Les derniers avis (13 avis)

Par Canarde
Note: 3/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série La Fange
La Fange

J'ai du lire l'album deux fois pour décortiquer ce qui me parle et ce qui me dégoûte . Je l'ai acheté pour soutenir les éditions Ici-même et le post-apo vu depuis l'Australie, ça m'a intriguée... Cela peut se lire comme une allégorie du capitalisme mondialisé. Son story telling si puissant vend l'exode vers le nord, comme un voyage vers la réussite alors même que toutes les informations son accessibles pour voir que la plupart des migrants seront très maltraités et n'auront comme destin, pour les plus chanceux, que le retour au bercail plus pauvre que jamais... Et dans "La fange", pour les autres... la perte de membres, la maladie, la mort. Un monde caca d'oie où tout est laid ou presque, et le dessin aux cases très remplies pourrait faire penser à Jano, mais sans cette joie colorée du déglingué, et avec un cynisme qui rappelle un peu Hitchkock par les mécanismes d'escroquerie qui ressemble un peu à ceux de l'espionnage anglais... (Drôle de rapprochement !) Par ailleurs c'est une histoire familiale, de deux frères avec une mère qui a son préféré, Lippy (pour Lipton). L'exemple type de la mauvaise mère, qui fait les mauvais choix et aime son fils uniquement parce qu'il est le reflet d'elle-même. C'est aussi l'ambiance d'une ville où le seul mode de survie et soit d'être escroc, soit d'être escroqué. Et les deux héros qui échappent à cette alternative sont ceux auxquels on s'identifie : l'autre fils Penn, ("qui a oublié d'être moche" selon sa propre constatation) et une gamine rouquine qui ne sait pas mentir. Sans ces deux personnages qui portent un regard en biais, et espèrent confusément autre chose, on ne pourrait rien sauver de cet univers... mais justement ils sont là... Ce maelström de dégoût et d'espoir finit par faire son boulot. Je me reconnais bien dans l'avis de Sloane, et je suis curieuse de voir effectivement si une suite pourrait me surprendre...

14/07/2025 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Un père
Un père

Après « Le Petit Frère », où il évoquait l’accident tragique qui avait emporté son jeune frère dans les années 70, Jean-Louis Tripp s’attaque à un autre (gros) morceau de son passé familial. Cette fois-ci, c’est son « papa », Francis, qui est au cœur de ce très beau roman graphique. Et vu la taille du livre (350 pages), on se dit qu’il y avait un besoin impérieux de la part du « fiston » de raconter l’histoire de ce personnage haut en couleurs, avec ses failles et ses contradictions. C’est ainsi que l’auteur va partir de sa propre enfance pour dresser le portrait de son père. Le livre commence par un rêve perturbant où il s’imagine en train de l’ensevelir sous la terre après l’avoir étranglé… une scène qui pose la tonalité du récit, résumant les sentiments ambivalents qui pouvaient parfois l’assaillir lorsque le paternel s’opposait à ses choix, comme par exemple lorsque le vélo de course dont il rêvait à Noël avait été remplacé par le modèle le plus ringard… Grâce à un dessin très détaillé, ce portrait ambitieux nous emmène dans ces années 60-70 où tous les ressorts d’une nostalgie sans trace de mièvrerie sont activés, et cela ne manque pas de charme. Tripp nous détaille notamment plusieurs anecdotes assez croustillantes où l’on découvre un Francis très énergique, par exemple lors des vacances à la mer où, suite à une panne ayant immobilisé la Dauphine toute neuve, ce roi du système D réussit à ressusciter une vieille 4CV de substitution (une vraie ruine !), pour le plus grand bonheur des enfants. Celui-ci, par ailleurs communiste revendiqué (à une époque où le PC avait encore le vent en poupe), montre un visage émerveillé durant une escapade en RDA, à la limite du déni malgré les lourdeurs administratives aux frontières ou les queues devant les magasins sous-approvisionnés. Ce fils d’enseignants qui fut aussi l’élève de son père en 6ème, ne cherche pas à enjoliver le personnage lorsqu’il le montre en proie à de terribles sautes d’humeur, ou qu’il relate ces engueulades magistrales avec son épouse, qui ne manquait pas de lui tenir tête. Mais Jean-Louis ne fait ici qu’évoquer le plus objectivement et le plus sincèrement possible l’image qu’il a conservé de son géniteur, et même s’il avait des choses à lui reprocher, cette bio ne comporte aucune acrimonie. La tendresse qu’il laisse émerger envers cette « statue du commandeur », avec toutes ses fissures, révèle que ce livre n’est en fin de compte qu’un exutoire menant au pardon et à la reconnaissance vis-à-vis d’un homme qui malgré ses maladresses ne voulait que le bien de ses enfants. D’ailleurs, lui-même ne cherche pas non plus à se mettre en valeur et ne nie pas sa part de responsabilité dans l’éloignement qui s’était accentué au fil des années (« Depuis toujours, je suis celui qui part », p.322), mais se pose plutôt des questions à l’égard de celui qu’il confessait ne plus reconnaître vers la fin de ses jours, notamment à cause de la maladie. Ce père, à qui il avait pu faire quelques aveux quelques années avant sa mort et qui s’était dit prêt à consulter un psy, même s’il ne le ferait jamais, ce père, à l’image de cette génération d’hommes « qui gardaient pour eux leurs blessures profondes et leurs espoirs perdus ». Grâce à un dessin d’un réalisme étourdissant, très fouillé, à la tonalité très chaleureuse — l’auteur de « Magasin général » n’a plus grand-chose à prouver quant à son talent —, « Un père » est non seulement un très bel hommage mais aussi un étonnant témoignage historique (oui !), très immersif et captivant à la fois, où les personnages y sont dépeints de façon très expressive. La mise en page demeure quant à elle toujours maîtrisée. Tripp a opté globalement pour le noir et blanc, ne recourant à la couleur que pour certains éléments d’une case ou certains passages, d’une portée toujours signifiante. « Un père », C’est une tranche de vie ordinaire devenue un portrait passionnant, authentique et très vivant, sous l’œil d’un fils réconcilié non seulement avec son paternel mais aussi avec lui-même. Une histoire à la fois joyeuse et tragique, pleine de tendresse, où l’humour n’est pas en reste. La fin de l’album se conclut sur cette photo qui résume plutôt bien le personnage. Et, si l’on n’oublie pas de déplier le rabat de quatrième de couverture, on pourrait bien tomber en extase devant la photo du magnifique slip de bain très vintage de Francis, celui-là même qu’il portait lors de l’édifiante séquence suisse (mais je n’en dirai pas plus !).

12/07/2025 (modifier)
Couverture de la série Numéro Invalide
Numéro Invalide

Numéro invalide est l’une de ces œuvres qui devrait être connues de tous. C’est un manga bien narré, avec des dessins percutants qui arrivent à nous faire ressentir toutes les émotions et l’enfer que la mangaka a vécus. La mangaka est très douée pour synthétiser et rendre accessible des informations médicales. C’est une œuvre difficile à lire par sa violence mais nécessaire. À recommander en masse.

11/07/2025 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Dulcie - Du Cap à Paris, enquête sur l'assassinat d'une militante anti-apartheid
Dulcie - Du Cap à Paris, enquête sur l'assassinat d'une militante anti-apartheid

Décidément, Benoît Collombat a le tour pour trouver des sujets d'enquêtes qui me passionnent. Ici, c'est une enquête sur le meurtre de la militante anti-apartheid Dulcie September qui n'a jamais été élucidé et qui cacherait de gros secrets d'états. Il faut dire qu'on en va pas juste avoir une biographie de Dulcie, un résumé de l'enquête qui n'a rien trouvé et des pistes sur qui sont les responsables et les complices de cet assassinat: on va aussi voir l'hypocrisie de la France qui continuait de faire du commerce avec l'Afrique du Sud malgré l'embargo, l'historique des relations entre ses eux pays et bien plus encore ! C'est donc un documentaire un peu lourd qu'on ne peut pas lire d'une traite, à moins d'avoir plusieurs heures de libres. Je pense que certains lecteurs risquent de s'ennuyer, mais moi je trouve cela passionnant parce que cela parle d'affaires d’État, de relations internationales et des ravages du capitalisme avec toutes ces entreprises qui n'ont aucun problème pour faire des affaires avec les pires régimes. Il y a des passages qui vont choquer, quoique je ne suis pas du tout surpris par ce que j'ai lu. C'est aussi un bon rappel historique que pendant plusieurs années Nelson Mandela était vu par plusieurs que comme un terroriste et des élus (et pas seulement ceux d'extrême-droite) pouvaient vanter le régime d'Apartheid. J'ai trouvé cet album bien complet et captivant à lire, malgré la quantité d'informations que le lecteur doit digérer.

09/07/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Fantastic Four - Molécules instables
Fantastic Four - Molécules instables

Une société qui se lézarfe - Ce tome comprend les épisodes 1 à 4 de la minisérie, initialement parue en 2003, formant une histoire complète, relativement indépendante (il faut connaître les caractéristiques principales du premier épisode des Fantastic Four pour l'apprécier). Le scénario est de James Sturm, les dessins et l'encrage de Guy Davis. Robert Sikoryak dessine et encre les cases consacrées au comics de Vapor Girl. Le récit commence par deux pages de texte dans lesquelles James Sturm explique qu'il s'est rendu compte que Stan Lee et Jack Kirby avaient basé les personnages des Fantastic Four sur des membres de sa propre famille ayant réellement existé. Viennent ensuite une reproduction des pages 9 à 13 de l'épisode 1 de la série Fantastic Four, initialement paru en 1961. L'histoire commence en 1958, alors que le professeur Reed Richard étudie le comportement de molécules étranges. Il reçoit la visite d'un groupe d'étudiant dont un certain Adrian Lampham assez critique et impertinent. Susan Sturm se conduit en épouse modèle, en veillant sur son petit frère depuis le décès de leurs parents, et en s'occupant des tâches domestiques dans le foyer de Reed Richards (même s'ils ne sont pas mariés). Johnny Sturm zone dans les rues, avec Rich Mannelman son meilleur ami. Ben Grimm est une célébrité locale dans son quartier, entraineur de boxe, apprécié de ces dames (en particulier Myrna, sa compagne du moment). Quand le lecteur commence sa lecture, il perçoit nettement l'influence d'Alan Moore dans la forme du récit. James Sturm inscrit cette histoire dans une époque déterminée, il rédige des textes venant étoffer le concept de départ qui est que les Sturm, Richards et Grimm étaient des individus ayant vraiment existé, qui auraient servi de modèles à Jack Kirby et Stan Lee pour créer la dynamique familiale des Fantastic Four. Le lecteur a le plaisir de (re)découvrir les dessins à l'élégance discrète de Guy Davis, dessinateur attitré de la série BPRD pendant plusieurs années, de 2003 à 2011. Ce dessinateur combine une apparence surannée (adaptée aux années 1950), avec un aspect évoquant des croquis rapides (pour une impression de spontanéité), et un degré de précision épatant. Il recrée les années 1950 avec une fidélité et une authenticité sans faille, qu'il s'agisse des vêtements, des constructions, des sous-vêtements (le soutien-gorge de Susan), des véhicules, etc. Alors même que le lecteur éprouve l'impression donnée par des dessins vite-faits, il constate dans le même temps que le langage corporel est mesuré et expressif, que les individus ont des morphologies variées et réalistes. Guy Davis conçoit des mises en scène qui évitent les suites de têtes en train de parler, au profit de la gestuelle des individus, de leurs déplacements permettant d'avoir d'autres aperçus de leur environnement. Guy Davis est donc un metteur en scène très compétent, doublé d'un accessoiriste intelligent. La reconstitution s'avère passionnante sans être envahissante ou écrasante. La direction d'acteurs est aussi discrète que parlante, le lecteur s'attachant immédiatement à chacun des personnages. Alors que le titre laisse présager un lien très fort avec les superhéros des Fantastic Four (les fameuses molécules instables dont sont faits leurs costumes), le lecteur constate rapidement que ce récit est plutôt l'occasion de dresser un portrait de la société des États-Unis en 1958, à l'amorce d'une évolution sociale significative. James Sturm commence par montrer que Susan Sturm se trouve à l'étroit dans son rôle de femme au foyer. Ben Grimm ressent un malaise existentiel, en ressentant ses limites d'individu sans espoir d'évolution. Johnny Sturm ne trouve pas sa place dans l'establishment, pas plus que son ami Rich Mannelman. Reed Richards regrette déjà que Susan Sturm ne lui soit pas inféodée, comme une dépendance au service de sa propre carrière. James Sturm évoque cette période de l'histoire des États-Unis avec habilité. Susan Sturm lit Peyton Place (1956) de Grace Metalious. Johnny rencontre Joey King qui mène une vie de beatnik et qui lit Sur la route (1957) de Jack Kerouac. Il ne s'agit pas d'une reconstitution de surface. Le scénariste met en scène des problèmes de société (style de vie alternatif, homosexualité, femme au foyer, délinquance juvénile, femme battue, main baladeuse) en montrant en quoi ces caractéristiques sont inacceptables, soit par l'establishment, soit par les victimes. Il montre comment le carcan castrateur de la société de l'époque commence à présenter des fissures, annonciatrices de bouleversements culturels majeurs. De ce point, cette reconstitution est très réussie, et parlante. Du coup, le lecteur a du mal à comprendre pourquoi le scénariste accorde la même importance à inscrire son récit dans la mythologie Marvel. Il est donc fait référence au premier comics des Fantastic Four. Stan Lee et Jack Kirby font une apparition dans une soirée donnée par les Richards. Il est question de la place sociale des artistes de comics (et même du statut d'un lettreur). Plus pointu, Sturm intègre des références à l'histoire des comics Marvel, à l'époque où cette entreprise n'existait pas encore et portait un autre nom. C'est le cas par exemple de la référence à Patsy Walker, personnage de comics à destination d'un lectorat féminin (bien avant qu'elle ne soit intégrée à l'univers partagé Marvel, comme superhéroïne). Le sous-texte de ces références à Marvel (Ben Grimm parle aussi de sa tante Petunia) semble insister sur le fait que les comics Marvel sont le produit de cette époque révolue. Plus pernicieux, le fait que Stan Lee ait fait des Fantastic Four une famille soudée contre vents et marées semblent signifier qu'il évoquait un âge d'or révolu, une époque bénie où la cellule familiale constituait une valeur sûre (enfin surtout pour les hommes intégrés à la société, avec des revenus suffisants). Au final, le lecteur ressort séduit par cette reconstitution visuelle des États-Unis de la fin des années 1950, convaincu par le portrait des lézardes sociales, mais un peu décontenancé par le rattachement forcé aux personnages Marvel. Quatre étoiles si le lecteur est venu pour les Fantastic Four. Cinq étoiles si le lecteur accepte que les thèmes du récit sont assez forts pour faire oublier ce lien imposé de force entre les Sturm et les Storm.

09/07/2025 (modifier)
Couverture de la série West Fantasy
West Fantasy

J'adore l'univers proposé dans cette série, j'adorerais un JDR dans cet univers. J'aime l'originalité des quelques pages à lire dans chaque album, les dessins, les couleurs sont vraiment immersifs et léchés. J'aime le côté Game of Thrones où il ne faut pas trop s'attacher aux personnages qui ont souvent un destin tragique (spoilers alert). Le lien entre les albums est subtil et on sent que l'histoire n'en est qu'à ses débuts, il y a un véritable potentiel narratif pour peu que certains personnages perdurent... Comme Yaretsi par exemple. Bref je conseille cette série.

08/07/2025 (modifier)
Par Jessamy
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Rebis
Rebis

Elle occupe une place singulière dans mon cœur cette bd. À chaque fois que je la parcours, j’ai l’impression d’avoir un storyboard sous les yeux avant qu’il ne se transforme en film d’animation. C’est un style de dessin qui foisonne et qui vit par ces paysages forestiers omniprésents et ces couleurs à la fois douces et vibrantes. J’aime également le trait, avec ces détails fins et cette attention si minutieuse sur certains visages. Je pense ne surprendre personne ayant commenté ici en disant que j’aime particulièrement le visage de Viviana avec ces coulées de larmes noires comme de la suie. C’est une femme qui a subi des violences et qui a perdu l’amour de sa vie, Beldie. Au delà de la douleur de lui avoir survécu et d’être désormais seule, elle portera les traces de son deuil sur son visage, une marque qui ne pourra jamais s’effacer, même après l’arrivée de Martino dans sa vie. Dès le début de l’histoire, nous sommes happés par la composition qui se jouera en miroir via des notions au premier abord contraires mais qui se révèlent en réalité complémentaires (naissance/mort, rejet/renaissance, perte/transmission, communauté/émancipation, masculin/féminin). La figure de la sorcière jouit aussi de cette symétrie très contemporaine (femme diabolique/femme émancipée, libre). En cela, elle n’est pas aussi caricaturale qu’on pourrait le penser puisqu’elle a l’avantage de poser un cadre reconnaissable et universel (d’un point de vu occidental tout du moins), marquant une rupture forte dans notre façon de penser l’autre, ici notamment la femme et la place qu’on lui attribue. Viviana et Beldie ne sont pas punies pour être des sorcières, elle sont punies pour avoir transgressé leur place, d’avoir voulu s’exercer à la libre-pensée, loin des dogmes religieux et des injonctions de leur communauté. Elles ont voulu être des femmes plus libres, on les a enchaîné à l’image de sorcière afin de susciter la peur et le rejet. C’est aussi une bd qui aborde la question du genre sous un angle différent, à savoir la manière dont nous façonnent les personnes importantes pour nous. En fait, la question qu’aborde cette bd serait celle-ci : quelles sont les personnes qui nous aident à nous définir ? C’est à travers les yeux de Martino que nous aurons une réponse à cette question. Si ce petit garçon est rejeté pour ce qu’il n’a pas choisi d’être, à savoir albinos, il va alors décider de devenir une personne nouvelle auprès des personnes qui l’acceptent et le soutiennent. Pour cela, il va se reconstruire à travers les yeux bienveillants de Viviana. Cette reconstruction sera double, puisqu’elle aidera Viviana à apaiser son deuil : « On peut s’aider à vivre » lui dit-elle. C’est ainsi qu’il va aspirer à vivre comme une femme, plus précisément comme ces femmes, ces sorcières, sa nouvelle famille. Il adopte leur mode de vie, apprend d’elles l’herbologie pour se soigner, à cultiver et cuisiner pour être auto-suffisant, à s’habiller comme elles, à aimer comme elles. Vous l’aurez compris, tout au long de l’histoire, Martino qui deviendra Rebis, n’aura pour modèle bienveillant que des femmes. Sa mère et ses sœurs tout d’abord, puis Viviana et les amies de celle-ci, mais aussi le souvenir de Beldie, personnage à part entière dont l’aura s’incarnera à travers Rebis. Comme une touche d’espoir, la perpétuation d’un cycle de tolérance et de liberté. À me lire, on pourrait croire que la bd raconte avec un fort parti pris et sans subtilités que les femmes sont les seuls bons exemples à suivre. Je ne pense pas que le message soit aussi tranché. Si la question du genre est diluée dans le récit, c’est pour montrer que la façon dont on se définit si l’on est entouré par de bonnes personnes se fait naturellement. Face à son mal-être, Martino aspire a devenir un être au féminin, Rebis, parce que les seuls exemples aimants et bienveillants qu’il ait jamais connu sont des femmes, tout simplement. Rebis choisit cet espace de sororité avant tout parce qu’iel si sent bien. On pourrait donc reprocher au récit de ne pas introduire un personnage masculin plus empathique et compréhensif dans la balance. Pourtant ce serait oublier que parfois nous n’avons pas toujours la possibilité d’élargir nos relations, que nous sommes longtemps confrontés aux mêmes schémas néfastes (familiaux notamment) avant de pouvoir s’en extraire en allant vers ceux qui leur sont opposés. Pour conclure, Rebis, au delà de son terme latin signifiant littéralement « chose double », désigne également un processus alchimique de transformation qui vise à unifier deux choses, autrement dit le masculin et le féminin. Comme si l’idée était de créer un parfait équilibre, se sentir en phase avec soi, avec tout ce qui nous définit en tant que femme et en tant qu’homme. En bref, posséder une juste part des deux côtés pour mieux s’accepter, se comprendre et comprendre les autres. Comme quoi, la bd ne rejette pas le masculin finalement ! :p

08/07/2025 (modifier)
Par Blue boy
Note: 3/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Et soudain le futur
Et soudain le futur

Le véritable défi de cet ouvrage, qui aborde le thème de la décroissance, autre défi sociétal voire utopie irréalisable avec nos yeux de 2025, consistait à produire un documentaire pédagogique allié à une fiction crédible, se situant dans un avenir proche et avec des personnages consistants. Mathieu Burniat n’a donc pas ménagé sa peine, et qui plus est, il lui fallait éviter de tomber dans la facilité en recourant par exemple au registre post-apocalyptique. Alors bien sûr, l’idée, si originale soit-elle, d’avoir choisie l’île de la Cité, en plein cœur de Paris, pour évoquer l'expérience grandeur nature d’une société décroissante, n’en est pas moins saugrenue. Mais il faut voir cela comme un parti pris, non dépourvu d’humour au demeurant, que le lecteur se doit d’accepter afin d’entrer pleinement dans la narration. Bien sûr, il sera très facile d’en critiquer le pitch (on ne sait d’ailleurs pas vraiment si on a demandé l’avis des habitants de la micro-île pour participer à l’expérience, ni celui de ceux qui occupaient l’île avant sa mise en place et comment on les a relogés). Bref, il faudra accepter cette dinguerie idyllique en faisant un petit effort d’imagination. Certes, on peut déjà deviner les sourires moqueurs en voyant ce quartier typiquement parisien garnis de jardins potagers, à deux pas de Notre-Dame, désormais utilisée pour les assemblées générales de la communauté, ou en découvrant le Tribunal de commerce transformé en atelier de réparation et de recyclage d’objets divers. Mathieu Burniat s’est efforcé d’anticiper les moqueries prévisibles en prenant le contre-pied. Tout d’abord, celui qui est vraisemblablement son double dans le récit (Carl Mermot, dessinateur-reporter en mission commandée sur l'île de la Cité), est confronté à l’angoisse de la page blanche et n’a pas été fichu de produire quelque chose de valable en l’espace de six ans, alors que l’échéance du projet approche… parce que oui, le sujet n’est pas forcément enthousiasmant pour tout le monde et qu’il ne faut pas ennuyer les gens ! De plus, pour que l’expérience soit concluante, toutes les sensibilités politiques doivent cohabiter, y compris ces « Cornucopiens » qui s’accrochent au mythe de la croissance éternelle ! Ceux-ci fournissent à Burniat l’occasion d’exposer les arguments des uns et des autres, ne se limitant pas au simple exercice pédagogique à sens unique, et en cela, l’ouvrage est plutôt pertinent. De plus, il sait faire preuve d’une certaine (auto-)dérision en exposant les petites contradictions de ceux qui prêchent la bonne parole, Carl Mermot compris, victime d’une rechute coca-colaesque. L’ouvrage, tout en déconstruisant le mirage de la « corne d’abondance » chère au capitalisme toujours en vigueur et plus agressif que jamais, fournit un argumentaire plausible et propose des pistes à ceux qui envisagent de tourner le dos à leurs habitudes consuméristes pour adopter un mode de vie décroissant. Le dessin à l’aquarelle de Dominique Mermoux, proche de l’esquisse et sans effets de manche, colle plutôt bien au propos. La mise en page est dynamique, à l’image de la narration portant la patte de Burniat, lequel nous a habitués à des ouvrages très énergiques. « Et soudain le futur », en évitant l’écueil du pensum écolo assommant, livre un plaidoyer pour un monde viable pour les générations futures, en évitant culpabilité et anxiété. Sur un mode non dénué d’humour, il fournit les arguments pour permettre à chacun de se responsabiliser, pour faire en sorte que la décroissance infuse les consciences — et pas seulement celles de « bobos parisiens déconnectés » —, soit acceptée par l’ensemble des citoyens. Pour cela, les auteurs ont tenté de montrer, sans pour autant idéaliser le concept à outrance — lequel n’est pas forcément exempt de failles, mais pour le savoir, il faudrait peut-être essayer, alors qu’en revanche on connaît les dégâts terribles engendrés par le capitalisme —, qu’elle pouvait être conduite de manière positive et sereine, que nous avions certainement beaucoup plus à y gagner : une décroissance choisie est largement préférable à une récession subie. Telle était la mission communicationnelle de leur confrère imaginaire, Carl, dont la « mission était de réenchanter le futur ». Bien sûr, ceux qui sont totalement accros au consumérisme (par exemple, en changeant de smartphone tous les trois mois) risquent de souffrir en lisant cette bande dessinée, mais ils seront peut-être un peu mieux préparés à l’« effondrement » d’un système (avec toutes les nuances que comporte cette expression), désormais devenu inéluctable.

06/07/2025 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série L'Ogre Lion
L'Ogre Lion

Voilà une chouette BD d'heroic-fantasy ! Ou plutôt de Sword & Sorcery tant le héros s'apparente au fameux Conan le Barbare, dans ce qu'il a de plus tragique. Mais c'est ici de la Sword & Sorcery dans un cadre animalier, une société animale où les créatures sont bien anthropomorphes mais où les carnivores jouent les rôles de carnivores, les herbivores leurs rôles de proie, les taupes creusent et les souris peuvent mourir à tout instant d'un infarctus car leur petit cœur bat trop vite. Ce mélange de style permet la création d'un univers original, à la fois sombre et léger. Cette légèreté dans le récit provient en grande partie du jeune garçon qui se décide à coller aux basques du héros. Aussi mignon que débrouillard, il apporte la touche de fraicheur qui donne son charme à ce récit qui aurait pu paraitre autrement trop sérieux. Sur la fin du premier tome, une charmante voleuse renarde vient elle aussi ajouter une touche plus féminine et rusée. Et même le mystérieux démon caprin qui prend régulièrement possession du corps du roi lion a sa dose de profondeur et d'intérêt. L'équilibre de ce récit m'a pleinement séduit. Le ton est juste, réaliste, avec des jeux de pouvoir bien menés, des combats épiques et une belle alchimie entre rudesse et légèreté. L'humour est présent, tant dans les dialogues que dans certaines situations, ponctué de clins d'œil anachroniques suffisamment discrets pour ne jamais déranger. Le dessin est remarquable : les animaux anthropomorphes sont superbement rendus, avec une touche Disneyenne légère, les décors soignés, et la mise en scène, comme la narration graphique, parfaitement maîtrisées. Les couleurs, elles aussi, sont d'une grande qualité, renforçant l'ensemble. L'intrigue, simple en apparence, s'enrichit de nombreux éléments, de personnages bien construits et d'une part de mystère qui retient l'attention. Le rythme est fluide, les péripéties s'enchaînent avec cohérence, et l'ensemble fonctionne grâce à un vrai sens de l'aventure. L'envie de découvrir la vérité sur le passé oublié du héros, le sort de ses enfants, et les intentions de son frère ajoute à l'attrait de l'histoire. J'ai aussi beaucoup aimé la manière dont l'univers s'inspire des royaumes africains, en particulier celui de Koush, dont l'histoire affiche directement le nom. Ce monde est construit avec finesse et un réalisme d'une belle maturité. Cette sobriété dans le récit se maintient jusqu'à la fin, avec un dénouement touchant et réussi, au terme d'un affrontement final simple mais intelligemment mis en scène. L'ensemble a la beauté d'un film d'action sobre, qui ne cherche pas à en mettre plein la vue, mais à raconter une histoire captivante, crédible, et profondément immersive.

28/01/2022 (MAJ le 05/07/2025) (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Divine - Vie(s) de Sarah Bernhardt
Divine - Vie(s) de Sarah Bernhardt

Chacun de mes pas me rapproche de mon idéal ! - Ce tome constitue une biographie de Sarah Bernhardt (1844-1923). Son édition originale date de 2020. Il a été réalisé par Eddy Simon pour le scénario, et par Marie Avril pour les dessins et les couleurs. Il comprend cent-soixante-huit pages de bande dessinée. Il se termine avec une photographie de l’actrice, et un article de trois pages, intitulé Sarah Bernhardt chronologie, retraçant rapidement des moments emblématiques de la vie de l’actrice, agrémenté d’une petite photographie d’elle dans son rôle de Fedora. Ces auteurs ont également réalisé l’adaptation du roman de Saphia Azzedine : Confidences à Allah (2015). Acte I L’insoumise. En 1847, à la campagne, de part et d’autre d’une étroite rivière, son cousin incite Sarah à sauter par-dessus, en la houspillant, lui disant qu’il parie qu’elle n’osera jamais, parce qu’elle est une trouillarde de fille. De son côté, l’enfant se convainc elle-même qu’elle va y arriver, et elle finit par prendre son élan pour sauter. Un peu plus tard, Camille et Sarah se trouvent devant la mère du premier. Celle-ci exige qu’ils lui expliquent ce qui s’est passé. Sarah dit que c’est de la faute de son cousin si elle a les genoux écorchés et si ses habits sont sales, c’est Camille qui l’a provoquée. Sa tante la sermonne : Une jeune citadine ne doit pas se comporter comme une vulgaire campagnarde, ce n’est pas convenable ! Sarah rétorque vivement qu’elle recommencera quand même, si on la défie encore. Et elle fera toute sa vie ce qu’elle a envie de faire ! Quand même ! Le cinq janvier 1871, pendant le siège de Paris, Sarah Bernhardt travaille comme infirmière auprès des blessés. Alors qu’elle panse un soldat alité, une autre infirmière vient la chercher pour lui indiquer qu’un certain comte de Kératry qui se dit être le nouveau préfet de police demande à la voir. Pour sortir, elle traverse les différentes pièces du théâtre transformé en hôpital, tout en maugréant : Maudite engeance que la guerre… Une fois dehors, elle retrouve le préfet : Émile de Kératry. Celui-ci commente la cargaison de la charrette qui est en train d’être déchargée : Comme promis, même si cela ne s’est pas fait sans mal, voilà la livraison de vivres, vins, biscuits, café œufs… Sarah lui répond que cela devrait permettre de nourrir ses blessés pendant quelque temps, et elle demande les dernières nouvelles du front des horreurs. Il lui répond d’abord des banalités, puis à la demande de la jeune femme, il rentre dans le détail : En vérité la situation n’est guère brillante. Depuis la reddition de l’empereur, c’est la déroute : chaque jour, les troupes françaises battent en retraite et perdent du terrain sous la férocité des assauts de l’armée prussienne. Léon Gambetta et son gouvernement de défense nationale tentent bien d’organiser la résistance au nord de la Loire, mais la cause…. Semble bel et bien perdue ! Il conclut : Paris sera sans doute très bientôt une forteresse assiégée par les bataillons de Von Bismarck. Il suggère à Sarah de rejoindre sa famille en Normandie, personne ne l’en blâmera. Elle répond avec fougue : Jamais de la vie ! Dans l’inconscient collectif, Sarah Bernhardt est restée comme une actrice de légende, et pour ceux qui en ont déjà entendu parler, également comme une actrice ayant connu le succès aux États-Unis, ayant su faire fructifier son image, et étant enterrée au cimetière du Père-Lachaise. Les autrices font des choix dans leur approche biographique. De débuter par une courte scène de sa jeune enfance pour montrer un caractère bien trempé et une détermination en réaction à son cousin qui lui dit qu’elle est incapable de faire quelque chose : c’est sûr elle ne se laissera plus jamais dicter sa conduite, ou imposer des limites. Puis le récit passe de 1847 à 1871, en omettant une phase de la vie de Sarah, celle où la police des mœurs la classe parmi les dames galantes, où elle mène une vie de demi-mondaine entretenue par des clients généreux. Autre parti pris : évoquer plutôt sa vie privée que la pratique de son art, que ce soit son apprentissage ou ses performances. Pour autant, cette biographie montre comment cette dame mène sa vie, majoritairement sur le plan professionnel. En fonction de ses attentes, le lecteur peut se trouver quelque peu décontenancé par cette approche, surtout s’il venait pour une facette particulière telle sa vie mondaine, ou ses qualités d’actrice. D’un autre côté, il constate que le récit est d’une grande richesse, abordant de nombreuses facettes d’une vie particulièrement remplie, que ce soit en rencontres, en voyages, ou en entreprises professionnelles. Il n’y avait pas la place de tout mettre. Cette biographie est racontée du point de vue de l’intéressée, amenant ainsi le lecteur à prendre fait et cause pour elle, à pouvoir découvrir ses motivations, ses réactions émotionnelles, la conception et la réalisation de ses projets, ses convictions et comment elle les met en pratique. En effet, il s’agit d’une vie riche et dense. Bernhardt se dévoue comme infirmière pour les blessés du siège de Paris pendant la guerre franco-allemande de 1870. Elle ira jouer pour les poilus au parc de Commercy dans la Meuse le dix mai 1916. Elle se fera même emmener au plus près des tranchées alors que son nom figure sur la liste des otages que les Allemands veulent capturer. Elle fera plusieurs voyages, d’abord à Londres en 1878, puis à Louisville aux États-Unis, traversant les étendues sauvages en train. Là encore, le lecteur peut se trouver surpris que les autrices ne développent pas plus cette odyssée, tout en comprenant qu’il aurait fallu y consacrer un tome entier. Au cours de sa vie et de sa carrière, elle va rencontrer ou travailler avec de nombreuses personnalités : Léon Gambetta (1838-1882), Victor Hugo (1802-1885), Mounet -Sully (1841-1916, acteur de théâtre), Louise Abbema (1853-1927, peintre, graveuse, illustratrice, sculptrice), Oscar Wilde (1854-1900), Alfons Mucha (1861-1939), Edmond Rostand (1868-1918), sans même parler de ses amants ou d’autres auteurs de théâtre. L’illustration de couverture attire l’œil, mettant en avant le monde intérieur qui emplit l’esprit de cette créatrice. Puis le lecteur découvre celle en pleine page servant d’annonce de l’acte I, avec le titre L’insoumise. Il va ainsi admirer une douzaine, pour les trois actes, l’entracte, et des tableaux intermédiaires : L’insoumise, L’étoile, Memento Mori, L’indomptable, Barnum, L’aventurière, Fantasque, La muse, Je me quitte, L’impératrice, One of us. La dessinatrice reprend le principe des affiches pour une composition simple mettant en valeur l’actrice dans une situation exotique ou métaphorique, ce qui constitue un écho à la fois à ses rôles, à la fois à la phase de sa vie. Vient ensuite la première scène de narration séquentielle proprement dite : le lecteur découvre les traits de contours fins et fragiles, esquissant rapidement les formes, la représentation étant réalisée ensuite en couleur directe. Cela donne un ressenti assez complexe, entre simplicité des formes, évidence des situations, et nuances émotionnelles apportées par les couleurs. Le lecteur passe ainsi de l’insouciance teintée de l’intense gravité de l’enfance, à l’horreur des cadavres sur le champ de bataille enneigé, à des dialogues de personnages sur fond uni comme sur une scène sans décor. Les épisodes de la vie de Sarah Bernhardt se révèlent d’une grande richesse, au point que leur contenu en vient à éclipser le reste. Toutefois, s’il y prête attention, le lecteur voit que la dessinatrice met en œuvre de nombreuses techniques narratives variées, ce qui enrichit encore le récit. Quelques exemples : page neuf, une planche silencieuse, dans laquelle Sarah se regarde en passant dans un miroir, évoquant l’importance de son apparence pour son métier d’actrice. Page quatorze : le théâtre des opérations, la scène du théâtre se trouvant devant la scène de bataille. Les superbes paysages de montagne lors d’un voyage en train, une composition en double page de représentations théâtrales avec pour fond chaque livret faisant apparaître le titre et l’auteur, deux spectres semblant flotter autour de Sarah dans la rue par un temps brumeux pour évoquer l’incertitude de l’identité de son père, Sarah promenant son improbable ménagerie dans les rues de Londres, des coupures de presse retraçant les moments les plus improbables de sa première tournée aux États-Unis, un fac-similé d’affiche de Gismonda par Alfons Mucha, et quelques moments de représentations en particulier Bernhardt dans le costume de l’Aiglon pour la tirade de Flambeau. En fonction de sa familiarité avec la vie de l’actrice, le lecteur en découvre de belles. Il voit se dessiner le portrait d’une artiste ambitieuse. Il constate par l’intermédiaire de son succès et des louanges dressées par des personnalités de référence, que ses qualités d’actrice sont remarquables, voire exceptionnelles. Les autrices montrent un être humain animé par la passion du théâtre, veillant à rester indépendante, et maître de ses choix. En creux, apparaît sa capacité à faire sa promotion, par des décisions innovantes : le recours à la photographie, l’image choc comme dormir dans son cercueil, la présence d’esprit de s’attacher les services d’Alfons Mucha, et même l’apparition de produits dérivés, parfois initiés par elle, parfois par des profiteurs avec le sens du commerce. Elle apparaît comme une artiste faisant ses preuves dans des pièces de moindre importance, dans des classiques, puis dans des œuvres contemporaines, certaines engagées, implication qui se retrouve dans son soutien de Louise Michel (1830-1905) militante anarchiste, et du capitaine Alfred Dreyfus (1859-1935) accusé à tort d’être un espion au service de l’Empire allemand. Le point de vue narratif est intentionnellement partie prenante pour la Divine, sans regard critique : tout en étant conscient de ce choix, le lecteur éprouve une admiration pour une artiste aussi formidable dans son art, dans ses convictions, dans son énergie pour entreprendre, dans sa démesure. Quelle put bien être la vie de Sarah Bernhardt pour passer à la postérité ? Les autrices racontent une démarche artistique incroyable, une existence débordant de succès et de prises de risque, une vie personnelle tout aussi riche. La narration visuelle rend compte de cette diversité avec une élégance légère et pleine d’émotions. Les pages se tournent toutes seules, et le lecteur termine l’ouvrage surpris par la densité de ce qu’il a vécu. Tourbillonnant.

05/07/2025 (modifier)