Les derniers avis (256 avis)

Couverture de la série Zaï Zaï Zaï Zaï
Zaï Zaï Zaï Zaï

Je suis un grand amateur des productions de Fabcaro – je crois bien que je possède tous ses albums, et j’ai très rarement été déçu. Et là, je dois dire que c’est clairement l’une de ses meilleures réussites. Je ne m’étonne pas que cet album ait reçu plusieurs prix, car il est vraiment bon, tout en restant relativement atypique. C’est clairement un florilège d’humour totalement absurde, parfois nonsensique, toujours très con, et parfois noir. Un excellent cocktail dont je suis très friand. Du sourire au rire franc, quasiment tous les gags (s’il y a une histoire « linéaire », toutes les pages ou les deux pages un gag ponctue ce « road movie » absurde) sont réussis. Si vous êtes adeptes de ce genre d’humour, n’hésitez pas, c’est franchement bien fichu ! Et le ton est donné dès le départ, puisque le déclenchement de cette traque est dû à l’oubli d’une carte de fidélité d’un grand magasin au moment de payer. On devine peu à peu que Fabcaro se met en scène lui-même comme victime de cette course poursuite surmédiatisée. Autodérision, travail autobiographique, réflexion ironique sur le métier de bédéiste : on retrouve là quelques sujets récurrents chez Fabcaro (en particulier dans ses albums publiés chez La Cafetière). Bref, d’une anecdote insignifiante, Fabcaro va pousser jusqu’au bout du bout l’emballement médiatique (on retrouve là quelques travers déjà moqués dans le second tome de Nic Oumouk de Larcenet). Les petites lâchetés du quotidien, les petits ou les grands cons de notre entourage ou des médias, la société de consommation, la dictature de la routine, les grands élans de générosité creuse (excellente parodie des « tubes humanitaires » !), tout est passé à la moulinette, dans une histoire dont on peut supposer que Fabcaro l’a menée en légère improvisation, emporté par son élan : j’étais prêt à le suivre encore plus loin et longtemps. C’est d’ailleurs mon seul regret après ma lecture, c’est que cette « connerie » s’arrête. Du coup, je l’ai déjà relue trois fois ! Et vous encourage à en faire autant. ******************************** 10 ans jour pour jour après la parution de ce joyau d'humour - et de leur plus gros succès (plus de 400 000 albums vendus à ce jour !), les éditions 6 pieds sous terre ont publié une édition anniversaire, avec une couverture rigide classieuse. Ça a été pour moi l'occasion de rererelire cette histoire (et donc de me marrer encore, même si la surprise ne joue plus). Je n'ai pas été convaincu par certaines "modifications" apportées par une dizaine d'auteurs (voir détails sur la fiche), intervention insérées au coeur du récit d'origine. Parmi les bonus et entretiens inclus en fin d'album (d'intérêt inégal), j'ai par contre été intéressé par la correspondance entre Fabcaro et son éditeur au moment de la genèse de l'ouvrage. Les amateurs de Fabcaro et de cet album apprécieront sans doute cet ajout. ZZZZ reste de toute façon un chef d'oeuvre d'humour absurde et intelligent qu'on ne peut laisser de côté !

10/11/2016 (MAJ le 20/08/2025) (modifier)
Couverture de la série Orbital
Orbital

Dernièrement Runberg m’a plutôt déçu avec ses séries SF, mais je dois dire que cette série me réconcilie avec lui. En effet, malgré une certaine inégalité, c’est globalement réussi et intéressant, la lecture est plaisante. D’abord grâce au travail graphique de Pellé. Son dessin est finalement simple, mais agréable et fluide, et j’ai aussi aimé sa colorisation. Il développe un univers dynamique et assez original, avec tous ces peuples extra-terrestres. Les décors ne sont pas trop développés, les races extra-terrestres ne sont pas forcément hyper originales, mais l’ambiance générale est vraiment plaisante. L’intrigue de Runberg est centrée sur deux personnages, qui travaillent pour une organisation tentant de régler les conflits entre « peuples » (l’ODI, sorte de transposition de l’ONU), un Humain, Caleb, et un/une Sandjarr, Mézoké. Caleb ressemble à Cosmik Roger (à tel point que j’ai un temps cru que Solé s’en était inspiré pour le parodier, mais en fait « Orbital » est postérieure). Si les luttes entre peuples, les complots, sur une planète ou dans l’espace sont pas mal vu ailleurs, Runberg a fait preuve d’une certaine originalité avec ces deux personnages plus diplomates que justiciers. Même si forcément on pense au duo de Valérian et Laureline ! Il n’y a pas non plus de bombasse – et d’ailleurs quasiment aucune femme – et la love story que je voyais poindre entre Caleb et Mézoké dès le premier tome n’existe pas. Les récits sont dynamiques, on ne s’ennuie pas. Runberg use de flash-backs, distillés tout au long des tomes, pour mieux nous faire connaître les deux héros, leur donnant une belle profondeur psychologique. Si les deux premiers albums posent bien décors et personnages, et forment un diptyque, il faut vraiment lire les albums dans l’ordre. Car de nombreux retours sur ce diptyque sont faits par la suite, et surtout le découpage en diptyque annoncé en quatrième de couverture ne correspond pas vraiment à ce que j’ai lu. En effet, les tomes 3 à 6 forment une histoire, un nouveau cycle commençant avec les tomes 7 et 8 (la frangine de Caleb revenant dans le jeu), même si, comme je l’ai dit, c’est davantage une histoire complète que des cycles hermétiquement découpés. D’ailleurs ce tome 8 se conclut avec le même type de cliffhanger qu’à la fin du tome 4 ! En tout cas, voilà une série que j’ai découverte tardivement, mais qui se révèle largement dans la bonne moyenne du genre SF, et qui devrait plaire aux amateurs. Note réelle 3,5/5.

20/08/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Underground
Underground

Déjà le sous-titre (Rockers maudits et grandes prêtresses du son) résonne : tout un programme !!!! Il n'en fallait pas plus pour attirer un chaland tel que moi vers cette énÔrme BD rouge et noire dont la couverture magnifique évoque furieusement celle de l'indépassable Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band. Et bien m'en a pris car hormis quelques marronniers dont la présence dans ce copieux menu peut raisonnablement surprendre a priori (je pense en particulier à Patti Smith, mondialement connue), les autres artistes cités sont incontestablement des icones de l'underground. Au sommaire, parmi tous les noms énoncés, une dizaine ne m'évoque absolument rien. "C'est beaucoup" m'étonnais-je moi-même ! Je ne dis pas ça pour me vanter, mais en règle général, on s'étonne souvent de l'étendue de ma culture musicale. C'est comme ça, depuis que je suis tout minot, même pas encore en âge de parler, la musique est mon truc, la faute à mon grand refré qui m'a donné le virus (il est tout excusé). J'en écoute énormément, tous les jours. Ca rythme ma vie au quotidien. Comme si cela ne suffisait pas, il se trouve que je suis responsable du fonds rock (et BD accessoirement) d'une médiathèque. Le gars qui en veut quoi ! Pour dire : mon premier disque, qui était alors une K7, acheté avec mes propres deniers, c'était Thriller de Michael Jackson. On était en 1982, j'avais 8 ans... Mais ceci n'étant pas une chronique sur ma vie affligeante, je reprends le fil de mon propos. Donc oui ! Beaucoup de vrai(e)s inconnu(e)s au programme, et ça fait plaisir. Cette lecture est l'occasion d'approfondir, voire de découvrir des tonnes de trucs. Personnellement, j'ai (re)écouté tout Alex Chilton dont je connaissais déjà l'implication au sein de The Box Tops puis de Big Star. Et bien, ce n'est pas une surprise mais ce type est un génie. Dans l'album Bach's Bottom par exemple, enregistré principalement live en 1975 mais sorti en 1982 seulement, il a su capter l'énergie du punk naissant qu'il a abondement arrosé de soul, de rock'n'roll, de glam... J'ai aussi exploré l'œuvre de Moondog dont je ne connaissais que deux ou trois morceaux (que tout le monde connait par ailleurs sans le savoir, si si). J'ai tenté de dégoter des morceaux des Légions Noires, sans grand succès. J'ai découvert Eugene Chadbourne, John Fahey, Merrell Fankhauser... Enfin bref ! Arnaud Le Gouëfflec et Nicolas Moog signent avec Underground une petite Bible des artistes les plus emblématiques, si je puis dire, de la scène underground, tous genres confondus, dont les puristes ne pourront finalement que regretter la trop courte Guest List. Sortie en même temps que l'excellentissime Les Amants d'Hérouville dont le personnage principal, Michel Magne en l'occurrence, aurait tout à fait pu faire l'objet d'une insertion dans ce catalogue, Underground entretient la flamme d'un rock dont l'Histoire rhizomique se forge souvent dans les marges. Cet ouvrage n'a finalement qu'un inconvénient : il n'est que la base d'un travail d'exploration sonore que tout lecteur consciencieux accomplira avec délice en se lançant toutes oreilles cessantes dans l'écoute des tonnes de musique promises par nos deux complices... Oh yeah ! Et rebelotte pour le tome 2 ! Sauf qu'il figure encore plus d'inconnu-e-s au programme, que les deux compères Moog et Le Gouefflec donnent furieusement envie de découvrir ! Top ! Allez, je mets un cœur...

04/09/2021 (MAJ le 20/08/2025) (modifier)
Par PAco
Note: 3/5
Couverture de la série Les Maîtres de guerre - Attila
Les Maîtres de guerre - Attila

C'est avec ce titre que je découvre cette collection de chez Delcourt sur les Maitres de Guerre. Nous retrouvons Jean-Pierre Pécau au scénario, un vétéran de la BD historique, et Dragan Paunovic au dessin, que j'avais découvert et beaucoup apprécié dans la série La Kahina - La Reine berbère. Cette fois, pas de reine, mais une légende vivante qui sema l'effroi de l’Asie à la pointe de l'Europe : Attila. Si nous avons tous en tête le déferlement des Huns à travers l'Europe, le détail des batailles et le talent stratégique d'Attila m'étaient inconnus. Tout comme l'existence de son frère avec qui il a partagé le trône... Et c'est face à la Rome divisée qu'il va tracer son sillon sanglant, s'attaquant à des citées pourtant réputées inexpugnables. La violence des batailles et leur sauvagerie sont vraiment bien rendues ; j'ai par contre trouvé étrange la façon de représenter les Huns. En effet, ils sont tous grands, baraques et limite "beaux gosses", ce qui me parait assez étrange. L'autre bémol tient aussi au fait que cette épopée soit condensée en un seul tome, ce qui implique de nombreux raccourcis. Mais dans l'ensemble, c'est un album plaisant et instructif malgré ses petits défauts inhérents à ce genre de collection.

20/08/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 2/5
Couverture de la série La Vie pleine de joie du triste chien Cornelius
La Vie pleine de joie du triste chien Cornelius

Merci à Cac pour son avis sur ce gros pavé que j'avais lu un peu avant Angoulême, voyant qu'il figurait dans la sélection, histoire de ! Cependant, je n'avais pu me résoudre à poster un avis, d'abord parce que je n'ai pas achevé ma lecture (une bonne grosse moitié tout de même), et ensuite parce que cette lecture m'a laissé complètement dubitatif. L'avis de Cac résume très bien la chose : c'est long, on met un moment à rentrer dedans, à se mettre au diapason car le ton est assez particulier, froid, tour à tour absurde, ironique, cruel... Et puis on finit par se mettre dedans. Après quelques dizaine de pages, j'ai fini par trouver l'exercice intéressant. En effet, l'auteur créé un mythe, faisant de son personnage Cornélius le chien une figure d'histoires populaire se diffusant à travers les âges, un peu l'équivalent du personnage de Nasreddine pour le monde arabe. Pour cela, il juxtapose des scènes plus ou moins longues, et utilise différentes techniques graphiques avec à chaque fois un effet adapté à l'époque dont la séquence narrative est censée être issue. C'est assez chouette. Pourtant, je ne me suis jamais vraiment départi d'un ennui lancinant. Je ne voyais pas bien où tout cela allait mener le lecteur. C'est long, il y a beaucoup de redites, si bien qu'après plus de 250 pages, j'ai plié les gaules. Oui, bel effort, chouette exercice de style, mais finalement assez vain et éreintant.

20/08/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Ogoniok
Ogoniok

Obéissez à la loi, mais attention à vos âmes, elles sont en danger… - Ce tome est une anthologie regroupant trois récits indépendants autour du thème des légendes et des contes. Son édition originale française date de 2013, et une réédition en 2025 avec une nouvelle couverture. Il a été réalisé par Sergio Toppi (1932-2012) pour le scénario et les dessins. Ce tome comprend cinquante-trois pages de bande dessinée. Ogoniok, publié pour la première fois en 1992, quatorze pages. Semion Gennadovich Polumin marchait depuis de longues heures dans la taïga sur les traces d’un renard. Il avait perdu le contact avec son expédition de chasse, mais il ne s’inquiète pas. N’est-il pas directeur de deuxième classe au ministère des finances ? Fidèle serviteur du tsar, un homme de poids… Il est sûr de lui. Il arrive devant une grande tente où il est accueilli par trois indigènes, à qui il demande du thé. Ceux-ci lui en offrent un de bon cœur, sans contrepartie. Il fait observer qu’il a vu beaucoup de traces de gibier : c’est une bonne zone de chasse par ici. Il continue : le coin paraît bon, en attendant qu’on vienne le chercher, il va faire quelques cartons. La quatrième de couverture annonce : Trois histoires russes avec des chamans qu’il aurait mieux valu ne pas provoquer… Dans cette première histoire, le lecteur relève le nom du protagoniste qui sonne indubitablement russe. Le commentaire du narrateur omniscient indique qu’il marche depuis de longues heures dans la taïga, c’est-à-dire une forêt de conifères de climat boréal. Il est accueilli dans une tente par trois autochtones certainement nomades. L’un d’eux raconte l’histoire de la belle Koticq et de son union avec un esprit dont naquit Ogoniok, qui dispose de pouvoirs surnaturels, ce qui fait de lui un chaman. La promesse est bien tenue. Le scénariste se montre facétieux : le chasseur venu de la ville n’a aucune chance, c’est une évidence dès la première page. Il se retrouve dans une situation de décalage culturel dont il s’avère incapable de mesurer la portée et les conséquences. Les trois nomades se montrent accueillants, honnêtes et soucieux de la sécurité de leur hôte. Ce dernier se montre incapable de les écouter et d’entendre ce qu’ils disent, d’accepter leur sagesse, de prendre en compte leur avertissement, pourtant explicite. D’un autre côté, il est vraisemblable que le lecteur, amateur de ce créateur ou novice, ait été attiré par la saisissante illustration de couverture, ou après avoir feuilleté l’ouvrage et être tombé sous le charme unique des dessins finement ouvragés, avec une saveur à nulle autre pareille. Dès la première planche, il retrouve cette forme de composition très personnelle : des illustrations comme mises côte à côte, avec un texte dans un cartouche, ou une tirade copieuse d’un personnage. C’est particulier. Pour la première planche : quatre cases. Une de la hauteur de la page pour mettre en valeur un long tronc dénudé, avec un oiseau perché sur une fine branche fragile en hauteur. Puis à gauche, la case comprenant le titre, ainsi que la moitié supérieure du crâne d’un renne avec ses bois. En dessous deux cases, une case également tout en finesse pour mettre en valeur une loutre dont le museau dépasse sur la case adjacente, et enfin une vue en plan éloigné avec les arbres au premier plan, et la petite silhouette du chasseur en arrière-plan marchant sur la neige immaculée. Le texte lie ces différentes vues, expliquant qui est le chasseur et ce qu’il fait là. Ainsi cette première histoire fait la part belle aux cases illustratives, qui trouvent cependant leur place naturelle dans la narration séquentielle. Le lecteur se délecte des différents animaux : des chiens attachés à la tente, la tête d’un mammouth aux longues défenses recourbées, un magnifique oiseau aux ailes complexes ornées de motifs intriqués (un exemple remarquable du travail de texture à l’encre), un extraordinaire élan d’Europe avec des bois exceptionnels et un pelage remarquable, et enfin un lapin très commun. Le lecteur se trouve subjugué par cette chasse enchantée, devenant soupçonneux comme Semion Gennadovich Polumin quant à ce que pouvait contenir le thé qu’on lui a offert. Le récit se termine dans une forme de justice immanente venant châtier l’hubris de ce chasseur. Kas-Cej, publié pour la première fois en 1994, vingt-cinq pages. Dans son riche appartement, Viktor Tikonovitch Barushkin reçoit son ami le Conseiller. Ce dernier est ravi de son retour et le félicite pour la qualité de son champagne en lui demandant l’autorisation de féliciter sa cuisinière. L’hôte demande à Eudoxie Arkadovia si elle a entendu monsieur le Conseiller, il leur rend hommage à tous les deux, elle pour son art culinaire, lui pour son amitié. C’est un honneur exceptionnel pour un modeste universitaire comme lui. Puis à la demande de son invité, il commence à raconter la dernière mission que lui a confiée l’institution : Il s’agissait d’aller exhumer de vieux ossements d’une tribu sibérienne insignifiante, qui fut décimée par la variole, il y a fort longtemps. Un travail ingrat et inutile, une preuve tangible de sa disgrâce… Un véritable exil… Cette deuxième histoire présente une plus grande consistance du fait sa pagination. Un autre conte, à la morale bien différente. Un autre homme de la ville qui se trouve à se rendre dans un petit village perdu dans la taïga. Il s’agit cette fois d’un universitaire, venant faire des recherches sur un peuple autochtone samoyède de Russie, ayant vécu à proximité du cercle polaire : les Nénètses, une des vingt-six ethnies de la Sibérie. L’auteur met à nouveau en scène un individu venant d’un environnement socioculturel plus sophistiqué, et qui est accueilli avec les honneurs, protégé par le gendarme Ghennadj Efimovitc, qui fait travailler la population pour les fouilles, le maintien de l’ordre étant assuré par le fait qu’il possède un fusil. Le récit se développe alors suivant deux thématiques : celle de l’individu ayant fait des études et intervenant dans un monde paysan, et celle de la manière dont s’exerce le pouvoir du tsar dans un village si reculé. En fonction des séquences, le bédéaste réalise des planches à la composition plus classique, avec des cases disposées en bande. Pour autant, le lecteur voit bien que sa personnalité déborde de partout : que ce soient les copieux phylactères qui dépassent sur la case adjacente, ou les illustrations très composées. L’artiste est au summum de son art : fins traits venant donner de la texture et du volume dans des entrelacs sophistiqués, aplats de noir aux contours irréguliers venant donner du poids à un ou plusieurs éléments de la composition, zones de blanc immaculé offrant une respiration dans la page. Chaque protagoniste dégage une personnalité intense : le très chic Barushkin avec ses incroyables moustaches, le plus solennel conseiller et ses petites moustaches, le vieux sage du village et sa barbe blanche, le gendarme, sa coupe improbable et sa bouille ronde, le pope avec sa toque et son regard intense et habité, les paysans méfiants. Cette histoire donne lieu à de magnifiques paysages, et la découverte du cadavre de Kas-Cej dans un état de conservation exceptionnel. Une narration visuelle somptueuse et minutieuse, une intrigue consistante, donnant pour une fois le beau rôle à l’étranger cultivé, même si le flambeau de la science contraint de battre en retraite devant les forces de l’obscurantisme qui écrase les âmes des gens simples… Transibérien, publié pour la première fois en 2011, quatorze pages. C’est ici que le fleuve impétueux traversait la taïga, s’élargissait et que ses eaux s’apaisaient. C’est là que Gennady Efremovic attendait, et c’est à cet endroit qu’il travaillait comme son père avant lui et sans doute son grand-père. Pour quelques kopecks, il transbordait sur l’autre rive tous ceux qui le lui demandaient. Gennady Efremovic se moquait bien de savoir à qui il rendait ce service pourvu qu’on le payât. Venus des sentiers cachés de la taïga, des chasseurs arrivaient des fugitifs, des marchands, des saints hommes, des gens qui ne desserraient pas les dents et ne posaient aucune question. Une seule chose causait souci à Gennady Efremovic… C’était le petit sac en peau dans lequel s’accumulaient, bien cachés, les kopecks durement gagnés. Le lecteur ressent tout de suite que deux décennies ont passé : les traits encrés sont plus secs, un peu plus lâches, plus bruts. La narration visuelle prend ainsi un ton plus âpre, plus direct, plus à l’essentiel. L’artiste se focalise plus sur les personnages et sur les visages, des individus évoluant dans un environnement sans pitié, endurcis jusqu’au mutisme, consacrant toute leur énergie à vivre. Le récit se fait également plus cruel. Le personnage est un passeur qui fait traverser le fleuve pour quelques kopecks dans une région perdue dans la taïga. Il constate progressivement qu’il n’a plus de client. Finalement l’un des derniers lui apprend que le train traverse cette zone depuis peu. Après plusieurs jours sans voir personne, arrive un dernier client, un baladin avec un singe sur son épaule, un conteur qui raconte des histoires niaises de gens qui sont morts, comme cela arrivera à tous, comme lui fait observer le passeur. L’auteur se montre sans illusion sur la nature humaine que ce soient les espoirs sans lendemain, ou que tous les moyens sont bons pour vivre, y compris escroquer plus pauvre ou moins malin que soi. Trois histoires se déroulant dans la taïga, trois personnages principaux différents, trois accueils différents. La narration visuelle enchante à chaque page, un élégant dosage entre des illustrations exceptionnelles, et une narration séquentielle, de copieux phylactères où les personnages exposent le récit ou leurs remarques… Et pourtant la lecture s’avère fluide et facile, agréable et incroyablement dépaysante. Sergio Toppi sait créer comme personne l’enchantement visuel, un délice de roi. Des contes avec une chute, comprenant aussi quelques observations sociales adultes, et des comportements allant de la mise en œuvre de l’intelligence, à la prédation du plus faible. Magnifique et pénétrant.

20/08/2025 (modifier)
Par Canarde
Note: 3/5
Couverture de la série Blankets - Manteau de neige
Blankets - Manteau de neige

Après 56 avis, on se demande si c'est utile de rajouter sa pierre à l'édifice... J'essaye. J'ai longtemps repoussé la lecture de cet album parce que son titre n'évoquait rien pour moi. Quelque chose de blanc ( la chèvre de monsieur Seguin ? ) voire dans les moments de fringale, une blanquette de veau ? A croire que pendant les va-et vient linguistiques France/Angleterre, les couvertures étaient blanches, de la laine bouillie brute peut-être... L'ajout de "manteau de neige" ne m'apparaît qu'en venant sur bdthèque et insiste donc sur la couleur avec son caractère neigeux et froid. On peut aussi y ajouter une nuance d'innocence puisqu'il s'agit d'un premier amour sous la neige et sous une couverture faite à la main pendant des mois par Raina. Ce titre, laissé en anglais, comme pour les films américains à gros budget m'a fait classer l'œuvre dans le même panier. Mais après avoir lu Habibi puis Ginseng roots, du même auteur, j'ai révisé mon jugement, et j'ai cherché comment traduire blankets. Couvertures. En français, cela aurait fait penser à un roman noir, des filatures, de l'espionnage, bref à côté de la plaque. D'ailleurs, est-ce vraiment une couverture ? Plutôt un couvre-lit en patchwork. Mais Patchwork aurait indiqué une multiplicité aléatoire très loin de la composition hyper concentrée sur le sujet qu'est cet album. Couvre-lit a une nuance vieillotte qui aurait été en contre-sens avec l'amour naissant et révolté de Craig et Raina vis-à-vis de leur monde étriqué et religieux. Même chose pour couverture piquée avec un caractère technique inutile. Boutis : encore pire sur le côté précis avec un arrière-goût de catalogue La Redoute. En refaisant un peu le chemin de l'éditeur, j'abandonne le côté couches superposées de neige et de laine, qui reste dans l'indéfini : sans article. J'aurais plutôt proposé "La couverture". Ou "Sa couverture". Comme je l'ai dit c'est une oeuvre très bien composée et concentrée, le dessin au trait appuyé caractéristique de l'auteur est très habile. Il se trouve que je le lis juste après "Une sœur" de Vivès et Cet été-là et que j'ai un peu une over-dose de récits initiatiques d'adolescence ... Par ailleurs cela me paraît moins proche de moi, sans-doute du fait du milieu sectaire familial décrit... J'ai du mal à percevoir la qualité d'observation sociale que j'ai vu dans les deux autres. Comme j'ai vraiment apprécié Ginseng Roots où Craig Johnson arrive à tirer un sens politique de son expérience personnelle, j'ai du mal à accrocher ici où on reste dans une sorte de souffrance qui n'a pas de remède.

20/08/2025 (modifier)
Par Gaston
Note: 3/5
Couverture de la série John Constantine Hellblazer - Dark entries
John Constantine Hellblazer - Dark entries

2.5 J'ai un peu de la difficulté à donner une note globalement parce qu'il y a du bon et du moins bon. Déjà, le scénario est pas trop mal et j'aime bien l'idée de départ. Je trouve juste que c'est un peu long et qu'au final c'est encore une fois une histoire mettant en vedette un personnage de comics qui est traité de manière spéciale, alors que c'est juste une autre histoire de plus mettant en vedette le personnage et qu'on aurait pu la placer dans sa série principale sans problème. Non parce que vu que c'était un des premiers titres qui lançait une collection vertigo (qui n'a pas duré longtemps d'ailleurs) et scénarisé par un écrivain que je ne connais pas, mais qui semble un peu connu....Ben je m'attendais à plus qu'une énième histoire de John Constantine....C'est pas mauvais et l'écrivain évite les pièges récurrents des écrivains qui pensent que la BD et les romans ont les mêmes codes et du coup on se retrouve avec plein de textes narratifs. Ça ne se voit pas du tout que le scénariste n'était pas un habitué des comics. C'est juste que bon c'est un peu routinier si on connait bien John Constantine, il y a rien de vraiment spécial dans le scénario. Mais le plus gros problème est le dessin que je n'ai pas du tout aimé. Du coup, même si je trouve des qualités au scénario, je ne suis jamais vraiment rentré dans le récit à cause de ce style de dessin que je trouve un peu moche. La lecture de l'album a donc été peu palpitante et j'ai dû m'y reprendre à deux fois pour réussir à le finir.

19/08/2025 (modifier)
Par cac
Note: 2/5
Couverture de la série La Vie pleine de joie du triste chien Cornelius
La Vie pleine de joie du triste chien Cornelius

J'ai eu un mal de chien pour venir à bout de la lecture de ce récit de près de 400 pages. C'est quelque peu difficile à catégoriser, pas vraiment roman graphique ni vraiment humour même s'il y a beaucoup d'absurde dans ces planches et dans les textes de la préface ainsi que les quelques pages de notes en fin d'ouvrage, que je ne me suis pas donné la peine de lire en entier. Il était dans la sélection officielle du dernier festival d'Angoulême 2025 mais n'a pas du séduire les foules si je suis le premier à le poster ici. La couverture est à mon sens réussie et intrigante. Cela narre la vie de Cornélius un chien humanoïde et ses amis, qui sont d'autres chiens comme Amir et Ployploy mais aussi une grenouille colocataire qui lui parle très mal sans qu'il réagisse. Son patron un poil tyrannique est aussi un chien qui se déplace en fauteuil roulant. C'est assez léger sur les premières pages, on sent un héros bonne pâte et quelques pages plus tard virent au thriller avec le rapt de son amie contre lequel Cornélius est impuissant. Toute la suite tourne autour des maladresses du héros et d'une demande de rançon des ravisseurs. Marc Toricès est un auteur espagnol né en 1989. Il multiplie dans ces pages les styles graphiques et les genres. On est parfois perdu dans cette narration et pour savoir où l'auteur veut nous amener, cela ressemble à un empilement de pages réalisées à différents moments et pour différents supports comme des fanzines ou des strips de journaux. A tel point que je me suis demandé parfois si les pages n'étaient pas mélangées. On nous parle à un moment des Zangano comix dont on nous dit que cela peut se traduire par les comix du paresseux. Dommage car l'auteur a un vrai talent graphique mais cela part dans tous les sens sans qu'on comprenne bien pourquoi alors que l'histoire est assez vide.

19/08/2025 (modifier)
Couverture de la série La Route
La Route

Bon, l'album a déchaîné les passions l'année dernière sur le site, je ne pouvais pas passer à côté ! Je ne connais pas le roman d'origine, je serais donc incapable de faire un quelconque comparatif entre les deux visions de ce même récit, mais de mon regard sans attente ni connaissance préalable particulière j'ai tout de même trouvé l'œuvre bonne. C'est une œuvre post-apocalyptique qui, comme toute œuvre du genre, nous dépeint les travers de l'humain poussé à l'extrême lorsque les civilisations s'effondrent. C'est sale, monstrueux, les paysages sont désolés, inhospitaliers, et les quelques survivants commettent des actes tous plus immondes les uns que les autres. Tout le sel de ce récit vient justement du fait que nous suivons un père cherchant par tous les moyens à protéger son fils du monde qui l'entoure. Il tente de lui cacher du mieux qu'il peut les horreurs qu'ils croisent, l'empêche de le suivre dans les bâtiments devenus charniers, tente de lui présenter le monde dans un prisme manichéen où ils seraient les gentils et où tous-tes les autres seraient les méchants. Leur quête à travers les États-Unis pour trouver un climat plus sain, plus viable, loin des incendies, des pillards et des pluies de cendre, est prenante. On craint à chaque instant, à chaque arrêt sur leur trajet. Chaque rencontre est un risque, chaque mort évitée une leçon cruelle pour le jeune enfant qui refuse pourtant toujours jusqu'au bout de devenir un monstre lui-même. Ce qui démarque cet album d'autres récits post-apocalyptiques est indéniablement le magnifique travail graphique de Larcenet. Je ne lui connaissais que son style "gros nez" donc j'avoue avoir été bien surprise de voir ici ses traits bien plus durs, moins cartoonesques. Le travail de la couleur est particulièrement intéressant, ne mélangeant que les teintes de noir, de gris, quelques fois de sépia et d'orange pour nous représenter cette menace du feu ayant brûlé le monde et étant toujours présente. Seuls de rares (très rares) éclats de couleurs vives brillent par moment, l'exemple le plus notable étant la canette de soda apparaissant presque comme un phare au milieu de toute cette grisaille. C'est un bon album, pas de doute là-dessus, je comprends pourquoi tout le monde l'a apprécié. Je ménagerais tout de même mon enthousiasme quant à sa qualité, l'œuvre n'est pas non plus révolutionnaire (étant friande de récit post-apo j'ai déjà vu/lu des dizaines de récits présentant les mêmes problématiques, le même désespoir et le même contraste entre l'espoir enfantin et la désillusion et cruauté du monde adulte). Encore une fois, l'album brille ici surtout par le travail graphique de Larcenet, sans lui l’œuvre m'aurait semblé bien moins intéressante je pense. L'album et son récit restent bons, j'insiste, je ne cherche pas à amoindrir ses qualités, mais pas la peine non plus de s'extasier et de crier au miracle face à une œuvre loin d'être aussi parfaite ou marquante que ce que j'avais pu entendre. Encore une fois, pas lu le roman d'origine, mais je m'y essaierai volontiers car je me dis que les réflexions internes et les perceptions/narrations biaisées des personnages, propres à la dimension littéraire, doivent rendre le récit plus vivant, plus marquant. (Note réelle 3,5)

19/08/2025 (modifier)