Les derniers avis (14 avis)

Couverture de la série Silent Jenny
Silent Jenny

Silent Jenny de Mathieu Bablet est une bande dessinée fascinante qui réussit à combiner science-fiction, tension et réflexion humaine. L’histoire suit Jenny dans un monde post-apocalyptique où les abeilles ont disparu et où la survie de l’humanité repose sur des cités mobiles et des technologies complexes. L’univers évoque immédiatement des ambiances connues : le désert et la lutte pour la survie rappellent Mad Max, la poésie et la contemplation de la nature font penser à Nausicaa, tandis que les séquences de voyage solitaire et de reconstruction du monde évoquent Death Stranding. Les dialogues sont rares mais bien choisis, donnant du rythme et révélant les relations entre les personnages sans jamais alourdir l’histoire. Ils viennent ponctuer des moments plus contemplatifs, où le silence et les images seules suffisent à transmettre l’émotion. Chaque plan est pensé avec précision : les décors sont grandioses et détaillés, et les couleurs contribuent à rendre l’univers à la fois désolé et poétique. J’ai particulièrement kiffé la référence à Akira sur la planche de la page 32. Jenny est un personnage attachant et complexe, dont les doutes et les espoirs se reflètent dans ses actions. Son parcours nous fait ressentir à la fois la fragilité et la résilience humaines, dans un monde où la nature et l’humanité semblent sur le point de se perdre. Les “monades”, ces vaisseaux-villages motorisés, font quant à elles penser au Château ambulant, ajoutant une dimension presque féérique à ce monde mécanique et désolé. Malgré la gravité de la situation, Bablet réussit à laisser une lueur d’espoir et à montrer que même dans la destruction, des possibilités de renaissance existent. En résumé, Silent Jenny est une lecture immersive et émotive, où la beauté des images rencontre la profondeur des thèmes. Les références cinématographiques et culturelles enrichissent l’expérience, et chaque plan est un véritable plaisir pour les yeux. C’est une BD qui marque, qui fait réfléchir et qui reste longtemps en mémoire après avoir tourné la dernière page.

15/10/2025 (modifier)
Couverture de la série Mr Magellan
Mr Magellan

Une série culte de mon enfance. J’ai adoré ces scénarios surréalistes un peu futuristes. M Magellan et sa comparse Miss Capella dans une surenchère constante d’excentricité. De plus le coté science-fiction fantastique de cette série est toujours resté très cohérent et rationnel, sans jamais céder dans la facilité, ce qui changeait de beaucoup de séries de l’époque.

15/10/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Au pied des étoiles
Au pied des étoiles

N’être qu’avec soi, c’est mourir. - Ce tome contient une histoire complète, un voyage au Chili en 2021, ou plutôt deux. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé à quatre mains pour le scénario, les dessins et les couleurs, par Edmond Baudoin et Emmanuel Lepage. Il comprend deux-cent-cinquante-quatre pages de bande dessinée. À l’origine, il y a la lumière. La lumière fabrique l’univers. L’espace et le temps commencent à exister. C’est d’abord un brouillard opaque… Un brouillard dont est prisonnier la lumière… L’univers grandit, se refroidit… Alors apparaissent les protons, les neutrons et les électrons : ce sont les particules élémentaires. Elles dansent avec les grains de lumière, les protons… Ensemble, ils donnent naissance à la matière. Quand un proton et un électron se rencontrent, ils forment l’hydrogène. Tout ce qui est matière s’attire et s’agglutine. Quand la masse de cette matière ainsi créée devient très importante, elle fusionne. Et quand les atomes d’hydrogène fusionnent, naît alors l’hélium. Vol Paris-Santiago, cinq décembre 2021. Quand l’hélium fusionne à son tour, se créent d’autres éléments. Le carbone, l’oxygène. Les étoiles sont des usines à matière. La matière s’attire, la lumière la repousse. L’étoile existe dans ce fragile équilibre. Si la matière gagne, des trous noirs apparaissent. Si la lumière gagne, l’étoile explose. Quand une étoile explose, elle libère les atomes d’hydrogène et d’oxygène… Quand ceux-ci se rencontrent, se crée alors la molécule H2O… L’eau, la vie. Ce livre est une histoire de rencontres, de lumière et de vie. Edmond revient sur la genèse de ce livre. En décembre 2021, voici deux ans qu’un professeur de physique en lycée à Grenoble, José Ollivares, a proposé à deux auteurs de bandes dessinées d’aller voir les étoiles. Edmond Baudoin, Emmanuel Lepage. Deux auteurs de bandes dessinées aux univers très différents, deux planètes bien distinctes. Une figue, une pomme, et des noix. Edmond raconte comment il a connu Emmanuel : il y a longtemps, à Saint-Malo. Ils se sont promenés sur la plage ensemble. Il s’était inspiré de cette balade pour l’affiche du festival. Quelle année ? Il a en ce temps-là la cinquantaine, Emmanuel est un jeune homme, il est beau, Edmond est sensible à sa beauté, il est dans un devenir qui ira au-delà du sien. Le travail de Lepage est dans l’extériorité, les oiseaux sortent de sa tête, Edmond marche sur d’autres chemins. La nuit, la plage, ces réflexions, cette émotion, s’enfoncent à chaque pas dans le sable. Puis Emmanuel met en scène sa version de cette rencontre. Au début des années 1990, il a vingt-cinq ans, Edmond cinquante. Ils marchent le long du sillon. Edmond est un précurseur. Il pratique une bande dessinée de l’intime quand celle-ci est encore balbutiante. Il se raconte. Lui, Emmanuel s’est nourri de bandes dessinées franco-belges de fiction. Des récits qui se déclinent en séries et dans des formats courts. Il a déjà plusieurs albums derrière lui. Il tâtonne, il se cherche… Et il aime le chemin de création de Baudoin qui semble si loin du sien. Il arrive que l’attraction d’une planète soit si forte qu’elle modifie l’ellipse d’une autre. Edmond est cette planète. Une collaboration entre ces deux auteurs, tous les deux excellents : Hop ! C’est plié, extraordinaire bande dessinée, d’une richesse exceptionnelle. Des détails ? Soit. C’est l’histoire de José Ollivares, un professeur de physique qui veut emmener ses élèves voir les étoiles dans le désert d'Atacama, au Chili. Il se dit que les échanges n’en seront que plus intéressants s’ils sont accompagnés de deux auteurs de bande dessinée, et puis d’un réalisateur de documentaire pour en faire un film. Date prévisionnelle du voyage : avril 2020. Il se produit un petit imprévu : la COVID-19. Tant pis, ils feront deux voyages, le premier à trois, le second avec les élèves. Deuxième imprévu, Baudoin ne pourra pas participer au deuxième voyage. Donc un premier voyage en décembre 2021, un second en avril 2022. Baudoin a une grande habitude de réaliser des albums à quatre mains, que ce soit avec Troubs (quatre bandes dessinées à leur actif), ou avec Céline Wagner, Tanguy Dohollau, Aurore Bize. Il a détaillé sa méthode de travail en duo, par exemple dans Inuit (2023) : discuter des planches au fur et à mesure à deux, les réaliser de préférence sur le vif, ou pendant les séjours chez l’habitant. Un rapide feuilletage montre des planches réalisées par l’un, des planches réalisées par l’autre, et quelques planches et mêmes quelques cases réalisées ensemble. Il est possible de lire cet album comme un carnet de voyage. Dans la première partie les deux créateurs s’envolent pour Santiago, après avoir expliqué la genèse du projet. Ils arrivent à quelques jours de l’élection présidentielle opposant José Antonio Kast à Gabriel Boric, ce dernier étant élu le dix-neuf décembre 2021, ce qui donne lieu à des manifestations de liesse populaire. Puis le petit groupe voyage, traverse Chiloé. Ils séjournent en passant à Valparaiso, se rendent compte qu’ils ne peuvent pas se rendre à Atacama à cause des restrictions imposées par la pandémie. Ils continuent leur voyage, et bénéficient de la possibilité d’aller contempler les manchots de Humboldt. Enfin le retour vers la France. Les auteurs réalisent des planches qui comblent l’horizon d’attente d’un ouvrage de type carnet de voyage : montrer les régions où ils se trouvent, représenter les personnes qu’ils rencontrent, faire apparaître l’exotisme pour des Européens, sans transformer le voyage en du tourisme de masse voyeur. S’il connait l’un ou l’autre des deux artistes, le lecteur identifie au premier coup d’œil qui a dessiné quoi. Dans le cas contraire, les auteurs évoquent leur façon de concevoir leur art, et ils explicitent que les dessins de nature plus réalistes dans leur représentation sont ceux d’Emmanuel Lepage, et ceux plus dans la texture et la sensation sont ceux d’Edmond Baudoin. Deux beaux voyages retranscrits avec la sensibilité humaniste de l’un et l’autre, ainsi que leurs différences de sensibilité et de façon d’aborder chaque nouveauté, chaque rencontre. Puis vient le deuxième voyage passant par Antofagasta, aux portes du désert d’Atacama, la visite de l’observatoire astronomique du Cerro Paranal, la visite de la ville de Chacabuco, etc. Toutefois, la richesse de l’ouvrage va bien au-delà d’un carnet de voyages entre deux amis. Il s’ouvre sur la création de l’univers, et des étoiles. Ce développement provient à la fois du but du voyage scolaire, à la fois de la question que posent les auteurs aux habitants avec qui ils discutent : Qu’est-ce que les étoiles pour vous ? Ils abordent également la nature des étoiles telle que racontée dans une légende mapuche, et le versant scientifique des réactions nucléaires qui aboutissent à la création de la matière, aux méthodes complexes pour observer les étoiles, de l’interférométrie à l’utilisation de puissants lasers. À l’opposé de touristes de passage pour cocher des cases de sites à voir absolument, ils s’intéressent à la vie des habitants, à l’histoire du pays qu’ils développent à plusieurs reprises, aux élections. Dans la mesure où il s’agit du voyage de deux amis, ils reviennent sur l’histoire de leur amitié, sur la fois où ils ont été amoureux de la même femme en même temps. Puisqu’il s’agit de deux dessinateurs de bande dessinée, ils comparent leur manière de procéder à leur page, leur façon de regarder le monde et d’en rendre compte, de représenter la beauté. Lors du deuxième voyage, c’est l’occasion pour Emmanuel de discuter avec les étudiants, de parler leur façon de participer à l’avenir de la planète sur le plan politique, et d’évoquer la sexualité, l’un d’eux envisageant une transition de genre. Comme il s’agit de deux artistes, ils évoquent ou citent ceux issus du Chili, ou faisant écho à leurs émotions : Rainer Maria Rilke (1875-1926, poète), Mircea C?rt?rescu (1965-, écrivain) Pablo Neruda (1904-1973, poète), Victor Jara (1932-1973, musicien), George Grosz (1893-1959, peintre d'origine allemande), Arthur Rimbaud (1854-1891, poète). La narration visuelle enchante le lecteur à chaque page. Ces deux artistes disposent d’une solide expérience professionnelle, d’une approche très personnelle à leur art, d’une maîtrise de nombreuses techniques, d’un savoir-faire peu commun en termes de mise en scène et de conception de chaque planche. Le lecteur découvre aussi bien des planches d’un format très classique (des cases avec bordure, disposées en bande), que des formats libres approchant un texte avec des illustrations, à chaque fois conçues spécifiquement en fonction du propos, du sur mesure fait main. La rétine du lecteur est à la fête : deux cases presque abstraites en ouverture pour évoquer la lumière fabriquant l’univers, suivi par une illustration en pleine page de corps entremêlés comme en train de danser, une très belle peinture montrant l’avion traversant un ciel nocturne, les pieux dressés comme brise-lame sur le sillon de Saint Malo, un fac-similé de radiographie pour évoquer le cancer d’Emmanuel, une montagne représentée à la manière d’une gravure de Gustave Doré, les graffitis sur les murs de Santiago, un astronome avec un genou à terre entouré d’un tourbillon d’équations mathématiques, une représentation d’un horizon panoramique à la manière des Inuits… et bien sûr quelques arbres, comme il est d’habitude dans une bande dessinée de Baudoin. Impossible de rendre compte de la richesse visuelle de cet ouvrage, de l’intelligence avec laquelle la narration visuelle sert les propos. Même s’il est familier de ces deux artistes, le lecteur ne peut imaginer la richesse de cette bande dessinée, à la fois carnet de voyage, carnet de rencontres, vulgarisation scientifique, historique de la nation chilienne, histoire d’une amitié, réflexions sur l’art de la bande dessinée, passage comparatif entre l’approche des deux amis, relais générationnel, fragilité de la vie que ce soit du fait de la maladie ou de la répression mise en œuvre par un régime dictatorial, engagement militant, vieillesse, poésie, impact d’une pandémie, besoin de vérité, impuissance devant la beauté, confidences entre amis, etc. Toute la richesse de l’expérience humaine.

15/10/2025 (modifier)
Par Jcn664
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Loin de Paris
Loin de Paris

Loin de Paris est une œuvre incroyable mais avec un Côté très personnel et très intimiste, c'est tous à fait le principe même de l'œuvre. Ça ne cherche pas à embarquer le lecteur mais à témoigner aux lecteurs d'une époque certe révolue mais pas totalement désuet, il faut aussi derrière avoir une grille de lecture différente cette situation est encore actuel dans pas mal de pays, contexte historique différents. On retrace cette jeune femme aimé de son marié mais qui se sent prisonnière de sa vie, à cause de son propre pays et des communistes de l'est. Et qui n'a que pour s'évader de sa vie maurose du communisme polonais, les lettres de sa sœurs vivant à Paris, lui envoyant des ouvrages, des disques. Pouvoir aussi ressentir du point de vue des habitants du blocs de l'est cette relation étrange presque bizarre d'avoir une mère en état de choque devant un vinyle en mode oh que c'est beau, C'est la que le bouquin nous rappelle par quelques petites finesses l'écart presque multidimensionnelle entre le blocs de l'ouest, et le bloc de l'est, comme deux monde parallèle qui se côtoies. Chose qu'aujourd'hui on a plus tellement, et qu'on oublie trop souvent ça. Le livre est aussi profondément triste dans son approche mais arrive avec certaines fulgurances à rendre le tous léger avec une finesses d'as l'écriture par certains trait humoristiques allegeant bien l'œuvre, ça rend plus de légèreté et c'est plutôt bien dosé. Apres, la direction artistique est celons moi fabuleuse et une prise de risque assez phénoménal, et très atypique et expérimental dans un certains sens, c'est peut être un bon roman graphique qu'on pourrait lire en complément de la couleur des choses, flatland par exemple, dans cette continuité de roman graphique expérimentale ou délirante. C'est un roman graphique fait sous logiciel d'architecture, et il faut pas que ce soit rédhibitoire, c'est un ptit chef d'œuvre qui justement le rend unique et marquant, c'est mon ultra coups de cœur cette année avec Flat Land.

14/10/2025 (modifier)
Couverture de la série Daredevil / Echo - Quête de Vision (Daredevil - Echo)
Daredevil / Echo - Quête de Vision (Daredevil - Echo)

Pour moi, Daredevil / Echo – Quête de Vision n’est pas un simple comics, c’est une œuvre d’art totale. David Mack signe ici à la fois le scénario et les illustrations, et le résultat est incroyable. On est très loin du schéma classique du super-héros : c’est une expérience visuelle, poétique et spirituelle qui se vit plus qu’elle ne se lit. Mack mêle aquarelles, collages et symboles mystiques pour raconter une histoire sur la foi, la douleur, la rédemption et la recherche de sens. Daredevil et Echo y apparaissent comme deux âmes blessées en quête de lumière. Chaque page est un tableau à part entière — parfois même une méditation. J’ai eu l’impression de lire un roman graphique sur l’humanité, plus qu’une aventure de super-héros. Ce qui m’a le plus marqué, c’est à quel point le récit est sincère et émotionnel. Il y a une vraie beauté dans la manière dont Mack aborde les croyances amérindiennes, la spiritualité et la compassion. C’est une œuvre exigeante, parfois abstraite, mais d’une puissance rare. En refermant le livre, j’ai eu le sentiment d’avoir contemplé quelque chose d’unique, de profondément humain et artistique.

13/10/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série La Maison du canal
La Maison du canal

Quand j'ai vu la couverture de cette BD dans la liste des ouvrages à paraitre, mon sang n'a fait qu'un tour. J'ai immédiatement reconnu le style inimitable d'Edith dont le dessin me charme au plus haut point. Bon, certes, il s'agissait d'une adaptation de Simenon, or je ne suis pas du tout amateur de polar, mais pour le seul plaisir des yeux, j'ai couru chez le libraire pour pécho le livre. Et je ne l'ai pas regretté, d'abord parce que l'histoire est vraiment bien. Ce n'est pas une histoire policière, plutôt un roman noir, un roman "dur" selon les propres termes de l'auteur pour qualifier ses romans dans lesquels le personnage du commissaire Maigret n'apparait pas. Ben oui, suis-je bête, c'est la collection "Simenon, les romans durs". Bon sang de bois, en voilà une qui porte bien son nom... Oui, cette histoire est sombre et morne. On sent les personnages empêtrés dans leur solitude. On ressent leur détresse profonde chevillée au corps. Dès les premières pages, il devient évident que tout cela va très mal finir. Une menace sourde plane sur leur tête. La question qui trotte dans la tête du lecteur est comment va débouler l'accident ? Quel personnage va perdre la tête ? Qui va mourir ? Comment... Tout cela est très tendu, donc très réussi. Et il faut dire qu'Edith habille l'ensemble de la meilleure manière possible. Son dessin imprime une marque très forte avec ses personnages aux visages souvent inquiets et inquiétants, ses paysages désespérément clos où la pluie dispute au brouillard la charge de barrer l'horizon... Elle s'appuie en outre sur une gamme chromatique parfaitement choisie. C'est un travail admirable, splendide s'il est permis de parler de splendeur au sujet d'une histoire aussi tragique. Un vrai travail de dessinateur où il ne s'agit pas seulement d'illustrer, de mettre en image un récit. Certes, ça ne donne pas nécessairement envie de visiter la Belgique, en revanche, on a grave envie de se plonger dans l'œuvre dure de Simenon. A chaque fois que j'ouvre une BD d'Edith, je trouve son trait encore plus fin et précis. Rares sont les dessinateurs-trices à susciter ce genre d'impression chez moi. Bref ! C'est un excellent récit, très ramassé qui offre toute la place au dessin et à la psychologie. Mais j'ai presque envie de dire que je le savais avant de le lire. Tellement chouette de voire ses attentes pleinement comblées. Ce n'est pas si fréquent.

11/10/2025 (modifier)
Par Cacal69
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Soli Deo Gloria
Soli Deo Gloria

Cette BD est une longue mélopée de 280 pages. J'aime écrire mes avis sous le coup de l'émotion et là, j'ai la tête toute chamboulée après ma lecture. Je ne savais pas par où commencer. Par le début évidemment. La couverture est magnifique et la qualité de l’édition est superbe. J'attendais impatiemment le nouvel album d'Édouard Cour après son superbe ReV. Trois ans d'attente, mais ça en valait la peine. Je n'ai retrouvé les couleurs psychédéliques de ReV que sur quelques cases, elles ne sont présentes que pour exprimer la musicalité du récit. Le reste est en noir et blanc dans la même veine que son O Senseï, mais d'un autre niveau dans l'expressivité et la texture. Toujours ce mélange de charbonneux et de finesse. Le charbonneux, volontairement brouillon par moment, pour retranscrire l'âpreté de cette période historique et la finesse du trait pour nos deux jumeaux, pour exprimer une certaine innocence. Le grand soin apporté aux décors nous plonge de plein pied au début du XVIIIe siècle. Des doubles pages d'une beauté à vous écarquiller les yeux des heures durant. Édouard Cour va même jusqu'à dessiner une portée musicale sur le bord extérieur de chaque page, le nombre de notes correspond au numéro du chapitre. Le résultat est une tuerie ! De Jean-Christophe Deveney je n'ai lu que le très peu avisé Empire falls building, un excellent souvenir. On va suivre le parcours de vie des jumeaux Hans et Helma, très tôt orphelins, de leur campagne natale du Saint-Empire germanique à la puritaine Amsterdam, puis direction l'Italie (la carnavalesque Venise, la bouillonnante Naples et l'éternelle Rome). En n'oubliant pas Leipzig pour y rencontrer ce célèbre compositeur qui signait ses partitions Soli Deo Gloria (vous le connaissez tous). Deux enfants touchés par la grâce de dieu (et il va en être souvent question de religion), ils ont chacun un don. Elle, une voix en or et lui, l'instinct de pouvoir jouer de tous les instruments de musique et de la composition. C'est bien l'art, et sa place dans nos sociétés, qui sera le fil conducteur de ce récit, et principalement la musique, le troisième "personnage" central de cette histoire. Un parcours, après l'orphelinat, fait de rencontres qui vont leur permettre de progresser dans leur art et de s'extirper de leur misérable condition. Un récit dur et triste, heureusement entrecoupé de moments de joie et de grâce. La connexion qui lie nos jumeaux depuis leur vécu intra-utérin va être mise à mal, des divergences vont voir le jour. Faut-il vivre que pour son art ? Deveney introduit des personnages illustres (sous d'autres noms) à sa fiction pour lui donner une légitimité et un poids historique. Et ça fonctionne à merveille, la chronologie des faits est respectée. Une narration mélancolique qui s'attarde sur le développement des personnages, sur le processus de création et qui met l'action de côté. Je tiens à souligner la qualité des textes, on est transporté au siècle des Lumières. Pour finir, j'ai ressenti toute la passion que les auteurs ont mis dans cet ouvrage. Beau, émouvant et passionnant. Ma BD 2025 sans aucun doute. Culte et gros coup de cœur.

10/10/2025 (modifier)
Couverture de la série Quai d'Orsay
Quai d'Orsay

Quai d’Orsay est une bande dessinée brillante qui plonge le lecteur dans les coulisses du ministère des Affaires étrangères français. Inspirée de l’expérience réelle d’Antonin Baudry lorsqu’il travaillait auprès de Dominique de Villepin, l’œuvre parvient à mêler humour, réalisme politique et tension diplomatique avec une rare finesse. Le personnage principal, Arthur Vlaminck, jeune chargé de mission idéaliste, découvre un univers impitoyable fait de discours interminables, d’ego surdimensionnés et de crises internationales à gérer dans l’urgence. Le ministre Alexandre Taillard de Worms, caricature géniale de Villepin, est à la fois charismatique, absurde et fascinant. Le dessin de Christophe Blain, vif et expressif, accentue le rythme effréné du récit. Les traits énergiques traduisent parfaitement la frénésie du pouvoir et le chaos organisé des cabinets ministériels. Au-delà de la satire, Quai d’Orsay propose une réflexion sur le langage politique, la communication et le rôle du diplomate dans un monde complexe. C’est à la fois drôle, intelligent et d’une grande justesse.

09/10/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Les Guerres de Lucas
Les Guerres de Lucas

Avis modifié après lecture de l'inattendu tome 2 : Rhaaaaa ! Allez ! Je lui mets un coup de cœur ! Difficile de faire autrement, eu égard à mes souvenirs de gosse. J'avais quatre ans, donc bien trop jeune à la sortie du premier volet de la saga Star Wars. En revanche, je me souviens parfaitement du choc qu'a été la découverte des premières images de L'Empire contre attaque. A l'époque, mes parents possédaient une télévision en noir et blanc, et malgré cela, l'extrait diffusé pendant la Séquence du spectateur a eu sur moi un tel impact que j'ai tanné mon père, d'abord réticent, pour qu'il m'emmène voir le film au cinéma, ce qu'il a finalement consenti à faire. L'extrait en question se déroulait pendant l'attaque de l'armée impériale sur Hoth, donc dans la neige. Mais (et c'est le fait du noir et blanc) j'étais alors persuadé que la scène avait lieu dans un désert de sable. Or quelle ne fut pas ma surprise de découvrir sous mes yeux ébahis la réalité soudain colorisée ! Je me souviens également avoir prolongé l'envoutement pendant des mois, recréant sans cesse les vaisseaux avec mes legos. Bref ! Tout cela pour dire que j'ai abordé cette BD avec un intérêt tout particulier. Comme Lucas lui-même, je recherchais sans doute en partie la magie de mon enfance. Gagné ! Les guerres de Lucas, ça a d'abord été cette belle couverture, très poétique, que les auteurs ont eu raison de préférer à celle envisagée au départ. Tout cela est très bien expliqué dans le petit portofolio final. Bien que nourrissant quelques réserves au sujet du dessin, que je trouvais un peu trop anguleux à mon goût, j'ai fini par me rendre à l'évidence : il est très maîtrisé, surtout en ce qui concerne les visages et expressions. On reconnait immédiatement chacun des protagonistes. George Lucas lui-même, mais également Harrison Ford, Carrie Fisher, Mark Hamill, Coppola, Spielberg ou bien encore Alec Guinness. En outre, tout cela est très dynamique, ce qui fait que rapidement, on se trouve complètement embarqué dans "l'aventure de l'aventure". Je ne vais pas dévoiler tout ce que l'on y apprend, mais juste à titre d'exemple, je me contenterai de cette petite anecdote : le sachiez-tu ? C'est Christopher Walken qui avait initialement été pressenti pour incarner Ian Solo, et ce dernier devait donner la réplique à Jodie Foster dans le rôle de la princesse Leia ! Inimaginable ! Extrêmement documentée (il faut voir la double page consacrée à la bibliographie pour le croire), cette BD montre l'obstination d'un homme visionnaire d'une créativité folle (aux traits neuro-atypiques probables), et les mégatonnes d'obstacles qu'il a dû affronter jusqu'au bout, c'est à dire jusqu'à la veille de la sortie en salle. La réalisation du film a nécessité des innovations techniques démentes, ainsi qu'une bonne dose de bricolage et d'improvisation. D'où ce titre, parfaitement adapté. On découvre que ce film a bien failli ne jamais voir le jour, qu'il s'en est fallu d'un cheveu pour que tout s'effondre. Au sein même de l'équipe constituée par Lucas, personne n'y croyait réellement, au point que beaucoup méprisaient le réalisateur, ne lui accordant aucun crédit, défiant constamment son autorité. Voilà ! Voilà le menu de cette copieuse BD qui s'adresse peut-être avant tout aux fans de la première heure, mais qu'il serait dommage de cantonner à cela. Franchement, c'est un petit morceau de cinoche qui est dévoilé ici. On pense ce que l'on veut de cette saga (les trois premiers, hein ? Parce qu'on oublie les autres, on est bien d'accord ?), mais qu'on le veuille ou non, son empreinte a définitivement changé le visage du cinéma, et notamment de science-fiction. Demandez à Ridley Scott ou James Cameron ce qu'ils en pensent, eux qui ont eu la révélation de leur vie devant Star Wars, ou même à Spielberg, l'une des rares personnes a avoir soutenu inconditionnellement Lucas, Spielberg qui a d'ailleurs fait une mini dépression lors de la sortie du film, au point que, par crainte d'un échec commercial, il choisit de décaler la date de sortie de son Rencontre du 3e type... Merci à nos deux auteurs pour ce très bon scénar, et ce dessin épatant qui, sans en mettre plein la poire, emporte l'adhésion du lecteur. Le charme opère d'abord et avant tout parce que tout est solide. To be continued ?... Et le tome 2 alors ? Ben oui, the show goes on : et j'en suis très heureux puisque c'est avec cet épisode (l'Empire contre-attaque) que j'ai découvert gamin l'univers de Star Wars. Le moins que l'on puisse dire et que cette suite est à la hauteur du premier tome que je pensais voir demeurer fils unique. C'est aussi bon, fourmillant d'anecdotes et très bien rythmé, avec ce chouette dessin à la fois précis et sans chichi. Franchement, on se prend à rêver d'un troisième (et ultime) tome. Je réalise (il n'est jamais trop tard) que le titre Les guerres de Lucas fait également référence au titre original de la saga qui devrait être traduit par Les guerres de l'Etoile. Du coup, c'est doublement bien trouvé. J'en profite enfin pour remonter ma note.

25/11/2023 (MAJ le 09/10/2025) (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série L'Effet papillon - Carnet en territoire zéro chômeur longue durée
L'Effet papillon - Carnet en territoire zéro chômeur longue durée

Personne n’est inemployable, ce n’est pas le travail qui manque, ni l’argent. - Ce tome contient un reportage complet, qui ne nécessite pas de connaissance préalable. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Mathieu Siam pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend cent-quarante-sept pages de bande dessinées. Il se termine avec deux pages comprenant six photographies au total des locaux de l’association Papiole ainsi que quelques-unes de ses activités, un texte de deux pages de Laurent Grandguillaume (président de TZCLD), et une page de chronologie sur le droit à l’emploi, commençant avec les années 1830 (Louis Blanc, utopiste, propose de créer des ateliers sociaux pour les personnes sans travail et pour un travail qui permette de vivre dignement) à l’année 2024 (dix-sept structures nationales engagées pour l’emploi et la solidarité lance une Concertation nationale pour une loi du droit à l’emploi pour toutes et tous.). L’ouvrage s’achève avec une page de remerciements. D’aussi loin qu’il se souvienne, Mathieu revoit les visages fermés des journalistes annonçant les chiffres du chômage. Les chiffres viennent de tomber. Les chiffres tombent. La classe politique chargée de résoudre ce fléau peine à trouver les mots. Certains dans le déni : Je traverse la rue et je vous trouve un travail. D’autres dans la résignation : Sur le chômage on a tout essayé. Le fléau continue de remplir les écrans avec des usines qui ferment et des familles qui se brisent. Et avec eux, une population qui craint le déclassement. Je fais comment pour trouver du boulot ? Y a rien dans la région. J’ai déjà été au chômage. Le chômage, c’est passer de la vie à la survie. Puis la télé se tait. Et après ? Que se passe-t-il loin des caméras ? Que deviennent ces femmes ? Que deviennent ces hommes ? Ceux qui ne retrouvent pas d’emploi durant des mois ? Ceux qui ont un corps trop usé ? Ou une valise trop lourde à porter ? Avons-nous définitivement accepté l’obscurité ? Non loin de chez Mathieu, des habitants ont décidé de ne pas se résigner. Ils ont rallumé une étincelle d’espoir. Il se sent attiré vers cette lueur naissante, comme un papillon dans la nuit. Il veut s’enivrer et témoigner de cette chaleur sociale. Si rare, si précieuse. Cette étincelle vient d’une expérimentation de lutte contre le chômage durable. Elle va naître aujourd’hui sous la forme d’un territoire. Il a acheté un carnet. Couverture moleskine. Format 18x25cm, 220g, 150 feuilles. 150 feuilles pour tourner une page. L’expérimentation se nomme Territoires Zéro Chômeur Longue Durée dont l’acronyme est TZCLD. TZCLD, Mathieu aime bien. On dirait le nom d’un vaisseau spatial. En route vers un nouveau monde dans une BD de science-fiction. Pourtant, le lieu n’a rien de surnaturel. Il se situe entre la campagne et la ville, juste à côté d’une zone commerciale. Un territoire comme il en existe partout en France. D’ailleurs il a rendez-vous place de France. Une femme traverse la place avec un caddie. Un homme promène son meilleur ami, son chien. Il est neuf heures et demie. L’auteur pénètre dans les locaux de l’association TZCLD et il est accueilli par Gwen, président de l’entreprise Papiole, qui lui explique la nature du projet et sa genèse. Le sous-titre explicite la nature de cette bande dessinée : Carnet en territoire zéro chômeur longue durée. Dans la première séquence, l’auteur évoque son rapport au chômage : les annonces perçues comme catastrophiques par un enfant regardant les journaux télévisés à l’époque, assimilant plus leur tonalité que leur réalité : entre une fatalité inéluctable et une condamnation. Le temps est venu pour lui de découvrir ce qui peut se passer après que cette terrible sentence se soit abattue sur un individu. Il effectue cette démarche de manière positive : aller à la découverte d’un dispositif de réinsertion dans le monde du travail, entre le retour à une vie normale et le miracle d’une grâce ou d’un pardon. L’ouvrage est divisé en quatre chapitres : la signature (du contrat des employés de l’entreprise Papiole), les clés (de fonctionnement de l’entreprise Papiole), les super-héros (assimilés aux Quatre Fantastiques /Fantastic Four), les activités (c’est-à-dire la production professionnelle de l’entreprise Papiole), Le vent. À chaque fois, Mathieu rencontre les personnes directement concernées, et il retranscrit leur parole. Pour les novices, le premier présente l’entreprise Papiole, ses débuts et ses premiers recrutements. Dans le troisième chapitre, Catherine (responsable du centre de ressources et de développement) présente les différentes institutions parties prenantes. Le lecteur habitué à la bande dessinée de reportage se prépare à découvrir soit des dessins très minutieux et descriptifs dans une veine réaliste, soit des dessins dans une veine plus épurée avec une touche d’exagération comique pour les avatars des individus. Il découvre une approche plus originale : des dessins avec des traits de contour fins et un peu irréguliers, comme réalisés sur le vif, sans phase de repassage pour les peaufiner, de nature réaliste, avec un niveau de détails assez épuré, et une mise en couleurs légère, comme réalisée à l’aquarelle, jouant beaucoup sur des formes de bichromie. Ces choix graphiques apportent une identité visuelle très personnelle à l’ouvrage, mariant à la fois le concret et la banalité des personnes rencontrées, des lieux très ordinaires, et une sensibilité exprimant un grand respect, une volonté de se montrer fidèle aux propos tenus, sans s’imposer, sans être intrusif. Le lecteur absorbe inconsciemment des particularités diverses : la grande place laissée au blanc comme si l’artiste ne souhaitait pas encombrer ces moments, le passage de noir& blanc (avec des nuances de gris) de la télévision quand il était jeune, à un monde avec des touches de couleurs, pas forcément gaies, mais bien présentes, comme si le travail rendait de la consistance, ramenait des couleurs dans la vie de ces êtres humains. Il note de ci de là quelques silhouettes uniquement à l’aquarelle sans trait de contour. Il ralentit sa lecture pour apprécier le portrait de plusieurs travailleurs sociaux (pages quatre-vingt-dix et quatre-vingt-onze), à l’encre. Puis le recours à une famille de Playmobil le temps d’une case dans le contexte de la ressourcerie de jouets. Ou encore la représentation de branches d’arbres, pour un effet métaphorique, digne d’Edmond Baudoin lui-même. La narration visuelle s’émancipe donc d’une illustration la plus réaliste possible d’un reportage, ou de la mise en scène de l’auteur sous un format humoristique, pour transcrire le respect et la délicatesse de l’auteur vis-à-vis de ses différents interlocuteurs. Ce n’est pas tant qu’il se montre précautionneux comme si ces futurs ex-chômeurs pouvaient être fragiles ou susceptibles ; il les aborde avec prévenance et même timidité conscient d’être dans une position plus privilégiée que la leur. D’un côté, le lecteur voit bien que certaines mises en page sont aérées jusqu’à l’économie, ou que la mise en scène consiste d’un plan taille et d’une personne parlant pour exposer son rôle ou son histoire, ou expliquer un dispositif. Dans le même temps, ces prises de vue correspondent parfaitement au moment, à la démarche de l’auteur, à l’objet de la rencontre et des questions posées. En outre, la narration visuelle s’avère diversifiée et variée, sans lassitude du lecteur du fait d’une narration qui serait trop aride ou trop minimaliste. Une fois l’ouvrage terminé, il conserve de nombreux visuels en tête : la sensation accablante des chiffres du chômage énoncés par les présentateurs télé, la magnifique fleur en origami, les branches d’arbre dénudées, le drapeau planté au sommet d’un pic de montagne, le ciel étoilé, la combinaison de ski de très grande taille, la cartographie des différentes entreprises publiques et privées participant à la réinsertion, le groupe de punk dont a fait partie Mathieu, les champs cultivés. Et surtout les différentes personnes rencontrées. Le lecteur suit littéralement l’auteur allant à la découverte de l’entreprise Papiole, rencontrant ses responsables, ses bénévoles, et ses ex-chômeurs de longue durée ayant signé un contrat. Gwen lui explique le principe de l’entreprise créée dans le cadre de l'expérimentation nationale Territoire Zéro Chômage Longue Durée (TZCLD). Elle vise à lutter contre le chômage de longue durée en créant des emplois durables dans les secteurs utiles au territoire. Il fait le tour des locaux, rencontre un encadrant, assiste à la signature des premiers contrats, voit l’émotion de ces nouveaux employés réintégrant une forme considérée comme normale de citoyenneté. Impossible de résister à l’émotion organique et sincère de voir des personnes qui peuvent se remettre à un envisager un avenir. La compréhension de cette initiative se trouve augmentée par la présentation de l’écosystème des autres dispositifs tels que les ACI (Ateliers et Chantiers d’Insertion), les ESAT (Établissements et Service d’Accompagnement par le Travail), ou les ETTI (Entreprises de Travail Temporaire et d’Insertion). Et après, l’île d’EBE. L’île d’Entreprises à But d’Emploi. Par la suite, Mathieu retrace sa discussion avec Claudy, bénévole de l’épicerie sociale Pom Cassis, qui dit si bien la fragilité économique des personnes venant acheter des fruits et légumes, et aussi la fragilité économique de l’épicerie elle-même, et celle tout aussi terrible des employés de Papiole qui y travaillent. Le lecteur se trouve intimement touché par les différents témoignages : la terrible possibilité que l’État se désengage de ce dispositif, les espoirs régénérés par la signature d’un contrat, le souvenir de ceux qui ont succombé aux conséquences de la désocialisation, encore plus qu’à celles de l’absence de salaire ou de revenus financiers, l’importance à la fois démesurée et insoupçonnée, aussi bien financière que sociale, d’avoir un emploi. Il fait l’expérience indicible de la solidarité dans ce qu’elle a de plus pragmatique. Le texte de la quatrième de couverture annonce : Face aux réalités de la vie économique et à l'augmentation du chômage, Mathieu Siam s'intéresse à la naissance d'une expérience territoriale près de chez lui : Territoires zéro chômeur longue durée (TZCLD). Un programme pas forcément enthousiasmant. Au contraire, le lecteur découvre une narration visuelle personnelle, aussi respectueuse que curieuse, timide et constructive. L’auteur présente avec une clarté simple et limpide ce qu’il découvre, à la fois l’expérience des encadrants, des employés, des bénévoles de Papiole, à la fois l’écosystème dans lequel cette entreprise évolue. Son empathie irradie littéralement le portrait qu’il dresse des individus qu’il rencontre, une chaleur humaine peu commune. Essentiel.

08/10/2025 (modifier)