Les derniers avis (7356 avis)

Par grogro
Note: 5/5
Couverture de la série La Quête de l'Oiseau du Temps
La Quête de l'Oiseau du Temps

Même pas besoin de coup de cœur. La Quête de l'oiseau du temps est un tel monument, un tel jalon dans ma vie de lecteur de BD qu'on ne saurait s'attacher à ce genre de détail. En effet, la Quête, lue à sa sortie (j'avais quoi ? Tout juste 10 ans ou 13 ans ?), proposait un univers assez insolite, plein de créatures étranges et de trouvailles subtiles. Les personnages sont vraiment cools, se complétant à merveille malgré des psychologies nettement marquées. Et le dessin n'est pas en reste. On sortait des classiques stéréotypés façon Buck Danny, Rahan (autre série vénérée), j'en passe et des meilleures. Cette aventure sortait le lecteur des sentiers battus. Je me souviens avoir dévoré ces quatre tomes en mode goinfre et d'en être ressorti décoiffé, à côté de mes pompes. Un voyage livré avec le dépaysement ! Ma préférence va au tome 3 pour la rencontre avec le personnage du Rige, ainsi qu'au tome 2 pour son côté vraiment tragique. Vraiment une super série !

28/05/2025 (modifier)
Par Vaudou
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Sade - L'Aigle, Mademoiselle...
Sade - L'Aigle, Mademoiselle...

Un one shot méconnu écrit et mis en images par deux grands artistes de la bande dessinée sur les derniers jours du marquis de Sade. Je m'attendais à un traitement plus second degré/léger de ce personnage par Dufaux, c'eût été en effet très facile de céder à certaines complaisances vu la légende du marquis et l'attrait de Dufaux pour l'érotisme. Mais en fait il y a une réelle volonté de rendre hommage au marquis et à son talent d'écriture. Dufaux a complètement intégré le personnage de Sade à son univers, c'est impressionnant. Au bout de 3 pages maximum, on peut déjà nommer le scénariste. Un peu comme chez Jodorowsky. Je trouve que c'est la marque des grands auteurs. Le récit est maîtrisé jusqu'à la fin. C'est difficile d'en parler sans spolier, disons qu'il n'est pas dénué de surprise. Griffo est au diapason, il instille une superbe ambiance avec son style si caractéristique. Une pépite !

26/05/2025 (modifier)
Par Aston
Note: 5/5
Couverture de la série Spawn
Spawn

Étant fan de ce personnage depuis mon adolescence et étant toujours en train de suivre ce comics depuis maintenant 30 ans il m’est vraiment difficile d'être objectif sur mon avis. Mais voilà ! Cet antihéros a été super bien imaginé. Super original. Super charismatique. Ça change de tout les xmen/ deadpool/ batmam/ superman et Cie. Un vrai coup de génie de son créateur Todd mcfarlane. C'est sombre, dérangeant, déroutant, sinistre, satanique, horrifique et franchement..... j’adore !!!! Mention spéciale au dessinateur Greg Capullo, qui a su faire monter ce comics à un très haut niveau. Ses dessins sont extraordinaires !!

25/05/2025 (modifier)
Par Aston
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Le Ciel dans la tête
Le Ciel dans la tête

Alors là......je suis complètement bouleversé. En fermant le bouquin après l'avoir lu, je suis resté assis sur mon siège et suis parti dans une très longue réflexion sur le monde dans lequel nous vivons. Comment peut-on inciter des enfants à commettre des actes aussi horribles ? L’histoire est très dure du début à la fin. Très sombre. Le fait de présenter ça avec un style de dessin plutôt léger et original est une très bonne idée et c'est vraiment très beau. J'avoue y avoir même versé une larme. Cette bd est vraiment géniale tout en étant très éprouvante. j'ai été profondément touché par cette histoire qui reflète une triste réalité. A découvrir.

25/05/2025 (modifier)
Par Vaudou
Note: 5/5
Couverture de la série Les Tours de Bois-Maury
Les Tours de Bois-Maury

Je me suis attaqué aux Tours de Bois-Maury pour continuer mon tour de France des bds historiques. J'ai uniquement lu les deux premiers cycles. Commençons par les défauts : un rythme plutôt lent au niveau du récit mais cela accroît d'autant le réalisme. Les visages. On observe des faciès typiques du moyen-âge mais on a souvent du mal à discerner les chevaliers entre eux, c'est le plus gros défaut pour moi. Les qualités : - la précision historique - les dessins. Le travail d'Hermann est hallucinant que ce soit le travail des couleurs pour chaque fond, le dynamisme des compositions, les grandes cases à admirer... Les 5 premiers tomes du cycle 1 sont tous excellents. Le cycle 2 est moins homogène mais la qualité des tomes 9 et 10 rattrape le tout. NB : attention à ne pas lire l'avis de Noirdésir qui se permet de balancer un énorme spoil. Je pensais mettre 4 au début mais il y a une telle exigence et implication de l'auteur dans cette œuvre... 5. Un classique.

25/05/2025 (modifier)
Par Aston
Note: 5/5
Couverture de la série Blast
Blast

En tombant sur un extrait je me suis dit : ”mais c'est quoi ces personnages dessinés bizarrement avec des longs nez” et du coup, pas du tout eu envie de lire cette bd. C'est seulement quelques temps plus tard, après avoir lu je ne sais combien de commentaires positifs que je me suis dit finalement : ”allez, pourquoi pas”. Et franchement, je me suis retrouvé vraiment con avec ma première impression. Quelle histoire sombre !! On en ressort vraiment pas indemne après avoir lu ça. Le mal être du personnage principal est profond ! Manu Larcenet a su faire ce qu'il faut pour qu'on le ressente et c'est vraiment fort ! Une superbe bonne idée d’avoir intégré des dessins de ses enfants quand on entre dans le trip du gars : le fameux blast. J'ai tout de suite acheté les 3 autres tomes après avoir lu le premier. Une découverte choc ! Tout ce qu’on demande quand on est passionné de bd ! Je recommande vivement.

25/05/2025 (modifier)
Par Aston
Note: 5/5
Couverture de la série Le Rapport de Brodeck
Le Rapport de Brodeck

Du grand art !!! Alors là, c’est la grosse claque ! Les dessins sont tout simplement excellents ! Manu Larcenet est carrément monté de je ne sais combien de niveaux avec cet album ! C’est sombre, froid, intense.....on rentre totalement dans l’histoire. A la fin de la lecture, on ne peut s'empêcher de revenir sur certaines pages pour admirer encore certains dessins. Culte ! Je dis bien CULTE !

25/05/2025 (modifier)
Par Blue boy
Note: 5/5
Couverture de la série La Terre verte
La Terre verte

Comment ne pas être impressionné devant une œuvre aussi monumentale ? « La Terre verte » comporte tant d’atouts qu’on ne sait par lequel commencer… Le premier, c’est le choix du format : au lieu d’une série, l’éditeur a opté pour un bon gros one-shot immersif, ce qui évite d’avoir à attendre trop longtemps le dénouement et permet de juger de la qualité du récit dans son ensemble. A ce titre, j’ai été totalement captivé du début à la fin par cette épopée au souffle puissant, avec une tournure théâtrale dans la pure tradition shakespearienne. Pour concevoir cette histoire, Alain Ayroles, le scénariste des « Indes fourbes », s’est inspiré d’un fait historique dont on connaît assez peu de choses : la « conquête » du Groenland par le viking Erik le Rouge un peu avant l’an 1000, avec l’implantation d’une colonie qui exista 400 ans avant de disparaître corps et biens, sans que l’on sache vraiment dans quelles circonstances. Ayroles s’en est inspiré pour produire cette fiction où le protagoniste principal n’est autre que Richard III, le roi d’Angleterre qui avait inspiré Shakespeare pour sa célèbre pièce. C’est ainsi que l’on va suivre le parcours de ce personnage sournois et manipulateur dont la soif de pouvoir le conduira vers la folie meurtrière la plus extrême, jusqu’à cette image finale qui restera gravée longtemps dans la rétine du lecteur. L’autre très bonne idée est d’avoir situé le théâtre de l’action dans cette contrée méconnue qu’est le Groenland, dont les vastes étendues glacées conservent toujours leur part de mystère, et finalement assez rarement exploité dans les arts et la littérature. Le découpage en scènes et en actes rapproche le récit du mode théâtral et fonctionne à merveille, tout comme les dialogues particulièrement ciselés. Les protagonistes principaux sont très bien campés : l’évêque Dom Matthias, le « bouffon » Kraka, mais en particulier Ingeborg, cette jeune femme solaire qui contraste avec les habitants du village de Gardar, dans une situation critique, et vient en contrepoint du ténébreux et maléfique Richard. Si au départ celui-ci lui fait forte impression dans son armure massive avant de la rendre amoureuse, Ingeborg va ensuite déchanter devant la noirceur du personnage qui la conduira à s’opposer à ses projets belliqueux… Mais c’est à travers le personnage de Richard, être dont la laideur et la difformité semblent avoir forgé en lui un noyau de colère inflammable, que le thème du pouvoir va être développé. Au départ, l’homme semble être désabusé et peu motivé pour remplir la mission qui lui a été confiée, lorsqu’il découvre cette contrée inhospitalière peuplé de gueux faméliques, lui qui s’attendait à un paradis vert. Pourtant, contre toute attente, il va être gagné par l’hubris en comprenant quel avantage il peut tirer en s’imposant comme le chef. L’homme a de la suite dans les idées et s’imagine que le Groenland pourrait lui servir de tremplin pour prendre sa revanche le moment venu, quand il reviendra vers le monde « civilisé ». De façon sournoise et cruelle, il va méthodiquement évincer tous ceux qu’il voit comme des concurrents potentiels ou des obstacles à ses ambitions. Avec Dom Mathias, sorte de tartuffe prédicateur en habit de carnaval, Ayroles portera avec une ironie cinglante ses attaques contre la religion, avec de sévères coups de griffe à l’attention de ceux l’utilisent comme instrument de pouvoir. Hervé Tanquerelle, qui m’avait séduit avec ses « Racontars arctiques » et avait acquis ses lettres de noblesse dans le milieu du septième art depuis « Le Dernier Atlas », adopte ici un style plus académique mais adapté au registre de la saga populaire. Ce qu’on apprécie, c’est qu’il a tout de même conservé sa patte artisanale avec ses « imperfections » (je ne sais pas comment le dire autrement, mais cela n’a rien de dévalorisant, au contraire…), ou autrement dit, il n’a pas cherché à produire à tout prix un dessin « industriel », techniquement élaboré, mais lisse et sans âme. Le personnage de Richard, en proie à une folie qu’il cherche à dissimuler, lui a permis de montrer son talent pour rendre les visages expressifs, il suffit pour cela de consulter la page 12 où on voit l’homme traversé par une succession d’émotions fugitives durant un court instant, et c’est assez impressionnant. On peut souligner également le travail sur la couleur d’Isabelle Merlet, qui avec ses bleus glacés a su restituer l’atmosphère polaire de cette saga. Si une version noir & blanc est sortie en tirage limité, il n’est pas dit que cela apporte réellement une valeur ajoutée, mais certains la préféreront peut-être pour ce côté austère qui pourrait plus correspondre à l’esprit du récit et permet de faire ressortir le propos. Hasard du calendrier, « La Terre verte » est sorti peu de temps après l’investiture de Donald Trump à la Maison blanche, et comme on le sait, le président idiocrate du peuple étatsunien a clairement fait connaître ses intentions de s’approprier le Groenland, « par la force s’il le faut ». Certes, Richard n’a rien de commun physiquement avec Donald, mais son hubris et sa volonté de contrôle démesurée est du même tonneau que celui du clown orange. Et c’est exactement ce qui est exposé avec cette bande dessinée : le mécanisme de conquête du pouvoir par un individu cynique, revanchard et mégalomane, avec un goût pour la manipulation où seul comptent ses propres intérêts. De plus, les thématiques en second plan nous ramènent à des problématiques contemporaines : l’impact environnemental destructeur de l’humain sur la faune (cf. le massacre aveugle des morses, juste pour l’ivoire de leurs défenses, page 92) et le féminisme (avant l’heure) à travers le personnage d’Ingeborg. En somme, des questions qui ont toutes les chances de déplaire à Trump et ses aficionados masculinistes. En résonnant ainsi avec l’actualité politique et les thèmes de notre époque, « La Terre verte », formidable épopée de bruit et de fureur doublée d’une sarabande macabre qui glace les sangs, parfaitement retranscrite par Tanquerelle lorsque Richard sombre dans la folie, se place dans la catégorie des ouvrages incontournables de l’année.

24/05/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Ben Barka - La disparition
Ben Barka - La disparition

L’histoire aurait donc dû s’arrêter là. Seulement voilà… - Ce tome comprend une histoire complète, une enquête sur la disparation de Mehdi Ben Barka (1920-1965), homme politique marocain, et chef de file du mouvement tiers-mondiste. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par David Servenay pour le récit, et par Jacques Raynal pour les dessins. Il comprend cent-quarante-deux pages de bandes dessinées en noir & blanc. Il se termine avec un dossier illustré de douze pages comprenant des chapitres consacrés à Antoine Lopez l’espion qui voyait triple, Le faux scoop de l’Express, Les sécuritocrates marocains à l’abri, Chtouki le chef fantôme du commando, CIA le mutisme des services secrets américains, Ben Barka une enquête impossible ? Enfin vient une liste de référence vidéo et livres, et des remerciements. Paris, vendredi 29 octobre 1965, 12h15. Mehdi Ben Barka, accompagné par le jeune historien Thami Azzemouri, se rend à son rendez-vous à la brasserie Lipp pour parler du projet de film Basta. À l’intérieur, l’attendent le journaliste Philippe Bernier, le réalisateur Georges Franju et l’éditeur Georges Figon. Alors qu’il approche de la brasserie, il est accosté par deux hommes qui se présentent comme des policiers. Ils s’enquièrent de l’identité de la personne qu’ils ont hélée, puis lui posent quelques questions. Quel est le motif du séjour de Mehdi Ben Barka en France ? Serait-il à Paris dans un but politique ? Enfin ils lui indiquent qu’on leur a demandé de l’emmener auprès de personnalités politiques. Il accepte et les suit sans un regard pour Azzemouri, après avoir vu leur carte professionnelle. Une fois les trois hommes dans la voiture, le trajet commence, c’est la dernière fois que Mehdi Ben Barka est vu vivant. À partir de là, le récit entre dans le royaume des hypothèses. À ce jour, nul n’a de certitude à propos de ce qui est arrivé à Mehdi Ben Barka. Sauf sur deux choses. Il a bel et bien été tué dans les 48 heures suivant son enlèvement. Son corps a disparu, sans que quiconque ne puisse le retrouver. Ce qui va intéresser les auteurs désormais, c’est l’enquête incroyable qui commence et l’importance de la trace que cette disparition va laisser dans l’histoire. Pour autant, tout ce qui va suivre a fait l’objet de minutieux recoupements auprès des proches de Mehdi Ben Barka, des enquêteurs… et d’un dossier d’instruction qui est à ce jour la plus ancienne enquête criminelle en cours dans les annales de la justice française. À bord de la 403, un silence pesant enveloppe les cinq passagers. Ben Barka se demande vers quel interlocuteur son destin l’emmène. Un rendez-vous est bien prévu pour le lendemain à l’Élysée, mais… Le convoi sort de Paris par l’autoroute du Sud. Discrètement, une DS noire suit la voiture des policiers. Elle finit par la dépasser. Juste après Évry, la voiture quitte l’autoroute pour atteindre sa destination finale. En arrivant au 35 de la Grand-Rue, la 403 franchit le portail d’une grosse ferme. Un homme apparaît. Mehdi Ben Barka l’ignore, mais le propriétaire des lieux est très connu des services de police. Georges Boucheseiche, 52 ans, dit Bonne Bouche, multirécidiviste, ex-collabo de la Carlingue, la Gestapo française. En fonction de sa culture, le lecteur peut être plus ou moins familier avec cette affaire : son point d’origine, la reprise de l’enquête en 2004, ou le rôle de Mehdi Ben Barka dans l’histoire du Maroc ou en tant que chef de file du mouvement tiers-mondiste et panafricaniste. Il constate rapidement qu’il n’est nul besoin de disposer de connaissances préalables sur l’affaire ou sur le contexte historique pour suivre le récit de l’enquête. De la même manière, un lecteur s’étant déjà intéressé à cette affaire apprécie la manière dont les auteurs relient les faits à des événements et des mouvements d’époque. Il peut aussi avoir eu la curiosité de lire un article encyclopédique sur le sujet, assez touffu, listant chaque intervenant sur, les différentes versions, et les découvertes successives, sans oublier les pièces manquantes, les silences, et même les légendes inventées, plus ou moins crédibles. Le scénariste a conçu une structure aussi sophistiquée qu’accessible. Partir de cette disparition le 29 octobre 1965. Faire intervenir différents acteurs apportant des informations depuis leur point de vue : Bachir Ben Barka le fils de Mehdi ben Barka, Maurice Buttin l’avocat de la famille Ben Barka, Patrick Ramaël juge d’instruction, Jospeh Thual grand reporter. Mettre en scène aussi bien des reconstitutions historiques avec les personnes impliquées, que des mises en situation d ce qui est rapporté. S’il commence par feuilleter cette bande dessinée, le lecteur peut ressentir une impression un peu austère et une forme de minimalisme dans la mise en page et dans les dessins. Dès la première page, il peut constater une approche plus dans l’impression donnée par les éléments visuels, que dans la représentation détaillée. En fonction des séquences, le dessinateur peut consacrer du temps à représenter des éléments plus nombreux : les façades des immeubles parisiens, une carte routière, des tenues vestimentaires, des rues de Rabat, des cafés ou des restaurants parisiens prestigieux, des bâtiments célèbres comme le palais de l’Élysée. Pour certaines zones de ces mêmes images, il peut se contenter de surfaces laissées blanches et vierges, comme la surface des trottoirs ou de la chaussée, certains arrière-plans lorsqu’il s’agit d’une tête ou d’un buste en train de parler, ou encore le fond de la page avec juste un individu en pied qui en occupe un tiers ou moins. Dans le même temps, il utilise les aplats de noir aux formes discrètement irrégulières pour donner du poids à chaque case. Il joue ainsi régulièrement sur le contraste fort entre des zones noires et des zones blanches. Il représente les individus avec un fort degré de simplifications à la fois dans les silhouettes et les visages. Le lecteur n’aurait pas forcément à chaque fois identifié un personnage célèbre s’il n’était pas nommé, jusqu’au général de Gaulle lui-même. Rapidement, le lecteur remarque que le scénariste laisse beaucoup de place à la narration visuelle. Par exemple les trois premières pages ne comprennent qu’un unique et bref cartouche de texte pour indiquer le lieu, la date et l’heure. Puis vient un dialogue pendant trois pages entre Ben Barka et les deux policiers. Et à nouveau deux pages muettes, à l’exception d’un court cartouche. Dans les deux pages suivantes, le lecteur découvre le dispositif d’une petite case au milieu d’une page autrement vierge avec deux cartouches de texte plus conséquents, sans aller jusqu’à du texte illustré par une miniature. Cette façon de procéder donnerait une impression de narration à l’économie s’il s’agissait d’un récit de type aventure ou roman. En revanche dans ce contexte, cela fonctionne parfaitement pour aérer l’exposé des faits historiques, des événements et des témoignages, pour mettre en valeur des intervenants et des personnes impliquées, pour montrer au lecteur un endroit, une rencontre, et pour créer une distance nécessaire avec les différents individus. Cela rappelle au lecteur qu’il voit de personnes en train de faire de déclaration, des paroles rapportées, ce qui ne permet pas de savoir ce que pense vraiment chacun, ce qui induit une prise de recul sur ces propos. Le scénariste relève un défi dont le lecteur ne soupçonne pas tout de suite la complexité : exposer, analyser et expliquer une enquête compliquée dans un contexte historique touffu, avec un nombre élevé d’intervenants, et plusieurs versions successives sans perdre personne en route. Il présente progressivement les différents acteurs : Mehdi Ben Barka dès la première page, les dernières personnes à l’avoir vivant, et puis il sait grouper les suivantes en unités logiques qui permettent au lecteur de facilement les situer, des plus connues comme le général Charles de Gaulle (1890-1970) président de la République française, Georges Franju (1912-1987) réalisateur, Marguerite Duras (1914-1996) écrivaine, dramaturge, scénariste et réalisatrice française. Du côté marocain : Hassan II (1929-1999), le général et homme d’état Mohamed Oufkir (1920- 1972), Ahmed Dlimi (1931-1983) officier supérieur puis général des Forces armées royales marocaines, etc. Quelques hommes d’état français comme Edgar Faure (1908-1988) homme d’État français, Roger Frey (1913-1997) homme politique français. Et puis des individus hauts en couleur comme Pierre Loutrel, dit Pierrot le Fou (1916-1946), Georges Boucheseiche (1914-1972) malfaiteur français, Antoine Lopez (1924-2016) inspecteur principal d'Air France à Orly surnommé la Savonnette, Marcel Le Roy – Finville (1920-2009) maître espion, etc. Et pour finir le juge d’instruction Patrick Ramaël et le journaliste Joseph Tual. Profitant de ces guides attentionnés que sont les auteurs, le lecteur découvre cette histoire d’enlèvement, le rayonnement international des activités de Mehdi Ben Barka, l’improbable implication de policiers, de malfaiteurs et d’espions, le plan soigneusement ourdi sur le long terme, capable de surmonter les imprévus et de tirer profit des occasions. Il se fait la réflexion qu’il n’a pas de raison de douter de ce qu’il lui est exposé, et qu’il peut saisir les différentes dimensions de l’affaire, entre les motivations de la victime et sa vie personnelle, les différents intervenants dont les intérêts finissent par s’aligner pour parvenir à cette disparition. Il partage l’optimisme des auteurs, avec la perspective de déclassification de documents dans les décennies à venir. Il prolonge bien volontiers sa lecture avec le dossier en fin de tome, se rendant compte qu’il ne s’était pas posé de question sur l’absence d’interférence des États-Unis dans cette affaire, alors même qu’ils remplissaient la fonction de police mondiale à l’époque. Une vieille affaire datant de 1965… avec des répercussions encore bien tangibles aujourd’hui. Une narration visuelle sèche et pouvant apparaître comme minimaliste, devenant particulièrement adaptée et intelligente à la lecture, faite pour faciliter la compréhension et l’assimilation du lecteur, tout en lui donnant le recul nécessaire pour questionner ce qui lui est montré. Une enquête remarquable par sa clarté, ses facettes analytiques et explicatives prenant en compte de nombreuses dimensions tant personnelles que de politique internationale dans un monde entre décolonisation et prise d’autonomie. Édifiant et passionnant.

24/05/2025 (modifier)
Par Corbeyran
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série La Dernière Nuit d'Anne Bonny
La Dernière Nuit d'Anne Bonny

Un alizé chaud gonflant des palmiers embaumés de rhum, de vanille, d'épices et de poudre à canon ! C'est l'environnement dans laquelle nous baignons dans ces baies turquoises, parfois rouge sang, de "La dernière nuit d'Anne Bonny". De plages scintillantes en tavernes sombres, de l'émeraude d'Irlande à l'azur des Caraïbes, nous embarquons avec délectation sur le navire de cette légende vivante. L'histoire épique d'Anne Bonny et de Jack Calico est non seulement magnifiquement contée mais a l'intelligence de mettre de temps à autre en confrontation deux historiens sur la biographie de la reine des pirates, une approche historiographique des plus réussie. Les dialogues sont vivants, émouvants et l'angle narratif que je laisse découvrir aux lecteurs est quant à lui judicieusement surprenant. Quant au dessin si singulier il est très expressif, empli de vie et fait immédiatement penser à l'œuvre vidéoludique "The Legend of Zelda The Wind Waker" de par son trait si animé, ses couleurs chatoyantes et sa capacité à nous embarquer sur les côtes marines où dangers et trésors vont de pair. Si c'est toujours un risque de dépeindre une figure régulièrement exploitée par le 9e art, pour avoir lu toutes les BD relatives à Anne Bonny c'est la seule qui offre un horizon avec un souffle de l'aventure à ce point enchanteur.

21/05/2025 (modifier)