Plat. Tout est plat.
Le dessin, le scénario bourré de clichés (exemple : le projet qui fait penser à l'attentat du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center) ou de lourdeurs comme l'incontournable et trop présent Olrik, les allusions aux grands albums de Jacobs, une certaine niaiserie à voir les relations harmonieuses entre Russes et Américains.
Heureusement (et dommage) qu'il m'ait été offert plutôt que de l'avoir acheté.
Plus les B&M passent, plus je suis déçu.
Autant arrêter cette "franchise" donnée à des successeurs qui défigurent l'oeuvre de Jacobs.
L’album nous propose, dans une forme qui mélange roman graphique et quasi documentaire, de suivre la radicalisation de certaines personnes après mai 1968, dans la mouvance de « l’ultra gauche », cette gauche réellement extrême (contrairement à ce que certains média set politiques cherchent à nous faire croire de Mélenchon aujourd’hui…), ces hommes et femmes qui ont cru « le grand soir » tout prêt d’advenir.
Les auteurs ont déjà publié des séries romancées autour de ces sujets, la vie politique, les barbouzeries, la traque des « gauchistes/maoïstes », mais ici ils ont donné une coloration un peu plus documentaire à leur récit, avec des faits et des personnages que l’on peut aussi rencontrer dans L'Escamoteur, sorti l’année dernière.
Le récit se laisse lire, n’est pas inintéressant. On voit que les auteurs se sont documentés, l’arrière-plan et les mécanismes de radicalisation sont bien décrits, comme le sont les procédés hypocrites et plus que borderline des services spéciaux, SAC et autres organisations policières (avec des calculs politiques qui donnent envie de vomir – mais c’est autre chose).
Si le sujet m’intéresse, et qu’il est globalement bien présenté, plusieurs choses m’ont quand même un peu gêné. D’abord j’aurais préféré un angle purement documentaire (mais c’est affaire de goût) plutôt que cet entre-deux.
Ensuite le dessin de Wachs – une sorte de crayonné amélioré en Noir et Blanc avec diverses nuances de gris n’est pas désagréable, mais il est aussi terne, et certains personnages au début sont difficiles à différencier.
Note réelle 3,5/5.
L’album nous propose un documentaire/reportage, sous le couvert d’une sorte de roman graphique. Il reprend l’enquête/étude menée par Sébastien Carcelle, qui adapte lui-même celle-ci.
Plusieurs thématiques se croisent dans cet album, qui nous donne à voir le travail d’un chercheur doctorant, qui mêle pour son étude anthropologie, ethnologie et recherche sur l’agroécologie, en observant sur le terrain d’une région déshéritée du Brésil divers personnes ou collectifs, mais aussi en accompagnant des chercheurs et travailleurs sociaux brésiliens.
Un autre aspect est très présent – il occupe même le cœur de l’album – c’est la politique : les soubresauts autour de l’accession au pouvoir de Bolsonaro (et les manœuvres pour rendre inéligible Lula da Silva), alors que la quasi-totalité des interlocuteurs du chercheur français sont proches du Parti des Travailleurs (PT) de Lula. Il est vrai que l’agroécologie s’oppose frontalement aux intérêts des tenants de l’agrobusiness et de l’agriculture intensive : certains passages en montrent les effets.
L’album se laisse lire facilement, même si je l’ai parfois trouvé un peu trop « léger », comme si on hésitait entre le documentaire solide et aride et l’histoire plus « personnelle » du chercheur.
J’avais déjà croisé le dessin de Laurent Houssin, mais dans des séries bien moins sérieuses, en tout cas franchement marquées humour, noir ou con. Ici, avec son style moderne et simple, il nous propose quelque chose de très lisible. J’ai juste été surpris par l’utilisation parcimonieuse de la couleur, qui s’invite de temps en temps, sans que j’aie pu comprendre la logique de ces choix.
Contrapaso, une nouvelle série policière qui reconstitue pour nous l'Espagne des années Franco. Une intrigue dense, digne d'un roman noir, étayée d’anecdotes véridiques, écrite par une dame (Teresa Valero) qui nous rappelle les basses oeuvres du régime franquiste.
C'est une occasion rare dans l'univers de la bande dessinée que de pouvoir rendre hommage à une dame : l'espagnole Teresa Valero mérite donc tous les éloges.
D'autant qu'elle signe avec Contrapaso le scénario et le dessin de cette trilogie policière, prétexte pour apporter un point de vue féminin sur le franquisme.
Histoire, police et féminisme, il n'en fallait pas tant pour nous attirer.
Le premier épisode, sous-titré Les enfants des autres, est paru en français (chez Dupuis / Aire Noire sous l'égide de Doug Headline que l'on connait comme scénariste mais qui officie également comme éditeur) en 2021 et vient d'être réédité, quatre ans plus tard, sous une nouvelle maquette à l'occasion de la sortie du second tome (en septembre 2025), intitulé Pour adultes, avec réserves.
Pour adultes avec réserves c'était l'une des classifications de la censure franquiste concernant le cinéma espagnol, la classe 3R sur une échelle de 1 à 4, puisqu'il sera beaucoup question de cinéma dans ce deuxième album.
À noter pour les curieux : l'époux de Teresa Valero (Juan Diaz Canales) n'est autre que le scénariste de la série Blacksad.
La traduction de l'espagnol est signée par Marie Estripeaut-Bourjac et Anne-Marie Ruiz.
1956 : grâce à l'influence américaine, l'Espagne franquiste se refait une beauté et entre à l'ONU. Face à la menace soviétique (mieux vaut le franquisme que le communisme, n'est-ce pas), les États-Unis installent leurs avant-postes en Europe : les accords de Madrid sont signés en 1953 et plusieurs bases militaires US sont implantées sur le territoire espagnol.
Dans le même temps, les phalangistes perdent une partie de leur influence au profit de l'Opus Dei.
Teresa Valero nous rappelle qu'elle s'appuie sur de nombreux faits, lieux et personnalités bien réels de l'époque : le cinéma qui jouxtait les locaux de la police de la DGS, l'hôtel Hilton, le drive-in, le bar Chicote, les films tournés en double version (une censurée pour l'Espagne, une autre pour l'étranger), l'avènement de la télévision, ...
Dans un dossier qui accompagne l'album, l'auteure nous précise que son récit est nourri d'histoires vraies comme celle du documentaire sur la pauvreté des migrants espagnols qui sera "volé" et entièrement manipulé et remonté par la télévision espagnole, ou celles des spéculations immobilières et foncières de magouilleurs (dont la propre sœur de Franco) qui profitèrent des troubles liés à guerre civile.
À Madrid, l'hiver 1956 se montre particulièrement rigoureux avec les hommes et la censure franquiste particulièrement tatillonne avec la presse. Les faits-diversiers sont bâillonnés : dans l'Espagne catholique de Franco, le crime n'existe pas.
Il suffisait de le dire.
Même si de temps à autre, il arrive que l'on retrouve malencontreusement le corps d'une jeune femme assassinée au bord du Manzanares.
Autour du cadavre, il y a là Charo, la fille du médecin légiste qui n'est encore qu'une jeune adolescente mais qui veut déjà apprendre le métier avec papa. Elle apporte une touche de fraîcheur impertinente dans cette sombre histoire.
Et puis il y a là, Emilio Sanz, un journaliste désabusé, fatigué de ses propres compromissions avec la censure et le régime.
« - Merci de me recevoir docteur. J'enquête sur la mort de Rosa Saura. Je crois que vous la connaissiez ...
- Enquêter ? N'est-ce pas le travail de la police ?
- Non, pas toujours, monsieur. »
Il y a là également Léon Lenoir, qui revient de France et voudrait bien faire ses preuves au journal, un jeune homme toujours amoureux de la vérité (et secrètement, de sa cousine Paloma). Léon est hébergé chez ses oncle et tante, une famille traditionnelle franquiste.
Au journal, les débuts du français sont plutôt difficiles : Sanz est un vieux bougon qui le traite comme son valet.
On a donc là, un vieux journaliste revenu de tout, parfois bienveillant avec le franquisme qui le nourrit. Et un jeune ambitieux qui croit encore à la vérité.
Deux voix que tout oppose pour nous raconter une même époque. C'est le sens même du titre de la série, Contrapaso, contrepoint en français, quand « deux lignes mélodiques différentes sont interprétées en même temps » nous rappelle Teresa Valero.
« - Je ne peux pas publier ça sans qu'on interdise le journal. Tu le sais très bien !
- Oui, je le sais.
- Et alors, pourquoi tu l'as écrit, nom de dieu !
- Parce que c'est la vérité.
[...] - Tu veux fouiller les poubelles ?
Des lesbiennes et des médecins franquistes ...
Qui diable ira la publier ta foutue histoire ? »
On aime ce sacré duo d'enquêteurs que tout oppose, l'âge comme le parcours, les méthodes comme les sympathies politiques.
On aime aussi que l'enquête nous propose plusieurs pistes à suivre au cœur de l'Espagne sous le joug franquiste avec comme fil rouge, la traque d'un tueur en série après qui Emilio Sanz court depuis des années.
Dans le premier épisode, il sera question d'eugénisme, d'enfants volés et des abus et violences psychiatriques infligés aux femmes par les médecins du régime.
La seconde enquête nous emmènera sur les plateaux du nouveau cinéma espagnol qui voit débarquer les américains et la télévision … et resurgir de vieilles affaires immobilières.
On aime ce roman graphique où la mise en cases est dynamique et le dessin est un beau travail de reconstitution de ces années passées : les lieux et les décors, les usages et les costumes, tout est au diapason pour nous replonger dans l'Espagne franquiste des années 50 ...
Cette BD est écrite comme un roman noir et le dessin, très élégant, tire habilement parti d'autres éléments graphiques : photos, affiches, journaux, publicités, films et actualités cinéma ... ...
Les albums ont été réalisés en numérique mais la belle colorisation donne beaucoup de transparence, de luminosité ou de relief au dessin, semi-réaliste.
Et puis on aime aussi l'humour dans la caractérisation des personnages comme dans les dialogues, une ironie caustique, amère, pince-sans-rire : la scène avec la dactylo dans les toilettes du cabaret, la dessinatrice qui crayonne ce que l'on voit dans une case, le jeune Léon qui rend son déjeuner à tout bout de champ, ... Chaque relecture révèle de nouveaux détails.
L'intrigue du second épisode est un peu touffue et n'a pas l'unité de ton qui faisait la force du premier : Teresa Valero semble plus préoccupée de dresser un portrait aussi complet que possible de l'Espagne franquiste que de guider son lecteur dans une profusion de faits et de détails historiques.
Parions que le dernier épisode de la trilogie reprendra la main pour terminer cette fresque historique en beauté, comme elle a commencé ... car le tueur en série court toujours !
« - Qui l'a tuée, Sanz ?
- J'aimerais bien le savoir.
- Tu le poursuis depuis 17 ans. Tu dois bien avoir une théorie.
- Plus d'une, oui. Et aucune ne m'a mené nulle part.
Il choisit toujours des femmes seules, avec peu ou pas de famille. Et ça n'a jamais rien de sexuel.
Les victimes n'ont rien en commun. Leur seul point commun, c'est que ce sont des femmes. Il n'en a pas tué deux de la même façon.
- Si c'est différents à chaque fois, comment es-tu sûr que c'est le même tueur ?
- Les victimes sont toujours mortes avant. Parfois plusieurs jours plus tôt. Ensuite, il les déplace à l'endroit où on les retrouve. Et là, il nous prépare toujours une mise en scène. »
À cette époque, l'exact n'est pas le vrai.
-
Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Christophe Dabitch pour le récit, et par Nylso (Jean-Michel Masson) pour les dessins. Il comporte deux-cent-vingt-cinq pages de bande dessinée en noir & blanc.
C’était le début du printemps. Les fleurs bourgeonnaient et les animaux frétillaient. La sève montait, les idées paraissaient soudain plus légères au sortir du grand hiver. Quelque chose s’emparait de vous. Des correspondances résonnaient à nouveau, des échos faisaient sens. En un mot, il y avait de l’enthousiasme dans l’air. C’est dans cet état d’esprit que Christophe traversa la place ce matin-là sous les grands arbres pour honorer le rendez-vous promis avec la licorne. Il s’assoit à une terrasse de café, tout se parlant à lui-même : il évoque un loustic, un sacré loustic, un individu que presque personne de connaît. C’est fascinant. Son flux de pensées se poursuit : Mais bientôt ils sauront tout de sa vie, grâce au bédéaste, enfin… au moins ceux qui lisent encore. Christophe fait le constat que c’est rare de trouver une histoire aussi folle que vraie. Comment la dire pour en donner tout le sel ? La réalité est parfois si incroyable qu’il faut en faire une fiction. L’auteur se dit qu’il pourrait imaginer une conversation la nuit tombée sur un bateau au large des côtes anglaises avec un homme mystérieux qui aurait connu Albert. Ou alors il trouverait par hasard le livre oublié d’un auteur inconnu qu’un archiviste aurait déniché sur le plus haut rayonnage d’une grande bibliothèque en Amérique du Sud. En soufflant sur la poussière, l’histoire apparaîtrait par magie.
Christophe se rend au musée de la Chasse et de la Nature, dans le quartier du Marais, à Paris. Il célèbre la cynégétique, l’art de la chasse (oui, on dit art), l’acte immémorial de prédation (plus ou moins empathique) et la beauté maîtrisée des proies (représentées ou empaillées). La nature aussi. Un couple de riches industriels des Ardennes, grands propriétaires, chasseurs et amateurs d’art (François Sommer et son épouse Jacqueline), l’a fondé en 1967 pour y présenter ses collections. Chiens à l’arrêt, sangliers, grandes bêtes. Peintures, dessins, collection d’ares, objets délicats, chevaux, chiens, stratégies de chasse… Une approche d’esthète pour des esprits éclairés, avec une idée de préservation de la faune sauvage. Une part du rapport de l’être humain à la nature, à l’animal, est là, mais, comment dire ? Les temps ont changé. La chasse a mauvaise presse. Alors depuis 2007, le musée propose des résidences immersives à des artistes contemporains dans le domaine de la Fondation (Domaine de Bel-Val, Ardennes) à des fins de restitution. Et ce musée est devenu l’un des plus branchés de Paris. Tête de sanglier et art contemporain : tout le monde est à l’arrêt. Et pourtant, dans le dédale animalier, Christophe avait toujours négligé une salle, et il ne comprend ni pourquoi ni comment. Voilà un an, alors que le musée venait de rouvrir après d’importants travaux, il l’a enfin visitée.
Un bien étrange album : format plus petit, pas tout à fait carré, dessines réalistes avec une forme de simplification en même temps qu’une forte densité de traits, évoquant par moment une parenté avec Jacques Sempé (1932-2022) sans en avoir la légèreté ou l’élégance, des cases sans bordure, parfois juste une illustration avec un texte au-dessus, en-dessous ou sur le côté, parfois des dessins sans un seul mot, d’autres fois des cases alignées en bande, etc. Le lecteur ressent une liberté formelle dans une grande cohérence narrative, évoquant un flux de pensées bien construit se laissant guider par la nature du propos. Il peut ressentir cette même liberté dans la suite de sujets abordés, avec une sensation un peu au fil de l’eau. Tout d’abord l’interrogation de l’auteur (Christophe) sur la manière de présenter son sujet, la licorne. Puis la visite au musée de la Chasse et de la Nature, 62 rue des Archives dans le troisième arrondissement, et sa découverte d’une salle qu’il avait toujours négligée. Un premier souvenir de chasse à la bécasse avec son oncle, sa fascination avec la licorne, l’impossible qu’elle incarne, quelque chose qui échappe et qu’on ne peut contrôler, pas de la pureté, plutôt l’union des contraires. Une nouvelle visite au musée de la Chasse et de la Nature, et le constat que la vitrine consacrée à la licorne a été déposée. Puis brusquement, une séquence qui commence à Paris en avril 1922 posant la question : Qui peut avoir l’idée de vendre la tour Eiffel en 1922 ?
Le récit semble alors prendre la tangente, une nouvelle direction pour se consacrer à Victor Lustig (1890-1947), un célèbre escroc et imposteur qui a vendu la tour Eiffel. Puis l’auteur, Christophe, en discute avec son éditeur Sébastien (Gnaedig ?) : un bon sujet, mais déjà maintes fois abordé par d’autres. Alors il se rabat sur son fils putatif : Albert Lustig (né en 1914), personnage inventé pour l’occasion. Cela procure une sensation étrange : faute d’espoir d’écrire quelque chose d’original sur un escroc de génie, les auteurs en inventent un à la petite semaine. Un peu comme ce choix de narration visuelle, à la manière de Sempé, évidemment sans en avoir le génie… tout en étant plutôt réussie. Quelques petits contours informes et le lecteur voit les feuilles dans les arbres… cependant les façades sont un peu trop de guingois et mal assurées… en revanche le mobilier urbain est authentique à commencer par les barrières de type Croix de Saint André. Finalement, l’artiste sait très bien rendre l’ambiance parisienne, par des détails concrets et authentiques, discrets et parfaitement à leur place : la tour Eiffel bien sûr (avant qu’elle ne soit vendue), la façade de l’hôtel Crillon, l’une des façades du musée national du Moyen Âge-Thermes et hôtel de Cluny, un quai de métro avec ses assises caractéristiques, un réverbère, etc.
D’ailleurs le scénario se montre exigeant vis-à-vis du dessinateur, à la fois pour les différents lieux et environnements, à la fois pour les situations. L’artiste passe ainsi de sites reconnaissables de Paris à une partie de chasse avec son oncle après avoir rallié le bois en barque, la contemplation d’animaux empaillés dans le musée de la Chasse et de la Nature, un paquebot transatlantique, les six tapisseries de la Dame à la licorne (entre 1484 et 1538), une cour d’école à Mouzon dans les Ardennes françaises en 1924, une discussion dans un café parisien à écouter les autres clients tous écrivains, et bien sûr des expéditions de chasse et de safari en Afrique. Sans oublier trois séquences de trois pages, chaque planche composée de quatre cases, montrant une vague forme pouvant d’apparenter à une licorne à demi-dissimulée par la végétation du sous-bois (80 à 82, 125 à 127, 204 à 206). Ainsi le lecteur observe aussi bien Christophe au musée contemplant les œuvres et artefacts ayant trait aux licornes, Victor Lustig convainquant les acheteurs potentiels de la tour Eiffel, Christophe et Sébastien discutant attablés en terrasse, un cerf en train de boire dans la forêt, Rob O’Hara posant à côté d’un trophée de chasse après l’autre, Christophe effectuant des recherches sur Internet. Et – peut-être – la licorne dans les bois.
Mais alors du coup ça raconte quoi ? Hé bien d’abord, cette envie de l’auteur de dire sa fascination pour les licornes et pour ce qu’elles représentent, et aussi cette invraisemblable expédition de chasse à la licorne en Afrique du Sud, en direction des chutes d’Augrabies en suivant d’abord la rivière Orange avant de pénétrer dans le désert du Kalahari jusqu’au village reculé de Riemvasmaak. Et aussi sa fascination pour l’escroc Victor Lustig. Et encore la vie du fils fictionnel de Lustig, l’amitié d’Albert avec François Sommer, la rencontre avec le milliardaire américain Rob O’Hara, grand chasseur au cœur noir et membre du conseil d’administration du Field Museum à Chicago. Étrange de consacrer un récit de nature semi-autobiographique à des personnages de fiction… D’un autre côté, Christophe annonce dès le départ que c’est rare de trouver une histoire aussi folle que vraie. Comment la dire pour en donner tout le sel ? Et il évoque différentes formes de mises en abîmes utilisées par des romanciers de la fin du dix-neuvième siècle pour évoquer des expéditions.
D’ailleurs, au fur et à mesure, le lecteur relève plusieurs références à la pratique de la littérature, et à la création artistique. Il y a cette séquence révélatrice dans un café parisien, où Christophe et Sébastien entendent la conversation d’autres auteurs à des tables autour d’eux. Des remarques portant sur la pratique de leur métier : un est en panne en ce moment et a envie de tout arrêter. Un autre se lamente que son dernier livre a été totalement passé sous silence. Certains commentent leur livre en cours : Pas d’histoire, pas de personnage, pas de psychologie, celui-ci ne veut faire aucune concession cette fois. Un autre énonce : Exposition, dénouement, flashback, en jeu, conflit interne, climax, un arc narratif, twist, il a tout mis ! Une écrivaine explique : Ce n’est pas de l’autofiction au sens habituel du terme mais une fiction autonome autour de l’idée même du moi. Un autre encore évoque Georges Pérec à qui il rend hommage avec un peuple qui n’utilise jamais la lettre P. Le lecteur perçoit une élégante mise en abîme où les auteurs évoquent leur propre démarche créatrice, la démarche de proposer une histoire de fiction (Albert Lustig inventé de toutes pièces), se raccrochant à la réalité (Victor Lustig, un escroc bien réel), dans des périodes historiques marquées (grands chasseurs en Afrique), tout en se mettant en scène eux-mêmes dans la quête d’un sujet pour leur histoire, en se demandant comment la raconter pour lui donner plus d’impact, leur fascination pour la licorne et les différentes qui lui ont été associées. Le lecteur ressent que ces trois apparitions de licorne dans les bois correspondent à une phase de la vie de l’observateur qui sait que son bonheur se trouve dans la poursuite d’une chimère. D’ailleurs l’auteur lui-même, ou plutôt son avatar, finit par prendre conscience que sa démarche relève de l’auto-aveuglement… ce qui a donné un sens passager à sa vie, tout comme la licorne pour Rob O’Hara, ou encore l’image du père pour Albert Lustig.
Une bien étrange bande dessinée, avec une narration visuelle évoquant Sempé, mais pas tout à fait, et une histoire évoquant l’escroc qui a vendu la tour Eiffel, mais pas tout à fait. À la poursuite d’un animal chimérique dans une salle de musée imaginaire, ou dans un safari, avec des dessins légers et évocateurs comme des croquis pris sur le vif, et en même temps une structure solide et une réflexion sur la recherche d’une histoire ayant assez de qualités et de consistance pour être racontée et séduire un lectorat. Une mise en abîme de la démarche d’auteur à créer une œuvre présentant un intérêt pour un potentiel public, et aussi pour investir son existence à la raconter. Un prodigieux cheminement d’auteur pour trouver un sujet qui en vaille coup, une métaphore de la démarche de donner du sens à une histoire, à son histoire, à sa vie.
Encore une figure historique féminine que je ne connaissais pas. Invisibilisation des femmes ou inculture crasse de ma part ? Vous me direz, je ne me vexerai pas.
Hannah Arendt est une philosophe et politologue du XXe siècle. Née en Allemagne et de confession juive, sa vie fut on se doute mouvementée.
La biographie suit trois étapes clefs de son cheminement de vie : sa jeunesse et ses études à Berlin, puis avec le régime hitlérien sa fuite à Paris et finalement l’ultime fuite vers New-York suite à l’avancée des troupes allemandes.
Ce sont surtout les chapitres à Berlin et New-York qui permettent au lecteur de comprendre l’évolution de ses idées politiques et philosophiques. Et on y voit surtout tout l’environnement dans lequel elle a passé ses années universitaires et les échanges qui ont pu nourrir sa réflexion. Une multitude d’intellectuels et d’artistes défilent, Einstein, Chagall..., Mais surtout son professeur Heidegger avec lequel elle nouera une relation amoureuse. Curieuse relation entre elle la juive et lui séduit par l’idéologie nazie.
On retrouve, après sa fuite en Amérique, toute l’intelligentsia à laquelle Hannah participe. Elle y obtient un poste à l’université et retrouve toute une communauté avec laquelle elle peut partager et développer ses idées politiques sur les régimes totalitaires.
Curieusement, même si leur relation est terminée, elle ne remettra jamais en cause son admiration pour Heidegger et continuera à le défendre.
C’est surtout sur cette partie de la biographie qu’on pourra avoir un aperçu, mais visiblement succinct, de son travail philosophique et de réflexion politique.
Un peu léger donc, mais l’ouvrage a eu le mérite de me faire découvrir cette penseuse. D’autant que la partie graphique, même si ce n’est pas ma tasse de thé d’habitude, m’a paru bien adaptée au sujet, avec des personnages reconnaissables. Pas mal donc.
Pfiou, ça y est je suis arrivé au bout des 12 tomes de ce manga... Mais que ce fut long...
Pourtant l'idée de départ est très bonne et j'ai dévoré les premiers tomes qui installent les personnages et l'idée conductrice à savoir, le fait de débarrasser le monde de tous ses meurtriers et voyous peut-il s’apparenter à de la justice ou à de simples meurtres ? Et ce nouveau monde ainsi créé serait-il meilleur ?
Mais ensuite, l'histoire s'enlise et la narration est d'une telle lourdeur que j'avais parfois envie de sauter des pages pour aller plus vite dans ma lecture. J'ai notamment trouvé interminables et répétitives les scènes où les protagonistes réfléchissent aux différentes hypothèses : "Si L-Kira a contacté X-Kira pour dire au 3ème Kira de tuer des gens, alors L-Kira ne peut pas être Light". LOURD, dis-je...
De plus, certains personnages ne sont vraiment pas crédibles avec une mention spéciale pour Near qui est capable de réfléchir comme un astrophysicien tout en jouant avec des figurines en plastique et un train électrique... La surenchère depuis le personnage de L qui avait déjà un comportement et des manières très décalés par rapport à son intelligence hors norme en devient un peu ridicule. Mais bon, la série étant un succès, il a fallu étirer au delà du 6ème tome...
Enfin, j'aurais peut-être préféré une fin moins convenue quitte à faire triompher le mal, Light Yagami méritant nettement mieux que cette fin rapide après 12 tomes.
Côté dessin, c'est plutôt bien réalisé dans la plus pure tradition des mangas. Les scènes sont habilement découpées, bien que le texte est parfois un peu trop présent entre les dialogues et les pensées des différents personnages.
Un petit 3/5 pour l'excellente idée de départ et pour le dessin.
SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 5/10
GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 7/10
NOTE GLOBALE : 12/20
2.5
Je ne sais pas trop quoi penser de cet album qui a des qualités et des défauts.
Le début est prenant et j'aime bien le contexte historique de l'intrigue: l'Indochine avec toutes les magouilles du temps des colonies. J'ai vraiment bien le premier tiers de l'album, mais au fil des pages j'ai commencé à être moins enthousiaste. Il y a trop de sous-intrigues et le récit tire en longueur. Lorsque j'ai lu sur un autre site que le roman de base fait 700 pages que la bande dessinée est un résumé condensé, ben je pense qu'il y a des bonnes chances que j'aurais jamais fini l'œuvre original ! En tout cas, lorsqu'on arrive enfin à la fin j'en avais plus grand chose à foutre de cette famille et de ses secrets.
Le dessin de De Metter est toujours aussi élégant, mais je le trouve trop froid. Lorsqu'il y avait des scènes plus émotives, je ne ressentais rien du tout.
C’est je crois la première publication d’Alex, mais c’est le dernier album de lui qu'il me restait à lire. Et j’en suis sorti une nouvelle fois conquis. Même si, comme souvent, le scénario léger fait qu’on traverse cette lecture très rapidement.
Mais Alex, dans le genre particulier des BD de cul, propose à ses lecteurs quelque chose d’original. En effet, là encore, ce n’est pas une bimbo, jeune et à forte poitrine, mais plutôt une femme mûre (ici la quarantaine), « ordinaire » (sans que cet adjectif ait quelque chose de péjoratif) que nous suivons.
Et, même si ici l’homme et la femme que nous suivons quasi exclusivement (seuls quelques rares personnages secondaires apparaissent furtivement) ont des pratiques qui sortent de l’ordinaire (la femme est exhibitionniste et tout chez elle est filmé, elle ne cache rien de son intimité), Alex nous les rend familier et « normaux », presque banals.
Et du coup le scénario – un peu maigre hélas – passe très bien, c’est fluide, crédible, on peut s’attacher aux personnages.
Et les amateurs du genre ne seront pas déçus. En effet, Alex a un très bon coup de crayons, les scènes de sexe sont émoustillantes, avec un dessin au rendu presque hyperréaliste parfois.
Et la colorisation, au trait un peu granuleux, accentue le côté « réaliste » et des personnages – en tout cas j’aime bien le travail de cet auteur.
Vite lu donc, mais avec plaisir, c’est un auteur qui n’a jamais eu besoin de sexes et de poitrines gonflés pour développer une forte sensualité.
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
Indépendante depuis sa création en 1998, Cultura se donne pour mission de faire vivre et aimer la culture.
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
Blake et Mortimer - L'Art de la guerre
Plat. Tout est plat. Le dessin, le scénario bourré de clichés (exemple : le projet qui fait penser à l'attentat du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center) ou de lourdeurs comme l'incontournable et trop présent Olrik, les allusions aux grands albums de Jacobs, une certaine niaiserie à voir les relations harmonieuses entre Russes et Américains. Heureusement (et dommage) qu'il m'ait été offert plutôt que de l'avoir acheté. Plus les B&M passent, plus je suis déçu. Autant arrêter cette "franchise" donnée à des successeurs qui défigurent l'oeuvre de Jacobs.
Le grand soir - Une histoire de l'extrême gauche française
L’album nous propose, dans une forme qui mélange roman graphique et quasi documentaire, de suivre la radicalisation de certaines personnes après mai 1968, dans la mouvance de « l’ultra gauche », cette gauche réellement extrême (contrairement à ce que certains média set politiques cherchent à nous faire croire de Mélenchon aujourd’hui…), ces hommes et femmes qui ont cru « le grand soir » tout prêt d’advenir. Les auteurs ont déjà publié des séries romancées autour de ces sujets, la vie politique, les barbouzeries, la traque des « gauchistes/maoïstes », mais ici ils ont donné une coloration un peu plus documentaire à leur récit, avec des faits et des personnages que l’on peut aussi rencontrer dans L'Escamoteur, sorti l’année dernière. Le récit se laisse lire, n’est pas inintéressant. On voit que les auteurs se sont documentés, l’arrière-plan et les mécanismes de radicalisation sont bien décrits, comme le sont les procédés hypocrites et plus que borderline des services spéciaux, SAC et autres organisations policières (avec des calculs politiques qui donnent envie de vomir – mais c’est autre chose). Si le sujet m’intéresse, et qu’il est globalement bien présenté, plusieurs choses m’ont quand même un peu gêné. D’abord j’aurais préféré un angle purement documentaire (mais c’est affaire de goût) plutôt que cet entre-deux. Ensuite le dessin de Wachs – une sorte de crayonné amélioré en Noir et Blanc avec diverses nuances de gris n’est pas désagréable, mais il est aussi terne, et certains personnages au début sont difficiles à différencier. Note réelle 3,5/5.
Sertao - en quête d'agroécologie au Brésil
L’album nous propose un documentaire/reportage, sous le couvert d’une sorte de roman graphique. Il reprend l’enquête/étude menée par Sébastien Carcelle, qui adapte lui-même celle-ci. Plusieurs thématiques se croisent dans cet album, qui nous donne à voir le travail d’un chercheur doctorant, qui mêle pour son étude anthropologie, ethnologie et recherche sur l’agroécologie, en observant sur le terrain d’une région déshéritée du Brésil divers personnes ou collectifs, mais aussi en accompagnant des chercheurs et travailleurs sociaux brésiliens. Un autre aspect est très présent – il occupe même le cœur de l’album – c’est la politique : les soubresauts autour de l’accession au pouvoir de Bolsonaro (et les manœuvres pour rendre inéligible Lula da Silva), alors que la quasi-totalité des interlocuteurs du chercheur français sont proches du Parti des Travailleurs (PT) de Lula. Il est vrai que l’agroécologie s’oppose frontalement aux intérêts des tenants de l’agrobusiness et de l’agriculture intensive : certains passages en montrent les effets. L’album se laisse lire facilement, même si je l’ai parfois trouvé un peu trop « léger », comme si on hésitait entre le documentaire solide et aride et l’histoire plus « personnelle » du chercheur. J’avais déjà croisé le dessin de Laurent Houssin, mais dans des séries bien moins sérieuses, en tout cas franchement marquées humour, noir ou con. Ici, avec son style moderne et simple, il nous propose quelque chose de très lisible. J’ai juste été surpris par l’utilisation parcimonieuse de la couleur, qui s’invite de temps en temps, sans que j’aie pu comprendre la logique de ces choix.
Contrapaso
Contrapaso, une nouvelle série policière qui reconstitue pour nous l'Espagne des années Franco. Une intrigue dense, digne d'un roman noir, étayée d’anecdotes véridiques, écrite par une dame (Teresa Valero) qui nous rappelle les basses oeuvres du régime franquiste. C'est une occasion rare dans l'univers de la bande dessinée que de pouvoir rendre hommage à une dame : l'espagnole Teresa Valero mérite donc tous les éloges. D'autant qu'elle signe avec Contrapaso le scénario et le dessin de cette trilogie policière, prétexte pour apporter un point de vue féminin sur le franquisme. Histoire, police et féminisme, il n'en fallait pas tant pour nous attirer. Le premier épisode, sous-titré Les enfants des autres, est paru en français (chez Dupuis / Aire Noire sous l'égide de Doug Headline que l'on connait comme scénariste mais qui officie également comme éditeur) en 2021 et vient d'être réédité, quatre ans plus tard, sous une nouvelle maquette à l'occasion de la sortie du second tome (en septembre 2025), intitulé Pour adultes, avec réserves. Pour adultes avec réserves c'était l'une des classifications de la censure franquiste concernant le cinéma espagnol, la classe 3R sur une échelle de 1 à 4, puisqu'il sera beaucoup question de cinéma dans ce deuxième album. À noter pour les curieux : l'époux de Teresa Valero (Juan Diaz Canales) n'est autre que le scénariste de la série Blacksad. La traduction de l'espagnol est signée par Marie Estripeaut-Bourjac et Anne-Marie Ruiz. 1956 : grâce à l'influence américaine, l'Espagne franquiste se refait une beauté et entre à l'ONU. Face à la menace soviétique (mieux vaut le franquisme que le communisme, n'est-ce pas), les États-Unis installent leurs avant-postes en Europe : les accords de Madrid sont signés en 1953 et plusieurs bases militaires US sont implantées sur le territoire espagnol. Dans le même temps, les phalangistes perdent une partie de leur influence au profit de l'Opus Dei. Teresa Valero nous rappelle qu'elle s'appuie sur de nombreux faits, lieux et personnalités bien réels de l'époque : le cinéma qui jouxtait les locaux de la police de la DGS, l'hôtel Hilton, le drive-in, le bar Chicote, les films tournés en double version (une censurée pour l'Espagne, une autre pour l'étranger), l'avènement de la télévision, ... Dans un dossier qui accompagne l'album, l'auteure nous précise que son récit est nourri d'histoires vraies comme celle du documentaire sur la pauvreté des migrants espagnols qui sera "volé" et entièrement manipulé et remonté par la télévision espagnole, ou celles des spéculations immobilières et foncières de magouilleurs (dont la propre sœur de Franco) qui profitèrent des troubles liés à guerre civile. À Madrid, l'hiver 1956 se montre particulièrement rigoureux avec les hommes et la censure franquiste particulièrement tatillonne avec la presse. Les faits-diversiers sont bâillonnés : dans l'Espagne catholique de Franco, le crime n'existe pas. Il suffisait de le dire. Même si de temps à autre, il arrive que l'on retrouve malencontreusement le corps d'une jeune femme assassinée au bord du Manzanares. Autour du cadavre, il y a là Charo, la fille du médecin légiste qui n'est encore qu'une jeune adolescente mais qui veut déjà apprendre le métier avec papa. Elle apporte une touche de fraîcheur impertinente dans cette sombre histoire. Et puis il y a là, Emilio Sanz, un journaliste désabusé, fatigué de ses propres compromissions avec la censure et le régime. « - Merci de me recevoir docteur. J'enquête sur la mort de Rosa Saura. Je crois que vous la connaissiez ... - Enquêter ? N'est-ce pas le travail de la police ? - Non, pas toujours, monsieur. » Il y a là également Léon Lenoir, qui revient de France et voudrait bien faire ses preuves au journal, un jeune homme toujours amoureux de la vérité (et secrètement, de sa cousine Paloma). Léon est hébergé chez ses oncle et tante, une famille traditionnelle franquiste. Au journal, les débuts du français sont plutôt difficiles : Sanz est un vieux bougon qui le traite comme son valet. On a donc là, un vieux journaliste revenu de tout, parfois bienveillant avec le franquisme qui le nourrit. Et un jeune ambitieux qui croit encore à la vérité. Deux voix que tout oppose pour nous raconter une même époque. C'est le sens même du titre de la série, Contrapaso, contrepoint en français, quand « deux lignes mélodiques différentes sont interprétées en même temps » nous rappelle Teresa Valero. « - Je ne peux pas publier ça sans qu'on interdise le journal. Tu le sais très bien ! - Oui, je le sais. - Et alors, pourquoi tu l'as écrit, nom de dieu ! - Parce que c'est la vérité. [...] - Tu veux fouiller les poubelles ? Des lesbiennes et des médecins franquistes ... Qui diable ira la publier ta foutue histoire ? » On aime ce sacré duo d'enquêteurs que tout oppose, l'âge comme le parcours, les méthodes comme les sympathies politiques. On aime aussi que l'enquête nous propose plusieurs pistes à suivre au cœur de l'Espagne sous le joug franquiste avec comme fil rouge, la traque d'un tueur en série après qui Emilio Sanz court depuis des années. Dans le premier épisode, il sera question d'eugénisme, d'enfants volés et des abus et violences psychiatriques infligés aux femmes par les médecins du régime. La seconde enquête nous emmènera sur les plateaux du nouveau cinéma espagnol qui voit débarquer les américains et la télévision … et resurgir de vieilles affaires immobilières. On aime ce roman graphique où la mise en cases est dynamique et le dessin est un beau travail de reconstitution de ces années passées : les lieux et les décors, les usages et les costumes, tout est au diapason pour nous replonger dans l'Espagne franquiste des années 50 ... Cette BD est écrite comme un roman noir et le dessin, très élégant, tire habilement parti d'autres éléments graphiques : photos, affiches, journaux, publicités, films et actualités cinéma ... ... Les albums ont été réalisés en numérique mais la belle colorisation donne beaucoup de transparence, de luminosité ou de relief au dessin, semi-réaliste. Et puis on aime aussi l'humour dans la caractérisation des personnages comme dans les dialogues, une ironie caustique, amère, pince-sans-rire : la scène avec la dactylo dans les toilettes du cabaret, la dessinatrice qui crayonne ce que l'on voit dans une case, le jeune Léon qui rend son déjeuner à tout bout de champ, ... Chaque relecture révèle de nouveaux détails. L'intrigue du second épisode est un peu touffue et n'a pas l'unité de ton qui faisait la force du premier : Teresa Valero semble plus préoccupée de dresser un portrait aussi complet que possible de l'Espagne franquiste que de guider son lecteur dans une profusion de faits et de détails historiques. Parions que le dernier épisode de la trilogie reprendra la main pour terminer cette fresque historique en beauté, comme elle a commencé ... car le tueur en série court toujours ! « - Qui l'a tuée, Sanz ? - J'aimerais bien le savoir. - Tu le poursuis depuis 17 ans. Tu dois bien avoir une théorie. - Plus d'une, oui. Et aucune ne m'a mené nulle part. Il choisit toujours des femmes seules, avec peu ou pas de famille. Et ça n'a jamais rien de sexuel. Les victimes n'ont rien en commun. Leur seul point commun, c'est que ce sont des femmes. Il n'en a pas tué deux de la même façon. - Si c'est différents à chaque fois, comment es-tu sûr que c'est le même tueur ? - Les victimes sont toujours mortes avant. Parfois plusieurs jours plus tôt. Ensuite, il les déplace à l'endroit où on les retrouve. Et là, il nous prépare toujours une mise en scène. »
HfjNUlYZ
555
L'Homme à la licorne
À cette époque, l'exact n'est pas le vrai. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Christophe Dabitch pour le récit, et par Nylso (Jean-Michel Masson) pour les dessins. Il comporte deux-cent-vingt-cinq pages de bande dessinée en noir & blanc. C’était le début du printemps. Les fleurs bourgeonnaient et les animaux frétillaient. La sève montait, les idées paraissaient soudain plus légères au sortir du grand hiver. Quelque chose s’emparait de vous. Des correspondances résonnaient à nouveau, des échos faisaient sens. En un mot, il y avait de l’enthousiasme dans l’air. C’est dans cet état d’esprit que Christophe traversa la place ce matin-là sous les grands arbres pour honorer le rendez-vous promis avec la licorne. Il s’assoit à une terrasse de café, tout se parlant à lui-même : il évoque un loustic, un sacré loustic, un individu que presque personne de connaît. C’est fascinant. Son flux de pensées se poursuit : Mais bientôt ils sauront tout de sa vie, grâce au bédéaste, enfin… au moins ceux qui lisent encore. Christophe fait le constat que c’est rare de trouver une histoire aussi folle que vraie. Comment la dire pour en donner tout le sel ? La réalité est parfois si incroyable qu’il faut en faire une fiction. L’auteur se dit qu’il pourrait imaginer une conversation la nuit tombée sur un bateau au large des côtes anglaises avec un homme mystérieux qui aurait connu Albert. Ou alors il trouverait par hasard le livre oublié d’un auteur inconnu qu’un archiviste aurait déniché sur le plus haut rayonnage d’une grande bibliothèque en Amérique du Sud. En soufflant sur la poussière, l’histoire apparaîtrait par magie. Christophe se rend au musée de la Chasse et de la Nature, dans le quartier du Marais, à Paris. Il célèbre la cynégétique, l’art de la chasse (oui, on dit art), l’acte immémorial de prédation (plus ou moins empathique) et la beauté maîtrisée des proies (représentées ou empaillées). La nature aussi. Un couple de riches industriels des Ardennes, grands propriétaires, chasseurs et amateurs d’art (François Sommer et son épouse Jacqueline), l’a fondé en 1967 pour y présenter ses collections. Chiens à l’arrêt, sangliers, grandes bêtes. Peintures, dessins, collection d’ares, objets délicats, chevaux, chiens, stratégies de chasse… Une approche d’esthète pour des esprits éclairés, avec une idée de préservation de la faune sauvage. Une part du rapport de l’être humain à la nature, à l’animal, est là, mais, comment dire ? Les temps ont changé. La chasse a mauvaise presse. Alors depuis 2007, le musée propose des résidences immersives à des artistes contemporains dans le domaine de la Fondation (Domaine de Bel-Val, Ardennes) à des fins de restitution. Et ce musée est devenu l’un des plus branchés de Paris. Tête de sanglier et art contemporain : tout le monde est à l’arrêt. Et pourtant, dans le dédale animalier, Christophe avait toujours négligé une salle, et il ne comprend ni pourquoi ni comment. Voilà un an, alors que le musée venait de rouvrir après d’importants travaux, il l’a enfin visitée. Un bien étrange album : format plus petit, pas tout à fait carré, dessines réalistes avec une forme de simplification en même temps qu’une forte densité de traits, évoquant par moment une parenté avec Jacques Sempé (1932-2022) sans en avoir la légèreté ou l’élégance, des cases sans bordure, parfois juste une illustration avec un texte au-dessus, en-dessous ou sur le côté, parfois des dessins sans un seul mot, d’autres fois des cases alignées en bande, etc. Le lecteur ressent une liberté formelle dans une grande cohérence narrative, évoquant un flux de pensées bien construit se laissant guider par la nature du propos. Il peut ressentir cette même liberté dans la suite de sujets abordés, avec une sensation un peu au fil de l’eau. Tout d’abord l’interrogation de l’auteur (Christophe) sur la manière de présenter son sujet, la licorne. Puis la visite au musée de la Chasse et de la Nature, 62 rue des Archives dans le troisième arrondissement, et sa découverte d’une salle qu’il avait toujours négligée. Un premier souvenir de chasse à la bécasse avec son oncle, sa fascination avec la licorne, l’impossible qu’elle incarne, quelque chose qui échappe et qu’on ne peut contrôler, pas de la pureté, plutôt l’union des contraires. Une nouvelle visite au musée de la Chasse et de la Nature, et le constat que la vitrine consacrée à la licorne a été déposée. Puis brusquement, une séquence qui commence à Paris en avril 1922 posant la question : Qui peut avoir l’idée de vendre la tour Eiffel en 1922 ? Le récit semble alors prendre la tangente, une nouvelle direction pour se consacrer à Victor Lustig (1890-1947), un célèbre escroc et imposteur qui a vendu la tour Eiffel. Puis l’auteur, Christophe, en discute avec son éditeur Sébastien (Gnaedig ?) : un bon sujet, mais déjà maintes fois abordé par d’autres. Alors il se rabat sur son fils putatif : Albert Lustig (né en 1914), personnage inventé pour l’occasion. Cela procure une sensation étrange : faute d’espoir d’écrire quelque chose d’original sur un escroc de génie, les auteurs en inventent un à la petite semaine. Un peu comme ce choix de narration visuelle, à la manière de Sempé, évidemment sans en avoir le génie… tout en étant plutôt réussie. Quelques petits contours informes et le lecteur voit les feuilles dans les arbres… cependant les façades sont un peu trop de guingois et mal assurées… en revanche le mobilier urbain est authentique à commencer par les barrières de type Croix de Saint André. Finalement, l’artiste sait très bien rendre l’ambiance parisienne, par des détails concrets et authentiques, discrets et parfaitement à leur place : la tour Eiffel bien sûr (avant qu’elle ne soit vendue), la façade de l’hôtel Crillon, l’une des façades du musée national du Moyen Âge-Thermes et hôtel de Cluny, un quai de métro avec ses assises caractéristiques, un réverbère, etc. D’ailleurs le scénario se montre exigeant vis-à-vis du dessinateur, à la fois pour les différents lieux et environnements, à la fois pour les situations. L’artiste passe ainsi de sites reconnaissables de Paris à une partie de chasse avec son oncle après avoir rallié le bois en barque, la contemplation d’animaux empaillés dans le musée de la Chasse et de la Nature, un paquebot transatlantique, les six tapisseries de la Dame à la licorne (entre 1484 et 1538), une cour d’école à Mouzon dans les Ardennes françaises en 1924, une discussion dans un café parisien à écouter les autres clients tous écrivains, et bien sûr des expéditions de chasse et de safari en Afrique. Sans oublier trois séquences de trois pages, chaque planche composée de quatre cases, montrant une vague forme pouvant d’apparenter à une licorne à demi-dissimulée par la végétation du sous-bois (80 à 82, 125 à 127, 204 à 206). Ainsi le lecteur observe aussi bien Christophe au musée contemplant les œuvres et artefacts ayant trait aux licornes, Victor Lustig convainquant les acheteurs potentiels de la tour Eiffel, Christophe et Sébastien discutant attablés en terrasse, un cerf en train de boire dans la forêt, Rob O’Hara posant à côté d’un trophée de chasse après l’autre, Christophe effectuant des recherches sur Internet. Et – peut-être – la licorne dans les bois. Mais alors du coup ça raconte quoi ? Hé bien d’abord, cette envie de l’auteur de dire sa fascination pour les licornes et pour ce qu’elles représentent, et aussi cette invraisemblable expédition de chasse à la licorne en Afrique du Sud, en direction des chutes d’Augrabies en suivant d’abord la rivière Orange avant de pénétrer dans le désert du Kalahari jusqu’au village reculé de Riemvasmaak. Et aussi sa fascination pour l’escroc Victor Lustig. Et encore la vie du fils fictionnel de Lustig, l’amitié d’Albert avec François Sommer, la rencontre avec le milliardaire américain Rob O’Hara, grand chasseur au cœur noir et membre du conseil d’administration du Field Museum à Chicago. Étrange de consacrer un récit de nature semi-autobiographique à des personnages de fiction… D’un autre côté, Christophe annonce dès le départ que c’est rare de trouver une histoire aussi folle que vraie. Comment la dire pour en donner tout le sel ? Et il évoque différentes formes de mises en abîmes utilisées par des romanciers de la fin du dix-neuvième siècle pour évoquer des expéditions. D’ailleurs, au fur et à mesure, le lecteur relève plusieurs références à la pratique de la littérature, et à la création artistique. Il y a cette séquence révélatrice dans un café parisien, où Christophe et Sébastien entendent la conversation d’autres auteurs à des tables autour d’eux. Des remarques portant sur la pratique de leur métier : un est en panne en ce moment et a envie de tout arrêter. Un autre se lamente que son dernier livre a été totalement passé sous silence. Certains commentent leur livre en cours : Pas d’histoire, pas de personnage, pas de psychologie, celui-ci ne veut faire aucune concession cette fois. Un autre énonce : Exposition, dénouement, flashback, en jeu, conflit interne, climax, un arc narratif, twist, il a tout mis ! Une écrivaine explique : Ce n’est pas de l’autofiction au sens habituel du terme mais une fiction autonome autour de l’idée même du moi. Un autre encore évoque Georges Pérec à qui il rend hommage avec un peuple qui n’utilise jamais la lettre P. Le lecteur perçoit une élégante mise en abîme où les auteurs évoquent leur propre démarche créatrice, la démarche de proposer une histoire de fiction (Albert Lustig inventé de toutes pièces), se raccrochant à la réalité (Victor Lustig, un escroc bien réel), dans des périodes historiques marquées (grands chasseurs en Afrique), tout en se mettant en scène eux-mêmes dans la quête d’un sujet pour leur histoire, en se demandant comment la raconter pour lui donner plus d’impact, leur fascination pour la licorne et les différentes qui lui ont été associées. Le lecteur ressent que ces trois apparitions de licorne dans les bois correspondent à une phase de la vie de l’observateur qui sait que son bonheur se trouve dans la poursuite d’une chimère. D’ailleurs l’auteur lui-même, ou plutôt son avatar, finit par prendre conscience que sa démarche relève de l’auto-aveuglement… ce qui a donné un sens passager à sa vie, tout comme la licorne pour Rob O’Hara, ou encore l’image du père pour Albert Lustig. Une bien étrange bande dessinée, avec une narration visuelle évoquant Sempé, mais pas tout à fait, et une histoire évoquant l’escroc qui a vendu la tour Eiffel, mais pas tout à fait. À la poursuite d’un animal chimérique dans une salle de musée imaginaire, ou dans un safari, avec des dessins légers et évocateurs comme des croquis pris sur le vif, et en même temps une structure solide et une réflexion sur la recherche d’une histoire ayant assez de qualités et de consistance pour être racontée et séduire un lectorat. Une mise en abîme de la démarche d’auteur à créer une œuvre présentant un intérêt pour un potentiel public, et aussi pour investir son existence à la raconter. Un prodigieux cheminement d’auteur pour trouver un sujet qui en vaille coup, une métaphore de la démarche de donner du sens à une histoire, à son histoire, à sa vie.
Les Trois Vies de Hannah Arendt
Encore une figure historique féminine que je ne connaissais pas. Invisibilisation des femmes ou inculture crasse de ma part ? Vous me direz, je ne me vexerai pas. Hannah Arendt est une philosophe et politologue du XXe siècle. Née en Allemagne et de confession juive, sa vie fut on se doute mouvementée. La biographie suit trois étapes clefs de son cheminement de vie : sa jeunesse et ses études à Berlin, puis avec le régime hitlérien sa fuite à Paris et finalement l’ultime fuite vers New-York suite à l’avancée des troupes allemandes. Ce sont surtout les chapitres à Berlin et New-York qui permettent au lecteur de comprendre l’évolution de ses idées politiques et philosophiques. Et on y voit surtout tout l’environnement dans lequel elle a passé ses années universitaires et les échanges qui ont pu nourrir sa réflexion. Une multitude d’intellectuels et d’artistes défilent, Einstein, Chagall..., Mais surtout son professeur Heidegger avec lequel elle nouera une relation amoureuse. Curieuse relation entre elle la juive et lui séduit par l’idéologie nazie. On retrouve, après sa fuite en Amérique, toute l’intelligentsia à laquelle Hannah participe. Elle y obtient un poste à l’université et retrouve toute une communauté avec laquelle elle peut partager et développer ses idées politiques sur les régimes totalitaires. Curieusement, même si leur relation est terminée, elle ne remettra jamais en cause son admiration pour Heidegger et continuera à le défendre. C’est surtout sur cette partie de la biographie qu’on pourra avoir un aperçu, mais visiblement succinct, de son travail philosophique et de réflexion politique. Un peu léger donc, mais l’ouvrage a eu le mérite de me faire découvrir cette penseuse. D’autant que la partie graphique, même si ce n’est pas ma tasse de thé d’habitude, m’a paru bien adaptée au sujet, avec des personnages reconnaissables. Pas mal donc.
Death Note
Pfiou, ça y est je suis arrivé au bout des 12 tomes de ce manga... Mais que ce fut long... Pourtant l'idée de départ est très bonne et j'ai dévoré les premiers tomes qui installent les personnages et l'idée conductrice à savoir, le fait de débarrasser le monde de tous ses meurtriers et voyous peut-il s’apparenter à de la justice ou à de simples meurtres ? Et ce nouveau monde ainsi créé serait-il meilleur ? Mais ensuite, l'histoire s'enlise et la narration est d'une telle lourdeur que j'avais parfois envie de sauter des pages pour aller plus vite dans ma lecture. J'ai notamment trouvé interminables et répétitives les scènes où les protagonistes réfléchissent aux différentes hypothèses : "Si L-Kira a contacté X-Kira pour dire au 3ème Kira de tuer des gens, alors L-Kira ne peut pas être Light". LOURD, dis-je... De plus, certains personnages ne sont vraiment pas crédibles avec une mention spéciale pour Near qui est capable de réfléchir comme un astrophysicien tout en jouant avec des figurines en plastique et un train électrique... La surenchère depuis le personnage de L qui avait déjà un comportement et des manières très décalés par rapport à son intelligence hors norme en devient un peu ridicule. Mais bon, la série étant un succès, il a fallu étirer au delà du 6ème tome... Enfin, j'aurais peut-être préféré une fin moins convenue quitte à faire triompher le mal, Light Yagami méritant nettement mieux que cette fin rapide après 12 tomes. Côté dessin, c'est plutôt bien réalisé dans la plus pure tradition des mangas. Les scènes sont habilement découpées, bien que le texte est parfois un peu trop présent entre les dialogues et les pensées des différents personnages. Un petit 3/5 pour l'excellente idée de départ et pour le dessin. SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 5/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 7/10 NOTE GLOBALE : 12/20
Le Grand Monde
2.5 Je ne sais pas trop quoi penser de cet album qui a des qualités et des défauts. Le début est prenant et j'aime bien le contexte historique de l'intrigue: l'Indochine avec toutes les magouilles du temps des colonies. J'ai vraiment bien le premier tiers de l'album, mais au fil des pages j'ai commencé à être moins enthousiaste. Il y a trop de sous-intrigues et le récit tire en longueur. Lorsque j'ai lu sur un autre site que le roman de base fait 700 pages que la bande dessinée est un résumé condensé, ben je pense qu'il y a des bonnes chances que j'aurais jamais fini l'œuvre original ! En tout cas, lorsqu'on arrive enfin à la fin j'en avais plus grand chose à foutre de cette famille et de ses secrets. Le dessin de De Metter est toujours aussi élégant, mais je le trouve trop froid. Lorsqu'il y avait des scènes plus émotives, je ne ressentais rien du tout.
La Chambre de verre
C’est je crois la première publication d’Alex, mais c’est le dernier album de lui qu'il me restait à lire. Et j’en suis sorti une nouvelle fois conquis. Même si, comme souvent, le scénario léger fait qu’on traverse cette lecture très rapidement. Mais Alex, dans le genre particulier des BD de cul, propose à ses lecteurs quelque chose d’original. En effet, là encore, ce n’est pas une bimbo, jeune et à forte poitrine, mais plutôt une femme mûre (ici la quarantaine), « ordinaire » (sans que cet adjectif ait quelque chose de péjoratif) que nous suivons. Et, même si ici l’homme et la femme que nous suivons quasi exclusivement (seuls quelques rares personnages secondaires apparaissent furtivement) ont des pratiques qui sortent de l’ordinaire (la femme est exhibitionniste et tout chez elle est filmé, elle ne cache rien de son intimité), Alex nous les rend familier et « normaux », presque banals. Et du coup le scénario – un peu maigre hélas – passe très bien, c’est fluide, crédible, on peut s’attacher aux personnages. Et les amateurs du genre ne seront pas déçus. En effet, Alex a un très bon coup de crayons, les scènes de sexe sont émoustillantes, avec un dessin au rendu presque hyperréaliste parfois. Et la colorisation, au trait un peu granuleux, accentue le côté « réaliste » et des personnages – en tout cas j’aime bien le travail de cet auteur. Vite lu donc, mais avec plaisir, c’est un auteur qui n’a jamais eu besoin de sexes et de poitrines gonflés pour développer une forte sensualité.