Je me retrouve assez bien dans l’avis de gruizzli, même si certaines des références me touchent davantage.
Car, en effet, le dessin est plein de qualités esthétiques, mais le plaisir de lecture a souffert du fait que j’ai moi aussi dû faire des efforts pour reconnaitre certains personnages, j’ai dû faire quelques retours en arrière pour vérification, ce qui au bout d’un moment m’a un peu saoulé.
Pour le reste, si les références (poètes romantiques anglais et fantastique à la H. G. Wells) sont intéressantes, je n’ai pas vraiment accroché à l’intrigue.
Le mélange de personnages historiques réels et de personnages littéraires ou cinématographiques passe plutôt bien, et cela pouvait donner quelque chose de captivant. Mais la construction de l’intrigue où chaque album « remonte le temps », se situe quelques dizaines d’années avant le précédent, m’est apparu ici artificielle. Comme l’ont été certaines facilités scénaristiques (surtout dans le premier tome, qui m’a fait penser à un épisode de la série « L’île fantastique » : c’est moins niaiseux ici certes, mais la façon de rassembler les « proies » et la chasse manquent trop de crédibilité).
En fait, la cohabitation, entre du fantastique poétique, du fantastique plus « dur », un peu de thriller n’a pas fonctionné avec moi.
C’est sans doute affaire de goût, car nombreux sont ceux qui semble-t-il ont apprécié ce triptyque. Mais le dessin et l’intrigue, malgré leurs qualités intrinsèques, m’ont clairement laissé sur ma faim.
Note réelle 2,5/5.
Le dessin est précis – presque trop léger même parfois. Comme pour la plupart des séries de cette collection dédiée à l’aéronautique, les carlingues des avions, et les combats aériens (ici aussi les bombardements) sont soignés. Les amateurs de militaria et des avions de la Seconde guerre mondiale y trouveront sans doute leur compte.
J’ai moins accroché par contre à la colorisation informatique, dont le rendu n’est pas toujours joli, et qui lisse beaucoup trop les détails (en accentuant aussi le côté « trop léché » évoqué précédemment).
J’ai lu les deux albums, chacun développant, durant l’année 1943 un récit indépendant, le premier autour d’un bombardement massif de la RAF sur Hambourg en 1943, le second autour d’opérations dans la Manche et la Mer du Nord de 1943 à la fin 1944, menées par la même équipe de pilotes.
Si tout ce qui concerne les opérations militaires est vraiment bien rendu, la lecture est un peu « sèche » pour le reste. Le premier album se concentre uniquement sur l’opération de bombardement, on ne connait presque rien des pilotes et on ne s’attache pas vraiment à eux. Dans le tome suivant, Crespin se retrouve seul aux commandes, et a cherché à corriger ce défaut, en développant un peu plus les temps morts à terre, et une idylle entre un pilote et une jeune femme. C’est un peu léger, mais bon, c’est un peu mieux, même si les relations entre personnages manquent quand même de nuances (voir l’altercation entre notre pilote amoureux et un soldat américain).
Chaque album indique présenter une histoire complète. Si le premier correspond bien à cette annonce, ça n’est pas vraiment le cas du suivant, qui ne clôt pas vraiment « l’intrigue » : on est sans nouvelle du pilote/personnage principal, et la dernière case ressemble quand même à un cliffhanger !
Note réelle 2,5/5.
Sic incipit fabula.
J'ai enfin pu me procurer le quatrième opus de la collection El Torres. Et il est dans la même veine que Le Puritain et Rituel Romain. Une histoire où un esprit maléfique va être la cause de bien des malheurs. El Torres nous plonge dans un Londres fin XIXe siècle, des ruelles sordides et brumeuses du quartier de Whitechapel aux beaux quartiers. Une mise en situation qui ne peut faire penser qu'à Jack l'Éventreur, car des meurtres horribles vont être commis. Les victimes ne seront pas des prostituées, mais des gens de la bonne société affiliés à une loge maçonnique. Deux inspecteurs de police mènent l'enquête, mais c'est un étrange personnage aux pouvoirs surnaturels, Hawke, qui sera au centre du récit.
Une histoire très classique dans le genre esprit maléfique et possession, mais El Torres va y introduire de la mythologie égyptienne avec le dieu Horus (le faucon) et surtout avec Jannès et Jambrès (des magiciens de la cour de Pharaon). C'est la dualité entre ces deux sorciers (qui ont traversé les siècles) qui met du piment au récit. Une narration maîtrisée pour un bon moment de lecture. Un délicieux mélange d'Éxorciste, de Lovecraft et de Penny Dreadful (avec la délicieuse Eva Green).
Ce qui saute aux yeux, c'est le magnifique rendu en noir et blanc de Joe Bocardo (Sang Barbare). Son dessin aux lignes brouillonnes et expressives retranscrit magnifiquement ce Londres Victorien dans toute sa flamboyance et son misérabilisme. La représentation des décors est somptueuse. Une mise en page très cinématographique.
Un artiste à surveiller.
Note réelle : 3,5.
Je conseille aux amateurs de ce genre de récit.
Je rejoins l'avis de Mac Arthur.
Il a quelques qualités dans cet one-shot, comme le dessin qui est très bon, la narration est fluide (au moins j'ai pu lire l'album au complet sans trop de problème) et il y a quelques scènes pas trop mal au début, mais très vite le scénario devient monotone. C'est peut-être pour montrer le sentiment que les londoniens avaient durant les bombardements pendant la seconde guerre mondiale, il fallait toujours aller se cacher, on ne sait pas quand ça va finir et pour ne pas s'ennuyer on utilise notre imagination pour raconter des contes ! Sauf que lorsque je lis une œuvre de fiction c'est pas pour finir par autant m'ennuyer que les personnages.
Il faut dire que le conte que le vieil homme raconte à la petite fille n'est pas très palpitant. Quant à ce qui se passe dans le monde réel, comme je l'ai déjà écrit, il y a quelques bonnes scènes, mais c'est noyé dans de la répétition et un scénario inutilement étiré. On aurait pu balancer la moitié de l'album et ça aurait été mieux pour le scénario. Il y a aussi le fait qu'à plusieurs reprises, l'auteur veut toucher les lecteurs et cela n'a pas marché sur moi. Ça manque de subtilité et je déteste ça, j'ai l'impression qu'on veut me forcer à pleurer et ça provoque toujours l'effet inverse sur moi.
Rien d’hyper original ni de très détaillé dans la narration. Et pourtant, j’ai bien aimé cet album.
La construction est un peu hachée par le découpage qui alterne flash-backs et passages contemporains, chacun d’une page la plupart du temps. J’ai été un peu désarçonné au départ, mais je m’y suis rapidement fait, et ces allers-retours finissent en fait par faire sens et capter/captiver le lecteur.
Au travers d’un récit en partie autobiographique, Hanuka arrive à mêler histoire familiale et histoire du sionisme et des débuts d’Israël. C’est assez équilibré, jamais manichéen, bien au contraire. Et c’est aussi fluide. Par petites touches, on est accroché.
On pourrait chipoter en regrettant qu’il n’y ait pas de rupture de rythme, mais le mélange des périodes aide à limiter le côté trop « linéaire » et ronronnant.
Un album sympathique.
Étonnante cette série ! Du médiéval fantastique éloigné de Tolkien. Avec un groupe de personnages mêlant des animaux (un cheval, un oiseau charmeur, un chat tout plat…) et des humains originaux (dont un jeune chevalier coincé dans une armure trop petite). Et tous sont morts, sont des fantômes qui souhaitent se rendre à Jérusalem pour trouver une potion à même de leur rendre la vie, moyennant finances. Les voilà donc partis pour une sorte de pèlerinage vers la Terre sainte...
S'ils sont vite arrivés à Jérusalem, de nombreux flash-backs nous montrent le passé de chaque membre de l’équipe, on apprend à les connaitre.
Par contre, si la longue mise en place (le premier album est conséquent) est très intrigante, la suite est moins surprenante et palpitante. C’est un peu linéaire. Avec en plus une conclusion brutale, trop vite et trop facilement expédiée. Qui plus est avec un dessin qui change du tout au tout et n’est pas joli sur la fin.
Car pour le reste, le trait gras, charbonneux, d’Utkin, est plaisant.
Au final, une série relativement originale pour le genre, mais qui s’essouffle dans sa seconde moitié. Autre petit détail (goût personnel), je n’ai pas aimé le titre, vraiment moche – la simple utilisation de l’anglicisme people est trop incongrue ici.
Un manga qui avait attiré mon attention à cause de sa couverture et parce qu'après l'avoir rapidement feuilleté, son contenu m'a semblé bien différent des mangas standards grand public. Le fait que ça soit un one-shot et pas une série fleuve a aussi joué.
Ben après lecture, je suis déçu et heureusement que ça ne dure pas des dizaines de tomes ! L'histoire est tellement décousue qu'au début j'ai cru que c'était un recueil d'histoires courtes portant sur le même thème ! Je n'ai pas trop aimé le message qui ressortait de l'album. Je le trouve non seulement naïf (on dirait que ça a été fait par quelqu'un qui n'est jamais sorti de la ville), mais aussi limite dangereux. Il reste le dessin qui est pas mal. Il y a de belles cases, mais ce n'est pas assez pour rendre un récit intéressant.
J’étais resté sur une bonne impression de ma lecture – qui remonte maintenant à quelques années – du « Voyage des pères ». Une bonne impression confirmée par ce préquel, dont la lecture est vraiment plaisante.
Le vieil athée que je suis s’accommode très bien de l’arrière-plan biblique – qu’on peut tout à fait ne prendre que comme décor, comme une base « culturelle » triturée par Ratte. Car le récit est a priori bien ancré dans des passages célèbres de la Bible, au moment où, sous la conduite de Moïse, les Juifs auraient fuit l’Égypte, après que leur dieu ait menacé le pharaon avec ses « plaies ».
Voilà pour le décor. Mais en fait tout tourne autour d’un personnage, Yona, riche égyptien, conseiller du pharaon qui, pour avoir des enfants, se voit contraint d’épouser une énième femme, cette fois-ci méprisée car juive, Libi (par ailleurs jeune adolescente qui n’a pas sa langue dans sa poche et ne s’en laisse pas conter). Yona va se trouver embarqué dans la lutte entre Juifs et le pharaon.
Ce qui fait le sel de l’histoire, c’est la narration, très aérée (ça se lit très vite car il y a finalement peu de texte) et dynamique. Et surtout l’humour. Avec comme point fort le personnage ambivalent de Yona, tour à tour hâbleur et dominateur avec les « faibles » (ses femmes, ses serviteurs, les Juifs, etc.) et flagorneur, obséquieux ou dépassé avec les « forts » (pharaon, Libi). J’aurais bien vu Louis de Funès incarner le personnage dans une adaptation !
Les dialogues, très « contemporains » dans les tournures et les mots employés, donnent un décalage amusant. Et le dessin de Ratte accompagne très bien ce récit. Très chouette, avec de belles planches de décors, il est lui aussi dynamique, rondouillard, expressif, et les gesticulations de Yona sont assez drôles. La colorisation de Lavialle est elle aussi réussie.
Seul le dernier tome m’a paru un chouia en deçà, un peu moins caustique, comme si un essoufflement pointait (ça commençait un peu dans le précédent).
Mais ça reste globalement une lecture plaisante, amusante, et recommandable.
Note réelle 3,5/5.
J’ai vraiment apprécié Detroit: Become Human – Tokyo Stories. En tant que fan du jeu vidéo original, j’étais curieux de voir comment l’univers serait adapté en manga, et j’ai été agréablement surpris. Le fait de déplacer l’action au Japon apporte une nouvelle perspective sur les tensions entre humains et androïdes, et le dessin rend bien l’atmosphère à la fois froide et émotive du monde de Detroit. J’ai trouvé les thèmes de la discrimination et de la conscience artificielle toujours aussi percutants, même si le format manga ne permet pas de développer les personnages et les intrigues aussi profondément que dans le jeu. Malgré ce léger manque, c’est une lecture captivante que je recommande aux amateurs du jeu ou à ceux qui aiment les récits de science-fiction avec une dimension morale.
Il faut toujours qu’elle fanfaronne, comme si s’en tenir au réel ne lui était pas suffisant…
-
Ce tome contient une histoire complète de nature biographique. Son édition originale date de 2022. Il a été réalisé par Marie Bardiaux-Vaïente pour le scénario, et par Gaëlle Hersent pour les dessins et les couleurs, avec la participation du conseiller historique Farid Ameur. Il comporte quarante-six pages de bande dessinée. Il se termine par un dossier de huit pages, rédigé par Ameur, revenant sur la vie de Calamity Jane, l’aventurière : les repères biographiques avérés, son esprit rebelle, sa fureur de vivre, l’éternelle incorrigible, avec une carte retraçant ses voyages, des encadrés relatifs à la condition des femmes à cette époque, les lettres à sa fille (un authentique canular), À la vôtre (l’alcool et sa consommation à l’époque), une chronologie, des références bibliographiques.
Fin des années 1880 ou début des années 1890, Calamity Jane chevauche au fond d’un canyon une région sauvage, un aigle planant haut au-dessus d’elle. Elle lève la tête comme si elle regardait le lecteur, déclarant qu’il y a quelque chose qu’elle devrait confesser… En 1873, à Goose Creek dans le Wyoming, un détachement de cavalerie fait feu sur un groupe d’Indiens en train de fuir à cheval. Une fois cette action accomplie, les cavaliers s’arrêtent et le capitaine Egan s’adresse à Martha Jane Cannary, en lui indiquant qu’elle ne pourra pas l’empêcher de songer que sa présence parmi eux est des plus contestables : une femme n’a rien à faire dans l’armée. Elle lui rétorque qu’il s’agit là de l’avis d’un bonhomme. Agacé, il lui ordonne de passer devant, en tant qu’éclaireuse. Elle obéit et prend de la distance pour devancer le détachement. Soudainement, les Indiens reviennent à l’attaque contre les soldats. Elle raconte la suite de son point de vue, un peu enjolivé : son demi-tour en entendant le bruit de l’attaque, sa cavalcade et sa charge héroïque pour récupérer le capitaine Egan blessé, puis l’amener jusqu’à la ville la plus proche pour qu’un médecin s’occupe de lui. Enfin, la gratitude et les remerciements du capitaine à son égard.
En juillet 1876, à Deadwood dans le Dakota du Sud, Calamity Jane achève de raconter cette aventure à son ami Charlie Litter, en lui indiquant que c’est depuis qu’elle s’appelle Calamity Jane. Leur discussion est interrompue par l’arrivée d’un monsieur qui se présente comme se nommant Merrick. Il est le propriétaire et l’éditorialiste du Black Hills Pioneer. Il se déclare vraiment honoré d’enfin rencontrer Calamity Jane car la rumeur de ses exploits est parvenue jusqu’à eux, et c’est pourquoi il a annoncé son arrivée dans leurs colonnes. Il remet l’exemplaire du journal à la jeune femme. Elle se félicite d’être dans le journal et accoudée au comptoir, elle demande un whisky au barman. Il fait mine de ne pas l’entendre, et un autre client fait observer que le bar c’est pas pour les gonzesses. Enfin le barman se retourne pour indiquer à Jane qu’elle n’a rien à faire là, qu’à chaque fois elle met le bazar. Elle insiste pour être servie, allant même jusqu’à le menacer avec son fusil. Elle l’arme, mais une voix se fait entendre demandant que ce whisky lui soit servi. Depuis sa table de poker, Wild Bill Hickock intervient en faveur de son amie.
La couverture précise qu’il s’agit d’un tome dans la collection La véritable histoire du Far West, qui comprend également des tomes consacrés à Jesse James (1847-1882), Wild Bill Hickok (1837-1876), Jim Bridger (1804-1881), Little Big Horn (25 & 26 juin 1876), Chef Joseph (1840-1904), Alamo (du 23 février au 6 mars 1836), OK Corral (26/10/1881), La ruée vers l’or (1848-1856). La présente biographie se focalise sur les années 1870, majoritairement dans la petite ville de Deadwood, avec quelques retours en arrière sur sa famille, et sur son enrôlement dans l’armée. Au fil des séquences, le lecteur croise ainsi qu’un capitaine de l’armée (Egan), James Butler Hickok (dit Wild Bill Hickok) ; il assiste à une attaque de diligence servant également de malle postale, et il est présent lors d’une épidémie de variole à Deadwood en 1878. En fonction de sa connaissance sur le personnage, le lecteur prend pour argent comptant cette biographie, tout en relevant l’usage de passages contés à la manière de récits sensationnels (dime novels). Puis il lit le dossier en fin d’ouvrage, ce qui lui permet de mieux situer la démarche des autrices par rapport à la vérité historique. Il peut également continuer sa découverte de ce personnage historique en allant consulter une encyclopédie, et faire ainsi la part des choses entre la légende créée par Calamity Jane elle-même dans son autobiographie, et les lettres à sa fille avec leur authenticité discutée.
En termes de biographie, personne ne peut prétendre à recréer à la perfection une époque, ou tout du moins la perception qu’en a le personnage central, encore moins ce qui se passait dans sa tête à tel ou tel moment de sa vie. Les autrices ont pris le parti de raconter leur version de la légende de Calamity Jane, en choisissant les éléments historiques avérés, et ceux remodelées par cette aventurière. Cette façon de faire apparaît dès la première page quand Martha Jane Cannary indique qu’il y a quelque chose qu’elle devrait confesser, c’est-à-dire à la fois qu’elle s’est livrée à l’écriture de sa propre légende, et à la fois qu’elle est elle-même une conteuse, une narratrice subjective. Ce choix apparaît également de manière visuelle, l’artiste modifiant quelques caractéristiques de ses dessins, selon que le récit soit en train de suivre Calamity Jane au temps présent, qu’elle raconte sa vie passée, ou bien qu’elle soit passée en mode Enjolivements. Pour ce dernier, la mise en couleurs comprend une trame mécanographiée, des points de couleurs, des dessins aux contours plus secs et plus fins comme pris sur le vif, et des postures soulignant la vivacité de l’héroïne, sa témérité, ses prises de risques. Dans la page sept, un journaliste vient se présenter à Martha Jane Cannary et le lecteur sent bien que son reportage relève plus de l’exagération publicitaire, que de l’enquête et des faits. En page quarante-sept, un éditeur vient lui présenter des Dime Novels (nouvelles à sensations), confirmant la démarche commerciale. Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende, pour reprendre la célèbre citation du film L’homme qui tua Liberty Valance (1962) de John Ford (1894-1973), avec John Wayne (1907-1979), James Stewart (1908-1997), Lee Marvin (1924-1987).
Le lecteur est venu pour un récit de type Western, et son horizon d’attente comprend une reconstitution historique et une évocation de l’Ouest américain dans lequel il puisse se projeter. Il est immédiatement mis en confiance par la première planche une succession de cinq cases de la largeur de la page, un travelling avant en partant en hauteur pour descendre vers le visage de Calamity Jane. Il peut ainsi admirer le sommet d’une chaîne rocheuse, un aigle planant sous lui dans le ciel, et la cavalière qui se rapproche. L’artiste fait en sorte de combler son attente de grands espaces : une plaine dans laquelle la cavalerie poursuit les Indiens, un cours d’eau paisible dans une gorge boisée, une voie de chemin de fer en construction traversant une prairie ouverte à perte de vue, des bisons se déplaçant en harde dans une autre prairie, une épaisse forêt interminable, la grand-rue de Deadwood en terre et interminable, un convoi de chariots bâchés progressant du Missouri vers le Montana, etc. Elle soigne tout autant les séquences dans Deadwood : le saloon, les façades en bois des bâtiments, les pièces communes de la maison close et sa cuisine, la prison et une cellule rudimentaire, l’installation de fortune du médecin pour soigner les malades lors de l’épidémie de syphilis, etc. Le lecteur se sent bien au Far West, trouvant les conventions visuelles attendues, et celles-ci disposant d’assez de détails pour être spécifiques, plutôt que des décors artificiels génériques.
Bien évidemment, le lecteur observe cette jeune femme qui a réussi à s’émanciper du rôle imposé par la société, pour vivre comme elle l’entend : un métier d’homme, des vêtements d’homme, même une façon masculine de monter à cheval et pas en amazone. Les autrices montrent ce comportement et les réactions qu’il suscite de manière organique et factuelle, plutôt que d’un point de vue militant. Les retours en arrière permettent de comprendre comment cette adolescente a acquis des compétences au tir (et en cuisine), comment elle a subvenu aux besoins de ses jeunes frères et sœurs en l’absence de leurs parents. Les autrices montrent ce qui lui en coûte en terme social : des remarques misogynes systématiques, des comportements destinés à lui faire reprendre un rôle de femme à cette époque, du mépris, une ostracisation systémique, aussi radicale que celle subie par Samuel Fields, un afro-américain. Martha Jane Cannary est pleinement consciente de cet état de fait, sans que cela n’entame sa bonne volonté, en particulier de se mettre au service de ses prochains lors de l’épidémie. Le lecteur comprend que la scénariste a choisi les faits qu’elle met en scène, piochant dans la légende que Calamity Jane s’est elle-même construite, dans quelques faits historiques, et en en laissant d’autres de côtés, comme son recours à la prostitution. Pour autant, elle la décrit comme un être humain faillible, par exemple son addiction à l’alcool.
Une version personnelle de Martha Jane Cannary, entre réalité historique et légende forgée par l’intéressée elle-même. Le lecteur s’immerge dans un western consistant et plausible, aux côtés d’une femme avec une forte personnalité. Il en ressort avec une meilleure compréhension de la personne qu’a pu être Martha Jane Cannary, une interprétation humaniste, baignant dans l’amour que leur portent les autrices. Une belle résilience dans une société intolérante à une femme indépendante.
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
Indépendante depuis sa création en 1998, Cultura se donne pour mission de faire vivre et aimer la culture.
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
Maudit sois-tu
Je me retrouve assez bien dans l’avis de gruizzli, même si certaines des références me touchent davantage. Car, en effet, le dessin est plein de qualités esthétiques, mais le plaisir de lecture a souffert du fait que j’ai moi aussi dû faire des efforts pour reconnaitre certains personnages, j’ai dû faire quelques retours en arrière pour vérification, ce qui au bout d’un moment m’a un peu saoulé. Pour le reste, si les références (poètes romantiques anglais et fantastique à la H. G. Wells) sont intéressantes, je n’ai pas vraiment accroché à l’intrigue. Le mélange de personnages historiques réels et de personnages littéraires ou cinématographiques passe plutôt bien, et cela pouvait donner quelque chose de captivant. Mais la construction de l’intrigue où chaque album « remonte le temps », se situe quelques dizaines d’années avant le précédent, m’est apparu ici artificielle. Comme l’ont été certaines facilités scénaristiques (surtout dans le premier tome, qui m’a fait penser à un épisode de la série « L’île fantastique » : c’est moins niaiseux ici certes, mais la façon de rassembler les « proies » et la chasse manquent trop de crédibilité). En fait, la cohabitation, entre du fantastique poétique, du fantastique plus « dur », un peu de thriller n’a pas fonctionné avec moi. C’est sans doute affaire de goût, car nombreux sont ceux qui semble-t-il ont apprécié ce triptyque. Mais le dessin et l’intrigue, malgré leurs qualités intrinsèques, m’ont clairement laissé sur ma faim. Note réelle 2,5/5.
Inferno
Le dessin est précis – presque trop léger même parfois. Comme pour la plupart des séries de cette collection dédiée à l’aéronautique, les carlingues des avions, et les combats aériens (ici aussi les bombardements) sont soignés. Les amateurs de militaria et des avions de la Seconde guerre mondiale y trouveront sans doute leur compte. J’ai moins accroché par contre à la colorisation informatique, dont le rendu n’est pas toujours joli, et qui lisse beaucoup trop les détails (en accentuant aussi le côté « trop léché » évoqué précédemment). J’ai lu les deux albums, chacun développant, durant l’année 1943 un récit indépendant, le premier autour d’un bombardement massif de la RAF sur Hambourg en 1943, le second autour d’opérations dans la Manche et la Mer du Nord de 1943 à la fin 1944, menées par la même équipe de pilotes. Si tout ce qui concerne les opérations militaires est vraiment bien rendu, la lecture est un peu « sèche » pour le reste. Le premier album se concentre uniquement sur l’opération de bombardement, on ne connait presque rien des pilotes et on ne s’attache pas vraiment à eux. Dans le tome suivant, Crespin se retrouve seul aux commandes, et a cherché à corriger ce défaut, en développant un peu plus les temps morts à terre, et une idylle entre un pilote et une jeune femme. C’est un peu léger, mais bon, c’est un peu mieux, même si les relations entre personnages manquent quand même de nuances (voir l’altercation entre notre pilote amoureux et un soldat américain). Chaque album indique présenter une histoire complète. Si le premier correspond bien à cette annonce, ça n’est pas vraiment le cas du suivant, qui ne clôt pas vraiment « l’intrigue » : on est sans nouvelle du pilote/personnage principal, et la dernière case ressemble quand même à un cliffhanger ! Note réelle 2,5/5.
Phantasmagoria
Sic incipit fabula. J'ai enfin pu me procurer le quatrième opus de la collection El Torres. Et il est dans la même veine que Le Puritain et Rituel Romain. Une histoire où un esprit maléfique va être la cause de bien des malheurs. El Torres nous plonge dans un Londres fin XIXe siècle, des ruelles sordides et brumeuses du quartier de Whitechapel aux beaux quartiers. Une mise en situation qui ne peut faire penser qu'à Jack l'Éventreur, car des meurtres horribles vont être commis. Les victimes ne seront pas des prostituées, mais des gens de la bonne société affiliés à une loge maçonnique. Deux inspecteurs de police mènent l'enquête, mais c'est un étrange personnage aux pouvoirs surnaturels, Hawke, qui sera au centre du récit. Une histoire très classique dans le genre esprit maléfique et possession, mais El Torres va y introduire de la mythologie égyptienne avec le dieu Horus (le faucon) et surtout avec Jannès et Jambrès (des magiciens de la cour de Pharaon). C'est la dualité entre ces deux sorciers (qui ont traversé les siècles) qui met du piment au récit. Une narration maîtrisée pour un bon moment de lecture. Un délicieux mélange d'Éxorciste, de Lovecraft et de Penny Dreadful (avec la délicieuse Eva Green). Ce qui saute aux yeux, c'est le magnifique rendu en noir et blanc de Joe Bocardo (Sang Barbare). Son dessin aux lignes brouillonnes et expressives retranscrit magnifiquement ce Londres Victorien dans toute sa flamboyance et son misérabilisme. La représentation des décors est somptueuse. Une mise en page très cinématographique. Un artiste à surveiller. Note réelle : 3,5. Je conseille aux amateurs de ce genre de récit.
Le Partage des Mondes
Je rejoins l'avis de Mac Arthur. Il a quelques qualités dans cet one-shot, comme le dessin qui est très bon, la narration est fluide (au moins j'ai pu lire l'album au complet sans trop de problème) et il y a quelques scènes pas trop mal au début, mais très vite le scénario devient monotone. C'est peut-être pour montrer le sentiment que les londoniens avaient durant les bombardements pendant la seconde guerre mondiale, il fallait toujours aller se cacher, on ne sait pas quand ça va finir et pour ne pas s'ennuyer on utilise notre imagination pour raconter des contes ! Sauf que lorsque je lis une œuvre de fiction c'est pas pour finir par autant m'ennuyer que les personnages. Il faut dire que le conte que le vieil homme raconte à la petite fille n'est pas très palpitant. Quant à ce qui se passe dans le monde réel, comme je l'ai déjà écrit, il y a quelques bonnes scènes, mais c'est noyé dans de la répétition et un scénario inutilement étiré. On aurait pu balancer la moitié de l'album et ça aurait été mieux pour le scénario. Il y a aussi le fait qu'à plusieurs reprises, l'auteur veut toucher les lecteurs et cela n'a pas marché sur moi. Ça manque de subtilité et je déteste ça, j'ai l'impression qu'on veut me forcer à pleurer et ça provoque toujours l'effet inverse sur moi.
Le Juif arabe
Rien d’hyper original ni de très détaillé dans la narration. Et pourtant, j’ai bien aimé cet album. La construction est un peu hachée par le découpage qui alterne flash-backs et passages contemporains, chacun d’une page la plupart du temps. J’ai été un peu désarçonné au départ, mais je m’y suis rapidement fait, et ces allers-retours finissent en fait par faire sens et capter/captiver le lecteur. Au travers d’un récit en partie autobiographique, Hanuka arrive à mêler histoire familiale et histoire du sionisme et des débuts d’Israël. C’est assez équilibré, jamais manichéen, bien au contraire. Et c’est aussi fluide. Par petites touches, on est accroché. On pourrait chipoter en regrettant qu’il n’y ait pas de rupture de rythme, mais le mélange des périodes aide à limiter le côté trop « linéaire » et ronronnant. Un album sympathique.
The Ex-People
Étonnante cette série ! Du médiéval fantastique éloigné de Tolkien. Avec un groupe de personnages mêlant des animaux (un cheval, un oiseau charmeur, un chat tout plat…) et des humains originaux (dont un jeune chevalier coincé dans une armure trop petite). Et tous sont morts, sont des fantômes qui souhaitent se rendre à Jérusalem pour trouver une potion à même de leur rendre la vie, moyennant finances. Les voilà donc partis pour une sorte de pèlerinage vers la Terre sainte... S'ils sont vite arrivés à Jérusalem, de nombreux flash-backs nous montrent le passé de chaque membre de l’équipe, on apprend à les connaitre. Par contre, si la longue mise en place (le premier album est conséquent) est très intrigante, la suite est moins surprenante et palpitante. C’est un peu linéaire. Avec en plus une conclusion brutale, trop vite et trop facilement expédiée. Qui plus est avec un dessin qui change du tout au tout et n’est pas joli sur la fin. Car pour le reste, le trait gras, charbonneux, d’Utkin, est plaisant. Au final, une série relativement originale pour le genre, mais qui s’essouffle dans sa seconde moitié. Autre petit détail (goût personnel), je n’ai pas aimé le titre, vraiment moche – la simple utilisation de l’anglicisme people est trop incongrue ici.
Hen Kai Pan
Un manga qui avait attiré mon attention à cause de sa couverture et parce qu'après l'avoir rapidement feuilleté, son contenu m'a semblé bien différent des mangas standards grand public. Le fait que ça soit un one-shot et pas une série fleuve a aussi joué. Ben après lecture, je suis déçu et heureusement que ça ne dure pas des dizaines de tomes ! L'histoire est tellement décousue qu'au début j'ai cru que c'était un recueil d'histoires courtes portant sur le même thème ! Je n'ai pas trop aimé le message qui ressortait de l'album. Je le trouve non seulement naïf (on dirait que ça a été fait par quelqu'un qui n'est jamais sorti de la ville), mais aussi limite dangereux. Il reste le dessin qui est pas mal. Il y a de belles cases, mais ce n'est pas assez pour rendre un récit intéressant.
Le Voyage des Pères - L'Exode selon Yona
J’étais resté sur une bonne impression de ma lecture – qui remonte maintenant à quelques années – du « Voyage des pères ». Une bonne impression confirmée par ce préquel, dont la lecture est vraiment plaisante. Le vieil athée que je suis s’accommode très bien de l’arrière-plan biblique – qu’on peut tout à fait ne prendre que comme décor, comme une base « culturelle » triturée par Ratte. Car le récit est a priori bien ancré dans des passages célèbres de la Bible, au moment où, sous la conduite de Moïse, les Juifs auraient fuit l’Égypte, après que leur dieu ait menacé le pharaon avec ses « plaies ». Voilà pour le décor. Mais en fait tout tourne autour d’un personnage, Yona, riche égyptien, conseiller du pharaon qui, pour avoir des enfants, se voit contraint d’épouser une énième femme, cette fois-ci méprisée car juive, Libi (par ailleurs jeune adolescente qui n’a pas sa langue dans sa poche et ne s’en laisse pas conter). Yona va se trouver embarqué dans la lutte entre Juifs et le pharaon. Ce qui fait le sel de l’histoire, c’est la narration, très aérée (ça se lit très vite car il y a finalement peu de texte) et dynamique. Et surtout l’humour. Avec comme point fort le personnage ambivalent de Yona, tour à tour hâbleur et dominateur avec les « faibles » (ses femmes, ses serviteurs, les Juifs, etc.) et flagorneur, obséquieux ou dépassé avec les « forts » (pharaon, Libi). J’aurais bien vu Louis de Funès incarner le personnage dans une adaptation ! Les dialogues, très « contemporains » dans les tournures et les mots employés, donnent un décalage amusant. Et le dessin de Ratte accompagne très bien ce récit. Très chouette, avec de belles planches de décors, il est lui aussi dynamique, rondouillard, expressif, et les gesticulations de Yona sont assez drôles. La colorisation de Lavialle est elle aussi réussie. Seul le dernier tome m’a paru un chouia en deçà, un peu moins caustique, comme si un essoufflement pointait (ça commençait un peu dans le précédent). Mais ça reste globalement une lecture plaisante, amusante, et recommandable. Note réelle 3,5/5.
Detroit : Become Human -Tokyo Stories
J’ai vraiment apprécié Detroit: Become Human – Tokyo Stories. En tant que fan du jeu vidéo original, j’étais curieux de voir comment l’univers serait adapté en manga, et j’ai été agréablement surpris. Le fait de déplacer l’action au Japon apporte une nouvelle perspective sur les tensions entre humains et androïdes, et le dessin rend bien l’atmosphère à la fois froide et émotive du monde de Detroit. J’ai trouvé les thèmes de la discrimination et de la conscience artificielle toujours aussi percutants, même si le format manga ne permet pas de développer les personnages et les intrigues aussi profondément que dans le jeu. Malgré ce léger manque, c’est une lecture captivante que je recommande aux amateurs du jeu ou à ceux qui aiment les récits de science-fiction avec une dimension morale.
Calamity Jane (Bardiaux-Vaïente)
Il faut toujours qu’elle fanfaronne, comme si s’en tenir au réel ne lui était pas suffisant… - Ce tome contient une histoire complète de nature biographique. Son édition originale date de 2022. Il a été réalisé par Marie Bardiaux-Vaïente pour le scénario, et par Gaëlle Hersent pour les dessins et les couleurs, avec la participation du conseiller historique Farid Ameur. Il comporte quarante-six pages de bande dessinée. Il se termine par un dossier de huit pages, rédigé par Ameur, revenant sur la vie de Calamity Jane, l’aventurière : les repères biographiques avérés, son esprit rebelle, sa fureur de vivre, l’éternelle incorrigible, avec une carte retraçant ses voyages, des encadrés relatifs à la condition des femmes à cette époque, les lettres à sa fille (un authentique canular), À la vôtre (l’alcool et sa consommation à l’époque), une chronologie, des références bibliographiques. Fin des années 1880 ou début des années 1890, Calamity Jane chevauche au fond d’un canyon une région sauvage, un aigle planant haut au-dessus d’elle. Elle lève la tête comme si elle regardait le lecteur, déclarant qu’il y a quelque chose qu’elle devrait confesser… En 1873, à Goose Creek dans le Wyoming, un détachement de cavalerie fait feu sur un groupe d’Indiens en train de fuir à cheval. Une fois cette action accomplie, les cavaliers s’arrêtent et le capitaine Egan s’adresse à Martha Jane Cannary, en lui indiquant qu’elle ne pourra pas l’empêcher de songer que sa présence parmi eux est des plus contestables : une femme n’a rien à faire dans l’armée. Elle lui rétorque qu’il s’agit là de l’avis d’un bonhomme. Agacé, il lui ordonne de passer devant, en tant qu’éclaireuse. Elle obéit et prend de la distance pour devancer le détachement. Soudainement, les Indiens reviennent à l’attaque contre les soldats. Elle raconte la suite de son point de vue, un peu enjolivé : son demi-tour en entendant le bruit de l’attaque, sa cavalcade et sa charge héroïque pour récupérer le capitaine Egan blessé, puis l’amener jusqu’à la ville la plus proche pour qu’un médecin s’occupe de lui. Enfin, la gratitude et les remerciements du capitaine à son égard. En juillet 1876, à Deadwood dans le Dakota du Sud, Calamity Jane achève de raconter cette aventure à son ami Charlie Litter, en lui indiquant que c’est depuis qu’elle s’appelle Calamity Jane. Leur discussion est interrompue par l’arrivée d’un monsieur qui se présente comme se nommant Merrick. Il est le propriétaire et l’éditorialiste du Black Hills Pioneer. Il se déclare vraiment honoré d’enfin rencontrer Calamity Jane car la rumeur de ses exploits est parvenue jusqu’à eux, et c’est pourquoi il a annoncé son arrivée dans leurs colonnes. Il remet l’exemplaire du journal à la jeune femme. Elle se félicite d’être dans le journal et accoudée au comptoir, elle demande un whisky au barman. Il fait mine de ne pas l’entendre, et un autre client fait observer que le bar c’est pas pour les gonzesses. Enfin le barman se retourne pour indiquer à Jane qu’elle n’a rien à faire là, qu’à chaque fois elle met le bazar. Elle insiste pour être servie, allant même jusqu’à le menacer avec son fusil. Elle l’arme, mais une voix se fait entendre demandant que ce whisky lui soit servi. Depuis sa table de poker, Wild Bill Hickock intervient en faveur de son amie. La couverture précise qu’il s’agit d’un tome dans la collection La véritable histoire du Far West, qui comprend également des tomes consacrés à Jesse James (1847-1882), Wild Bill Hickok (1837-1876), Jim Bridger (1804-1881), Little Big Horn (25 & 26 juin 1876), Chef Joseph (1840-1904), Alamo (du 23 février au 6 mars 1836), OK Corral (26/10/1881), La ruée vers l’or (1848-1856). La présente biographie se focalise sur les années 1870, majoritairement dans la petite ville de Deadwood, avec quelques retours en arrière sur sa famille, et sur son enrôlement dans l’armée. Au fil des séquences, le lecteur croise ainsi qu’un capitaine de l’armée (Egan), James Butler Hickok (dit Wild Bill Hickok) ; il assiste à une attaque de diligence servant également de malle postale, et il est présent lors d’une épidémie de variole à Deadwood en 1878. En fonction de sa connaissance sur le personnage, le lecteur prend pour argent comptant cette biographie, tout en relevant l’usage de passages contés à la manière de récits sensationnels (dime novels). Puis il lit le dossier en fin d’ouvrage, ce qui lui permet de mieux situer la démarche des autrices par rapport à la vérité historique. Il peut également continuer sa découverte de ce personnage historique en allant consulter une encyclopédie, et faire ainsi la part des choses entre la légende créée par Calamity Jane elle-même dans son autobiographie, et les lettres à sa fille avec leur authenticité discutée. En termes de biographie, personne ne peut prétendre à recréer à la perfection une époque, ou tout du moins la perception qu’en a le personnage central, encore moins ce qui se passait dans sa tête à tel ou tel moment de sa vie. Les autrices ont pris le parti de raconter leur version de la légende de Calamity Jane, en choisissant les éléments historiques avérés, et ceux remodelées par cette aventurière. Cette façon de faire apparaît dès la première page quand Martha Jane Cannary indique qu’il y a quelque chose qu’elle devrait confesser, c’est-à-dire à la fois qu’elle s’est livrée à l’écriture de sa propre légende, et à la fois qu’elle est elle-même une conteuse, une narratrice subjective. Ce choix apparaît également de manière visuelle, l’artiste modifiant quelques caractéristiques de ses dessins, selon que le récit soit en train de suivre Calamity Jane au temps présent, qu’elle raconte sa vie passée, ou bien qu’elle soit passée en mode Enjolivements. Pour ce dernier, la mise en couleurs comprend une trame mécanographiée, des points de couleurs, des dessins aux contours plus secs et plus fins comme pris sur le vif, et des postures soulignant la vivacité de l’héroïne, sa témérité, ses prises de risques. Dans la page sept, un journaliste vient se présenter à Martha Jane Cannary et le lecteur sent bien que son reportage relève plus de l’exagération publicitaire, que de l’enquête et des faits. En page quarante-sept, un éditeur vient lui présenter des Dime Novels (nouvelles à sensations), confirmant la démarche commerciale. Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende, pour reprendre la célèbre citation du film L’homme qui tua Liberty Valance (1962) de John Ford (1894-1973), avec John Wayne (1907-1979), James Stewart (1908-1997), Lee Marvin (1924-1987). Le lecteur est venu pour un récit de type Western, et son horizon d’attente comprend une reconstitution historique et une évocation de l’Ouest américain dans lequel il puisse se projeter. Il est immédiatement mis en confiance par la première planche une succession de cinq cases de la largeur de la page, un travelling avant en partant en hauteur pour descendre vers le visage de Calamity Jane. Il peut ainsi admirer le sommet d’une chaîne rocheuse, un aigle planant sous lui dans le ciel, et la cavalière qui se rapproche. L’artiste fait en sorte de combler son attente de grands espaces : une plaine dans laquelle la cavalerie poursuit les Indiens, un cours d’eau paisible dans une gorge boisée, une voie de chemin de fer en construction traversant une prairie ouverte à perte de vue, des bisons se déplaçant en harde dans une autre prairie, une épaisse forêt interminable, la grand-rue de Deadwood en terre et interminable, un convoi de chariots bâchés progressant du Missouri vers le Montana, etc. Elle soigne tout autant les séquences dans Deadwood : le saloon, les façades en bois des bâtiments, les pièces communes de la maison close et sa cuisine, la prison et une cellule rudimentaire, l’installation de fortune du médecin pour soigner les malades lors de l’épidémie de syphilis, etc. Le lecteur se sent bien au Far West, trouvant les conventions visuelles attendues, et celles-ci disposant d’assez de détails pour être spécifiques, plutôt que des décors artificiels génériques. Bien évidemment, le lecteur observe cette jeune femme qui a réussi à s’émanciper du rôle imposé par la société, pour vivre comme elle l’entend : un métier d’homme, des vêtements d’homme, même une façon masculine de monter à cheval et pas en amazone. Les autrices montrent ce comportement et les réactions qu’il suscite de manière organique et factuelle, plutôt que d’un point de vue militant. Les retours en arrière permettent de comprendre comment cette adolescente a acquis des compétences au tir (et en cuisine), comment elle a subvenu aux besoins de ses jeunes frères et sœurs en l’absence de leurs parents. Les autrices montrent ce qui lui en coûte en terme social : des remarques misogynes systématiques, des comportements destinés à lui faire reprendre un rôle de femme à cette époque, du mépris, une ostracisation systémique, aussi radicale que celle subie par Samuel Fields, un afro-américain. Martha Jane Cannary est pleinement consciente de cet état de fait, sans que cela n’entame sa bonne volonté, en particulier de se mettre au service de ses prochains lors de l’épidémie. Le lecteur comprend que la scénariste a choisi les faits qu’elle met en scène, piochant dans la légende que Calamity Jane s’est elle-même construite, dans quelques faits historiques, et en en laissant d’autres de côtés, comme son recours à la prostitution. Pour autant, elle la décrit comme un être humain faillible, par exemple son addiction à l’alcool. Une version personnelle de Martha Jane Cannary, entre réalité historique et légende forgée par l’intéressée elle-même. Le lecteur s’immerge dans un western consistant et plausible, aux côtés d’une femme avec une forte personnalité. Il en ressort avec une meilleure compréhension de la personne qu’a pu être Martha Jane Cannary, une interprétation humaniste, baignant dans l’amour que leur portent les autrices. Une belle résilience dans une société intolérante à une femme indépendante.