Une nouvelle BD mettant en scène des sorcières, cette fois-ci entièrement réalisée par l'Australienne Sas Milledge, jusqu'ici inconnue sous nos latitudes.
Celle-ci propose une histoire qui, sans être échevelée, permet de ne jamais s'ennuyer, avec ces deux adolescentes qui partent à la recherche de l'origine de la malédiction qui pèse sur une petite communauté. Assez vite cela se transforme en quête personnelle pour Orla, qui s'était juré de ne pas revenir dans la ville où elle a grandi. Bien sûr les liens familiaux (et un brin de magie) remettent tout ça en question. C'est fluide, c'est frais, et on a beaucoup d'empathie pour Jo et Orla, dont le destin va bien sûr basculer.
Pour raconter cette histoire, Sas Milledge propose un graphisme vraiment plaisant, très lisible, dans un style semi-réaliste que je reverrai avec plaisir. Sa mise en scène est dynamique sans être tape-à-l'oeil, c'est franchement sympa.
C'est une belle découverte, à la fois graphique et narrative.
« Colossale », dixit le sticker apposé sur l’ouvrage, c’est « la série aux 6 millions de vues sur Webtoon » ! Un succès effectivement « colossal », on ne saurait mieux dire, qui a suscité l’intérêt des éditeurs, et en premier lieu « Jungle », qui peut se vanter d’avoir décroché la timbale. Une initiative qui ne pourra que réconcilier les adeptes « old school » de la lecture sur papier et les accros aux écrans qui ne voient la vie qu’à travers leur smartphone. En ce qui concerne Rutile et Diane Truc, il s’agit de leur première bande dessinée, et le fait que celle-ci ait été publiée « à l’ancienne » dans un second temps constitue pour les deux autrices une ultime reconnaissance qui conforte et perpétue la prédominance du livre-objet sur l’édition virtuelle.
Avec « Colossale », on rentre très vite dans le vif du sujet grâce à une intro efficace qui fait mine de commencer comme un conte de fées, pour aussitôt bifurquer sur la deuxième page vers un cri de révolte de la narratrice, Jade, également personnage principal : celle-ci s’adonne à la muscu et n’aura donc pas des mains de princesse ! Le ton est posé et on devine que le monde aristocratique, théâtre du récit, va en prendre pour son grade… Rutile et DianeTruc ont trouvé ici le pitch qui fait mouche, s’amuser du décorum et des conventions désuètes d’un milieu qui semble appartenir à un autre siècle, tout en mettant en lumière les aspirations plus contemporaines d’une jeune fille qui en fait partie mais veut vivre sa vie comme elle l’entend, contre les injonctions de ses parents.
Autre point fort, qui inscrit l’histoire complètement dans son époque, c’est le traitement très contemporain du genre, à travers cette héroïne qui rejette les codes des apparences imposés par son entourage. On la veut princesse aux mains douces, elle aura plus probablement un physique de camionneuse aux mains calleuses, sauf si bien sûr elle renonce à la culture physique ! Résumer les choses de cette façon peut sembler caricatural, certes, mais ne fait que traduire les clichés qui définissent cette caste aristocratique finalement assez méconnue, pour qui la seule perspective de se mélanger avec des roturiers donnerait des sueurs froides… et puis quoi de mieux que l’humour pour aborder la question, plutôt qu’un propos militant qui prendrait le risque de braquer les tenants de la tradition ? Notons que Diane Truc elle-même pratique la musculation, se faisant pour l’occasion coach pour débutant.e.s en fin d’ouvrage.
Enfin, et c’est ce qui rend cette BD unique, c’est la façon dont les autrices se sont appropriées les codes du manga pour se les réapproprier à la sauce frenchie, en situant leur récit dans un milieu quasi-totalement coupé des vents de l’Histoire, cette « vieille France blanche et friquée » aux valeurs antiques, vraisemblablement loin d’être hermétique aux discours réactionnaires d’un certain Eric Zemmour. De plus, le dessin de Diane Truc est irrésistible de drôlerie avec cette héroïne qui change d’apparence selon ses humeurs, se transformant en petite fille aux allures toonesques dès lors qu’elle se sent infantilisée par l’entourage ou bouillonne intérieurement. Réagencée dans sa version papier, la mise en page permise par le format webtoon tout en verticalité, à la fois dynamique et minimaliste, rend la lecture hyper percutante et irrésistible pour nos zygomatiques.
Tout cela fait de « Colossale » un gros coup de cœur pour l’auteur de ces lignes, qui récemment se désolait de moins rire en lisant les productions récentes de certains auteurs qu’il plaçait pourtant au top de l’humour, qu’il s’agisse de Goossens ou de Fabcaro. Lui (je parle de moi à la troisième personne, oui et alors ?), qui en outre n’a jamais été très porté sur le manga, voit un peu plus ses préjugés poussés dans de piteux retranchements, et il fallait que ce soit par des meufs « musclées ». Merci les filles !
Et au passage, merci à Spooky qui, en me présentant le chargé RP de l'éditeur, m'a permis de découvrir cette BD très rigolote, et à la fois de détendre et muscler mon sphincter !
Après Puta Madre, Loba Loca est le 2eme spin off de la série Mutafukaz. Même univers mais des histoires aux tonalités bien différentes, et encore une fois le scénariste nous pond une franche réussite !!
Le récit se passe 7 ans après les événements de la série mère, nous allons suivre Guada, orpheline de père, une ado paumée dans sa quête d’identité.
Une histoire sans réelle action, limite intimiste, servie dans un road movie bien construit, séquencé et joliment mis en images.
Pour moi du tout bon, à l’époque j’en attendais pas grand chose mais ça s’est révélé être une bien heureuse surprise, que la récente relecture n’a pas démentie.
Une chouette histoire qui peut être découverte sans connaître l’univers.
Voici un bon manga en un tome et inspiré d'une histoire vraie. Celle d'une petite fille pendant la Seconde guerre mondiale à Okinawa. Après que son père soit parti dans le village voisin, mais elle saura plus tard que c'était la dernière fois qu'elle le vit vivant, elle se retrouve avec ses 2 soeurs et son frère. Celui-ci meurt rapidement d'une balle perdue alors qu'il dormait par terre à ses côtés. Puis lors d'un mouvement de foule elle perd de vue ses 2 grandes soeurs et erre seule dans la campagne cherchant à fuir les bombardements. Les japonais qu'elle croise sont rarement compatissants voire carrément odieux pour certains militaires, sauf quand elle finit par tomber dans une sorte de grotte où vit un couple de personnes âgées, un homme-tronc et une mamie aveugle.
Le sujet est pesant, c'est le moins qu'on puisse dire. C'est émouvant sans que ça tombe trop dans le larmoyant. Cette enfant a eu beaucoup de courage et de bon sens, et parfois un peu de chance, pour survivre.
Trois étoiles pour trois Jokers.
Une histoire bien ficelée qui nous donne droit à trois jokers, le criminel, le comique et le clown. Je ne suis pas assez connaisseur de l'univers Batman pour y déceler toutes les références qui pourraient s'y trouver. Par contre, j'ai apprécié l'atmosphère glauque que dégage ce comics, un récit violent qui permet d'explorer la psychologie du Batman, de Batgirl et de Red Hood avec quelques flash-back sur leurs passés. On plonge aussi dans la psyché du/des Joker(s) et sa "merveilleuse" schizophrénie avec bonheur. Une narration maîtrisée qui fait place à l'action mais surtout aux personnages et à leurs démons intérieurs.
Un récit qui ne termine pas en eau de boudin même si je n'en suis pas entièrement satisfait.
Le dessin est pas mal, très expressif et dynamique dans un style typiquement comics, pas celui que j'apprécie le plus mais diablement efficace.
Pour bien appréhender ce comics, je pense qu'il faut avoir des bases solides sur le Joker.
Une agréable lecture.
Autobiographie aux légers accents de psychanalyse d'une jeune artiste russe. Celle-ci est originaire du Grand Nord Russe, d'une petite ville portuaire au-dessus de l'Oural "dans l'obscurité glacée de la toundra" comme le dit l'autrice, où elle vit seule avec sa mère depuis sa petite enfance. Cet isolement et cette absence de lumière la majorité de l'année ont marqué son être et son esprit artistique et ont complexifié la suite de ses études l'empêchant de s'intégrer au mieux dans les plus grandes villes vers lesquelles elle partira étudier. Sans parler de ses regrets d'avoir abandonné sa mère seule sur place tout en se demandant si elle va suivre le même parcours qu'elle qui a aussi quitté sa région d'origine. C'est sur cette errance entre la recherche de ses racines et la poursuite de son désir de carrière artistique qu'elle va nous amener à partager ses pensées et souvenirs au cours de cette bande dessinée.
L'obscurité de sa ville natale, on la retrouve dans son graphisme. Les grands aplats de noir y sont très présents et couvrent la majorité des décors, au point de ressembler parfois à des dessins à la carte à gratter, effet appuyé également par les ombrages hachurés. Malgré cette noirceur parfois pesante, le graphisme se révèle élégant et agréable par son aspect sobre et légèrement naïf.
Le fond de l'histoire est intéressant, surtout pour quelqu'un désireux d'avoir un aperçu de la vie dans l'extrême Nord Russe et d'y suivre une artiste indépendante dans un pays qu'on associe davantage à son régime autocratique et à son industrie minière et énergétique. Mais le résultat final m'a paru un peu superficiel et décousu. On survole la réalité de cette vie dans ce port nordique, se contentant essentiellement du compte-rendu des échanges et émotions entre la mère et sa fille. Et quand elle entame pour de bon sa formation artistique, on la voit passer de ville en ville sans jamais donner l'impression de s'y attarder, dans un éternel doute, en recherche d'elle-même, une errance qui apparait au final assez désordonnée dans sa mise en scène. Concrètement, j'ai ressenti un manque de structure et de maîtrise du message que l'autrice voulait transmettre à ses lecteurs.
Reste donc un agréable graphisme et un sujet de fond plutôt original, mais pas une BD marquante au final.
Oser parler de l'homosexualité avec de l'humour, c'est plutôt rare et un peu casse-gueule.
C'est ce que j'ai voulu faire ici, et avec plutôt pas mal de réussite vu les avis des critiques, que ce soit les critiques BD (Actua BD, Babelio, Samba BD,Le bulleur podcast, RTBF, ...) mais également les revues gays (Garçon magazine, Frendly, Jock.life).
Cette BD ne se limite pas à parler aux couples homosexuels, mais à tout le monde, car les situations que l'on y retrouve sont communes à tous les couples, hétéros comme homos, il n'y a pas de différence. Aimer, c'est... aimer, quelque soit la constitution du couple.
L'album pose des questions simples : dans un couple homos, y en a t-il aussi un qui a les pieds froids ? Ou bien les deux ronflent-ils ? Pourquoi le vendeur de roses qui passe dans les restos ne s'arrête t-il jamais aux tables occupées par deux hommes ? Ce serait sans doute plus rentable que les tables mixtes, non ? A quoi font référence ceux qui demandent à un homo "qui fait la femme" ? Aux tâches ménagères ? Et ainsi de suite. L'idée était de faire une BD sur la vie d'un couple de même sexe, tantôt comique, tantôt ironique, souvent critique sur les préjugés et idées reçues.
Les deux personnages principaux sont Paul, dans la quarantaine (des pistes sur son âge seront données dans l'album) et Tom, plus jeune. Cette différence d'âge peut bien sûr être source de nombreux gags et malentendus. On découvrira tout au long de l'album non seulement leur vie de couple, mais également leurs relations avec les autres : amis, famille, collègues, ...
Car Paul et Tom ne vivent pas sur une île, ils interagissent avec leur environnement, et, quand ils en ont un, leur entourage professionnel.
Enfin, ces deux héros ont une vraie personnalité et que l'on en comprenne les origines. L'album aborde leur passé commun (leur première rencontre, leur premier rendez-vous, leur mariage), mais également, à l'aide d'interviews de proches, leur passé individuel.
Jacq, auteur
Première lecture que je fais de cet auteur. Attilio Micheluzzi n’a rien à envier à Pratt, je trouve.
Son noir et blanc est très élégant et effectivement la couleur de la première édition devait vraiment lui faire perdre beaucoup.
L’histoire quant à elle, si elle semble fictive, du moins est-elle bien ancrée et crédible dans cette réalité historique où Mussolini veut sa part du gâteau africain en faisant main basse sur l’Abyssinie.
Nos quatre héros se retrouvent donc à devoir convoyer deux automitrailleuses aux forces de la résistance éthiopienne. Tous n’auront pas la même motivation, révolte, dettes de jeux,… mais ils sont bien campés et les personnages féminins ne sont pas en reste.
Le récit débute en Egypte, les temps sont troubles, les militaires inquiets, les agents secrets se cachent sous les couvertures les plus respectables. Et on entre peu à peu dans le vif du sujet, quand la guerre éclate et que la violence se déchaîne.
J’ai bien aimé la progression de l’histoire avec cette partie en forme de reconstitution des évènements au jour le jour par le biais d’un journal de bord. L’effet d’enquête par le narrateur fonctionne très bien je trouve et donne beaucoup de corps au récit.
Un beau dessin, des personnages intéressants, une bonne histoire dans l’Histoire. C’est top pour moi.
Guido Buzzelli est vraiment un auteur à part, dont le travail est très reconnaissable, et ne saurait laisser indifférent (j’imagine qu’il est très clivant – même si ce ne sont que de simples suppositions, car il n’y a que très peu d’avis sur ses séries).
Le recueil Zil Zelub reprend des histoires créées au début des années 1970. Je ne pense pas que ce soit celui que je recommanderais pour un lecteur découvrant cet auteur, car il est des plus déroutants. En particulier la première histoire, donnant son titre au recueil, la plus longue, qui est pleine de folie plus ou moins douce, mêlant fantastique et loufoquerie, moments de violence et de poésie. Il doit y avoir pas mal de références autobiographiques dans cette histoire. Comme souvent le personnage principal a les traits de l’auteur, et à plusieurs reprises celui-ci, dans ses rêves ou l’évocation de sa jeunesse, fait référence à Buzzelli et son histoire. Mais quel délire que cette intrigue, où nous suivons un violoncelliste dont les parties du corps (tête, jambes, bras) se détachent, deviennent autonomes – un bras se comporte d’ailleurs comme un pervers sexuel !), alors que des sortes de ptérodactyles se baladent en ville.
Les trois histoires suivantes, elles aussi empreintes de poésie et de fantastique, sont plus courtes et se laissent un peu plus facilement appréhender.
Le dessin est très classique pour cet auteur. Un Noir et Blanc rageur, nerveux, jouant sur des hachures. On a parfois l’impression que ce sont des crayonnés jetés négligemment sur le papier, mais en fait c’est assez élaboré, même si le rendu est très sec.
Un album inclassable, sans doute peu avenant – mais j’y ai trouvé mon compte (j’aime bien cet auteur de toute façon). Le principal reproche que j’aurais à lui faire, c’est d’être parfois trop bavard, certaines bulles sont bien trop denses.
A découvrir à l’occasion, on a là un auteur qui sort des sentiers battus !
Ralf König est un auteur que j’aime bien, mais d’habitude je préfère lorsqu’il fait intervenir le personnage de Paul, obsédé sympathique, véritable dynamiteur d’intrigues.
Pas de Paul ici, mais ça n’est pas grave, car c’est une lecture très agréable, sympathique, souvent amusante sans être hilarante.
Le dessin est habituel pour lui, souvent minimaliste. Mais il arrive à faire passer des émotions, des sentiments, des mimiques très drôles avec un minimum de moyens, König est d’une redoutable efficacité dans ce domaine.
Si bien sûr les personnages homosexuels occupent les principaux rôles, ils partagent dans cette série davantage de place avec des personnages hétéros – même si le personnage principal (hétéro, ce qui est rarissime chez König) se pose pas mal de question à ce propos, une rupture amoureuse l’ayant poussé à se remettre en question, et à faire quelques rencontres surprenantes.
Comme souvent avec König, on a une lecture détente agréable.
Note réelle 3,5/5.
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La Malédiction de Mamo
Une nouvelle BD mettant en scène des sorcières, cette fois-ci entièrement réalisée par l'Australienne Sas Milledge, jusqu'ici inconnue sous nos latitudes. Celle-ci propose une histoire qui, sans être échevelée, permet de ne jamais s'ennuyer, avec ces deux adolescentes qui partent à la recherche de l'origine de la malédiction qui pèse sur une petite communauté. Assez vite cela se transforme en quête personnelle pour Orla, qui s'était juré de ne pas revenir dans la ville où elle a grandi. Bien sûr les liens familiaux (et un brin de magie) remettent tout ça en question. C'est fluide, c'est frais, et on a beaucoup d'empathie pour Jo et Orla, dont le destin va bien sûr basculer. Pour raconter cette histoire, Sas Milledge propose un graphisme vraiment plaisant, très lisible, dans un style semi-réaliste que je reverrai avec plaisir. Sa mise en scène est dynamique sans être tape-à-l'oeil, c'est franchement sympa. C'est une belle découverte, à la fois graphique et narrative.
Colossale
« Colossale », dixit le sticker apposé sur l’ouvrage, c’est « la série aux 6 millions de vues sur Webtoon » ! Un succès effectivement « colossal », on ne saurait mieux dire, qui a suscité l’intérêt des éditeurs, et en premier lieu « Jungle », qui peut se vanter d’avoir décroché la timbale. Une initiative qui ne pourra que réconcilier les adeptes « old school » de la lecture sur papier et les accros aux écrans qui ne voient la vie qu’à travers leur smartphone. En ce qui concerne Rutile et Diane Truc, il s’agit de leur première bande dessinée, et le fait que celle-ci ait été publiée « à l’ancienne » dans un second temps constitue pour les deux autrices une ultime reconnaissance qui conforte et perpétue la prédominance du livre-objet sur l’édition virtuelle. Avec « Colossale », on rentre très vite dans le vif du sujet grâce à une intro efficace qui fait mine de commencer comme un conte de fées, pour aussitôt bifurquer sur la deuxième page vers un cri de révolte de la narratrice, Jade, également personnage principal : celle-ci s’adonne à la muscu et n’aura donc pas des mains de princesse ! Le ton est posé et on devine que le monde aristocratique, théâtre du récit, va en prendre pour son grade… Rutile et DianeTruc ont trouvé ici le pitch qui fait mouche, s’amuser du décorum et des conventions désuètes d’un milieu qui semble appartenir à un autre siècle, tout en mettant en lumière les aspirations plus contemporaines d’une jeune fille qui en fait partie mais veut vivre sa vie comme elle l’entend, contre les injonctions de ses parents. Autre point fort, qui inscrit l’histoire complètement dans son époque, c’est le traitement très contemporain du genre, à travers cette héroïne qui rejette les codes des apparences imposés par son entourage. On la veut princesse aux mains douces, elle aura plus probablement un physique de camionneuse aux mains calleuses, sauf si bien sûr elle renonce à la culture physique ! Résumer les choses de cette façon peut sembler caricatural, certes, mais ne fait que traduire les clichés qui définissent cette caste aristocratique finalement assez méconnue, pour qui la seule perspective de se mélanger avec des roturiers donnerait des sueurs froides… et puis quoi de mieux que l’humour pour aborder la question, plutôt qu’un propos militant qui prendrait le risque de braquer les tenants de la tradition ? Notons que Diane Truc elle-même pratique la musculation, se faisant pour l’occasion coach pour débutant.e.s en fin d’ouvrage. Enfin, et c’est ce qui rend cette BD unique, c’est la façon dont les autrices se sont appropriées les codes du manga pour se les réapproprier à la sauce frenchie, en situant leur récit dans un milieu quasi-totalement coupé des vents de l’Histoire, cette « vieille France blanche et friquée » aux valeurs antiques, vraisemblablement loin d’être hermétique aux discours réactionnaires d’un certain Eric Zemmour. De plus, le dessin de Diane Truc est irrésistible de drôlerie avec cette héroïne qui change d’apparence selon ses humeurs, se transformant en petite fille aux allures toonesques dès lors qu’elle se sent infantilisée par l’entourage ou bouillonne intérieurement. Réagencée dans sa version papier, la mise en page permise par le format webtoon tout en verticalité, à la fois dynamique et minimaliste, rend la lecture hyper percutante et irrésistible pour nos zygomatiques. Tout cela fait de « Colossale » un gros coup de cœur pour l’auteur de ces lignes, qui récemment se désolait de moins rire en lisant les productions récentes de certains auteurs qu’il plaçait pourtant au top de l’humour, qu’il s’agisse de Goossens ou de Fabcaro. Lui (je parle de moi à la troisième personne, oui et alors ?), qui en outre n’a jamais été très porté sur le manga, voit un peu plus ses préjugés poussés dans de piteux retranchements, et il fallait que ce soit par des meufs « musclées ». Merci les filles ! Et au passage, merci à Spooky qui, en me présentant le chargé RP de l'éditeur, m'a permis de découvrir cette BD très rigolote, et à la fois de détendre et muscler mon sphincter !
Loba Loca
Après Puta Madre, Loba Loca est le 2eme spin off de la série Mutafukaz. Même univers mais des histoires aux tonalités bien différentes, et encore une fois le scénariste nous pond une franche réussite !! Le récit se passe 7 ans après les événements de la série mère, nous allons suivre Guada, orpheline de père, une ado paumée dans sa quête d’identité. Une histoire sans réelle action, limite intimiste, servie dans un road movie bien construit, séquencé et joliment mis en images. Pour moi du tout bon, à l’époque j’en attendais pas grand chose mais ça s’est révélé être une bien heureuse surprise, que la récente relecture n’a pas démentie. Une chouette histoire qui peut être découverte sans connaître l’univers.
La Fillette au drapeau blanc
Voici un bon manga en un tome et inspiré d'une histoire vraie. Celle d'une petite fille pendant la Seconde guerre mondiale à Okinawa. Après que son père soit parti dans le village voisin, mais elle saura plus tard que c'était la dernière fois qu'elle le vit vivant, elle se retrouve avec ses 2 soeurs et son frère. Celui-ci meurt rapidement d'une balle perdue alors qu'il dormait par terre à ses côtés. Puis lors d'un mouvement de foule elle perd de vue ses 2 grandes soeurs et erre seule dans la campagne cherchant à fuir les bombardements. Les japonais qu'elle croise sont rarement compatissants voire carrément odieux pour certains militaires, sauf quand elle finit par tomber dans une sorte de grotte où vit un couple de personnes âgées, un homme-tronc et une mamie aveugle. Le sujet est pesant, c'est le moins qu'on puisse dire. C'est émouvant sans que ça tombe trop dans le larmoyant. Cette enfant a eu beaucoup de courage et de bon sens, et parfois un peu de chance, pour survivre.
Batman - Trois jokers
Trois étoiles pour trois Jokers. Une histoire bien ficelée qui nous donne droit à trois jokers, le criminel, le comique et le clown. Je ne suis pas assez connaisseur de l'univers Batman pour y déceler toutes les références qui pourraient s'y trouver. Par contre, j'ai apprécié l'atmosphère glauque que dégage ce comics, un récit violent qui permet d'explorer la psychologie du Batman, de Batgirl et de Red Hood avec quelques flash-back sur leurs passés. On plonge aussi dans la psyché du/des Joker(s) et sa "merveilleuse" schizophrénie avec bonheur. Une narration maîtrisée qui fait place à l'action mais surtout aux personnages et à leurs démons intérieurs. Un récit qui ne termine pas en eau de boudin même si je n'en suis pas entièrement satisfait. Le dessin est pas mal, très expressif et dynamique dans un style typiquement comics, pas celui que j'apprécie le plus mais diablement efficace. Pour bien appréhender ce comics, je pense qu'il faut avoir des bases solides sur le Joker. Une agréable lecture.
Enfant de la nuit polaire
Autobiographie aux légers accents de psychanalyse d'une jeune artiste russe. Celle-ci est originaire du Grand Nord Russe, d'une petite ville portuaire au-dessus de l'Oural "dans l'obscurité glacée de la toundra" comme le dit l'autrice, où elle vit seule avec sa mère depuis sa petite enfance. Cet isolement et cette absence de lumière la majorité de l'année ont marqué son être et son esprit artistique et ont complexifié la suite de ses études l'empêchant de s'intégrer au mieux dans les plus grandes villes vers lesquelles elle partira étudier. Sans parler de ses regrets d'avoir abandonné sa mère seule sur place tout en se demandant si elle va suivre le même parcours qu'elle qui a aussi quitté sa région d'origine. C'est sur cette errance entre la recherche de ses racines et la poursuite de son désir de carrière artistique qu'elle va nous amener à partager ses pensées et souvenirs au cours de cette bande dessinée. L'obscurité de sa ville natale, on la retrouve dans son graphisme. Les grands aplats de noir y sont très présents et couvrent la majorité des décors, au point de ressembler parfois à des dessins à la carte à gratter, effet appuyé également par les ombrages hachurés. Malgré cette noirceur parfois pesante, le graphisme se révèle élégant et agréable par son aspect sobre et légèrement naïf. Le fond de l'histoire est intéressant, surtout pour quelqu'un désireux d'avoir un aperçu de la vie dans l'extrême Nord Russe et d'y suivre une artiste indépendante dans un pays qu'on associe davantage à son régime autocratique et à son industrie minière et énergétique. Mais le résultat final m'a paru un peu superficiel et décousu. On survole la réalité de cette vie dans ce port nordique, se contentant essentiellement du compte-rendu des échanges et émotions entre la mère et sa fille. Et quand elle entame pour de bon sa formation artistique, on la voit passer de ville en ville sans jamais donner l'impression de s'y attarder, dans un éternel doute, en recherche d'elle-même, une errance qui apparait au final assez désordonnée dans sa mise en scène. Concrètement, j'ai ressenti un manque de structure et de maîtrise du message que l'autrice voulait transmettre à ses lecteurs. Reste donc un agréable graphisme et un sujet de fond plutôt original, mais pas une BD marquante au final.
Les Péripéties homologuées de Paul et Tom
Oser parler de l'homosexualité avec de l'humour, c'est plutôt rare et un peu casse-gueule. C'est ce que j'ai voulu faire ici, et avec plutôt pas mal de réussite vu les avis des critiques, que ce soit les critiques BD (Actua BD, Babelio, Samba BD,Le bulleur podcast, RTBF, ...) mais également les revues gays (Garçon magazine, Frendly, Jock.life). Cette BD ne se limite pas à parler aux couples homosexuels, mais à tout le monde, car les situations que l'on y retrouve sont communes à tous les couples, hétéros comme homos, il n'y a pas de différence. Aimer, c'est... aimer, quelque soit la constitution du couple. L'album pose des questions simples : dans un couple homos, y en a t-il aussi un qui a les pieds froids ? Ou bien les deux ronflent-ils ? Pourquoi le vendeur de roses qui passe dans les restos ne s'arrête t-il jamais aux tables occupées par deux hommes ? Ce serait sans doute plus rentable que les tables mixtes, non ? A quoi font référence ceux qui demandent à un homo "qui fait la femme" ? Aux tâches ménagères ? Et ainsi de suite. L'idée était de faire une BD sur la vie d'un couple de même sexe, tantôt comique, tantôt ironique, souvent critique sur les préjugés et idées reçues. Les deux personnages principaux sont Paul, dans la quarantaine (des pistes sur son âge seront données dans l'album) et Tom, plus jeune. Cette différence d'âge peut bien sûr être source de nombreux gags et malentendus. On découvrira tout au long de l'album non seulement leur vie de couple, mais également leurs relations avec les autres : amis, famille, collègues, ... Car Paul et Tom ne vivent pas sur une île, ils interagissent avec leur environnement, et, quand ils en ont un, leur entourage professionnel. Enfin, ces deux héros ont une vraie personnalité et que l'on en comprenne les origines. L'album aborde leur passé commun (leur première rencontre, leur premier rendez-vous, leur mariage), mais également, à l'aide d'interviews de proches, leur passé individuel. Jacq, auteur
Bab El-Mandeb
Première lecture que je fais de cet auteur. Attilio Micheluzzi n’a rien à envier à Pratt, je trouve. Son noir et blanc est très élégant et effectivement la couleur de la première édition devait vraiment lui faire perdre beaucoup. L’histoire quant à elle, si elle semble fictive, du moins est-elle bien ancrée et crédible dans cette réalité historique où Mussolini veut sa part du gâteau africain en faisant main basse sur l’Abyssinie. Nos quatre héros se retrouvent donc à devoir convoyer deux automitrailleuses aux forces de la résistance éthiopienne. Tous n’auront pas la même motivation, révolte, dettes de jeux,… mais ils sont bien campés et les personnages féminins ne sont pas en reste. Le récit débute en Egypte, les temps sont troubles, les militaires inquiets, les agents secrets se cachent sous les couvertures les plus respectables. Et on entre peu à peu dans le vif du sujet, quand la guerre éclate et que la violence se déchaîne. J’ai bien aimé la progression de l’histoire avec cette partie en forme de reconstitution des évènements au jour le jour par le biais d’un journal de bord. L’effet d’enquête par le narrateur fonctionne très bien je trouve et donne beaucoup de corps au récit. Un beau dessin, des personnages intéressants, une bonne histoire dans l’Histoire. C’est top pour moi.
Zil Zelub
Guido Buzzelli est vraiment un auteur à part, dont le travail est très reconnaissable, et ne saurait laisser indifférent (j’imagine qu’il est très clivant – même si ce ne sont que de simples suppositions, car il n’y a que très peu d’avis sur ses séries). Le recueil Zil Zelub reprend des histoires créées au début des années 1970. Je ne pense pas que ce soit celui que je recommanderais pour un lecteur découvrant cet auteur, car il est des plus déroutants. En particulier la première histoire, donnant son titre au recueil, la plus longue, qui est pleine de folie plus ou moins douce, mêlant fantastique et loufoquerie, moments de violence et de poésie. Il doit y avoir pas mal de références autobiographiques dans cette histoire. Comme souvent le personnage principal a les traits de l’auteur, et à plusieurs reprises celui-ci, dans ses rêves ou l’évocation de sa jeunesse, fait référence à Buzzelli et son histoire. Mais quel délire que cette intrigue, où nous suivons un violoncelliste dont les parties du corps (tête, jambes, bras) se détachent, deviennent autonomes – un bras se comporte d’ailleurs comme un pervers sexuel !), alors que des sortes de ptérodactyles se baladent en ville. Les trois histoires suivantes, elles aussi empreintes de poésie et de fantastique, sont plus courtes et se laissent un peu plus facilement appréhender. Le dessin est très classique pour cet auteur. Un Noir et Blanc rageur, nerveux, jouant sur des hachures. On a parfois l’impression que ce sont des crayonnés jetés négligemment sur le papier, mais en fait c’est assez élaboré, même si le rendu est très sec. Un album inclassable, sans doute peu avenant – mais j’y ai trouvé mon compte (j’aime bien cet auteur de toute façon). Le principal reproche que j’aurais à lui faire, c’est d’être parfois trop bavard, certaines bulles sont bien trop denses. A découvrir à l’occasion, on a là un auteur qui sort des sentiers battus !
Les Nouveaux Mecs
Ralf König est un auteur que j’aime bien, mais d’habitude je préfère lorsqu’il fait intervenir le personnage de Paul, obsédé sympathique, véritable dynamiteur d’intrigues. Pas de Paul ici, mais ça n’est pas grave, car c’est une lecture très agréable, sympathique, souvent amusante sans être hilarante. Le dessin est habituel pour lui, souvent minimaliste. Mais il arrive à faire passer des émotions, des sentiments, des mimiques très drôles avec un minimum de moyens, König est d’une redoutable efficacité dans ce domaine. Si bien sûr les personnages homosexuels occupent les principaux rôles, ils partagent dans cette série davantage de place avec des personnages hétéros – même si le personnage principal (hétéro, ce qui est rarissime chez König) se pose pas mal de question à ce propos, une rupture amoureuse l’ayant poussé à se remettre en question, et à faire quelques rencontres surprenantes. Comme souvent avec König, on a une lecture détente agréable. Note réelle 3,5/5.