Rose, avatar de Lou Lubie dans cette BD, est créole de la Réunion. Malgré sa peau blanche, elle a hérité les cheveux très frisés de la part noire de ses ancêtres. Et ce fut pour elle un vrai traumatisme durant sa jeunesse puis une épreuve durant sa vie de jeune adulte, tandis qu'elle cherchait des moyens de changer de coiffure ou de maîtriser un tant soit peu cette chevelure indomptable.
Les problèmes de cheveux, je les ai connus en sens inverse, avec d'abord des cheveux si lisses qu'ils retombaient trop facilement comme un bol sur ma tête d'enfant, puis plus tard... avec leur disparition. Autant dire que les cheveux sont un problème intime pour beaucoup de personnes. Et cette problématique des cheveux trop frisés, je l'avais déjà croisée dans la BD Frizzy. Mais en suivant Rose depuis l'enfance jusqu'à l'âge adulte, je l'ai découverte sur un ton à la fois très intime et en même temps universel, avec des problématiques pratiques de contraintes quotidiennes et de recherche du salon de coiffure adéquat, et en même temps le sujet de la pression sociale et de mécanismes de discrimination nichés dans quelque chose d'aussi banal que des cheveux.
La dimension documentaire de l'album est remarquable. Au-delà du récit intime, touchant et souvent drôle, j'ai appris énormément de choses sur l'histoire des cheveux crépus, les héritages du colonialisme, les injonctions esthétiques, la taxe rose, et même les lacunes de la formation des coiffeurs en France. Plus j'avançais, plus je réalisais l'accumulation de petits détails du quotidien qui participent à un racisme et un sexisme ordinaires dont je ne mesurais pas l'ampleur.
Le personnage de Rose est attachant, et la façon dont Lou Lubie mêle expérience personnelle, humour et pédagogie fonctionne parfaitement. La narration est fluide, dessin et couleurs sont simples mais chaleureux, et l'édition est soignée. L'ensemble reste léger dans le ton tout en étant profondément instructif et parfois édifiant. On ne s'imagine pas ce que peuvent vivre les femmes aux cheveux crépus, et pas juste parce que leur coiffure est indomptable.
J'ai trouvé cette BD intelligente et extrêmement accessible. Elle ouvre les yeux sur un sujet qui paraît dérisoire mais qui, en réalité, révèle beaucoup sur notre société, tout en restant agréable et vivante du début à la fin.
Kaare Andrews revisite le mythe Marvel avec une proposition audacieuse qui mêle super-héros, pulp et fantasy brutale. J’ai vraiment été surpris par cette mini-série où trois versions emblématiques de héros : un Spider-Man adolescent, un Captain America en pleine Seconde Guerre mondiale et une Black Widow encore élève de la Red Room, sont arrachées de leurs époques respectives pour se retrouver projetées sur une île mystérieuse. J’ai trouvé cet univers, peuplé de créatures fantastiques, de tribus hostiles et de dangers constants, particulièrement dépaysant. Il évoque autant l’heroic fantasy classique que les vieux pulps qui ont inspiré les premiers comics Marvel. Cette ambiance quasi onirique installe un véritable mystère : sont-ils morts, rêvent-ils, ou découvrent-ils un monde réel mais inconnu ?
Visuellement, Andrews m’a impressionné par son travail très personnel. J’ai reconnu son goût pour les compositions énergiques, les influences de peintres fantasy comme Frazetta, et ce rendu presque « sauvage » qui colle parfaitement aux décors et à la tonalité du récit. J’ai aussi beaucoup aimé la manière dont chaque personnage semble stylisé selon son époque d’origine : Cap rappelle les comics de guerre, Peter a tout d’un héros adolescent des débuts de Marvel, et Natasha porte encore l’ombre de la Red Room. Ce mélange graphique renforce chez moi le sentiment d’un croisement de timelines, rendant la lecture aussi intrigante que spectaculaire.
Narrativement, j’ai trouvé que l’album alternait entre de très bonnes idées et quelques limites. Andrews réussit à créer une dynamique intéressante entre des héros qui ne devraient jamais se rencontrer à ces moments-là de leur vie, et certains échanges fonctionnent particulièrement bien. Mais j’ai aussi senti que le récit s’appuyait parfois sur des codes de la fantasy “pulp” un peu caricaturaux : orcs, hommes-lézards, tribus aux identités simplifiées… Ce n’est pas toujours très subtil, et certains dialogues manquent un peu de nuance. Malgré tout, je comprends le parti pris : c’est une aventure hybride, spectaculaire, qui rend hommage à des genres multiples sans chercher le réalisme absolu.
Au final, Amazing Fantasy de Kaare Andrews m’apparaît comme un objet vraiment singulier dans le catalogue Marvel. J’ai été séduit par son audace visuelle et son mélange de genres, et je pense qu’il parlera aux lecteurs curieux, amateurs de mondes alternatifs ou sensibles aux expérimentations artistiques. L’histoire n’est pas parfaite, mais elle propose une expérience différente, marquée par l’énergie, l’imagination et la liberté créative d’un auteur qui s’amuse clairement à revisiter les mythes Marvel sous un angle inattendu.
Note : 3,5/5
En 1962, Georges De Caunes, père d'Antoine et célèbre présentateur télé et radio, déjà habitué aux expéditions polaires ou amazoniennes, décide de se lancer dans une aventure aussi radicale qu'intime : vivre un an en totale solitude sur un îlot désert du Pacifique, avec pour seules compagnies son chien et l'émission radio quotidienne qu'il doit enregistrer pour raconter son expérience. Il cherche à rompre avec son quotidien, à se retrouver, et à vivre une aventure qu'il imagine dans l'esprit de Robinson Crusoé, figure qui nourrit son imaginaire littéraire. Sauf que Robinson est un personnage de fiction, et que l'île où Georges choisit de s'isoler, Eiao, dans l'archipel des Marquises, est un caillou aride presque sans ombre. L'épreuve sera bien plus rude qu'il ne l'avait imaginée.
Le récit mêle aventure et introspection. Il montre l'intimité de Georges face à la solitude, au doute, à la douleur, et à la dureté de l'île. Et il dévoile aussi celle d'Antoine de Caunes, qui tente de redécouvrir son père à travers ses souvenirs et ses carnets intimes, tout en s'interrogeant sur la relation entre un fils et un père capable de s'éloigner de manière aussi abrupte et prolongée.
Au départ, c'est la curiosité qui m'a poussé à découvrir ce parcours : je ne connaissais pas vraiment Georges, sinon comme figure médiatique, et encore moins comme père d'une personnalité que j'apprécie. Puis l'appel de l'aventure a pris le relais : j'avais vraiment envie de voir comment une année de solitude totale, coupée du monde, pouvait se dérouler, sans doute influencé moi aussi par les récits de naufragés à la Robinson.
Mais la brutalité de l'expérience apparaît dès les premières pages, et le récit devient très vite un combat intérieur ponctué de rêves, de cauchemars et d'hallucinations. Xavier Coste le traduit avec un graphisme aux couleurs intenses et à l'ambiance presque onirique, dominée par des oranges puissants qui évoquent sans cesse la chaleur écrasante de l'île. Son trait crée une atmosphère singulière qui accentue le caractère irréel, voire surréel, de l'épreuve, et donne l'impression que le temps se dilate à l'infini.
En parallèle, le récit bascule peu à peu vers quelque chose de plus intime, parfois au prix de quelques longueurs qui le rendent moins prenant à mes yeux. J'ai été intéressé par l'expérience en elle-même, presque d'un point de vue scientifique, mais je suis resté moins sensible à l'aspect émotionnel et à la réflexion sur la relation père-fils. Je n'ai pas vraiment réussi à cerner cet homme ni à m'en sentir proche.
Spider-Man : L’Histoire d’une Vie est une œuvre profondément originale qui revisite le mythe de Peter Parker sous un angle rare : celui du temps réel. Au lieu de rester un éternel adolescent, Peter vieillit ici décennie par décennie, et chaque période de sa vie s’ancre dans un contexte historique précis. Ce parti pris donne au récit une dimension beaucoup plus adulte, presque autobiographique, où l’on voit les choix, les regrets et les responsabilités peser de plus en plus lourd.
Le scénario de Chip Zdarsky brille par sa capacité à condenser l’essence de Spider-Man tout en lui offrant une trajectoire nouvelle. Les moments clés du personnage sont réinterprétés avec intelligence, sans jamais trahir l’esprit original. Mark Bagley, quant à lui, livre un travail visuel impressionnant, capable de capturer l’évolution physique, émotionnelle et morale de Peter au fil du temps.
L’album est touchant, parfois amer, souvent puissant. Il explore à merveille ce que signifie réellement le célèbre mantra « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » lorsqu’il s’applique à toute une vie.
En résumé, c’est un récit ambitieux, mature et profondément humain. Pour les fans de Spider-Man comme pour les lecteurs de comics en quête d’une histoire complète et marquante, L’Histoire d’une Vie est un incontournable.
Je suis un gros amateur de l’œuvre de Moebius (et de son double Giraud), mais avec cet album je suis clairement resté sur ma faim. J’en attends beaucoup à chaque fois avec cet auteur, peut-être trop ici, certes. Mais ma déception est aussi intrinsèque.
L’histoire se laisse lire, mais d’une part c’est extrêmement rapide. Et d'autre part l’intrigue est loin d’être fouillée, et elle ne développe pas la poésie qui souvent innerve l’œuvre de Moebius.
De plus, le dessin, s’il est bien sûr très lisible et agréable, n’est pas non plus à la hauteur de ce que Moebius a pu proposer ailleurs (j’ai lu la deuxième édition, en couleurs – des couleurs assez pétantes, classique pour l’auteur).
Je suis plutôt à cataloguer parmi les complétistes de l’auteur, donc je suis content d’avoir pu lire cet album. Mais c’est un des rares qui m’ait à ce point paru manquer d’intérêt véritable.
Note réelle 2,5/5.
Les dessins sont assez bons pour ne pas faire obstacle au récit. Problème, ils ne sont ni beaux, ni dramatiques, et n'ont pas de style ! Mais l'idée, excellente, est assez bien menée pour qu'on lise avec plaisir jusqu'à la fin.
Qu'on relise ? Eh, n'exagérons pas : les dessins n'en donnent aucune envie. Bien sûr, il y a de l'aventure, des poursuites, sans quoi on perdrait pas mal de lecteurs ! L'essentiel ? Que ces passages obligés soient bien menés.
Vraiment, une idée qui persiste quand on l'a lu, parce qu'on n'est pas dans une histoire de zombie : la menace paraît vraisemblable. Angoissant ? Eh bien, il y a peut-être une issue :
https://www.france24.com/fr/%C3%A9co-tech/20230311-quand-la-g%C3%A9n%C3%A9tique-permet-%C3%A0-deux-souris-m%C3%A2les-de-procr%C3%A9er
Il est possible que la technique soit un jour applicable à l'être humain. Bien sûr l'article parle des personnes stériles et des couples homosexuels ! Mais il me parait encore plus important que cela puisse servir à la survie de notre espèce. Après tout, qui peut dire si la stérilité ne va pas encore se développer ? Ou bien un scénario comme dans la BD ?
Même si je pensais être saturé par les récits sur la Seconde Guerre mondiale, cette bande dessinée m'a prouvé qu'il est possible d'aborder le sujet sous un nouvel angle captivant.
Le récit suit l'évasion de deux détenus – un Allemand au tempérament rustre et un Italien un brin rêveur et idéaliste (notre héros) – ainsi que leur prisonnier russe, au cœur des immensités enneigées de la Russie.
Ici, plus que de guerre, il est surtout question de liberté, de tolérance et de générosité. Bien qu'il ne se passe pas énormément de choses durant les 200 pages que constituent cette bande dessinée, j'ai vraiment été séduit par la poésie qui s'en dégage. La voix off du héros, qui décrit ses pensées et états d'âme est vraiment bien écrite.
L'idée de conserver les dialogues en version originale (allemand et russe) est un choix narratif pertinent et audacieux qui intensifie le sentiment d'isolement et la complexité des relations entre les trois personnages. De plus, l'évolution de leurs rapports au cours de leur périple est crédible et le choix final du héros vis-à-vis de son otage russe, plutôt inattendu.
Visuellement, les aquarelles sur papier mat sont superbes, notamment dans le rendu des paysages enneigés et des animaux sauvages.
Une très belle lecture qui marque, et qui me donne envie de découvrir les autres créations du couple Radice et Turconi.
SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 8/10
GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 8,5/10
NOTE GLOBALE : 16,5/20
A peine ont-ils fini leur série Thrace, que Trifogli (scénario et dessin) et Celestini (couleurs) remettent le couvert, pour une autre série historique. Mais cette fois-ci on a quitté la Rome antique, pour la France du XVIIIème siècle. Plutôt emballé par « Thrace », c’est avec beaucoup d’envie que je me suis plongé dans cette nouvelle série, elle aussi prévue en trois tomes. Je ne sais par contre pas encore si, comme pour « Thrace », il y aura une version plus hard publiée en parallèle chez Tabou – même si l’on peut aisément deviner où des scènes plus scabreuses pourraient se loger.
Le dessin de Trifogli est toujours aussi élégant. Efficace, fluide et agréable à l’œil. Et son compère Celestini à la colorisation sait lui aussi bien y faire.
Quant à l’intrigue, si elle n’est pas follement originale, elle est bien menée. Ce tome inaugural plante bien le décor, présente bien les personnages qui vont animer la suite, avec des intrigues et quiproquos mêlés. La vengeance préparée par l’héroïne Françoise, qui se déguise en homme et prend des leçons d’escrime pour se venger de l’homme qui a tué son père en duel, rappelle un peu en les renouvelant, quelques films de cape et d’épée.
Pour le moment la narration est plaisante, et on accepte de bonne grâce quelques facilités (c’est fou les hasards qui vont faire se croiser Françoise, sa sœur, et le tueur de leur père (ainsi que sa maîtresse et son fils). Ledit fils incognito, prend des leçons d’escrime au même endroit que Françoise, qui elle se grime en homme… Du déjà-vu mais ici c’est bien amené.
A voir donc pour la suite. Mais pour le moment, Trifogli réussit bien à passer des intrigues de la Rome antique au Paris de Louis XV.
********************
Le deuxième tome est dans la lignée du premier.
D'abord un dessin et une colorisation très agréables, et qui dégage souvent une grande sensualité (Trifogli/Trif sait très bien y faire dans ce domaine !).
Ensuite une histoire dans laquelle les nombreux rebondissements dynamisent l'intrigue - autour de la vraie personnalité de chacun, des liens qui peuvent les unir ou les désunir, des haines qui peuvent naître.
Trifogli reste dans quelque chose de classique, en partie déjà-vu. Mais c'est très bien fait, on s'attache aux personnages - et à cette série.
Je pense que Frankenstein est peut-être l'œuvre la plus adaptée en bande dessinée. Il faut dire que la puissance d'évocation du roman de Mary Shelley y est particulièrement propice.
Cette nouvelle version est celle de Michael Walsh, et se trouve être en fait l'adaptation de l'adaptation cinématographique de 1931, réalisée par James Whale. Ce ne fut pas la première adaptation, mais la première véritablement marquante, avec la figure de Boris Karloff, dont le visage massif, buriné, et planté de clous ou de vis est rentré dans l'inconscient collectif lorsqu'on évoque la créature de Frankenstein. Car oui, une bonne fois pour toutes, Frankenstein n'est pas le nom de cette créature, qui n'en a d'ailleurs pas, mais bel et bien celui de son créateur, ce savant un peu fou qui redonne la vie grâce à l'électricité.
Ici pas de final sur la banquise, le savant n'est plus Viktor, mais Henry Frankenstein, et celui-ci rencontre son destin au pied d'un moulin à vent... L'adaptation de Michael Walsh, auteur canadien, suit d'assez près le film de 1931, mais il y adjoint, en particulier, la présence de Paul, le jeune fils de l'une des composantes de la créature, qui joue un peu le rôle de la petite fille dans le jeu des Loups-Garous de Thiercelieux : un personnage qui, du fait de sa petite taille, se faufile partout, observe et comprend pas mal de choses. Il intervient un peu dans l'histoire, sans toutefois changer notablement la trame du récit.
C'est un ajout intéressant, assez crédible en soi, et cela ajoute un peu de moteur dans l'action qui est tout de même assez rapide. L'album comporte 128 pages, mais seulement une centaine pour l'histoire proprement dite. Celle-ci est complétée par quelques croquis et couvertures réalisés par Walsh, mais aussi et surtout une belle postface, signée par Arnold Petit, traducteur de l'album, qui est aussi un youtubeur spécialisé dans l'horreur, et retrace en deux-trois pages la trajectoire spéciale de l'œuvre de Shelley, avec surtout un focus sur le film de Whale, ce qui est normal.
Walsh propose quant à lui une adaptation assez puissante, dotant cette histoire de son dessin fort évocateur, jouant sur les ombres avec malice (aidé de sa coloriste Joni-Marie Griffin).
Bref, une bien belle version !
C’est avec amusement que j’ai lu l’avis de Mac Arthur. J’allais commencer par ces mêmes facilités énormes qui parsèment le premier tome. Aux remarques de Mac (auxquelles je souscris), j’ajouterais les tatouages mélanésiens du héros au début, qui semblent avoir disparu deux ou trois pages plus loin, la capacité d’Elena à tenir sur la croupe d’un cheval au galop (conduit par le héros) avec les mains liées dans le dos, et ce savant soi-disant caché dans la forêt avec son serviteur (maître d’armes, ce qui tombe bien pour notre héros qui y est accueilli !) et qui vit dans une maison immense aux airs de manoir (fabriquée par le seul serviteur) avec toutes les commodités, une des plus belles bibliothèques d’occident, des instruments rares ( lunette astronomique, etc.). Notre héros est paysan pauvre (ce que le héros nous confirme vers la fin du troisième tome lorsqu’il doit payer une rançon), mais sait quand même lire. Il connait même la date exacte de sa naissance plus d’une dizaine d’années après (nécessaire pour calculer son thème astral), ce qui me laisse un peu pantois. Pour finir, notre héros embarque sur un bateau au hasard, qui part dans le sens inverse de la direction escomptée, mais qui miraculeusement l’amène à Venise, où réside Elena, la belle aux yeux bleus (les auteurs ont-ils confondu Elena et Luna ?) dont il est instantanément tombé amoureux au tout début de l’histoire. Bref, il faut en avaler des couleuvres pour poursuivre la lecture ! C’est ce que j’ai quand même décidé de faire.
L’arrivée de Rodolphe à partir du deuxième tome rationalise quelque peu l’intrigue, mais il y a encore quelques facilités (notre héros devient immédiatement une célébrité à Venise, entre et sort du palais – et de la chambre d’Elena – très facilement), des invraisemblances (le changement d’attitude du héros et sa violence lorsqu’il rompt ses vœux de moine orthodoxe, et il ne semble pas avoir beaucoup vieilli alors que pas mal d’années se sont passées depuis le début de ses aventures !), c’est dans l’ensemble encore trop improbable (la façon d’obtenir l’argent pour s’évader dans le troisième tome, la relation créée avec celui qui le retient prisonnier !?).
Bon, sinon, si on s’en tient à l’intrigue elle-même, elle se laisse lire. Ce sont des aventures historiques qui nous font traverser les régions du pourtour méditerranéen au XVème siècle. Il y a moult rebondissements, certains lecteurs peuvent y trouver davantage leur compte que moi. Mais, outre les trop nombreuses facilités évoquées plus haut, j’ai trouvé qu’il manquait au récit un souffle qui habitait d’autres séries du même genre. Ainsi, la conclusion, elle aussi un peu facile (par exemple pour régler le choix entre Esther et Elena) n’est pas à la hauteur des promesses du départ, en particulier pour tout ce qui tourne autour du contenu de la lettre que le héros est sensé transmettre au pape.
Contrairement à l’histoire qui, sur le fond et la forme, m’a laissé clairement sur ma faim, le dessin de Griffo, dans son style réaliste et classique habituel souffre moins de reproches. Il est fluide et agréable. Très plaisant (juste quelques menus défauts, comme ces visages d’Esther pages 28-29 du quatrième tome). Par contre, pour relativiser ce que je viens d’écrire, j’ai trouvé le rendu du dernier tome (dessin et colorisation) moins bon que ce qui avait précédé en tout cas plus inégal.
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Racines (Lou Lubie)
Rose, avatar de Lou Lubie dans cette BD, est créole de la Réunion. Malgré sa peau blanche, elle a hérité les cheveux très frisés de la part noire de ses ancêtres. Et ce fut pour elle un vrai traumatisme durant sa jeunesse puis une épreuve durant sa vie de jeune adulte, tandis qu'elle cherchait des moyens de changer de coiffure ou de maîtriser un tant soit peu cette chevelure indomptable. Les problèmes de cheveux, je les ai connus en sens inverse, avec d'abord des cheveux si lisses qu'ils retombaient trop facilement comme un bol sur ma tête d'enfant, puis plus tard... avec leur disparition. Autant dire que les cheveux sont un problème intime pour beaucoup de personnes. Et cette problématique des cheveux trop frisés, je l'avais déjà croisée dans la BD Frizzy. Mais en suivant Rose depuis l'enfance jusqu'à l'âge adulte, je l'ai découverte sur un ton à la fois très intime et en même temps universel, avec des problématiques pratiques de contraintes quotidiennes et de recherche du salon de coiffure adéquat, et en même temps le sujet de la pression sociale et de mécanismes de discrimination nichés dans quelque chose d'aussi banal que des cheveux. La dimension documentaire de l'album est remarquable. Au-delà du récit intime, touchant et souvent drôle, j'ai appris énormément de choses sur l'histoire des cheveux crépus, les héritages du colonialisme, les injonctions esthétiques, la taxe rose, et même les lacunes de la formation des coiffeurs en France. Plus j'avançais, plus je réalisais l'accumulation de petits détails du quotidien qui participent à un racisme et un sexisme ordinaires dont je ne mesurais pas l'ampleur. Le personnage de Rose est attachant, et la façon dont Lou Lubie mêle expérience personnelle, humour et pédagogie fonctionne parfaitement. La narration est fluide, dessin et couleurs sont simples mais chaleureux, et l'édition est soignée. L'ensemble reste léger dans le ton tout en étant profondément instructif et parfois édifiant. On ne s'imagine pas ce que peuvent vivre les femmes aux cheveux crépus, et pas juste parce que leur coiffure est indomptable. J'ai trouvé cette BD intelligente et extrêmement accessible. Elle ouvre les yeux sur un sujet qui paraît dérisoire mais qui, en réalité, révèle beaucoup sur notre société, tout en restant agréable et vivante du début à la fin.
Amazing Fantasy
Kaare Andrews revisite le mythe Marvel avec une proposition audacieuse qui mêle super-héros, pulp et fantasy brutale. J’ai vraiment été surpris par cette mini-série où trois versions emblématiques de héros : un Spider-Man adolescent, un Captain America en pleine Seconde Guerre mondiale et une Black Widow encore élève de la Red Room, sont arrachées de leurs époques respectives pour se retrouver projetées sur une île mystérieuse. J’ai trouvé cet univers, peuplé de créatures fantastiques, de tribus hostiles et de dangers constants, particulièrement dépaysant. Il évoque autant l’heroic fantasy classique que les vieux pulps qui ont inspiré les premiers comics Marvel. Cette ambiance quasi onirique installe un véritable mystère : sont-ils morts, rêvent-ils, ou découvrent-ils un monde réel mais inconnu ? Visuellement, Andrews m’a impressionné par son travail très personnel. J’ai reconnu son goût pour les compositions énergiques, les influences de peintres fantasy comme Frazetta, et ce rendu presque « sauvage » qui colle parfaitement aux décors et à la tonalité du récit. J’ai aussi beaucoup aimé la manière dont chaque personnage semble stylisé selon son époque d’origine : Cap rappelle les comics de guerre, Peter a tout d’un héros adolescent des débuts de Marvel, et Natasha porte encore l’ombre de la Red Room. Ce mélange graphique renforce chez moi le sentiment d’un croisement de timelines, rendant la lecture aussi intrigante que spectaculaire. Narrativement, j’ai trouvé que l’album alternait entre de très bonnes idées et quelques limites. Andrews réussit à créer une dynamique intéressante entre des héros qui ne devraient jamais se rencontrer à ces moments-là de leur vie, et certains échanges fonctionnent particulièrement bien. Mais j’ai aussi senti que le récit s’appuyait parfois sur des codes de la fantasy “pulp” un peu caricaturaux : orcs, hommes-lézards, tribus aux identités simplifiées… Ce n’est pas toujours très subtil, et certains dialogues manquent un peu de nuance. Malgré tout, je comprends le parti pris : c’est une aventure hybride, spectaculaire, qui rend hommage à des genres multiples sans chercher le réalisme absolu. Au final, Amazing Fantasy de Kaare Andrews m’apparaît comme un objet vraiment singulier dans le catalogue Marvel. J’ai été séduit par son audace visuelle et son mélange de genres, et je pense qu’il parlera aux lecteurs curieux, amateurs de mondes alternatifs ou sensibles aux expérimentations artistiques. L’histoire n’est pas parfaite, mais elle propose une expérience différente, marquée par l’énergie, l’imagination et la liberté créative d’un auteur qui s’amuse clairement à revisiter les mythes Marvel sous un angle inattendu. Note : 3,5/5
Il déserte - Georges ou la vie sauvage
En 1962, Georges De Caunes, père d'Antoine et célèbre présentateur télé et radio, déjà habitué aux expéditions polaires ou amazoniennes, décide de se lancer dans une aventure aussi radicale qu'intime : vivre un an en totale solitude sur un îlot désert du Pacifique, avec pour seules compagnies son chien et l'émission radio quotidienne qu'il doit enregistrer pour raconter son expérience. Il cherche à rompre avec son quotidien, à se retrouver, et à vivre une aventure qu'il imagine dans l'esprit de Robinson Crusoé, figure qui nourrit son imaginaire littéraire. Sauf que Robinson est un personnage de fiction, et que l'île où Georges choisit de s'isoler, Eiao, dans l'archipel des Marquises, est un caillou aride presque sans ombre. L'épreuve sera bien plus rude qu'il ne l'avait imaginée. Le récit mêle aventure et introspection. Il montre l'intimité de Georges face à la solitude, au doute, à la douleur, et à la dureté de l'île. Et il dévoile aussi celle d'Antoine de Caunes, qui tente de redécouvrir son père à travers ses souvenirs et ses carnets intimes, tout en s'interrogeant sur la relation entre un fils et un père capable de s'éloigner de manière aussi abrupte et prolongée. Au départ, c'est la curiosité qui m'a poussé à découvrir ce parcours : je ne connaissais pas vraiment Georges, sinon comme figure médiatique, et encore moins comme père d'une personnalité que j'apprécie. Puis l'appel de l'aventure a pris le relais : j'avais vraiment envie de voir comment une année de solitude totale, coupée du monde, pouvait se dérouler, sans doute influencé moi aussi par les récits de naufragés à la Robinson. Mais la brutalité de l'expérience apparaît dès les premières pages, et le récit devient très vite un combat intérieur ponctué de rêves, de cauchemars et d'hallucinations. Xavier Coste le traduit avec un graphisme aux couleurs intenses et à l'ambiance presque onirique, dominée par des oranges puissants qui évoquent sans cesse la chaleur écrasante de l'île. Son trait crée une atmosphère singulière qui accentue le caractère irréel, voire surréel, de l'épreuve, et donne l'impression que le temps se dilate à l'infini. En parallèle, le récit bascule peu à peu vers quelque chose de plus intime, parfois au prix de quelques longueurs qui le rendent moins prenant à mes yeux. J'ai été intéressé par l'expérience en elle-même, presque d'un point de vue scientifique, mais je suis resté moins sensible à l'aspect émotionnel et à la réflexion sur la relation père-fils. Je n'ai pas vraiment réussi à cerner cet homme ni à m'en sentir proche.
Spider-Man - L'Histoire d'une vie
Spider-Man : L’Histoire d’une Vie est une œuvre profondément originale qui revisite le mythe de Peter Parker sous un angle rare : celui du temps réel. Au lieu de rester un éternel adolescent, Peter vieillit ici décennie par décennie, et chaque période de sa vie s’ancre dans un contexte historique précis. Ce parti pris donne au récit une dimension beaucoup plus adulte, presque autobiographique, où l’on voit les choix, les regrets et les responsabilités peser de plus en plus lourd. Le scénario de Chip Zdarsky brille par sa capacité à condenser l’essence de Spider-Man tout en lui offrant une trajectoire nouvelle. Les moments clés du personnage sont réinterprétés avec intelligence, sans jamais trahir l’esprit original. Mark Bagley, quant à lui, livre un travail visuel impressionnant, capable de capturer l’évolution physique, émotionnelle et morale de Peter au fil du temps. L’album est touchant, parfois amer, souvent puissant. Il explore à merveille ce que signifie réellement le célèbre mantra « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » lorsqu’il s’applique à toute une vie. En résumé, c’est un récit ambitieux, mature et profondément humain. Pour les fans de Spider-Man comme pour les lecteurs de comics en quête d’une histoire complète et marquante, L’Histoire d’une Vie est un incontournable.
Tueur de monde
Je suis un gros amateur de l’œuvre de Moebius (et de son double Giraud), mais avec cet album je suis clairement resté sur ma faim. J’en attends beaucoup à chaque fois avec cet auteur, peut-être trop ici, certes. Mais ma déception est aussi intrinsèque. L’histoire se laisse lire, mais d’une part c’est extrêmement rapide. Et d'autre part l’intrigue est loin d’être fouillée, et elle ne développe pas la poésie qui souvent innerve l’œuvre de Moebius. De plus, le dessin, s’il est bien sûr très lisible et agréable, n’est pas non plus à la hauteur de ce que Moebius a pu proposer ailleurs (j’ai lu la deuxième édition, en couleurs – des couleurs assez pétantes, classique pour l’auteur). Je suis plutôt à cataloguer parmi les complétistes de l’auteur, donc je suis content d’avoir pu lire cet album. Mais c’est un des rares qui m’ait à ce point paru manquer d’intérêt véritable. Note réelle 2,5/5.
Y Le Dernier Homme
Les dessins sont assez bons pour ne pas faire obstacle au récit. Problème, ils ne sont ni beaux, ni dramatiques, et n'ont pas de style ! Mais l'idée, excellente, est assez bien menée pour qu'on lise avec plaisir jusqu'à la fin. Qu'on relise ? Eh, n'exagérons pas : les dessins n'en donnent aucune envie. Bien sûr, il y a de l'aventure, des poursuites, sans quoi on perdrait pas mal de lecteurs ! L'essentiel ? Que ces passages obligés soient bien menés. Vraiment, une idée qui persiste quand on l'a lu, parce qu'on n'est pas dans une histoire de zombie : la menace paraît vraisemblable. Angoissant ? Eh bien, il y a peut-être une issue : https://www.france24.com/fr/%C3%A9co-tech/20230311-quand-la-g%C3%A9n%C3%A9tique-permet-%C3%A0-deux-souris-m%C3%A2les-de-procr%C3%A9er Il est possible que la technique soit un jour applicable à l'être humain. Bien sûr l'article parle des personnes stériles et des couples homosexuels ! Mais il me parait encore plus important que cela puisse servir à la survie de notre espèce. Après tout, qui peut dire si la stérilité ne va pas encore se développer ? Ou bien un scénario comme dans la BD ?
La Terre, le ciel, les corbeaux
Même si je pensais être saturé par les récits sur la Seconde Guerre mondiale, cette bande dessinée m'a prouvé qu'il est possible d'aborder le sujet sous un nouvel angle captivant. Le récit suit l'évasion de deux détenus – un Allemand au tempérament rustre et un Italien un brin rêveur et idéaliste (notre héros) – ainsi que leur prisonnier russe, au cœur des immensités enneigées de la Russie. Ici, plus que de guerre, il est surtout question de liberté, de tolérance et de générosité. Bien qu'il ne se passe pas énormément de choses durant les 200 pages que constituent cette bande dessinée, j'ai vraiment été séduit par la poésie qui s'en dégage. La voix off du héros, qui décrit ses pensées et états d'âme est vraiment bien écrite. L'idée de conserver les dialogues en version originale (allemand et russe) est un choix narratif pertinent et audacieux qui intensifie le sentiment d'isolement et la complexité des relations entre les trois personnages. De plus, l'évolution de leurs rapports au cours de leur périple est crédible et le choix final du héros vis-à-vis de son otage russe, plutôt inattendu. Visuellement, les aquarelles sur papier mat sont superbes, notamment dans le rendu des paysages enneigés et des animaux sauvages. Une très belle lecture qui marque, et qui me donne envie de découvrir les autres créations du couple Radice et Turconi. SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 8/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 8,5/10 NOTE GLOBALE : 16,5/20
La Duelliste
A peine ont-ils fini leur série Thrace, que Trifogli (scénario et dessin) et Celestini (couleurs) remettent le couvert, pour une autre série historique. Mais cette fois-ci on a quitté la Rome antique, pour la France du XVIIIème siècle. Plutôt emballé par « Thrace », c’est avec beaucoup d’envie que je me suis plongé dans cette nouvelle série, elle aussi prévue en trois tomes. Je ne sais par contre pas encore si, comme pour « Thrace », il y aura une version plus hard publiée en parallèle chez Tabou – même si l’on peut aisément deviner où des scènes plus scabreuses pourraient se loger. Le dessin de Trifogli est toujours aussi élégant. Efficace, fluide et agréable à l’œil. Et son compère Celestini à la colorisation sait lui aussi bien y faire. Quant à l’intrigue, si elle n’est pas follement originale, elle est bien menée. Ce tome inaugural plante bien le décor, présente bien les personnages qui vont animer la suite, avec des intrigues et quiproquos mêlés. La vengeance préparée par l’héroïne Françoise, qui se déguise en homme et prend des leçons d’escrime pour se venger de l’homme qui a tué son père en duel, rappelle un peu en les renouvelant, quelques films de cape et d’épée. Pour le moment la narration est plaisante, et on accepte de bonne grâce quelques facilités (c’est fou les hasards qui vont faire se croiser Françoise, sa sœur, et le tueur de leur père (ainsi que sa maîtresse et son fils). Ledit fils incognito, prend des leçons d’escrime au même endroit que Françoise, qui elle se grime en homme… Du déjà-vu mais ici c’est bien amené. A voir donc pour la suite. Mais pour le moment, Trifogli réussit bien à passer des intrigues de la Rome antique au Paris de Louis XV. ******************** Le deuxième tome est dans la lignée du premier. D'abord un dessin et une colorisation très agréables, et qui dégage souvent une grande sensualité (Trifogli/Trif sait très bien y faire dans ce domaine !). Ensuite une histoire dans laquelle les nombreux rebondissements dynamisent l'intrigue - autour de la vraie personnalité de chacun, des liens qui peuvent les unir ou les désunir, des haines qui peuvent naître. Trifogli reste dans quelque chose de classique, en partie déjà-vu. Mais c'est très bien fait, on s'attache aux personnages - et à cette série.
Frankenstein (Walsh)
Je pense que Frankenstein est peut-être l'œuvre la plus adaptée en bande dessinée. Il faut dire que la puissance d'évocation du roman de Mary Shelley y est particulièrement propice. Cette nouvelle version est celle de Michael Walsh, et se trouve être en fait l'adaptation de l'adaptation cinématographique de 1931, réalisée par James Whale. Ce ne fut pas la première adaptation, mais la première véritablement marquante, avec la figure de Boris Karloff, dont le visage massif, buriné, et planté de clous ou de vis est rentré dans l'inconscient collectif lorsqu'on évoque la créature de Frankenstein. Car oui, une bonne fois pour toutes, Frankenstein n'est pas le nom de cette créature, qui n'en a d'ailleurs pas, mais bel et bien celui de son créateur, ce savant un peu fou qui redonne la vie grâce à l'électricité. Ici pas de final sur la banquise, le savant n'est plus Viktor, mais Henry Frankenstein, et celui-ci rencontre son destin au pied d'un moulin à vent... L'adaptation de Michael Walsh, auteur canadien, suit d'assez près le film de 1931, mais il y adjoint, en particulier, la présence de Paul, le jeune fils de l'une des composantes de la créature, qui joue un peu le rôle de la petite fille dans le jeu des Loups-Garous de Thiercelieux : un personnage qui, du fait de sa petite taille, se faufile partout, observe et comprend pas mal de choses. Il intervient un peu dans l'histoire, sans toutefois changer notablement la trame du récit. C'est un ajout intéressant, assez crédible en soi, et cela ajoute un peu de moteur dans l'action qui est tout de même assez rapide. L'album comporte 128 pages, mais seulement une centaine pour l'histoire proprement dite. Celle-ci est complétée par quelques croquis et couvertures réalisés par Walsh, mais aussi et surtout une belle postface, signée par Arnold Petit, traducteur de l'album, qui est aussi un youtubeur spécialisé dans l'horreur, et retrace en deux-trois pages la trajectoire spéciale de l'œuvre de Shelley, avec surtout un focus sur le film de Whale, ce qui est normal. Walsh propose quant à lui une adaptation assez puissante, dotant cette histoire de son dessin fort évocateur, jouant sur les ombres avec malice (aidé de sa coloriste Joni-Marie Griffin). Bref, une bien belle version !
L'Oracle della Luna
C’est avec amusement que j’ai lu l’avis de Mac Arthur. J’allais commencer par ces mêmes facilités énormes qui parsèment le premier tome. Aux remarques de Mac (auxquelles je souscris), j’ajouterais les tatouages mélanésiens du héros au début, qui semblent avoir disparu deux ou trois pages plus loin, la capacité d’Elena à tenir sur la croupe d’un cheval au galop (conduit par le héros) avec les mains liées dans le dos, et ce savant soi-disant caché dans la forêt avec son serviteur (maître d’armes, ce qui tombe bien pour notre héros qui y est accueilli !) et qui vit dans une maison immense aux airs de manoir (fabriquée par le seul serviteur) avec toutes les commodités, une des plus belles bibliothèques d’occident, des instruments rares ( lunette astronomique, etc.). Notre héros est paysan pauvre (ce que le héros nous confirme vers la fin du troisième tome lorsqu’il doit payer une rançon), mais sait quand même lire. Il connait même la date exacte de sa naissance plus d’une dizaine d’années après (nécessaire pour calculer son thème astral), ce qui me laisse un peu pantois. Pour finir, notre héros embarque sur un bateau au hasard, qui part dans le sens inverse de la direction escomptée, mais qui miraculeusement l’amène à Venise, où réside Elena, la belle aux yeux bleus (les auteurs ont-ils confondu Elena et Luna ?) dont il est instantanément tombé amoureux au tout début de l’histoire. Bref, il faut en avaler des couleuvres pour poursuivre la lecture ! C’est ce que j’ai quand même décidé de faire. L’arrivée de Rodolphe à partir du deuxième tome rationalise quelque peu l’intrigue, mais il y a encore quelques facilités (notre héros devient immédiatement une célébrité à Venise, entre et sort du palais – et de la chambre d’Elena – très facilement), des invraisemblances (le changement d’attitude du héros et sa violence lorsqu’il rompt ses vœux de moine orthodoxe, et il ne semble pas avoir beaucoup vieilli alors que pas mal d’années se sont passées depuis le début de ses aventures !), c’est dans l’ensemble encore trop improbable (la façon d’obtenir l’argent pour s’évader dans le troisième tome, la relation créée avec celui qui le retient prisonnier !?). Bon, sinon, si on s’en tient à l’intrigue elle-même, elle se laisse lire. Ce sont des aventures historiques qui nous font traverser les régions du pourtour méditerranéen au XVème siècle. Il y a moult rebondissements, certains lecteurs peuvent y trouver davantage leur compte que moi. Mais, outre les trop nombreuses facilités évoquées plus haut, j’ai trouvé qu’il manquait au récit un souffle qui habitait d’autres séries du même genre. Ainsi, la conclusion, elle aussi un peu facile (par exemple pour régler le choix entre Esther et Elena) n’est pas à la hauteur des promesses du départ, en particulier pour tout ce qui tourne autour du contenu de la lettre que le héros est sensé transmettre au pape. Contrairement à l’histoire qui, sur le fond et la forme, m’a laissé clairement sur ma faim, le dessin de Griffo, dans son style réaliste et classique habituel souffre moins de reproches. Il est fluide et agréable. Très plaisant (juste quelques menus défauts, comme ces visages d’Esther pages 28-29 du quatrième tome). Par contre, pour relativiser ce que je viens d’écrire, j’ai trouvé le rendu du dernier tome (dessin et colorisation) moins bon que ce qui avait précédé en tout cas plus inégal.