Je continue mon exploration des albums scénarisés par Jim comme on continue celle de l'esprit d'un auteur et d'un homme. Avec l'album précédent, Rester jeune à tout prix, publié cinq ans avant celui-ci, je faisais le constat que l'auteur, ou en tout cas son avatar dans la BD, reflétait une véritable insécurité et instabilité. A en croire cet album suivant, cela semble avoir effectivement résulté en une déprime manifeste qui a inspiré sa nouvelle publication, co-scénarisée par Gaston.
Cette fois, exit le dessin très dynamique et vivant de Fredman qui n'aurait pas collé au sujet, ni même celui de Jim lui-même. A la place, le dessin est réalisé par Gil, qui n'a pas publié grand-chose d'autre à part cet album et quelques collectifs. Son style est assez inégal. Je suis amateur de sa ligne claire et des couleurs chaudes de Sébastien Brunet pour les scènes lumineuses. Ses personnages sont plutôt réussis, et il sait dessiner de jolies femmes. Toutefois, on note ici et là quelques faiblesses techniques, notamment des visages parfois ratés. De même, les couleurs ne fonctionnent plus pour les scènes nocturnes où l'utilisation du numérique se fait trop visible.
Côté scénario, cet album explore la déprime du quotidien en enchaînant de courtes scènes où les personnages se croisent et se répondent, entre petits diagnostics psychologiques et gags rapides. L'intention est bonne et certaines idées touchent juste, parfois amusantes, parfois plus touchantes. Mais l'ensemble reste inégal : quelques scènes fonctionnent, beaucoup tombent à plat et installent une atmosphère plus morose que réellement comique. L'humour devient en outre assez vite répétitif, avec une perte notable d'inspiration au fil des pages. Et surtout, les personnages sont relativement antipathiques, certes centrés sur eux-mêmes comme tout bon dépressif, mais également méchants avec leurs proches, ne trouvant trop souvent de réconfort que dans la critique et le rabaissement des autres. Ce n'est pas drôle et un peu malsain.
C'est une BD qui veut mêler humour et introspection mais qui oscille trop pour convaincre pleinement et rebute un peu par son choix de personnages.
Une BD étrange, adaptée d'une nouvelle que je ne connaissais pas d'une auteure que je ne connais pas non plus. C'est d'ailleurs très bien d'avoir mis une indication biographique de l'autrice d'origine. Je ne pensais pas que cette nouvelle aurait fait scandale à l'époque, et pourtant ...
La BD est une adaptation et c'est sans doute une force et une faiblesse. Je sens à travers l'adaptation tout l'aspect progressif du récit jusqu'au point final, qu'on peut deviner d'ailleurs avant qu'il n'arrive. C'est une histoire qui se déroule très lentement, presque à chaque seconde. Cette construction minutieuse, presque millimétrée, est aussi un défaut du récit puisque muet la plupart du temps, il se lit finalement vite et ne tient que par l'intérêt du final, que j'ai malheureusement senti arriver très très vite.
De fait, ce qui est le plus notable, c'est le dessin qui semble inspiré de divers artistes notamment Norman Rockwell et son fameux trait si caractéristique. C'est une sorte de peinture année 50, allant parfaitement avec le ton et donnant une atmosphère caractéristique des affiches et tableaux de cette époque. Cette idée est bien menée mais je dois avouer qu'elle fait un peu solitaire dans l'ensemble. Ce n'est pas suffisant, en tout cas à mon gout, pour m'accrocher totalement à la BD.
En fin de compte, je suis bien embêté pour noter la BD. Son idée n'est pas follement originale de nos jours, beaucoup d’œuvres ont exploré dans ce sens avec parfois plus de mordant et de réflexion. Ici ça reste en surface, mais encore une fois c'est l'adaptation d'une nouvelle datant des années 50. Dois-je saluer l'idée ou faire remarquer qu'aujourd'hui elle n'est plus si novatrice ? D'autant que la BD ne dépasse pas un cadre qui se ressent très vite, la mise en place lente d'une situation jusqu'au final explosif. Et c'est ce qui m'empêche de la recommander, puisque je ne vois pas ce qui m'intéresserait suffisamment pour l'acheter et la relire. Bref, un sentiment partagé mais pas franchement positif à son égard !
Une nouvelle bande dessinée d'Alain Ayroles, c'est toujours la fête pour un bédéphile. C'est donc tout naturellement que je me suis précipité en librairie et je n'ai pas trop été déçu ! Encore une fois, Ayroles accouche à la fois d'un bel objet et d'une histoire puissante. Les jeux de pouvoirs et de domination qu'il met en scène sont savamment mis en place avec l'art qu'on lui connaît. Ses personnages sont intelligemment écrits, et même si on est parfois dans le domaine de la caricature, il sait faire sortir les protagonistes de cette ornière. Ainsi, notre perception des personnages principaux change constamment, au fur et à mesure qu'on découvre leurs vilenies ou leur excessive naïveté. L'univers du XVIIIe siècle français est en cela très bien rendue, avec l'hypocrisie qu'on lui connaît. L'auteur menace toutefois régulièrement de réduire le siècle des Lumières à cette hypocrisie, et c'est à mon sens un peu dommage, car il bénéficie quand même d'une richesse culturelle indéniable. Certes, Ayroles la met bien en scène mais toujours à travers ce prisme de l'hypocrisie d'une élite déconnectée du vrai peuple.
D'un côté, on est contents de voir cette description d'une noblesse d'Ancien Régime, qui n'invoque le progrès, la philosophie et la culture que pour mieux se conforter dans un entre-soi détestable, à milles lieues des vertus invoquées au sein même d'une religion affichée qui ne signifie plus rien à leurs yeux, ou d'un athéisme étonnamment plus dogmatique encore que la religion qui le précéda. Heureusement, au fur et à mesure des 3 tomes parus à ce
Ce contact avec le Nouveau Monde est d'ailleurs une des grandes surprises du récit pour ma part (mais révélé dès la lecture de la 4e de couverture, puisqu'il suffit de lire le titre des deux tomes à venir pour le comprendre). Je ne m'attendais pas à ce que le récit explore le lien entre l'Ancien Régime et les colonies américaines, cela donne une ampleur inattendue au récit : on s'attendait aux Liaisons dangereuses et on se retrouve avec Le Dernier des Mohicans en plus ! Belle surprise, qui permet à Ayroles de s'amuser avec ce qu'il préfère : le récit d'une colonisation cynique où les innocents sont écrasés par les politiques et les commerçants. Même s'il n'atteint pas ici le ton épique de Les Indes fourbes, il nous offre un récit bien différent, qui étend ses ramifications petit à petit jusqu'à nous plonger dans l'Histoire, la vraie, sans qu'on s'y attende vraiment.
Le tome 2 nous plonge déjà dans l'univers dangereux des Grands Lacs avec une réussite indéniable, mais avec le tome 3, c'est la consécration ! Les différents fils narratifs y trouvent une conclusion plus que satisfaisante, y compris un fil narratif essentiel du premier tome dont on n'attendait pas la suite ici. Surtout, le récit nous immisce peu à peu dans les guerres franco-britanniques qui viennent envahir le sol canadien, vues par de multiples points de vue, ceux des colons, des soldats, mais aussi des indiens. Ce qui est fort, c'est que malgré le (très) grand nombre de points de vue, le récit conserve tout le temps sa fluidité !
Au dessin, Richard Guérineau n'a certes pas le génie de Juanjo Guarnido, mais il a néanmoins une jolie patte graphique, qui colle bien avec l'univers d'Ayroles. Manquant peut-être un peu de finesse par rapport au raffinement extrême du XVIIIe siècle français, le dessin se révèle parfaitement efficace quand il s'agit de dépeindre le grand nord canadien. Élégant, mais brutal quand il le faut, le dessin de Guérineau accompagne à point nommé les retournements de situation et autres jeux de manipulation sournoise qui ponctuent le récit.
Là aussi, on sent Guérineau très à son aise particulièrement dans un tome 3 où les conflits (plus ou moins) larvés éclatent, et où la guerre s'impose de plus en plus à des autochtones qui n'ont rien demandé. Même si ces guerres restent en toile de fond du récit, elles confèrent au tome 3 un ton plus grandiose que les précédents, peut-être un peu plus sérieux alors que paradoxalement, en même temps, les manigances du chevalier de Saint-Sauveur deviennent des ressorts plus ouvertement comiques (pour un peu, on se croirait dans du Goscinny, par moments !).
Peut-être mon seul reproche serait-il de nous avoir vendu une trilogie, avant de découvrir qu'il va y avoir un tome 4. Mais bon, vu le cliffhanger du tome 3, il est difficile de ne pas attendre le tome 4 avec la même impatience que les autres ! Un arc narratif s'est clairement refermé et ces 3 tomes pourront se lire comme une trilogie à peu près complète (sauf qu'on ignore toujours l'identité de Mme de ***, qui sera probablement au cœur des prochains volumes). L'aventure canadienne semble terminée, mais espérons que la suite de la saga soit au même niveau !
En tous cas, Le Démon des Grands Lacs clôt dignement une belle et grande trilogie, tout en ouvrant de belles perspectives pour la suite. Le chevalier de Saint-Sauveur va sûrement voir son passé ressurgir et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on a plus que hâte !
Je connaissais l’expression « strange fruit », et j’avais déjà entendu la chanson de Billie Holiday, sans l’avoir vraiment retenue.
Cet album permet de resituer la composition du texte par Abel Meeropol, son interprétation par Billie Holiday, mais aussi – c’est presque parfois aussi, voire plus important – de resituer le contexte.
Deux biographies en une donc. Celle de Billie Holiday, dont la carrière a été freinée, voire en partie gâchée par la consommation d’alcool et de drogue, mais aussi le racisme sévissant aux États-Unis. Il est intéressant de voir qu’elle a mis un certain temps avant de chanter « Strange fruit », car au départ peu concernée par une chanson « politique » (la chanson dénonce les lynchages de « Nègres » dans le sud des États-Unis).
Mais c’est surtout l’occasion de connaitre Abel, resté dans l’anonymat, compositeur « engagé », dont les convictions et la rigueur morale lui coûteront une carrière brillante (avant et pendant la guerre, puis au temps du Maccarthysme, sa défense des « Nègres » étant assimilé à du communisme, et donc amenant à le blacklister).
On l’a bien compris, c’est aussi la société américaine qui est mise à nu par cette biographie bicéphale. Le parangon des libertés et de la démocratie est aussi le pays de la ségrégation et de la chasse aux sorcières du maccarthysme.
Ce dernier aspect – en plus de découvrir au détour de quelques pages certains des très grands noms du jazz – ajoute à l’intérêt purement biographique de l’album.
Mais, si le dessin est agréable, et si le sujet est intéressant, j’ai trouvé que la narration aurait pu être moins retenue, plus dynamique.
Ça reste une lecture que j’ai trouvée intéressante en tout cas.
Avis subjectif, pour un album pas très courant, et qui je pense plaira surtout aux amateurs de l’auteur. Mais aussi aux lecteurs curieux, férus de poésie – surréaliste essentiellement. Et comme je fais partie de ces deux catégories, voilà un album que j’ai grandement apprécié !
L’album est vite lu, car totalement muet. Même s’il y a un récit sous-jacent, c’est surtout une suite d’images, de rêveries, l’exploration de l’imaginaire de Moebius.
J’ai parlé d’une lecture rapide. Certes. Mais elle en appelle presque à l’infini d’autres, pour observer les détails. Car Moebius allie ici la minutie et l’épure, dans un dessin excellent, souvent hypnotique et onirique.
Giraud/Moebius a toujours aimé les déserts, les a souvent représentés, dans les Blueberry de façon réaliste, et dans pas mal d’œuvres moebiusiennes de façon plus épurée, comme c’est le cas ici. Ses visites aux États-Unis, au Mexique – et probablement l’usage de substances « exotiques » – l’ont fortement inspiré, pour donner ici quelque chose de superbe visuellement, et d’intrigant intellectuellement.
Une lecture envoûtante.
Voilà un album franchement inclassable.
Une petite curiosité qu’on ne croise pas partout. Mais cette collection Atome m’attire généralement. J’aime bien la maquette, et on peut y trouver des histoires originales.
C’est le cas ici, même si j’ai trouvé le scénario à la fois « léger » et obscur. En tout cas pas mal foutraque.
C’est ainsi que nous suivons un héros bicéphale à double personnalité, Suplex et Caltex donc, qui rêvent de devenir acteur, et croient d’ailleurs y être parvenus, dans un Hollywood futuriste où sont singés les grands studios et quelques producteurs/réalisateurs mégalomanes. Nos deux têtes doivent hélas faire face à un iconoclaste extrémiste (aux airs de gourou), qui crie sa haine des grands cinéastes, et les prend pour cible (alors qu’ils croient que tout fait partie d’un scénario et d’un film en cours de tournage).
Disons que ça se laisse lire, mais l’ensemble est très décousu, et m’a un peu perdu.
J’ai par contre bien aimé le dessin, dans un style atome intéressant, et l’usage d’une bichromie discrète.
Une petite curiosité à redécouvrir à l’occasion.
Note réelle 2,5/5.
Le duo nous ayant offert Le Serpent et le Coyote remet le couvert en proposant un polar lui ouvrant la voie.
Malheureusement, le résultat est autrement plus banal. Quand sur "Le serpent..." les codes du genre (polar & western) étaient habilement usités, l'intrigue menée tambour battant jusque dans ses rebondissements bienvenus, les changements de décor et la gestion des différents protagonistes gérés avec clarté et d'une justesse indéniable, tout est cette fois plus emprunté. L'on devine l'envie de proposer une chasse au trésor jubilatoire, rebattant sempiternellement les cartes de ce jeu de dupes entre les personnages : qui poursuit qui, qui est par pur intérêt personnel momentanément associé à qui, etc. Malheureusement, cela paraît très artificiel, la faute aux rebondissements moins habiles, aux personnages moins ciselés, au rythme moins tenu, aux dialogues non jubilatoires, à un puzzle s'imbriquant sans souffle.
Demeure un récit très honorable, plutôt divertissant, mais fort oubliable.
A force de lire les albums de Jim et Fredman, je commence à faire de la psychanalyse de comptoir tant la personnalité de Jim en tant qu'auteur s'y dévoile peu à peu entre ces anciens albums-là et les suivants, moins humoristiques. Et cette analyse, aussi superficielle soit-elle, révèle une insécurité étonnante : une peur de vieillir, une peur de s'encroûter, de ne pas vivre sa vie, de passer à côté d'une expérience ou d'une romance, jamais serein à sa place. Insécurité propre aux artistes en général ? En tout cas, ça ne me parle pas car, outre ma sérénité, j'ai largement dépassé cet âge trentenaire qu'il voyait comme le début de la vieillesse.
Comme les autres albums du duo, le bon point reste le dessin de Fredman, toujours aussi souple et efficace, si l'on excepte la couverture que je trouve très laide, surtout dans ses choix de couleurs.
Pour le reste, je suis bien plus circonspect.
Outre ces thèmes de l'insécurité et de la peur de vieillir qui ne me touchent pas, j'ai trouvé le récit non seulement dépassé mais aussi légèrement malsain, si l'on excepte la toute fin qui revient à quelque chose de plus sage mais aussi assez convenu.
Pour commencer, l'album est trop ancré dans son époque, début des années 2000, et les jeunes de la génération SMS qui y sont décrits sont déjà les vieux d'aujourd'hui. D'ailleurs : djeun'z, neuj... rien qu'avec ces expressions utilisées à tout-va ici, on voit que cette BD a mal vieilli.
Ensuite, les obsessions des personnages, et en particulier du principal, sont pénibles. Il ne lui faut surtout pas d'enfants, le confort et la tranquillité c'est ringard, sortir avec des très jeunes femmes, voire des mineures, c'est cool : le message laisse franchement perplexe.
Puis l'ensemble tourne trop vite en rond. Les gags s'étirent, la thématique du jeunisme est survolée sans mordant, et Jim peine à trouver des situations vraiment percutantes. Le fil narratif, censé relier les scènes et réutilisant des personnages issus de ses albums précédents, apporte finalement peu. Pris par petites touches, l'humour fonctionne parfois, mais la lecture d'ensemble reste répétitive, prévisible, plutôt fade et surtout agaçante par le message qu'elle transmet.
Vraiment pas le meilleur du duo, mais assez parlant pour tracer les contours de l'esprit de Jim à travers son œuvre (avec toutes les erreurs d'interprétation que je peux faire puisque ce n'est jamais là que son œuvre et pas lui-même que je découvre).
Quand je feuilletais les albums de Jim en supermarché il y a plus de vingt ans, je ne m'étais pas rendu compte à quel point il se livrait déjà sur son mode de vie et ses relations sociales, comme il le fera par la suite dans ses albums moins humoristiques. Il semble que la norme pour lui à cette époque était d'être un trentenaire urbain surtout pas casé, avec énormément d'amis plus ou moins proches pour faire la fête, s'entraider et rester jeune à tout jamais. Tous les gags et saynètes de cet album vont dans cette optique, avec des personnages récurrents et l'avatar de Jim ou de Fredman au milieu.
Je n'avais déjà pas d'affinités avec lui pour tout ce qui était vision des relations sentimentales, je n'en ai donc pas non plus concernant les relations amicales, moi dont les vrais amis se comptent sur les doigts de la main, casés, sages et parents depuis longtemps, et n'en ayant pas changé depuis plus de 25 ans. Autant dire que cette BD ne m'a pas parlé.
Le bon point reste le dessin de Fredman, toujours aussi souple et efficace. Mais à côté de ça, les gags manquent de relief, les personnages sont caricaturaux et assez pénibles, les situations tournent court, et l'ensemble rappelle davantage ces petites blagues qu'on oublie aussitôt qu'on les a entendues. Le thème de l'amitié aurait pu offrir bien plus de mordant, mais le livre reste prévisible et rarement drôle. Le dessin, correct sans être marquant, ne suffit pas à rattraper un humour poussif qui rend la lecture étonnamment longue.
Au final, un album dispensable, loin des quelques réussites du duo, et que je ne conseillerais pas à l'achat.
Les 7 mercenaires au temps des Croisades !
À la fin du XIIe siècle, une jeune forgeronne se rend à Jérusalem pour recruter des chevaliers capables de défendre son village contre des croisés sans scrupules. Sa seule monnaie d'échange : des armures d'une qualité exceptionnelle qu'elle est la seule à savoir forger. En chemin, elle réunit une équipe hétéroclite de combattants venus d'horizons très divers, qui acceptent de la suivre et de se battre à ses côtés.
Voilà une publication des plus réjouissantes. Certes, le schéma des 7 mercenaires a été exploité maintes fois, mais le transposer dans le royaume de Jérusalem, véritable carrefour où se côtoyaient Européens, Africains, Nizârites, Mongols ou Tatars, offre un terrain culturel riche et propice à un récit haut en couleurs. Et confié à Arthur de Pins, le concept fonctionne d'autant mieux.
Son graphisme fait toujours mouche. Il s'éloigne ici un peu de l'esthétique très numérique de Zombillénium : pas de dégradés, et la 3D n'apparaît que dans certains décors, tandis que les personnages et l'essentiel des planches adoptent un rendu en aplats, plus sobre visuellement mais tout aussi efficace. L'auteur s'autorise en prime plusieurs compositions d'une grande élégance, proches d'illustrations d'artistes conceptuels.
La narration, elle aussi, apporte une vraie fraîcheur. Malgré un cadre historique soigné et quasiment dépourvu d'anachronismes, les dialogues adoptent une vivacité très contemporaine, presque cinématographique. Le rythme est excellent, soutenu par une galerie de personnages réussie, par la personnalité forte de la forgeronne qui les rassemble et par un zeste d'humour bienvenu dans la mise en scène. L'intrigue principale reste simple et rappelle les exactions commises par certains croisés en Terre sainte, mais elle s'enrichit de sous-intrigues bien dosées qui maintiennent l'intérêt et donnent envie d'avancer.
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Je continue mon exploration des albums scénarisés par Jim comme on continue celle de l'esprit d'un auteur et d'un homme. Avec l'album précédent, Rester jeune à tout prix, publié cinq ans avant celui-ci, je faisais le constat que l'auteur, ou en tout cas son avatar dans la BD, reflétait une véritable insécurité et instabilité. A en croire cet album suivant, cela semble avoir effectivement résulté en une déprime manifeste qui a inspiré sa nouvelle publication, co-scénarisée par Gaston. Cette fois, exit le dessin très dynamique et vivant de Fredman qui n'aurait pas collé au sujet, ni même celui de Jim lui-même. A la place, le dessin est réalisé par Gil, qui n'a pas publié grand-chose d'autre à part cet album et quelques collectifs. Son style est assez inégal. Je suis amateur de sa ligne claire et des couleurs chaudes de Sébastien Brunet pour les scènes lumineuses. Ses personnages sont plutôt réussis, et il sait dessiner de jolies femmes. Toutefois, on note ici et là quelques faiblesses techniques, notamment des visages parfois ratés. De même, les couleurs ne fonctionnent plus pour les scènes nocturnes où l'utilisation du numérique se fait trop visible. Côté scénario, cet album explore la déprime du quotidien en enchaînant de courtes scènes où les personnages se croisent et se répondent, entre petits diagnostics psychologiques et gags rapides. L'intention est bonne et certaines idées touchent juste, parfois amusantes, parfois plus touchantes. Mais l'ensemble reste inégal : quelques scènes fonctionnent, beaucoup tombent à plat et installent une atmosphère plus morose que réellement comique. L'humour devient en outre assez vite répétitif, avec une perte notable d'inspiration au fil des pages. Et surtout, les personnages sont relativement antipathiques, certes centrés sur eux-mêmes comme tout bon dépressif, mais également méchants avec leurs proches, ne trouvant trop souvent de réconfort que dans la critique et le rabaissement des autres. Ce n'est pas drôle et un peu malsain. C'est une BD qui veut mêler humour et introspection mais qui oscille trop pour convaincre pleinement et rebute un peu par son choix de personnages.
La Loterie
Une BD étrange, adaptée d'une nouvelle que je ne connaissais pas d'une auteure que je ne connais pas non plus. C'est d'ailleurs très bien d'avoir mis une indication biographique de l'autrice d'origine. Je ne pensais pas que cette nouvelle aurait fait scandale à l'époque, et pourtant ... La BD est une adaptation et c'est sans doute une force et une faiblesse. Je sens à travers l'adaptation tout l'aspect progressif du récit jusqu'au point final, qu'on peut deviner d'ailleurs avant qu'il n'arrive. C'est une histoire qui se déroule très lentement, presque à chaque seconde. Cette construction minutieuse, presque millimétrée, est aussi un défaut du récit puisque muet la plupart du temps, il se lit finalement vite et ne tient que par l'intérêt du final, que j'ai malheureusement senti arriver très très vite. De fait, ce qui est le plus notable, c'est le dessin qui semble inspiré de divers artistes notamment Norman Rockwell et son fameux trait si caractéristique. C'est une sorte de peinture année 50, allant parfaitement avec le ton et donnant une atmosphère caractéristique des affiches et tableaux de cette époque. Cette idée est bien menée mais je dois avouer qu'elle fait un peu solitaire dans l'ensemble. Ce n'est pas suffisant, en tout cas à mon gout, pour m'accrocher totalement à la BD. En fin de compte, je suis bien embêté pour noter la BD. Son idée n'est pas follement originale de nos jours, beaucoup d’œuvres ont exploré dans ce sens avec parfois plus de mordant et de réflexion. Ici ça reste en surface, mais encore une fois c'est l'adaptation d'une nouvelle datant des années 50. Dois-je saluer l'idée ou faire remarquer qu'aujourd'hui elle n'est plus si novatrice ? D'autant que la BD ne dépasse pas un cadre qui se ressent très vite, la mise en place lente d'une situation jusqu'au final explosif. Et c'est ce qui m'empêche de la recommander, puisque je ne vois pas ce qui m'intéresserait suffisamment pour l'acheter et la relire. Bref, un sentiment partagé mais pas franchement positif à son égard !
L'Ombre des Lumières
Une nouvelle bande dessinée d'Alain Ayroles, c'est toujours la fête pour un bédéphile. C'est donc tout naturellement que je me suis précipité en librairie et je n'ai pas trop été déçu ! Encore une fois, Ayroles accouche à la fois d'un bel objet et d'une histoire puissante. Les jeux de pouvoirs et de domination qu'il met en scène sont savamment mis en place avec l'art qu'on lui connaît. Ses personnages sont intelligemment écrits, et même si on est parfois dans le domaine de la caricature, il sait faire sortir les protagonistes de cette ornière. Ainsi, notre perception des personnages principaux change constamment, au fur et à mesure qu'on découvre leurs vilenies ou leur excessive naïveté. L'univers du XVIIIe siècle français est en cela très bien rendue, avec l'hypocrisie qu'on lui connaît. L'auteur menace toutefois régulièrement de réduire le siècle des Lumières à cette hypocrisie, et c'est à mon sens un peu dommage, car il bénéficie quand même d'une richesse culturelle indéniable. Certes, Ayroles la met bien en scène mais toujours à travers ce prisme de l'hypocrisie d'une élite déconnectée du vrai peuple. D'un côté, on est contents de voir cette description d'une noblesse d'Ancien Régime, qui n'invoque le progrès, la philosophie et la culture que pour mieux se conforter dans un entre-soi détestable, à milles lieues des vertus invoquées au sein même d'une religion affichée qui ne signifie plus rien à leurs yeux, ou d'un athéisme étonnamment plus dogmatique encore que la religion qui le précéda. Heureusement, au fur et à mesure des 3 tomes parus à ce Ce contact avec le Nouveau Monde est d'ailleurs une des grandes surprises du récit pour ma part (mais révélé dès la lecture de la 4e de couverture, puisqu'il suffit de lire le titre des deux tomes à venir pour le comprendre). Je ne m'attendais pas à ce que le récit explore le lien entre l'Ancien Régime et les colonies américaines, cela donne une ampleur inattendue au récit : on s'attendait aux Liaisons dangereuses et on se retrouve avec Le Dernier des Mohicans en plus ! Belle surprise, qui permet à Ayroles de s'amuser avec ce qu'il préfère : le récit d'une colonisation cynique où les innocents sont écrasés par les politiques et les commerçants. Même s'il n'atteint pas ici le ton épique de Les Indes fourbes, il nous offre un récit bien différent, qui étend ses ramifications petit à petit jusqu'à nous plonger dans l'Histoire, la vraie, sans qu'on s'y attende vraiment. Le tome 2 nous plonge déjà dans l'univers dangereux des Grands Lacs avec une réussite indéniable, mais avec le tome 3, c'est la consécration ! Les différents fils narratifs y trouvent une conclusion plus que satisfaisante, y compris un fil narratif essentiel du premier tome dont on n'attendait pas la suite ici. Surtout, le récit nous immisce peu à peu dans les guerres franco-britanniques qui viennent envahir le sol canadien, vues par de multiples points de vue, ceux des colons, des soldats, mais aussi des indiens. Ce qui est fort, c'est que malgré le (très) grand nombre de points de vue, le récit conserve tout le temps sa fluidité ! Au dessin, Richard Guérineau n'a certes pas le génie de Juanjo Guarnido, mais il a néanmoins une jolie patte graphique, qui colle bien avec l'univers d'Ayroles. Manquant peut-être un peu de finesse par rapport au raffinement extrême du XVIIIe siècle français, le dessin se révèle parfaitement efficace quand il s'agit de dépeindre le grand nord canadien. Élégant, mais brutal quand il le faut, le dessin de Guérineau accompagne à point nommé les retournements de situation et autres jeux de manipulation sournoise qui ponctuent le récit. Là aussi, on sent Guérineau très à son aise particulièrement dans un tome 3 où les conflits (plus ou moins) larvés éclatent, et où la guerre s'impose de plus en plus à des autochtones qui n'ont rien demandé. Même si ces guerres restent en toile de fond du récit, elles confèrent au tome 3 un ton plus grandiose que les précédents, peut-être un peu plus sérieux alors que paradoxalement, en même temps, les manigances du chevalier de Saint-Sauveur deviennent des ressorts plus ouvertement comiques (pour un peu, on se croirait dans du Goscinny, par moments !). Peut-être mon seul reproche serait-il de nous avoir vendu une trilogie, avant de découvrir qu'il va y avoir un tome 4. Mais bon, vu le cliffhanger du tome 3, il est difficile de ne pas attendre le tome 4 avec la même impatience que les autres ! Un arc narratif s'est clairement refermé et ces 3 tomes pourront se lire comme une trilogie à peu près complète (sauf qu'on ignore toujours l'identité de Mme de ***, qui sera probablement au cœur des prochains volumes). L'aventure canadienne semble terminée, mais espérons que la suite de la saga soit au même niveau ! En tous cas, Le Démon des Grands Lacs clôt dignement une belle et grande trilogie, tout en ouvrant de belles perspectives pour la suite. Le chevalier de Saint-Sauveur va sûrement voir son passé ressurgir et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on a plus que hâte !
Strange Fruit - La Chanson d'Abel
Je connaissais l’expression « strange fruit », et j’avais déjà entendu la chanson de Billie Holiday, sans l’avoir vraiment retenue. Cet album permet de resituer la composition du texte par Abel Meeropol, son interprétation par Billie Holiday, mais aussi – c’est presque parfois aussi, voire plus important – de resituer le contexte. Deux biographies en une donc. Celle de Billie Holiday, dont la carrière a été freinée, voire en partie gâchée par la consommation d’alcool et de drogue, mais aussi le racisme sévissant aux États-Unis. Il est intéressant de voir qu’elle a mis un certain temps avant de chanter « Strange fruit », car au départ peu concernée par une chanson « politique » (la chanson dénonce les lynchages de « Nègres » dans le sud des États-Unis). Mais c’est surtout l’occasion de connaitre Abel, resté dans l’anonymat, compositeur « engagé », dont les convictions et la rigueur morale lui coûteront une carrière brillante (avant et pendant la guerre, puis au temps du Maccarthysme, sa défense des « Nègres » étant assimilé à du communisme, et donc amenant à le blacklister). On l’a bien compris, c’est aussi la société américaine qui est mise à nu par cette biographie bicéphale. Le parangon des libertés et de la démocratie est aussi le pays de la ségrégation et de la chasse aux sorcières du maccarthysme. Ce dernier aspect – en plus de découvrir au détour de quelques pages certains des très grands noms du jazz – ajoute à l’intérêt purement biographique de l’album. Mais, si le dessin est agréable, et si le sujet est intéressant, j’ai trouvé que la narration aurait pu être moins retenue, plus dynamique. Ça reste une lecture que j’ai trouvée intéressante en tout cas.
40 days dans le désert B
Avis subjectif, pour un album pas très courant, et qui je pense plaira surtout aux amateurs de l’auteur. Mais aussi aux lecteurs curieux, férus de poésie – surréaliste essentiellement. Et comme je fais partie de ces deux catégories, voilà un album que j’ai grandement apprécié ! L’album est vite lu, car totalement muet. Même s’il y a un récit sous-jacent, c’est surtout une suite d’images, de rêveries, l’exploration de l’imaginaire de Moebius. J’ai parlé d’une lecture rapide. Certes. Mais elle en appelle presque à l’infini d’autres, pour observer les détails. Car Moebius allie ici la minutie et l’épure, dans un dessin excellent, souvent hypnotique et onirique. Giraud/Moebius a toujours aimé les déserts, les a souvent représentés, dans les Blueberry de façon réaliste, et dans pas mal d’œuvres moebiusiennes de façon plus épurée, comme c’est le cas ici. Ses visites aux États-Unis, au Mexique – et probablement l’usage de substances « exotiques » – l’ont fortement inspiré, pour donner ici quelque chose de superbe visuellement, et d’intrigant intellectuellement. Une lecture envoûtante.
Terreur à Hollywood
Voilà un album franchement inclassable. Une petite curiosité qu’on ne croise pas partout. Mais cette collection Atome m’attire généralement. J’aime bien la maquette, et on peut y trouver des histoires originales. C’est le cas ici, même si j’ai trouvé le scénario à la fois « léger » et obscur. En tout cas pas mal foutraque. C’est ainsi que nous suivons un héros bicéphale à double personnalité, Suplex et Caltex donc, qui rêvent de devenir acteur, et croient d’ailleurs y être parvenus, dans un Hollywood futuriste où sont singés les grands studios et quelques producteurs/réalisateurs mégalomanes. Nos deux têtes doivent hélas faire face à un iconoclaste extrémiste (aux airs de gourou), qui crie sa haine des grands cinéastes, et les prend pour cible (alors qu’ils croient que tout fait partie d’un scénario et d’un film en cours de tournage). Disons que ça se laisse lire, mais l’ensemble est très décousu, et m’a un peu perdu. J’ai par contre bien aimé le dessin, dans un style atome intéressant, et l’usage d’une bichromie discrète. Une petite curiosité à redécouvrir à l’occasion. Note réelle 2,5/5.
L'Or du spectre
Le duo nous ayant offert Le Serpent et le Coyote remet le couvert en proposant un polar lui ouvrant la voie. Malheureusement, le résultat est autrement plus banal. Quand sur "Le serpent..." les codes du genre (polar & western) étaient habilement usités, l'intrigue menée tambour battant jusque dans ses rebondissements bienvenus, les changements de décor et la gestion des différents protagonistes gérés avec clarté et d'une justesse indéniable, tout est cette fois plus emprunté. L'on devine l'envie de proposer une chasse au trésor jubilatoire, rebattant sempiternellement les cartes de ce jeu de dupes entre les personnages : qui poursuit qui, qui est par pur intérêt personnel momentanément associé à qui, etc. Malheureusement, cela paraît très artificiel, la faute aux rebondissements moins habiles, aux personnages moins ciselés, au rythme moins tenu, aux dialogues non jubilatoires, à un puzzle s'imbriquant sans souffle. Demeure un récit très honorable, plutôt divertissant, mais fort oubliable.
Rester jeune à tout prix
A force de lire les albums de Jim et Fredman, je commence à faire de la psychanalyse de comptoir tant la personnalité de Jim en tant qu'auteur s'y dévoile peu à peu entre ces anciens albums-là et les suivants, moins humoristiques. Et cette analyse, aussi superficielle soit-elle, révèle une insécurité étonnante : une peur de vieillir, une peur de s'encroûter, de ne pas vivre sa vie, de passer à côté d'une expérience ou d'une romance, jamais serein à sa place. Insécurité propre aux artistes en général ? En tout cas, ça ne me parle pas car, outre ma sérénité, j'ai largement dépassé cet âge trentenaire qu'il voyait comme le début de la vieillesse. Comme les autres albums du duo, le bon point reste le dessin de Fredman, toujours aussi souple et efficace, si l'on excepte la couverture que je trouve très laide, surtout dans ses choix de couleurs. Pour le reste, je suis bien plus circonspect. Outre ces thèmes de l'insécurité et de la peur de vieillir qui ne me touchent pas, j'ai trouvé le récit non seulement dépassé mais aussi légèrement malsain, si l'on excepte la toute fin qui revient à quelque chose de plus sage mais aussi assez convenu. Pour commencer, l'album est trop ancré dans son époque, début des années 2000, et les jeunes de la génération SMS qui y sont décrits sont déjà les vieux d'aujourd'hui. D'ailleurs : djeun'z, neuj... rien qu'avec ces expressions utilisées à tout-va ici, on voit que cette BD a mal vieilli. Ensuite, les obsessions des personnages, et en particulier du principal, sont pénibles. Il ne lui faut surtout pas d'enfants, le confort et la tranquillité c'est ringard, sortir avec des très jeunes femmes, voire des mineures, c'est cool : le message laisse franchement perplexe. Puis l'ensemble tourne trop vite en rond. Les gags s'étirent, la thématique du jeunisme est survolée sans mordant, et Jim peine à trouver des situations vraiment percutantes. Le fil narratif, censé relier les scènes et réutilisant des personnages issus de ses albums précédents, apporte finalement peu. Pris par petites touches, l'humour fonctionne parfois, mais la lecture d'ensemble reste répétitive, prévisible, plutôt fade et surtout agaçante par le message qu'elle transmet. Vraiment pas le meilleur du duo, mais assez parlant pour tracer les contours de l'esprit de Jim à travers son œuvre (avec toutes les erreurs d'interprétation que je peux faire puisque ce n'est jamais là que son œuvre et pas lui-même que je découvre).
Tous mes "vrais" amis
Quand je feuilletais les albums de Jim en supermarché il y a plus de vingt ans, je ne m'étais pas rendu compte à quel point il se livrait déjà sur son mode de vie et ses relations sociales, comme il le fera par la suite dans ses albums moins humoristiques. Il semble que la norme pour lui à cette époque était d'être un trentenaire urbain surtout pas casé, avec énormément d'amis plus ou moins proches pour faire la fête, s'entraider et rester jeune à tout jamais. Tous les gags et saynètes de cet album vont dans cette optique, avec des personnages récurrents et l'avatar de Jim ou de Fredman au milieu. Je n'avais déjà pas d'affinités avec lui pour tout ce qui était vision des relations sentimentales, je n'en ai donc pas non plus concernant les relations amicales, moi dont les vrais amis se comptent sur les doigts de la main, casés, sages et parents depuis longtemps, et n'en ayant pas changé depuis plus de 25 ans. Autant dire que cette BD ne m'a pas parlé. Le bon point reste le dessin de Fredman, toujours aussi souple et efficace. Mais à côté de ça, les gags manquent de relief, les personnages sont caricaturaux et assez pénibles, les situations tournent court, et l'ensemble rappelle davantage ces petites blagues qu'on oublie aussitôt qu'on les a entendues. Le thème de l'amitié aurait pu offrir bien plus de mordant, mais le livre reste prévisible et rarement drôle. Le dessin, correct sans être marquant, ne suffit pas à rattraper un humour poussif qui rend la lecture étonnamment longue. Au final, un album dispensable, loin des quelques réussites du duo, et que je ne conseillerais pas à l'achat.
Knight club
Les 7 mercenaires au temps des Croisades ! À la fin du XIIe siècle, une jeune forgeronne se rend à Jérusalem pour recruter des chevaliers capables de défendre son village contre des croisés sans scrupules. Sa seule monnaie d'échange : des armures d'une qualité exceptionnelle qu'elle est la seule à savoir forger. En chemin, elle réunit une équipe hétéroclite de combattants venus d'horizons très divers, qui acceptent de la suivre et de se battre à ses côtés. Voilà une publication des plus réjouissantes. Certes, le schéma des 7 mercenaires a été exploité maintes fois, mais le transposer dans le royaume de Jérusalem, véritable carrefour où se côtoyaient Européens, Africains, Nizârites, Mongols ou Tatars, offre un terrain culturel riche et propice à un récit haut en couleurs. Et confié à Arthur de Pins, le concept fonctionne d'autant mieux. Son graphisme fait toujours mouche. Il s'éloigne ici un peu de l'esthétique très numérique de Zombillénium : pas de dégradés, et la 3D n'apparaît que dans certains décors, tandis que les personnages et l'essentiel des planches adoptent un rendu en aplats, plus sobre visuellement mais tout aussi efficace. L'auteur s'autorise en prime plusieurs compositions d'une grande élégance, proches d'illustrations d'artistes conceptuels. La narration, elle aussi, apporte une vraie fraîcheur. Malgré un cadre historique soigné et quasiment dépourvu d'anachronismes, les dialogues adoptent une vivacité très contemporaine, presque cinématographique. Le rythme est excellent, soutenu par une galerie de personnages réussie, par la personnalité forte de la forgeronne qui les rassemble et par un zeste d'humour bienvenu dans la mise en scène. L'intrigue principale reste simple et rappelle les exactions commises par certains croisés en Terre sainte, mais elle s'enrichit de sous-intrigues bien dosées qui maintiennent l'intérêt et donnent envie d'avancer. C'est une BD très aboutie et particulièrement plaisante.