J'ai dévoré cette série de Zeina Abirached avec délectation. La même délectation que lorsque j'entends une partition de Chopin au piano. J'ai trouvé son récit d'une grande intelligence et d'une originalité certaine. J'aime beaucoup cette thématique du langage qui va bien au delà de la simple transmission d'informations basiques : "avec le langage m'arrivaient les idées" fait dire l'autrice à sa jeune héroïne. En mettant en parallèle certaines subtilités du français et de l'arabe l'autrice nous fait toucher du doigt comment une langue peu induire une philosophie ou des comportements spécifiques. De plus Zeina enrichit son récit en ajoutant de façon très équilibrée une analogie avec la musique. Le piano est l'instrument roi de la musique occidentale mais sa conception le rend inapte à la musique orientale et donc à faire partie du patrimoine de cette musique. Zeina nous fait vivre cette quête du quart de ton comme une véritable aventure aux résultats imprévisibles.
Zeina nous propose ainsi un double récit qui prend le temps de poser les fondations au rapprochement de deux univers linguistiques et musicaux. On peut le lire comme un message utopique espérant que ce rapprochement ouvrirait la porte à une meilleure compréhension des deux mondes. Un pont entre l'Orient et l'Occidentale rêvaient les timides facteurs de pianos viennois.
J'ai aussi apprécié ce graphisme plan qui me rappelle le théâtre de marionnette des traditions orientales ou extrême-orientales. Les personnages, souvent de face, sont d'une belle vitalité avec des dialogues lettrés. La double histoire est bien équilibrée et se fait sans rupture afin de proposer un ensemble cohérent et plaisant à lire. Le N&B est bien maitrisé en contrastes bien marqués comme pour exprimer la thématique de la dualité qui traverse cet ouvrage.
Une belle lecture pleine de finesse et d'intelligence.
C'est avec un vrai plaisir que j'ai relu cet ouvrage de ces deux célèbres auteurs. Avec le recul je m'aperçois que chacun des deux auteurs est un peu sorti de son registre habituel même si on retrouve des thématiques connues. Comme le prouve un final très académique Pratt nous entraine dans un épisode anecdotique bien que violent de l'histoire américaine des premières années avec des colons hollandais cohabitant pacifiquement avec une tribu indienne. Le scénario de Pratt est intéressant du fait qu'il souligne l'ambiguïté et l'hypocrisie de la situation. Ainsi le personnage de Shevah, élément déclencheur des massacres, présente une attitude équivoque dans son rapport à sa sexualité. C'est vrai pour presque tous les personnages du récit que les auteurs s'ingénient à rendre soumis de façon perverse et diabolique à leur sexualité alors que les indiens la vivent de façon plus naturelle.
L'intérêt du scénario de Pratt est qu'il équilibre les points de vue ceux des colons et ceux des indiens sans réellement définir quelle est la forme de justice la plus légitime ou plutôt illégitime dans ce cas précis.
Manara sait se saisir de cette ambiance hypocrite et perverse pour produire des attitudes fidèles à son dessin. Les filles Phillis ou Shevah sont souvent comme possédées bien accompagnées par les révérends Black père et fils. Des ambiances intimes dans l'intériorité des foyers qui tranchent avec la rigueur des scènes extérieures où s'affrontent les deux camps. Cela donne un graphisme presque sage avec un beau travail sur le côté historique du récit.
Un ouvrage qui n'a pas vieilli même si l'on peut regretter les dernières pages trop chargées. 3.5
J'adore les contes et particulièrement les contes modernes qui renouvellent le genre en jouant avec les codes et en ayant un message progressif.
Ce qui m'a attiré en dehors des bons avis est le dessin. Je ne sais pas trop comment s'appelle ce style, mais je le vois de plus en plus dans des bandes dessinées de type conte et je pense que c'est le style parfait pour ce type d'histoire. La mise en page est incroyable avec des scènes très audacieuses au niveau de la narration sans perdre le lecteur.
Le scénario est prenant et cela ne se voit pas du tout que c'est l'adaptation d'un roman tellement tout est fluide et semble pensé pour de l'art séquentiel. Je ne connais pas le roman, mais on sent que l'autrice s'est appropriée l'œuvre au lieu de bêtement illustrer un récit comme c'est le cas avec les mauvaises adaptations de romans en BD. Il y a beaucoup de symbolisme dans cet album, mais tout me semble facile à comprendre pour un lecteur un peu cultivé. Un récit étonnant à lire pour les fans du genre.
J'ai vraiment beaucoup aimé la façon avec laquelle les auteurs ont réussi à traiter le sujet de la pédophilie à hauteur d'enfant. Mattéo fait des cauchemars depuis les vacances . Il fait pipi au lit, a du mal à se coucher et ne suit plus à l'école. C'est perturbant pour les parents qui s'oriente vers un harcèlement scolaire mais sans résultat. La construction du récit s'appuie sur une trouvaille intelligente de Di Gregorio qui invite son lectorat dans deux univers sans que l'on sache vraiment lequel est réel et lequel est imaginaire. En effet il est difficile de discerner si cet homme noir appartient à l'imaginaire de l'enfant comme complément maléfique de son monde de super héros ou si c'est homme noir représente une réalité dramatique que l'enfant essaye de combattre avec ses pauvres armes. La narration invite au doute le plus longtemps possible tant que la parole ne s'est pas libérée. Ce qui rend le récit encore plus dramatique est la découverte finale du prédateur: incontournable et parent insoupçonnable, il est plutôt sympathique en surface.
Di Gregorio vise juste en soulignant cette part de difficulté dans la découverte du crime.
Le graphisme de Panaccione travaille avec maitrise sur la juxtaposition des deux univers sans jamais dévoiler où se trouve l'imaginaire du réel. Il alterne insécurité et zone de confort en montrant comment la première grignote l'espace de la seconde sans que l'entourage ne s'en rende compte. C'est parfaitement raccord avec la narration textuelle.
Une lecture qui m'a bougé avec une belle intelligence dans la construction.
Je n'ai jamais pris le temps de lire les romans d'Olivier Norek (trop de BD à lire :P ), mais en tant que bibliothécaire, je suis son succès de près. Cette adaptation en BD par lui même au scénario et Frédéric Pontarolo au dessin m'aura pour le coup clairement donné envie de lire ses romans !
Car Norek nous propose de mettre un grand coup de botte dans la fourmilière de l'hypocrisie et de l'inaction politique face au dérèglement climatique et à notre destruction consciencieuse de notre environnement. L'auteur a le sens du récit et du suspens. Son thriller est très bien construit, et sans manichéisme, déroulant un récit dur et éclairant. Si la mise en place est un peu surprenante au début, une fois lancée l'histoire déroule tambour battant jusqu'à un final peut-être nu brin utopiste, mais qui laisse quand même une lueur d'espoir.
Côté dessin, je ne connaissais pas le travail de Frédéric Pontarolo. S'il surprend au début par son côté "brouillon" et coloré, je m'y suis rapidement habitué et j'ai même beaucoup apprécié son travail.
Une BD coup de poing à découvrir !
J’ai déjà lu plusieurs albums d’Altarriba – généralement avec grand, voire très grand plaisir – mais je n’ai pas lus tous ceux qui appartiennent à sa trilogie du « Moi ». J'attaque donc cette trilogie dans le désordre. Mais ça n’empêche en rien de comprendre le propos, l’album peut se lire comme un one-shot.
Ceux qui ont lu d’autres séries d’Altarriba le savent, c’est un auteur engagé. Cet engagement se voit aussi ici, dans un album très « politique ». Qui fait de la politique, au sens où il traite de choses publiques, mais aussi car il met à nu – en ayant modifié les noms et changé quelques faits – le système politique espagnol de ces dernières années. Il revendique d’ailleurs cet arrière-plan.
La force du travail d’Altarriba est aussi de dépasser le simple cadre espagnol, pour atteindre à une critique systémique qui va au-delà. La quête du pouvoir à tout prix, sans scrupules, à l’envers des valeurs prétendument mises en avant, mais aussi et surtout le travail de communication (tous les artifices y passent) qui prend le pas sur la réalité, on sent bien qu’il n’y a pas qu’en Espagne que tout ceci se développe. Il n’y a qu’à voir la novlangue au pouvoir, les discours quasi révolutionnaires et creux de Macron (prétendument ni de gauche ni de droite, « sorti de nulle-part » en 2017) et de pas mal d’autres animaux politiques, dont tous les discours créés par des communicants, avec la complicité des médias dominants (d’autant plus facilement maintenant que quelques magnats les contrôlent) façonnent une réalité alternative.
Le personnage de Cuadrado, conseiller en communication, nous sert de guide dans cet univers artificiel. C’est un être méprisable, mais qui a tout compris des rouages du pouvoir. Il ment à tout le monde, à commencer par sa famille, se révèle froid, tendu vers un but, le pouvoir.
Un être et un système d’autant plus abject que le lecteur se rend bien compte que c’est de nos sociétés que parle cette histoire, hélas pas si romancée.
Le dessin de Keko est intéressant, et très adapté au sujet. Un Noir et Blanc où le Noir domine largement bien sûr. Et quelques touches de Vert apparaissant de-ci de-là…
Mes seuls bémols concernent un peu le dessin, certes intéressant, mais parfois un peu trop sombres, pas toujours aisé à lire (mais c’est quand même rare). Et la narration, qui est quand même dense, il y a pas mal de textes, de dialogues.
Mais bon, ça reste une lecture très recommandable.
Peut-être le meilleur Fabcaro. Même si beaucoup préfèrent citer l'également très bon Zaï Zaï Zaï Zaï, sans doute pour ses thématiques sociétales laissant poindre une plus grande ampleur (finalement non présente, l'absurde n'étant pas véritablement un point de vue, ou bien un "tout se vaut" droitier incroyablement nihiliste). Bref.
Ma récente relecture m'amène néanmoins à émettre un conseil préalable, le conseil également formulé par un habitué d'ici appréciant Lapinot : l'humour de Fabcaro joue sur le registre de l'absurde et de la bêtise, et se renouvèle assez peu, aussi il est préférable de laisser un certain temps s'écouler entre la lecture de deux titres de ce bon copain.
Ce crû-ci est indubitablement bon (du fait de formulations des dialogues bien senties, de situations particulièrement risibles, etc.), mais tous les ressorts comiques usités dans cette parodie de roman-photo le seront en d'autres occurrences, et l'habileté plus évidente ici, sera moins goûtée si elle apparaît vue sinon revue.
Un ouvrage à consommer avec modération, mais si l'on est bien luné, il est tout à fait possible de s'entendre rire à gorge déployée, ou pleurer devant la merveilleuse connerie, ici assumée avec jubilation.
La Fille dans l’écran est une BD très réussie, qui mêle habilement deux styles graphiques pour raconter une histoire touchante et authentique. On suit Coline, une jeune illustratrice qui gagne progressivement en confiance en elle grâce à cette rencontre virtuelle avec Marley. Les thèmes de la solitude, des relations à distance, et surtout de la construction personnelle sont abordés avec beaucoup de sensibilité. Une lecture moderne, pleine d’émotions, que je recommande vivement !
Depuis l’excellente série Tyler Cross, la sortie d’un album du duo Nury-Brüno fait figure d’événement, et « Electric Miles » ne déroge pas à la règle. De plus, il s’agit ici du premier tome d’une série qui réussit à nous mettre en appétit, je dirais même plus, « en état de fringale »…
Si le titre et la couverture de cette nouvelle série tant attendue de Fabien Nury, prolifique et brillant scénariste de la planète du neuvième art, et de Brüno, tout aussi brillant dans son dessin, sont assez mystérieux, son contenu est à l’avenant. Dès les premières pages, on découvre un écrivain ténébreux, Wilbur H. Arbogast, qui raconte à l’agent littéraire qui l’a contacté, comment son expérience de mort imminente l’a conduit à écrire un livre qui comportait trop de danger pour être publié. Les rares lecteurs du monde de l’édition qui s’y sont risqués seraient devenus fous ou auraient mis fin à leurs jours. L’accroche fonctionne à merveille et le lecteur est immédiatement embarqué dans ce récit oscillant entre le polar noir et un onirisme mystique saupoudré de science-fiction.
L’action se situe dans les Etats-Unis de la fin des années 40, mais si on doit parler de polar, le suspense est plutôt d’ordre psychologique puisqu’ici, il n’est aucunement question de coups de feu ou de course-poursuite. Et c’est ce fameux livre secret qui sera au centre de l’histoire, donnant lieu à une plongée dans le monde de l’édition et du cinéma. Flairant le bon coup, les pontes d’Hollywood aimeraient, sans même l’avoir lu, le voir porté sur les écrans à coup de marketing vulgaire et survitaminé, provoquant dans un premier temps la colère et la fuite de l’écrivain. Mais les assauts de l’agent littéraire ont réveillé chez lui une sorte de folie ténébreuse : Arbogast a décidé de créer sa propre religion !
Dans ce tome introductif qui donne lieu à quelques digressions où Aborgast évoque notamment un passage de la Bible (comment Paul de Tarse est devenu disciple après avoir persécuté les premiers Chrétiens) ou pratique une séance de « psychogénie », curieux mélange d’hypnose et de psychanalyse, sur l’épouse de Morris Millman, on peut supposer que ce qui apparaît un peu comme un puzzle trouvera ses pièces manquantes dans le(s) tome(s) suivant(s), suggérant, peut-être, un lien avec les « Portes de la perception » décrites par Aldous Huxley, mais de manière plus ironique, on peut y voir surtout une allusion au fondateur de la scientologie Ron Hubbard et sa dianétique.
Le personnage principal correspond au profil classique de l’écrivain ténébreux et taiseux, un peu loser et revenu de tout. Mais dans le cas présent, Wilbur H. Argobast est au moins revenu d’entre les morts et semble avoir vu des choses trop difficiles (trop dures ou trop dangereuses, vraiment ?) à appréhender pour l’esprit humain… On peut apprécier également l’autre protagoniste, l’agent littéraire Morris Millman, qui révèle au fil des pages ses doutes et ses failles, alors qu’on pensait avoir affaire à un homme vénal et obséquieux.
Fidèle à sa ligne claire cinématographique qu’on apprécie tant, Brüno parvient à nous immerger dans le récit avec une ambiance noire et poisseuse en mode « hardboiled », avec éclairs et orages en toile de fond, même si ce n’est pas vraiment le même registre. Globalement, on reste dans une forme de glamour où le danger rôde, avec des échappées psychédéliques ou surréalistes qui font parfois songer à Charles Burns. Mais ça reste du Brüno, et on ne saurait lui en vouloir, parce que si on peut apprécier chez certains auteurs une approche stylistique évolutive, on n’aimerait pas que ça change chez lui. Brüno, lui, a trouvé ses marques et c’est puissant. C’est certain, son trait immédiatement reconnaissable a totalement pénétré son ADN.
Si donc la narration apparaît un rien disparate — mais comme on le sait, Nury ne construit pas ses récits de façon aléatoire, et chacune des séquences a sa raison d’être —, cela ne remet pas du tout en cause l’intérêt que l’on peut avoir pour dans ce premier tome et la forte envie que l’on aura à découvrir la suite. « Electric Miles » se place ainsi directement dans le haut du panier des BD de l’année.
Dis donc, qu'est-ce que c'est bien ce petit machin ! Enfin petit ; ça fait quand même plus de trois cents pages. Et machin, ça fait un peu méprisant. Mais c'est affectueux. Ce machin, cette BD, ce journal d'enfance, m'est tombé entre les pattes par hasard. Je n'en avais pas entendu parler avant. D'où ce "machin"...
Et j'ai été plus que séduit. D'abord par le dessin qui est à la fois d'une simplicité déconcertante et d'un réalisme incroyable. Juste des lignes noires et fines, esquissées, genre croquis en 2:2 sur le vif, mais dont la force dénote une maitrise parfaite des perspectives et des mouvements. Par exemple, j'ai été impressionné par la manière dont elle représente les bulles d'air dans l'eau de la piscine. C'est bête comme chou mais diablement efficace.
Qu'est-ce que tout cela est bien foutu ! Emilie Tronche compose ses pages, opère des raccourcis et ménage des effets comiques par ses dessins seuls. Franchement, c'est un vrai plaisir à lire. On se marre bien. On est touché aussi par la vibrante restitution de ce moment de l'enfance où le collège arrive, réaliste jusque dans le langage. C'est très bien vu.
C'est un journal qui compile différents moments importants de l'enfance, comme la délicate et versatile question de l'amour ! Donc du point de vu scénaristique, c'est filoguidé, et donc plus facile à mener si je puis dire. Cependant, les événements s'emmanchent très bien, et ceux qui sont retenus ont tous un minimum d'intérêt. Y a pas de gras, pas de déchet, le rythme est tenu tout le long sans longueur, et l'autrice sait faire passer beaucoup de choses émotionnellement parlant, parfois avec un simple gribouillis (au sens propre). Et petit bonus sympa : le bas des pages comporte des petits dessins façon flipbook !
Bienvenue à Emile Tronche dans le monde la BD. On espère que Samuel ne restera fils unique...
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Le Piano Oriental
J'ai dévoré cette série de Zeina Abirached avec délectation. La même délectation que lorsque j'entends une partition de Chopin au piano. J'ai trouvé son récit d'une grande intelligence et d'une originalité certaine. J'aime beaucoup cette thématique du langage qui va bien au delà de la simple transmission d'informations basiques : "avec le langage m'arrivaient les idées" fait dire l'autrice à sa jeune héroïne. En mettant en parallèle certaines subtilités du français et de l'arabe l'autrice nous fait toucher du doigt comment une langue peu induire une philosophie ou des comportements spécifiques. De plus Zeina enrichit son récit en ajoutant de façon très équilibrée une analogie avec la musique. Le piano est l'instrument roi de la musique occidentale mais sa conception le rend inapte à la musique orientale et donc à faire partie du patrimoine de cette musique. Zeina nous fait vivre cette quête du quart de ton comme une véritable aventure aux résultats imprévisibles. Zeina nous propose ainsi un double récit qui prend le temps de poser les fondations au rapprochement de deux univers linguistiques et musicaux. On peut le lire comme un message utopique espérant que ce rapprochement ouvrirait la porte à une meilleure compréhension des deux mondes. Un pont entre l'Orient et l'Occidentale rêvaient les timides facteurs de pianos viennois. J'ai aussi apprécié ce graphisme plan qui me rappelle le théâtre de marionnette des traditions orientales ou extrême-orientales. Les personnages, souvent de face, sont d'une belle vitalité avec des dialogues lettrés. La double histoire est bien équilibrée et se fait sans rupture afin de proposer un ensemble cohérent et plaisant à lire. Le N&B est bien maitrisé en contrastes bien marqués comme pour exprimer la thématique de la dualité qui traverse cet ouvrage. Une belle lecture pleine de finesse et d'intelligence.
Un été indien
C'est avec un vrai plaisir que j'ai relu cet ouvrage de ces deux célèbres auteurs. Avec le recul je m'aperçois que chacun des deux auteurs est un peu sorti de son registre habituel même si on retrouve des thématiques connues. Comme le prouve un final très académique Pratt nous entraine dans un épisode anecdotique bien que violent de l'histoire américaine des premières années avec des colons hollandais cohabitant pacifiquement avec une tribu indienne. Le scénario de Pratt est intéressant du fait qu'il souligne l'ambiguïté et l'hypocrisie de la situation. Ainsi le personnage de Shevah, élément déclencheur des massacres, présente une attitude équivoque dans son rapport à sa sexualité. C'est vrai pour presque tous les personnages du récit que les auteurs s'ingénient à rendre soumis de façon perverse et diabolique à leur sexualité alors que les indiens la vivent de façon plus naturelle. L'intérêt du scénario de Pratt est qu'il équilibre les points de vue ceux des colons et ceux des indiens sans réellement définir quelle est la forme de justice la plus légitime ou plutôt illégitime dans ce cas précis. Manara sait se saisir de cette ambiance hypocrite et perverse pour produire des attitudes fidèles à son dessin. Les filles Phillis ou Shevah sont souvent comme possédées bien accompagnées par les révérends Black père et fils. Des ambiances intimes dans l'intériorité des foyers qui tranchent avec la rigueur des scènes extérieures où s'affrontent les deux camps. Cela donne un graphisme presque sage avec un beau travail sur le côté historique du récit. Un ouvrage qui n'a pas vieilli même si l'on peut regretter les dernières pages trop chargées. 3.5
D'or et d'oreillers
J'adore les contes et particulièrement les contes modernes qui renouvellent le genre en jouant avec les codes et en ayant un message progressif. Ce qui m'a attiré en dehors des bons avis est le dessin. Je ne sais pas trop comment s'appelle ce style, mais je le vois de plus en plus dans des bandes dessinées de type conte et je pense que c'est le style parfait pour ce type d'histoire. La mise en page est incroyable avec des scènes très audacieuses au niveau de la narration sans perdre le lecteur. Le scénario est prenant et cela ne se voit pas du tout que c'est l'adaptation d'un roman tellement tout est fluide et semble pensé pour de l'art séquentiel. Je ne connais pas le roman, mais on sent que l'autrice s'est appropriée l'œuvre au lieu de bêtement illustrer un récit comme c'est le cas avec les mauvaises adaptations de romans en BD. Il y a beaucoup de symbolisme dans cet album, mais tout me semble facile à comprendre pour un lecteur un peu cultivé. Un récit étonnant à lire pour les fans du genre.
L'Homme en noir
J'ai vraiment beaucoup aimé la façon avec laquelle les auteurs ont réussi à traiter le sujet de la pédophilie à hauteur d'enfant. Mattéo fait des cauchemars depuis les vacances . Il fait pipi au lit, a du mal à se coucher et ne suit plus à l'école. C'est perturbant pour les parents qui s'oriente vers un harcèlement scolaire mais sans résultat. La construction du récit s'appuie sur une trouvaille intelligente de Di Gregorio qui invite son lectorat dans deux univers sans que l'on sache vraiment lequel est réel et lequel est imaginaire. En effet il est difficile de discerner si cet homme noir appartient à l'imaginaire de l'enfant comme complément maléfique de son monde de super héros ou si c'est homme noir représente une réalité dramatique que l'enfant essaye de combattre avec ses pauvres armes. La narration invite au doute le plus longtemps possible tant que la parole ne s'est pas libérée. Ce qui rend le récit encore plus dramatique est la découverte finale du prédateur: incontournable et parent insoupçonnable, il est plutôt sympathique en surface. Di Gregorio vise juste en soulignant cette part de difficulté dans la découverte du crime. Le graphisme de Panaccione travaille avec maitrise sur la juxtaposition des deux univers sans jamais dévoiler où se trouve l'imaginaire du réel. Il alterne insécurité et zone de confort en montrant comment la première grignote l'espace de la seconde sans que l'entourage ne s'en rende compte. C'est parfaitement raccord avec la narration textuelle. Une lecture qui m'a bougé avec une belle intelligence dans la construction.
Impact - Green War
Je n'ai jamais pris le temps de lire les romans d'Olivier Norek (trop de BD à lire :P ), mais en tant que bibliothécaire, je suis son succès de près. Cette adaptation en BD par lui même au scénario et Frédéric Pontarolo au dessin m'aura pour le coup clairement donné envie de lire ses romans ! Car Norek nous propose de mettre un grand coup de botte dans la fourmilière de l'hypocrisie et de l'inaction politique face au dérèglement climatique et à notre destruction consciencieuse de notre environnement. L'auteur a le sens du récit et du suspens. Son thriller est très bien construit, et sans manichéisme, déroulant un récit dur et éclairant. Si la mise en place est un peu surprenante au début, une fois lancée l'histoire déroule tambour battant jusqu'à un final peut-être nu brin utopiste, mais qui laisse quand même une lueur d'espoir. Côté dessin, je ne connaissais pas le travail de Frédéric Pontarolo. S'il surprend au début par son côté "brouillon" et coloré, je m'y suis rapidement habitué et j'ai même beaucoup apprécié son travail. Une BD coup de poing à découvrir !
Moi, menteur
J’ai déjà lu plusieurs albums d’Altarriba – généralement avec grand, voire très grand plaisir – mais je n’ai pas lus tous ceux qui appartiennent à sa trilogie du « Moi ». J'attaque donc cette trilogie dans le désordre. Mais ça n’empêche en rien de comprendre le propos, l’album peut se lire comme un one-shot. Ceux qui ont lu d’autres séries d’Altarriba le savent, c’est un auteur engagé. Cet engagement se voit aussi ici, dans un album très « politique ». Qui fait de la politique, au sens où il traite de choses publiques, mais aussi car il met à nu – en ayant modifié les noms et changé quelques faits – le système politique espagnol de ces dernières années. Il revendique d’ailleurs cet arrière-plan. La force du travail d’Altarriba est aussi de dépasser le simple cadre espagnol, pour atteindre à une critique systémique qui va au-delà. La quête du pouvoir à tout prix, sans scrupules, à l’envers des valeurs prétendument mises en avant, mais aussi et surtout le travail de communication (tous les artifices y passent) qui prend le pas sur la réalité, on sent bien qu’il n’y a pas qu’en Espagne que tout ceci se développe. Il n’y a qu’à voir la novlangue au pouvoir, les discours quasi révolutionnaires et creux de Macron (prétendument ni de gauche ni de droite, « sorti de nulle-part » en 2017) et de pas mal d’autres animaux politiques, dont tous les discours créés par des communicants, avec la complicité des médias dominants (d’autant plus facilement maintenant que quelques magnats les contrôlent) façonnent une réalité alternative. Le personnage de Cuadrado, conseiller en communication, nous sert de guide dans cet univers artificiel. C’est un être méprisable, mais qui a tout compris des rouages du pouvoir. Il ment à tout le monde, à commencer par sa famille, se révèle froid, tendu vers un but, le pouvoir. Un être et un système d’autant plus abject que le lecteur se rend bien compte que c’est de nos sociétés que parle cette histoire, hélas pas si romancée. Le dessin de Keko est intéressant, et très adapté au sujet. Un Noir et Blanc où le Noir domine largement bien sûr. Et quelques touches de Vert apparaissant de-ci de-là… Mes seuls bémols concernent un peu le dessin, certes intéressant, mais parfois un peu trop sombres, pas toujours aisé à lire (mais c’est quand même rare). Et la narration, qui est quand même dense, il y a pas mal de textes, de dialogues. Mais bon, ça reste une lecture très recommandable.
Et si l'amour c'était aimer ?
Peut-être le meilleur Fabcaro. Même si beaucoup préfèrent citer l'également très bon Zaï Zaï Zaï Zaï, sans doute pour ses thématiques sociétales laissant poindre une plus grande ampleur (finalement non présente, l'absurde n'étant pas véritablement un point de vue, ou bien un "tout se vaut" droitier incroyablement nihiliste). Bref. Ma récente relecture m'amène néanmoins à émettre un conseil préalable, le conseil également formulé par un habitué d'ici appréciant Lapinot : l'humour de Fabcaro joue sur le registre de l'absurde et de la bêtise, et se renouvèle assez peu, aussi il est préférable de laisser un certain temps s'écouler entre la lecture de deux titres de ce bon copain. Ce crû-ci est indubitablement bon (du fait de formulations des dialogues bien senties, de situations particulièrement risibles, etc.), mais tous les ressorts comiques usités dans cette parodie de roman-photo le seront en d'autres occurrences, et l'habileté plus évidente ici, sera moins goûtée si elle apparaît vue sinon revue. Un ouvrage à consommer avec modération, mais si l'on est bien luné, il est tout à fait possible de s'entendre rire à gorge déployée, ou pleurer devant la merveilleuse connerie, ici assumée avec jubilation.
La Fille dans l'écran
La Fille dans l’écran est une BD très réussie, qui mêle habilement deux styles graphiques pour raconter une histoire touchante et authentique. On suit Coline, une jeune illustratrice qui gagne progressivement en confiance en elle grâce à cette rencontre virtuelle avec Marley. Les thèmes de la solitude, des relations à distance, et surtout de la construction personnelle sont abordés avec beaucoup de sensibilité. Une lecture moderne, pleine d’émotions, que je recommande vivement !
Electric Miles
Depuis l’excellente série Tyler Cross, la sortie d’un album du duo Nury-Brüno fait figure d’événement, et « Electric Miles » ne déroge pas à la règle. De plus, il s’agit ici du premier tome d’une série qui réussit à nous mettre en appétit, je dirais même plus, « en état de fringale »… Si le titre et la couverture de cette nouvelle série tant attendue de Fabien Nury, prolifique et brillant scénariste de la planète du neuvième art, et de Brüno, tout aussi brillant dans son dessin, sont assez mystérieux, son contenu est à l’avenant. Dès les premières pages, on découvre un écrivain ténébreux, Wilbur H. Arbogast, qui raconte à l’agent littéraire qui l’a contacté, comment son expérience de mort imminente l’a conduit à écrire un livre qui comportait trop de danger pour être publié. Les rares lecteurs du monde de l’édition qui s’y sont risqués seraient devenus fous ou auraient mis fin à leurs jours. L’accroche fonctionne à merveille et le lecteur est immédiatement embarqué dans ce récit oscillant entre le polar noir et un onirisme mystique saupoudré de science-fiction. L’action se situe dans les Etats-Unis de la fin des années 40, mais si on doit parler de polar, le suspense est plutôt d’ordre psychologique puisqu’ici, il n’est aucunement question de coups de feu ou de course-poursuite. Et c’est ce fameux livre secret qui sera au centre de l’histoire, donnant lieu à une plongée dans le monde de l’édition et du cinéma. Flairant le bon coup, les pontes d’Hollywood aimeraient, sans même l’avoir lu, le voir porté sur les écrans à coup de marketing vulgaire et survitaminé, provoquant dans un premier temps la colère et la fuite de l’écrivain. Mais les assauts de l’agent littéraire ont réveillé chez lui une sorte de folie ténébreuse : Arbogast a décidé de créer sa propre religion ! Dans ce tome introductif qui donne lieu à quelques digressions où Aborgast évoque notamment un passage de la Bible (comment Paul de Tarse est devenu disciple après avoir persécuté les premiers Chrétiens) ou pratique une séance de « psychogénie », curieux mélange d’hypnose et de psychanalyse, sur l’épouse de Morris Millman, on peut supposer que ce qui apparaît un peu comme un puzzle trouvera ses pièces manquantes dans le(s) tome(s) suivant(s), suggérant, peut-être, un lien avec les « Portes de la perception » décrites par Aldous Huxley, mais de manière plus ironique, on peut y voir surtout une allusion au fondateur de la scientologie Ron Hubbard et sa dianétique. Le personnage principal correspond au profil classique de l’écrivain ténébreux et taiseux, un peu loser et revenu de tout. Mais dans le cas présent, Wilbur H. Argobast est au moins revenu d’entre les morts et semble avoir vu des choses trop difficiles (trop dures ou trop dangereuses, vraiment ?) à appréhender pour l’esprit humain… On peut apprécier également l’autre protagoniste, l’agent littéraire Morris Millman, qui révèle au fil des pages ses doutes et ses failles, alors qu’on pensait avoir affaire à un homme vénal et obséquieux. Fidèle à sa ligne claire cinématographique qu’on apprécie tant, Brüno parvient à nous immerger dans le récit avec une ambiance noire et poisseuse en mode « hardboiled », avec éclairs et orages en toile de fond, même si ce n’est pas vraiment le même registre. Globalement, on reste dans une forme de glamour où le danger rôde, avec des échappées psychédéliques ou surréalistes qui font parfois songer à Charles Burns. Mais ça reste du Brüno, et on ne saurait lui en vouloir, parce que si on peut apprécier chez certains auteurs une approche stylistique évolutive, on n’aimerait pas que ça change chez lui. Brüno, lui, a trouvé ses marques et c’est puissant. C’est certain, son trait immédiatement reconnaissable a totalement pénétré son ADN. Si donc la narration apparaît un rien disparate — mais comme on le sait, Nury ne construit pas ses récits de façon aléatoire, et chacune des séquences a sa raison d’être —, cela ne remet pas du tout en cause l’intérêt que l’on peut avoir pour dans ce premier tome et la forte envie que l’on aura à découvrir la suite. « Electric Miles » se place ainsi directement dans le haut du panier des BD de l’année.
Le Journal de Samuel
Dis donc, qu'est-ce que c'est bien ce petit machin ! Enfin petit ; ça fait quand même plus de trois cents pages. Et machin, ça fait un peu méprisant. Mais c'est affectueux. Ce machin, cette BD, ce journal d'enfance, m'est tombé entre les pattes par hasard. Je n'en avais pas entendu parler avant. D'où ce "machin"... Et j'ai été plus que séduit. D'abord par le dessin qui est à la fois d'une simplicité déconcertante et d'un réalisme incroyable. Juste des lignes noires et fines, esquissées, genre croquis en 2:2 sur le vif, mais dont la force dénote une maitrise parfaite des perspectives et des mouvements. Par exemple, j'ai été impressionné par la manière dont elle représente les bulles d'air dans l'eau de la piscine. C'est bête comme chou mais diablement efficace. Qu'est-ce que tout cela est bien foutu ! Emilie Tronche compose ses pages, opère des raccourcis et ménage des effets comiques par ses dessins seuls. Franchement, c'est un vrai plaisir à lire. On se marre bien. On est touché aussi par la vibrante restitution de ce moment de l'enfance où le collège arrive, réaliste jusque dans le langage. C'est très bien vu. C'est un journal qui compile différents moments importants de l'enfance, comme la délicate et versatile question de l'amour ! Donc du point de vu scénaristique, c'est filoguidé, et donc plus facile à mener si je puis dire. Cependant, les événements s'emmanchent très bien, et ceux qui sont retenus ont tous un minimum d'intérêt. Y a pas de gras, pas de déchet, le rythme est tenu tout le long sans longueur, et l'autrice sait faire passer beaucoup de choses émotionnellement parlant, parfois avec un simple gribouillis (au sens propre). Et petit bonus sympa : le bas des pages comporte des petits dessins façon flipbook ! Bienvenue à Emile Tronche dans le monde la BD. On espère que Samuel ne restera fils unique...