Commençons par ce qui est réussi et plaisant du début à la fin : le dessin. Vrancken nous propose quelque chose d’assez chouette à regarder (je trouve la colorisation de Vercouter un chouia moins réussie : elle lisse parfois un peu trop les détails).
Par contre l’intrigue m’a clairement moins convenu. Elle se laisse lire, mais j’ai rapidement été un peu perdu par tous ces personnages, ces divers lieux visités. Le départ est hyper classique et déjà vu, avec cet archéologue, ces recherches nazies dans les années 1930-1940. Avec des allusions ésotériques, ou à l’histoire juive et les textes de Flavius Josèphe. Le tout centré sur le Proche-Orient, et les intrigues liées à la seconde guerre mondiale, mais aussi aux prémices de la création d’Israël.
Tout ceci a déjà été pas mal traité en BD (par Micheluzzi dans Marcel Labrume par exemple), et donne un arrière-plan des plus fournis. Mais ici je n’ai pas trouvé palpitante cette lecture. La faute essentiellement à une intrigue assez fouillis, sans être non plus captivante. La faute surtout à une narration qui manque singulièrement de rythme.
Je suis resté sur ma faim en tout cas.
Note réelle 2,5/5.
Cet album signe le retour de Régis Loisel au dessin, après plusieurs années de pause durant lesquelles il s’était consacré uniquement à des scénarios.
Si le titre de cet album rappellera aux amateurs de films d’horreur le film de Wes Craven « La Dernière Maison sur la gauche », il comporte peu de points communs, si ce n’est la cruauté de certaines situations avec quelques homicides un brin sanglants. Pour le reste, on est plutôt ici dans la comédie, une comédie totalement déjantée où les auteurs ont donné libre cours à leur fantaisie. Et on sent bien qu’ils ont pris un malin plaisir à produire cette histoire mettant en scène une galerie de personnages hauts en couleurs dans des rebondissements aussi improbables qu’inattendus.
Néanmoins, même si ce récit recèle quelques atouts, il pourrait laisser perplexe une partie du lectorat (et c'est mon cas). Les mécanismes du rire sont parfois mystérieux, et malgré la folie et les trouvailles qui jalonnent « La Dernière Maison juste avant la forêt », ceux-ci semblent pour le moins inopérants. Et pourtant, tout avait si bien commencé…
Car en effet, les premières pages abordent avec le personnage de Pierrot, parfait crétin au physique repoussant qui se prend pour un Apollon, une thématique intéressante, celle du « déni de sale gueule », pourrait-on dire. Les miroirs lui renvoient une image très flatteuse, et on pourra soupçonner sa mère, dotée de pouvoirs magiques, d’y être pour quelque chose, celle-ci ayant par ailleurs réduit son queutard de mari à l’état de buste décoratif ! Bref, cette thématique est bien vite abandonnée pour être emportée par le tourbillon effréné de la narration, et on se dit que c’est presque dommage, qu’’il y avait là matière à produire une comédie efficace et jubilatoire avec ce seul sujet.
L’impression qui domine à la sortie de cette lecture est d’avoir mis la tête dans une centrifugeuse, sans être tout à fait sûr de comprendre ce qu’on a lu. Cette histoire aurait pu faire son petit effet dans L’Echo des savanes des premières années, où le foutraque joyeux était en vogue, où toute scène explicite évoquant la sexualité se voulait une provocation envers les « bonnes mœurs ». Mais aujourd’hui, les temps ont changé, et avec eux les stéréotypes. Les jeunes générations semblent avoir beaucoup moins d’interdits et abordent ces questions plus librement que leurs aînés, même si tout n’est pas gagné. En résumé, cette bande dessinée apparaît un peu datée dans son propos, parfois malaisant, avec des dialogues paresseux et inutilement outranciers.
Le seul élément qui ne nous fâchera pas totalement avec l’ouvrage est le dessin de Loisel. Son trait est toujours aussi enlevé et dynamique, l’expressivité des personnages semble décuplée dans ce contexte comique, et les atmosphères début XXe tout à fait réussies, notamment grâce au travail conforme sur la couleur de Bruno Tatti. Du Loisel comme on l’aime.
Cependant, si « La Dernière Maison juste avant la forêt » marque le « grand retour au dessin » de cette pointure du neuvième art qu’est Régis Loisel, on a du mal à être totalement convaincu de sa pertinence. Peut-être faut-il le prendre juste pour ce qu’il semble être, un projet potache purement récréatif, mais qui assurément ne restera pas comme une de ses œuvres marquantes.
Deuxième adaptation du récit de Perceval que je lis en peu de temps, ce qui ne va pas manquer de faire un comparatif entre les deux récits, évidemment. Même si je dois dire directement que par rapport au récit dans Perceval (Bruneau), le roman arthurien porte ici une autre considération et une thématique bien distincte, que l'autrice a intégré à la légende de base de Perceval.
Cette BD n'est donc pas une adaptation stricto-sensu de la légende surtout connue par Chrétien de Troyes, mais une réadaptation brodant sur la ligne directrice de l'histoire dont presque tout les points importants sont rappelés ici. Mais chacun détourné d'une autre façon, abordant l'histoire comme une métaphore de l'impulsivité de la jeunesse qui se brule dans des actions souvent inconsidérées et sans se soucier des conséquences de ses actes sur le monde. Perceval part à l'aventure sur un coup de tête, ne se soucie aucunement des différentes personnes qu'il croise et ignore son identité jusqu'à un final qui lie certains personnages ensemble. Ce final est la quête de la maturité, l'identité de Perceval arrive enfin et qui pourra désormais vivre en tant qu'adulte accompli, conscient d'avoir un impact sur le monde.
Cette idée est originale et permet de traiter un sujet annexe de la légende, ce que j'apprécie toujours. Les relectures et réinterprétations de mythes sont une très bonne façon d'exprimer notre monde par une vieille histoire. Cela dit, je n'ai pas été transcendé non plus. La faute à un dessin assez sommaire à mon gout et qui a une froideur dans le trait qui ne va pas spécialement avec le sujet. J'étais un peu frustré du trait qui m'a semblé bien moins beau que celui de Chevalier Gambette. Le comparatif est peut-être injuste mais la lecture des deux en peu de temps m'empêche de me l'enlever de la tête.
Une BD sympathique mais sur laquelle je ne reviendrais pas, j'en suis presque sur.
The Player who can't level up est l'un des premiers webtoons que j'ai lus, par curiosité pour découvrir ce medium. Il se déroule dans un univers quasiment identique au webtoon plus célèbre qu'est Solo Leveling, à savoir une Terre contemporaine où d'étranges portails sont apparus permettant à des aventuriers d'aller affronter des monstres comme dans les niveaux d'un jeu vidéo. Seuls certains élus peuvent franchir ces portails, et parmi eux encore plus rares sont ceux qui ont acquis d'incroyables pouvoirs et sont devenus riches et célèbres en progressant dans ces mondes de fantasy. Gygyu, lui, pensait pouvoir sortir de la misère en devenant un jour un de ces "players", mais il a vite déchanté en découvrant qu'il était physiquement incapable de progresser et dépasser le niveau 1. Jusqu'au jour où il met la main sur une, puis deux armes extraordinaires qui vont lui permettre de devenir légendaire malgré ce handicap initial.
C'est clairement une publication destinée aux geeks amateurs de manga, de webtoons et de jeux vidéo, plus particulièrement les MMORPG. Son pitch, très typique dans ce domaine, rappelle un isekai où un humain contemporain vit des aventures de fantasy dans des mondes parallèles. Sauf qu'ici, tout est organisé : une véritable industrie s'est mise en place sur Terre pour soutenir ces combattants et exploiter les richesses qu'ils rapportent des donjons. Le concept central de cette série, c'est que le héros reste coincé au niveau 1 malgré des années d'expérience. Ce handicap disparaît cependant très vite avec l'apparition de ces épées qui le rendent presque du jour au lendemain aussi puissant que les plus grands combattants humains. Un bon gros cheat code bien aidé par le scenarium.
Au début, c'est fun : voir celui qui était méprisé devenir super fort, rabattre leur caquet aux arrogants et épater tout le monde contre des ennemis toujours plus puissants a un côté défoulant. Mais l'idée s'essouffle rapidement et il ne se passe plus grand chose de réellement captivant, d'autant que, comme dans beaucoup de webtoons, le rythme narratif est étiré à l'extrême pour durer le plus longtemps possible.
Graphiquement, on retrouve le style typique des webtoons : très informatique, froid, avec des personnages mis en avant sur des décors sans substance. Il faut toutefois reconnaître que c'est ici plutôt soigné, avec de bonnes couleurs et une mise en scène assez efficace. L'adaptation du format numérique au format manga est également correcte, avec beaucoup de cases par page : on évite ainsi la narration trop aérée qui fait tourner les pages trop vite, même si on ressent parfois que certaines cases ont été un peu trop rapetissées par rapport à leur version originale.
Concrètement, ce n'est pas une série que je conseillerais d'acheter : elle s'épuise trop vite et déçoit sur la durée. En revanche, pour découvrir l'univers des webtoons, lire un ou deux tomes peut être une approche intéressante.
Note : 2,5/5
Cet album m'a immédiatement rappelé un autre volume anniversaire consacré à un héros de western : Les Amis de Buddy Longway. Pour les 10 ans du personnage de Derib, de grands noms de la BD franco-belge lui rendaient hommage à travers des histoires courtes qui l'intégraient à leurs univers respectifs. Ici, ce sont les 60 ans de Blueberry qui sont célébrés, avec des auteurs contemporains, dont plusieurs spécialistes du western, qui proposent chacun leur vision du personnage, suivis de quelques illustrations en fin d'ouvrage. À noter que, hormis celle où Michel Blanc-Dumont fait se rencontrer Blueberry et son héros Cartland, les autres récits restent solidement ancrés dans l'univers de Charlier et Giraud, en cherchant avant tout à retrouver l'esprit de la série, parfois même son souffle graphique.
Comme souvent avec ce type d'hommage collectif, le résultat ne peut qu'être variable. Certaines histoires manquent un peu de relief, d'autres séduisent moins par leur dessin, et quelques-unes laissent une impression agréable mais fugace. À l'inverse, plusieurs contributions sont vraiment réussies : des planches superbes qui soutiennent sans rougir la comparaison avec Giraud, des récits qui s'inscrivent parfaitement dans la continuité de la série et lui ajoutent même un soupçon de profondeur en s'intercalant subtilement entre deux tomes... mais je dois admettre que je ne suis sans doute pas assez passionné par Blueberry pour en savourer pleinement toutes les nuances.
Au final, c'est un bel hommage, soigné et cohérent, qui ne comporte pas de véritable faux pas. Il m'a néanmoins laissé un peu à distance : plaisant, souvent très beau, mais d'une portée limitée.
Raja est une fresque épique en trois tomes qui nous plonge au IVe siècle av. J.-C., à l'époque où Kautilya, redoutable guerrier et stratège, rêve de devenir le souverain unique capable d'unifier le sous-continent indien. L'histoire, riche en action et en grand spectacle, évoque autant les récits mythologiques comme Gilgamesh ou la vie de Bouddha que certains mangas stratégiques à la Bokko (Stratège), où un seul homme bouleverse le monde grâce à sa force, son intelligence et son audace.
Le cadre est particulièrement intéressant : l'Inde est alors morcelée en une multitude de royaumes, tandis que les conquêtes d'Alexandre le Grand, brièvement évoquées, influencent les événements. Kautilya, maître d'armes surdoué au service d'un prince, affiche une ambition démesurée. Présenté comme un héros quasi mythologique, il refuse même le trône que lui offre son roi, préférant conquérir l'Inde par ses propres moyens. Le récit enchaîne ainsi les démonstrations de sa force, de son génie tactique et de son audace, face à d'autres figures hors du commun qu'il surpasse immanquablement.
Cette exagération assumée, typique du manga, pourra rebuter certains lecteurs mais donne aussi au récit un souffle grandiloquent et un rythme soutenu, permettant à l'histoire de s'achever en seulement trois volumes. En définitive, l'ensemble se lit avec plaisir : derrière les excès, on découvre un contexte historique indien soigné et dépaysant, qui donne à cette aventure héroïque un charme certain.
Par contre, je reste un peu circonspect sur le conclusion de la série. Elle se termine en 3 tomes mais elle ne clôt vraiment pas l'intrigue et je n'arrive pas à comprendre si c'est volontaire ou si c'est le résultat d'un manque de succès éditorial. C'est comme si les aventures de nos héros s'arrêtaient en cours de route, certes après avoir clos une dernière péripétie mais sans avoir ne serait-ce que commencer à affronter l'antagoniste principal et atteint l'objectif clé que le héros s'est posé depuis le début de la série. Bref, je suis un peu perplexe, même si j'ai passé un moment agréable.
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
Indépendante depuis sa création en 1998, Cultura se donne pour mission de faire vivre et aimer la culture.
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
Les Enfants du ciel
Commençons par ce qui est réussi et plaisant du début à la fin : le dessin. Vrancken nous propose quelque chose d’assez chouette à regarder (je trouve la colorisation de Vercouter un chouia moins réussie : elle lisse parfois un peu trop les détails). Par contre l’intrigue m’a clairement moins convenu. Elle se laisse lire, mais j’ai rapidement été un peu perdu par tous ces personnages, ces divers lieux visités. Le départ est hyper classique et déjà vu, avec cet archéologue, ces recherches nazies dans les années 1930-1940. Avec des allusions ésotériques, ou à l’histoire juive et les textes de Flavius Josèphe. Le tout centré sur le Proche-Orient, et les intrigues liées à la seconde guerre mondiale, mais aussi aux prémices de la création d’Israël. Tout ceci a déjà été pas mal traité en BD (par Micheluzzi dans Marcel Labrume par exemple), et donne un arrière-plan des plus fournis. Mais ici je n’ai pas trouvé palpitante cette lecture. La faute essentiellement à une intrigue assez fouillis, sans être non plus captivante. La faute surtout à une narration qui manque singulièrement de rythme. Je suis resté sur ma faim en tout cas. Note réelle 2,5/5.
La Dernière Maison juste avant la forêt
Cet album signe le retour de Régis Loisel au dessin, après plusieurs années de pause durant lesquelles il s’était consacré uniquement à des scénarios. Si le titre de cet album rappellera aux amateurs de films d’horreur le film de Wes Craven « La Dernière Maison sur la gauche », il comporte peu de points communs, si ce n’est la cruauté de certaines situations avec quelques homicides un brin sanglants. Pour le reste, on est plutôt ici dans la comédie, une comédie totalement déjantée où les auteurs ont donné libre cours à leur fantaisie. Et on sent bien qu’ils ont pris un malin plaisir à produire cette histoire mettant en scène une galerie de personnages hauts en couleurs dans des rebondissements aussi improbables qu’inattendus. Néanmoins, même si ce récit recèle quelques atouts, il pourrait laisser perplexe une partie du lectorat (et c'est mon cas). Les mécanismes du rire sont parfois mystérieux, et malgré la folie et les trouvailles qui jalonnent « La Dernière Maison juste avant la forêt », ceux-ci semblent pour le moins inopérants. Et pourtant, tout avait si bien commencé… Car en effet, les premières pages abordent avec le personnage de Pierrot, parfait crétin au physique repoussant qui se prend pour un Apollon, une thématique intéressante, celle du « déni de sale gueule », pourrait-on dire. Les miroirs lui renvoient une image très flatteuse, et on pourra soupçonner sa mère, dotée de pouvoirs magiques, d’y être pour quelque chose, celle-ci ayant par ailleurs réduit son queutard de mari à l’état de buste décoratif ! Bref, cette thématique est bien vite abandonnée pour être emportée par le tourbillon effréné de la narration, et on se dit que c’est presque dommage, qu’’il y avait là matière à produire une comédie efficace et jubilatoire avec ce seul sujet. L’impression qui domine à la sortie de cette lecture est d’avoir mis la tête dans une centrifugeuse, sans être tout à fait sûr de comprendre ce qu’on a lu. Cette histoire aurait pu faire son petit effet dans L’Echo des savanes des premières années, où le foutraque joyeux était en vogue, où toute scène explicite évoquant la sexualité se voulait une provocation envers les « bonnes mœurs ». Mais aujourd’hui, les temps ont changé, et avec eux les stéréotypes. Les jeunes générations semblent avoir beaucoup moins d’interdits et abordent ces questions plus librement que leurs aînés, même si tout n’est pas gagné. En résumé, cette bande dessinée apparaît un peu datée dans son propos, parfois malaisant, avec des dialogues paresseux et inutilement outranciers. Le seul élément qui ne nous fâchera pas totalement avec l’ouvrage est le dessin de Loisel. Son trait est toujours aussi enlevé et dynamique, l’expressivité des personnages semble décuplée dans ce contexte comique, et les atmosphères début XXe tout à fait réussies, notamment grâce au travail conforme sur la couleur de Bruno Tatti. Du Loisel comme on l’aime. Cependant, si « La Dernière Maison juste avant la forêt » marque le « grand retour au dessin » de cette pointure du neuvième art qu’est Régis Loisel, on a du mal à être totalement convaincu de sa pertinence. Peut-être faut-il le prendre juste pour ce qu’il semble être, un projet potache purement récréatif, mais qui assurément ne restera pas comme une de ses œuvres marquantes.
Perceval
Deuxième adaptation du récit de Perceval que je lis en peu de temps, ce qui ne va pas manquer de faire un comparatif entre les deux récits, évidemment. Même si je dois dire directement que par rapport au récit dans Perceval (Bruneau), le roman arthurien porte ici une autre considération et une thématique bien distincte, que l'autrice a intégré à la légende de base de Perceval. Cette BD n'est donc pas une adaptation stricto-sensu de la légende surtout connue par Chrétien de Troyes, mais une réadaptation brodant sur la ligne directrice de l'histoire dont presque tout les points importants sont rappelés ici. Mais chacun détourné d'une autre façon, abordant l'histoire comme une métaphore de l'impulsivité de la jeunesse qui se brule dans des actions souvent inconsidérées et sans se soucier des conséquences de ses actes sur le monde. Perceval part à l'aventure sur un coup de tête, ne se soucie aucunement des différentes personnes qu'il croise et ignore son identité jusqu'à un final qui lie certains personnages ensemble. Ce final est la quête de la maturité, l'identité de Perceval arrive enfin et qui pourra désormais vivre en tant qu'adulte accompli, conscient d'avoir un impact sur le monde. Cette idée est originale et permet de traiter un sujet annexe de la légende, ce que j'apprécie toujours. Les relectures et réinterprétations de mythes sont une très bonne façon d'exprimer notre monde par une vieille histoire. Cela dit, je n'ai pas été transcendé non plus. La faute à un dessin assez sommaire à mon gout et qui a une froideur dans le trait qui ne va pas spécialement avec le sujet. J'étais un peu frustré du trait qui m'a semblé bien moins beau que celui de Chevalier Gambette. Le comparatif est peut-être injuste mais la lecture des deux en peu de temps m'empêche de me l'enlever de la tête. Une BD sympathique mais sur laquelle je ne reviendrais pas, j'en suis presque sur.
The Player who can't level up
The Player who can't level up est l'un des premiers webtoons que j'ai lus, par curiosité pour découvrir ce medium. Il se déroule dans un univers quasiment identique au webtoon plus célèbre qu'est Solo Leveling, à savoir une Terre contemporaine où d'étranges portails sont apparus permettant à des aventuriers d'aller affronter des monstres comme dans les niveaux d'un jeu vidéo. Seuls certains élus peuvent franchir ces portails, et parmi eux encore plus rares sont ceux qui ont acquis d'incroyables pouvoirs et sont devenus riches et célèbres en progressant dans ces mondes de fantasy. Gygyu, lui, pensait pouvoir sortir de la misère en devenant un jour un de ces "players", mais il a vite déchanté en découvrant qu'il était physiquement incapable de progresser et dépasser le niveau 1. Jusqu'au jour où il met la main sur une, puis deux armes extraordinaires qui vont lui permettre de devenir légendaire malgré ce handicap initial. C'est clairement une publication destinée aux geeks amateurs de manga, de webtoons et de jeux vidéo, plus particulièrement les MMORPG. Son pitch, très typique dans ce domaine, rappelle un isekai où un humain contemporain vit des aventures de fantasy dans des mondes parallèles. Sauf qu'ici, tout est organisé : une véritable industrie s'est mise en place sur Terre pour soutenir ces combattants et exploiter les richesses qu'ils rapportent des donjons. Le concept central de cette série, c'est que le héros reste coincé au niveau 1 malgré des années d'expérience. Ce handicap disparaît cependant très vite avec l'apparition de ces épées qui le rendent presque du jour au lendemain aussi puissant que les plus grands combattants humains. Un bon gros cheat code bien aidé par le scenarium. Au début, c'est fun : voir celui qui était méprisé devenir super fort, rabattre leur caquet aux arrogants et épater tout le monde contre des ennemis toujours plus puissants a un côté défoulant. Mais l'idée s'essouffle rapidement et il ne se passe plus grand chose de réellement captivant, d'autant que, comme dans beaucoup de webtoons, le rythme narratif est étiré à l'extrême pour durer le plus longtemps possible. Graphiquement, on retrouve le style typique des webtoons : très informatique, froid, avec des personnages mis en avant sur des décors sans substance. Il faut toutefois reconnaître que c'est ici plutôt soigné, avec de bonnes couleurs et une mise en scène assez efficace. L'adaptation du format numérique au format manga est également correcte, avec beaucoup de cases par page : on évite ainsi la narration trop aérée qui fait tourner les pages trop vite, même si on ressent parfois que certaines cases ont été un peu trop rapetissées par rapport à leur version originale. Concrètement, ce n'est pas une série que je conseillerais d'acheter : elle s'épuise trop vite et déçoit sur la durée. En revanche, pour découvrir l'univers des webtoons, lire un ou deux tomes peut être une approche intéressante. Note : 2,5/5
Sur la piste de Blueberry
Cet album m'a immédiatement rappelé un autre volume anniversaire consacré à un héros de western : Les Amis de Buddy Longway. Pour les 10 ans du personnage de Derib, de grands noms de la BD franco-belge lui rendaient hommage à travers des histoires courtes qui l'intégraient à leurs univers respectifs. Ici, ce sont les 60 ans de Blueberry qui sont célébrés, avec des auteurs contemporains, dont plusieurs spécialistes du western, qui proposent chacun leur vision du personnage, suivis de quelques illustrations en fin d'ouvrage. À noter que, hormis celle où Michel Blanc-Dumont fait se rencontrer Blueberry et son héros Cartland, les autres récits restent solidement ancrés dans l'univers de Charlier et Giraud, en cherchant avant tout à retrouver l'esprit de la série, parfois même son souffle graphique. Comme souvent avec ce type d'hommage collectif, le résultat ne peut qu'être variable. Certaines histoires manquent un peu de relief, d'autres séduisent moins par leur dessin, et quelques-unes laissent une impression agréable mais fugace. À l'inverse, plusieurs contributions sont vraiment réussies : des planches superbes qui soutiennent sans rougir la comparaison avec Giraud, des récits qui s'inscrivent parfaitement dans la continuité de la série et lui ajoutent même un soupçon de profondeur en s'intercalant subtilement entre deux tomes... mais je dois admettre que je ne suis sans doute pas assez passionné par Blueberry pour en savourer pleinement toutes les nuances. Au final, c'est un bel hommage, soigné et cohérent, qui ne comporte pas de véritable faux pas. Il m'a néanmoins laissé un peu à distance : plaisant, souvent très beau, mais d'une portée limitée.
Raja
Raja est une fresque épique en trois tomes qui nous plonge au IVe siècle av. J.-C., à l'époque où Kautilya, redoutable guerrier et stratège, rêve de devenir le souverain unique capable d'unifier le sous-continent indien. L'histoire, riche en action et en grand spectacle, évoque autant les récits mythologiques comme Gilgamesh ou la vie de Bouddha que certains mangas stratégiques à la Bokko (Stratège), où un seul homme bouleverse le monde grâce à sa force, son intelligence et son audace. Le cadre est particulièrement intéressant : l'Inde est alors morcelée en une multitude de royaumes, tandis que les conquêtes d'Alexandre le Grand, brièvement évoquées, influencent les événements. Kautilya, maître d'armes surdoué au service d'un prince, affiche une ambition démesurée. Présenté comme un héros quasi mythologique, il refuse même le trône que lui offre son roi, préférant conquérir l'Inde par ses propres moyens. Le récit enchaîne ainsi les démonstrations de sa force, de son génie tactique et de son audace, face à d'autres figures hors du commun qu'il surpasse immanquablement. Cette exagération assumée, typique du manga, pourra rebuter certains lecteurs mais donne aussi au récit un souffle grandiloquent et un rythme soutenu, permettant à l'histoire de s'achever en seulement trois volumes. En définitive, l'ensemble se lit avec plaisir : derrière les excès, on découvre un contexte historique indien soigné et dépaysant, qui donne à cette aventure héroïque un charme certain. Par contre, je reste un peu circonspect sur le conclusion de la série. Elle se termine en 3 tomes mais elle ne clôt vraiment pas l'intrigue et je n'arrive pas à comprendre si c'est volontaire ou si c'est le résultat d'un manque de succès éditorial. C'est comme si les aventures de nos héros s'arrêtaient en cours de route, certes après avoir clos une dernière péripétie mais sans avoir ne serait-ce que commencer à affronter l'antagoniste principal et atteint l'objectif clé que le héros s'est posé depuis le début de la série. Bref, je suis un peu perplexe, même si j'ai passé un moment agréable.