Ayant apprécié le très bon Quartier lointain, je poursuis ma découverte de l'œuvre de Jiro Taniguchi avec "Le Journal de mon père"
Ici le mangaka nous propose une plongée dans les souvenirs d'enfance d'un homme qui, au décès de son père, s'interroge sur sa relation avec ce dernier.
Ce voyage introspectif est lent, très lent, Jiro Taniguchi nous laisse le temps de la réflexion. Cette lenteur peut se révéler par moment pesante. Pourtant je la trouve bienvenue. Elle nous permet de "comprendre" quelque peu le héros, enfant meurtri par le départ de sa mère, fuyant le poids des traditions dans ce Japon d'après guerre.
Cette relation distendue entre le père et le fils a eu chez moi une résonnance très particulière.
Elle a remué des choses enfouies depuis un petit moment maintenant. Mais avec beaucoup de subtilités, sans auto-flagellation.
Graphiquement c'est très beau, les traits sont fins et même si les personnages ont tendance à se ressembler (en même temps ils sont de la même famille) on arrive quand même à les distinguer. Les décors sont vraiment soignés. Bref un vrai travail d'artiste.
Un ouvrage très intimiste, qui compte tenu de mon vécu aura su emporter mon adhésion.
Décidément Jiro Tanigucho sait me parler.
Enfant, tous les canards de Disney me fascinaient, surtout l'agressif Donald. Plus maintenant même si je dis oui au trait lisible et dynamique de tous les dessinateurs de cela. Je dis bravo à ceux qui distinguent les auteurs. Le pauvre a fort à faire avec des neveux exigeants, un rival plus chanceux, une amoureuse qui se dérobe, un oncle pingre toujours plus heureux dans ses entreprises que lui, le pauvre Donald qui rate presque tout à chaque coup, si je me souviens bien.
Picsou c'est l'accumulation, pas seulement capitaliste, l'être humain accumule, c'est un des propres de l'Homme. Eh oui, la culture humaine s'enrichit tout le temps, ce qui s'est accéléré depuis l'écriture. Il y a aussi de plus en plus d'objets. Sous produit : l'inégalité dont les seuls contestations dans l'univers de Dysney sont les voleurs, et les Donald qui râlent contre leur manque de chance. Avant de venir ici, je n'avais pas conscience qu'il y ait tant de bd sur les canards !
Encore une fois Tahiti racontée du point de vu popaa uniquement. Un scénario sans but, ou qui se perd pour mettre en valeur des scènes où on voit des femmes tahitiennes nues, parce que le mythe de la vahine apparemment. J'ai trouvé les personnages plats et les dialogues sans utilité, mis a part de tenter de donner un aspect profond et réfléchis à l'histoire (mais sans matière c'est difficile). Et surtout une histoire sur Tahiti menée encore une fois par des colons, et un regard réducteur et superficiel sur Tahiti: les femmes sont libertines et niaises, les tahitiens ne sont pas présnets tout simplement, c'est juste un paradis où il y a des belles femmes à abuser et puis jeter. Le bombardement de Papeete n'est qu'un petit passage de l'histoire alors qu'il est censé être le centre de l'action. Et surtout une fin qui ne fait aucun sens, ça sent le baclé. Bref je recommande pas.
Quelle merveille que d'être ému aux larmes en finissant une BD. Et pourtant je dois dire que ce qui m'a marquée à la lecture, c'est ce sentiment de tristesse qui imprégnait une fin pourtant belle et presque heureuse. Est-ce parce que je suis plus sensible en ce moment ou parce qu'elle a su capter quelque chose qui m'a touchée particulièrement ? Je dirais surtout la seconde option, mais disons que les deux ne sont pas incompatibles.
Cette BD ne passe pas inaperçu depuis sa sortie, j'ai l'impression, et je me joins au concert de louanges. Déjà parce que l'autrice, Dano Sixtine, est ajoutée à ma liste de celle que je suivrais à l'avenir. Au-delà du récit, son trait est une des grandes découvertes de la BD. En finesse, jamais racoleur ou voyeur, subtil et pourtant précis, il est un régal visuel. J'ai été conquis presque à la couverture, mais en lisant la suite du récit j'étais convaincu. Elle arrive à rendre tangible beaucoup beaucoup de choses dont elle parle textuellement dans la BD, faisant des rappels visuels qui servent le propos. Un vrai travail de composition visuel, donc, un travail d'autrice de BD. Le tout est servi par un noir et blanc aux traits fins qui permets de jouer très vite sur l'émotion, sur l'indicible. C'est un trait sensible, plein de pudeur malgré son sujet.
Je dis pudeur car au-delà du voyeurisme qu'on imaginerait à voir de l'intérieur ce métier d'escort-girl, la BD n'est jamais construite sur un regard lubrique. Je ne sais pas à quel point le fait que ce soit une femme qui l'ait écrit joue dans le résultat, mais il est bien là. La BD est bien pudique, ne dévoilant pas tout de son héroïne, Sibylline, qui restera une femme dont nous serons qu'observateur. Que pense-t-elle, que vit-elle, qu'espère-t-elle ? Nous n'en saurons que l'essentiel, le récit n'étant pas là pour faire des états d'âme ou creuser un personnage. Il est là pour montrer une situation.
Et cette situation, c'est la violence d'un monde envers les femmes. Cette violence parsème le récit, d'une affiche de métro sexualisant leurs corps à des insultes dans la nuit, un rôdeur qui te suit quand tu rentres et des types qui profitent de toi parce qu'ils veulent tirer leurs coups. Et puis vient l'idée de faire escort-girl. Cette idée arrive tardivement dans le récit, après une lente construction de ce monde hostile, violent. L'escorting n'est pas tant traité que ça, ici. Ce que nous voyons, c'est une jeunesse qui veut étudier, qui rêve d'avenir (si elle l'espère encore) et a qui on ne donne pas les moyens d'y parvenir facilement. Un monde de riches et de pauvres, de fins de mois difficiles et d'étude chères, de sexisme ordinaires et de regard sur le corps des femmes constant. Comme d'autres BD (Le Dernier été de mon innocence, Tout est possible mais rien n'est sûr notamment) c'est un regard posé sur notre monde, un regard qui en souligne les pires travers. Encore une fois, je me dis que j'ai la chance inouïe d'être né homme, même si cette pensée est horrible.
Pour finir, je voudrais juste évoquer cette tristesse que j'ai dis ressentir à la lecture. Cette tristesse n'est pas spécifiquement liée au ton de la BD, qui n'est pas dans un ton précis, laissant le lecteur choisir la lecture qu'il en fera. Mais j'ai ressenti une tristesse infinie à la lecture de la conclusion, lorsque deux femmes que nous avons suivi tout au long du récit parlent d'avenir. Et elles s'imaginent partir au fond des bois, bâtir une cabane et vivre en paix. Si elle peut sembler mignonne, utopiste ou légère, je me suis surtout dit que si notre monde est si moche que deux jeunes femmes imaginent comme fin heureuse de s'en éloigner pour vivre loin de lui, il doit être sacrément pourri. C'est cette pensée qui prédomine après la lecture, mais je sais qu'une relecture reviendra bien vite. Et peut-être que j'en tirerais autre chose, comme c'est le cas des œuvres marquantes.
Une BD dense, qui passe sur plusieurs sujets et des thématiques intéressantes mais qui a tendance à partir dans des sentiers classiques malgré des débuts bien prometteurs.
La BD semble commencer comme un polar classique avec cet homme baignant dans la mafia new-yorkaise des années 20, alors que se multiplient les bateaux de migrants venus de l'Europe, et en particulier l'Italie. Notre héros, Italo, voit ainsi arriver son frère et ses enfants sur un continent aux aspirations de liberté. Le récit démarre très vite comme un polar vengeur, avec un cadavre et une famille débarquée, le tout dans une ambiance de mafieux. Et puis tout bifurque.
C'est l'une des forces du récit, de savoir déjouer les attentes en basculant dans la première partie vers un récit autour des anarchistes italiens et de leurs combats. Puis l'histoire change, et nous avons le deuxième chapitre qui change de lieux et de tons. Et ça continue, avec pas mal de bifurcations dans le récit, ce qui finit par devenir un peu trop. Le récit part dans différentes directions que je ne trouve pas toujours maitrisés et qui sont souvent désarmés alors qu'elles prennent une direction plus claire. Au final, c'est un récit de vengeance, d'anarchisme, de construction familiale, de complot politique et de racisme anti-italien. Et je en saurais dire avec certitude quel est le récit central, ce qui est dommage.
Et je suis sincère en disant que c'est dommage : le contexte développé autour de l'anarchisme italien est carrément intéressant. Il y a le racisme dont souffre alors ces personnes de la part de l'Etat américain, les aspirations anarchistes issues des classes populaires, le contexte politique italien et post-guerre mondiale, tout en présentant les liens (forts) entre les politiciens et la mafia. Si le récit s'était construit autour de cet axe, je crois que j'aurais été beaucoup plus enthousiaste. Mais je trouve que le récit de famille, la quête de vengeance (la fin avec les flics, notamment) et plusieurs détails sont de trop. Je n'ai pas compris le rôle exact de la femme, ni la raison de l'inclusion du gamin (j'évite de dévoiler, mais je pense que c'est pour parler des impérialismes).
J'ajouterais que le dessin est un peu étrange, surtout dans les têtes dont plusieurs sont très ressemblantes. Ce n'est pas un style de dessin que j'apprécie même si je m'y suis fait très vite. Au final je m'y suis retrouvé et il a une certaine patte, mais je n'y retournerais pas pour lui.
Bref, une BD intéressante mais pas assez aboutie, la faute selon moi à un scénario qui part dans beaucoup de directions et qui casse souvent sa ligne directrice. Le récit devient alors confus, comme si on avait accolé plusieurs histoires différentes qui auraient mérités d'être racontées à part. Reste un contexte très riche et intéressant que je retiendrais de ma lecture.
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Le Journal de mon père
Ayant apprécié le très bon Quartier lointain, je poursuis ma découverte de l'œuvre de Jiro Taniguchi avec "Le Journal de mon père" Ici le mangaka nous propose une plongée dans les souvenirs d'enfance d'un homme qui, au décès de son père, s'interroge sur sa relation avec ce dernier. Ce voyage introspectif est lent, très lent, Jiro Taniguchi nous laisse le temps de la réflexion. Cette lenteur peut se révéler par moment pesante. Pourtant je la trouve bienvenue. Elle nous permet de "comprendre" quelque peu le héros, enfant meurtri par le départ de sa mère, fuyant le poids des traditions dans ce Japon d'après guerre. Cette relation distendue entre le père et le fils a eu chez moi une résonnance très particulière. Elle a remué des choses enfouies depuis un petit moment maintenant. Mais avec beaucoup de subtilités, sans auto-flagellation. Graphiquement c'est très beau, les traits sont fins et même si les personnages ont tendance à se ressembler (en même temps ils sont de la même famille) on arrive quand même à les distinguer. Les décors sont vraiment soignés. Bref un vrai travail d'artiste. Un ouvrage très intimiste, qui compte tenu de mon vécu aura su emporter mon adhésion. Décidément Jiro Tanigucho sait me parler.
La Dynastie Donald Duck
Enfant, tous les canards de Disney me fascinaient, surtout l'agressif Donald. Plus maintenant même si je dis oui au trait lisible et dynamique de tous les dessinateurs de cela. Je dis bravo à ceux qui distinguent les auteurs. Le pauvre a fort à faire avec des neveux exigeants, un rival plus chanceux, une amoureuse qui se dérobe, un oncle pingre toujours plus heureux dans ses entreprises que lui, le pauvre Donald qui rate presque tout à chaque coup, si je me souviens bien. Picsou c'est l'accumulation, pas seulement capitaliste, l'être humain accumule, c'est un des propres de l'Homme. Eh oui, la culture humaine s'enrichit tout le temps, ce qui s'est accéléré depuis l'écriture. Il y a aussi de plus en plus d'objets. Sous produit : l'inégalité dont les seuls contestations dans l'univers de Dysney sont les voleurs, et les Donald qui râlent contre leur manque de chance. Avant de venir ici, je n'avais pas conscience qu'il y ait tant de bd sur les canards !
Papeete 1914
Encore une fois Tahiti racontée du point de vu popaa uniquement. Un scénario sans but, ou qui se perd pour mettre en valeur des scènes où on voit des femmes tahitiennes nues, parce que le mythe de la vahine apparemment. J'ai trouvé les personnages plats et les dialogues sans utilité, mis a part de tenter de donner un aspect profond et réfléchis à l'histoire (mais sans matière c'est difficile). Et surtout une histoire sur Tahiti menée encore une fois par des colons, et un regard réducteur et superficiel sur Tahiti: les femmes sont libertines et niaises, les tahitiens ne sont pas présnets tout simplement, c'est juste un paradis où il y a des belles femmes à abuser et puis jeter. Le bombardement de Papeete n'est qu'un petit passage de l'histoire alors qu'il est censé être le centre de l'action. Et surtout une fin qui ne fait aucun sens, ça sent le baclé. Bref je recommande pas.
Sibylline - Chroniques d'une escort girl
Quelle merveille que d'être ému aux larmes en finissant une BD. Et pourtant je dois dire que ce qui m'a marquée à la lecture, c'est ce sentiment de tristesse qui imprégnait une fin pourtant belle et presque heureuse. Est-ce parce que je suis plus sensible en ce moment ou parce qu'elle a su capter quelque chose qui m'a touchée particulièrement ? Je dirais surtout la seconde option, mais disons que les deux ne sont pas incompatibles. Cette BD ne passe pas inaperçu depuis sa sortie, j'ai l'impression, et je me joins au concert de louanges. Déjà parce que l'autrice, Dano Sixtine, est ajoutée à ma liste de celle que je suivrais à l'avenir. Au-delà du récit, son trait est une des grandes découvertes de la BD. En finesse, jamais racoleur ou voyeur, subtil et pourtant précis, il est un régal visuel. J'ai été conquis presque à la couverture, mais en lisant la suite du récit j'étais convaincu. Elle arrive à rendre tangible beaucoup beaucoup de choses dont elle parle textuellement dans la BD, faisant des rappels visuels qui servent le propos. Un vrai travail de composition visuel, donc, un travail d'autrice de BD. Le tout est servi par un noir et blanc aux traits fins qui permets de jouer très vite sur l'émotion, sur l'indicible. C'est un trait sensible, plein de pudeur malgré son sujet. Je dis pudeur car au-delà du voyeurisme qu'on imaginerait à voir de l'intérieur ce métier d'escort-girl, la BD n'est jamais construite sur un regard lubrique. Je ne sais pas à quel point le fait que ce soit une femme qui l'ait écrit joue dans le résultat, mais il est bien là. La BD est bien pudique, ne dévoilant pas tout de son héroïne, Sibylline, qui restera une femme dont nous serons qu'observateur. Que pense-t-elle, que vit-elle, qu'espère-t-elle ? Nous n'en saurons que l'essentiel, le récit n'étant pas là pour faire des états d'âme ou creuser un personnage. Il est là pour montrer une situation. Et cette situation, c'est la violence d'un monde envers les femmes. Cette violence parsème le récit, d'une affiche de métro sexualisant leurs corps à des insultes dans la nuit, un rôdeur qui te suit quand tu rentres et des types qui profitent de toi parce qu'ils veulent tirer leurs coups. Et puis vient l'idée de faire escort-girl. Cette idée arrive tardivement dans le récit, après une lente construction de ce monde hostile, violent. L'escorting n'est pas tant traité que ça, ici. Ce que nous voyons, c'est une jeunesse qui veut étudier, qui rêve d'avenir (si elle l'espère encore) et a qui on ne donne pas les moyens d'y parvenir facilement. Un monde de riches et de pauvres, de fins de mois difficiles et d'étude chères, de sexisme ordinaires et de regard sur le corps des femmes constant. Comme d'autres BD (Le Dernier été de mon innocence, Tout est possible mais rien n'est sûr notamment) c'est un regard posé sur notre monde, un regard qui en souligne les pires travers. Encore une fois, je me dis que j'ai la chance inouïe d'être né homme, même si cette pensée est horrible. Pour finir, je voudrais juste évoquer cette tristesse que j'ai dis ressentir à la lecture. Cette tristesse n'est pas spécifiquement liée au ton de la BD, qui n'est pas dans un ton précis, laissant le lecteur choisir la lecture qu'il en fera. Mais j'ai ressenti une tristesse infinie à la lecture de la conclusion, lorsque deux femmes que nous avons suivi tout au long du récit parlent d'avenir. Et elles s'imaginent partir au fond des bois, bâtir une cabane et vivre en paix. Si elle peut sembler mignonne, utopiste ou légère, je me suis surtout dit que si notre monde est si moche que deux jeunes femmes imaginent comme fin heureuse de s'en éloigner pour vivre loin de lui, il doit être sacrément pourri. C'est cette pensée qui prédomine après la lecture, mais je sais qu'une relecture reviendra bien vite. Et peut-être que j'en tirerais autre chose, comme c'est le cas des œuvres marquantes.
The Corner
Une BD dense, qui passe sur plusieurs sujets et des thématiques intéressantes mais qui a tendance à partir dans des sentiers classiques malgré des débuts bien prometteurs. La BD semble commencer comme un polar classique avec cet homme baignant dans la mafia new-yorkaise des années 20, alors que se multiplient les bateaux de migrants venus de l'Europe, et en particulier l'Italie. Notre héros, Italo, voit ainsi arriver son frère et ses enfants sur un continent aux aspirations de liberté. Le récit démarre très vite comme un polar vengeur, avec un cadavre et une famille débarquée, le tout dans une ambiance de mafieux. Et puis tout bifurque. C'est l'une des forces du récit, de savoir déjouer les attentes en basculant dans la première partie vers un récit autour des anarchistes italiens et de leurs combats. Puis l'histoire change, et nous avons le deuxième chapitre qui change de lieux et de tons. Et ça continue, avec pas mal de bifurcations dans le récit, ce qui finit par devenir un peu trop. Le récit part dans différentes directions que je ne trouve pas toujours maitrisés et qui sont souvent désarmés alors qu'elles prennent une direction plus claire. Au final, c'est un récit de vengeance, d'anarchisme, de construction familiale, de complot politique et de racisme anti-italien. Et je en saurais dire avec certitude quel est le récit central, ce qui est dommage. Et je suis sincère en disant que c'est dommage : le contexte développé autour de l'anarchisme italien est carrément intéressant. Il y a le racisme dont souffre alors ces personnes de la part de l'Etat américain, les aspirations anarchistes issues des classes populaires, le contexte politique italien et post-guerre mondiale, tout en présentant les liens (forts) entre les politiciens et la mafia. Si le récit s'était construit autour de cet axe, je crois que j'aurais été beaucoup plus enthousiaste. Mais je trouve que le récit de famille, la quête de vengeance (la fin avec les flics, notamment) et plusieurs détails sont de trop. Je n'ai pas compris le rôle exact de la femme, ni la raison de l'inclusion du gamin (j'évite de dévoiler, mais je pense que c'est pour parler des impérialismes). J'ajouterais que le dessin est un peu étrange, surtout dans les têtes dont plusieurs sont très ressemblantes. Ce n'est pas un style de dessin que j'apprécie même si je m'y suis fait très vite. Au final je m'y suis retrouvé et il a une certaine patte, mais je n'y retournerais pas pour lui. Bref, une BD intéressante mais pas assez aboutie, la faute selon moi à un scénario qui part dans beaucoup de directions et qui casse souvent sa ligne directrice. Le récit devient alors confus, comme si on avait accolé plusieurs histoires différentes qui auraient mérités d'être racontées à part. Reste un contexte très riche et intéressant que je retiendrais de ma lecture.