Le grand pouvoir est étonnant, mais logique, et arrive à la fin, comme il se doit.
En attendant, on ne s'ennuie pas, on plaint les opprimés, et même… les oppresseurs, car comme ceux qui ne l'ont pas lu pourront le découvrir… Le héros et l'héroïne ressemblent aux Hobbits, mais en plus révoltés et plus méritants vu leurs conditions de vie rien moins que riantes. L'action ne nuit pas aux interrogations métaphysiques et réciproquement. Le sang ne coule pas plus que dans d'autres récits épiques, mais vu la fin, j'ai envie de dire âmes sensibles s'abstenir. Une œuvre qu'on oublie pas et qu'on voudrait inciter tous ceux qui ne l'ont pas encore eue entre les mains à lire.
Oui, je me souviens...
J'ai découvert Jonathan et Cosey il y a 50 ans a la revue Tintin portugaise. Je n'ai pas tout de suite aimé, c'était trop nouveau et étrange pour moi a cet âge.
Après, j'ai appris a aimer. Le dessin (surtout les paysages), la poésie, le(s) message(s). Nature, écologie, politique, résistance et pacifisme. Je recommande la lecture et l'achat.
En 2010, Emmanuel Lepage embarquait à bord du Marion Dufresne pour un magnifique voyage vers les Terres Australes. Douze ans plus tard, il remet ça mais cette fois pour un plus long séjour sur place, sur l'île de Kerguelen.
Emmanuel Lepage que l'on connait depuis son remarquable Tchernobyl, est une sorte de cousin-voyageur ou cousin-reporter de Etienne Davodeau.
Chacun signe scénario et dessins de ses albums, et tous deux excellent dans l'art de tracer le portrait des 'gens' qui nourrissent leurs rencontres.
En 2011, Lepage publiait le carnet de bord d'un premier voyage dans les Terres Australes (un album que l'on vient de relire pour l'occasion) et il vient tout juste de sortir un nouvel album à l'occasion d'un second voyage effectué en 2022, tout là-bas au bout du bout du monde.
Après son premier voyage de 2010 (qui n'était qu'un "bref" aller/retour), l'auteur a longtemps hésité avant de reprendre la mer : « Que pouvais-je vraiment dire de plus ou de différent. Revenir au même endroit une seconde fois n'aurait pas la puissance et la magie de la découverte ».
Heureusement pour nous, Lepage a fini par embarquer de nouveau sur le mythique Marion Dufresne, le bateau ravitailleur des TAAF, qui navigue désormais pour le compte de l'IFREMER.
Il accompagne une mission popéleph concernant la population des éléphants de mer avec une équipe chargée d'un reportage tv et compte rester peu de temps sur l'île : un mois seulement, et en été !
Sur le bateau, sur les îles, il retrouve des anciennes connaissances et rencontre de nouvelles personnes : de nombreux scientifiques de toutes sortes, des logisticiens, des ouvriers, des militaires, des marins, ... chacun avec son histoire, son chemin, sa quête.
C'est ce microcosme qui va nourrir son ouvrage et notre lecture : « J'ai envie de raconter les personnes que je rencontre, dans leur complexité ».
Des rencontres, des gens « qui donnent foi en l'humanité » : et en ces temps troublés, ce sont quelques images (et quelques mots) qui font du bien.
Certes la magie de la découverte n'est plus là mais elle a été remplacée par une sorte de familiarité : nous ne sommes jamais allé là-bas, du moins pas 'en vrai', mais le premier album nous avait y avait emmenés déjà, laissé une forte empreinte sur nous et cette fois on y retourne, toujours avec plaisir, on s'y retrouve presque en terrain familier et du coup, moins étonnés, plus attentifs.
Le côté humain, pourtant déjà bien présent dans le premier épisode, prend ici toute son importance, toute sa valeur.
Aujourd'hui l'homme essaye de réduire son empreinte sur ces réserves naturelles et les équipes luttent contre les espèces (végétales ou animales) introduites par le passé, qui sont nombreuses à avoir proliféré et mis en péril le fragile écosystème de l'archipel.
Et que dire des dessins ?! Le premier album était superbe mais celui-ci est encore plus beau et nous permet de "comparer" le trait du dessinateur qui a beaucoup mûri et ses aquarelles qui ont gagné en puissance évocatrice.
La mousse de l'écume de mer est rendue (à la brosse à dents !) avec un mélange de réalisme et de poésie.
Les verts des paysages, terres, landes, mousses, ... les bleus sombres de l'eau ou de la nuit, ...
Il y a encore un peu plus de magie dans le crayon et le pinceau de Lepage, et voilà deux albums dans lesquels se plonger, se perdre, encore et encore.
Quand ses compagnons lui demandent pourquoi il fait des livres, des albums, Emmanuel Lepage ne sait trop quoi répondre. C'est compliqué. On le harcèle, lui repose cette question.
« Je fais des livres pour être un peu moins con », finit-il par lâcher.
Voilà, on sait ce qui nous reste à faire ! Le lire !
En 2010, Emmanuel Lepage embarque à bord du Marion-Dufresne pour un magnifique voyage vers les Terres Australes et Kerguelen. Il en a tiré ce magnifique carnet de voyage où la chaleur et l'humanité des scientifiques isolés là-bas, luttent contre la violence des éléments naturels de ces terres inhospitalières.
Emmanuel Lepage que l'on connait depuis son remarquable Tchernobyl, est une sorte de cousin-voyageur ou cousin-reporter de Etienne Davodeau.
Chacun signe scénario et dessins de ses albums, et tous deux excellent dans l'art de tracer le portrait des 'gens' qui nourrissent leurs rencontres.
En 2011, cet auteur a publié le carnet de bord d'un premier voyage dans les Terres Australes et il vient tout juste de sortir un nouvel album à l'occasion d'un second voyage tout là-bas au bout du monde.
Avant de reprendre la mer avec lui, il nous fallait d'abord revivre ce premier épisode ...
Et on reparle du suivant très vite !
L'auteur embarque sur le ravitailleur Marion Dufresne pour une 'rotation' avec les chercheurs de l'IPEV, l'Institut Paul Emile Victor, l'institut polaire français, quelques cinéastes et photographes.
Et le lecteur prend la mer avec lui pour « les Terres Australes : Crozet, Amsterdam, Saint-Paul ... Kerguelen. Enfin jadis surnommées les Îles de la Désolation ».
« Ker-gue-len un mot qui racle la gorge, un nom breton égaré en Antarctique. C'était le monde du bout du monde. »
« La réserve naturelle des TAAF. Créée en 2006, elle est de loin la plus grande du territoire français
[...] C'est la plus forte concentration d'oiseaux marins de la planète ».
Plus d'un million de kilomètres carrés.
Lepage s'en donne à cœur joie une fois embarqué à bord du Marion Dufresne (le bateau ravitailleur des TAAF, les Terres Australes et Antarctiques Françaises).
Le 'journal de bord' d'Emmanuel Lepage est au choix : une aventure, un voyage, un poème, un livre d'images, une expérience, ...
« Ce qui est étrange avec le voyage, c'est qu'on ne comprend qu'après, et encore pas toujours, ce qu'on est allé chercher ».
C'est un reportage en très belles images dans ces mers et îles polaires, le mode de vie de ces marins, militaires et scientifiques, le travail titanesque du bateau ravitailleur qui fait périodiquement la liaison entre La Réunion et ces îles perdues (Kerguelen bien sûr, mais aussi Crozet, Saint-Paul ou Amsterdam).
Et le vent rugissant et omniprésent : sur ces îles, les mouches n'ont plus d'ailes, devenues inutiles.
« - Ah, la fameuse mouche de Kerguelen !
- Oui, la mouche sans ailes !
- Le vent est si violent qu'elles ne peuvent voler. Mais elles se déplacent néanmoins grâce à lui. »
Un bel album de voyage où l'on découvre l'histoire de ces TAAF et la vie sur ces îles.
Des dessins crayonnés de portraits comme de larges aquarelles de paysage : avec ses crayons comme avec ses pinceaux, Lepage n'est pas un manchot (ah, ah !) et ses dessins sont de toute beauté.
Ce carnet de voyage est une merveille graphique bien sûr, mais humaine également. Lepage a une haute conscience de son travail de dessinateur, de portraitiste, de photographe de papier et son texte est bien à la hauteur de ses images.
« - Vous allez nous dessiner ?
Le dessin inspire la bienveillance. C'est un sésame incroyable qui déverrouille les hiérarchies, les classes et les âges. Dessiner c'est mas façon d'être au monde.
[...] Personne n'a peur du dessin. On aime le voir en train de se faire. On s'en approche spontanément. Il renvoie à l'enfance. Et puis, c’est un moyen de rencontres et de complicités qui se passent de mots. »
« Je ne fais que passer. J'envie ces hivernants qui sillonnent cette île pas après pas, jour après jour. »
Qu’est-ce donc, jusqu’à maintenant, que j’ai cru être ?
-
Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, qui ne nécessite pas de connaissance préalable pour pouvoir l’apprécier. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Daria Schmitt pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il se termine par dix-huit pages d’annexes. Une présentation de René Descartes, deux pages par Denis Kambouchner. Une présentation des onze scientifiques apparaissant dans l’ouvrage. Un texte expliquant ce qu’est donc devenue la grande baleine bleue échouée sur la plage d’Ostende le cinq novembre 1827. Une explication sur le crâne dénommé René Descartes, portant le numéro d’inventaire MNHN-HA-19220, au sein des collections d’anthropologie du Muséum national d’Histoire naturelle, par Ronan Allain. Un texte sur l’apport de Descartes pour les scientifiques, par Guillaume Lecointre. Le même auteur a également rédigé le texte suivant intitulé : À quoi sert l’anatomie comparée ? Et le suivant aussi : Une controverse célèbre, l’animal-machine contre l’animal-canevas. Et enfin une copieuse page de remerciements.
René Descartes chemine difficilement dans une forêt suédoise, sous les flocons qui virevoltent. Un peu plus tard des individus commentent : ne pas faire de bruit car il se repose, il n’y aurait pas de bien à lui tirer le sang. Le philosophe lui-même a ajouté que s’il devait mourir il le ferait avec plus de contentement s’il ne les voyait pas. Dans la forêt, Descartes tombe et il voit une apparition dans le ciel nocturne, un immense cétacé. Celui-ci s’adresse à lui. La baleine lui dit qu’on raconte que Descartes aurait trouvé l’art de vivre plusieurs siècles. C’est vrai que le philosophe est une tête. Ce dernier répond que ça fait longtemps qu’il a perdu sa tête, sinon il ne serait pas là. Partout ailleurs les langues progressent, et lui il est coincé comme un âne dans la neige et le froid. Il a toujours su que ce voyage ne lui réussirait pas. En substance, il a loupé une belle occasion d’écouter son intuition.
Qu’est-ce donc, jusqu’à maintenant, que Descartes a cru être ? Un homme, sans doute, mais qu’est-ce qu’un homme ? Va-t-il dire un animal raisonnable ? Non, parce qu’il faudrait après chercher ce qu’est qu’animal, et que raisonnable, et ainsi d’une seule question, il tomberait en plusieurs autres et plus difficiles… Mais il se rendrait plutôt attentif ici à ce qui jusqu’à maintenant, se présentait à sa pensée spontanément et tout naturellement, chaque fois qu’il considérait ce qu’il était… Ce qui se présentait d’abord, c’est bien qu’il avait un visage, des mains, des bras… Et toute cette machine d’organes telle qu’on l’observe aussi dans un cadavre qu’il désignait du nom de corps. Ce qui se présentait en outre, c’est qu’il se nourrissait, marchait, sentait, pensait. Actions qu’il rapportait sans doute à une âme. Mais cette âme, qu’est-ce que c’était ? On bien il ne s’y arrêtait pas ou bien il imaginait un minuscule je ne sais quoi sur le modèle d’un vent, d’un feu ou de l’éther, qui aurait été répandu dans les parties les plus grossières de son être.
Après avoir rendu hommage à Howard Philips Lovecraft (1890-1937) dans Le Bestiaire du crépuscule (2022), la créatrice réalise une bande dessinée évoquant René Descartes (1596-1650), une nouvelle fois à sa manière très personnelle. Le fil conducteur suit le sort du crâne du philosophe, bien sûr après sa mort. En fonction de sa familiarité avec ce grand homme passé à la postérité, le lecteur découvre les circonstances de sa mort en Suède, et l’incroyable histoire de cet os, idée qui est venue à la scénariste après avoir lu un petit livre qui racontait des histoires de reliques célèbres, celles de Richelieu, Charlotte Corday et René Descartes. Ainsi ladite relique passe successivement entre les mains de Dalibert trésorier de France, puis Alexandre Lenoir pendant la révolution française, Jöns Jacob Berzelius, Jean-Baptiste Joseph Delambre, Georges Cuvier, Franz Joseph Gall, Paul Richer, la plupart d’entre eux ayant la charge de prouver à nouveau son authenticité, c’est-à-dire qu’il s’agit bien du crâne du grand homme. Dans le dossier de fin d’ouvrage, l’autrice liste les scientifiques qui apparaissent au fil des pages : Georges Cuvier (1769-1832) anatomiste et paléontologue, Jean-Baptiste Joseph Delambre (1749-1822) astronome et mathématicien français, Charles-Léopold Laurillard (1783-1853) dessinateur naturaliste, anatomiste, paléontologue, Jean-Baptiste Monet chevalier de Lamarck (1744-1829) naturaliste français, professeur du Muséum national d’Histoire naturelle, Jöns Jacob Berzelius (1779-1848) chimiste, minéralogiste, médecin, Marie Alexandre Lenoir (1761-1838), peintre, écrivain, médiéviste, Franz Joseph Gall (1758-1828) médecin, neuroanatomiste, Paul Broca (1824-1880) médecin neuroanatomiste, anthropologue, chirurgien, Pierre-Louis Gratiolet (1815-1865) zoologiste, anthropologue, neuroanatomiste, Edmond Perrier (1844-1921), zoologiste, Paul Richer (1849-1933) neuroanatomiste, historien de la médecine, illustrateur et sculpteur scientifique.
Cette autrice joue avec les couleurs pour rendre compte de temporalités différentes, et de niveaux de réalité distincts. La bande dessinée commence dans des tons bleus pour la tempête de neige dans la forêt, avec des cartouches en fond bleu pour les commentaires des individus qui découvriront Descartes proche de rendre son dernier souffle, et des phylactères sur fond blanc pour le dialogue entre le philosophe et le cétacé céleste. Puis la bande dessinée passe progressivement au noir & blanc dans les pages dix et onze, avec une discrète rémanence de bleu dans le halo irradiant du crâne de Descartes. Le fond des cartouches devient plus gris que bleu, et les phylactères de dialogue conserve un fond blanc. Puis la couleur reprend le premier plan dans les pages trente-huit et trente-neuf, pour une séquence fantasmagorique, évoquant un plan spirituel. Le noir & blanc reprend, et la couleur revient dix pages plus loin, toujours dans une palette restreinte. L’histoire de la baleine échouée à Ostende se déroule en sépia. Ainsi le lecteur distingue bien le monde réel tangible, et celui plus onirique des esprits, le crâne irradiant de bleu indiquant qu’il participe de ces deux réalités.
Le lecteur retrouve les cases réalisées à la plume, avec une apparence de forte densité, du fait d’aplats de noir ou de hachurages serrés. Certaines pages contiennent également des dialogues copieux ce qui donne une sensation de lecture posée, parfois un peu lente, du fait du nombre d’informations visuelles et textuelles, sans pour autant être pesante. Le lecteur commence par ressentir cette atmosphère onirique et froide de la forêt enneigée, en pleine nature. Il trouve un écho lors des séquences spirituelles sur fond de végétaux ou d’animaux, ou de globules, ou encore de ciel étoilé, une forme de mise en scène du lien du vivant avec la nature et le cosmos. Il constate rapidement la créativité de la dessinatrice dans sa capacité à concevoir des plans de prises de vue variés pour les discussions entre le crâne et les ossements des animaux soigneusement conservés dans le Muséum nationale d’Histoire naturelle. La méticulosité de leur représentation leur apporte une tangibilité et une présence remarquable, aboutissant à des personnages consistants, alors même qu’elle respecte l’anatomie et la représentation exacte des squelettes. Les séquences historiques à Paris ou ailleurs bénéficient du même investissement et de la même rigueur : des décors reconstitués avec soin et exactitude, des personnages historiques fidèles aux représentations connues, des accessoires authentiques. Et les galeries du Muséum reproduites avec minutie et précision.
Le lecteur se laisse bien volontiers embarquer par cette histoire rocambolesque de crâne vadrouilleur. Il remarque vite qu’elle charrie d’autres éléments comme la notion d’anatomie comparée, les collections du Muséum nationale d’Histoire naturelle, les jeux de mots avec Os, l’enjeu d’établir avec certitude s’il s’agit bien du crâne de René Descartes, le concept d’animal-machine, la Restauration, les tableaux représentant le philosophe, l’histoire de la baleine échouée à Ostende le cinq novembre 1827, la phrénologie, l’estimation du degré d’intelligence en fonction de la taille du cerveau ou de son nombre de plis, l’extinction du dronte de Maurice, la crue de la Seine de 1910, la petite Francine (1365-1640), etc. Entremêlé à tous ces événements et thèmes, il perçoit également des bribes de la pensée de René Descartes, soit explicites, soit implicites. Pour écrire cette bande dessinée, l’autrice a relu ou lu de grands pans de son œuvre. Il est donc question de l’animal-machine et aussi de la méthode scientifique, ainsi que de la postérité de sa philosophie, et des personnes qui se réclament de sa pensée. C’est également l’occasion pour ce spectre habitant un crâne de prendre du recul sur son œuvre et sur sa vie. Et peut-être de faire amende honorable quant à la place du règne animal vis-à-vis de l’être humain.
Un titre énigmatique qui fait référence au crâne de René Descartes, séparé du reste de ses ossements et des tribulations qui l’ont mené dans les collections du Muséum national d’Histoire naturelle, sous le numéro d’inventaire MNHN-HA 19220. Une bande dessinée à la narration visuelle solide, soignée et riche, entremêlant reconstitution historique et spectres oniriques, engendrant une réflexion sur l’œuvre du philosophe et son héritage, ainsi que l’enjeu autour de l’authenticité d’un crâne. Remarquable.
Wow ! La claque !
Ca faisait longtemps ! Quelle puissance graphique ! Fluide, originale, forte, travaillée et lâchée. Un parti pris visuel également dans les couleurs extrêmement réussie.
Une narration bien construite, originale avec de nombreuses trouvailles. Une ville qui vit et qui est morte à la fois.
Des passages touchants.
L'année 2025 se rapprochant à l'heure ou j'écris, c'est l'une des meilleures lectures de l'année. C'est comme entrer dans une rivière fraiche et en ressortir vivifié, vivant, conscient. Merci à l'autrice pour cette bd très réussie.
Noir et blanc parfait et novateur : le fond, noir, offre un écrin pertinent, au propos bien noir : les Ogres règnent sur des Hommes qu'ils tuent soit par colère, soit pour les dévorer, certains étant élevés à cet effet ! Grandeur et décadence des humains du coin d'être tombés si bas, cependant que les autres continuent leurs progrès, avec des armes à feu pouvant changer le rapport de force. Grandeur et décadence d'Ogres consanguins de plus en plus bêtes et petits ! Cependant, certains Ogres se veulent humanistes, et certains humains dominer les leurs par les Ogres, voire manipuler ces derniers en sous-mains. Le dessin semi-réaliste est parfait : assez réaliste pour qu'on croie à l'action, laissant assez de place à l'indéterminé pour ménager sa place au rêve quand les Ogres relèvent tout de même du mythe.
Les femmes, humaines et Ogres, ne jouent pas les utilités : j'ai beaucoup aimé la grand-mère de Petit, ce personnage entre humain et Ogre qui n'est pas mal non plus. Et sa maman ! Un peu d'humour parsème les pages de l'histoire agrémentée de quelques pages expliquant mieux les tenants et les aboutissants, par exemple de la réforme ratée d'un Ogre roi éclairé, et l'origine de l'institutionnalisation du cannibalisme.
Seul bémol : l'inachèvement dont grâce aux commentateurs j'apprends qu'il est hélas, définitif !
Je pense qu'on peut dire beaucoup de chose sur cette BD, et je vais essayer de faire court. Mais je pense que cette BD est une merveille de lecture, que je ne peux que recommander à tout le monde.
Commençons tout de suite par ce qui peut poser problème : Oui, Jancovici est critiquable, oui il est critiqué. Voila, posons ça tout de suite, le personnage principal de cette BD est Jancovici, la BD parle de ses principes, ses idées et ses solutions. Ce qui veut dire tout de suite que si l'on est déjà en désaccord avec le gars, autant de ne pas se plonger dans la BD ! Il y pose ce qu'il dit ailleurs, de façon synthétique et didactique, pour expliquer ce qui lui importe.
Et je vais le dire immédiatement : je vois les limites de Jancovici, j'en connais quelques unes (notamment sur des questions historiques) mais je vais largement passer outre. En fait, je dirais même qu'on s'en fout complètement.
Parce que la BD parle du sujet le plus important de notre vie, peut-être même du seul sujet important : le changement climatique et son origine humaine. Raison qui a d'ailleurs conduit à repousser sa lecture pendant des années, vu que je fais de l'éco-anxiété très facilement et que je ne voulais pas m'infliger plus que ce que je vis déjà au quotidien. Et pourtant j'ai fini par la lire, conforté par plusieurs lectures que j'ai eu sur le même sujet (Le Vivant à vif, Horizons climatiques - Rencontre avec neuf scientifiques du G.I.E.C. ...) et avec l'envie de voir ce qu'il en était ici.
Comme à son habitude (j'ai vu plusieurs intervention du bonhomme), Jancovici se concentre sur son domaine d'expertise : l'énergie. C'est son domaine d'expertise et il sait s'y faire le bougre. C'est impitoyable comme démonstration de notre dépendance énergétique, avant tout au pétrole mais à tout le reste également. L'implacable changement provoqué par l'humain, l'horreur de l'addiction des sociétés humaines aux énergies fossiles et la difficulté que ce sera d'en sortir. Avec ou sans la volonté humaine, le pétrole va disparaitre et le climat changera. Reste à savoir comment on fera pour y survivre .. La BD n'est cependant pas que défaitiste et propose quelques (maigres) pistes dans le dernier segment pour essayer d'esquiver ce qui nous tombe dessus à une vitesse dont peu de gens semblent avoir idée. Je dirais que la fin est malheureusement très pessimiste et au regard de ce qu'il s'est passé entre la sortie de cette BD et aujourd'hui, je ne peux qu'abonder en son sens.
La BD est servie par le dessin de Blain qui a fait tout son possible pour rendre compte de ce qu'il en est. Les métaphores et les séquences explicatives utilisant toutes sortes d'appareil narratifs visuels sont parfaitement bien intégrées pour que l'on ne se rende pas compte du poids de la vulgarisation. C'est dense et clair, un excellent travail qui prouve encore une fois que Blain est un excellent auteur. Rendre ainsi clair et lisible de tels concepts est admirable !
J'ai dit au début que j'essayerais de faire bref, et je m'arrêterais alors bientôt en disant simplement ceci : lisez cette BD. Il est rare que je le recommande alors que j'ai quelques légers reproches à faire à celle-ci, mais je pense encore une fois que l'ampleur du phénomène, mal perçu et mal reçu, doit avoir l'écho le plus large possible. Les détails, les petits défauts que j'y vois sont minimes à côté de ce qu'elle dit. Et son message, aussi terrifiant et cruel soit-il, doit être entendu. Rien d'autre ne compte.
La couleur tout d abord, le dessin ensuite, le récit enfin, c'est dans cet ordre que j'ai découvert Azur asphalte de Sylvain Bordesoules. On sent vraiment le sud, le vent, le soleil, rien qu'à regarder la couverture on est déjà dans l'histoire. Manque le lien entre ces deux femmes, que l'on va découvrir au fur et à mesure du récit...Leur quotidien qui n a rien d'original, tiens ça ressemble étrangement au notre ... c est à la fois beau, les illustrations notamment les pleines pages sont magnifiques, et émouvant...est ce que la vie est plus facile sous le soleil ?
La servante est étonnante, à l'écoute de son patron, certes, mais aussi bien de toute autre personne se confiant à elle. Quel contraste avec l'aristocrate et tant d'autres seulement centrés sur leur personne ! C'est je pense cette ouverture à l'autre qui la prédispose à l'ailleurs, savoir aller en Amérique. Elle se fait payer le passage par la mère de l'aristocrate, qui finit par comprendre qu'elle le lui doit bien, sans parler du fait qu'elle n'apprécie guère l'influence que prend une servante. Le happy end est permis car pas tiré par les cheveux, et le vent d des grandes plaines d'Amérique fait du bien, après le brouillard londonien et la presque société de caste anglaise !
Le dessin et la couleur sont à la hauteur, et le mieux que je puisse en dire est qu'ils savent retranscrire la beauté intérieure de la servante. Les contraintes sociales sont aussi bien rendues. Et quel sourire final de notre héroïne en Amérique !
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Le grand pouvoir est étonnant, mais logique, et arrive à la fin, comme il se doit. En attendant, on ne s'ennuie pas, on plaint les opprimés, et même… les oppresseurs, car comme ceux qui ne l'ont pas lu pourront le découvrir… Le héros et l'héroïne ressemblent aux Hobbits, mais en plus révoltés et plus méritants vu leurs conditions de vie rien moins que riantes. L'action ne nuit pas aux interrogations métaphysiques et réciproquement. Le sang ne coule pas plus que dans d'autres récits épiques, mais vu la fin, j'ai envie de dire âmes sensibles s'abstenir. Une œuvre qu'on oublie pas et qu'on voudrait inciter tous ceux qui ne l'ont pas encore eue entre les mains à lire.
Jonathan
Oui, je me souviens... J'ai découvert Jonathan et Cosey il y a 50 ans a la revue Tintin portugaise. Je n'ai pas tout de suite aimé, c'était trop nouveau et étrange pour moi a cet âge. Après, j'ai appris a aimer. Le dessin (surtout les paysages), la poésie, le(s) message(s). Nature, écologie, politique, résistance et pacifisme. Je recommande la lecture et l'achat.
Danser avec le vent
En 2010, Emmanuel Lepage embarquait à bord du Marion Dufresne pour un magnifique voyage vers les Terres Australes. Douze ans plus tard, il remet ça mais cette fois pour un plus long séjour sur place, sur l'île de Kerguelen. Emmanuel Lepage que l'on connait depuis son remarquable Tchernobyl, est une sorte de cousin-voyageur ou cousin-reporter de Etienne Davodeau. Chacun signe scénario et dessins de ses albums, et tous deux excellent dans l'art de tracer le portrait des 'gens' qui nourrissent leurs rencontres. En 2011, Lepage publiait le carnet de bord d'un premier voyage dans les Terres Australes (un album que l'on vient de relire pour l'occasion) et il vient tout juste de sortir un nouvel album à l'occasion d'un second voyage effectué en 2022, tout là-bas au bout du bout du monde. Après son premier voyage de 2010 (qui n'était qu'un "bref" aller/retour), l'auteur a longtemps hésité avant de reprendre la mer : « Que pouvais-je vraiment dire de plus ou de différent. Revenir au même endroit une seconde fois n'aurait pas la puissance et la magie de la découverte ». Heureusement pour nous, Lepage a fini par embarquer de nouveau sur le mythique Marion Dufresne, le bateau ravitailleur des TAAF, qui navigue désormais pour le compte de l'IFREMER. Il accompagne une mission popéleph concernant la population des éléphants de mer avec une équipe chargée d'un reportage tv et compte rester peu de temps sur l'île : un mois seulement, et en été ! Sur le bateau, sur les îles, il retrouve des anciennes connaissances et rencontre de nouvelles personnes : de nombreux scientifiques de toutes sortes, des logisticiens, des ouvriers, des militaires, des marins, ... chacun avec son histoire, son chemin, sa quête. C'est ce microcosme qui va nourrir son ouvrage et notre lecture : « J'ai envie de raconter les personnes que je rencontre, dans leur complexité ». Des rencontres, des gens « qui donnent foi en l'humanité » : et en ces temps troublés, ce sont quelques images (et quelques mots) qui font du bien. Certes la magie de la découverte n'est plus là mais elle a été remplacée par une sorte de familiarité : nous ne sommes jamais allé là-bas, du moins pas 'en vrai', mais le premier album nous avait y avait emmenés déjà, laissé une forte empreinte sur nous et cette fois on y retourne, toujours avec plaisir, on s'y retrouve presque en terrain familier et du coup, moins étonnés, plus attentifs. Le côté humain, pourtant déjà bien présent dans le premier épisode, prend ici toute son importance, toute sa valeur. Aujourd'hui l'homme essaye de réduire son empreinte sur ces réserves naturelles et les équipes luttent contre les espèces (végétales ou animales) introduites par le passé, qui sont nombreuses à avoir proliféré et mis en péril le fragile écosystème de l'archipel. Et que dire des dessins ?! Le premier album était superbe mais celui-ci est encore plus beau et nous permet de "comparer" le trait du dessinateur qui a beaucoup mûri et ses aquarelles qui ont gagné en puissance évocatrice. La mousse de l'écume de mer est rendue (à la brosse à dents !) avec un mélange de réalisme et de poésie. Les verts des paysages, terres, landes, mousses, ... les bleus sombres de l'eau ou de la nuit, ... Il y a encore un peu plus de magie dans le crayon et le pinceau de Lepage, et voilà deux albums dans lesquels se plonger, se perdre, encore et encore. Quand ses compagnons lui demandent pourquoi il fait des livres, des albums, Emmanuel Lepage ne sait trop quoi répondre. C'est compliqué. On le harcèle, lui repose cette question. « Je fais des livres pour être un peu moins con », finit-il par lâcher. Voilà, on sait ce qui nous reste à faire ! Le lire !
Voyage aux îles de la Désolation
En 2010, Emmanuel Lepage embarque à bord du Marion-Dufresne pour un magnifique voyage vers les Terres Australes et Kerguelen. Il en a tiré ce magnifique carnet de voyage où la chaleur et l'humanité des scientifiques isolés là-bas, luttent contre la violence des éléments naturels de ces terres inhospitalières. Emmanuel Lepage que l'on connait depuis son remarquable Tchernobyl, est une sorte de cousin-voyageur ou cousin-reporter de Etienne Davodeau. Chacun signe scénario et dessins de ses albums, et tous deux excellent dans l'art de tracer le portrait des 'gens' qui nourrissent leurs rencontres. En 2011, cet auteur a publié le carnet de bord d'un premier voyage dans les Terres Australes et il vient tout juste de sortir un nouvel album à l'occasion d'un second voyage tout là-bas au bout du monde. Avant de reprendre la mer avec lui, il nous fallait d'abord revivre ce premier épisode ... Et on reparle du suivant très vite ! L'auteur embarque sur le ravitailleur Marion Dufresne pour une 'rotation' avec les chercheurs de l'IPEV, l'Institut Paul Emile Victor, l'institut polaire français, quelques cinéastes et photographes. Et le lecteur prend la mer avec lui pour « les Terres Australes : Crozet, Amsterdam, Saint-Paul ... Kerguelen. Enfin jadis surnommées les Îles de la Désolation ». « Ker-gue-len un mot qui racle la gorge, un nom breton égaré en Antarctique. C'était le monde du bout du monde. » « La réserve naturelle des TAAF. Créée en 2006, elle est de loin la plus grande du territoire français [...] C'est la plus forte concentration d'oiseaux marins de la planète ». Plus d'un million de kilomètres carrés. Lepage s'en donne à cœur joie une fois embarqué à bord du Marion Dufresne (le bateau ravitailleur des TAAF, les Terres Australes et Antarctiques Françaises). Le 'journal de bord' d'Emmanuel Lepage est au choix : une aventure, un voyage, un poème, un livre d'images, une expérience, ... « Ce qui est étrange avec le voyage, c'est qu'on ne comprend qu'après, et encore pas toujours, ce qu'on est allé chercher ». C'est un reportage en très belles images dans ces mers et îles polaires, le mode de vie de ces marins, militaires et scientifiques, le travail titanesque du bateau ravitailleur qui fait périodiquement la liaison entre La Réunion et ces îles perdues (Kerguelen bien sûr, mais aussi Crozet, Saint-Paul ou Amsterdam). Et le vent rugissant et omniprésent : sur ces îles, les mouches n'ont plus d'ailes, devenues inutiles. « - Ah, la fameuse mouche de Kerguelen ! - Oui, la mouche sans ailes ! - Le vent est si violent qu'elles ne peuvent voler. Mais elles se déplacent néanmoins grâce à lui. » Un bel album de voyage où l'on découvre l'histoire de ces TAAF et la vie sur ces îles. Des dessins crayonnés de portraits comme de larges aquarelles de paysage : avec ses crayons comme avec ses pinceaux, Lepage n'est pas un manchot (ah, ah !) et ses dessins sont de toute beauté. Ce carnet de voyage est une merveille graphique bien sûr, mais humaine également. Lepage a une haute conscience de son travail de dessinateur, de portraitiste, de photographe de papier et son texte est bien à la hauteur de ses images. « - Vous allez nous dessiner ? Le dessin inspire la bienveillance. C'est un sésame incroyable qui déverrouille les hiérarchies, les classes et les âges. Dessiner c'est mas façon d'être au monde. [...] Personne n'a peur du dessin. On aime le voir en train de se faire. On s'en approche spontanément. Il renvoie à l'enfance. Et puis, c’est un moyen de rencontres et de complicités qui se passent de mots. » « Je ne fais que passer. J'envie ces hivernants qui sillonnent cette île pas après pas, jour après jour. »
La Tête de mort venue de Suède
Qu’est-ce donc, jusqu’à maintenant, que j’ai cru être ? - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, qui ne nécessite pas de connaissance préalable pour pouvoir l’apprécier. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Daria Schmitt pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il se termine par dix-huit pages d’annexes. Une présentation de René Descartes, deux pages par Denis Kambouchner. Une présentation des onze scientifiques apparaissant dans l’ouvrage. Un texte expliquant ce qu’est donc devenue la grande baleine bleue échouée sur la plage d’Ostende le cinq novembre 1827. Une explication sur le crâne dénommé René Descartes, portant le numéro d’inventaire MNHN-HA-19220, au sein des collections d’anthropologie du Muséum national d’Histoire naturelle, par Ronan Allain. Un texte sur l’apport de Descartes pour les scientifiques, par Guillaume Lecointre. Le même auteur a également rédigé le texte suivant intitulé : À quoi sert l’anatomie comparée ? Et le suivant aussi : Une controverse célèbre, l’animal-machine contre l’animal-canevas. Et enfin une copieuse page de remerciements. René Descartes chemine difficilement dans une forêt suédoise, sous les flocons qui virevoltent. Un peu plus tard des individus commentent : ne pas faire de bruit car il se repose, il n’y aurait pas de bien à lui tirer le sang. Le philosophe lui-même a ajouté que s’il devait mourir il le ferait avec plus de contentement s’il ne les voyait pas. Dans la forêt, Descartes tombe et il voit une apparition dans le ciel nocturne, un immense cétacé. Celui-ci s’adresse à lui. La baleine lui dit qu’on raconte que Descartes aurait trouvé l’art de vivre plusieurs siècles. C’est vrai que le philosophe est une tête. Ce dernier répond que ça fait longtemps qu’il a perdu sa tête, sinon il ne serait pas là. Partout ailleurs les langues progressent, et lui il est coincé comme un âne dans la neige et le froid. Il a toujours su que ce voyage ne lui réussirait pas. En substance, il a loupé une belle occasion d’écouter son intuition. Qu’est-ce donc, jusqu’à maintenant, que Descartes a cru être ? Un homme, sans doute, mais qu’est-ce qu’un homme ? Va-t-il dire un animal raisonnable ? Non, parce qu’il faudrait après chercher ce qu’est qu’animal, et que raisonnable, et ainsi d’une seule question, il tomberait en plusieurs autres et plus difficiles… Mais il se rendrait plutôt attentif ici à ce qui jusqu’à maintenant, se présentait à sa pensée spontanément et tout naturellement, chaque fois qu’il considérait ce qu’il était… Ce qui se présentait d’abord, c’est bien qu’il avait un visage, des mains, des bras… Et toute cette machine d’organes telle qu’on l’observe aussi dans un cadavre qu’il désignait du nom de corps. Ce qui se présentait en outre, c’est qu’il se nourrissait, marchait, sentait, pensait. Actions qu’il rapportait sans doute à une âme. Mais cette âme, qu’est-ce que c’était ? On bien il ne s’y arrêtait pas ou bien il imaginait un minuscule je ne sais quoi sur le modèle d’un vent, d’un feu ou de l’éther, qui aurait été répandu dans les parties les plus grossières de son être. Après avoir rendu hommage à Howard Philips Lovecraft (1890-1937) dans Le Bestiaire du crépuscule (2022), la créatrice réalise une bande dessinée évoquant René Descartes (1596-1650), une nouvelle fois à sa manière très personnelle. Le fil conducteur suit le sort du crâne du philosophe, bien sûr après sa mort. En fonction de sa familiarité avec ce grand homme passé à la postérité, le lecteur découvre les circonstances de sa mort en Suède, et l’incroyable histoire de cet os, idée qui est venue à la scénariste après avoir lu un petit livre qui racontait des histoires de reliques célèbres, celles de Richelieu, Charlotte Corday et René Descartes. Ainsi ladite relique passe successivement entre les mains de Dalibert trésorier de France, puis Alexandre Lenoir pendant la révolution française, Jöns Jacob Berzelius, Jean-Baptiste Joseph Delambre, Georges Cuvier, Franz Joseph Gall, Paul Richer, la plupart d’entre eux ayant la charge de prouver à nouveau son authenticité, c’est-à-dire qu’il s’agit bien du crâne du grand homme. Dans le dossier de fin d’ouvrage, l’autrice liste les scientifiques qui apparaissent au fil des pages : Georges Cuvier (1769-1832) anatomiste et paléontologue, Jean-Baptiste Joseph Delambre (1749-1822) astronome et mathématicien français, Charles-Léopold Laurillard (1783-1853) dessinateur naturaliste, anatomiste, paléontologue, Jean-Baptiste Monet chevalier de Lamarck (1744-1829) naturaliste français, professeur du Muséum national d’Histoire naturelle, Jöns Jacob Berzelius (1779-1848) chimiste, minéralogiste, médecin, Marie Alexandre Lenoir (1761-1838), peintre, écrivain, médiéviste, Franz Joseph Gall (1758-1828) médecin, neuroanatomiste, Paul Broca (1824-1880) médecin neuroanatomiste, anthropologue, chirurgien, Pierre-Louis Gratiolet (1815-1865) zoologiste, anthropologue, neuroanatomiste, Edmond Perrier (1844-1921), zoologiste, Paul Richer (1849-1933) neuroanatomiste, historien de la médecine, illustrateur et sculpteur scientifique. Cette autrice joue avec les couleurs pour rendre compte de temporalités différentes, et de niveaux de réalité distincts. La bande dessinée commence dans des tons bleus pour la tempête de neige dans la forêt, avec des cartouches en fond bleu pour les commentaires des individus qui découvriront Descartes proche de rendre son dernier souffle, et des phylactères sur fond blanc pour le dialogue entre le philosophe et le cétacé céleste. Puis la bande dessinée passe progressivement au noir & blanc dans les pages dix et onze, avec une discrète rémanence de bleu dans le halo irradiant du crâne de Descartes. Le fond des cartouches devient plus gris que bleu, et les phylactères de dialogue conserve un fond blanc. Puis la couleur reprend le premier plan dans les pages trente-huit et trente-neuf, pour une séquence fantasmagorique, évoquant un plan spirituel. Le noir & blanc reprend, et la couleur revient dix pages plus loin, toujours dans une palette restreinte. L’histoire de la baleine échouée à Ostende se déroule en sépia. Ainsi le lecteur distingue bien le monde réel tangible, et celui plus onirique des esprits, le crâne irradiant de bleu indiquant qu’il participe de ces deux réalités. Le lecteur retrouve les cases réalisées à la plume, avec une apparence de forte densité, du fait d’aplats de noir ou de hachurages serrés. Certaines pages contiennent également des dialogues copieux ce qui donne une sensation de lecture posée, parfois un peu lente, du fait du nombre d’informations visuelles et textuelles, sans pour autant être pesante. Le lecteur commence par ressentir cette atmosphère onirique et froide de la forêt enneigée, en pleine nature. Il trouve un écho lors des séquences spirituelles sur fond de végétaux ou d’animaux, ou de globules, ou encore de ciel étoilé, une forme de mise en scène du lien du vivant avec la nature et le cosmos. Il constate rapidement la créativité de la dessinatrice dans sa capacité à concevoir des plans de prises de vue variés pour les discussions entre le crâne et les ossements des animaux soigneusement conservés dans le Muséum nationale d’Histoire naturelle. La méticulosité de leur représentation leur apporte une tangibilité et une présence remarquable, aboutissant à des personnages consistants, alors même qu’elle respecte l’anatomie et la représentation exacte des squelettes. Les séquences historiques à Paris ou ailleurs bénéficient du même investissement et de la même rigueur : des décors reconstitués avec soin et exactitude, des personnages historiques fidèles aux représentations connues, des accessoires authentiques. Et les galeries du Muséum reproduites avec minutie et précision. Le lecteur se laisse bien volontiers embarquer par cette histoire rocambolesque de crâne vadrouilleur. Il remarque vite qu’elle charrie d’autres éléments comme la notion d’anatomie comparée, les collections du Muséum nationale d’Histoire naturelle, les jeux de mots avec Os, l’enjeu d’établir avec certitude s’il s’agit bien du crâne de René Descartes, le concept d’animal-machine, la Restauration, les tableaux représentant le philosophe, l’histoire de la baleine échouée à Ostende le cinq novembre 1827, la phrénologie, l’estimation du degré d’intelligence en fonction de la taille du cerveau ou de son nombre de plis, l’extinction du dronte de Maurice, la crue de la Seine de 1910, la petite Francine (1365-1640), etc. Entremêlé à tous ces événements et thèmes, il perçoit également des bribes de la pensée de René Descartes, soit explicites, soit implicites. Pour écrire cette bande dessinée, l’autrice a relu ou lu de grands pans de son œuvre. Il est donc question de l’animal-machine et aussi de la méthode scientifique, ainsi que de la postérité de sa philosophie, et des personnes qui se réclament de sa pensée. C’est également l’occasion pour ce spectre habitant un crâne de prendre du recul sur son œuvre et sur sa vie. Et peut-être de faire amende honorable quant à la place du règne animal vis-à-vis de l’être humain. Un titre énigmatique qui fait référence au crâne de René Descartes, séparé du reste de ses ossements et des tribulations qui l’ont mené dans les collections du Muséum national d’Histoire naturelle, sous le numéro d’inventaire MNHN-HA 19220. Une bande dessinée à la narration visuelle solide, soignée et riche, entremêlant reconstitution historique et spectres oniriques, engendrant une réflexion sur l’œuvre du philosophe et son héritage, ainsi que l’enjeu autour de l’authenticité d’un crâne. Remarquable.
Le Grand Vide
Wow ! La claque ! Ca faisait longtemps ! Quelle puissance graphique ! Fluide, originale, forte, travaillée et lâchée. Un parti pris visuel également dans les couleurs extrêmement réussie. Une narration bien construite, originale avec de nombreuses trouvailles. Une ville qui vit et qui est morte à la fois. Des passages touchants. L'année 2025 se rapprochant à l'heure ou j'écris, c'est l'une des meilleures lectures de l'année. C'est comme entrer dans une rivière fraiche et en ressortir vivifié, vivant, conscient. Merci à l'autrice pour cette bd très réussie.
Les Ogres-Dieux
Noir et blanc parfait et novateur : le fond, noir, offre un écrin pertinent, au propos bien noir : les Ogres règnent sur des Hommes qu'ils tuent soit par colère, soit pour les dévorer, certains étant élevés à cet effet ! Grandeur et décadence des humains du coin d'être tombés si bas, cependant que les autres continuent leurs progrès, avec des armes à feu pouvant changer le rapport de force. Grandeur et décadence d'Ogres consanguins de plus en plus bêtes et petits ! Cependant, certains Ogres se veulent humanistes, et certains humains dominer les leurs par les Ogres, voire manipuler ces derniers en sous-mains. Le dessin semi-réaliste est parfait : assez réaliste pour qu'on croie à l'action, laissant assez de place à l'indéterminé pour ménager sa place au rêve quand les Ogres relèvent tout de même du mythe. Les femmes, humaines et Ogres, ne jouent pas les utilités : j'ai beaucoup aimé la grand-mère de Petit, ce personnage entre humain et Ogre qui n'est pas mal non plus. Et sa maman ! Un peu d'humour parsème les pages de l'histoire agrémentée de quelques pages expliquant mieux les tenants et les aboutissants, par exemple de la réforme ratée d'un Ogre roi éclairé, et l'origine de l'institutionnalisation du cannibalisme. Seul bémol : l'inachèvement dont grâce aux commentateurs j'apprends qu'il est hélas, définitif !
Le Monde sans fin
Je pense qu'on peut dire beaucoup de chose sur cette BD, et je vais essayer de faire court. Mais je pense que cette BD est une merveille de lecture, que je ne peux que recommander à tout le monde. Commençons tout de suite par ce qui peut poser problème : Oui, Jancovici est critiquable, oui il est critiqué. Voila, posons ça tout de suite, le personnage principal de cette BD est Jancovici, la BD parle de ses principes, ses idées et ses solutions. Ce qui veut dire tout de suite que si l'on est déjà en désaccord avec le gars, autant de ne pas se plonger dans la BD ! Il y pose ce qu'il dit ailleurs, de façon synthétique et didactique, pour expliquer ce qui lui importe. Et je vais le dire immédiatement : je vois les limites de Jancovici, j'en connais quelques unes (notamment sur des questions historiques) mais je vais largement passer outre. En fait, je dirais même qu'on s'en fout complètement. Parce que la BD parle du sujet le plus important de notre vie, peut-être même du seul sujet important : le changement climatique et son origine humaine. Raison qui a d'ailleurs conduit à repousser sa lecture pendant des années, vu que je fais de l'éco-anxiété très facilement et que je ne voulais pas m'infliger plus que ce que je vis déjà au quotidien. Et pourtant j'ai fini par la lire, conforté par plusieurs lectures que j'ai eu sur le même sujet (Le Vivant à vif, Horizons climatiques - Rencontre avec neuf scientifiques du G.I.E.C. ...) et avec l'envie de voir ce qu'il en était ici. Comme à son habitude (j'ai vu plusieurs intervention du bonhomme), Jancovici se concentre sur son domaine d'expertise : l'énergie. C'est son domaine d'expertise et il sait s'y faire le bougre. C'est impitoyable comme démonstration de notre dépendance énergétique, avant tout au pétrole mais à tout le reste également. L'implacable changement provoqué par l'humain, l'horreur de l'addiction des sociétés humaines aux énergies fossiles et la difficulté que ce sera d'en sortir. Avec ou sans la volonté humaine, le pétrole va disparaitre et le climat changera. Reste à savoir comment on fera pour y survivre .. La BD n'est cependant pas que défaitiste et propose quelques (maigres) pistes dans le dernier segment pour essayer d'esquiver ce qui nous tombe dessus à une vitesse dont peu de gens semblent avoir idée. Je dirais que la fin est malheureusement très pessimiste et au regard de ce qu'il s'est passé entre la sortie de cette BD et aujourd'hui, je ne peux qu'abonder en son sens. La BD est servie par le dessin de Blain qui a fait tout son possible pour rendre compte de ce qu'il en est. Les métaphores et les séquences explicatives utilisant toutes sortes d'appareil narratifs visuels sont parfaitement bien intégrées pour que l'on ne se rende pas compte du poids de la vulgarisation. C'est dense et clair, un excellent travail qui prouve encore une fois que Blain est un excellent auteur. Rendre ainsi clair et lisible de tels concepts est admirable ! J'ai dit au début que j'essayerais de faire bref, et je m'arrêterais alors bientôt en disant simplement ceci : lisez cette BD. Il est rare que je le recommande alors que j'ai quelques légers reproches à faire à celle-ci, mais je pense encore une fois que l'ampleur du phénomène, mal perçu et mal reçu, doit avoir l'écho le plus large possible. Les détails, les petits défauts que j'y vois sont minimes à côté de ce qu'elle dit. Et son message, aussi terrifiant et cruel soit-il, doit être entendu. Rien d'autre ne compte.
Azur Asphalte
La couleur tout d abord, le dessin ensuite, le récit enfin, c'est dans cet ordre que j'ai découvert Azur asphalte de Sylvain Bordesoules. On sent vraiment le sud, le vent, le soleil, rien qu'à regarder la couverture on est déjà dans l'histoire. Manque le lien entre ces deux femmes, que l'on va découvrir au fur et à mesure du récit...Leur quotidien qui n a rien d'original, tiens ça ressemble étrangement au notre ... c est à la fois beau, les illustrations notamment les pleines pages sont magnifiques, et émouvant...est ce que la vie est plus facile sous le soleil ?
Monsieur désire ?
La servante est étonnante, à l'écoute de son patron, certes, mais aussi bien de toute autre personne se confiant à elle. Quel contraste avec l'aristocrate et tant d'autres seulement centrés sur leur personne ! C'est je pense cette ouverture à l'autre qui la prédispose à l'ailleurs, savoir aller en Amérique. Elle se fait payer le passage par la mère de l'aristocrate, qui finit par comprendre qu'elle le lui doit bien, sans parler du fait qu'elle n'apprécie guère l'influence que prend une servante. Le happy end est permis car pas tiré par les cheveux, et le vent d des grandes plaines d'Amérique fait du bien, après le brouillard londonien et la presque société de caste anglaise ! Le dessin et la couleur sont à la hauteur, et le mieux que je puisse en dire est qu'ils savent retranscrire la beauté intérieure de la servante. Les contraintes sociales sont aussi bien rendues. Et quel sourire final de notre héroïne en Amérique !