Déogratias

Note: 3.59/5
(3.59/5 pour 22 avis)

2000 : Prix René Goscinny. 2001 : Prix France Info de la Bande dessinée d’actualité et de reportage. Le génocide du Rwanda. A lire!


Afrique Noire Aire Libre Le Génocide rwandais Prix France Info Prix René Goscinny

Dépenaillé, les yeux brûlants de fièvre, Déogratias erre dans les rues de Butare, au Rwanda. Déogratias, pauvre fou, a besoin d’urwagwa, toujours plus d’urwagwa, la bière de banane. Pour oublier. Pour oublier qu’il n’est plus qu’un chien terrorisé par la nuit. Pour oublier les cauchemars qui le hantent. Pour oublier que lui, le Hutu, a lâchement assassiné les femmes Tutsi qu’il aimait. Mais peut-on effacer de son esprit et de son corps la trace poisseuse du sang et le goût salé des larmes? En choisissant de situer son nouvel album au Rwanda, avant et juste après le génocide, Jean_Philippe Stassen place la barre très haut : comment exprimer l'indicible et peindre l'inqualifiable ? Avec Déogratias, il démontre magistralement qu'il n'est pas seulement un raconteur d'histoires mais aussi un rapporteur de l'Histoire, celle qu'on ne choisit pas mais qui s'impose par ses drames. Plus qu'un album émouvant, Déogratias est une oeuvre exceptionnelle empreinte d'une profonde humanité.

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution Octobre 2000
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Déogratias © Dupuis 2000
Les notes
Note: 3.59/5
(3.59/5 pour 22 avis)
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28/12/2001 | Alix
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L'avatar du posteur Noirdésir

Stassen s’attaque ici à un sujet douloureux, à savoir le génocide perpétré au Rwanda dans les années 1990. La particularité de sa présentation est qu’il va parler de ce drame en creux, sans trop le « montrer » (si ce n’est dans les dernières pages, où l’on découvre le sort réservé à quelques personnages féminins que nous avons suivis dans le récit). Récit qui mêle moment « avant » et moments « après ». Une certaine pudeur donc, mais aussi la possibilité ainsi de montrer à la fois l’absurdité de cette horreur (futurs bourreaux et victimes auraient très bien pu continuer à vivre en bonne entente – malgré la propagande de quelques fanatiques, montrée ici au travers d’émissions de radio, ou d’un cours d’histoire franchement raciste), et aussi les conséquences, les séquelles quasi irréversibles laissées derrière les charniers. Déogratias en est un parfait exemple, lui qui s’est retrouvé embarqué dans le génocide et qui erre, comme une bête (un chien), cherchant à oublier dans l’urwagwa (alcool de banane) le traumatisme. Le personnage du soldat français, raciste et hautain, amateur de jeunes filles est une sorte de condensé des faces noires de la colonisation (mention spéciale aussi au prêtre qui oublie ses vœux de chasteté – et ses devoirs de père – dans tous les sens du terme !). Le rôle de la France (qui n’est intervenue que tardivement, et surtout pour protéger la fuite des tueurs) n’est évoqué qu’au travers de ce soldat, c’est dommage. Mais ce n’était pas le propos de Stassen. L’album se laisse lire, sur un rythme lent. Sa lecture est en tout cas recommandable. Note réelle 3,5/5.

30/01/2023 (modifier)
Par iannick
Note: 4/5
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Jusqu’à présent, je n’ai jamais lu les récits de Jean-Philippe Stassen car je n’aimais pas son style graphique… J’ai donc reporté à maintes fois la lecture d’un de ses ouvrages et finalement, la présence d’albums réalisés par cet auteur à la bibliothèque universitaire de ma ville m’a encouragé à les découvrir. Premier album de Jean-Philippe Stassen : « Déogratias »… et une petite claque… mais une claque quand même ! Comme d’habitude sur les albums de la collection « Aire libre » serais-je tenté de dire. C’est un récit fort que nous propose l’auteur sur la guerre civile au Rwanda… On y voit comment ça s’est arrivé, pourquoi ce fut un génocide. On y découvre comment la folie et la haine qui habitaient inexorablement et durablement le cœur des femmes et des hommes se sont mises tel une cocote minute à exploser d’un seul coup avec l’extrême violence qui accompagna les tortionnaires envers leurs victimes. Et moi qui ait assisté avec une relative indifférence à cette horreur devant les actualités télévisées de mon époque… Trop jeune, trop loin de la France, trop compliqué… Je n’étais pas assez mûr pour comprendre ou plutôt essayer de saisir ce qui se passait là-bas… Et au milieu de tout ça, Déogratias, un jeune rwandais avec ses défauts et qualités mais surtout avec ses rêves d’adolescents et la naïveté qui le caractérisent, qui perd ses certitudes et ses repères… Un choc émotionnel dont il ne se remettra certainement jamais… Et au milieu de tout ça, des occidentaux qui se croient supérieurs et qui profitent de leur soi-disant richesse pour exploiter cette population… heureusement, ils ne sont pas tous comme ça mais bon… Et le dessin ? Ben, il s’avère finalement extrêmement lisible et adapté à ce genre de récit. Seule la narration n’est pas exempte de tout reproche car il faut suivre avec tous ces allers-retours sur le passé et le présent. Alors, oui, merci à Jean-Philippe Stassen d’avoir réalisé ce livre qui sonne comme un témoignage historique et hautement tragique du Rwanda… Pour ne pas oublier ce qui se passa là-bas…

09/01/2023 (modifier)
Par Titanick
Note: 3/5
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Les massacres au Rwanda, comme toutes les guerres, ont aussi laissé des traces psychologiques indélébiles, j'ai trouvé assez efficace le moyen de nous les faire appréhender. Même si rien dans notre petit confort ne pourra vraiment nous en donner une idée réelle. On suit le trajet de ce très jeune homme forcé de participer activement à l'horreur. Là où le récit est intelligent c'est de ne pas montrer le pire de ces évènements, on est sans cesse dans cette façon de jongler entre l'avant - l'insouciance - et l'après - la folie, c'est bien vu. J'avoue en revanche que si je n'avais pas lu précédemment dans les autres avis le « mode d'emploi » de la lecture avec les bordures de cases, je crois que j'aurais eu plus de difficultés à suivre, j'ai quand même dû être attentive pour ne pas perdre le fil. Je n'étais pas du tout fan du dessin en début de lecture, trop gras à mon goût et qui me donnait une impression de mal maîtrisé, mais finalement je m'y suis habituée sans pour autant l'apprécier vraiment.

30/11/2021 (modifier)
Par DamBDfan
Note: 4/5
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Du très bon travail et surtout une bonne claque une fois la lecture terminée. L’auteur traite de manière intelligente, sans jugement et non rébarbative un sujet assez rare en BD : le génocide au Rwanda. Point de détails historiques et d’actions superflues ici, mais plutôt un témoignage à travers l’histoire bouleversante d’un adolescent (Déogratias) détruit mentalement par les conséquences d’une guerre civile. Quel talent ce Stassen ! Tout est relativement bien maîtrisé : les graphismes, les couleurs, les personnages, le petit côté fantastique, les différents flash-back…Je l’ai lu deux fois et la relecture est encore meilleure. A découvrir si ce n’est pas encore fait.

31/10/2013 (modifier)
Par Erik
Note: 2/5
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Il ne suffit pas d'exploiter un thème très sérieux comme un génocide pour obtenir mon adhésion ne serait-ce que par sympathie. Encore faut 'il que cela soit traité correctement. Au fil de ma lecture, la construction et les enchaînements sont si mal réalisés qu'on ne sait plus où l'on se situe réellement au niveau des flash-back sur l'avant et l'après. Des contradictions, un contexte inexpliqué : cette BD se contemple comme une forteresse imprenable. C'est âpre et dur à la fois mais les promesses de cette Bd ne sont pas tenues. C'est bourré d'idées mais trop complexes pour convaincre. Par ailleurs, le dessin ne m'a pas convaincu tant le trait semble gras et simpliste. C'est vrai que le graphisme est une question de goût personnel. En l'espèce, je n'adhère pas. Pour autant, j'admets que l'auteur avait au moins essayé de faire passer un message selon sa propre construction. Je dois également tenir compte de cela dans ma notation pour éviter la note minimale.

04/03/2007 (MAJ le 30/05/2010) (modifier)
Par Graveen
Note: 4/5
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Et bien, j'attendais ce one-shot au tournant. N'étant généralement pas passionné par ce genre d'oeuvres. Le moins qu'on puisse dire, c'est que je n'ai pas été déçu. L'histoire du génocide rwandais vu par un être... humain tout simplement. Happé par la sombre histoire de ce massacre, comme je suppose beaucoup d'autres. Le dessin est finalement trés bien adapté à l'histoire. Vraiment bien.

30/05/2010 (modifier)

Deogratias, jeune Rwandais pris dans la tourmente du génocide de 1994. Histoire d'une vie brisée. De vies brisées. Comment se reconstruire après avoir vécu l'horreur ? Comment ne pas sombrer dans la folie Comment vivre en paix quand on croise tous les jours ceux qui ont participé aux massacres, ceux qui vont ont entrainé dans ces tueries ? J'ai lu beaucoup de témoignages, de documents et d'analyses sur le génocide rwandais. Mais dans cette bd, très finement construite, Strassen ajoute une note de sensibilité et d'émotion. Les personnages, Déogratias en particulier, sont très attachants. Le scénario est très bien pensé : il permet de se concentrer sur les sentiments des personnages et de ne pas se focaliser sur la chronologie des événements. Cette bd n'est pas un livre historique sur le génocide. Plutôt un témoignage très fort sur la vie avant le génocide ; sur la vie après le génocide aussi. Sur la méfiance, l'hypocrisie, l'impossible reconstruction d'un jeune homme, d'un pays peut-être. A lire parce que c'est fort. Du grand art! A lire pour savoir et comprendre aussi.

24/01/2010 (modifier)
Par Ems
Note: 2/5

Sur le fond, j'ai apprécié certains aspects de cette BD : le contexte particulièrement dramatique du Rwanda aux moments les plus durs, une approche sérieuse et des vérités inconnues en général, etc.... Mais sur la forme j'ai trouvé indigeste ce one-shot : le dessin est très gras limite caricatural, les couleurs sont parfois trop sombres et le découpage scénaristique pas toujours facile à suivre (l'avant et l'après qui se croisent à longueur de pages). Il en reste une BD pseudo documentaire pour un lectorat adulte et une belle initiative concernant le traitement de ce génocide incompréhensible pour la fin du 20ème siècle.

02/05/2008 (modifier)
Par L'Ymagier
Note: 4/5

Un album à laisser en évidence... Car en effet : évoquer le génocide d'un million de Tutsi au Rwanda en 1994 n'était pas le défi le plus évident pour un dessinateur de BD. Stassen a choisi de le relever. Et, à sa façon, il l'a bien relevé... Pour cela, il m'a "invité" à suivre l'errance de Déogratias, un jeune homme ayant sombré dans la folie, et qui se prend pour un chien dont la tête s'évapore pendant la nuit. Seule l'urwagwa, la bière de bananes, parvient à tempérer ses cauchemars. Des flash-back m'ont révélé sa vie d'avant, quand il n'était alors qu'un adolescent amoureux de la joli Bénigne. Mais il était Utu, et elle Tutsi. Cela n'a eu aucune importance jusqu'à la montée de l'intolérance qui allait conduire un peuple à l'extrémisme meurtrier. Aujourd'hui, hanté par ses démons, il veut faire disparaître ceux qui l'ont manipulé. Et qui se méfierait d'un dément imbibé d'urwagwa ?... Une oeuvre magnifique et émouvante, où l'auteur m'a dépeint avec vigueur et humanité une Afrique profondément authentique. Un album "vrai"... C'est rare...

12/01/2007 (modifier)
Par Spooky
Note: 4/5
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Immersion totale. Stassen fait corps avec l'Afrique centrale, et cet album le prouve une fois encore. Le génocide rwandais fut un événement terrible sur le continent noir, et son album nous plonge littéralement au coeur du coeur du conflit, avec ce jeune Hutu amoureux d'une métisse Tutsi, des nuances ethniques assez artificielles selon l'auteur et ses personnages. Des nuances qui ont tout de même causé la mort d'un million de personnes. Avec Deogratias, on plonge au coeur du conflit, on suit ses racines, ainsi que ses implications dans la vie quotidienne. Avec un soupçon de magie et de sociologie, avec la tradition du goûter de boisson et l'Urwagwa. Un album superbe.

17/10/2004 (modifier)