Un série "Madeleine de Proust" certes, pour laquelle la subjectivité est inévitable.
Enfant, je dévorais ces BD, ainsi que les "Fantômette" du même Georges Chaulet (avec des scénarios parfois très similaires, sans parler des personnages assez semblables également, Bouffi et Boulotte, Dina et Ficelle, Lastic et Doc fusionnant dans l'héroïne Fantômette). J'avais lu les 19 premiers tomes et j'ai racheté pour mes enfants les 8 tomes de l'intégrale (tomes 1 à 24 de la série).
Quelle surprise et quelle déception de voir les mauvaises notes et les commentaires désobligeants ! "Brûle ce que tu as adoré, adore ce que tu as brûlé". Certes, les goûts et les couleurs... Mais n'y aurait-il pas chez certains une forme de snobisme ou de prétention (quand je lis certains commentaires qui dézinguent la série tout en affirmant n'en avoir lu que quelques tomes il y a des années...) ? Et n'est-ce pas au contraire une chance que de pouvoir se replonger dans une série de son enfance avec un plaisir renouvelé ?
Alors, oui, les personnages sont caricaturaux, mais c'est assumé. Et la série regorge de qualités et de trouvailles, un dessin simple mais pas simpliste, des histoires originales, beaucoup d'humour (je pense notamment au dictateur radin du "Diamant bleu" et au nombre de "balles dans la peau" qui diminue au fur et à mesure de l'album, je m'en souviens encore alors que je ne l'ai pas relu), du mystère, des méchants, des inventions en pagaille, de l'exotisme, deux inspecteurs ridicules (l'un des nombreux hommages de la série à Tintin)... Que demander de plus ?
Il paraît que la qualité se relâche après les 20 premiers épisodes : ce n'est pas étonnant mais, au contraire, compréhensible. Est-ce un raison pour bouder son plaisir et jeter le discrédit sur toute la série ?
Pour ma part, je suis heureux de redécouvrir les 4 As et je félicite Casterman pour son initiative : deux anthologies sorties récemment (en fait, plutôt les deux premiers tomes d'une nouvelle intégrale) qui rassemblent les 8 premiers albums. En espérant que la suite arrive rapidement (au moins 5 anthologies, soit les 20 premiers albums puisqu'il semble que ce soit les meilleurs).
Spin-off de Blacksad, cette série semble destinée à explorer, à travers des albums indépendants, les origines ou les parcours parallèles de ses personnages secondaires. Ce premier tome s'intéresse ainsi à la jeunesse du renard Weekly et raconte comment il est devenu le journaliste fouineur que rencontre Blacksad au début de la série.
Toujours écrite par Juan Díaz Canalès, cette aventure confie cette fois le dessin à Giovanni Rigano. Sans atteindre la virtuosité de Juanjo Guarnido, son travail reste de très haut niveau. Rigano, qui a déjà prouvé par le passé son aisance avec les personnages animaliers, démontre ici une parfaite maîtrise du genre. On retrouve l'atmosphère visuelle propre à Blacksad, tout en percevant une touche de Zootopie dans cette version animalière du New York des années 1950, vibrante et pleine de contrastes.
L'intrigue suit un jeune débrouillard un peu rebelle, en quête de place dans une grande ville qui le rejette. Il doit composer avec une mère stricte, immigrée d'Europe orientale, marquée par les pogroms et décidée à lui imposer une éducation religieuse rigoureuse. Ce conflit s'exprime notamment à travers son rejet des comics, passion de son fils, qui rêve pourtant d'y faire carrière en exploitant ses talents de photographe pour créer des romans-photos d'horreur. C'est d'ailleurs en poursuivant cette ambition qu'il se retrouve mêlé, par hasard, à une sombre affaire qui deviendra son tout premier vrai reportage.
Le récit, simple dans sa structure mais riche dans son développement, s'avère solide et bien rythmé. Les personnages sont réussis, chacun tirant profit de son apparence animale pour incarner pleinement sa personnalité. Le héros lui-même se révèle rapidement attachant. L'histoire se lit avec plaisir, fluide et cohérente, sans tomber dans la prévisibilité. Ce spin-off apporte une belle profondeur à l'univers de Blacksad et s'impose comme une lecture à la fois soignée, vivante et parfaitement cohérente avec la série principale.
En 1794, un scientifique français est chargé d’apporter au gouvernement des États-Unis le mètre étalon fraîchement mesuré et façonné par la France révolutionnaire, afin d’unifier les systèmes de mesure du monde. Mais son navire est pris d’assaut par des pirates qui kidnappent le savant et son précieux mètre, menaçant d’empêcher sa livraison et, par ricochet, de condamner les Américains à conserver leurs vieilles unités confuses. On imagine le drame si cela arrivait vraiment.
Je connaissais déjà l’anecdote historique de ce mètre étalon jamais arrivé aux États-Unis, mais savoir qu’elle allait être revisitée par les auteurs de l’excellent album La Bibliomule de Cordoue éveillait de grandes attentes. Et effectivement, cette BD tient ses promesses, même si elle m’a un peu moins marqué que leur précédent album, sans doute parce que La Bibliomule bénéficiait de l’effet de surprise et d’un cadre d’une rare élégance.
Le dessin est très agréable, avec un trait rappelant parfois Krassinsky (Kaarib) pour les personnages, ce qui renforce la légèreté et le ton malicieusement humoristique du récit. Les décors maritimes et les navires, bien que peu réalistes, restent soignés et participent à l’ambiance générale. J’ai été un peu déçu, en revanche, par le travail sur les couleurs : elles manquent d’unité et mettent moins en valeur le dessin qu’on aurait pu l’espérer, surtout en comparaison du raffinement visuel de La Bibliomule de Cordoue.
L’intrigue, elle, se résume assez vite et m’a moins captivé, sans doute parce que j’en connaissais déjà les grandes lignes. En revanche, les personnages et les dialogues sont excellents. Chaque protagoniste a sa personnalité propre, souvent drôle et attachante, notamment cette étonnante communauté de pirates rustres en apparence mais animés par une véritable idée de justice et d’équité. Les dialogues regorgent d’esprit et d’humour, à un niveau qui m’a parfois rappelé De Cape et de Crocs, notamment son irrésistible équipage pirate et leur perroquet à eux aussi. C’est surtout cette verve, pleine de vivacité et de malice, qui rend la lecture si plaisante.
En conclusion, une BD vive, drôle et intelligemment écrite, qui ne renouvelle pas exactement la magie de La Bibliomule de Cordoue mais confirme le talent et l’élégance narrative de ses auteurs.
Sous réserve que Fool Night n'est pas fini, je la note comme une série culte. A elle seule, elle démontrerait que l'inventivité des auteurs de manga reste intacte. Et je trouve le dessin bien plus fin que dans Parasite et l'Attaque des Titans ! J'aime le côté contemplatif qui s'accorde à l'histoire… Dans un monde triste, où des humains doivent se transformer en végétaux, soit à cause de problèmes de santé, soit à cause de leur extrême pauvreté, on contemple ce qui existe encore sous l'ombre dépressive d'un nuage dérobant le soleil à la vue. Le héros veut trouver un assassin, et n'abdique pas de développer sa richesse intérieure avant de devenir une plante. Horreur de voir des humains ravalés à cela même s'ils l'ont voulu et qu'ils permettent la survie et à terme la dépollution des autres, traque et mélancolie, découverte des ressorts de ce monde. Mélancolie sans ennui, philosophie sans lourdeur, héros naïf sans être bête, autres personnages dont on sent le potentiel, ne manquez pas Fool Night !
J'ai acheté cette BD après l'excellent avis de Spooky (qui n'est pas passé avis de la semaine, quelle indignité !) mais j'avais déjà repéré cette BD chez mon libraire le matin même. Et si je l'ai acheté, ce n'est pas tant pour l'excellent avis qui a été posté, mais parce que j'aime bien l'auteur.
Petite explication et retour en arrière : Antonin Gallo est un auteur de BD que j'ai connu à l'époque florissante des blogs-bd sur le net. Il avait, à cette époque, plusieurs publications de BD régulières comme Minito et la série "Oubliés !" dont le premier tome que je possède semble vouloir rester à jamais orphelin (snif ...). A l'époque, je suivais ses BD qu'il faisait avec sa comparse Marlène, autre dessinatrice de cette époque dont je ne trouve aucune nouvelle.
Bref ! (je vais quelque part, promis) De cette époque donc est née une BD auto-éditée, "État des lieux". Enfin, éditée via le site Amilova, site de BD sur lequel il publiait régulièrement notamment "La vie rêvée des profs", encore un travail non publié. Tout le monde suit ? Cette BD "État des lieux" fut rééditée récemment (sans que je participe au kickstarter, ce qui me désole puisque j'ai perdu le tome de la première impression que j'avais), mais toujours en auto-édition. Et cette BD ici présente, "Le dernier été de mon innocence" est une forme de continuité de cette première publication. Cette longue digression est totalement inutile, mais j'aime bien ce que fait cet auteur et je me suis dit que c'était l'occasion d'en parler !
Bon, l'introduction faite, j'ai beaucoup appréciée cette BD. J'ai voulu parler de continuité, puisque j'ai reconnu certaines scènes issues de "État des lieux" redessinées ici avec un point de vue externe, celui de la fille (appelée Julie dans l'autre volume, mais ici Chloé). Mais pour le reste, ce gros album est tout à fait neuf et propose une histoire longue et sombre, même si la lumière apparait finalement au bout du tunnel.
La BD est dense, même si elle est finalement assez rapide à lire au regard de la quantité de pages. C'est une histoire qui se déploie dans la durée en présentant cette jeune femme de petite ville, qui va connaitre un évènement bouleversant mais continuera à vivre. Et j'ai beaucoup aimé ce détail qui peut paraitre anodin mais fait tout le sel de cette BD : le temps. La BD étire son histoire entre bien avant l'évènement, décrivant les détails de la vie de cette jeune femme, puis étire à nouveau ce qu'il advint après. Et j'adore cette idée de décrire une chose horrible non pas seulement en tant que tel mais en l'intégrant dans un parcours de vie. Cela permet de mettre en lumière tout ce qui va se cristalliser autour et j'aime beaucoup le message que cela véhicule.
Il faut dire que la BD ne sera pas tendre avec le personnage qui fera parfois des choix douteux, poussé par les évènements et son état d'esprit qui va l'emmener dans des plans foireux sans trop réfléchir. Et pourtant on sent que l'auteur a une grande affection pour son personnage, qui va évoluer et devoir s'en sortir malgré tout. Contrairement à certaines écritures faciles de personnages féminins de nos jours, ici il y a une vraie volonté de montrer que s'en sortir c'est avant tout l'entraide et la solidarité, notamment de genre ou de minorité. Parce que seul, on ne réchappe pas bien longtemps à la société.
Le dessin de Antonion Gallo est semblable à celui que je lui connaissais et d'ailleurs un peu éloigné de son style dans Détox, où je lui trouvais un faux air de Jim. Ici c'est plus le trait de son blog, avec sa patte très personnelle (d'ailleurs je pourrais dire que ses personnage féminins ont tendance à souvent se ressembler si je voulais pinailler, mais on pourrait faire le même reproche à Manara). Les couleurs sépias évoquant les vieilles photographies et le contraste volontaire entre le passé et le présent au niveau de l'ambiance (dans les lumières) permettent de rendre instantanément visible les transitions. Et oui, je trouve que ça rend plutôt bien !
J'aimerai encore beaucoup m'étendre sur la BD, qui m'a vraiment beaucoup plu ! (et pas que parce que je suis l'auteur depuis des années) Son personnage est attachant, j'ai plongé tout de suite dans l'histoire et j'ai aimée son déroulé, parfois hors norme mais toujours logique. Et j'ajouterai que le récit sonne vrai dans bien des situations de ces petites villes de campagne, proche de là où je suis né. Des situations que j'ai connu, des ambiances que j'ai vu. Et de fait, ce qui me rend le plus triste dans tout ceci, c'est de me demander combien de jeunes filles que je croisais à cette époque ont finie par connaitre ce que Chloé à connue ...
(Eh, franchement Monsieur To, c'est pour quand la réédition chez un éditeur de État des lieux qu'on puisse le mettre à côté dans la bibliothèque ?)
Ouh, la belle claque que cette BD ! J'avais depuis très longtemps la série dans le viseur et j'ai enfin pu profiter de ma bibliothèque locale pour tout lire d'un coup. Et quelle lecture, c'est prenant et instructif, tout en posant de sérieuses questions sur l'humanité.
Comme tout le monde, semblait-il, je ne connaissais pas cette figure contrastée de l'Histoire de France et de la Seconde Guerre Mondiale, mais je trouve que Fabien Nury a réussi un tour de force dans l'adaptation de la réalité à la BD. J'ai pu vérifier ensuite quelques détails qui me paraissaient presque trop gros pour être vrais, mais ils sont souvent ceux qui sont malheureusement très réaliste. Et quelle histoire ...
Si je devais garder une idée de cette BD, c'est qu'il est facile de juger mais que personne ne nait saint ou salaud. Il n'y a qu'une infinité d'humains dans un monde qui n'est jamais tout noir ou tout gris. Que penser de Joanovici, après toute cette vie ? Quelle leçon en tirer, qu'en conclure ? Il est très très difficile de juger, et tant mieux. Le jugement, c'est dans un tribunal (et par sur Twitter), mais pour soi-même il est souvent bon de se l'interdire.
En fait, au-delà de la figure sulfureuse du type, son parcours illustre bien les tensions qui habitèrent cette première moitié du vingtième siècle et les problématiques sociales, culturelles mais aussi économique de ce monde. Un milliardaire qui s'acoquine avec le pire de l'humain, mangeant aux deux râteliers et tentant sans cesse de sauver sa peau, jouant sur tout les tableaux pour toujours gagner ... Sa vie est sans doute moins "noble" et gentille que dans cette BD, mais elle montre ce que furent ces années-là, où tout devient progressivement permis.
Le dessin de la BD va à merveille au récit, avec le trait de Sylvain Vallée qui se fait plaisir. Il croque des trognes, des gueules, des figures tout en ajoutant l'aspect historique bien travaillé dans les décors, les costumes mais aussi les types ayant réellement existé. Le tout fait rapidement immerger dans l'histoire et j'ai dévoré les six tomes en une soirée, happé par le récit et ne parvenant pas à m'en détacher.
Sans fioritures, sans défaut, je trouve cette BD excellente. Le genre qui met une claque morale, celle où on se dit après que le monde n'est pas si simple à comprendre et que décidément, dans le pire des temps tout ce qui peut exister de l'humain ressort. Je ne peux que recommander cette lecture !
La lecture a été globalement plaisante, même si plusieurs choses m’ont un peu chiffonné.
D’abord le rythme endiablé est un atout. Brubaker – que je connais davantage pour ses polars plus classiques, avec son compère Phillips – est un vieux routier et il sait y faire pour construire une intrigue dynamique.
Et là, j’ai bien aimé ce récit. Deux ados (en flash-backs) devenus de jeunes adultes, se transforment en détectives, enquêtant sur tout ce qui leur parait suspect dans leur petite ville de Kings Hill. Jusqu’au jour où l’affaire sur laquelle ils tombent est d’un tout autre ordre…
Le dynamisme du récit m’a fait accepter une bonne partie du fantastique qui s’invite de plus en plus dans les deux derniers tomes (j’ai en particulier bien aimé le voyage dans le temps de Friday). J’ai aussi accepté certaines facilités scénaristiques (toutes les pistes laissées par Lancelot pour guider pas à pas Friday dans son enquête).
Mais j’ai par contre eu du mal avec la fin, que j’ai trouvée un peu trop facile, après une surenchère de fantastique (un peu trop à mon goût)
Le dessin de Martin n’est a priori pas mon truc – les visages en particulier. Mais il se laisse lire, et il passe finalement.
A plusieurs reprises j’ai clairement eu l’impression que Brubaker s’inspirait d’Harry Potter, en tout cas glissait pas mal de clins d’œil à son univers. L’omniprésence de la chouette autour de Friday, les ados/jeunes adultes enquêtant contre les forces du mal, voire même les indices laissés par Lancelot à Friday. Enfin, la dernière case, avec ce train survolé par des chouettes m’a fait penser à celui de Poudlard. Je ne sais pas si j’ai fantasmé tout ça, mais je pense que Brubaker l’a fait sciemment…
Note réelle 3,5/5.
Étrange album que celui-ci, quelque peu envoûtant.
L’auteure nous livre un récit autobiographique et cathartique, dans lequel elle va chercher les « racines » du mal qui la ronge, un mal être lancinant, une dépression qui peine à livrer ses sources. Elle va donc se plonger dans l’histoire et les archives familiales.
Lucile Corbeille parvient à maintenir une narration légère, un ton calme, alors que sa plongée dans le passé met au jour de multiples fractures, des douleurs niées et pourtant bien présentes. L’alcoolisme qui a tué son père. Des couples déchirés. L’homosexualité à peine aperçue de sa mère. Le fonctionnement parfois trop rigoriste de certains ancêtres, alors même que l’auteur elle-même chancelle, sous les coups de la mélancolie ou d’une dépression qui gangrène sa famille.
Cette plongée introspective se fait par paliers, et le lecteur suit pas à pas la descente dans ce passé pourtant pas si lointain. Une descente qui permet de remonter plus forte, l’auteure faisant apparaitre à la fin, alors que la plupart des questions qu’elle se posait ont eu leur réponse, l’espoir d’une guérison.
Une guérison qui prend la forme des couleurs vives qui illuminent les dernières cases, alors qu’un bleu grisâtre dominait tout le reste de l’album.
Le travail graphique de l’auteure est pour beaucoup dans le plaisir de lecture. En effet, son travail à l’aquarelle est réussi, avare de détails dès lors qu’on s’écarte du cœur du sujet, il est vraiment agréable et beau. L’auteure utilise aussi en fond des photos retouchées et recouvertes de peintures, ce qui donne à certaines cases un rendu proche de ce que l’imagination peut faire des souvenirs, à partir d’une photo prise dans l’album familiale : reconstruire, dévier de la trajectoire qu’elle nous propose.
Une lecture recommandable en tout cas.
A titre personnel, j’avais adoré La Bibliomule de Cordoue, et même si j’ai freiné ma consommation de bandes dessinées, je ne pouvais pas passer à côté de ce nouvel opus du duo d’auteurs responsables de l’œuvre susnommée. D’autant plus qu’ils travaillent dans la continuité en nous proposant à nouveau une fable historique sur un sujet oublié.
Dès l’introduction, j’ai été intrigué, me demandant quel lien il allait y avoir entre cet incident à Cap Canaveral et une couverture digne d’un récit de piraterie. Ce lien porte un nom, celui de Joseph Dombey, obscur savant français oublié de l’Histoire, poissard multirécidiviste, qu’un destin malicieux chargea jadis de transmettre le système métrique aux Américains. Le navire sur lequel il se trouvait fut la victime de pirates et lui-même se retrouva séquestré sur une île des Caraïbes.
Le récit tangue constamment entre la farce absurde et l'évocation historique car, si beaucoup d’informations sont véridiques et nous permettent d’en apprendre pas mal sur divers sujets, les évènements nous sont racontés avec beaucoup d’humour et, à l’occasion, une pointe très pertinente de philosophie.
Vous l’aurez compris : une fois de plus, j’ai adoré ma lecture. J’en ressors amusé et un peu plus instruit et c’est vraiment ce que je demande à ce type d’œuvre.
Coté dessin, Léonard Chemineau va à l’essentiel, avec un trait épuré et dynamique et des compositions simples en apparence mais qui permettent d’encore mieux faire ressortir les dialogues de Wilfrid Lupano, ici par la forme d’un phylactère, là par la manière dont ceux-ci sont reliés. Le résultat, très franco-belge de la grande époque, est encore rehaussé par la mise en couleurs de Christophe Bouchard qui permet justement de rester dans cet esprit « BD tout public classique ».
Franchement bien ! Un achat que je ne regrette pas et la découverte d’une page d’Histoire dont j’ignorais tout.
Un manga à ne pas mettre entre toutes les mains tant les scènes de violences physiques ou sexuelles sont explicites et dures, toutefois sans surenchère inutile.
Ce thriller, axé sur un triangle amoureux/amical, fait la part belle aux faux-semblants et aux retournements de situation, sans que cela ne nuise à la cohérence d'ensemble. Malgré quelques longueurs dans le dernier tome consacré au volet judiciaire de l'affaire, NON sait tenir le lecteur en haleine en nous livrant une histoire très rythmée et en distillant savamment les flashbacks tout au long des 3 tomes.
Côté graphisme, j'ai beaucoup apprécié le trait fin et dynamique de NON qui respecte tous les codes du manga. Les personnages féminins sont vraiment magnifiques, les visages expressifs et les décors très détaillés. On regrette presque que les cases ne soient qu'en noir et blanc...
Ce triptyque aura su suffisamment attiser ma curiosité pour que j'aie du mal à le reposer avant de connaitre le fin mot l'histoire. Une belle découverte.
SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 7,5/10
GRAPHISME (Dessin, colorisation, mise en page) : 9/10
NOTE GLOBALE : 16,5/20
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Les 4 As
Un série "Madeleine de Proust" certes, pour laquelle la subjectivité est inévitable. Enfant, je dévorais ces BD, ainsi que les "Fantômette" du même Georges Chaulet (avec des scénarios parfois très similaires, sans parler des personnages assez semblables également, Bouffi et Boulotte, Dina et Ficelle, Lastic et Doc fusionnant dans l'héroïne Fantômette). J'avais lu les 19 premiers tomes et j'ai racheté pour mes enfants les 8 tomes de l'intégrale (tomes 1 à 24 de la série). Quelle surprise et quelle déception de voir les mauvaises notes et les commentaires désobligeants ! "Brûle ce que tu as adoré, adore ce que tu as brûlé". Certes, les goûts et les couleurs... Mais n'y aurait-il pas chez certains une forme de snobisme ou de prétention (quand je lis certains commentaires qui dézinguent la série tout en affirmant n'en avoir lu que quelques tomes il y a des années...) ? Et n'est-ce pas au contraire une chance que de pouvoir se replonger dans une série de son enfance avec un plaisir renouvelé ? Alors, oui, les personnages sont caricaturaux, mais c'est assumé. Et la série regorge de qualités et de trouvailles, un dessin simple mais pas simpliste, des histoires originales, beaucoup d'humour (je pense notamment au dictateur radin du "Diamant bleu" et au nombre de "balles dans la peau" qui diminue au fur et à mesure de l'album, je m'en souviens encore alors que je ne l'ai pas relu), du mystère, des méchants, des inventions en pagaille, de l'exotisme, deux inspecteurs ridicules (l'un des nombreux hommages de la série à Tintin)... Que demander de plus ? Il paraît que la qualité se relâche après les 20 premiers épisodes : ce n'est pas étonnant mais, au contraire, compréhensible. Est-ce un raison pour bouder son plaisir et jeter le discrédit sur toute la série ? Pour ma part, je suis heureux de redécouvrir les 4 As et je félicite Casterman pour son initiative : deux anthologies sorties récemment (en fait, plutôt les deux premiers tomes d'une nouvelle intégrale) qui rassemblent les 8 premiers albums. En espérant que la suite arrive rapidement (au moins 5 anthologies, soit les 20 premiers albums puisqu'il semble que ce soit les meilleurs).
Blacksad Stories
Spin-off de Blacksad, cette série semble destinée à explorer, à travers des albums indépendants, les origines ou les parcours parallèles de ses personnages secondaires. Ce premier tome s'intéresse ainsi à la jeunesse du renard Weekly et raconte comment il est devenu le journaliste fouineur que rencontre Blacksad au début de la série. Toujours écrite par Juan Díaz Canalès, cette aventure confie cette fois le dessin à Giovanni Rigano. Sans atteindre la virtuosité de Juanjo Guarnido, son travail reste de très haut niveau. Rigano, qui a déjà prouvé par le passé son aisance avec les personnages animaliers, démontre ici une parfaite maîtrise du genre. On retrouve l'atmosphère visuelle propre à Blacksad, tout en percevant une touche de Zootopie dans cette version animalière du New York des années 1950, vibrante et pleine de contrastes. L'intrigue suit un jeune débrouillard un peu rebelle, en quête de place dans une grande ville qui le rejette. Il doit composer avec une mère stricte, immigrée d'Europe orientale, marquée par les pogroms et décidée à lui imposer une éducation religieuse rigoureuse. Ce conflit s'exprime notamment à travers son rejet des comics, passion de son fils, qui rêve pourtant d'y faire carrière en exploitant ses talents de photographe pour créer des romans-photos d'horreur. C'est d'ailleurs en poursuivant cette ambition qu'il se retrouve mêlé, par hasard, à une sombre affaire qui deviendra son tout premier vrai reportage. Le récit, simple dans sa structure mais riche dans son développement, s'avère solide et bien rythmé. Les personnages sont réussis, chacun tirant profit de son apparence animale pour incarner pleinement sa personnalité. Le héros lui-même se révèle rapidement attachant. L'histoire se lit avec plaisir, fluide et cohérente, sans tomber dans la prévisibilité. Ce spin-off apporte une belle profondeur à l'univers de Blacksad et s'impose comme une lecture à la fois soignée, vivante et parfaitement cohérente avec la série principale.
Le Mètre des Caraïbes
En 1794, un scientifique français est chargé d’apporter au gouvernement des États-Unis le mètre étalon fraîchement mesuré et façonné par la France révolutionnaire, afin d’unifier les systèmes de mesure du monde. Mais son navire est pris d’assaut par des pirates qui kidnappent le savant et son précieux mètre, menaçant d’empêcher sa livraison et, par ricochet, de condamner les Américains à conserver leurs vieilles unités confuses. On imagine le drame si cela arrivait vraiment. Je connaissais déjà l’anecdote historique de ce mètre étalon jamais arrivé aux États-Unis, mais savoir qu’elle allait être revisitée par les auteurs de l’excellent album La Bibliomule de Cordoue éveillait de grandes attentes. Et effectivement, cette BD tient ses promesses, même si elle m’a un peu moins marqué que leur précédent album, sans doute parce que La Bibliomule bénéficiait de l’effet de surprise et d’un cadre d’une rare élégance. Le dessin est très agréable, avec un trait rappelant parfois Krassinsky (Kaarib) pour les personnages, ce qui renforce la légèreté et le ton malicieusement humoristique du récit. Les décors maritimes et les navires, bien que peu réalistes, restent soignés et participent à l’ambiance générale. J’ai été un peu déçu, en revanche, par le travail sur les couleurs : elles manquent d’unité et mettent moins en valeur le dessin qu’on aurait pu l’espérer, surtout en comparaison du raffinement visuel de La Bibliomule de Cordoue. L’intrigue, elle, se résume assez vite et m’a moins captivé, sans doute parce que j’en connaissais déjà les grandes lignes. En revanche, les personnages et les dialogues sont excellents. Chaque protagoniste a sa personnalité propre, souvent drôle et attachante, notamment cette étonnante communauté de pirates rustres en apparence mais animés par une véritable idée de justice et d’équité. Les dialogues regorgent d’esprit et d’humour, à un niveau qui m’a parfois rappelé De Cape et de Crocs, notamment son irrésistible équipage pirate et leur perroquet à eux aussi. C’est surtout cette verve, pleine de vivacité et de malice, qui rend la lecture si plaisante. En conclusion, une BD vive, drôle et intelligemment écrite, qui ne renouvelle pas exactement la magie de La Bibliomule de Cordoue mais confirme le talent et l’élégance narrative de ses auteurs.
Fool Night
Sous réserve que Fool Night n'est pas fini, je la note comme une série culte. A elle seule, elle démontrerait que l'inventivité des auteurs de manga reste intacte. Et je trouve le dessin bien plus fin que dans Parasite et l'Attaque des Titans ! J'aime le côté contemplatif qui s'accorde à l'histoire… Dans un monde triste, où des humains doivent se transformer en végétaux, soit à cause de problèmes de santé, soit à cause de leur extrême pauvreté, on contemple ce qui existe encore sous l'ombre dépressive d'un nuage dérobant le soleil à la vue. Le héros veut trouver un assassin, et n'abdique pas de développer sa richesse intérieure avant de devenir une plante. Horreur de voir des humains ravalés à cela même s'ils l'ont voulu et qu'ils permettent la survie et à terme la dépollution des autres, traque et mélancolie, découverte des ressorts de ce monde. Mélancolie sans ennui, philosophie sans lourdeur, héros naïf sans être bête, autres personnages dont on sent le potentiel, ne manquez pas Fool Night !
Le Dernier été de mon innocence
J'ai acheté cette BD après l'excellent avis de Spooky (qui n'est pas passé avis de la semaine, quelle indignité !) mais j'avais déjà repéré cette BD chez mon libraire le matin même. Et si je l'ai acheté, ce n'est pas tant pour l'excellent avis qui a été posté, mais parce que j'aime bien l'auteur. Petite explication et retour en arrière : Antonin Gallo est un auteur de BD que j'ai connu à l'époque florissante des blogs-bd sur le net. Il avait, à cette époque, plusieurs publications de BD régulières comme Minito et la série "Oubliés !" dont le premier tome que je possède semble vouloir rester à jamais orphelin (snif ...). A l'époque, je suivais ses BD qu'il faisait avec sa comparse Marlène, autre dessinatrice de cette époque dont je ne trouve aucune nouvelle. Bref ! (je vais quelque part, promis) De cette époque donc est née une BD auto-éditée, "État des lieux". Enfin, éditée via le site Amilova, site de BD sur lequel il publiait régulièrement notamment "La vie rêvée des profs", encore un travail non publié. Tout le monde suit ? Cette BD "État des lieux" fut rééditée récemment (sans que je participe au kickstarter, ce qui me désole puisque j'ai perdu le tome de la première impression que j'avais), mais toujours en auto-édition. Et cette BD ici présente, "Le dernier été de mon innocence" est une forme de continuité de cette première publication. Cette longue digression est totalement inutile, mais j'aime bien ce que fait cet auteur et je me suis dit que c'était l'occasion d'en parler ! Bon, l'introduction faite, j'ai beaucoup appréciée cette BD. J'ai voulu parler de continuité, puisque j'ai reconnu certaines scènes issues de "État des lieux" redessinées ici avec un point de vue externe, celui de la fille (appelée Julie dans l'autre volume, mais ici Chloé). Mais pour le reste, ce gros album est tout à fait neuf et propose une histoire longue et sombre, même si la lumière apparait finalement au bout du tunnel. La BD est dense, même si elle est finalement assez rapide à lire au regard de la quantité de pages. C'est une histoire qui se déploie dans la durée en présentant cette jeune femme de petite ville, qui va connaitre un évènement bouleversant mais continuera à vivre. Et j'ai beaucoup aimé ce détail qui peut paraitre anodin mais fait tout le sel de cette BD : le temps. La BD étire son histoire entre bien avant l'évènement, décrivant les détails de la vie de cette jeune femme, puis étire à nouveau ce qu'il advint après. Et j'adore cette idée de décrire une chose horrible non pas seulement en tant que tel mais en l'intégrant dans un parcours de vie. Cela permet de mettre en lumière tout ce qui va se cristalliser autour et j'aime beaucoup le message que cela véhicule. Il faut dire que la BD ne sera pas tendre avec le personnage qui fera parfois des choix douteux, poussé par les évènements et son état d'esprit qui va l'emmener dans des plans foireux sans trop réfléchir. Et pourtant on sent que l'auteur a une grande affection pour son personnage, qui va évoluer et devoir s'en sortir malgré tout. Contrairement à certaines écritures faciles de personnages féminins de nos jours, ici il y a une vraie volonté de montrer que s'en sortir c'est avant tout l'entraide et la solidarité, notamment de genre ou de minorité. Parce que seul, on ne réchappe pas bien longtemps à la société. Le dessin de Antonion Gallo est semblable à celui que je lui connaissais et d'ailleurs un peu éloigné de son style dans Détox, où je lui trouvais un faux air de Jim. Ici c'est plus le trait de son blog, avec sa patte très personnelle (d'ailleurs je pourrais dire que ses personnage féminins ont tendance à souvent se ressembler si je voulais pinailler, mais on pourrait faire le même reproche à Manara). Les couleurs sépias évoquant les vieilles photographies et le contraste volontaire entre le passé et le présent au niveau de l'ambiance (dans les lumières) permettent de rendre instantanément visible les transitions. Et oui, je trouve que ça rend plutôt bien ! J'aimerai encore beaucoup m'étendre sur la BD, qui m'a vraiment beaucoup plu ! (et pas que parce que je suis l'auteur depuis des années) Son personnage est attachant, j'ai plongé tout de suite dans l'histoire et j'ai aimée son déroulé, parfois hors norme mais toujours logique. Et j'ajouterai que le récit sonne vrai dans bien des situations de ces petites villes de campagne, proche de là où je suis né. Des situations que j'ai connu, des ambiances que j'ai vu. Et de fait, ce qui me rend le plus triste dans tout ceci, c'est de me demander combien de jeunes filles que je croisais à cette époque ont finie par connaitre ce que Chloé à connue ... (Eh, franchement Monsieur To, c'est pour quand la réédition chez un éditeur de État des lieux qu'on puisse le mettre à côté dans la bibliothèque ?)
Il était une fois en France
Ouh, la belle claque que cette BD ! J'avais depuis très longtemps la série dans le viseur et j'ai enfin pu profiter de ma bibliothèque locale pour tout lire d'un coup. Et quelle lecture, c'est prenant et instructif, tout en posant de sérieuses questions sur l'humanité. Comme tout le monde, semblait-il, je ne connaissais pas cette figure contrastée de l'Histoire de France et de la Seconde Guerre Mondiale, mais je trouve que Fabien Nury a réussi un tour de force dans l'adaptation de la réalité à la BD. J'ai pu vérifier ensuite quelques détails qui me paraissaient presque trop gros pour être vrais, mais ils sont souvent ceux qui sont malheureusement très réaliste. Et quelle histoire ... Si je devais garder une idée de cette BD, c'est qu'il est facile de juger mais que personne ne nait saint ou salaud. Il n'y a qu'une infinité d'humains dans un monde qui n'est jamais tout noir ou tout gris. Que penser de Joanovici, après toute cette vie ? Quelle leçon en tirer, qu'en conclure ? Il est très très difficile de juger, et tant mieux. Le jugement, c'est dans un tribunal (et par sur Twitter), mais pour soi-même il est souvent bon de se l'interdire. En fait, au-delà de la figure sulfureuse du type, son parcours illustre bien les tensions qui habitèrent cette première moitié du vingtième siècle et les problématiques sociales, culturelles mais aussi économique de ce monde. Un milliardaire qui s'acoquine avec le pire de l'humain, mangeant aux deux râteliers et tentant sans cesse de sauver sa peau, jouant sur tout les tableaux pour toujours gagner ... Sa vie est sans doute moins "noble" et gentille que dans cette BD, mais elle montre ce que furent ces années-là, où tout devient progressivement permis. Le dessin de la BD va à merveille au récit, avec le trait de Sylvain Vallée qui se fait plaisir. Il croque des trognes, des gueules, des figures tout en ajoutant l'aspect historique bien travaillé dans les décors, les costumes mais aussi les types ayant réellement existé. Le tout fait rapidement immerger dans l'histoire et j'ai dévoré les six tomes en une soirée, happé par le récit et ne parvenant pas à m'en détacher. Sans fioritures, sans défaut, je trouve cette BD excellente. Le genre qui met une claque morale, celle où on se dit après que le monde n'est pas si simple à comprendre et que décidément, dans le pire des temps tout ce qui peut exister de l'humain ressort. Je ne peux que recommander cette lecture !
Friday
La lecture a été globalement plaisante, même si plusieurs choses m’ont un peu chiffonné. D’abord le rythme endiablé est un atout. Brubaker – que je connais davantage pour ses polars plus classiques, avec son compère Phillips – est un vieux routier et il sait y faire pour construire une intrigue dynamique. Et là, j’ai bien aimé ce récit. Deux ados (en flash-backs) devenus de jeunes adultes, se transforment en détectives, enquêtant sur tout ce qui leur parait suspect dans leur petite ville de Kings Hill. Jusqu’au jour où l’affaire sur laquelle ils tombent est d’un tout autre ordre… Le dynamisme du récit m’a fait accepter une bonne partie du fantastique qui s’invite de plus en plus dans les deux derniers tomes (j’ai en particulier bien aimé le voyage dans le temps de Friday). J’ai aussi accepté certaines facilités scénaristiques (toutes les pistes laissées par Lancelot pour guider pas à pas Friday dans son enquête). Mais j’ai par contre eu du mal avec la fin, que j’ai trouvée un peu trop facile, après une surenchère de fantastique (un peu trop à mon goût) Le dessin de Martin n’est a priori pas mon truc – les visages en particulier. Mais il se laisse lire, et il passe finalement. A plusieurs reprises j’ai clairement eu l’impression que Brubaker s’inspirait d’Harry Potter, en tout cas glissait pas mal de clins d’œil à son univers. L’omniprésence de la chouette autour de Friday, les ados/jeunes adultes enquêtant contre les forces du mal, voire même les indices laissés par Lancelot à Friday. Enfin, la dernière case, avec ce train survolé par des chouettes m’a fait penser à celui de Poudlard. Je ne sais pas si j’ai fantasmé tout ça, mais je pense que Brubaker l’a fait sciemment… Note réelle 3,5/5.
Abîmes
Étrange album que celui-ci, quelque peu envoûtant. L’auteure nous livre un récit autobiographique et cathartique, dans lequel elle va chercher les « racines » du mal qui la ronge, un mal être lancinant, une dépression qui peine à livrer ses sources. Elle va donc se plonger dans l’histoire et les archives familiales. Lucile Corbeille parvient à maintenir une narration légère, un ton calme, alors que sa plongée dans le passé met au jour de multiples fractures, des douleurs niées et pourtant bien présentes. L’alcoolisme qui a tué son père. Des couples déchirés. L’homosexualité à peine aperçue de sa mère. Le fonctionnement parfois trop rigoriste de certains ancêtres, alors même que l’auteur elle-même chancelle, sous les coups de la mélancolie ou d’une dépression qui gangrène sa famille. Cette plongée introspective se fait par paliers, et le lecteur suit pas à pas la descente dans ce passé pourtant pas si lointain. Une descente qui permet de remonter plus forte, l’auteure faisant apparaitre à la fin, alors que la plupart des questions qu’elle se posait ont eu leur réponse, l’espoir d’une guérison. Une guérison qui prend la forme des couleurs vives qui illuminent les dernières cases, alors qu’un bleu grisâtre dominait tout le reste de l’album. Le travail graphique de l’auteure est pour beaucoup dans le plaisir de lecture. En effet, son travail à l’aquarelle est réussi, avare de détails dès lors qu’on s’écarte du cœur du sujet, il est vraiment agréable et beau. L’auteure utilise aussi en fond des photos retouchées et recouvertes de peintures, ce qui donne à certaines cases un rendu proche de ce que l’imagination peut faire des souvenirs, à partir d’une photo prise dans l’album familiale : reconstruire, dévier de la trajectoire qu’elle nous propose. Une lecture recommandable en tout cas.
Le Mètre des Caraïbes
A titre personnel, j’avais adoré La Bibliomule de Cordoue, et même si j’ai freiné ma consommation de bandes dessinées, je ne pouvais pas passer à côté de ce nouvel opus du duo d’auteurs responsables de l’œuvre susnommée. D’autant plus qu’ils travaillent dans la continuité en nous proposant à nouveau une fable historique sur un sujet oublié. Dès l’introduction, j’ai été intrigué, me demandant quel lien il allait y avoir entre cet incident à Cap Canaveral et une couverture digne d’un récit de piraterie. Ce lien porte un nom, celui de Joseph Dombey, obscur savant français oublié de l’Histoire, poissard multirécidiviste, qu’un destin malicieux chargea jadis de transmettre le système métrique aux Américains. Le navire sur lequel il se trouvait fut la victime de pirates et lui-même se retrouva séquestré sur une île des Caraïbes. Le récit tangue constamment entre la farce absurde et l'évocation historique car, si beaucoup d’informations sont véridiques et nous permettent d’en apprendre pas mal sur divers sujets, les évènements nous sont racontés avec beaucoup d’humour et, à l’occasion, une pointe très pertinente de philosophie. Vous l’aurez compris : une fois de plus, j’ai adoré ma lecture. J’en ressors amusé et un peu plus instruit et c’est vraiment ce que je demande à ce type d’œuvre. Coté dessin, Léonard Chemineau va à l’essentiel, avec un trait épuré et dynamique et des compositions simples en apparence mais qui permettent d’encore mieux faire ressortir les dialogues de Wilfrid Lupano, ici par la forme d’un phylactère, là par la manière dont ceux-ci sont reliés. Le résultat, très franco-belge de la grande époque, est encore rehaussé par la mise en couleurs de Christophe Bouchard qui permet justement de rester dans cet esprit « BD tout public classique ». Franchement bien ! Un achat que je ne regrette pas et la découverte d’une page d’Histoire dont j’ignorais tout.
Adabana
Un manga à ne pas mettre entre toutes les mains tant les scènes de violences physiques ou sexuelles sont explicites et dures, toutefois sans surenchère inutile. Ce thriller, axé sur un triangle amoureux/amical, fait la part belle aux faux-semblants et aux retournements de situation, sans que cela ne nuise à la cohérence d'ensemble. Malgré quelques longueurs dans le dernier tome consacré au volet judiciaire de l'affaire, NON sait tenir le lecteur en haleine en nous livrant une histoire très rythmée et en distillant savamment les flashbacks tout au long des 3 tomes. Côté graphisme, j'ai beaucoup apprécié le trait fin et dynamique de NON qui respecte tous les codes du manga. Les personnages féminins sont vraiment magnifiques, les visages expressifs et les décors très détaillés. On regrette presque que les cases ne soient qu'en noir et blanc... Ce triptyque aura su suffisamment attiser ma curiosité pour que j'aie du mal à le reposer avant de connaitre le fin mot l'histoire. Une belle découverte. SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 7,5/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation, mise en page) : 9/10 NOTE GLOBALE : 16,5/20