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Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Crénom, Baudelaire !
Crénom, Baudelaire !

Tome 3 : Le Serpent qui danse Avec le dernier volet de cette trilogie, le lecteur va suivre Baudelaire dans la dernière partie de sa vie, une vie minée par les problèmes d’argent, son addiction aux substances illicites, et ce mal rampant qu’est la syphilis. Il faut dire qu’il a perdu de sa superbe, le Charles ! Le poids des ans n’arrange rien et commence à se faire sentir sur sa dégaine de dandy à présent quadragénaire : yeux rougis et regard fiévreux, visage marqué et démarche voutée, son arrogance des premières années semble s’être envolée avec sa jeunesse. Sa nouvelle célébrité, entravée par ses démêlés avec la justice, ne suffit pas à compenser le train de vie du poète hédoniste et flambeur, désormais pourchassé par les huissiers. « Coco mal perché », son éditeur, devra bientôt mettre la clé sous la porte et fuir vers Bruxelles, là où Baudelaire, dont la réputation commence à traverser les frontières, est venu donner des lectures qui se solderont par un bide fracassant. Quant à Jeanne Duval, sa muse de toujours, la grande vérole aura eu raison d’elle : là voilà désormais hémiplégique. Baudelaire loue une chambre à Neuilly et devient son « tuteur ». Mais c’est sans compter sur le frère de Jeanne, qui vient taper l’incruste et est devenu le proxénète de celle-ci ! Dans la parfaite lignée des deux premiers tomes, « Le Serpent qui danse » conclut de fort belle manière cette fresque épique consacrée à l’homme qui aura révolutionné la poésie dans la France du XIXe siècle. Fidèle à la narration très fluide de Jean Teulé, Dominique Gelli vient la sublimer avec un dessin très pictural qui évoque les peintures de ce siècle, mais avec la touche de modernité induite par la bande dessinée. Un pur régal pour les yeux. On sent bien que Baudelaire a été pour lui une source d’inspiration. Son style conjugue l’admiration qu’il porte au poète au pittoresque caractérisant le roman de Teulé. Tino Gelli continue de son côté à insérer ses respirations graphiques en illustrant quelques poésies extraites des « Fleurs du mal ». Le tout contribue à faire de ce double hommage (à Jean Teulé autant qu’à Charles Baudelaire, un immense poète si l’on fait abstraction des aspects les plus détestables du personnage) une œuvre qui fera date. Tome 2 : Les Fleurs du mal Dans la ligne du tome 1, cette suite ne faiblit pas et reste totalement conforme à ce qu’on pouvait en attendre. Baudelaire et ses frasques de dandy mal léché, racontés avec brio par Jean Teulé, ont décidément été une source d’inspiration pour Dominique Gelli, et cela se ressent dans la qualité narrative et visuelle de cette adaptation. Tout comme Teulé, l’auteur parvient à nous immerger dans ce Paris du XIXe siècle, un Paris qui basculait rapidement vers la modernité, avec les travaux spectaculaires du baron Haussmann qui allaient donner à la capitale un nouveau visage, se rapprochant de celui qu’on lui connaît aujourd’hui. Gelli décrit très bien ce contexte qui suscitait la grogne parmi la population, en particulier celle des classes laborieuses et des sans-grades, qui se voyaient contraints de s’exiler vers les faubourgs, ou bien celle des artistes qui assistaient impuissants à la disparition du Paris populo et gouailleur qu’ils chérissaient. Bien qu’issu d’un milieu aisé, Baudelaire en était, un peu contre son gré, lui dont la principale préoccupation en tant que poète hédoniste consistait à vivre sans contrainte tout en rejetant les codes hypocrites de la haute société. D’un point de vue graphique, on peut dire que Dominique Gelli s’est surpassé, nous offrant des scènes superbes de la vie parisienne qui évoquent les peintures de Renoir, Pissaro, Monet et j’en passe, avec des tonalités obscures faisant ressortir les vêtements colorés du poète dandy. Tino Gelli, dans sa démarche picturale plus abstraite, vient enrichir la narration en illustrant les vers de ce dernier avec des pleines pages comme autant de respirations. Tout en restant fidèle au roman de Jean Teulé, notamment par l’humour qui le traverse, Dominique Gelli est parvenu à se l’approprier totalement. Sa représentation de Baudelaire peut toutefois apparaître éloignée des photographies que l’on connaît du poète. Si son accoutrement reflète bien l’extravagance de l’homme, dont le narcissisme n’avait d’égal que la folie, son visage, ordinaire et peu séduisant sous le pinceau du dessinateur, ne joue guère à son avantage. Certes, Baudelaire était loin d’être aimable, on pouvait même légitimement le qualifier de connard arrogant et fantasque, mais indiscutablement il était conscient de la fascination qu’il pouvait exercer sur son entourage, et il en jouait. Sa force était sans doute de ne pas faire cas de ce que l’on pensait de lui et d’aller jusqu’au bout de ses désirs. En résumé, ce tome 2 est une réussite et laisse à penser que la trilogie, une fois terminée, fera partie des biographies en BD les plus marquantes dans le domaine de l’art et de la littérature. Tome 1 : Jeanne Quelques mois après la mort de Jean Teulé, la sortie de cet ouvrage prend une dimension tout à fait particulière. Cet auteur, qui avait débuté dans la bande dessinée au tournant des années 80, s’était par la suite converti au roman où il évoquait comme personne la vie de personnages illustres de l’Histoire. Et pourtant, le lien avec le neuvième art n’a jamais été véritablement rompu, beaucoup de ses romans ayant fait l’objet d’une adaptation en BD, la plus emblématique étant sans doute Charly 9, de Richard Guérineau, une fresque grandiose consacrée au roi Charles IX. Il y eut également Je, François Villon, de Luigi Critone, et Ô Verlaine, de Philippe Thirault et Olivier Deloye. « Crénom, Baudelaire ! », le roman, n’était paru qu’en 2020. Après plusieurs années d’absence, Dominique Gelli, dont c’est ici la deuxième adaptation d’un ouvrage de ce conteur hors pair qu’était Jean Teulé, après Mangez-le si vous voulez, récit incroyable d’un fait divers effrayant pendant la guerre franco-prussienne de 1870, aura eu avec cette BD l’opportunité de se remettre sur les rails tout en révélant le talent graphique dont il était capable. Et lorsqu’on découvre ce nouvel opus, on se dit que le précédent n’était en fait qu’une mise en bouche… Pour ce faire, Dominique s’est adjoint les services de son fils Tino (on est artiste dans la famille !), davantage tourné vers la peinture, « inspiré par le mysticisme et l’ésotérisme », peignant et composant « sa propre musique qui devient la bande originale de son œuvre picturale », selon les termes de l’éditeur. Ainsi, ce portrait composé à quatre mains est le fruit d’une alchimie père-fils qui semble avoir fonctionné à plein. La partition narrative au trait légèrement charbonneux, assuré par Dominique, est entrecoupée de planches le plus souvent en pleine page, dévoilant le travail du fiston, entre abstraction et symbolisme. Gelli père quant à lui, a visiblement été très inspiré par ce portrait, et sa maîtrise sur la couleur que l’on avait constatée dans Mangez-le si vous voulez donne ici sa pleine mesure. Les scènes en clair-obscur sont splendides, avec ces touches de vert fluorescent ou de rouge qui explosent sous la grisaille parisienne, sans parler des délicats effets de drapés (la robe démesurée et voluptueuse de Madame Baudelaire !). Jeanne Duval, le « soleil noir » de Baudelaire, apparaît tel une reine africaine antique, d’une flamboyance presque terrifiante à faire pâlir — et c’est le cas — tous ceux gravitant autour d’elle, d’autant qu’à l’époque les Noirs étaient extrêmement rares à Paris. Les quelques scènes sexuelles un peu crues ne contiennent aucune once de vulgarité, et en ce sens reflètent parfaitement le propos baudelairien. Si le roman a ici été très bien synthétisé dans sa narration, évitant même de reproduire les tics un brin agaçants de Teulé de recourir à des expressions modernes, surtout dans la première partie de son livre, il a été littéralement magnifié d’un point de vue graphique. On ne pourra être que subjugué par ce qui s’avère un des joyaux éditoriaux de l’année. Cette BD, premier volet d’une trilogie pour laquelle l’écrivain a dispensé ses conseils, constitue donc désormais un double hommage, dédié d’une part à un immense poète (malgré son caractère invivable) et d’autre part un talentueux conteur des temps modernes. Il va sans dire qu’on est impatient de découvrir la suite.

10/06/2023 (MAJ le 22/11/2025) (modifier)
Par Alix
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Criminal - Les Acharnés
Criminal - Les Acharnés

4 ans après l’excellent Un été cruel, le trio Brubaker / Phillips père et fils revisite l’univers noir de Criminal, avec ce nouveau one-shot qui peut se lire indépendamment, le lien avec la série mère se faisant via le personnage de Tracy Lawless. Pas de surprise niveau histoire, les auteurs sont au sommet de leur art. L’intrigue est complexe et passionnante, et parfaitement narrée. Les personnages de Jacob et Angie sont attachants, les sauts temporels nous permettent de découvrir les méandres de la galère dans laquelle ils se sont fourrés… impossible de refermer l’album avant d’en connaitre le dénouement. Pas de surprise non plus du coté du dessin… c’est du Phillips, père et fils, c’est efficace, l’ambiance noire et poisseuse est parfaitement retranscrite. Un excellent polar noir, immanquable pour les amateurs du genre… et pour couronner le tout, Brubaker annonce dans la postface que le prochain album de Criminal est déjà en cours de réalisation… vivement !

22/11/2025 (modifier)
Par Cleck
Note: 3/5
Couverture de la série Downlands
Downlands

Ce roman graphique déstabilise, malheureusement pas toujours dans le bon sens du terme. D'abord par ses illustrations dans un style naïf créées à la palette graphique, associant une ligne claire peu détaillée à des aplats de couleurs entremêlés d'intéressantes surimpressions. Cela manque franchement de personnalité (le revers systématique de ces illustrations à l'ordinateur), mais l'absence de vie inhérente à ce style sied joliment au fantastique en créant de l'inquiétante étrangeté. Déstabilisation ensuite liée à ce fantastique empruntant au folklore anglais, de moins en moins équivoque et caché, malgré son irruption dans le quotidien de la campagne galloise, et finalement à considérer pour le lecteur comme un autre monde à accepter. Pointe sur ce point un regret : le genre fantastique est plus intéressant lorsqu'il ne se départit pas du doute, de la folie, du rêve, etc. Sinon, il devient un simple contrat de lecture, qu'il vaut mieux exploiter pour ce qu'il apporte de divertissement, de spectaculaire, ce qui n'est jamais véritablement l'objectif souhaité ici. L'intrigue gagne regrettablement en clarté, sans que cela serve totalement la thématique du deuil. Toutes ces réserves mentionnées, demeure un récit plutôt touchant (heureusement avec cette thématique), original dans sa manière d'inviter un folklore peu connu, globalement maîtrisé dans sa gestion des syntagmes, quand bien même la liaison entre ceux-ci apparaît menue sinon artificielle. Quant à l'esthétique visuelle, elle m'évoque pour ma part nombre de jeux vidéo indépendants (certes réussis sur le plan de la Direction Artistique), m'interdisant d'y percevoir là une originalité ou matière à m'enthousiasmer. Une BD intrigante, assez intéressante, m'ayant moins convaincu que d'autres passionnés croisés ici ou là.

22/11/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 3/5
Couverture de la série Histoires d'Elles
Histoires d'Elles

Si tu veux savoir ce qui est bon pour ton corps, c’est à toi de le découvrir ! - Ce tome constitue une anthologie d’histoires mettant en scène des femmes et leur relation sexuelle du moment. Son édition originale date de 2023. Il a été réalisé par Aurélie Loiseau pour le scénario et par Al’Covial (Alain Boussillon) pour les dessins et les couleurs. Il comporte trente-huit pages de bande dessinée, et cinq dessins en pleine page pour la page de titre de chacun. Il comprend cinq histoires courtes, d’une pagination différente allant de trois pages à douze pages. Avec ou sans, trois pages. Après des galipettes matinales, l’homme se lève et s’habille. Il indique qu’il va chercher des croissants à la boulangerie. Allongée nue sur le lit, la femme lui répond qu’elle reste ici à l’attendre. Elle constate qu’il a laissé son ordinateur ouvert, et elle décide de faire sa curieuse. Elle découvre des photographies de femmes nues, toutes avec le sexe épilé. Elle en déduit qu’il préfère qu’il n’y ait pas de poils. Aussi, quelques jours après, avant de retrouver son amant, elle se rase le pubis. Échecs et sexe, douze pages. Dans un grand imperméable rouge, elle vient de débarquer chez lui avec ses talons hauts et ses bas, et elle lui réserve une petite surprise. Lui, c’est Alben, son adversaire préféré. Elle sonne, il lui ouvre. Une fois à l’intérieur, elle ouvre son imperméable, et elle est en dessous chic sans autre vêtement avec un collier de perles. Il lui dit qu’elle est délicieuse. Elle lui répond qu’elle a envie de lui, que toute la journée elle a pensé à ce moment, mais elle réfrène son empressement, lui demandant d’abord de lui montrer sa petite tenue. Elle a l’impression de voir le regard d’un enfant gourmand. Fantasme, six pages. Elle est en train de se caresser allongée sur son lit, en regardant une vidéo pornographique mettant en scène quatre femmes entre elles. Souvent le week-end, elle se détend à sa manière, toujours avec du porno lesbien pour s’exciter jusqu’à la jouissance. Elle apprécie pendant quelques minutes le shoot d’hormones du bien-être qui agit sur son corps. L’extase est libératrice. Mais cela s’estompe rapidement, et comme souvent un sentiment de culpabilité l’envahit. Elle se dit qu’elle devrait peut-être essayer avec une femme. Un amour de vibro, douze pages. Un couple hétérosexuel est en train de faire l’amour, et elle espère qu’il va finir rapidement cette fois. Il ne se rend même pas compte que c’était nul pour elle. Un peu plus tard dans la même journée, elle va retrouver une copine à un café, et elle évoque sa déception. Celle-ci l’encourage à découvrir par elle-même ce qui est bon pour son corps. La copine l’accompagne pour faire l’emplette d’un vibro masseur. Elle, cinq pages. Elle rejoint trois copines pour passer une soirée ensemble. La conversation tourne autour des sous-vêtements, et chacune évoque sa relation avec, entre celle qui se sent serrée, et celle qui explore son corps avec la lingerie. Publié par l’éditeur Tabou, il s’agit d’une bande dessinée à caractère pornographique explicite. Le court texte introductif explique que ces histoires sont nées de la rencontre artistique d’un dessinateur de bande dessinée, et d’une sexothérapeute. La présentation continue : Ce projet a été concrétisé avec l’envie de parler de la sexualité des femmes sans tabou, avec légèreté et des notes d’humour ; les petites histoires offrent des moments intimes, elles témoignent des différents visages et facettes du plaisir et désir féminin. Enfin, les deux auteurs ont nourri cette bande dessinée au travers de deux visions différentes, tant au niveau générationnel, qu’au niveau de leur propre regard sur la sexualité d’une femme. Il explicite l’intention de ce projet : L’ouvrage invite les femmes à s’approprier leurs corps et leurs envies. Après vérification, l’autrice existe vraiment, et elle exerce, entre autres, le métier de sexothérapeute : il s’agit donc bien de récits racontés avec un point de vue féminin, et pas juste d’un argument de vente bidon pour refourguer les mêmes fantasmes masculins avec une autre étiquette. Au travers de cinq récits sont abordés de manière explicite le rapport aux poils, les relations sexuelles sans engagement émotionnel, la masturbation à partir de fantasmes pornographiques, l’utilisation d’un sextoy, et les dessous. Le lecteur peut tomber sous le charme de la jeune femme en couverture, représentée dans un mode pin-up, avec un petit sourire discret, et des accessoires évoquant les récits à l’intérieur. Il en apprécie la jolie mise en couleurs. Les illustrations accompagnant chaque titre de chapitre sont en pleine page : une jeune femme nue assise sur un tabouret, tenant un rasoir mécanique dans son dos, une jeune femme également en mode pin-up et en bikini et talons haut se tenant debout à côté d’une pièce d’échec (un roi) lui arrivant au niveau de la poitrine, une jeune femme brune à genou en culotte avec un téléphone portable à la main, une jeune femme blonde en culotte allongée sur le ventre avec un vibromasseur à ses côtés, une jeune femme potelée en ombre chinoise tenant un sous-vêtement dans chaque main. Des dessins plutôt chastes, avec une ambiance mutine, sans vulgarité, une pose étudiée, des traits de contour assurés, une mise en couleurs apportant du volume à chaque courbe. Le lecteur découvre une dernière illustration en pleine page sur la quatrième de couverture : une autre jeune femme brune de dos, en string et talons hauts tenant un panneau sens interdit tout en regardant une page du troisième chapitre apparaissant en colonne sur la partie de droite. Les dessins de chaque chapitre présentent les mêmes caractéristiques d’une histoire à l’autre, différentes de celles de la couverture ou des dessins en tête de chapitre. Les traits de contour sont moins lissés, les courbes sont moins mises en avant, les traits sont plus rêches, la mise en couleur est moins sophistiquée. Ils relèvent d’un registre réaliste et descriptif, assez explicite. Comme il est d’usage dans les bandes dessinées appartenant à ce genre, les personnages sont régulièrement représentés nus, sans hypocrisie, avec une bonne visibilité de leurs parties intimes, parfois mises en avant par le cadrage. Ainsi le lecteur peut voir quelques pénétrations, deux ou trois sexes masculins en érection, des personnages féminins avec les jambes écartées, une poignée de cunnilingus, l’utilisation d’un vibromasseur. Toutefois, il n’y a pas de gros plan de pénétration ou sur d’autres pratiques. Toutes les relations sont de nature consentie avec une volonté de partage de plaisir, sans pratiques sortant de l’ordinaire, ou réprouvée par la morale, ni interdite par la loi. Ces dernières caractéristiques placent cet ouvrage à part de la production habituelle. Le premier récit est très rapide puisqu’il comporte trois pages. Il est raconté du point de vue féminin : la dame souhaite faire plaisir à son compagnon. Les dessins s’avèrent plus ou moins précis (par exemple pour la représentation des tétons), avec parfois des variations anatomiques déconcertantes (par exemple la taille variable de la poitrine de madame). Elle tente donc le rasage du minou… et elle n’obtient pas l’effet escompté. Il n’y a pas de culpabilisation de l’un ou l’autre, pas de discours sur l’injonction au rasage, juste une mise en situation, et une forme d’humour bon enfant (si l’on peut dire). Dans le deuxième récit, le dessinateur prend en charge plusieurs éléments de la narration : les tenues de la jeune femme, l’ameublement de l’appartement de monsieur, la terrasse d’un café, les différentes positions. Le récit se focalise sur cette relation d’amour libre dédiée à la séduction et au plaisir sexuel, sans marque d’affection, un plan cul comme le résume la dame. À nouveau cette relation fonctionne sur la base d’un consentement explicite, sans emprise ou culpabilisation. La scénariste intègre le fait que les deux amants jouent aux échecs entre eux, comme une métaphore de leur relation, pour savoir qui va gagner, c’est-à-dire qui va faire évoluer leur relation vers ce qu’il ou elle veut. Cela induit une perspective déconcertante sur la personnalité de cette femme, sur la manière dont elle envisage la relation amoureuse. Les trois autres histoires présentent les mêmes caractéristiques concernant la narration visuelle : une mise en page intéressante, des prises de vue conçues spécifiquement pour chaque situation, une représentation dont la précision fluctue dans certaines cases, ou les proportions corporelles d’un même personnage d’une case à l’autre. La brune suivante s’interroge sur ce qui a déterminé son orientation sexuelle (Parce qu’on lui a dit que cela devait être ainsi ?), et sur les conséquences de sa consommation de vidéos à caractère pornographiques. La quatrième héroïne prend en main son éducation sexuelle sur les conseils de sa copine qui lui dit que : La société et leur éducation ont fait croire aux femmes que leur sexualité dépendait d’un homme, mais le corps d’une femme, ses plaisirs, ses désirs lui appartiennent. Si elle veut savoir ce qui est bon pour son corps, c’est à elle de le découvrir. À nouveau, l’histoire aborde un thème particulier de la sexualité féminine à partir d’une situation concrète, sans jugement de valeur, sans culpabilisation ni dramatisation, avec compréhension et une pointe d’humour. Pour finir la scénariste aborde la question des dessous féminins, à nouveau sans obligation, et ni jugement de valeur, y compris pour des modèles rétro ou animaliers. C’est la seule histoire à mettre en scène une femme avec une morphologie différente de la taille mannequin. Un ouvrage à caractère pornographique dans la mesure où les relations sexuelles sont montrées de manière explicite. Dans le même temps, une collection de cinq histoires courtes abordant différents aspects de la sexualité d’un point de vue féminin, que ce soit les poils, les fantasmes ou l’évolution d’une relation de type plan C, sans jugement ni culpabilisation, avec bienveillance et décontraction. Surprenant.

22/11/2025 (modifier)
Par cac
Note: 4/5
Couverture de la série Errance
Errance

Pas de l'autobiographie mais sans doute de l'autofiction. C'est le récit d'un mangaka qui se trouve à un tournant de sa carrière, il vient de terminer sa série après 10 ans de travail acharné. Il est aussi autour de la quarantaine, comme l'auteur au moment de la publication, et fait un état des lieux de sa vie. Comme le titre l'indique, il erre, d'abord professionnellement car il a du mal à se lancer dans un autre projet de manga, il se laisse un peu à la dérive, mais aussi personnellement car il vit en couple depuis longtemps mais décide d'arrêter. Il se met à fréquenter des escort girls qui visiblement au Japon se commandent comme un Deliveroo. Il devient très proche voire amoureux de l'une d'elles. Au fil des pages on se dit que ce gars est une belle enflure. Déjà une réussite de l'auteur, et en plus son dessin est d'un réalisme incroyable j'aime beaucoup. 3,5/5.

21/11/2025 (modifier)
Par cac
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Ultrasons
Ultrasons

Un sacré pavé de près de 400 pages. J'ai étalé ma lecture et il m'a fallu plusieurs semaines pour enfin le terminer. Ce n'était pas spécialement haletant pour que je le plie rapidement, c'était un peu dérangeant mais attirant à la fois. Une seconde passe est presque nécessaire pour bien appréhender ce qu'il s'y passe. C'est une lecture dense qui commence par une histoire quelque peu banale, d'un homme en voiture qui crève sur la route. Il cherche alors de l'aide dans une maison proche. Déjà cela commence à virer bizarre quand le mari lui propose de coucher avec sa femme. Et sur plusieurs pages l'auteur décrit la chambre à coucher et une maladroite relation. Mais sans trop en dévoiler il y a ensuite une vraie rupture dans le récit, on découvre les personnages sous un nouvel angle. Tout cela est une machination, un programme. Cela m'a rappelé des scénarios tortueux et psychologiques comme Mind MGMT de Matt Kindt. On vire sur le fantastique mais dans un contexte tout ce qu'il y a de plus réel et ordinaire dans un endroit indéterminé des USA. Le dessin est bien réalisé, je ne sais pas si c'est fait au stylo bille, pas mal d'hachures, des pages monochromes de différentes couleurs. Un travail de dingue. Bref un ouvrage exigeant que je recommande.

21/11/2025 (modifier)
Par cac
Note: 3/5
Couverture de la série Manger
Manger

Un livre épais de 250 pages, qui n'est pas autobiographique indique l'auteur en préambule, sur les problèmes alimentaires. Pas forcément une préoccupation me concernant. L'héroïne s'appelle Miss et vit dans une famille un peu étrange, comme tout cet univers fantasmagorique. Son père est un cheval, un corps puissant, il fait beaucoup de sport. Sa mère est une grosse limace bleue vautrée dans le canapé et d'une incroyable violence sur les pré-supposés problèmes de surpoids de sa fille Miss et ses 2 soeurs. On les incite à manger des fruits et des légumes à l'excès au détriment de tout ce qui est sucré, chocolat etc., bref de plaisir. Mais pour autant il y a de petites boules sphériques frites au dîner selon les termes de l'autrice. Des pommes noisettes quoi. Avec tout ça la jeune fille en grandissant se met à ne rien bouffer, culpabiliser, pour obtenir un idéal de beauté, puis à se faire vomir. Une obsession de manger au quotidien. Tout cela est bien illustré, bien colorisé aussi. Pas mal de dessins pleine planche, la lecture n'est pas si longue. J'étais loin d'avoir capté toutes les références culturelles indiquées par l'auteur en fin d'ouvrage qu'elle a pu glisser dans ces pages.

21/11/2025 (modifier)
Par Canarde
Note: 3/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série La Veuve
La Veuve

Tout simplement une très belle histoire. Cela commence un peu de manière conventionnelle, une petite silhouette féminine qui fuit en courant dans la forêt, poursuivie par deux gros types avec des chiens, des chapeaux melons, des carabines... de grandes pages muettes noir et blanc, aux traits gras et surfaces grisées : feutre, pinceaux, graphite, tout est permis pour représenter les branches mortes, les pins dressés, les prairies, la surface éclaboussée par la course, des rivières... Mais les ressors de la fuite sont remontés par des rencontres surprenantes et des personnages qui se trompent, se pardonnent, et nous donnent à penser, à rêver, à désespérer mais aussi à espérer. C'est une adaptation d'un roman de Gil Adamson que la BD donne envie de lire, on devine une subtilité psychologique qui reste en partie hors de portée mais sous-jacente. L'esprit western n'est pas si présent que ça, si ce n'est dans la brochette des mineurs épuisés qui se retrouvent à la messe pour boxer. Ce qui est un peut frustrant c'est l'inhumanité des poursuivants, en comparaison de la délicatesse d'observation du reste, cela fait perdre en intérêt, le seul trou dans la cuirasse arrive vers la fin quand le plus jeune frère fait part de son envie d'abadonner la poursuite... Finalement ce n'est pas la jeune fille non plus qui nous intéresse, mais plutôt les personnages qui la croisent et leurs réactions devant son destin. On s'attend au pire, mais c'est autre chose qui se produit. Est-ce le meilleur ? Non, c'est l'inventivité du sort.

21/11/2025 (modifier)
Par Ro
Note: 2/5
Couverture de la série Nos pires fêtes foireuses
Nos pires fêtes foireuses

Avec Nos pires fêtes foireuses, j'ai eu l'impression de retrouver un Jim très fidèle à ses habitudes, peut-être même un peu trop. Le thème, centré sur les fêtards et les soirées qui tournent mal, offre encore quelques moments qui fonctionnent : des situations variées, des scènes de soirées ratées plutôt crédibles, quelques gags bien vus. Mais l'ensemble reste assez prévisible. Le sujet montre vite ses limites, les caricatures manquent d'originalité (on revoit souvent la même bande d'amis bruyants et alcoolisés) et les dialogues sonnent un peu creux. Côté dessin, Fredman déploie son trait habituel, dynamique et expressif, qui reste agréable mais finit par paraître répétitif sur un album complet. Et comme je suis loin d'être un fêtard moi-même, inutile de dire que ce livre ne m'a ni touché ni amusé.

21/11/2025 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5
Couverture de la série L'Homme en noir
L'Homme en noir

Ouille, elle fait mal celle-là .... Une BD qui parle de cette violence que subissent encore tant d'enfants dans notre monde si "civilisé" parait-il. Et elle le fait très bien. Sans redire les mêmes arguments que d'autres, la BD a une histoire parfaitement adaptée à un public plus jeune et surtout terriblement bien construite. L'histoire se développe doucement et la fin arrivera avec son lot de petites surprises que j'ai personnellement appréciées puisque je ne les avais pas vu arriver. Comme souvent, on peut comprendre que ça se finisse bien dans la BD, qu'il faut montrer comment s'en sortir, qu'on peut s'en sortir. Mais cette BD me rappelle surtout que des milliers d'enfants souffrent en silence. Et que ces hommes en noir sont partout autour de nous, qu'ils sont nos voisins, nos amis, notre famille ... La BD a un dessin qui convient tout à fait, en collant à l'esprit enfantin d'une partie du scénario. A hauteur de gamin, nous voyons le déroulé de sa vie, ses angoisses et ses moments de joie, petit à petit rongé par la peur. L'ensemble est franchement bien retransmis et je ne peux que recommander cette BD qui a une belle envie, bien retranscrite. Recommandée !

21/11/2025 (modifier)