Les derniers avis (39351 avis)

Par Lodi
Note: 4/5
Couverture de la série La Ville qui n'existait pas
La Ville qui n'existait pas

La ville qui n'existait pas fait exister et la ville réelle, du nord, de l'industrie et de ses conflits entre les patrons et les ouvriers, et une ville nouvelle utopique. Les deux ont leurs limites, les deux se lisent l'une dans l'autre, comme on ne le voit jamais mieux que dans les deux enfants toujours en manque de quelque chose dans l'une et dans l'autre. Vaut-il mieux une ville de misère mais de conflit ou une ville de loisirs et de beauté où l'héritière règne bienveillamment sur ses gens ? La majorité préfère fuir le travail aliénant, le chômage, les luttes qui ne mènent souvent pas à grand-chose, mais les syndicalistes rivaux préfèrent s'exiler pour lutter ailleurs, et le conseiller de l'héritière - et du village de La croisière des Oubliés - partent loin de l'utopie pour retourner dans le monde de boue, crasse et injustice, parce que c'est de lui qu'ils tirent leur identité et leur vitalité. Et pourquoi pas ? Des héros aimés par des femmes de rêve offrant l'éternelle jeunesse retournent bien dans le monde de la souffrance, que ce soit Ulysse fuyant Calypso et tant d'autres. Mais la majorité préfère tout de même la vie meilleure proposée par l'héritière. Laquelle est un peu triste de ce que son conseiller parte vers d'autres aventures, handicapée sur son fauteuil roulant délivrée de sa culpabilité pour le fait que ses ancêtres aient exploité les ouvriers, mais sans la compassion et la souffle de l'aventure de celui dont les discussions avaient fait naître le désir d'utopie en elle . Souvent, on a des utopies parfaites, souvent, on a des dystopies, ici, on a l'utopie nostalgique entre parenthèse du monde.

19/12/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 4/5
Couverture de la série Les Phalanges de l'ordre noir
Les Phalanges de l'ordre noir

Il me plait que les méchants fascistes - les vrais, pas des phantasmés par des excités ! - et les "gentils" opposants à ces affreux terroristes soient tous des vieux. Voilà qui change ! Et met en miroir le passé et le présent, savoir de l'époque de la création de l'œuvre. Les fascistes ne se sont pas améliorés, témoins, les attentats qu'ils commettent… Lesquels sont dessinés de façon aussi dramatique que belle par Bilal, des images qu'on n'oublie pas. Les antifascistes eux, sont toujours aussi courageux et plus tolérants qu'autrefois, mais se pose à la fin la question de savoir s'ils ne ressemblent pas un peu trop aux fascistes. Enfin, ce genre d'interrogation du narrateur montre qu'ils sont tout de même nettement plus lucides ! Le rythme de l'histoire, lent et rapide selon les nécessités de l'intrigue ? Parfait. Il y a même un soupçon d'humour plutôt inhabituel chez Bilal. Mais comme on n'est pas dans La croisière des oubliés, pas dans une fable fantastique mais dans un monde violent, il n'y a pas de happy end. Ah, comme je regrette que la production de légendes d'aujourd'hui ait cessé !

19/12/2025 (modifier)
Couverture de la série De pierre et d'os
De pierre et d'os

De pierre et d’os est un véritable coup de cœur. Le scénario adopte un rythme lent, assumé, mais construit avec une progression constante qui rend la lecture de plus en plus prenante. Le travail sur les relations humaines est particulièrement fort, notamment dans la manière dont sont abordées la violence masculine, la condition des femmes et, surtout, la fragilité comme état fondamental de l’existence. La résilience est au cœur du récit, sans jamais être idéalisée ni simplifiée. L’univers proposé est à la fois dur et profondément doux. Il agit comme une confrontation directe avec nos repères occidentaux, que ce soit dans le rapport à la famille, à la sexualité, à la nature ou à la spiritualité. L’intégration de chants, de récits et de fables enrichit considérablement le monde décrit et renforce cette sensation d’immersion culturelle, sans lourdeur explicative. Graphiquement, le dessin ne correspond pas forcément aux canons qui me séduisent d'habitude le plus, au premier abord, mais sa justesse est indéniable. Il est parfaitement en phase avec le contexte, sert le récit avec intelligence et possède une esthétique forte en tant que telle. Cette cohérence entre fond et forme contribue largement à faire de De pierre et d’os une œuvre sensible, profondément humaine et que je recommande.

19/12/2025 (modifier)
Couverture de la série Conquêtes
Conquêtes

Excellente série de science-fiction d’anticipation, construite sur des récits indépendants par tome, chacun explorant une planète, un contexte et une problématique spécifique. Malgré une structure habituellement peu propice à l’attachement, la série parvient ici à créer une vraie implication grâce à un bon équilibre entre univers, enjeux et caractérisation des personnages. Chaque récit fonctionne de manière autonome tout en donnant envie de poursuivre la découverte de l’univers global. Le scénario privilégie des thématiques classiques mais solides de la SF (colonisation, rapport à l’altérité, manipulation politique, responsabilité humaine), traitées avec suffisamment de nuance pour éviter la simple mécanique. Le lien entre l’environnement planétaire et la trajectoire des personnages est particulièrement bien exploité, ce qui donne une cohérence interne forte à chaque album. Graphiquement, le dessin réaliste est très maîtrisé et constant, avec une mise en scène lisible et efficace.

19/12/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 4/5
Couverture de la série La Croisière des Oubliés
La Croisière des Oubliés

Du Bilal presque à son sommet, qui est à mon avis Partie de chasse. Et en plus, c'est une bd facile et qui fait du bien. Le dessin et la couleur sont très lisibles quoique le style Bilal soit là, et bien là, les constructions ne s'effritent pas trop en secrète ruine, et le visage des personnages n'est pas ravagé par l'exercice du pouvoir. En plus, nous sommes et dans la ruralité, savoir le village, et dans la croisière, il vole ! Tant qu'à dire que le propos politique est trop appuyé, il est des bd bien plus démonstratives qu'on ne critique pas pour si peu, alors… Et sinon, on ne fait pas que comprendre les personnages, on s'attache à eux, et ça finit bien. Alors que demande le peuple ?

19/12/2025 (modifier)
Couverture de la série Bloom into you
Bloom into you

*Entrée fracassante avec coup de pied violent dans la porte* Okay, après avoir laissé traîner depuis belles lurettes, il est enfin temps pour moi de rédiger mon avis sur Bloom into you ! La série d'amour lycéen qui avait su réveiller en moi la midinette qui se cachait jusque-là, l'histoire qui a fait germer tant de questions quant aux relations romantiques et qui m'a fait réaliser que je me trouvais probablement dans le spectre de l'aromantisme et de l'asexualité (même si ici il s'agira surtout d'une question d'aromantisme), l'un des yuris récents les plus encensés par les milieux connaisseurs, … Bref, une série avec un beau palmarès à mes yeux, que j'avais découverte par hasard via des scans en ligne il y a quelques années et qui a su pourtant me rester en mémoire. L'œuvre est elle parfaite ? Non, elle souffre en grande partie de ses envolées métaphysiques parfois bien peu naturelles, mais j'avoue que même ce défaut objectif me paraît charmant, inséparable de cette histoire dans mon esprit. Certaines personnes pourraient aussi regretter l'absence de réel antagonisme dans le récit, car bien que l'histoire aborde certaines questions un peu dures comme le deuil, le fait que pour aider quelqu'un il faut parfois refuser d'aller dans leur sens ou encore le fait qu'un des personnages essai malgré elle de se détruire, de disparaître derrière l'image qu'elle renvoie aux autres (façon "destruction du soi"), tout est finalement assez doux, tendre et gentil. On pourrait aussi regretter que l'histoire soit finalement bien cliché, cochant pratiquement toutes les cases du yuri classique (on passe même par le rendez-vous à l'aquarium), mais j'avoue que cela ne me dérange pas plus que de raison. L'histoire est classique, parfois étrangement verbeuse et flottante, mais elle parvient tout de même à me toucher, et c'est déjà très bien. L'histoire, puisqu'il faut la présenter, est une histoire d'amour. Dans son sens le plus basique, tout d'abord, puisqu'il s'agit in fine d'un triangle amoureux lycéen, mais également une histoire sur l'amour dans sa globalité, sur ce que cela signifie d'aimer quelqu'un, sur ce que c'est, finalement, quelqu'un. Oui, comme je l'ai dit plus haut, l'histoire pose contre toute attente une pelletée de questionnements poussés sur l'identité, le fait que nous existions techniquement à travers le regard d'autrui et le fait que le nous est un ensemble d'étiquettes quasiment infini et toujours évoluant (qui me rappelle toujours "Nos identités meurtrières" d'Amin Maalouf). Qu'est-ce qui défini un individu si celui-ci change sans-cesse et se présente différemment face à divers autres individus ? Que signifie aimer quelqu'un si nous ne parvenons pas à pleinement définir ce qu'est au final ce quelqu'un ? Est-il juste de dire à quelqu'un que l'on aime à un instant T si au final cette personne a déjà changer, possède sans doute aussi déjà de nombreuses facettes qui nous sont inconnues ? Tant de questions qui peuvent sans doute vous paraître anodines ou sans importances mais qui portent pourtant le récit tout du long. L'histoire est celle de Yû, une jeune fille se sentant éloignée des autres car incapable de tomber amoureuse, qui va un beau jour se voir proposer une offre des plus étranges de la belle Tôko, une fille d'apparence parfaite n'étant jamais retourné les sentiments de qui que ce soit : accepter de sortir avec elle, la laisser l'aimer et promettre de ne jamais tomber amoureuse d'elle en retour. Une jeune fille populaire mais cachant un profond mal-être, qui cherche désespérément à aimer quelqu'un et à ce que quelqu'un puisse l'aimer en retour, malgré tout ce qu'elle cache d'elle, malgré toute la complexité de sa personne et qui par peur d'être rejetée préfère s'isoler des autres ; une jeune fille isolée des autres car incapable de pleinement comprendre ce que signifie aimer quelqu'un romantiquement, à un âge où les histoires d'amour et les sentiments romantiques sont pourtant au cœur de la vie sociale, et souhaitant elle aussi secrètement pouvoir être aimer telle qu'elle est vraiment ; une autre jeune fille (oui, je n'ai pas encore eu le temps de présenter Sayaka, mais elle est importante aussi) ayant découvert son homosexualité récemment, meilleure amie de Tôko, l'aimant en secret mais souhaitant toujours privilégier le bonheur de son amie plutôt que ses sentiments égoïstes. Bref, il s'agit ici d'une histoire on ne peut plus adolescente, avec des personnages perdus, en plein questionnement sur eux-mêmes, sur leurs liens avec les autres, qui évoluent et surtout vont de l'avant. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? J'aime les histoires d'amour, le sentiment de perdition adolescente est traitée avec beaucoup de justesse, les questionnements et réflexions soulevées dans cette histoires sont intéressantes, j'ai de l'affection pour les personnages, ... Je ne suis peut-être pas pleinement objective mais l'oeuvre est bonne, très bonne. J'aurais même pu lui ajouter un coup de cœur lors de ma première lecture. Aujourd'hui, même si j'aime toujours autant ce récit, je me montrerais plus mesurée. Un petit mot rapide quand à la dimension "aromantique" de cette romance (attention, spoiler). Oui, Yû et Tôko finissent bien officiellement en couple, et Yû finira bel et bien par tomber amoureuse de Tôko. Cela n'empêche pas techniquement Yû de toujours pouvoir se trouver dans le spectre de l'aromantisme puisque ces sentiments n'ont commencés à se manifester qu'une fois un lien très fort avec Tôko a été établi (ce qui pourrait parfaitement correspondre à quelqu'un de demi-romantique), mais je comprend parfaitement si cette histoire n'est pas interprétée de la sorte (on pourrait après tout interpréter ce récit comme celui d'un éveil à l'amour très classique et de ne voir l'évolution de leur relation que comme deux personnes envieuses des relations sincères des autres et se sentant pourtant incapable d'y prendre part). Pourtant, quoi qu'il arrive, l'aromantisme reste un questionnement central de ce récit, puisque Yû se questionne tout du long sur son incapacité à ressentir d'attraction romantique et qu'un personnage secondaire important (Maki) est quant-à lui bel et bien aromantique (et un aromantique pur et dur de surcroît). Si j'ai pris le besoin de spécifier cet état de fait c'est parce que j'ai déjà vu beaucoup de gens se questionner pour savoir si oui ou non cette série était une bonne représentation du sujet de l'aromantisme et que je tenais à apporter mon grain de sel. Non, si vous cherchez un récit qui traite pleinement d'une relation de couple entre deux individu-e-s lorsqu'au moins l'un-e d'entre elleux est aromantique cette série ne sera pas optimale. Mais en tant qu'histoire d'amour ouvrant sincèrement la question sur le sujet elle reste parfaitement acceptable à mes yeux. (J'adore quand mes petits mots rapides finissent par devenir des paragraphes entiers).

18/12/2025 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5
Couverture de la série La Pyramide de Ponzi
La Pyramide de Ponzi

Comme beaucoup de lecteurs j'avais connaissance de l'arnaque à la pyramide de Ponzi, sans être au courant qu'il s'agissait d'un véritable escroc. Personnellement j'imaginais que c'était l'universitaire qui l'avait mis en lumière, mais non ! Et franchement, la BD est très bien faite. La vie de cet arnaqueur est très bien racontée, expliquant en détail comment il arrive à créer sa pyramide, sans jamais y réfléchir, sans jamais avoir conscience de ce qu'il développe. C'est juste un arnaqueur standard, un type qui veut devenir riche quelque soit le moyen. Et d'ailleurs la BD est assez claire sur le fait que lui-même ne comprend pas que son système va s'écrouler, tandis qu'il est lui-même arnaqué par d'autres personnes autour de lui. Un sacré bazar donc, plutôt bien mis en lumière par un scénario très clair (simplifiant parfois pour les besoins narratifs) et faisant état de la clé de voute de toute arnaque : le beau parleur à qui on ait confiance. La BD est servie par un dessin tout à fait efficace qui joue sur différentes représentations notamment dans les dernières pages qui font le bilan de sa vie suite à l'affaire. C'est lisible d'un bout à l'autre et les magouilles financières sont claires alors même que l'opération était complexe en apparence. Le genre de BD documentaire que je recommande, notamment pour le dossier à la fin explicatif qui permet de mettre en lumière à quel point cette pratique est encore d'actualité, peut-être même plus puissante à l'heure d'une communication aussi rapide et claire que le permet l'internet. La liste finale est éloquente, les gens sont encore capable de se faire avoir sur une arnaque vieille de plus d'un siècle désormais. Ponzi a eu beaucoup d'enfants illégitimes !

18/12/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Golden Kamui
Golden Kamui

Même ce que j'aime le moins tels que l'aspect policier et les dingues est logique : la guerre comme l'or font que les gens transgressent les limites ! Mais j'aime surtout le héros de guerre "immortel" et la jeune Aïnou. Quel personnage complexe et attachant : aimant la chasse, la nourriture de son peuple à laquelle elle convertit Sugimoto, d'autres traditions, sa liberté, celle de son peuple, le paysage sublimissime et son ami loup. Le dessin est nettement meilleur que celui de trop de mangas qui schématisent les dessins au point de les dessécher. Là, les visages, corps, postures des personnages sont nettement différenciés, merci ! S'il y a parfois des gens nus, ce sont les hommes et ça change, dans des scènes plus ou moins humoristiques, que je n'apprécie pas plus que ça, mais qui détendent cependant l'atmosphère, et font partie d'une œuvre qui charrie tout, et notamment, j'y reviens, la nourriture, vitale, qu'on doit chasser, cueillir, cuisiner, tandis que la peau des animaux sert à fabriquer des vêtements ou vendre ce qui permettra de poursuivre l'aventure, pour nos héros, voulant délivrer le père d' Ashirpa et trouver l'or, qui pour financer la lutte de libération des Aïnous, qui pour recaser les soldats perdus de l'Empire japonais, qui pour…. La nature et l'or dominent les humains, qui s'agitent aiguillonnés par la faim et la soif de l'or. Mais quelle vitalité ! A signaler que l'anime est aussi excellent, et permet de prendre la pleine mesure d'une nature qui en vaut la peine d'être vue en plus grand. A ce propos, j'aimerais qu'il y en ait une suite, et sinon quoi ? Je rejoins des protestataires comme les fidèles de l'ancien shogunat, et en garde !

17/12/2025 (modifier)
Couverture de la série Plus près de toi
Plus près de toi

Entre quelques rares moments très violents (les massacres de soldats « coloniaux – Noirs donc – par des soldats allemands), le premier tome nous fait entrer de plain-pied dans une guerre et une occupation presque bon enfant, avec des soldats allemands éloignés des SS tortionnaires, des prisonniers de guerre presque en semi-liberté au milieu de la population bretonne (le « Stalag » est ici franchement peu contraignant !). D’autres facilités encore, certaines pointées par bamiléké. Si je comprends que cela puisse surprendre et/ou énerver, je pense qu’il ne s’agit pas ici de faire une série totalement réaliste et véridique. Je suis prêt à accepter certaines distances prises avec la réalité par Kris, pour développer son récit, avec un côté sans doute bien plus sucré et gentil que la réalité (et le dessin de Fournier, lui aussi tout en rondeurs, ne fait qu’accentuer cet état d’esprit), mais en tout cas l’histoire se laisse lire plaisamment. En effet, si certains aspects peuvent paraître édulcorés (la France pétainiste est quasi absente – seul le retour du fils haineux l’incarne, les soldats et officiers allemands sont loin d’être des salauds), l’histoire nous amène quand même à une certaine noirceur. D’abord parce que Kris évite le happy end que je voyais poindre un moment. Ensuite parce qu’il dénonce clairement le scandaleux et hypocrite traitement infligé par la France aux anciens combattants africains – jusqu’aux massacres de ceux qui réclamaient un égal traitement (financier autant que moral) avec les Français de souche. Un diptyque agréable à lire, et finalement plus noir qu’on pourrait le penser. Note réelle 3,5/5.

17/12/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Les Rois des Belges
Les Rois des Belges

La Flandre va proclamer unilatéralement son indépendance. - Cet ouvrage présente des fragments de vie de chacun des sept rois des Belges. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Jean-Philippe Thivet & Arnaud de la Croix pour le scénario, par Vicente Cifuentes pour les dessins, par Davide De La Cal pour les couleurs. Il compte cinquante-cinq pages de bande dessinée. Il se divise en sept chapitres, chacun consacré à un roi différent, par ordre chronologique, chacun s’ouvrant avec un portrait dessiné, et se terminant avec un texte de deux pages, illustré de photographies sur des points remarquables de chaque règne. Il se termine avec une page hybride, bande dessiné et texte, consacrée à Élisabeth de Saxe-Cobourg et Gotha. Léopold 1er, le mercato des princes – Cette histoire commence au moment où Napoléon abat ses dernières cartes. L’Empereur, qui a mis l’Europe à feu et à sang, a dressé contre lui une puissante coalition d’alliés britanniques, allemands, néerlandais et prussiens. Aux portes de Bruxelles, il va jouer son va-tout. À Paris en 1808, il a croisé Léopold de Saxe-Cobourg-Saalfeld, prince désargenté, né en 1790, qui servait dans les rangs du tsar de Russie. Napoléon dira que : S’il se souvient bien, c’est le plus beau jeune homme qu’il ait pu voir aux Tuileries. Juin 1815, tandis que Napoléon s’est lancé dans une ultime campagne, les envoyés des grandes puissances se sont réunis à Vienne. Klemens Wenzel von Metternich annonce que l’ogre n’en a plus pour longtemps : il a été écrasé à Waterloo, non loin de Bruxelles. Un autre officiel intervient pour dire qu’il s’agit d’une bonne nouvelle, et qu’il faut décider de l’après. Le premier orateur reprend la parole pour dire que la solution est toute trouvée : exiler l’empereur déchu au loin, et confier au roi des Pays-Bas dont le fils s’est battu à Waterloo, la gestion d’un état tampon entre la France et ses voisins. Il reste à choisir qui en sera le roi. Léopold II, le roi secret. Le 16 décembre 1865, le cortège funèbre qui conduit Léopold 1er à sa dernière demeure est suivi par une foule compacte. Les fils du roi suivent en carrosse. L’aîné Léopold a trente ans. Il mesure 1,90m. L’héritier du trône se souvient que son père l’appelait le sournois, il le surnommait le renard… et s’il avait raison ? Le lendemain Léopold II prête serment : il jure d’observer la constitution et les lois du peuple belge. Enfant, il passait les vacances d’été à Ostende. Une fois couronné, il y déambule sur la plage, considérant que le voilà roi d’un pays minuscule… mais après tout, un pays n’est jamais petit quand il est baigné par la mer. Il décide que sur le modèle de Nice ou de Biarritz, il fera de cette plage la reine des plages. Il tiendra parole… lorsqu’il se sera considérablement enrichi. À Bruxelles coule la Senne. Au moyen-âge, la cité est née de la rivière, qui alimente moulins et industries. Mais en 1866, c’est un égout à ciel ouvert. Une épidémie de choléra tue 3.647 Bruxellois ! Chirurgien du roi, Louis Deroubaix remet son rapport sur la situation : il est urgent d’assainir la ville. Dès l’année suivante, on entreprend de voûter la Senne. Le roi va encourager de nombreux autres chantiers dans la capitale. Pour un novice en la matière, il peut être intimidant de s’intéresser à l’histoire séculaire de la royauté dans un pays, au vu de la longue chronologie à affronter, des différentes branches qui s’entrecroisent, et s’entredéchirent au gré de complexes unions. Au début du XXIe siècle, il existe six monarchies en Europe : au Danemark, en Espagne, au Luxembourg, au Pays-Bas, en Suède et en Belgique. Pour cette dernière comme le montre la couverture, la lignée compte sept monarques, ce qui la rend très accessible aux néophytes. Le lecteur découvre donc un chapitre pour chacun des sept rois, de neuf pages pour les cinq premiers, et de cinq pages pour les deux derniers. Il s’agit donc d’un ouvrage de vulgarisation, à destination de novices en la matière. Par exemple un lecteur qui ne saurait pas identifier le monument figurant sur la couverture (réponse : il s’agit des Arcades du Cinquantenaire, érigé à l’initiative du roi Léopold II, à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’indépendance de la Belgique, sa construction a commencé en janvier pour s’achever en septembre 1905). Le lecteur peut également évaluer l’intérêt de cette lecture pour lui en consultant la page d’ouverture d’un roi dont il a déjà entendu parler, pour se faire une idée de la nature du développement, par exemple pour Léopold II : Roi bâtisseur pour les uns, Roi massacreur pour les autres, il va marquer durablement le pays et demeure un personnage controversé. Les auteurs ont confié la narration visuelle de chaque chapitre au même artiste, afin d’établir une continuité d’un roi au suivant. De fait, le dessinateur a fort à faire puisqu’il doit assurer une reconstitution visuelle historique depuis 1808 jusqu’à l’époque contemporaine. Le lecteur découvre des dessins propres sur eux : tracés de contour bien nets, dessins dans un registre descriptif et réaliste, nombre de cases variant de quatre à sept, cases majoritairement sagement disposées en bande, et bien sûr une attention particulière portée à la ressemblance des rois successifs. Le lecteur apprécie immédiatement l’équilibre de chaque page : la qualité de la reconstitution historique, le soin apporté aux détails. Cela commence avec la décoration intérieure de ce grand salon à Vienne au début du XIXème siècle et son ameublement, la tenue vestimentaire de chaque officiel présent, jusqu’à leur épée d’apparat, et les motifs de la tapisserie au mur. Le lecteur peut ainsi suivre l’évolution de la mode vestimentaire d’un chapitre à l’autre, et aussi celle des modes de déplacement, de l’urbanisme de Bruxelles, ou encore des moyens de communication, attestant du degré de rigueur du travail de recherches effectué. Le lecteur se rend compte que l’artiste sait doser la densité d’informations visuelles sur chaque page pour éviter de produire une sensation d’étouffement, en intercalant des cases de discussions, ou plus aérées. Il se trouve également vite impressionné par l’effet d’intégrer des variations de tableaux célèbres, d’images d’archive ou de photographies. C’est une évidence en ce qui concerne tous les bâtiments, et c’est ce qui est attendu : le château de Laeken, la place royale de Bruxelles, les galeries royales d’Ostende, la gare royale de Laeken, la plage de Knokke-le-Zoute, le grand magasin L’Innovation, l’université de Gand, le Berhof à Obersalzberg dans les Alpes bavaroises, et d’autres paysages naturels, en particulier pour une escalade sur les rochers de Marche-les-Dames, dans la vallée de la Meuse, près de Namur. Incidemment, le lecteur se rend également compte que le dessinateur varie les mises en page avec discrétion et efficacité : cases de la largeur de la page, disposition en drapeau avec une case de la hauteur de la page et les autres comme y étant accrochées les unes en dessous des autres, cases en insert comme des cartes postales posées sur un fond qui est une carte géographique, une illustration panoramique de paysage de montagne sur une double page avec des cases en inserts par-dessus, cases aux bords arrondis pour un écran de télévision, etc. De manière plus inattendue, les scénaristes jouent également avec la structure de plusieurs chapitres. Le premier respecte un ordre chronologique et une exposition explicative pour établir le début de l’existence du royaume de Belgique comme état indépendant, et les aléas menant au choix définitif de son premier souverain. Le second passe d’une grande réalisation à une autre pour établir comment Léopold II peut être à la fois un roi bâtisseur et un roi massacreur. Initialement, le troisième déroute car il se déroule dans l’ordre inverse à la chronologie, c’est-à-dire des titres de l’annonce du décès d’Albert Ier en remontant le temps jusqu’à sa première ascension. Le quatrième débute par la découverte en Égypte dans la vallée des Rois de la tombe intacte, d’un pharaon, et le suivant débute par un assassinat à bout portant. Le sixième débute par une (mémorable) fiction dans la fiction. Conscient des limites découlant de la pagination, les auteurs ont choisi de les tourner à leur avantage en se focalisant sur certains aspects de chaque règne, plutôt que de tout survoler, ou de provoquer une surcharge informative avec des pavés de texte indigestes, mangeant les images. Le lecteur apprécie de lire une vraie bande dessinée, plutôt qu’une suite d’articles encyclopédiques vaguement illustrés par des images redondantes. Restant un peu sur sa faim, il goûte d’autant mieux aux deux pages qui viennent compléter chaque chapitre, développant certains aspects de la royauté, des lieux, ou des personnages clé de chaque règne. Bien sûr, le lecteur peut se montrer critique des choix opérés par les auteurs, et en particulier de ce qu’ils ont laissé de côté : la conception de la Constitution de la Belgique, la réalité de l’exploitation du Congo belge et de sa population, Blanche Delacroix évoquée en une case, les accomplissements politiques d’Albert Ier, l’opposition entre les partisans du retour de Léopold III et les opposants, l’absence de chapitre consacré à la régence de Charles Théodore Antoine Meinrad (1903-1983), les quatre cases consacrés à un assassinat dont la victime n’est même pas nommée (Julien Lahaut, 1884-1950), etc. Dans le même temps, il découvre de nombreuses mentions d’événements s’étant inscrit dans la mémoire culturelle belge, comme l’incendie du grand magasin L’Innovation. Chaque chapitre atteint son but : initier la curiosité du lecteur qui le termine avec l’envie d’en apprendre plus. Un ouvrage d’initiation à la royauté belge en passant en revue les sept rois des Belges. Une vraie bande dessinée didactique, sans être encyclopédique, avec une narration visuelle impeccable et agréable. Une approche diversifiée, adaptée à la personnalité de chaque roi, avec des surprises dans la structure de certains chapitres. Une lecture très agréable, enrichissante, accessible, divertissante et instructive. Une grande réussite.

17/12/2025 (modifier)