Cyril Bonin continue d'explorer son style de prédilection, à savoir les histoires intimistes, sur la vie de gens ordinaires et souvent invisibles, dont on ne se rappelle pas. Ici, l'histoire sera sur un personnage qui va littéralement disparaitre du monde, devenant une sorte de fantôme puisqu'il n'existe presque plus dans la vie.
En lisant la BD, j'ai repensé très fort à la BD Les Petites Distances de Véro Cazot qui a un sujet presque identique, à savoir un homme qui perd substance et va explorer autour de lui, tombant sur une femme spéciale. Mais la ressemblance de surface s'arrête vite, notamment parce que les deux BD ont des développements bien distincts. Et en refermant la BD, j'ai eu l'impression que le développement de celle-ci était franchement limitée. Le nombre de page restreint m'a vite fait craindre que la BD se terminerait trop tôt et c'est mon impression finale. Il manque clairement quelques ajouts au volume, peut-être une conclusion plus forte mais aussi, je trouve, quelque chose qui justifie le discours final du protagoniste qui sort un peu étrangement puisque je ne vois pas d'où lui vient cette prise de conscience soudaine.
En fait la BD me semble à la fois trop rapide dans son exécution mais aussi très lente à se mettre en place. En comparant à d'autres lectures du même sujets, je trouve qu'il manque ici quelque chose de plus, un commentaire sur le monde ou ses personnages, ce que ça dirait de nous. Ici la BD est trop rapide dans son final et ne m'a pas laissée grande impression. Il est plus que probable que j'en oublie les grandes lignes d'ici quelques mois.
Reste le dessin de l'auteur, toujours appréciable et qui colle au récit. Ça donne une atmosphère intimiste, quelque chose qui s'intéresse aux personnages et à leurs émotions. Je l'aime toujours autant, ce n'est clairement pas un souci lors de la lecture.
Une BD oubliable bien que pas mauvaise. Dommage, j'aurais aimé plus.
Une BD que j'ai pas aimé, tout comme Bamiléké et Josq, et je soutiens leurs arguments au deux.
Déjà, la BD s'ouvre sur le cliché éculé de l'obscurantisme du Moyen-Âge repoussé par les lumières de la Renaissance. Si l'auteur y croit, je suis désolé pour lui mais il faut se mettre à la page. Ensuite, le cliché de la religion toute puissante refusant le partage de son pouvoir envers un peuple maintenu volontairement dans l'ignorance tandis que les rois pourraient les aider, c'est presque un contre-sens historique qui serait risible s'il n'était pas si présent. Le contexte de l'apparition du protestantisme est intéressant, mais malheureusement je l'ai étudié et ce qu'on en dit ici est ... faux. C'est même dommage de ne pas présenter réellement le contexte, les revendications et la question que soulevait la Réforme (et les débats autour).
D'autre part, la BD est portée par un cliché de monsieur bad-ass qui casse des gueules même après avoir arrêté pendant des années d'exercer, blessé dix fois mais toujours relevé alors que l'époque ne connait ni les désinfectants ni les antibiotiques, où l'on condamne au bûcher à tour de bras sans jamais avoir de procès équitable (ben oui, c'est le Moyen-Âge obscurantiste, on a dit), le tout dans des combats à un contre quatre gagnés parce que monsieur trop fort qui tape tout et gagne à la fin. J'en ai marre de ce cliché de l'ancien héros qui revient pour un baroud d'honneur parce qu'on l'a pris par les sentiments.
Bref, niveau historique j'aime pas, niveau histoire c'est des clichés véhiculés partout qui m’écœurent aujourd'hui. C'est une histoire de mecs, pour des mecs, avec des mecs. Aucune sensibilité, aucune originalité, rien de notable. Ça se lit aussi vite que ça s'oublie et ça manipule l'Histoire pour un propos contemporain bien loin des réalités de l'époque, le tout dans une histoire cliché de baston à répétition.
Ma note est surtout justifiée par le dessin qui envoie, il faut dire, et colle très bien au récit. On sent les forêts jurassiennes et ça se caille les meules, on est vite imprégné de l'atmosphère. J'ai beaucoup apprécié son atmosphère, c'est un très bon point au dessinateur !
Mouais. Je n’ai pas été convaincu, tout du moins captivé par cet album.
Je connaissais à peine la personne de Georges de Caunes, un peu plus celle d’Antoine de Caunes, mais c’est au hasard et sans en attendre spécialement grand-chose que j’ai emprunté cet album. Un album très épais, que j’ai traversé sans enthousiasme, et en m’ennuyant à plusieurs reprises. C’est avant tout grâce au dessin et aux couleurs de Xavier Coste (un trait simple, efficace et lumineux) que j’ai fini cette lecture.
Car cette Robinsonnade moderne – et quand même médiatique, m’a laissé de côté. Surtout que l’aspect sans doute le plus intéressant de cet album, à savoir le dialogue entretenu à distance (géographique et temporelle) entre Antoine de Caunes et son père, a peiné me concernant à dépasser le cadre affectif familial. Si je conçois qu’Antoine de Caunes y a trouvé de quoi poursuivre ou clore un chapitre important de sa vie – voire soigner quelques blessures, ça ne m’a pas touché en tant que lecteur extérieur, le plaisir de lecture n’étant pas suffisamment au rendez-vous sur la durée, malgré quelques passages quand même intéressants.
Sans doute n’était-ce pas ma came.
Note réelle 2,5/5.
Je n’avais pas trop accroché au dessin d’Emilie Gleason sur Ebouriffant.e.s, mais je dois dire que son style – très particulier – passe beaucoup mieux ici (même si je conçois qu’il puisse être clivant). En effet, ce style « élastique », ainsi qu’une colorisation tranchée et pétante, conviennent assez bien au ton du récit, et au personnage principal, Ted, un autiste fortement inspiré par le propre frère de l’auteure.
Après un temps d’adaptation – au dessin et à l’histoire, mais aussi au personnage même de Ted – on entre de plain-pied dans un monde particulier, à la fois parallèle et ancré dans le nôtre, celui d’un autiste, aux réactions parfois surprenantes.
La narration est un peu fouillis, mais on s’attache aisément à Ted – et la surprise brutale de la fin nous prend un peu au dépourvu.
En tout cas c’est une lecture plutôt sympathique.
Globalement, je suis du même avis que Canarde, sans compter qu'à moi aussi, L'odeur du fer a rappelé bien des références dont Christopher Hittinger et Joe Daly (Dungeon Quest) sont les principales. Mais le charme de cette BD a su produire chez moi un effet narcotique certain. Même ses défauts m'ont séduit, c'est dire...
Tout d'abord, il y a l'édition en elle-même : le format est agréable, tout comme cet effet Grip quand on l'empoigne. M'est avis que ça ne doit pas être super écolo, mais bon, si on compare l'industrie BD à celle de la bagnole, y a point photo !
La couverture est très chouette : effet métallique du titre légèrement gaufré, couleurs chatoyantes.
Et bien entendu, c'est le dessin la raison principale de ma satisfaction. Il est franchement plein de finesse. Le mélange des genres ne m'a absolument pas perturbé, bien au contraire. J'ai trouvé ça vraiment original, ce qui m'a d'ailleurs rappelé une autre BD : Les derniers jours d'un immortel. Oui, ce dessin est plein de charmes avec son petit côté indé : finesse des traits je le disais, mais aussi justesse des pause, expressions des visages dont les formes sont quelquefois à la limite de l'abstraction, détails des paysages ou des contextes urbains, quand il faut, où il faut, sans écraser les cases, juste ce qu'il faut pour générer une ambiance forte... Bref : c'est frais comme un gardon.
Le scénario est bien et dit quelque chose de notre époque, surtout dans sa conclusion (mais chuuuuutttt). On pourra aisément formuler des griefs concernant les situations qui se dénouent parfois trop rapidement (la rencontre avec le mage), ou bien contre certains événements peu voire pas expliqués du tout, au risque de rendre l'histoire un brin opaque (on ne saura pas grand chose du réveil du fameux démon...). Mais c'est aussi ce qui fait la force de cette histoire : on est avec les protagonistes, on suit leurs aventures qui percutent parfois les événements (la "Grande Histoire" dirait-on d'une BD historique), mais les personnages s'efforcent de tracer leur propre chemin (ce qui est une philosophie de vie à laquelle je suis très sensible).
Enfin, j'aime les personnages Ambre et Elaine, originaux à souhait. J'aime les questionnements d'Elaine, questionnements qui la conduiront à suivre sa route.
Un coup de cœur n'est pas parfait, mais il sait toucher une part intime en soi. Alors oui, je crois pouvoir dire que L'odeur du fer est un coup de cœur.
Un esprit trop subtil et acéré, plus enclin à la diplomatie qu'à la guerre
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Cet ouvrage constitue une biographie de Louis XI. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Makyo (Pierre Fournier) & Jean-Édouard Grésy pour le scénario, dessiné par Francesco de Stena, avec une mise en couleurs réalisée par Marco Ferraccioni pour la première moitié, et par Degreff pour la seconde. Il se termine avec une postface d’une page rédigée par Joël Blanchard, professeur émérite à l’université du Mans. Il comporte cent-huit pages de bande dessinée.
Mars 1476, au château de Plessis-lèz-Tours, des troubadours chantent pour le roi Louis XI, attablé avec une douzaine de convives autour d’une table disposée en U. Un conseiller vient lui donner une information à l’oreille. Il se lève et se rend dans la pièce attenante. Il demande à Doriole de lui délivrer les nouvelles. Ce dernier explique qu’après un mois de siège, il a l’honneur de lui remettre les termes de la reddition du duc de Nemours, obtenu par Pierre de Beaujeu, le gendre du roi. Le souverain répond qu’il pensait que son interlocuteur lui avait dit que la forteresse de Carlat était imprenable. Il rappelle les mots mêmes de Doriole : un éperon rocheux doté d’une considérable artillerie. Le rapporteur explique que la réserve de poudre était faible et le duc était à court de vivres, avec près de quatre cents bouches à nourrir. Il doit cependant annoncer également la triste nouvelle du décès de sa femme, morte en couches durant le siège. La mort de la filleule du roi fait perdre au duc la seule personne qui pouvait encore intercéder en sa faveur. Doriole veut faire accusation de lèse-majesté à Nemours, ce qui signifiera la peine de mort par décapitation pour lui.
Louis XI répond que non : quand les rois n’ont point égard à la loi, ils ôtent au peuple ce qu’ils doivent lui laisser, ce faisant ils rendent leur peuple esclave et perdent le nom de roi. Le souverain veut que Doriole mène l’instruction avec subtilité et respect pour le rang du duc. Pierre de Beaujeu présidera ensuite à son procès. Louis XI veut comprendre pourquoi le monde se dérobe incontinent à qui trop se fie. Jacques d’Armagnac fut à ses côtés comme son plus fidèle compagnon lors de son sacre et de son entrée solennelle dans Paris, pourquoi l’a-t-il trahi ? Il en avait fait son cousin avec le mariage de sa filleule. Il l’a investi du duché de Nemours et nommé pair de France, pourquoi l’a-t-il trahi ? Il l’a connu enfant, Jacques était l’ami de Louis, son initiateur au jeu d’échecs, il fut même son favori. Doriole estime que cette parenté si proche, le souvenir d’une jeunesse passée dans l’intimité familiale auraient dû créer des liens indéfectibles. Il ajoute que le duc de Nemours ne veut pas répondre de ces accusations, car il récuse la compétence du parlement pour le juger du fait de ses privilèges de pair de France et de membre du clergé. Louis XI donne son jugement : que le duc s’estime déjà heureux de ne pas avoir été soumis à la question ! Il sort d’un coffre un traité que le duc a signé à Saint-Flour le 17 janvier 1470, dans lequel il a renoncé à tout privilège de juridiction en cas de nouvelle intelligence, conspiration ou machination.
En voyant le titre de l’ouvrage, le lecteur s’attend à une biographie de Louis XI en bonne et due forme, certainement didactique et magistrale, vraisemblablement avec une fibre scolaire, avec une reconstitution historique visuelle consistante, solidement documentée. Les scénaristes optent pour une structure narrative un peu différente : plutôt qu’une exposition d’un fait historique du point de vue du roi lui-même, ou de celui d’un narrateur omniscient, ils optent pour le point de vue de Jacques d’Armagnac (1433-1477), comte de Pardiac et vicomte de Carlat, de 1462 à 1477, comte de la Marche et duc de Nemours de 1464 à 1477. Ils décident d’aménager quelques éléments de la vérité historique pour servir leur dispositif, en particulier supprimer le recours à la question. Ils respectent tous les autres éléments, en particulier le mariage de Jacques d’Armagnac avec une des cousines du roi, qui l'investit du duché de Nemours, lui confit des commandements importants, et le fait que le duc se range parmi les ennemis du roi, et obtient deux fois son pardon. Les déclarations faites par le duc lors de son interrogatoire sont complétées par soit des reconstitutions des retours en arrière, soit par l’intervention d’autres personnages comme celui de monsieur de Commynes. Le lecteur constate qu’il y a de nombreux éléments d’informations à exposer, soit par le biais des discussions et interrogatoires, soit par les reconstitutions.
S’il n’est pas familier ave cette période historique, le lecteur va avoir besoin de temps pour assimiler tout ce qui est raconté, et pour rechercher des éléments complémentaires de temps à autre. En effet, le dispositif narratif est à la fois dense et sciemment lacunaire, puisqu’il n’expose que le point de vue du duc de Nemours, parfois un peu élargi. Par exemple, les auteurs évoquent régulièrement la guerre de cent ans, sans pour autant en faire une présentation. S’il ne le sait déjà, le lecteur comprend qu’il s’agit d’un conflit opposant les le royaume de France à celui d’Angleterre, et il peut se rafraîchir les idées en ligne sur les dates, de 1337 à 1453. Rapidement il constate qu’il lui faut également aller se rafraîchir la mémoire sur ce que recouvre le terme Praguerie : une guerre menée contre le roi de France par les grands féodaux du royaume entre mi-février et mi- juillet 1440. Ainsi le choix des auteurs est de mentionner les grands événements sans se lancer à chaque fois dans un long cours d’histoire : le siège de Pontoise (du 6 juin au 19 septembre 1441), le siège de Dieppe (du 02 novembre au 1442 au 15 août 1443), le mariage de Louis XI à Charlotte de Savoie en 1451 (sans mentionner qu’il se fit en deux temps), la ligue de Bien public (1465; coalition de grands vassaux du roi pour lutter contre sa politique), la bataille de Montlhéry (16/07/1465), le traité de Conflans (05/10/1465), le siège de Beauvais (1472), le siège de Neuss (de juillet 1474 à mai 1475), le traité de Picquigny (29/08/1475 qui met fin à la guerre de Cent ans), la bataille de Morat (22/06/1476), etc.
Comme d’habitude dans ce genre d’ouvrage, le dessinateur a fort à faire pour donner à voir une époque passée, en visant la meilleure authenticité possible. Par comparaison avec certaines séries historiques réalisées selon des processus très contraints, la narration visuelle s’avère ici plus organique et moins stéréotypée dans ses cadrages. L’artiste investit beaucoup de temps et s’implique pour réaliser des dessins étoffés, en particulier pour les tenues vestimentaires et les décors urbains, en extérieur comme en intérieur. Ainsi la curiosité du lecteur est en éveil pour repérer les façades connues, ou les accessoires qui attestent du mode de vie de l’époque, ou encore les ornementations des habits en fonction de la richesse et du statut social de celui qui les porte. Il se régale ainsi tout du long du tome.
L’artiste fait également preuve d’une grande souplesse dans la mise en scène : il sait s’adapter à chaque situation, et se renouveler même lors des discussions récurrentes entre des personnages assis, et donc statiques. Il conçoit des prises de vue bien plus sophistiquées qu’une simple alternance de champ et de contrechamp, prenant soin de montrer à chaque fois l’environnement dans lequel se déroulent les échanges. Le lecteur ressent pleinement ce savoir-faire, d’une qualité bien supérieure à l’application d’un catalogue d’angles de vue prêts à l’emploi pour dramatiser artificiellement les situations. Le lecteur se retrouve immergé dans des situations aussi différentes qu’une partie d’échecs avec des êtres humains jouant le rôle des pièces sur une échiquier en plein air, parmi les cavaliers pour une chasse au sanglier, sur des échelles pour donner l’assaut à une ville fortifiée, reçu à la cour du duc de Bourgogne avec faste, au milieu de la foule pour le couronnement de Louis XI dans la cathédrale de Reims, sur un pont fort robuste avec un treillis de bois aménagé au milieu pour séparer deux rois, ou encore dans une armure sous un soleil de plomb, etc. Éventuellement, il note que les champs de batailles ont tendance à se ressembler.
Le texte de la quatrième de couverture annonce que cette bande dessinée opte pour une forme de réhabilitation, montrant ce qu’il en est derrière la réputation de ce roi qualifié de machiavélique, cruel et maladif. En fonction de ses connaissances préalables sur ce roi et cette période de l’histoire, le lecteur peut, dans un premier temps, ressentir une forme de frustration : soit parce qu’il a trop d’informations à assimiler et à aller chercher en complément, soit parce qu’il est déjà familier avec cette période et que Louis XI n’est perçu qu’au travers d’un tiers, Jacques d’Armagnac. Toutefois, il se laisse entraîner par ce récit dense et solide, par l’enjeu d’établir le crime de lèse-majesté, par le plaisir de découvrir les faits historiques majeurs par les yeux des auteurs. Dans la dernière partie, Louis XI prend la parole et le devant de la scène, apportant un éclairage complémentaire et différent sur les événements relatés par son ami d’enfance. Cela leur apporte un autre sens et étoffe la personnalité du roi, de manière élégante.
Voir le roi Louis XI par les yeux de son meilleur ami, qui l’a trahi à plusieurs reprises. Un parti pris intéressant pour donner à voir les actions de ce monarque avec un point de vue particulier. La narration visuelle fait plaisir à découvrir, œuvre d’un solide artiste, metteur en scène émérite pour insuffler de la vie dans chaque scène, discussions assises comme batailles de guerre, sans répétition, avec une reconstitution historique soignée. Le récit s’avère dense en événements, nécessitant parfois des connaissances supplémentaires soit dont le lecteur dispose déjà, soit qu’il doit aller rechercher. Le résultat est à la hauteur de l’ambition des auteurs qui n’œuvrent pas tant à la réhabilitation d’un personnage historique injustement affublé de qualificatifs infamants, qu’à raconter une période décisive dans la construction du royaume de France.
Je connaissais Etienne Davodeau en reporter engagé grâce à Rural ! et Les Ignorants, je le découvre aujourd'hui auteur à travers ce road trip.
Lulu est une quadra, qui après une longue pause pour élever ses enfants, recherche un emploi. Après un énième entretien non concluant, elle décide de partir à "l'aventure"...
L'histoire de Lulu, si elle est finalement assez simple, nous questionne sur la charge mentale, sur le sens de nos vies et ce besoin de se sentir vivant à un moment de sa vie où la flamme s'éteint peu à peu. Ce que l'on nomme communément la crise de la quarantaine est abordé avec beaucoup de pudeur par l'auteur. On ne sent aucun parti pris, aucun jugement sur les actions de son héroïne.
Il existe un vrai contraste entre le rythme lent du roman qui nous laisse penser qu'il ne se passe pas grand chose et les aventures de Lulu qui sont riches en rencontres et rebondissements.
Au niveau du dessin Davodeau fait … du Davodeau.
Un dessin simple et sans fioritures. Il n'est certes pas exceptionnel mais ne recèle pas non plus de défauts rédhibitoires. On apprécie ou non son style mais on ne pourra pas dire que l'on soit surpris. Personnellement, je n'y suis pas allergique et je n'ai donc pas eu de mal en me lancer dans l'histoire de notre brave quadra.
Globalement la lecture est assez plaisante mais il manque quand même le petit quelque chose qui permettrait d'emporter le lecteur avec lui.
Après avoir vu la série Netflix sur Jeffrey Dahmer, lire Mon ami Dahmer m’a vraiment apporté quelque chose en plus. Là où la série se concentre surtout sur les crimes, la BD revient sur sa jeunesse, lorsqu’il n’était encore qu’un adolescent paumé que personne ne comprenait vraiment.
Le plus marquant, c’est que l’histoire est racontée par Derf Backderf, l’auteur, qui a réellement été son camarade de classe. On découvre Dahmer à travers le regard de quelqu’un qui l’a vu évoluer jour après jour : ses comportements étranges, sa solitude, et cette dérive que personne n’a su ou voulu voir. Cette proximité donne une force particulière au récit, presque dérangeante, parce que tout semble à la fois banal et tragique.
J’ai beaucoup apprécié l’honnêteté de la BD. Backderf ne cherche ni à justifier ni à diaboliser : il raconte ce qu’il a vécu, simplement, avec le recul de l’adulte qui essaie de comprendre comment autant de signaux ont pu passer inaperçus. Chaque petite scène de lycée prend alors un relief troublant quand on connaît la suite.
Mon ami Dahmer m’a vraiment marqué. C’est une lecture forte, complémentaire à la série, qui montre ce que les écrans n’ont pas raconté.
Et je terminerai par cette citation de l’auteur, qui résume parfaitement l’esprit du livre :
« Ayez de la pitié pour lui mais n’ayez aucune compassion. »
L'adaptation du roman de Kafka par Bargain Sakuraichi, pseudonyme du mangaka Toshifumi Sakurai qui a fait deux séries que j'adore.
On reconnait bien la patte de l'auteur avec à la fois son dessin si personnel et aussi avec son humour. Parce que c'est vraiment une adaptation réinterprétée par un autre artiste et pas seulement une adaptation fidèle qui ne ferait que reprendre point par point ce qui s'est passé dans l'œuvre de base. Au lieu de suivre ce qui arrive à ce pauvre Grégor, on voit surtout la réaction de sa famille et en particulier le père qui est le vrai personnage principal de cet album, Grégor étant relégué en personnage secondaire qui souvent n'apparait pas ou très peu au cours d'un chapitre. L'intrigue tourne surtout autour de ce que doit faire sa famille maintenant que celui qui ramenait l'argent au foyer ne peut plus travailler.
J'avoue que j'étais un peu perplexe par ce que je lisais. On retrouve l'humour de l'auteur que j'aime bien, mais je ne pense pas que cela colle vraiment au style particulier de Kafka. Tous les gags autour de la libido du paternel me semblent hors de propos, mais il faut dire aussi que je n'ai pas lu le roman depuis très longtemps et que je n'ai que de vagues souvenirs. Je compare surtout cette adaptation avec d'autres adaptations de Kafka que j'ai lues ou vues et le ton est très différent de ce que j'avais vu jusqu'à présent dans les adaptations de Kafka.
C'est pas trop mal même si certains gags sont un peu lourds. Une curiosité à lire en tout cas.
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L'Homme qui n'existait pas
Cyril Bonin continue d'explorer son style de prédilection, à savoir les histoires intimistes, sur la vie de gens ordinaires et souvent invisibles, dont on ne se rappelle pas. Ici, l'histoire sera sur un personnage qui va littéralement disparaitre du monde, devenant une sorte de fantôme puisqu'il n'existe presque plus dans la vie. En lisant la BD, j'ai repensé très fort à la BD Les Petites Distances de Véro Cazot qui a un sujet presque identique, à savoir un homme qui perd substance et va explorer autour de lui, tombant sur une femme spéciale. Mais la ressemblance de surface s'arrête vite, notamment parce que les deux BD ont des développements bien distincts. Et en refermant la BD, j'ai eu l'impression que le développement de celle-ci était franchement limitée. Le nombre de page restreint m'a vite fait craindre que la BD se terminerait trop tôt et c'est mon impression finale. Il manque clairement quelques ajouts au volume, peut-être une conclusion plus forte mais aussi, je trouve, quelque chose qui justifie le discours final du protagoniste qui sort un peu étrangement puisque je ne vois pas d'où lui vient cette prise de conscience soudaine. En fait la BD me semble à la fois trop rapide dans son exécution mais aussi très lente à se mettre en place. En comparant à d'autres lectures du même sujets, je trouve qu'il manque ici quelque chose de plus, un commentaire sur le monde ou ses personnages, ce que ça dirait de nous. Ici la BD est trop rapide dans son final et ne m'a pas laissée grande impression. Il est plus que probable que j'en oublie les grandes lignes d'ici quelques mois. Reste le dessin de l'auteur, toujours appréciable et qui colle au récit. Ça donne une atmosphère intimiste, quelque chose qui s'intéresse aux personnages et à leurs émotions. Je l'aime toujours autant, ce n'est clairement pas un souci lors de la lecture. Une BD oubliable bien que pas mauvaise. Dommage, j'aurais aimé plus.
Le Maître d'armes
Une BD que j'ai pas aimé, tout comme Bamiléké et Josq, et je soutiens leurs arguments au deux. Déjà, la BD s'ouvre sur le cliché éculé de l'obscurantisme du Moyen-Âge repoussé par les lumières de la Renaissance. Si l'auteur y croit, je suis désolé pour lui mais il faut se mettre à la page. Ensuite, le cliché de la religion toute puissante refusant le partage de son pouvoir envers un peuple maintenu volontairement dans l'ignorance tandis que les rois pourraient les aider, c'est presque un contre-sens historique qui serait risible s'il n'était pas si présent. Le contexte de l'apparition du protestantisme est intéressant, mais malheureusement je l'ai étudié et ce qu'on en dit ici est ... faux. C'est même dommage de ne pas présenter réellement le contexte, les revendications et la question que soulevait la Réforme (et les débats autour). D'autre part, la BD est portée par un cliché de monsieur bad-ass qui casse des gueules même après avoir arrêté pendant des années d'exercer, blessé dix fois mais toujours relevé alors que l'époque ne connait ni les désinfectants ni les antibiotiques, où l'on condamne au bûcher à tour de bras sans jamais avoir de procès équitable (ben oui, c'est le Moyen-Âge obscurantiste, on a dit), le tout dans des combats à un contre quatre gagnés parce que monsieur trop fort qui tape tout et gagne à la fin. J'en ai marre de ce cliché de l'ancien héros qui revient pour un baroud d'honneur parce qu'on l'a pris par les sentiments. Bref, niveau historique j'aime pas, niveau histoire c'est des clichés véhiculés partout qui m’écœurent aujourd'hui. C'est une histoire de mecs, pour des mecs, avec des mecs. Aucune sensibilité, aucune originalité, rien de notable. Ça se lit aussi vite que ça s'oublie et ça manipule l'Histoire pour un propos contemporain bien loin des réalités de l'époque, le tout dans une histoire cliché de baston à répétition. Ma note est surtout justifiée par le dessin qui envoie, il faut dire, et colle très bien au récit. On sent les forêts jurassiennes et ça se caille les meules, on est vite imprégné de l'atmosphère. J'ai beaucoup apprécié son atmosphère, c'est un très bon point au dessinateur !
Il déserte - Georges ou la vie sauvage
Mouais. Je n’ai pas été convaincu, tout du moins captivé par cet album. Je connaissais à peine la personne de Georges de Caunes, un peu plus celle d’Antoine de Caunes, mais c’est au hasard et sans en attendre spécialement grand-chose que j’ai emprunté cet album. Un album très épais, que j’ai traversé sans enthousiasme, et en m’ennuyant à plusieurs reprises. C’est avant tout grâce au dessin et aux couleurs de Xavier Coste (un trait simple, efficace et lumineux) que j’ai fini cette lecture. Car cette Robinsonnade moderne – et quand même médiatique, m’a laissé de côté. Surtout que l’aspect sans doute le plus intéressant de cet album, à savoir le dialogue entretenu à distance (géographique et temporelle) entre Antoine de Caunes et son père, a peiné me concernant à dépasser le cadre affectif familial. Si je conçois qu’Antoine de Caunes y a trouvé de quoi poursuivre ou clore un chapitre important de sa vie – voire soigner quelques blessures, ça ne m’a pas touché en tant que lecteur extérieur, le plaisir de lecture n’étant pas suffisamment au rendez-vous sur la durée, malgré quelques passages quand même intéressants. Sans doute n’était-ce pas ma came. Note réelle 2,5/5.
Ted, drôle de coco
Je n’avais pas trop accroché au dessin d’Emilie Gleason sur Ebouriffant.e.s, mais je dois dire que son style – très particulier – passe beaucoup mieux ici (même si je conçois qu’il puisse être clivant). En effet, ce style « élastique », ainsi qu’une colorisation tranchée et pétante, conviennent assez bien au ton du récit, et au personnage principal, Ted, un autiste fortement inspiré par le propre frère de l’auteure. Après un temps d’adaptation – au dessin et à l’histoire, mais aussi au personnage même de Ted – on entre de plain-pied dans un monde particulier, à la fois parallèle et ancré dans le nôtre, celui d’un autiste, aux réactions parfois surprenantes. La narration est un peu fouillis, mais on s’attache aisément à Ted – et la surprise brutale de la fin nous prend un peu au dépourvu. En tout cas c’est une lecture plutôt sympathique.
L'Odeur du fer
Globalement, je suis du même avis que Canarde, sans compter qu'à moi aussi, L'odeur du fer a rappelé bien des références dont Christopher Hittinger et Joe Daly (Dungeon Quest) sont les principales. Mais le charme de cette BD a su produire chez moi un effet narcotique certain. Même ses défauts m'ont séduit, c'est dire... Tout d'abord, il y a l'édition en elle-même : le format est agréable, tout comme cet effet Grip quand on l'empoigne. M'est avis que ça ne doit pas être super écolo, mais bon, si on compare l'industrie BD à celle de la bagnole, y a point photo ! La couverture est très chouette : effet métallique du titre légèrement gaufré, couleurs chatoyantes. Et bien entendu, c'est le dessin la raison principale de ma satisfaction. Il est franchement plein de finesse. Le mélange des genres ne m'a absolument pas perturbé, bien au contraire. J'ai trouvé ça vraiment original, ce qui m'a d'ailleurs rappelé une autre BD : Les derniers jours d'un immortel. Oui, ce dessin est plein de charmes avec son petit côté indé : finesse des traits je le disais, mais aussi justesse des pause, expressions des visages dont les formes sont quelquefois à la limite de l'abstraction, détails des paysages ou des contextes urbains, quand il faut, où il faut, sans écraser les cases, juste ce qu'il faut pour générer une ambiance forte... Bref : c'est frais comme un gardon. Le scénario est bien et dit quelque chose de notre époque, surtout dans sa conclusion (mais chuuuuutttt). On pourra aisément formuler des griefs concernant les situations qui se dénouent parfois trop rapidement (la rencontre avec le mage), ou bien contre certains événements peu voire pas expliqués du tout, au risque de rendre l'histoire un brin opaque (on ne saura pas grand chose du réveil du fameux démon...). Mais c'est aussi ce qui fait la force de cette histoire : on est avec les protagonistes, on suit leurs aventures qui percutent parfois les événements (la "Grande Histoire" dirait-on d'une BD historique), mais les personnages s'efforcent de tracer leur propre chemin (ce qui est une philosophie de vie à laquelle je suis très sensible). Enfin, j'aime les personnages Ambre et Elaine, originaux à souhait. J'aime les questionnements d'Elaine, questionnements qui la conduiront à suivre sa route. Un coup de cœur n'est pas parfait, mais il sait toucher une part intime en soi. Alors oui, je crois pouvoir dire que L'odeur du fer est un coup de cœur.
Louis XI, l'universelle araignée
Un esprit trop subtil et acéré, plus enclin à la diplomatie qu'à la guerre - Cet ouvrage constitue une biographie de Louis XI. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Makyo (Pierre Fournier) & Jean-Édouard Grésy pour le scénario, dessiné par Francesco de Stena, avec une mise en couleurs réalisée par Marco Ferraccioni pour la première moitié, et par Degreff pour la seconde. Il se termine avec une postface d’une page rédigée par Joël Blanchard, professeur émérite à l’université du Mans. Il comporte cent-huit pages de bande dessinée. Mars 1476, au château de Plessis-lèz-Tours, des troubadours chantent pour le roi Louis XI, attablé avec une douzaine de convives autour d’une table disposée en U. Un conseiller vient lui donner une information à l’oreille. Il se lève et se rend dans la pièce attenante. Il demande à Doriole de lui délivrer les nouvelles. Ce dernier explique qu’après un mois de siège, il a l’honneur de lui remettre les termes de la reddition du duc de Nemours, obtenu par Pierre de Beaujeu, le gendre du roi. Le souverain répond qu’il pensait que son interlocuteur lui avait dit que la forteresse de Carlat était imprenable. Il rappelle les mots mêmes de Doriole : un éperon rocheux doté d’une considérable artillerie. Le rapporteur explique que la réserve de poudre était faible et le duc était à court de vivres, avec près de quatre cents bouches à nourrir. Il doit cependant annoncer également la triste nouvelle du décès de sa femme, morte en couches durant le siège. La mort de la filleule du roi fait perdre au duc la seule personne qui pouvait encore intercéder en sa faveur. Doriole veut faire accusation de lèse-majesté à Nemours, ce qui signifiera la peine de mort par décapitation pour lui. Louis XI répond que non : quand les rois n’ont point égard à la loi, ils ôtent au peuple ce qu’ils doivent lui laisser, ce faisant ils rendent leur peuple esclave et perdent le nom de roi. Le souverain veut que Doriole mène l’instruction avec subtilité et respect pour le rang du duc. Pierre de Beaujeu présidera ensuite à son procès. Louis XI veut comprendre pourquoi le monde se dérobe incontinent à qui trop se fie. Jacques d’Armagnac fut à ses côtés comme son plus fidèle compagnon lors de son sacre et de son entrée solennelle dans Paris, pourquoi l’a-t-il trahi ? Il en avait fait son cousin avec le mariage de sa filleule. Il l’a investi du duché de Nemours et nommé pair de France, pourquoi l’a-t-il trahi ? Il l’a connu enfant, Jacques était l’ami de Louis, son initiateur au jeu d’échecs, il fut même son favori. Doriole estime que cette parenté si proche, le souvenir d’une jeunesse passée dans l’intimité familiale auraient dû créer des liens indéfectibles. Il ajoute que le duc de Nemours ne veut pas répondre de ces accusations, car il récuse la compétence du parlement pour le juger du fait de ses privilèges de pair de France et de membre du clergé. Louis XI donne son jugement : que le duc s’estime déjà heureux de ne pas avoir été soumis à la question ! Il sort d’un coffre un traité que le duc a signé à Saint-Flour le 17 janvier 1470, dans lequel il a renoncé à tout privilège de juridiction en cas de nouvelle intelligence, conspiration ou machination. En voyant le titre de l’ouvrage, le lecteur s’attend à une biographie de Louis XI en bonne et due forme, certainement didactique et magistrale, vraisemblablement avec une fibre scolaire, avec une reconstitution historique visuelle consistante, solidement documentée. Les scénaristes optent pour une structure narrative un peu différente : plutôt qu’une exposition d’un fait historique du point de vue du roi lui-même, ou de celui d’un narrateur omniscient, ils optent pour le point de vue de Jacques d’Armagnac (1433-1477), comte de Pardiac et vicomte de Carlat, de 1462 à 1477, comte de la Marche et duc de Nemours de 1464 à 1477. Ils décident d’aménager quelques éléments de la vérité historique pour servir leur dispositif, en particulier supprimer le recours à la question. Ils respectent tous les autres éléments, en particulier le mariage de Jacques d’Armagnac avec une des cousines du roi, qui l'investit du duché de Nemours, lui confit des commandements importants, et le fait que le duc se range parmi les ennemis du roi, et obtient deux fois son pardon. Les déclarations faites par le duc lors de son interrogatoire sont complétées par soit des reconstitutions des retours en arrière, soit par l’intervention d’autres personnages comme celui de monsieur de Commynes. Le lecteur constate qu’il y a de nombreux éléments d’informations à exposer, soit par le biais des discussions et interrogatoires, soit par les reconstitutions. S’il n’est pas familier ave cette période historique, le lecteur va avoir besoin de temps pour assimiler tout ce qui est raconté, et pour rechercher des éléments complémentaires de temps à autre. En effet, le dispositif narratif est à la fois dense et sciemment lacunaire, puisqu’il n’expose que le point de vue du duc de Nemours, parfois un peu élargi. Par exemple, les auteurs évoquent régulièrement la guerre de cent ans, sans pour autant en faire une présentation. S’il ne le sait déjà, le lecteur comprend qu’il s’agit d’un conflit opposant les le royaume de France à celui d’Angleterre, et il peut se rafraîchir les idées en ligne sur les dates, de 1337 à 1453. Rapidement il constate qu’il lui faut également aller se rafraîchir la mémoire sur ce que recouvre le terme Praguerie : une guerre menée contre le roi de France par les grands féodaux du royaume entre mi-février et mi- juillet 1440. Ainsi le choix des auteurs est de mentionner les grands événements sans se lancer à chaque fois dans un long cours d’histoire : le siège de Pontoise (du 6 juin au 19 septembre 1441), le siège de Dieppe (du 02 novembre au 1442 au 15 août 1443), le mariage de Louis XI à Charlotte de Savoie en 1451 (sans mentionner qu’il se fit en deux temps), la ligue de Bien public (1465; coalition de grands vassaux du roi pour lutter contre sa politique), la bataille de Montlhéry (16/07/1465), le traité de Conflans (05/10/1465), le siège de Beauvais (1472), le siège de Neuss (de juillet 1474 à mai 1475), le traité de Picquigny (29/08/1475 qui met fin à la guerre de Cent ans), la bataille de Morat (22/06/1476), etc. Comme d’habitude dans ce genre d’ouvrage, le dessinateur a fort à faire pour donner à voir une époque passée, en visant la meilleure authenticité possible. Par comparaison avec certaines séries historiques réalisées selon des processus très contraints, la narration visuelle s’avère ici plus organique et moins stéréotypée dans ses cadrages. L’artiste investit beaucoup de temps et s’implique pour réaliser des dessins étoffés, en particulier pour les tenues vestimentaires et les décors urbains, en extérieur comme en intérieur. Ainsi la curiosité du lecteur est en éveil pour repérer les façades connues, ou les accessoires qui attestent du mode de vie de l’époque, ou encore les ornementations des habits en fonction de la richesse et du statut social de celui qui les porte. Il se régale ainsi tout du long du tome. L’artiste fait également preuve d’une grande souplesse dans la mise en scène : il sait s’adapter à chaque situation, et se renouveler même lors des discussions récurrentes entre des personnages assis, et donc statiques. Il conçoit des prises de vue bien plus sophistiquées qu’une simple alternance de champ et de contrechamp, prenant soin de montrer à chaque fois l’environnement dans lequel se déroulent les échanges. Le lecteur ressent pleinement ce savoir-faire, d’une qualité bien supérieure à l’application d’un catalogue d’angles de vue prêts à l’emploi pour dramatiser artificiellement les situations. Le lecteur se retrouve immergé dans des situations aussi différentes qu’une partie d’échecs avec des êtres humains jouant le rôle des pièces sur une échiquier en plein air, parmi les cavaliers pour une chasse au sanglier, sur des échelles pour donner l’assaut à une ville fortifiée, reçu à la cour du duc de Bourgogne avec faste, au milieu de la foule pour le couronnement de Louis XI dans la cathédrale de Reims, sur un pont fort robuste avec un treillis de bois aménagé au milieu pour séparer deux rois, ou encore dans une armure sous un soleil de plomb, etc. Éventuellement, il note que les champs de batailles ont tendance à se ressembler. Le texte de la quatrième de couverture annonce que cette bande dessinée opte pour une forme de réhabilitation, montrant ce qu’il en est derrière la réputation de ce roi qualifié de machiavélique, cruel et maladif. En fonction de ses connaissances préalables sur ce roi et cette période de l’histoire, le lecteur peut, dans un premier temps, ressentir une forme de frustration : soit parce qu’il a trop d’informations à assimiler et à aller chercher en complément, soit parce qu’il est déjà familier avec cette période et que Louis XI n’est perçu qu’au travers d’un tiers, Jacques d’Armagnac. Toutefois, il se laisse entraîner par ce récit dense et solide, par l’enjeu d’établir le crime de lèse-majesté, par le plaisir de découvrir les faits historiques majeurs par les yeux des auteurs. Dans la dernière partie, Louis XI prend la parole et le devant de la scène, apportant un éclairage complémentaire et différent sur les événements relatés par son ami d’enfance. Cela leur apporte un autre sens et étoffe la personnalité du roi, de manière élégante. Voir le roi Louis XI par les yeux de son meilleur ami, qui l’a trahi à plusieurs reprises. Un parti pris intéressant pour donner à voir les actions de ce monarque avec un point de vue particulier. La narration visuelle fait plaisir à découvrir, œuvre d’un solide artiste, metteur en scène émérite pour insuffler de la vie dans chaque scène, discussions assises comme batailles de guerre, sans répétition, avec une reconstitution historique soignée. Le récit s’avère dense en événements, nécessitant parfois des connaissances supplémentaires soit dont le lecteur dispose déjà, soit qu’il doit aller rechercher. Le résultat est à la hauteur de l’ambition des auteurs qui n’œuvrent pas tant à la réhabilitation d’un personnage historique injustement affublé de qualificatifs infamants, qu’à raconter une période décisive dans la construction du royaume de France.
Lulu Femme Nue
Je connaissais Etienne Davodeau en reporter engagé grâce à Rural ! et Les Ignorants, je le découvre aujourd'hui auteur à travers ce road trip. Lulu est une quadra, qui après une longue pause pour élever ses enfants, recherche un emploi. Après un énième entretien non concluant, elle décide de partir à "l'aventure"... L'histoire de Lulu, si elle est finalement assez simple, nous questionne sur la charge mentale, sur le sens de nos vies et ce besoin de se sentir vivant à un moment de sa vie où la flamme s'éteint peu à peu. Ce que l'on nomme communément la crise de la quarantaine est abordé avec beaucoup de pudeur par l'auteur. On ne sent aucun parti pris, aucun jugement sur les actions de son héroïne. Il existe un vrai contraste entre le rythme lent du roman qui nous laisse penser qu'il ne se passe pas grand chose et les aventures de Lulu qui sont riches en rencontres et rebondissements. Au niveau du dessin Davodeau fait … du Davodeau. Un dessin simple et sans fioritures. Il n'est certes pas exceptionnel mais ne recèle pas non plus de défauts rédhibitoires. On apprécie ou non son style mais on ne pourra pas dire que l'on soit surpris. Personnellement, je n'y suis pas allergique et je n'ai donc pas eu de mal en me lancer dans l'histoire de notre brave quadra. Globalement la lecture est assez plaisante mais il manque quand même le petit quelque chose qui permettrait d'emporter le lecteur avec lui.
Mon ami Dahmer
Après avoir vu la série Netflix sur Jeffrey Dahmer, lire Mon ami Dahmer m’a vraiment apporté quelque chose en plus. Là où la série se concentre surtout sur les crimes, la BD revient sur sa jeunesse, lorsqu’il n’était encore qu’un adolescent paumé que personne ne comprenait vraiment. Le plus marquant, c’est que l’histoire est racontée par Derf Backderf, l’auteur, qui a réellement été son camarade de classe. On découvre Dahmer à travers le regard de quelqu’un qui l’a vu évoluer jour après jour : ses comportements étranges, sa solitude, et cette dérive que personne n’a su ou voulu voir. Cette proximité donne une force particulière au récit, presque dérangeante, parce que tout semble à la fois banal et tragique. J’ai beaucoup apprécié l’honnêteté de la BD. Backderf ne cherche ni à justifier ni à diaboliser : il raconte ce qu’il a vécu, simplement, avec le recul de l’adulte qui essaie de comprendre comment autant de signaux ont pu passer inaperçus. Chaque petite scène de lycée prend alors un relief troublant quand on connaît la suite. Mon ami Dahmer m’a vraiment marqué. C’est une lecture forte, complémentaire à la série, qui montre ce que les écrans n’ont pas raconté. Et je terminerai par cette citation de l’auteur, qui résume parfaitement l’esprit du livre : « Ayez de la pitié pour lui mais n’ayez aucune compassion. »
La métamorphose (Sakuraichi)
L'adaptation du roman de Kafka par Bargain Sakuraichi, pseudonyme du mangaka Toshifumi Sakurai qui a fait deux séries que j'adore. On reconnait bien la patte de l'auteur avec à la fois son dessin si personnel et aussi avec son humour. Parce que c'est vraiment une adaptation réinterprétée par un autre artiste et pas seulement une adaptation fidèle qui ne ferait que reprendre point par point ce qui s'est passé dans l'œuvre de base. Au lieu de suivre ce qui arrive à ce pauvre Grégor, on voit surtout la réaction de sa famille et en particulier le père qui est le vrai personnage principal de cet album, Grégor étant relégué en personnage secondaire qui souvent n'apparait pas ou très peu au cours d'un chapitre. L'intrigue tourne surtout autour de ce que doit faire sa famille maintenant que celui qui ramenait l'argent au foyer ne peut plus travailler. J'avoue que j'étais un peu perplexe par ce que je lisais. On retrouve l'humour de l'auteur que j'aime bien, mais je ne pense pas que cela colle vraiment au style particulier de Kafka. Tous les gags autour de la libido du paternel me semblent hors de propos, mais il faut dire aussi que je n'ai pas lu le roman depuis très longtemps et que je n'ai que de vagues souvenirs. Je compare surtout cette adaptation avec d'autres adaptations de Kafka que j'ai lues ou vues et le ton est très différent de ce que j'avais vu jusqu'à présent dans les adaptations de Kafka. C'est pas trop mal même si certains gags sont un peu lourds. Une curiosité à lire en tout cas.