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Couverture de la série Les Carnets de Cerise
Les Carnets de Cerise

L'une de mes séries "Jeunesse" préférée que j'ai lue et relue le soir avec ma fille et mon fils avant de s'endormir. Un succès ô combien mérité. Je suis d'ailleurs surpris de n'être que le 10ème avis du site. Les carnets de Cerise, c'est tout d'abord une esthétique très léchée et proche de la perfection pour le public cible. Des couvertures magnifiques en vernis différencié et un dessin très expressif et dynamique avec des couleurs chatoyantes. Une mise en page ingénieuse et permettant de casser la linéarité du récit associant planches classiques et extraits des carnets de Cerise (sortes de journaux intimes) mêlant textes, dessins, photos, recettes, etc. L'histoire de départ fait écho à pas mal d'entre nous je pense. Motivés par le journal de Mickey et autres Mickey détective, je me rappelle quand plus jeune, avec mes copains d'enfance, je tentais de percer les mystères de la vieille dame de mon village que l'on soupçonnait d'être une sorcière ! On suit donc ici Cerise, une écolière de CM2 passionnée de livres, et ses deux amies Line et Erika, qui mènent différentes enquêtes sur des personnes de son village. Si chaque tome fait l'objet d'une enquête à part entière et donc d'une histoire indépendante des autres, on en apprend un peu plus sur le passé de Cerise au fil des tomes et certains personnages rencontrés se retrouvent également dans les tomes suivants. Le tome 1 introduit le personnage de Cerise, de sa maman et de ses amies. L'histoire, centrée sur un vieil homme énigmatique recouvert de peinture s'enfonçant dans la forêt, est l'une des plus originale de la série selon moi. Le deuxième tome est quant à lui consacré au mystère d'une vieille dame empruntant le même livre à la bibliothèque municipale chaque mois depuis des décennies. Le troisième tome marque l'entrée de Cerise au collège et est centrée sur l'histoire d'une nouvelle amie dont le métier est restauratrice de livre et dont le passé va faire écho à celui de Cerise. Le quatrième tome est peut-être celui qui m'a le moins plus du premier cycle, avec une enquête estivale moins captivante, basée sur un jeu d'énigmes dans un manoir. Enfin, le cinquième tome constitue le dénouement final du premier cycle permettant d'en savoir plus sur le passé de Cerise et de mieux comprendre les réactions qu'elle a eues dans les tomes précédents. Bien que quelques ficelles de scénarios soient un peu grossières et parfois peu crédibles (la découverte des trésors qui n'ont pas bougé depuis des décennies dans des maisons ou locaux habités par exemple) et les histoires pleines de bons sentiments, cette série est une franche réussite pour le public visé (enfants et jeunes ados) et permet d'aborder certains sujets avec ses enfants tels que l'amitié, le mensonge, les relations mère-fille, l'absence d'un être cher,... Elle aura même réussi a extirper une larmounette à notre famille dans le tome 5. Le véritable amour que voue l'auteur pour les livres se ressent à chaque tome, passion que l'on retrouve d'ailleurs chez Cerise qui veut devenir romancière. Durant la plupart des tomes, les auteurs glissent également de manière ingénieuse quelques messages à destination du jeune public : constitution d'un livre, protection de l'environnement, etc. Suite à la décision des auteurs de relancer la série en 2024 après 7 années sans parution, un 6ème tome a vu le jour marquant une petite rupture avec le principe initial des enquêtes de Cerise. Le tome 6 constitue ainsi une sorte de carnet de voyage relatant les péripéties de Cerise et de sa nouvelle famille recomposée lors de son tour du monde annoncé en fin de tome 5. Je ne spolierai toutefois pas la fin de ce dernier tome mais il est fort probable que la série va se poursuivre au vu de la fin... Après sa lecture, bien que toujours agréable, je regrette tout de même que les auteurs ne se soient pas arrêtés à la fin du cinquième tome car la série prend une tournure un peu plus banale sur la vie d'une famille recomposée (plus d'enquête de Cerise). Un 5* tout de même, rien que pour le premier cycle, que je trouve magnifique et très cohérent. SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 8,5/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation, mise en page) : 9,5/10 NOTE GLOBALE : 18/20

12/09/2025 (modifier)
Par Josq
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Slava
Slava

J’ai encore des larmes dans les yeux quand je commence à rédiger cet avis. Je viens juste de refermer le troisième tome… Enfin, c’était peut-être il y a dix minutes, voire plus. Le temps qu’il m’a fallu pour encaisser ça. Mon épouse me regarde, l’air étonné, un peu amusé, ou peut-être aussi gâteux. Sans doute un peu de tout ça. Je suis dévasté. Littéralement dévasté. J'ai l'impression que je viens de perdre un ami proche, je sens que le monde s'écroule autour de moi, et pourtant, tout est là, debout, immobile. Je ne comprends pas ce regard qui ne comprend pas ma douleur. Pourtant, il faut bien que la vie reprenne... Si je commence mon avis par cette courte introspection, ce n’est pas pour raconter ma vie. Mais cette scène un peu cocasse, ce mari qui n’arrive plus à retenir ses larmes devant une bande dessinée, sous le regard gentiment décontenancé de son épouse qui ne parvient pas à comprendre, c’est une scène de Pierre-Henry Gomont. Elle s’insère logiquement dans la suite du récit, elle a été créée par lui de toute pièce. On dit que le silence après Mozart est encore du Mozart, et les larmes après du Gomont sont encore du Gomont. Que dire de plus, après cela ? Tant de choses et si peu. On a l’impression que plus on va ajouter des mots, moins ils seront efficaces. Et pourtant, il faut en parler ! Il faut parler de ce fabuleux dessin de Pierre-Henry Gomont, aux couleurs si maîtrisées. La première fois que j'ai ouvert cette bande dessinée, j'ai craint d'être rebuté par ce dessin que je croyais brouillon, mais j'ai été séduit par ces couleurs délicates. Et j'ai découvert peu à peu, avec un émerveillement grandissant, la magie de ce trait d'un Sempé des temps nouveaux. Peu de dessinateurs savent exprimer avec autant de justesse que Gomont cette complexité des sentiments au travers de leur dessin. Chez lui, il y a une tonalité humoristique évidente qui n'entrave jamais la noirceur du récit. Ce qu'il a à nous dire est sombre, très sombre, mais il le dit avec la naïveté rêveuse d'un enfant. Slava est une œuvre majeure. Pas seulement une bande dessinée majeure, non. Elle est une œuvre d'art majeure. Elle transcende les formats pour nous offrir quelque chose qui ressemblerait à une forme d'art total. Visuel, évidemment, tant la splendeur et la justesse du dessin de Gomont transparaît à chaque page. Narratif, comment le nier ? Cette montée en puissance dans le tome 3 est une pure merveille d'orfèvrerie narrative. Et cette écriture... Les textes de Slava sont dignes du meilleur des romans. La puissance d'un Dumas et d'un Céline étrangement réunis dans une sorte d'épopée à la Audiard. Car bien sûr, cette alliance entre l'art narratif et l'art visuel ne peut qu'évoquer le cinéma. Quand on sort de là, on a l'impression d'avoir vu un immense film. Comment nos réalisateurs peuvent-il passer à côté de Slava ? (Non, en vrai, ça vaut mieux, peut-être que Dupontel réussirait à en faire quelque chose, mais c'est sûrement le seul !) Slava est tout aussi bruyant. Même si ses onomatopées sont en russe, elles claquent à nos oreilles autant que des répliques parfaitement écrites. On entend tout. Et comment ne pas être saisi aux tripes par cette symphonie du chaos que Gomont orchestre si bien ? Tout comme ces personnages de théâtre, qui relèvent aussi bien de la pantomime et de la commedia dell'arte que du plus puissant drame shakespearien ? Là est tout le génie de Gomont : dans le refus du choix. La pantomime survient en plein cœur de la tragédie (ou inversement), et pourtant, le tout est d'une homogénéité exemplaire ! Bref, je crois que je pourrais continuer longtemps, mais il ne faut pas. J'ai vécu une épopée en compagnie de Slava, Nina, Lavrine et Volodia. Je me suis hissé au sommet et suis tombé dans les mêmes gouffres qu'eux, en même temps qu'eux. Personne ne peut imaginer la grandeur de cette épopée qu'ils m'ont fait vivre. Même s'il y a quelques moments où le soufflé retombe un peu dans le 2e tome. Même si la vulgarité prend parfois le pas, ou que l'équilibre du récit est menacé par cette dépiction de toutes les bassesses humaines. Même si, à certains moments, on aimerait que le scénario avance (un peu) plus vite. Cette épopée que j'ai vécue, donc, personne ne peut l'imaginer mais tout le monde peut la vivre. Vivre, revivre cette tragédie de la Russie d'Eltsine. Voir, revoir la noblesse de l'âme russe, capable de surmonter toutes les tragédies. Regarder, admirer le spectacle de quelques îlots d'humanité incapables de sombrer dans les flammes d'une infernale décadence où le diable du capitalisme veut l'entraîner. Et pleurer. Pleurer les morts qu'un récit trop réel nous inflige. Pleurer la grandeur passée d'une nation qui vendit son âme à des ogres cupides et désincarnés. Pleurer la force de ces hommes et de ces femmes qui réussirent à vivre au milieu des tempêtes. Pleurer l'héroïsme de ceux qui surent faire preuve de courage et d'abnégation contre les lâches et les puissants. Pleurer face à la beauté d'un spectacle qui résonnera encore bien longtemps dans nos cœurs. Pleurer, car quand on ne sait plus quoi dire, il nous reste toujours les larmes pour l'exprimer. Pleurer. Se taire. Et contempler.

26/12/2022 (MAJ le 04/09/2025) (modifier)