Ce week-end petite balade au salon de St Herblain, herbulles. J’y allais sans trop connaitre la liste des dessinateurs invités. Après le passage obligé à la librairie qui propose les albums des auteurs présents, je suis subjugué par ceux de Benoît Springer. Je me procure 3 de ses albums. C’est du lourd ! je sens que je vais me régaler !
Voici donc mon premier avis. Je commence par Claude Gueux, d’après la nouvelle éponyme de Victor Hugo. Un coup au foie ! Voilà une Bd percutante qui revisite ce classique du XIXe siècle avec un regard moderne et un style graphique saisissant.
Benoît Springer impose un trait puissant et sombre, où les ombres et les contrastes dominent pour traduire l’oppression du système carcéral. Son style nerveux et expressif donne une intensité visuelle rare, renforçant l’émotion et la tension du récit. Séverine Lambour, au scénario, signe une adaptation fidèle et épurée, respectueuse de l’esprit critique et humaniste de Victor Hugo. Les dialogues, minimalistes mais percutants, laissent une large place à l’expression graphique, créant un équilibre parfait entre texte et image. Vos pupilles vont se dilater de plaisirs.
Le découpage dynamique et les cadrages audacieux donnent un rythme soutenu à la lecture, tandis que les silences amplifient l’impact dramatique. Les éclairages, souvent réduits à des lueurs dans la pénombre, guident le regard et soulignent les moments clés du récit. Cette maîtrise génialissime de la lumière et de l’ombre renforce l’atmosphère oppressante et tragique de l’histoire.
L’album aborde des thèmes universels : la justice sociale, la révolte face à l’injustice, et la quête de dignité dans un monde impitoyable. L’œuvre résonne avec une actualité frappante, rappelant que les combats de Victor Hugo pour l’égalité et la fraternité sont toujours d’une brûlante nécessité.
Cette bande dessinée est une expérience de lecture intense accessible à tous, des amateurs de littérature aux passionnés de BD. Elle ne pourra que vous séduire par sa profondeur thématique, son dessin expressif, et sa capacité à émouvoir sans jamais tomber dans le pathos. Seul petit bémol, ça se lit d’une traite et assez rapidement mais que c’est bon !
Je ne peux finir mon avis sans souligner la gentillesse de Benoît qui prend du temps pour répondre aux questions concernant son travail et qui vous fait une dédicace « de la fin du monde » juste incroyable !
Grâce à Grogro, je me lance dans la défense des Gouttes de Dieu. Vous savez le point commun entre Proust et cette œuvre ? Eh bien, les deux sont très poétique, et on ne le dit pas beaucoup !
A la perfection des étiquettes en dessin, répond l'égale qualité de la représentation graphique des description des vin déjà fort bien menée avec des mots. Et qu'est-ce que j'ai lu, que ce manga serait snob ? Eh bien non, les apôtres et tant d'autres vins délicieux ne coûtent pas grand-chose. Parfois même un vin estimé plus simple est considéré comme se mariant mieux qu'un plus cher et complexe comme dans le cas du chablis dont le restaurateur s'est entiché, incapable de suivre les enseignements de sa femme sommelière ! Aux Etats-Unis, un escroc veut dépouiller des gens, surtout Japonais, adorateurs des étiquettes et incapables se former un goût, et même les héros japonais luttant contre lui ne nient pas ce travers national.
Dans les gouttes de Dieu, tout en rendant à la France la place qui lui est due, on montre aussi l'Italie moins chère et plus accessible à comprendre, notamment en cours de repas. Les gouttes de Dieu d'ailleurs dans un Goutte de Dieu mariage des plus logiques, un vin se buvant dans l'idéal dans un repas où je ne saurais dire si ce sont les plats qui doivent accompagner le jus de la treille ou bien l'inverse. L'idéal, je pense, serait une symbiose si parfaite que chacun serait accompagné et accompagner de l'autre à égalité. Me ravit que tant de volumes tiennent si parfaitement la route ! Mais je n'ai pas supporté longtemps le feuilleton télé, au large, donc.
Et à présent, je vais lire d'autres critiques de mes collègues commentateurs !
Blake et Mortimer ne fait pas partie de mes lectures de jeunesse et cela n'entre pas dans mes séries cultes. J'ai trouvé cet album réalisé par F. Schuiten, un auteur que j'aime beaucoup, plutôt réussi et un bel hommage à l'original. Je suis assez surpris du nombre d'avis négatifs. On retrouve des personnages vieillis dans la grande pyramide au départ puis à Bruxelles. L'auteur y glisse des références à ses propres oeuvres comme La Douce ou les Cités obscures mais reste fidèle aux textes narratifs de Jacobs.
Le dessin est différent de la ligne claire originale mais je l'aime bien, il est d'une beauté, un travail d'architecte. Le choix de couleurs m'a également paru opportun et les personnages sont tout à fait identifiables. Quant à l'histoire elle mêle ésotérisme, action, science-fiction avec une touche de post-apocalyptique dans cette Bruxelles condamnée et isolée du reste du monde à cause de radiations dans laquelle des personnes sont revenues vivre avec un projet de vie différent. Il faut parfois faire abstraction de son sens terre à terre et se laisser porter. Oui Mortimer est vieux mais se comporte comme James Bond, chutant de 3 mètres sur le parquet sans égratignure par exemple.
Selon moi un album qui peut se lire même sans connaitre la série mère et qui reflète les préoccupations de notre époque. 1er 4/5 après 12 avis.
Un bijou absolu, à la fois graphique et éditorial.
Cette édition Marvel Prestige de Silver Surfer : L’obscure clarté des étoiles est une redécouverte magistrale du one-shot culte de 1996 (Silver Surfer: Dangerous Artifacts) signé Ron Marz et Claudio Castellini.
Dès les premières pages, on est happé par la beauté du dessin. Castellini livre ici un travail d’une précision incroyable : anatomies parfaites, perspectives vertigineuses, planètes et galaxies rendues avec un sens du détail presque baroque. Chaque case est pensée comme une composition complète, et le grand format choisi par Panini met parfaitement en valeur cette dimension presque “monumentale” de son art.
Mais ce qui rend cette édition exceptionnelle, c’est son choix du noir et blanc. À l’origine, la version américaine était sortie en couleur, dans un format plus standard. Or, Castellini lui-même avait conçu son travail pour être vu en noir et blanc, en jouant sur les ombres, les contrastes et la lumière. La colorisation d’époque avait littéralement étouffé son trait — à tel point que la première édition avait été très critiquée pour ça.
Ici, Panini a corrigé le tir en proposant une édition restaurée et supervisée par l’auteur lui-même, qui a nettoyé ses planches originales pour leur redonner l’intensité et la clarté qu’il voulait à l’origine. Le résultat est bluffant : la finesse du trait, la puissance des noirs, la lumière qui se dégage de certaines pages… tout est sublimé.
C’est une œuvre qui se lit presque comme un artbook narratif, où le scénario de Marz — simple mais efficace — sert surtout de cadre pour admirer le talent graphique de Castellini. Certains pourront trouver l’histoire un peu convenue, mais franchement, devant une telle maîtrise visuelle, on pardonne tout.
Un mot aussi sur la fabrication : papier épais (170g), grand format, impression soignée, dos toilé noir… c’est une édition qui respire le respect du travail original.
L’obscure clarté des étoiles dans ce format noir et blanc, c’est le Silver Surfer dans toute sa splendeur cosmique, vu à travers les yeux d’un artiste qui a enfin pu montrer son œuvre telle qu’il l’avait imaginée.
Voilà un album jeunesse plutôt réussi.
Le pitch est des plus simples : le jeune Milo est envoyé par sa mère chercher une chaussette pour sa petite sœur. Mais, arrivé dans la cave, sombre comme de bien entendu, Milo va voir cette chaussette volée et emportée par un rat. Il va se lancer à sa poursuite, et c’est le début d’une longue aventure !
Car rapidement, des passages secrets débouchant sur des lieux improbables vont le mener très loin. Et il va rencontrer une foule de personnages plus ou moins loufoques, la Mort, un fantôme, des personnages difformes, gélatineux, un bouc prénommé Ibn Battuta, etc.
C’est extrêmement rythmé, Milo vol d’aventures en aventures, plein de courage et de persévérance. La plupart des êtres rencontrés, au départ menaçants – en tout cas provoquant la peur – se révèlent rapidement amicaux, et vont aider Milo à remplir sa mission, ramener cette fichue chaussette ! Avec une chute amusante (et qui aurait pu donner lieu à une suite ?), lorsque sa mère envoie Milo chercher un carton au grenier…
Un récit simple et rythmé, dans lequel un gamin dépasse ses peurs, voilà une lecture que les plus jeunes apprécieront sans doute.
Malgré l’importante pagination (près de 250 pages), la lecture est rapide : peu de texte, un petit format, et un rythme empêchant de faire une pause…
Les mamans ne reviennent pas toujours, mais ne partent jamais vraiment.
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Philippe Pelaez pour le scénario, et par Stéphane Sénégas pour les dessins. Il comporte cent-soixante-sept pages de bande dessinée en noir & blanc.
Au beau milieu d’un champ, au sommet d’une butte, se tient un épouvantail à l’ancienne, un mannequin grossier de bois avec un grand manteau flottant au vent, et un chapeau à large rebord. Une personne a fait un cauchemar. Un de ceux qui se nourrissent des vivants. L’épouvantail lui tournait le dos, il se rapprochait. Cette personne glissait lentement au-dessus du sol. Et soudain, dans le silence assourdissant de l’obscurité, il s’est retourné. Les coutures de son sourire ont sauté. Ces yeux faits de deux boutons se sont allumés d’une lumière jaune. Elle ne pouvait pas bouger. Ses bras de bois se sont soudain agités et à leur extrémité ont proliféré des serpents de doigts, entortillés telles les racines d’un arbre mauvais. Son manteau s’est ouvert sur un cep de treille noueux et putrescent qui ondulait comme une vis sans fin. Son sourire écartelé par les lames de ses dents affutées lui mangeait le visage. Elle ne pouvait détacher son regard de ses yeux de lune fauve. Il chantait… Chapitre un : Lily. Dans la cour d’une ferme, Lily, une enfant de cinq ans, chantonne la comptine Promenons-nous dans les bois, en ayant substitué l’épouvantail au loup, tout en nourrissant un groupe de poules. La fillette est rappelée à l’ordre par Belle-Mère, la nouvelle compagne de son père. Cette dernière lui fait une remontrance : Lily ne devrait pas donner à manger aux poules avec ses baskets toutes neuves et toutes blanches, elle lui avait dit de mettre ses bottines. Père intervient pour appuyer les dire de sa compagne, et Lily se fâche, et décide d’aller voir l’épouvantail dans le champ.
Alors que la fillette vient de partir, une voiture de police arrive et s’arrête dans la cour. Capitaine et son adjoint entre dans la ferme et posent quelques questions supplémentaires à Père, pendant que Belle-Mère leur sert un verre d’eau. Ils souhaitent avoir des détails supplémentaires sur le matin où s’est produit l’accident. L’heure, ce qu’a fait Père. Ce dernier raconte : Sept heures, sept heures quinze, oui. Le jour venait de se lever. C’est là qu’il s’est rendu compte que la barrière était mal fermée, et que deux chèvres en avaient profité pour s’échapper. Ça arrive régulièrement. Faut qu’il répare cette fichue barrière ! D’un autre côté, elles ne partent jamais bien loin. Mais parfois, elles vont jusqu’au bois. Et là, c’est plus coton pour les retrouver. Avant, il avait son chien, un beauceron, qui les retrouvait en deux temps, trois mouvements. Mais il est mort il y a quelques mois. Évidemment, cette fois-là, ça n’a pas loupé, elles étaient dans leur bois. Il n'aime pas y aller au bois. Et il n’aime pas quand les chèvres y vont pour boire dans l’étang… parce qu’il y a la route de l’autre côté, juste derrière le versant. Il a toujours peur que les chèvres traversent et se fassent renverser par une voiture ou un camion.
Ce récit présente plusieurs particularités qui lui donne une forte personnalité dès la première page. L’artiste réalise dessins un registre descriptif et réaliste, avec un degré de simplification, une forme d’exagération dans l’anatomie des personnages et dans leur visage, des traits de contour fins et cassants, des aplats de noir aux formes irrégulières et souvent acérées, un usage parcimonieux des nuances de gris en lavis, des exagérations ponctuelles de perspective pour rendre un moment plus dramatique. Deuxième singularité : dès le prologue, l’épouvantail incarne une force surnaturelle, dont la nature n’est pas explicite. Troisième caractéristique : Lily a un fort caractère et elle chante une comptine dans le premier chapitre, ce qui fait tout de suite penser le lecteur à un conte, association d’idées se produisant comme un automatisme, rapprochement également induit par la couverture, avec cette nuée noire émanant de l’épouvantail comme une sorte d’émanation d’une force surnaturelle. Autre caractéristique : le scénariste a fait le choix de ne nommer que deux personnages : Lily et sa mère biologique Ophélie. Charge au lecteur de nommer les autres personnages : Père, Belle-Mère, Capitaine pour l’inspecteur de police menant l’enquête, et encore quelques seconds rôles. En fait ce n’est pas tout à fait aussi restreint. Par la suite, Lily nomme trois animaux de la ferme : Poulette, Minette, Chevrette. Au cours du récit, une évidence s’impose à elle : elle doit trouver un nom à Épouvantail.
Régulièrement, les dessins et la mise en page dégagent un décalage, une étrangeté, entre menace potentielle, non-dit flagrant, réaction bizarre, et manifestation surnaturelle qui ne se trouve peut-être que dans l’esprit du personnage. Pour commencer, il en va ainsi de l’apparence de l’épouvantail : ses dents trop blanches et trop longues en page trois, les sortes de fins troncs entremêlés en page quatre. Toutefois, il faut attendre la page dix-neuf pour le revoir, une minuscule ombre chinoise au sommet de la colline. Par la suite, Épouvantail (avec une majuscule pour désigner le personnage) conserve une apparence quasi identique, immuable, si ce n’est pour son pardessus parfois agité par le vent, ou trempé par la pluie. Il retrouve un peu d’animation lors d’un cauchemar de Capitaine. Et pourtant, la narration visuelle en fait plus qu’une présence immobile, un personnage à part entière, aidée en cela par le fait que certains personnages l’entendent parler. La combinaison des dessins et des dialogues place le lecteur dans le doute, entre un conte dans lequel un objet inanimé est doté de conscience et d’une forme de parole, et la possibilité que tout cela ne soit que dans la tête des personnages qui l’entendent parler, ou peut-être même seulement l’interprétation qu’en fait un unique personnage, en l’occurrence Lily, en tant que narrateur possiblement non fiable.
D’ailleurs le traitement graphique de Lily donne l’impression qu’elle est constituée des mêmes éléments que Épouvantail. Un visage simplifié, presque chérubin, une coupe de cheveux avec une frange masquant tout le front, des yeux souvent réduits à deux points, un nez représenté par un petit trait horizontal, et une bouche soit également sous forme de court trait horizontal, soit parfois grande ouverte pour un sourire éclatant. Elle est le plus souvent vêtue d’une large robe d’enfant avec une poche centrale sur le devant, et elle porte ses bottes, après la première séquence. À deux ou trois reprises, une sorte d’ectoplasme d’une grande noirceur plane au-dessus de sa tête, alors qu’elle est sous l’influence de la colère. Les autres personnages présentent également chacun une caractéristique dans le visage qui fait hésiter le lecteur entre une touche caricaturale, ou une exagération inquiétante, comme si le récit pouvait basculer à tout moment dans l’horreur, ou en tout cas dans une sensation de bascule à tout moment. Le lecteur regarde ainsi Père costaud et au visage calme qui semble ne pas percevoir les accusations sous-jacentes, le petit visage de Belle-Mère avec ses yeux cachés derrière ses énormes lunettes comme si elle souhaitait rester en retrait, le visage un peu trop allongé de Capitaine comme s’il était capable de s’enfoncer comme un clou dans la vie des gens pour découvrir tout ce qu’ils préfèreraient laisser caché.
Les paysages eux-mêmes prennent souvent une allure expressionniste. Les troncs d’arbres du bois qui évoquent des tentacules en ombre chinoise. Les ondulations de la butte qui peuvent laisser penser que Épouvantail va dévaler sur la pente herbue. Un carré d’herbe isolé dans lequel Lily menace de s’enfoncer comme dans des sables mouvants. Une pluie dense dans un ciel gris, comme la pluie du jugement dernier prête à engloutir le monde. Un long couloir interminable avec une porte tout au fond de cette perspective ressemblant à un abyme. Dans le même temps, les personnages interagissent avec ces décors parfois presque animés, qui influent sur leur état d’esprit. À d’autres moments, c’est l’entrain de Lily qui va dominer, telle cette course en cariole, évoquant Calvin & Hobbes dans une activité similaire. Bien souvent, le lecteur ressent un vrai plaisir à découvrir et à savourer ces moments visuels, la prise de vue et la construction de page très vivantes.
Séduit par la narration visuelle et par le caractère entier de Lily, le lecteur se prête bien volontiers au jeu de relever une pièce de puzzle à la fois pour l’intrigue et de chercher comment elles s’assemblent, d’essayer de devancer les révélations pour comprendre ce que cachent les non-dits, ce que cherche Capitaine dans son enquête, qui est coupable de quoi. Peut-être un meurtre ? Peut-être deux ? En quoi Ophélie, la mère de Lily, et son absence sont liées au mystère ? Intriqué avec cette intrigue policière, le lecteur perçoit que les éléments de conte peuvent s’interpréter comme des métaphores. À l’évidence, la relation que Lily entretient avec Épouvantail constitue une image de des émotions et de leurs fluctuations de la petite fille vis-à-vis de l’absence de sa mère, du souvenir qu’elle en garde. Les propos tenus par Épouvantail peuvent être considérés comme l’inconscient de Lily qui exprime ce qu’il a capté, mais que la petite fille ne peut exprimer faute de mots. Puis d’autres personnages réagissent à Épouvantail comme s’il incarnait quelque chose pour eux, à chaque fois différent. Comme si le fait qu’il ait été fabriqué par Ophélie l’avait également doté d’une charge émotionnelle rémanente, l’avait chargé d’une énergie occulte. Inconsciemment, Lily ressent que Père ne lui a pas dit la vérité sur le sort de sa mère. Inconsciemment Capitaine ressent que la présence de Épouvantail a dû influer sur le déroulement de l’accident. Progressivement Épouvantail change de statut grâce à l’honnêteté de l’enfance, le fait de le nommer changeant sa nature.
Un album singulier. La narration visuelle en noir & blanc exprime à merveille les sensations de ce récit entre polar et conte, entre éléments factuels, ressentis, et non-dits, mensonges et culpabilité d’ordre divers. La narration met le lecteur en mode participatif, cherchant à deviner qui a fait quoi, à déterminer le lien entre des événements funestes, reconfigurant ses hypothèses à chaque nouvelle information. C’est encore Lily qui le dit le mieux : Ce qu’il y a de bien, quand on joue à refaire l’histoire, c’est qu’on peut changer la fin…
Avec "Armelle et Mirko", Loïc Clément, Anne Montel et Julien Arnal nous emmènent dans le petit monde bien sombre d'Armelle. Pauvre petite tortue dont le comble du malheur est d'être phobique de l'obscurité... Compliqué de se prémunir des dangers quand son refuge naturel n'est qu'une source d'angoisse ingérable. Heureusement, la rencontre de la luciole Mirko va tout changer !
C'est tout en poésie, grâce notamment au trait tout en rondeur et à une colorisation contrastée et lumineuse, que Julien Arnal nous emmène dans cet univers simple mais pas simpliste. Avec cette histoire toute en subtilités, les enfants découvriront que les angoisses et les peurs, ça arrive à tout le monde et qu'en échangeant avec les bonnes personnes, il existe souvent un moyen de se sortir d'un mauvais pas, voire de se faire des amis.
Voilà un album très élégant (je trouve déjà la couverture magnifique), intelligent et empreint de cette petite touche de poésie qui fait toute la différence.
*** Tome 2 ***
Après l'émerveillement du premier tome, j'étais curieux de voir ce que les auteurs allaient nous proposer pour ces curieux petits personnages.
Personnellement, j'ai trouvé que le graphisme était encore plus majestueux mais l'histoire m'a moins touché. Mirko la luciole décide de reprendre son chemin et notre petite Armelle a bien du mal à voir son seul ami reprendre la route et la laisser à ses angoisses. Mais ayant appris à les gérer tant bien que mal, elle va réussir à se faire de nouveaux amis...
Moins profond que le premier tome, cet album nous émerveille pourtant grâce au dessin de Julien Arnal qui s'est encore plus lâché, notamment sur la colorisation. C'est lumineux, avec toujours cette petite touche de poésie, tout en abordant des thématiques fortes (amitié, solitudes, angoisses, etc.).
Une belle série jeunesse.
*** Tome 3 ***
C'est avec plaisir que nous retrouvons notre petite équipe d'animaux. L'hiver s'est installé et notre petite troupe profite joyeusement des bons côtés de l'hiver. Balades et randonnées, partage d'un bon repas, lectures solitaires... Tout est bon pour conforter cette belle amitié qui les lie.
Mais la fin de l'hiver et le dérèglement climatique va s'inviter violemment dans cette routine rassurante et finir par séparer nos amis. Une nouvelle épreuve à traverser...
Ce troisième tome reste toujours aussi agréable, même pour l'adulte que je suis. La qualité est toujours au rendez-vous, que ce soit dans l'écriture que dans l’illustration. Les textes relèvent en effet d'un certain niveau de lecture qui est plutôt plaisant sans donner dans le verbeux ou le pompeux, à l'image du dessin de Julien Armal toujours aussi chatoyant et lumineux. Sa colorisation aquarellée est somptueuse et se marie à merveille avec le récit pour donner cette petite touche de légèreté et de poésie qui transpire de cette série.
Encore un très bon tome !
*** Tome 4 ***
Oh ! Un Nouvel Armelle et Mirko !
On retrouve notre joyeuse petite bande qui après ses déboires a fini par élire domicile dans une carcasse de tank. Bon, ça ils ne le savent pas, et c'est pour le coup ils l'ont rudement bien aménagé !
Tout va donc pour le mieux, sauf que la vie en communauté, c'est pas toujours facile. Mais le problème avec nos exubérants collocs' c'est qu'Armelle doit supporter la musique matinale de Mirko, repasser derrière tout le monde pour ranger ou faire la vaisselle, supporter les recettes loufoques ou pas à son goût de la renarde... Ajoutez à cela son impossibilité de leur dire... et Armelle va finir par voir rouge !!!
Toujours aussi agréable et doux visuellement, le graphisme d'Anne Montel répond à merveille à ces petites histoires malines et intelligentes, ici, l'importance de communiquer et les soucis de vivre ensemble.
Une série pour les plus jeunes qui ne les prend pas pour des neuneus (le vocabulaire en est le parfait exemple) et qui traite ses sujets de façon originale ; je recommande !
Un coup de cœur pour cet excellent western.
Un western très classique, mais n'est-ce pas avec les vieilles recettes que l'on fait les meilleures histoires ?
Les 160 pages se dévorent rapidement.
En 1874, le Far West est encore sauvage dans cette contrée désertique des États-Unis. Des bandits attaquent régulièrement la diligence qui transporte les fonds nécessaires à la petite ville de Flagstaff. Le propriétaire de la banque cherche un moyen pour stopper ces attaques, et il croit l'avoir trouvé avec ce nouveau coffre piégé d'explosifs.
La particularité de ce western c'est qu'il va mettre en avant trois femmes, la Jeune Elfie qui vient d'avoir 18 ans et sa grand-mère Marian, elles tiennent un relais de diligences en plein désert. La troisième, la jolie Mattie, est une prostituée qui veut changer de vie. Dans les personnages masculins, un mystérieux cow-boy solitaire tiendra un rôle important, ce qui sera moins le cas de Mad Wolf, un indien navajo qui travaille lui aussi au relais de diligences.
Un récit très bien construit, le suspense est présent du début à la fin et les rebondissements sont bien amenés, mais c'est surtout la psychologie très bien travaillée des protagonistes, même des rôles moins importants, qui rend ce récit accrocheur. Certains sont attachants, malgré leurs défauts, et d'autres sont plus que détestables.
La violence est omniprésente, je ne compte plus le nombre de balles dans la tête (ou de hache) et ces dames ne seront pas à la noce, tentatives de viol et viols sont malheureusement fréquents dans cette partie du Far West.
Une histoire qui se termine sur une note optimiste.
J'ai beaucoup aimé le dessin de Christophe Regnault (il va vraiment falloir que je lise son Jesse James). Un style dans la pure tradition du western mais avec une belle expressivité, de la lisibilité et une grande diversité dans les trognes des personnages (elle reflète parfaitement leur personnalité). La mise en scène joue sur les gros plans et ceux plus larges pour profiter des magnifiques paysages. De superbes pleines pages pour le plaisir de nos rétines
Du très bon boulot.
Un western à découvrir, sans le moindre doute.
Après Mezkal et Convoi, revoilà notre duo d'auteurs qui se lance dans une nouvelle série plus développée (3 tomes prévus).
Nous voici projetés dans un univers SF bien noir qui pourrait faire penser à Blade Runner pour le background, même si l'action se situe dans une méta-cité de Lyon qui a bien changé avec le temps. Cette mégalopole est tenue d'une main de fer par le Mayor et sa milice et différentes factions mafieuses qui se partagent le marché de la drogue du moment : le Blast, seul échappatoire illusoire d'une populace essorée. Quand arrive sur le marché une contrefaçon meilleur prix, le fragile équilibre de ces magnats commence à vaciller et la mécanique du pire se pointe en ligne de mire...
Si les personnages et l'intrigue fourmillent d'emprunts et de clins d'oeils, c'est avant tout le graphisme maîtrisé de Jeff qui nous accroche. Composition, dessin et colorisation sont une franche réussite. Côté scénario, ça sent quand même le déjà vu, même si (comme moi) les amateurs du genre ils trouveront leurs petits. La trame générale reste pour le moment avec ce tome introductif un peu floue, espérons que la suite développe davantage et ouvre de nouveaux horizons.
En attendant, un bon premier tome qui donne l'eau à la bouche.
*** Tome 2 ***
Et voici donc le second volet de cette trilogie ! Moi qui attendait de la surprise et des rebondissements, et bien j'ai été servi !
Car dans ce deuxième opus, ça ne fait pas dans la demi mesure ! On pourrait même parfois reprocher au récit de s'emballer et de frôler le parapet. Certaines scènes s'enchainent tellement vite qu'il m'a fallu reprendre certaines pages pour bien comprendre les enjeux et ce qui se passait.
Mais globalement tout se tient et déroule grand train, servi par le dessin de Jef qui pose à merveille ambiances et personnages. C'est sombre et glauque à souhait, maniant un équilibre très juste entre trait, cadrages et colorisation. Le résultat est bluffant.
Vivement le tome 3 !
C'est en voyant passer l'avis de Lodi que je me suis replongé avec plaisir dans mon souvenir de lecture du premier cycle des Eaux de Mortelune. A l'époque, je découvrais un peu l'univers de la BD. Disons que je sortais des Astérix, Scrameustache, Gaston et consors pour entrer dans la BD adulte. Voilà donc que le frangin m'offre le premier tome....
Bref ! Quelle claque ! Je me souviens de cet univers poisseux et décadent qui avait une texture complètement inédite. Tout était inventif à mes yeux d'ado tout neuf. J'aimais aussi le décalage entre la perversion des puissants et la poésie dont faisait preuve Nicolas. Il y avait dans ce personnage l'étincelle de vie qui parlait à ma conscience d'ado poète (pouet).
Je me souviens il y a quelques mois avoir songé à cette BD en me disant qu'elle était totalement dans le ton de notre époque. Le gouvernement Attal se cassait la gueule, Bruno Le Maire en profitait alors pour se barrer en Suisse en laissant une ardoise conséquente, non sans avoir chié un roman dans lequel il faisait état de ses fantasmes beaufs et sodomites. Alors lui, me suis-je dis alors, c'est vraiment le Duc Malik ! Je chie à la gueule des pauvres et je fais mes petites affaires de quéquette à deux balles sur le dos des tondus. Sans vergogne le mec. Et quelques temps plus tard, rebelotte avec ce porc de Larcher qui, avec tant d'autres, vient gerber sur la Justice... On pourrait égrainer la liste, désormais longue comme un jour sans soleil, de ces gestes et paroles de fin d'empire, mais franchement, on dirait la galerie décadente des Eaux de Mortelune, non ?
Du coup, la critique de Lodi m'a donné envie de m'attaquer au second cycle, que je n'ai encore jamais lu. J'ajoute donc ces tomes sur ma déjà très longue PAL !
Bref ! Cette BD fait pour moi figure de classique parmi les classiques, à ranger aux côtés des Passagers du vent, Thorgal (jusqu'au tome 13), Astérix (jusqu'à Astérix chez les Belges), L'Incal, Tintin, Philémon... Ce qui s'appelle un immanquable quoi !
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Claude Gueux
Ce week-end petite balade au salon de St Herblain, herbulles. J’y allais sans trop connaitre la liste des dessinateurs invités. Après le passage obligé à la librairie qui propose les albums des auteurs présents, je suis subjugué par ceux de Benoît Springer. Je me procure 3 de ses albums. C’est du lourd ! je sens que je vais me régaler ! Voici donc mon premier avis. Je commence par Claude Gueux, d’après la nouvelle éponyme de Victor Hugo. Un coup au foie ! Voilà une Bd percutante qui revisite ce classique du XIXe siècle avec un regard moderne et un style graphique saisissant. Benoît Springer impose un trait puissant et sombre, où les ombres et les contrastes dominent pour traduire l’oppression du système carcéral. Son style nerveux et expressif donne une intensité visuelle rare, renforçant l’émotion et la tension du récit. Séverine Lambour, au scénario, signe une adaptation fidèle et épurée, respectueuse de l’esprit critique et humaniste de Victor Hugo. Les dialogues, minimalistes mais percutants, laissent une large place à l’expression graphique, créant un équilibre parfait entre texte et image. Vos pupilles vont se dilater de plaisirs. Le découpage dynamique et les cadrages audacieux donnent un rythme soutenu à la lecture, tandis que les silences amplifient l’impact dramatique. Les éclairages, souvent réduits à des lueurs dans la pénombre, guident le regard et soulignent les moments clés du récit. Cette maîtrise génialissime de la lumière et de l’ombre renforce l’atmosphère oppressante et tragique de l’histoire. L’album aborde des thèmes universels : la justice sociale, la révolte face à l’injustice, et la quête de dignité dans un monde impitoyable. L’œuvre résonne avec une actualité frappante, rappelant que les combats de Victor Hugo pour l’égalité et la fraternité sont toujours d’une brûlante nécessité. Cette bande dessinée est une expérience de lecture intense accessible à tous, des amateurs de littérature aux passionnés de BD. Elle ne pourra que vous séduire par sa profondeur thématique, son dessin expressif, et sa capacité à émouvoir sans jamais tomber dans le pathos. Seul petit bémol, ça se lit d’une traite et assez rapidement mais que c’est bon ! Je ne peux finir mon avis sans souligner la gentillesse de Benoît qui prend du temps pour répondre aux questions concernant son travail et qui vous fait une dédicace « de la fin du monde » juste incroyable !
Les Gouttes de Dieu
Grâce à Grogro, je me lance dans la défense des Gouttes de Dieu. Vous savez le point commun entre Proust et cette œuvre ? Eh bien, les deux sont très poétique, et on ne le dit pas beaucoup ! A la perfection des étiquettes en dessin, répond l'égale qualité de la représentation graphique des description des vin déjà fort bien menée avec des mots. Et qu'est-ce que j'ai lu, que ce manga serait snob ? Eh bien non, les apôtres et tant d'autres vins délicieux ne coûtent pas grand-chose. Parfois même un vin estimé plus simple est considéré comme se mariant mieux qu'un plus cher et complexe comme dans le cas du chablis dont le restaurateur s'est entiché, incapable de suivre les enseignements de sa femme sommelière ! Aux Etats-Unis, un escroc veut dépouiller des gens, surtout Japonais, adorateurs des étiquettes et incapables se former un goût, et même les héros japonais luttant contre lui ne nient pas ce travers national. Dans les gouttes de Dieu, tout en rendant à la France la place qui lui est due, on montre aussi l'Italie moins chère et plus accessible à comprendre, notamment en cours de repas. Les gouttes de Dieu d'ailleurs dans un Goutte de Dieu mariage des plus logiques, un vin se buvant dans l'idéal dans un repas où je ne saurais dire si ce sont les plats qui doivent accompagner le jus de la treille ou bien l'inverse. L'idéal, je pense, serait une symbiose si parfaite que chacun serait accompagné et accompagner de l'autre à égalité. Me ravit que tant de volumes tiennent si parfaitement la route ! Mais je n'ai pas supporté longtemps le feuilleton télé, au large, donc. Et à présent, je vais lire d'autres critiques de mes collègues commentateurs !
Blake et Mortimer - Le Dernier Pharaon
Blake et Mortimer ne fait pas partie de mes lectures de jeunesse et cela n'entre pas dans mes séries cultes. J'ai trouvé cet album réalisé par F. Schuiten, un auteur que j'aime beaucoup, plutôt réussi et un bel hommage à l'original. Je suis assez surpris du nombre d'avis négatifs. On retrouve des personnages vieillis dans la grande pyramide au départ puis à Bruxelles. L'auteur y glisse des références à ses propres oeuvres comme La Douce ou les Cités obscures mais reste fidèle aux textes narratifs de Jacobs. Le dessin est différent de la ligne claire originale mais je l'aime bien, il est d'une beauté, un travail d'architecte. Le choix de couleurs m'a également paru opportun et les personnages sont tout à fait identifiables. Quant à l'histoire elle mêle ésotérisme, action, science-fiction avec une touche de post-apocalyptique dans cette Bruxelles condamnée et isolée du reste du monde à cause de radiations dans laquelle des personnes sont revenues vivre avec un projet de vie différent. Il faut parfois faire abstraction de son sens terre à terre et se laisser porter. Oui Mortimer est vieux mais se comporte comme James Bond, chutant de 3 mètres sur le parquet sans égratignure par exemple. Selon moi un album qui peut se lire même sans connaitre la série mère et qui reflète les préoccupations de notre époque. 1er 4/5 après 12 avis.
Silver Surfer - L'Obscure Clarté des étoiles
Un bijou absolu, à la fois graphique et éditorial. Cette édition Marvel Prestige de Silver Surfer : L’obscure clarté des étoiles est une redécouverte magistrale du one-shot culte de 1996 (Silver Surfer: Dangerous Artifacts) signé Ron Marz et Claudio Castellini. Dès les premières pages, on est happé par la beauté du dessin. Castellini livre ici un travail d’une précision incroyable : anatomies parfaites, perspectives vertigineuses, planètes et galaxies rendues avec un sens du détail presque baroque. Chaque case est pensée comme une composition complète, et le grand format choisi par Panini met parfaitement en valeur cette dimension presque “monumentale” de son art. Mais ce qui rend cette édition exceptionnelle, c’est son choix du noir et blanc. À l’origine, la version américaine était sortie en couleur, dans un format plus standard. Or, Castellini lui-même avait conçu son travail pour être vu en noir et blanc, en jouant sur les ombres, les contrastes et la lumière. La colorisation d’époque avait littéralement étouffé son trait — à tel point que la première édition avait été très critiquée pour ça. Ici, Panini a corrigé le tir en proposant une édition restaurée et supervisée par l’auteur lui-même, qui a nettoyé ses planches originales pour leur redonner l’intensité et la clarté qu’il voulait à l’origine. Le résultat est bluffant : la finesse du trait, la puissance des noirs, la lumière qui se dégage de certaines pages… tout est sublimé. C’est une œuvre qui se lit presque comme un artbook narratif, où le scénario de Marz — simple mais efficace — sert surtout de cadre pour admirer le talent graphique de Castellini. Certains pourront trouver l’histoire un peu convenue, mais franchement, devant une telle maîtrise visuelle, on pardonne tout. Un mot aussi sur la fabrication : papier épais (170g), grand format, impression soignée, dos toilé noir… c’est une édition qui respire le respect du travail original. L’obscure clarté des étoiles dans ce format noir et blanc, c’est le Silver Surfer dans toute sa splendeur cosmique, vu à travers les yeux d’un artiste qui a enfin pu montrer son œuvre telle qu’il l’avait imaginée.
Milo & les créatures du grand escalier.
Voilà un album jeunesse plutôt réussi. Le pitch est des plus simples : le jeune Milo est envoyé par sa mère chercher une chaussette pour sa petite sœur. Mais, arrivé dans la cave, sombre comme de bien entendu, Milo va voir cette chaussette volée et emportée par un rat. Il va se lancer à sa poursuite, et c’est le début d’une longue aventure ! Car rapidement, des passages secrets débouchant sur des lieux improbables vont le mener très loin. Et il va rencontrer une foule de personnages plus ou moins loufoques, la Mort, un fantôme, des personnages difformes, gélatineux, un bouc prénommé Ibn Battuta, etc. C’est extrêmement rythmé, Milo vol d’aventures en aventures, plein de courage et de persévérance. La plupart des êtres rencontrés, au départ menaçants – en tout cas provoquant la peur – se révèlent rapidement amicaux, et vont aider Milo à remplir sa mission, ramener cette fichue chaussette ! Avec une chute amusante (et qui aurait pu donner lieu à une suite ?), lorsque sa mère envoie Milo chercher un carton au grenier… Un récit simple et rythmé, dans lequel un gamin dépasse ses peurs, voilà une lecture que les plus jeunes apprécieront sans doute. Malgré l’importante pagination (près de 250 pages), la lecture est rapide : peu de texte, un petit format, et un rythme empêchant de faire une pause…
Épouvantail
Les mamans ne reviennent pas toujours, mais ne partent jamais vraiment. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Philippe Pelaez pour le scénario, et par Stéphane Sénégas pour les dessins. Il comporte cent-soixante-sept pages de bande dessinée en noir & blanc. Au beau milieu d’un champ, au sommet d’une butte, se tient un épouvantail à l’ancienne, un mannequin grossier de bois avec un grand manteau flottant au vent, et un chapeau à large rebord. Une personne a fait un cauchemar. Un de ceux qui se nourrissent des vivants. L’épouvantail lui tournait le dos, il se rapprochait. Cette personne glissait lentement au-dessus du sol. Et soudain, dans le silence assourdissant de l’obscurité, il s’est retourné. Les coutures de son sourire ont sauté. Ces yeux faits de deux boutons se sont allumés d’une lumière jaune. Elle ne pouvait pas bouger. Ses bras de bois se sont soudain agités et à leur extrémité ont proliféré des serpents de doigts, entortillés telles les racines d’un arbre mauvais. Son manteau s’est ouvert sur un cep de treille noueux et putrescent qui ondulait comme une vis sans fin. Son sourire écartelé par les lames de ses dents affutées lui mangeait le visage. Elle ne pouvait détacher son regard de ses yeux de lune fauve. Il chantait… Chapitre un : Lily. Dans la cour d’une ferme, Lily, une enfant de cinq ans, chantonne la comptine Promenons-nous dans les bois, en ayant substitué l’épouvantail au loup, tout en nourrissant un groupe de poules. La fillette est rappelée à l’ordre par Belle-Mère, la nouvelle compagne de son père. Cette dernière lui fait une remontrance : Lily ne devrait pas donner à manger aux poules avec ses baskets toutes neuves et toutes blanches, elle lui avait dit de mettre ses bottines. Père intervient pour appuyer les dire de sa compagne, et Lily se fâche, et décide d’aller voir l’épouvantail dans le champ. Alors que la fillette vient de partir, une voiture de police arrive et s’arrête dans la cour. Capitaine et son adjoint entre dans la ferme et posent quelques questions supplémentaires à Père, pendant que Belle-Mère leur sert un verre d’eau. Ils souhaitent avoir des détails supplémentaires sur le matin où s’est produit l’accident. L’heure, ce qu’a fait Père. Ce dernier raconte : Sept heures, sept heures quinze, oui. Le jour venait de se lever. C’est là qu’il s’est rendu compte que la barrière était mal fermée, et que deux chèvres en avaient profité pour s’échapper. Ça arrive régulièrement. Faut qu’il répare cette fichue barrière ! D’un autre côté, elles ne partent jamais bien loin. Mais parfois, elles vont jusqu’au bois. Et là, c’est plus coton pour les retrouver. Avant, il avait son chien, un beauceron, qui les retrouvait en deux temps, trois mouvements. Mais il est mort il y a quelques mois. Évidemment, cette fois-là, ça n’a pas loupé, elles étaient dans leur bois. Il n'aime pas y aller au bois. Et il n’aime pas quand les chèvres y vont pour boire dans l’étang… parce qu’il y a la route de l’autre côté, juste derrière le versant. Il a toujours peur que les chèvres traversent et se fassent renverser par une voiture ou un camion. Ce récit présente plusieurs particularités qui lui donne une forte personnalité dès la première page. L’artiste réalise dessins un registre descriptif et réaliste, avec un degré de simplification, une forme d’exagération dans l’anatomie des personnages et dans leur visage, des traits de contour fins et cassants, des aplats de noir aux formes irrégulières et souvent acérées, un usage parcimonieux des nuances de gris en lavis, des exagérations ponctuelles de perspective pour rendre un moment plus dramatique. Deuxième singularité : dès le prologue, l’épouvantail incarne une force surnaturelle, dont la nature n’est pas explicite. Troisième caractéristique : Lily a un fort caractère et elle chante une comptine dans le premier chapitre, ce qui fait tout de suite penser le lecteur à un conte, association d’idées se produisant comme un automatisme, rapprochement également induit par la couverture, avec cette nuée noire émanant de l’épouvantail comme une sorte d’émanation d’une force surnaturelle. Autre caractéristique : le scénariste a fait le choix de ne nommer que deux personnages : Lily et sa mère biologique Ophélie. Charge au lecteur de nommer les autres personnages : Père, Belle-Mère, Capitaine pour l’inspecteur de police menant l’enquête, et encore quelques seconds rôles. En fait ce n’est pas tout à fait aussi restreint. Par la suite, Lily nomme trois animaux de la ferme : Poulette, Minette, Chevrette. Au cours du récit, une évidence s’impose à elle : elle doit trouver un nom à Épouvantail. Régulièrement, les dessins et la mise en page dégagent un décalage, une étrangeté, entre menace potentielle, non-dit flagrant, réaction bizarre, et manifestation surnaturelle qui ne se trouve peut-être que dans l’esprit du personnage. Pour commencer, il en va ainsi de l’apparence de l’épouvantail : ses dents trop blanches et trop longues en page trois, les sortes de fins troncs entremêlés en page quatre. Toutefois, il faut attendre la page dix-neuf pour le revoir, une minuscule ombre chinoise au sommet de la colline. Par la suite, Épouvantail (avec une majuscule pour désigner le personnage) conserve une apparence quasi identique, immuable, si ce n’est pour son pardessus parfois agité par le vent, ou trempé par la pluie. Il retrouve un peu d’animation lors d’un cauchemar de Capitaine. Et pourtant, la narration visuelle en fait plus qu’une présence immobile, un personnage à part entière, aidée en cela par le fait que certains personnages l’entendent parler. La combinaison des dessins et des dialogues place le lecteur dans le doute, entre un conte dans lequel un objet inanimé est doté de conscience et d’une forme de parole, et la possibilité que tout cela ne soit que dans la tête des personnages qui l’entendent parler, ou peut-être même seulement l’interprétation qu’en fait un unique personnage, en l’occurrence Lily, en tant que narrateur possiblement non fiable. D’ailleurs le traitement graphique de Lily donne l’impression qu’elle est constituée des mêmes éléments que Épouvantail. Un visage simplifié, presque chérubin, une coupe de cheveux avec une frange masquant tout le front, des yeux souvent réduits à deux points, un nez représenté par un petit trait horizontal, et une bouche soit également sous forme de court trait horizontal, soit parfois grande ouverte pour un sourire éclatant. Elle est le plus souvent vêtue d’une large robe d’enfant avec une poche centrale sur le devant, et elle porte ses bottes, après la première séquence. À deux ou trois reprises, une sorte d’ectoplasme d’une grande noirceur plane au-dessus de sa tête, alors qu’elle est sous l’influence de la colère. Les autres personnages présentent également chacun une caractéristique dans le visage qui fait hésiter le lecteur entre une touche caricaturale, ou une exagération inquiétante, comme si le récit pouvait basculer à tout moment dans l’horreur, ou en tout cas dans une sensation de bascule à tout moment. Le lecteur regarde ainsi Père costaud et au visage calme qui semble ne pas percevoir les accusations sous-jacentes, le petit visage de Belle-Mère avec ses yeux cachés derrière ses énormes lunettes comme si elle souhaitait rester en retrait, le visage un peu trop allongé de Capitaine comme s’il était capable de s’enfoncer comme un clou dans la vie des gens pour découvrir tout ce qu’ils préfèreraient laisser caché. Les paysages eux-mêmes prennent souvent une allure expressionniste. Les troncs d’arbres du bois qui évoquent des tentacules en ombre chinoise. Les ondulations de la butte qui peuvent laisser penser que Épouvantail va dévaler sur la pente herbue. Un carré d’herbe isolé dans lequel Lily menace de s’enfoncer comme dans des sables mouvants. Une pluie dense dans un ciel gris, comme la pluie du jugement dernier prête à engloutir le monde. Un long couloir interminable avec une porte tout au fond de cette perspective ressemblant à un abyme. Dans le même temps, les personnages interagissent avec ces décors parfois presque animés, qui influent sur leur état d’esprit. À d’autres moments, c’est l’entrain de Lily qui va dominer, telle cette course en cariole, évoquant Calvin & Hobbes dans une activité similaire. Bien souvent, le lecteur ressent un vrai plaisir à découvrir et à savourer ces moments visuels, la prise de vue et la construction de page très vivantes. Séduit par la narration visuelle et par le caractère entier de Lily, le lecteur se prête bien volontiers au jeu de relever une pièce de puzzle à la fois pour l’intrigue et de chercher comment elles s’assemblent, d’essayer de devancer les révélations pour comprendre ce que cachent les non-dits, ce que cherche Capitaine dans son enquête, qui est coupable de quoi. Peut-être un meurtre ? Peut-être deux ? En quoi Ophélie, la mère de Lily, et son absence sont liées au mystère ? Intriqué avec cette intrigue policière, le lecteur perçoit que les éléments de conte peuvent s’interpréter comme des métaphores. À l’évidence, la relation que Lily entretient avec Épouvantail constitue une image de des émotions et de leurs fluctuations de la petite fille vis-à-vis de l’absence de sa mère, du souvenir qu’elle en garde. Les propos tenus par Épouvantail peuvent être considérés comme l’inconscient de Lily qui exprime ce qu’il a capté, mais que la petite fille ne peut exprimer faute de mots. Puis d’autres personnages réagissent à Épouvantail comme s’il incarnait quelque chose pour eux, à chaque fois différent. Comme si le fait qu’il ait été fabriqué par Ophélie l’avait également doté d’une charge émotionnelle rémanente, l’avait chargé d’une énergie occulte. Inconsciemment, Lily ressent que Père ne lui a pas dit la vérité sur le sort de sa mère. Inconsciemment Capitaine ressent que la présence de Épouvantail a dû influer sur le déroulement de l’accident. Progressivement Épouvantail change de statut grâce à l’honnêteté de l’enfance, le fait de le nommer changeant sa nature. Un album singulier. La narration visuelle en noir & blanc exprime à merveille les sensations de ce récit entre polar et conte, entre éléments factuels, ressentis, et non-dits, mensonges et culpabilité d’ordre divers. La narration met le lecteur en mode participatif, cherchant à deviner qui a fait quoi, à déterminer le lien entre des événements funestes, reconfigurant ses hypothèses à chaque nouvelle information. C’est encore Lily qui le dit le mieux : Ce qu’il y a de bien, quand on joue à refaire l’histoire, c’est qu’on peut changer la fin…
Armelle et Mirko
Avec "Armelle et Mirko", Loïc Clément, Anne Montel et Julien Arnal nous emmènent dans le petit monde bien sombre d'Armelle. Pauvre petite tortue dont le comble du malheur est d'être phobique de l'obscurité... Compliqué de se prémunir des dangers quand son refuge naturel n'est qu'une source d'angoisse ingérable. Heureusement, la rencontre de la luciole Mirko va tout changer ! C'est tout en poésie, grâce notamment au trait tout en rondeur et à une colorisation contrastée et lumineuse, que Julien Arnal nous emmène dans cet univers simple mais pas simpliste. Avec cette histoire toute en subtilités, les enfants découvriront que les angoisses et les peurs, ça arrive à tout le monde et qu'en échangeant avec les bonnes personnes, il existe souvent un moyen de se sortir d'un mauvais pas, voire de se faire des amis. Voilà un album très élégant (je trouve déjà la couverture magnifique), intelligent et empreint de cette petite touche de poésie qui fait toute la différence. *** Tome 2 *** Après l'émerveillement du premier tome, j'étais curieux de voir ce que les auteurs allaient nous proposer pour ces curieux petits personnages. Personnellement, j'ai trouvé que le graphisme était encore plus majestueux mais l'histoire m'a moins touché. Mirko la luciole décide de reprendre son chemin et notre petite Armelle a bien du mal à voir son seul ami reprendre la route et la laisser à ses angoisses. Mais ayant appris à les gérer tant bien que mal, elle va réussir à se faire de nouveaux amis... Moins profond que le premier tome, cet album nous émerveille pourtant grâce au dessin de Julien Arnal qui s'est encore plus lâché, notamment sur la colorisation. C'est lumineux, avec toujours cette petite touche de poésie, tout en abordant des thématiques fortes (amitié, solitudes, angoisses, etc.). Une belle série jeunesse. *** Tome 3 *** C'est avec plaisir que nous retrouvons notre petite équipe d'animaux. L'hiver s'est installé et notre petite troupe profite joyeusement des bons côtés de l'hiver. Balades et randonnées, partage d'un bon repas, lectures solitaires... Tout est bon pour conforter cette belle amitié qui les lie. Mais la fin de l'hiver et le dérèglement climatique va s'inviter violemment dans cette routine rassurante et finir par séparer nos amis. Une nouvelle épreuve à traverser... Ce troisième tome reste toujours aussi agréable, même pour l'adulte que je suis. La qualité est toujours au rendez-vous, que ce soit dans l'écriture que dans l’illustration. Les textes relèvent en effet d'un certain niveau de lecture qui est plutôt plaisant sans donner dans le verbeux ou le pompeux, à l'image du dessin de Julien Armal toujours aussi chatoyant et lumineux. Sa colorisation aquarellée est somptueuse et se marie à merveille avec le récit pour donner cette petite touche de légèreté et de poésie qui transpire de cette série. Encore un très bon tome ! *** Tome 4 *** Oh ! Un Nouvel Armelle et Mirko ! On retrouve notre joyeuse petite bande qui après ses déboires a fini par élire domicile dans une carcasse de tank. Bon, ça ils ne le savent pas, et c'est pour le coup ils l'ont rudement bien aménagé ! Tout va donc pour le mieux, sauf que la vie en communauté, c'est pas toujours facile. Mais le problème avec nos exubérants collocs' c'est qu'Armelle doit supporter la musique matinale de Mirko, repasser derrière tout le monde pour ranger ou faire la vaisselle, supporter les recettes loufoques ou pas à son goût de la renarde... Ajoutez à cela son impossibilité de leur dire... et Armelle va finir par voir rouge !!! Toujours aussi agréable et doux visuellement, le graphisme d'Anne Montel répond à merveille à ces petites histoires malines et intelligentes, ici, l'importance de communiquer et les soucis de vivre ensemble. Une série pour les plus jeunes qui ne les prend pas pour des neuneus (le vocabulaire en est le parfait exemple) et qui traite ses sujets de façon originale ; je recommande !
Leave them alone
Un coup de cœur pour cet excellent western. Un western très classique, mais n'est-ce pas avec les vieilles recettes que l'on fait les meilleures histoires ? Les 160 pages se dévorent rapidement. En 1874, le Far West est encore sauvage dans cette contrée désertique des États-Unis. Des bandits attaquent régulièrement la diligence qui transporte les fonds nécessaires à la petite ville de Flagstaff. Le propriétaire de la banque cherche un moyen pour stopper ces attaques, et il croit l'avoir trouvé avec ce nouveau coffre piégé d'explosifs. La particularité de ce western c'est qu'il va mettre en avant trois femmes, la Jeune Elfie qui vient d'avoir 18 ans et sa grand-mère Marian, elles tiennent un relais de diligences en plein désert. La troisième, la jolie Mattie, est une prostituée qui veut changer de vie. Dans les personnages masculins, un mystérieux cow-boy solitaire tiendra un rôle important, ce qui sera moins le cas de Mad Wolf, un indien navajo qui travaille lui aussi au relais de diligences. Un récit très bien construit, le suspense est présent du début à la fin et les rebondissements sont bien amenés, mais c'est surtout la psychologie très bien travaillée des protagonistes, même des rôles moins importants, qui rend ce récit accrocheur. Certains sont attachants, malgré leurs défauts, et d'autres sont plus que détestables. La violence est omniprésente, je ne compte plus le nombre de balles dans la tête (ou de hache) et ces dames ne seront pas à la noce, tentatives de viol et viols sont malheureusement fréquents dans cette partie du Far West. Une histoire qui se termine sur une note optimiste. J'ai beaucoup aimé le dessin de Christophe Regnault (il va vraiment falloir que je lise son Jesse James). Un style dans la pure tradition du western mais avec une belle expressivité, de la lisibilité et une grande diversité dans les trognes des personnages (elle reflète parfaitement leur personnalité). La mise en scène joue sur les gros plans et ceux plus larges pour profiter des magnifiques paysages. De superbes pleines pages pour le plaisir de nos rétines Du très bon boulot. Un western à découvrir, sans le moindre doute.
La Mécanique
Après Mezkal et Convoi, revoilà notre duo d'auteurs qui se lance dans une nouvelle série plus développée (3 tomes prévus). Nous voici projetés dans un univers SF bien noir qui pourrait faire penser à Blade Runner pour le background, même si l'action se situe dans une méta-cité de Lyon qui a bien changé avec le temps. Cette mégalopole est tenue d'une main de fer par le Mayor et sa milice et différentes factions mafieuses qui se partagent le marché de la drogue du moment : le Blast, seul échappatoire illusoire d'une populace essorée. Quand arrive sur le marché une contrefaçon meilleur prix, le fragile équilibre de ces magnats commence à vaciller et la mécanique du pire se pointe en ligne de mire... Si les personnages et l'intrigue fourmillent d'emprunts et de clins d'oeils, c'est avant tout le graphisme maîtrisé de Jeff qui nous accroche. Composition, dessin et colorisation sont une franche réussite. Côté scénario, ça sent quand même le déjà vu, même si (comme moi) les amateurs du genre ils trouveront leurs petits. La trame générale reste pour le moment avec ce tome introductif un peu floue, espérons que la suite développe davantage et ouvre de nouveaux horizons. En attendant, un bon premier tome qui donne l'eau à la bouche. *** Tome 2 *** Et voici donc le second volet de cette trilogie ! Moi qui attendait de la surprise et des rebondissements, et bien j'ai été servi ! Car dans ce deuxième opus, ça ne fait pas dans la demi mesure ! On pourrait même parfois reprocher au récit de s'emballer et de frôler le parapet. Certaines scènes s'enchainent tellement vite qu'il m'a fallu reprendre certaines pages pour bien comprendre les enjeux et ce qui se passait. Mais globalement tout se tient et déroule grand train, servi par le dessin de Jef qui pose à merveille ambiances et personnages. C'est sombre et glauque à souhait, maniant un équilibre très juste entre trait, cadrages et colorisation. Le résultat est bluffant. Vivement le tome 3 !
Les Eaux de Mortelune
C'est en voyant passer l'avis de Lodi que je me suis replongé avec plaisir dans mon souvenir de lecture du premier cycle des Eaux de Mortelune. A l'époque, je découvrais un peu l'univers de la BD. Disons que je sortais des Astérix, Scrameustache, Gaston et consors pour entrer dans la BD adulte. Voilà donc que le frangin m'offre le premier tome.... Bref ! Quelle claque ! Je me souviens de cet univers poisseux et décadent qui avait une texture complètement inédite. Tout était inventif à mes yeux d'ado tout neuf. J'aimais aussi le décalage entre la perversion des puissants et la poésie dont faisait preuve Nicolas. Il y avait dans ce personnage l'étincelle de vie qui parlait à ma conscience d'ado poète (pouet). Je me souviens il y a quelques mois avoir songé à cette BD en me disant qu'elle était totalement dans le ton de notre époque. Le gouvernement Attal se cassait la gueule, Bruno Le Maire en profitait alors pour se barrer en Suisse en laissant une ardoise conséquente, non sans avoir chié un roman dans lequel il faisait état de ses fantasmes beaufs et sodomites. Alors lui, me suis-je dis alors, c'est vraiment le Duc Malik ! Je chie à la gueule des pauvres et je fais mes petites affaires de quéquette à deux balles sur le dos des tondus. Sans vergogne le mec. Et quelques temps plus tard, rebelotte avec ce porc de Larcher qui, avec tant d'autres, vient gerber sur la Justice... On pourrait égrainer la liste, désormais longue comme un jour sans soleil, de ces gestes et paroles de fin d'empire, mais franchement, on dirait la galerie décadente des Eaux de Mortelune, non ? Du coup, la critique de Lodi m'a donné envie de m'attaquer au second cycle, que je n'ai encore jamais lu. J'ajoute donc ces tomes sur ma déjà très longue PAL ! Bref ! Cette BD fait pour moi figure de classique parmi les classiques, à ranger aux côtés des Passagers du vent, Thorgal (jusqu'au tome 13), Astérix (jusqu'à Astérix chez les Belges), L'Incal, Tintin, Philémon... Ce qui s'appelle un immanquable quoi !