Les derniers avis (25 avis)

Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Brat Pack
Brat Pack

Surexploiter - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il contient les 6 épisodes initialement parus en 1990/1991, écrits, dessinés, encrés et complétés par des lavis de gris par Rick Veitch. Seul le lettrage a été réalisé par Gary Fields. Cette édition de 2019 contient également l'introduction de 2 pages écrite par Neil Gaiman en 1992, les couvertures originales en couleur, un essai de 12 pages écrit par l'auteur en mars 2018 copieusement illustré, et la proposition initiale de 9 pages de texte complétées par des esquisses des principaux personnages et soumise à Piranha Press, une branche adulte de DC Comics. À Slumburg dans l'état de Pennsylvanie, en début de nuit, l'animateur d'une émission de radio prend son premier appel. Un individu à la voix haletante pose une question sur les enfants, il veut parler des enfante, de Chippy, Kid Vicious, Wild Boy et Luna les assistants adolescents des superhéros qui forment l'équipe Black October (Midnight Mink, Moon Mistress, King Rad, Judge Jury), ceux que le public a affublé du sobriquet de Brat Pack. Dans le même temps, la vie poursuit son cours normal dans la grande métropole à l'allure peu accueillante. le présentateur propose alors aux auditeurs d'appeler la radio pour indiquer s'il faut tuer les adolescents du Brat Pack, et par quelle méthode ils souhaiteraient les voir mourir. Celui qui a appelé le supplie de ne pas faire ça. Mais l'animateur lance le sondage et les auditeurs commencent à appeler. Dans la paroisse de Saint Bingham, le père Dunn Berkeley célèbre un baptême, assisté par l'enfant de chœur Cody. Une fois la cérémonie terminée, les parents partent et le prêtre sait qu'ils ne remettront jamais les pieds dans une église. Une fois dans la sacristie, Chippy, l'assistant (sidekick) de Midnight Mink entre par la fenêtre. le père Berkeley demande à Cody de sortir les poubelles pour pouvoir lui parler en privé. Chippy est venu se confesser, et surtout évoquer le comportement inadmissible de son mentor. Cody ne perd pas une miette de la conversation pendant qu'il vide les poubelles. À la radio, le sondage continue et les auditeurs déversent leur haine vis-à-vis de ces adolescents arborant des costumes aux couleurs improbables luttant contre le crime, alors qu'ils devraient être en train d'étudier. En vidant une poubelle dans un caisson, Cody se rend compte qu'il y a une boîte vide de détonateurs. Il est surpris dans sa découverte par Wild Boy sur sa planche flottante qui lui demande s'il ces détonateurs sont à lui tout en descendant une bière. Il lui tient des propos plus ou moins cohérents sur Doctor Blasphemy et repart en se cognant à une palissade, en se ramassant par terre et repartant tout en ouvrant une autre bière. Dans une ruelle un peu plus loin, King Rad est en train d'uriner contre un mur en souffrant. Alors que Cody fait demi-tour, il sent des mains le palper et une voix aguicheuse le rassurer dans l'oreille. Luna est en train d'effectuer une fouille corporelle sur lui, ce qui ne le laisse pas indifférent. Elle lui parle de ses craintes qu'un criminel s'apprête à utiliser des explosifs puissants, et lui demande d'aller dire à Chippy que les autres l'attendent à l'incinérateur. Cody s'exécute sans tarder. La couverture promet une histoire un peu bizarre, à l'évidence focalisée sur les assistants adolescents (sidekicks) des superhéros, avec une dimension réaliste surprenante car il faut se raser les jambes. le lecteur se retrouve très vite déstabilisé par la narration. le procédé de l'émission de radio est assez classique et permet d'introduire le thème de la mort des sidekicks, ainsi que le jugement de l'opinion public sur eux. Dans le même temps, les images montrent des scènes de la vie de la cité : une mégapole avec tout ce que cela suppose de pollution, d'individus se croisant en tout anonymat, de saleté urbaine côtoyant les gratte-ciels rutilants. Cette ville fictive s'appelle Slumburg, mais le lecteur peut identifier 2 ou 3 endroits de New York comme le Flatiron Building et la patinoire du Rockfeller Plazza (avec une autre statue). Les dessins sont en noir & blanc avec des lavis de gris, et des formes de cases irrégulières à des bordures anguleuses. Bien vite, Cody se retrouve face à deux sidekicks au comportement un peu agressif et aux lourds sous-entendus sexuels, que ce soit en parole ou geste, ou dans leur tenue et leur posture. le lecteur éprouve la sensation que l'auteur souille sciemment ses personnages, les montrant dépravés, sans avoir besoin de se montrer graphique. L'apparition de Doctor Blasphemy devant les 4 sidekicks est également répugnante, avec sa tenue moulante, son masque de cuir sadomaso. La fermeture éclair au niveau de la bouche n'est pas horizontale mais verticale, et il en sort une langue à la fois fragile râpant contre les dents de la fermeture, et obscène au-delà de toute description. À l'évidence, il s'agit d'une histoire pour adulte. Une fois son immonde forfait accompli, le Doctor Blasphemy disparaît du récit pendant de nombreuses pages, les superhéros ne se préoccupant pas plus que ça d'essayer de le retrouver. le lecteur fait connaissance avec eux, et découvre des individus abjects. Il suit ensuite le recrutement des nouveaux sidekicks, d'abord dans leur identité civile, puis dans leur phase de formation. À nouveau la narration s'avère avilissante pour les personnages, superhéros comme sidekicks, et par voie de conséquence pour le lecteur. Rick Veitch continue de réaliser des dessins réalistes, détaillés, à la texture palpable. le lecteur peut lire la détresse mêlée de fascination des 4 adolescents, leur admiration horrifiée pour leur mentor qui est aussi leur tortionnaire. Les dessins restent chargés d'une dimension charnelle obscène, sans recourir à la nudité. Les personnages ont des expressions veules et vulgaires, transcrivant un état d'esprit marqué par la souffrance intérieure. Certaines séquences continuent d'être construites sur la base de dialogues, de réflexion ou d'émission de radio, pendant que les dessins montrent des endroits choisis de la ville avec beaucoup de recul, pas au niveau de l'habitant ou de l'usager de la voie publique. le scénario semble de plus en plus délirant, déconnecté d'une intrigue logique, les personnages semblant répondre à des motivations indiscernables. La fin arrive brutalement, à nouveau écœurante, pour une résolution peu satisfaisante. Il est quasiment impossible d'apprécier ce récit haineux au premier degré. L'introduction de Neil Gaiman donne les clefs de compréhension nécessaires. Ce récit est paru pour partie en réaction à la mort de Jason Todd (le deuxième Robin, assistant de Batman), mais aussi à une époque où les créateurs prenaient leur distance par rapport aux superhéros industriels, propriété intellectuelle de Marvel ou DC Comics. le titre annonce d'ailleurs bien le thème : un regard critique et peu amène sur les assistants adolescents. S'il le veut, le lecteur peut établir le rapprochement entre Chippy & Midnight Mink avec Robin & Batman, Wild Boy & King Rad avec Speedy & Green Arrow, Luna & Moon Mistress avec Wonder Girl & Wonder Woman, Jack Cricket & True-Man avec Jimmy Olsen & Superman. Mais Rick Veitch a tellement perverti les caractéristiques des duos originaux qu'il n'en reste plus que le principe d'un superhéros entraînant un adolescent dans ses aventures. le lecteur ne peut pas reconnaître dans les dessins les superhéros bon teint de Marvel ou DC, ni même le principe. Moon Mistress est une jeune femme (27 ans) au corps marqué par les abus, au costume comportant de petites sacoches à la ceinture, chacune contenant un testicule. Il ne s'agit plus d'une perte d'innocence mais d'un basculement dans le sadisme cruel. Alors qu'il progresse dans le récit, le lecteur comprend bien que Rick Veitch règle ses comptes avec l'industrie des superhéros, vomissant sa bile en des dessins organiques et salissant, révulsé par la voracité obscène des éditeurs ayant mis au vote la mort de Jason Todd, uniquement pour augmenter les chiffres de vente, et donc le chiffre d'affaires, assimilant les superhéros aux responsables éditoriaux qui doivent vendre toujours plus de camelote, et tous les moyens sont bons. Il remarque aussi que l'auteur pervertit également quelques symboles religieux, Chippy offrant à ses camarades de boire son sang dans un calice, telle une cène dégénérée. Au fil des pages, il relève également d'autres éléments ajoutant encore au malaise : l'usage de drogues, l'abus d'alcool, le sadisme, la maltraitance, l'absence d'empathie, la pollution, la solitude, l'abus de confiance, la production sans cesse croissante de déchets attestant d'une surconsommation maladive, la déchéance des corps, la pulsion sexuelle hors de contrôle, la propension à la violence, la haine raciale… Ces éléments finissent par donner la nausée mais aussi par donner l'impression que l'auteur en a rajouté tant et plus. Il faut que le lecteur trouve le temps de souffler pour reprendre pied. Ce n'est pas chose aisée car l'artiste fait tout pour le déstabiliser : des formes de cases alambiquées, à une narration éclatée en double page, chacune divisée en 2, chaque quart étant consacré à un sidekick différent. Et toujours, le Docteur Blasphème est en arrière-plan : une menace sourde et mal définie. Trouvant une page moins perverse, le lecteur prend un peu de recul et fait le constat d'une véritable haine, ou peut-être de l'expression d'une souffrance terrible. Évidemment, Rick Veitch se livre à une analyse critique du principe même d'assistant adolescent, c'est-à-dire de la mise en danger d'un mineur pour lutter contre le crime qui n'existe peut-être même pas. L'auteur a pris le parti de sortir de la sphère infantile pour attaquer de front le concept, mais plus en fait son exploitation par les responsables éditoriaux pour en tirer plus d'argent. C'est une charge contre la politique d'adultes qui veulent vendre plus, sans se préoccuper de l'impact sur la psyché de leur lectorat d'enfants, sans considération aucune pour les personnages qui ne sont que des moyens pour produire, une critique analytique d'un système de production dont la raison d'être d'une entreprise est de dégager des bénéfices croissants. Mais quand même… L'intensité du malaise que génère ce récit n'est pas juste générée par cette charge contre l'hypocrisie d'une industrie de divertissement qui prêche une certaine forme de morale, tout en pratiquant un capitalisme sans morale. Une fois l'histoire terminée, le lecteur commence la postface de Rick Veitch pour voir. Ce dernier évoque son parcours professionnel, le contexte de la conception et de la parution des 5 épisodes qui constituent cette histoire. C'est une plongée passionnante dans le marché des comics de l'époque, de son évolution, de la maison d'édition Tundra fondée par Kevin Eastman, des créateurs ayant décidé de s'auto-éditer. Au détour d'une phrase, c'est aussi la terrible confirmation que derrière la déconstruction du sidekick, derrière l'écœurement généré par les pratiques éditoriales, c'est aussi un malaise viscérale relatif à la maltraitance exercée contre les enfants et les adolescents, par des adultes. Le lecteur ne ressort pas indemne de ce récit noir, violent et obscène. Rick Veitch a composé une histoire déroutante, viscérale, malsaine et percutante. Elle a du mal à faire sens prise comme un récit de superhéros. Elle devient plus claire en tant que déconstruction du concept de sidekick. Elle devient évidente, étouffante et quasi insoutenable en tant que mise en scène du comportement abject de la maltraitance des mineurs.

17/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Bowie
Bowie

Changer - Ce tome constitue une biographie partielle de David Bowie, se suffisant à elle-même et accessible à tous les lecteurs, néophytes comme fans confirmés. Il s'agit d'une bande dessinée d'environ 150 pages, en couleurs, coécrite par Michael Allred & Steve Horton, dessinée et encrée par Michael Allred, et mise en couleurs par Laura Allred. L'ouvrage s'ouvre avec une page d'introduction écrite par Neil Gaiman, évoquant sa découverte de l'univers de Bowie ayant été accroché par les récits de science-fiction racontés par les paroles de ses chansons, depuis The man who sold the world (1970) à Ziggy Stardust (1972). Puis il évoque sa rencontre avec Michael Allred en 1983 lors d'une séance de dédicace à Forbidden Planet (Londres), et leur collaboration pour l'épisode 54 de la série Sandman en 1993. En fin de tome se trouve une postface de 2 pages de Michael Allred évoquant la genèse et le développement de cette bande dessinée et sa collaboration avec Horton, ainsi qu'une page de remerciements, et une demi-douzaine d'illustrations en pleine page. 3 juillet 1973, David Jones se produit à l'Hammersmith Odeon à Londres, en Angleterre, avec les Spiders from Mars, pour le dernier concert de leur tournée, et la fin de Ziggy Stardust. En 1962, David Bowie s'est disputé avec George Underwood à propos d'une fille et la bagarre occasionne un dommage à sa pupille gauche qui restera dilatée toute sa vie. Au cours des années 1960, il fait partie d'une douzaine de groupes différents, et il apprend l'art du mime avec Lindsay Kemp, ce qui lui sert également d'introduction à l'avant-garde et la Commedia Dell'Arte. Assis à une terrasse de café, il écoute avec Marc Bolan, Steve Marriott annoncer la formation d'un groupe appelé Small Faces. Un peu plus tard, Ken Pitt, le manager de David, lui conseille de changer de nom pour ne pas être confondu avec un personnage de la série télé The Monkees. David se décide pour le patronyme Bowie, non pas comme le couteau, mais comme un autre personnage télé. En 1967, il est allé voir Cream en concert avec Eric Clapton, accompagné par son demi-frère Terry Burns. Ce dernier a une crise de démence en pleine rue, ce qui inquiète David quant au risque que lui-même finisse par en souffrir. Un peu plus tard, Ken Pitt fait écouter un pressage test de l'album The Velet Underground & Nico, cadeau que lui a fait Andy Warhol lors de sa visite de son atelier The Factory à New York. En 1967, sortent de nombreux albums pop et rock, de Bob Dylan aux Beatles, en passant par Pink Floyd, autant d'influences et de sources d'inspiration. le premier album e Bowie sort en même temps que Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, mais il ne connaît pas le même succès. Kenneth Pitt lui présente un nouveau producteur : Tony Visconti. Ils sympathisent au cours de la journée. Bowie emménage dans la maison de Pitt, et entame une petite carrière d'acteur, dont un tournage de publicité avec un jeune Ridley Scott. le 4 septembre 1963, The Tortoise, le groupe dont il fait partie, se produit au Roundhouse à Londres : parmi les spectateurs se trouve Mary Angela Barnett, sa future épouse. Régulièrement, il se rend dans les échoppes de Kensington Market où travaille, entre autres, un dénommé Farrokh Bulsara. Ken Pitt a réussi à réunir un budget pour tourner un film promotionnel pour l'album de Bowie. Lors du tournage, il fait la connaissance de Hermione Farthingale avec qui il fait plus que sympathiser, mais elle finit par tomber dans les bras d'un autre acteur. Dans ce film, il joue les rôles des personnages Ground Control et Major Tom. Ce film rend hommage à 2001 l'odyssée de l'espace (1968) de Stanley Kubrick, et à Barbarella (1968) de Roger Vadim. Rien qu'en lisant le sous-titre (Stardust, rayguns & Moonage dayrdreams), le lecteur sait que les auteurs s'adressent au moins aux connaisseurs : Stardust comme Ziggy, Rayguns et Moonage Daydreams, constituant une expression et le titre d'une chanson de l'album Ziggy Stardust. Effectivement, les références sont pointues et précises, nombreuses et pertinentes, à la fois relatives à la biographie de David Bowie, à la fois relatives aux artistes de l'époque. du coup, cet ouvrage parle forcément plus à des lecteurs un peu familiers de l'univers de la musique pop & rock de l'époque, qu'à des néophytes qui pourraient être rebutés par ces noms de célébrités, parfois confinées à cette époque, parfois à la notoriété ayant survécu au passage des décennies. D'un autre côté, ces mêmes lecteurs peuvent aussi apprécier cette forme de découverte, d'ouverture sur toute une époque. Celle-ci est clairement définie : de 1962, en avançant rapidement jusqu'en 1970, jusqu'en 1974 pour la sortie de Diamond Dogs en 1974, c'est-à-dire la retraite définitive du Personnage de Ziggy Stardust. de même le ton de la biographie est clair dès le début : un croisement entre une hagiographie et la mise en œuvre d'un destin déjà avéré, c'est-à-dire presque une justification à rebours, le passé étant revu à l'aune de la carrière à venir de l'artiste. Là encore, le ressenti du lecteur peut varier entre agacement d'une admiration sans critique, ou plaisir de cet enthousiasme communicatif. En outre, le ton de la narration s'apparente plus à une forme de respect et même d'admiration pour David Bowie, au travers de ses accomplissements, qu'à une adoration idolâtre. À l'évidence, il s'agit d'un chanteur pop dont la carrière s'est étendue sur plus de quatre décennies, avec un succès impressionnant, des prises de risque, une vie qui force l'admiration quelle que soit son appréciation pour sa musique. En fait, le lecteur peut aussi prendre le ton de l'ouvrage pour du respect tout simplement, sans y voir une sorte de révérence aveugle. Sous réserve qu'il soit curieux de la vie de l'artiste ou qu'il ait un peu d'appétence pour la scène musicale de l'époque, le lecteur se retrouve vite emporté dans cette biographie. Il se sent à la fois en terrain connu avec les références qu'il identifie comme les pochettes d'albums de l'époque, à la fois comme guidé par un passeur attentionné vers des détails, des correspondances qu'il ne connaissait pas, qu'il ne soupçonnait pas. Il peut aussi s'interroger sur la volonté des auteurs de rapprocher des événements qui ne présentent pas de lien de causalité, pour donner un sens à leur association sur la page. Par exemple, le fait que David Bowie achetait des vêtements à Kensington Market alors que le futur Freddie Mercury y travaillait peut paraître forcer la dose juste pour établir un lien qui n'existe que dans la tête des auteurs. D'un autre côté, cette mise en avant d'une synchronicité peut aussi se lire juste comme une façon de faire ressortir la concomitance de l'émergence de plusieurs talents remarquables, l'esprit d'une époque favorable à ces artistes aventureux. Sous réserve qu'il ne se formalise pas de ces 2 particularités de la narration, le lecteur ressent tout l'amour que les auteurs portent à David Bowie, et se sent lui aussi vite gagné par une partie de cet enthousiasme, et de ce respect. Il découvre la vie singulière d'un artiste allant de l'avant, aimant la vie, la popularité, créateur original et infatigable. Il se rend compte que Horton & Allred ont pris le parti de mettre en avant les éléments positifs de la vie de David Bowie, n'occultant pas les scandales et les turpitudes, mais préférant se montrer constructifs, ce qui offre une vision très inhabituelle par comparaison avec les biographes préférant utiliser les éléments négatifs pour être sûrs de retenir l'attention du lecteur. Par voie de conséquence, cette approche ne permet pas de prise de recul, et ne contient pas d'analyse critique constructive ou non sur l'œuvre de l'artiste. Il y a la mise en avant de quelques liens de cause à effet sur telle ou telle évolution de la carrière, telle idée créatrice. Pour autant, la lecture s'avère passionnante de bout en bout, même pour un amateur superficiel de David Bowie. Michael Allred est avant tout connu pour sa carrière d'artiste de comics comme Madman, X-Statix (avec Peter Milligan), iZombie (avec Chris Roberson), FF (avec Matt Fraction), Silver Surfer (avec Dan Slott) et beaucoup d'autres. Ses dessins sont souvent qualifiés de pop un peu naïfs, avec des couleurs acidulées, et une sensibilité rétro, autant de qualité parfaitement en phase avec une évocation d'un géant de la pop du début des années 1970. À la lecture, la première chose qui saute aux yeux est la capacité de l'artiste de capturer la ressemblance avec les personnes ayant vraiment existé : David Bowie bien sûr, Iggy Pop, Lou Reed, Elvis Presley, Elton John et tant d'autres. D'ailleurs, ça se transforme vite en jeu pour le connaisseur d'identifier tel ou tel visage d'un artiste qui n'est pas nommé dans les bulles ou les cartouches. En outre, il ne se contente pas de visages ressemblants, il sait aussi reproduire les postures, les attitudes avec fidélité et justesse. de la même manière, les pochettes d'album, les costumes de scène sont reproduits avec fidélité et exactitude, Allred réalisant des dessins dans un registre plus descriptif qu'à son habitude. Ses représentations des instruments de musique, des scènes, des bâtiments sont tout aussi consistantes et précises, offrant une reconstitution historique de cette époque, de ces modes, très consistante et précise. Très vite, qu'il en soit familier ou non, le lecteur se projette dans ces lieux, aux côtés de ces personnes très vivantes, très justes. Il est impressionné par la densité de détails, attestant de recherches extensives, et d'un grand amour pour leur sujet. Dans les faits, les bandes dessinées sur un musicien pop ou rock buttent vite sur la difficulté de transcrire les vibrations de la musique sur une page de papier. Au fur et à mesure des séquences, le lecteur se retrouve à fredonner les chansons des albums évoqués, s'il les connaît, tellement les auteurs parviennent à restituer avec justesse la personnalité publique de David Bowie, au travers de son parcours personnel et de sa vie privée. Les dessins sont d'une justesse surnaturelle, fidèle et vivante, sans être figée. Une bande dessinée qui réussit le pari de donner l'impression d'être en train d'écouter les albums en lisant simplement les pages.

17/04/2024 (modifier)
Couverture de la série L'Ile panorama
L'Ile panorama

Je ne connais pas le roman d'origine, mais le nom de Maruo m'a convaincu de me lancer dans cette lecture. L'histoire m'a un peu laissé sur ma faim. Pas forcément très originale dans sa partie polar (une usurpation d'identité), elle souffre de quelques facilités pas assez crédibles : justement la façon dont cette usurpation d'identité passe auprès dès proches (l'usurpateur est certes un sosie de sa "victime ", mais son comportement et ses goûts sont très différents). Ensuite le "parc d'attractions", cette " île panorama " est hautement improbable, même s'il y a dans cette idée mégalomane une folie poétique intéressante. C'est sûrement cet aspect de l'œuvre qui a dû attirer Maruo. Car, même si sur une bonne partie du récit je ne retrouvais pas l'univers habituel de Maruo, c'est davantage le cas dans le dernier tiers, avec ces artistes de cirque, et ces scènes d'orgie sexuelles moins grand public. Le dessin est toujours aussi bon et agréable, avec un trait fin que j'aime bien. Note réelle 2,5/5.

17/04/2024 (modifier)
Par pol
Note: 3/5
Couverture de la série Je suis Charrette - Vie d'architecte
Je suis Charrette - Vie d'architecte

L'auteur de cet album est architecte et l'histoire racontée dans ce livre s'inspire pleinement de sa propre expérience. Enzo tout juste diplômé intègre en stage une prestigieuse agence parisienne. Au travers des quelques mois qu'il va passer à travailler sur le projet du musée d'art contemporain de Shangaï nous allons découvrir le quotidien d'un jeune architecte. Et autant dire que ce qu'il va nous raconter ne fait pas envie, en tout cas ça parait bien loin d'un métier de rêve. L'enthousiasme du premier jour d'embauche disparait bien vite, pour laisser la place à un univers sous pression, entre exploitation et harcèlement. Bien loin du job de rêve. On a presque du mal à y croire tant ça parait fort et les personnages clichés. Le petit chefaillon qui traite ses collègues comme des moins que rien, qui donne des ordres, qui impose son point de vue est un personnage totalement détestable. On a du mal à croire que notre jeune stagiaire n'ai pas envie de jeter l'éponge au bout d'une semaine. Pourquoi accepter un tel traitement ? Comment est ce possible que personne n'ait encore envoyé balader un tel bonhomme ? Comment est possible qu'un jeune embauché passe autant de nuits à bosser, avec des responsabilités, alors qu'il est débutant complet ? Je ne sais pas à quel point c'est autobiographique et quelle est la part de fiction, mais en tout cas l'ambiance au sein de l'agence ne fait pas envie. Et du coup malheureusement cet aspect prend un peu trop de place dans le récit. L'auteur retranscrit sans doute des souffrances vécues, mais ça aurait été tellement plus chouette de nous faire rêver un peu avec la dimension créative que nécessite un projet comme la création d'un musée. D'ailleurs graphiquement il y a au début une planche très sympa qui intègre un plan de bâtiment à la mise en page. Mais malheureusement on ne retrouvera ce genre d'astuce qu'une fois ou deux, avec des plans de coupe intégrés aux cases de la BD. C'est typiquement le genre d'album où on pouvait espérer une mise en page et un découpage original. Mais cela reste assez sage et conventionnel. Au final c'est interessant de découvrir l'intérieur d'une agence d'architecture mais le climat malsain qui règne dans celle-ci est un peu trop présent et un peu trop oppressant pour m'enthousiasmer pleinement.

17/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Musée
Musée

Après Yellow Cab qui m’avait moyennement enthousiasmé, Musée est mon 2ème Chabouté. Et bien je dois dire que c’est une très bonne pioche. Pourtant qu’est-ce que j’ai pesté durant les premières dizaines de pages, elles sont muettes et ils ne s’y passent pas grands choses. On a des zooms sur les chalands, les œuvres, le musée … c’est bien foutu graphiquement et narrativement mais je m’interrogeais vraiment de l’intérêt, je me suis tout de suite dis que ça n’allait pas être pour moi, un truc trop abscons et à la gloire du musée. Je trouvais déjà le sujet/la commande très casse gueule. Merci M. Chabouté de m’avoir prouvé, par la suite, que j’avais tort. Dès que les dialogues ont commencé à apparaître, j’ai commencé à accrocher. Alors attention il n’y a pas proprement d’histoire dans ce tome, c’est plus comme un ensemble de saynètes qui tourne autour d’œuvres phares du musée. En ça, le cahier des charges est rempli mais l’auteur le magnifie je trouve. Il y insuffle une belle magie (et c’est autre chose que le film La nuit au musée), en fait le début n’était là que pour placer l’ambiance, j’ai refermé l’album conquis. A travers ses différents instantanés, l’auteur développe tout un panel d’émotions, tantôt drôles (la quête d’Hercule, la prise de bec récurrente entre une statue et un tableau …), tantôt vraiment touchantes (le promeneur avec son chien, la petite fille et son papy …), une belle poésie s’en dégage. J’ai finalement été emporté dans ce petit monde grâce au ton juste et intelligent. Je tire mon chapeau à l’auteur, je ne vois pas comment il aurait pu mieux réussir l’exercice. Je n’ai encore jamais fait ce musée, contrairement à d’autres de la capitale, mais le jour J j’aurai cet album en tête.

17/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Rose & les tatoués
Rose & les tatoués

La collection lépidoptère impose un petit format avec un nombre de pages limité (ici 30). Evidemment il peut en résulter un petit diamant comme le chat botté de Nancy Peña qui concentre à la fois ses qualités narratives, littéraires, graphique et d'humour. Malheureusement la brièveté de l'exercice rend souvent un travail assez superficiel dans un ou plusieurs de ces domaines. C'est le cas de la série de Nicolas Moog qui n'est pourtant pas dénuée de qualités. J'ai aimé la fluidité et la vivacité du récit même si l'auteur aborde plusieurs thématiques de façon superficielle. Moog réussit bien à décrire une ambiance de musicos ambulants qu'il affectionne particulièrement. Par ailleurs l'histoire de rose est assez commune et les amateurs de tatouages risquent d'être déçus. Le graphisme m'a paru minimaliste avec un minimum de décors. Malgré cela les expressions sont sympas et les différents personnages attachants. Le trait souple reste agréable. Un petit ouvrage qui se lit en dix minutes aussi léger qu'un papillon. Difficile à noter, un 3 tout léger.

17/04/2024 (modifier)
Couverture de la série La Saga de Grimr
La Saga de Grimr

C'est avec un œil vierge que j'ai lu cette œuvre de Jérémie Moreau. En effet je ne connaissais pas son prix angoumois et je n'avais ni lu ni entendu aucune appréciation de cette série. Ma première surprise fut que Moreau situe sa série en Islande. Le terme de Saga aurait du me mettre la puce à l'oreille mais le terme a été tellement galvaudé que j'apprécie la volonté de l'auteur de le replacer dans son origine. Jérémie Moreau restitue avec justesse l'ambiance de ce petit pays au climat rude quasi désertique sur une grande partie de sa superficie où la terre cultivable est rare et précieuse. Dans un tel contexte, amplifié par les taxes dues au colonisateur chacun pense à sa survie. Ainsi l'individu (homme ou femme) isolé n'est rien ou alors un perturbateur individualiste de la structure fondée sur la renommée de la famille. Moreau propose une fine compréhension de cet état assez éloigné de notre droit individuel contemporain. J'ai apprécié que Moreau ne se perde pas dans une interprétation trop moderne de son personnage en en faisant un révolutionnaire à la mode de notre siècle. Grimr n'utilise pas principalement sa force contre l'ordre social établi mais surtout contre l'ordre naturel établi. Sa prouesse n'est pas de se révolter contre le royaume du Danemark ou son représentant mais de se révolter contre la fatalité tellurique de son pays et donc de sa propre fatalité finale. Grimr n'est pas vraiment orphelin car il est fils de l'Islande, il a ce pays dans ses entrailles dit-il. Il crée ainsi bien une filiation qui mérite une Saga. L'Islande est terre de feu et de glace. C'est ce que cherche à faire sentir le graphisme de l'auteur à travers des aquarelles aux tons si divers. Il y a bien sur les rouges d'une éruption volcanique qui invite à la folie des hommes et de la terre. Cette palette rentre directement en conflit avec les tons gris de la froidure du pays. L'ambiance est sombre même pour les temps de fêtes. Dans ce climat l'auteur installe immédiatement les drames à venir. Le graphisme et le récit vont de paire dans un constant esprit d'équilibre. Une belle lecture exigeante et originale qui mérite de s'y arrêter.

17/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Le Phare
Le Phare

La série de Paco Roca est agréable à lire . Si Roca habille son jeune héros avec l'uniforme de l'armée républicaine espagnole vaincue, il n'oublie pas les zones d'ombre que Franscisco garde dans ses souvenirs. Le final rééquilibre une vision assez pertinente d'une guerre fratricide "absurde"(p16). Roca n'insiste pas sur ce point pour donner des bons ou des mauvais points qui ont été donnés par d'autres depuis longtemps. C'est le personnage de Telmo qui porte le récit sur des thématiques assez convenues( la liberté, le rêve, la transmission père/fils) mais joliment exploitées avec beaucoup de tendresse. Le graphisme est simple mais bien travaillé dans les expressions des deux personnages. C'est surtout à travers le graphisme que Roca fait percevoir l'évolution de Francisco qui passe d'une rigidité de pantin à une souplesse d'homme libre. Paco Roca apporte beaucoup de soins à la représentation des décors extérieurs et surtout aux mouvements d'humeur de la Méditerranée. Cela crée une très belle ambiance bien particulière entre un quasi huis clos dans un horizon infini. Une belle lecture pleine de belles valeurs. 3.5

17/04/2024 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
Couverture de la série L'Île du Crâne
L'Île du Crâne

Cette BD est l'adaptation d'un roman jeunesse dont la trame de base rappelle beaucoup Harry Potter mais en transformant son contexte en une ambiance angoissante et mystérieuse... et ayant été écrite avant l'oeuvre de JK Rowling, soit dit en passant. Maltraité dans sa famille, le jeune David reçoit un jour une lettre lui proposant d'intégrer un collège très spécial. Embarquant à bord du train qui l'y mène, il va faire la connaissance de ses deux nouveaux amis, un garçon et une fille qui vont être dans sa classe. Et une fois arrivé sur place, ils découvrent un lycée où règne une ambiance magique, avec des professeurs visiblement vampires, loups-garous et autres momies. Mais contrairement à l'ambiance enchantée de Harry Potter, ici tout est bien plus sombre et angoissant, et les trois collégiens vont devoir faire une alliance, eux contre le collège, pour se protéger et s'enfuir en cas de besoin. Sauf que les choses ne sont pas comme ils l'imaginaient... Malgré les très fortes similitudes avec l'oeuvre de JK Rowling, j'ai plutôt apprécié cette BD et son ambiance plus originale, celle de ces récits d'angoisse où le héros est enfermé dans le pensionnat d'une école trop spéciale qui lui cache bien des mystères. Le graphisme est charmant avec une jolie personnalité et certaines planches très esthétiques, dans un esprit se rapprochant des illustrations pour la jeunesse. L'histoire m'a bien plu sur les deux tiers de l'album, tant que règne le mystère et le suspens. Plus la fin s'approche, plus les choses se simplifient toutefois et j'ai trouvé la conclusion du premier tome un peu facile et trop gentille. Je m'attendais à quelque chose d'un peu moins enfantin. Mais j'ai quand même bien aimé et je suis curieux de lire la suite s'il y en a une.

17/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Avengers - X-Sanction
Avengers - X-Sanction

Je vais pas dire que c’est nul cette série mais on n’en est pas loin, franchement passez votre chemin. Une histoire anecdotique et qui meuble entre 2 cross-over de l’univers. Cet album fait suite aux événements aperçus dans la Trilogie du Messie (qui lui même faisait suite à House of M) et prépare le terrain pour Avengers Vs X-Men. Pour ceux qui sont perdus, un rapide rappel, les mutants ont été décimés par la sorcière rouge (House of M), puis un messie est apparu en la personne de Hope (seule naissance mutante depuis HoM), cette dernière fera l’objet de nombreuses convoitises et entraînera de nombreuses aventures à suivre dans Le complexe/La guerre/ et Le retour du Messie. Ces arcs sont plutôt sympas à suivre, surtout la partie où Câble, poursuivi par Bishop, emmène le bébé mutant dans le futur pour la protéger, ils y vivront de nombreuses années et reviennent enfin dans le présent quand Hope est devenue grande. Durant leurs voyages temporels, une relation particulière père/fille s’est nouée entre Cable et Hope, cette dernière trouvant son paroxysme dans la conclusion de la saga où Cable se sacrifie pour sauver Hope. Du bon spectacle avec petit moment d’émotion à la fin, je dis bien ouej. Le présent album vient tout foutre en l’air. On ressuscite Cable de manière artificielle et on lui confie une mission à la con, ce dernier veut éliminer les Avengers car ils s’en prendraient à Hope dans le futur. Évidemment il échouera, bah oui plus d’Avengers, égale plus de série et donc plus de vente ^^. Vous l’aurez compris, je ne suis absolument pas convaincu par le scénario, j’ai connu Loeb plus inspiré. L’album est relativement court et n’existe que pour montrer différents affrontements entre Cable et certains des Avengers, il leur met d’ailleurs bien la pâtée avant l’intervention d’une certaine messie qui calmera le jeu, avec une morale du genre rien n’est écrit, laisse les tranquilles. Mmm la perte de temps ce tome, en plus le dessinateur n’impressionne pas des masses. A oublier, ça tourne en rond.

17/04/2024 (modifier)