration d'une part et de tendresse d'autre part, qui fait l'intérêt de ce récit. J'ai trouvé la mise en scène et le graphisme très agréables, rendant immédiatement les personnages sympathiques et pleins de vie. Et de savoir en plus qu'il s'agit d'une histoire vraie ajoute de l'intérêt puisqu'il permet d'avoir un œil intime sur la vie de ce célère auteur français et sur celle de ceux qui travaillaient pour lui à l'époque.
La Dernière Ombre
J'ai lu par ailleurs que cette série était inspirée par "Le Labyrinthe de Pan". Comme je ne connais pas ce fim je ne peux rien dire à ce propos. Par contre je trouve ce diptyque très intéressant car j'estime que D.P Filippi brouille les pistes en y introduisant beaucoup de trompe-l'oeil, notamment dans le tome 1. J'ai lu plusieurs séries de Filippi et j'ai retrouvé beaucoup de ses univers de prédilection. Un château isolé à l'ambiance mystérieuse et maléfique (Le Livre de Jack, Songes), une bande d'enfants perdus (Gargouilles, Le Livre de Jack, Téo) plus un graphisme de Gaspard Yvan qui me rappelle celui de Camboni, font que Filippi m'a donné l'impression d'installer son lecteur dans une ambiance assez connue et confortable. C'est une illusion. En effet, dès les deux premières planches Yvan nous sert de la bouillie de viscères bien plus à sa place chez Tardi que chez Mickey. La suite du tome 1 est une succession de points d'interrogations. D'où vient cet équipage hétéroclite de militaires et de civils ? Qui est ce Svoga (capitaine, lieutenant, soldat) qui semble maître du jeu ? Quelle ligne choisir entre un récit d'aventure militaire classique ou une orientation pamphlétaire plus révolutionnaire ? Pourquoi ce saupoudrage de fantastique qui à ce moment du récit me semble assez incongru. J'ai refermé le tome 1 séduit par la construction et le rythme mais en me demandant où Filippi voulait nous conduire. C'est l'une des beautés de cette série, les auteurs répondent à (presque) toutes les questions d'une façon assez inattendue avec un retour à une rationalité brutale. L'illusion du fantastique s'évanouit pour laisser la place aux horreurs de la réalité même si elles sont travesties sous formes de contes. Nettoyeurs de tranchées, rats de tunnels, meurtres de camarades, viols, prostitution juvénile, les auteurs nous renvoient dans l'ombre la plus sombre d'une réalité guerrière souvent éloignée des récits officiels. Les auteurs préfèrent travailler sur le descriptif réaliste dans les épisodes entre soldats mais nous plongent dans un univers de conte pour les civils. Ces deux registres se rejoignent dans la tragédie vécue par tous ces innocents. Filippi conclut son récit par une dernière "grande illusion" qui ne peut résister à la réalité historique. Le graphisme de Gaspard Yvan s'inscrit dans la continuité des excellents graphismes produits avec Camboni dans d'autres séries avec Filippi. Son trait rond et gracieux tranche avec la dureté des scènes exposées. Ce décalage renforce cette thématique de l'illusion que je pense centrale dans le récit. C'est donc une œuvre très travaillée au niveau du récit et du graphisme et qui fournit une lecture riche avec une forte intensité émotionnelle. Une très bonne lecture.
Chair à canon
Qu'est-ce que j'ai rigolé ! Ha que c'est bon de rire ! Ça faisait d'ailleurs bien longtemps que je ne m'étais pas froissé une côte à la lecture d'une BD. Le style graphique d'Aroha Travé est tout à fait remarquable, tout en finesse, alors que par ailleurs, elle dépeint des situations trash à souhait. Parce que c'est trash, et par conséquent pas "que" drôle. Il y a forcément une dimension sociale puisque les personnages évoluent dans des cadres populaires. Dans cette banlieue de Barcelone, on a affaire à une mère dépassée, à des drogués, des zonards, issus de classes défavorisées... Mais tout cela est raconté sans patos, et avec une crudité éloquente. Et les visages sont très expressifs Globalement, on suit les enfants (un peu turbulents) d'une mère divorcée, un peu dépassée par les événements. Tout est donc raconté à hauteur d'enfant, mais avec un langage extrêmement fleuri. Les dialogues sont à ce titre vraiment savoureux, et écorcheront d'ailleurs les oreilles sensibles. Je me suis laissé dire que notre autrice s'appuyait sur des souvenirs d'enfance. Bref ! On n'a pas affaire à des modèles de vertu ! Il y a aussi quelques beaux passages, certes extrêmement brefs, comme ce dialogue de la petite Yanira avec le fantôme d'un enfant... (attention spoil) victime d'un curé pédophile ! Ben ouais ! C'est poétique, mais brièvement ! Faut savoir apprécier quand ça se présente parce que c'est aussi bref qu'une lueur d'intelligence dans les yeux de Darmaninin. Exemple mal choisi puisqu'il n'y a aucune lueur d'intelligence dans les yeux du sinistre de l'inférieur... Bref ! Ceci m'amène à évoquer le titre. J'y vois personnellement une allusion au fait que toute cette jeunesse sauvage, livrée à elle-même du fait de la dissolution de l'ensemble des liens sociaux, est la première victime de cette société de merde où l'inhumanité est le cadet des soucis de nos dirigeants néolibéraux pour qui seule compte la bonne marche de la sacrosainte économie. Mais que l'on ne s'y trompe pas : il n'y a pas de discours politique dans Chair à canon. Pas plus que de prétention sociologique. Juste une bonne tranche de fun, du fait des situations vraiment cocasses, un témoignage tragicomique qui n'a d'autre but que de déclencher l'hilarité (ou pas). Mais témoigner n'est-ce pas déjà ouvrir une porte sur la conscience ?... Pour conclure, je regrette juste qu'Aroha Travé n'ait pas trouvé une fin plus conclusive, c'est à dire une vraie chute à laquelle, je l'avoue, je m'attendais. Mais en y regardant de plus près, c'est pas si pire. On termine comme on a commencé : sur des jeux d'enfants. Es la vida que sigue, después de todo !
Furieuse
Une excellente relecture du mythe du roi Arthur. Ce qui frappe dès le départ est le dessin qui est tout bonnement génial. Voilà le genre de style dynamique et expressif qui me donne envie de lire une BD du début jusqu'à la fin et ça tombe bien : le scénario est tellement captivant que j'ai lu l'album d'une traite ! Le scénario est centré sur la seconde fille du roi Arthur qui se sauve pour échapper à un mariage arrangé. J'étais intrigué au début et plus j'avançais dans ma lecture, plus je trouvais que c'était génial. J'avais un peu peur de tomber sur un récit 'féministe' manichéen du genre 'les hommes sont tous des salauds et les femmes sont toutes des victimes', le genre de réflexion cliché et facile sans profondeur, mais au fil des chapitres on voit que tout n'est pas aussi manichéen et il y a des réflexions très intéressantes sur le pouvoir. Le scénario est rempli de surprises et de révélations que je n'avais pas vu venir. Les personnages sont attachants et les dialogues sont savoureux. Un album à lire absolument !
Furieuse
Woua ! Il y a tout ce que j'aime dedans cette BD ! Je sors de ma lecture absolument charmé. Détails : D'abord, un dessin ultra chouette, fin, original, en particulier les (rares) scènes de nuit, splendides. Une ligne claire souple qui flatte le regard. On ne fait pas trop gaffe en survolant, mais franchement, c'est un trait de génie, dans tous les sens du terme. Les couleurs aussi fonctionnent très très bien, imprimant une ambiance forte et dynamique à l'ensemble. L'univers, en grande partie dépendant du dessin, est super original. Les auteurs font du neuf avec du vieux. Et que je te reprends cette bonne vieille légende arthurienne ! Et que je t'ajoute une bonne dose d'humour, de cool-trash (chais pas trop ce que ça veut dire, mais je trouve que ça correspond :) ainsi qu'un brin de baroque avec aussi un peu de satanisme (Merlin n'en est que plus pervers). Les dialogues sont quant à eux très frais, et mis au goût du jour. Les personnages sont très typés, que ce soit Arthur lui-même, en pleine décadence et baignant littéralement dans son caca, le comte de Cumbre (qui a une identité double, mais chuuuuut !) et son petit zizi au bol, le grand taiseux de Claude, ou tout simplement l'héroïne, une jeune femme pleine de vie et éprise de liberté. Bref ! On a affaire à une galerie de portraits tous plus incroyables les uns que les autres. Le scénario enfin. Ce n'est pas un scénario en fait, mais une course effrénée. Ca bombarde à deux mille à l'heure, avec des rebondissements en veux-tu-en voilà. Qui plus est, ça coupe sans arrêt l'herbe sous le pied. Franchement une très belle mécanique. La fin est pour le moins assez inattendue, et si, comme le dit MacArthur, on a affaire à une allégorie du pouvoir, les auteurs poussent le bouchon encore plus loin en achevant cette épopée sur une dualité bien/mal, création/destruction... qu'ils semblent présenter comme une composante indissociable de la vie elle-même. Avec là au milieu, l'Homme (en l'occurrence la Femme) qui demeure entièrement libre de prêter le flanc à l'une ou l'autre, ou de tout simplement suivre son propre chemin Moi, ça me convient parfaitement en tout cas. Mine de rien, c'est hyper finaud ! Ajoutons que ça plaira sans aucun doute à papa comme à sa fifille. On dit intergénérationnel, non ?
La Couleur des choses
Un bel album que voilà ! Encore une fois, j'avais peur de moins aimer que la majorité des posteurs. Je craignais surtout que ça soit un album gadget dont le seul vrai intérêt est de raconter un récit de manière originale alors que le récit en lui-même ne serait pas passionnant à lire. Le résumé cliché (le héros gagne des millions et bien sûr il a des ennuis) semblait confirmer mes craintes. Le début était pas mal et puis petit à petit j'ai fini par être totalement captivé par le récit. Oui, on aurait pu raconter le récit de manière 'normale' sans rien changer et oui on n’échappe pas à quelques clichés comme le fait que bien sûr plusieurs adultes vont essayer de profiter de l'ado pour voler ses millions et pourtant ça marche ! J'ai bien aimé le style graphique, tout est facile à comprendre et on ne se perd pas face à toutes ces pastilles. Le scénario s'améliore au fil des pages et dans le dernier tiers on voit à quel point tout était bien calculé et maitrisé par l'auteur. Il y a des surprises dans le scénario malgré le début un peu cliché. Le seul truc qui m'a embêté est que le héros de 14 ans est tout de même un peu trop gamin pendant une bonne partie de l'album. On dirait presque qu'il a genre 8-10 ans et il m'a un peu énervé par moment.
L'Oiseau noir
Cette série porte des valeurs vraiment à mon goût. Serge Le Tendre nous propose un récit au parfum de Pagnol assez intime sur les valeurs de réconciliation, de pardon et d'ouverture à l'autre. Il utilise avec brio la thématique du trauma post combat d'un gosse envoyé dans l'enfer berlinois au printemps 45. Le scénario n'évite pas quelques clichés un peu réducteurs mais l'histoire est bien construite avec une intensité dramatique qui va crescendo . Le Tendre choisit un final optimiste qui renvoie aux efforts politiques du rapprochement Franco-allemand des années 50/60. On peut y lire une sorte d'hommage à une volonté de construire la paix en Europe après tant de barbarie. Je trouve cette lecture très intéressante car elle rappelle combien les hommes sont prompt à s'entretuer pour un affect devant une situation que l'on pourrait assez facilement surmonter. Je découvre le graphisme de Dethorey qui fait la part belle à cette volonté de vie dans ce village de Provence. Les personnages possédent cette expressivité volubile des gens du Sud quand ils sont entre eux. Les dialogues sont fleuris et sentent bon la lavande . Manfred avec son look de l'Afrikakorps dominant qui débarque est un rien provocateur mais les passages berlinois arrivent en contrepoids pour rappeler le prix que les civils allemands ont du payer pour les errements tragiques de leurs soldats. La mise en couleur est très lumineuse pour magnifier le soleil provençal en contraste avec les teintes rouges sombres des combats berlinois. Une bonne lecture avec du sens. 3.5
Carmen Mc Callum
Carmen - Travis même combat !! Ces 2 séries partagent le même univers. J’avoue ma petite préférence pour notre mercenaire, je la trouve bien plus charismatique. Au scénario, on retrouve Duval qui déploie la même formule, des histoires bien construites aux thématiques sf sous fond d’action. J’ai découvert la série à son 2eme cycle depuis je ne loupe pas un album, une série qui ne m’a pas encore déçu et qui arrive à se renouveller je trouve. On aura ses préférences niveau cycle et dessinateurs mais c’est toujours bien fait et maîtrisé. Avant de briller avec les univers de La brigade chimérique et Les contes de la pieuvre, Gess s’illustrait avec talent sur les débuts de notre héroïne, 8 albums et 3 cycles à son actif. Ça démarre brouillon avant de trouver son rythme de croisière, il a de chouettes trouvailles graphiques dans la narration (pour l’époque) et l’action est bien rendu, je déplore juste des couleurs loupées sur le tome 8. Honnêtement ne vous arrêtez pas au 1er cycle bien trop pop corn et encore maladroit, c’est clairement le moins bon, les 2 suivants montent de suite en puissance avec quelques pages ou cases d’anthologie, il en est de même pour les scénarios. Les 2 cycles suivants (4 albums chacun) sont assurés par Emem, que je ne connaissais pas. Je dois avouer ma déception à sa découverte, la relève était mal engagé … mais je m’y suis finalement bien fait, on perd en dynamisme avec un trait plus figé et froid, cependant ça accompagne parfaitement les scénarii de Duval qui montent encore d’un cran. A compter du 17eme tome, Louis assure le renouveau des aventures de Carmen. Il possède un dessin plus lisible que ces prédécesseurs, un trait souple et efficace, je l’ai trouvé bien appliqué, on regagne en dynamisme. Un premier cycle court de 2 albums qui fait bien le taf et qui joue sur notre nostalgie, j’adore le personnage de Leonid. Le 19eme entame un nouveau cycle mais continue avec les mêmes ingrédients à savoir quelques personnages de Code Mc Callum qu’on ressort. Des histoires sans doute moins marquantes que les précédentes mais toujours distrayantes. Voilà Carmen McCallum ça peut faire mouais si on s’arrête à ces premiers tomes mais une série qui prend de l’envergure par la suite, ça vaut le coup de persévérer pour tout amateur de sf serie B intelligente. J’aime beaucoup la façon du scénariste de traiter de sujets divers : génétique, IA, eau, cataclysme nucléaire … ni trop lourd ni trop léger et surtout divertissant.
Le Petit Prince
J'ai emprunté cet album avec beaucoup de circonspection. En effet j'ai détesté Les Récits - Les Petits Rêveurs que je regarde presque comme une insulte à l'oeuvre de St Ex et je ne suis pas un grand fan des oeuvres de Sfar que j'ai lues. Contrairement à mon idée première et à de nombreux autres avis, j'ai été très séduit par cette série. Je trouve que Sfar respecte le texte de St Ex . Plus, il me donne l'impression d'aimer profondément ce texte. Le découpage que propose l'auteur met très bien en valeur les passages forts de la rencontre entre l'adulte et l'enfant. J'ai trouvé la création du passage sur la rose vraiment admirable. C'est au point que les propositions de Sfar me donnent des pistes de reflexions que je n'avais pas perçues auparavant. Sfar balaye toute la richesse du texte avec justesse. Du rationnel à l'affectif, la gamme des sentiments proposés m'a touché tout du long de ma belle lecture. Je suis un peu hermétique au dessin de Sfar mais ici je l'ai trouvé à sa place. Je ne me fais pas de souci pour la perception des enfants qui y retrouveront un petit côté graphisme de Bob l'éponge. Pour ma lecture adulte j'ai beaucoup aimé ce côté tendre, poétique et presque fataliste que donne Sfar au Petit Prince. Je salue aussi la représentation digne et réaliste d'Antoine de Saint-Exupéry. J'ai aussi apprécié la mise en couleur qui accentue le contraste entre l'univers si coloré de l'enfant et la grise matérialité de l'aviateur. J'ai passé un excellent moment de lecture grâce à cette série qui m'a pris à contre-pied.