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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Paysans - Le Champ des possibles
Paysans - Le Champ des possibles

Le champ des possibles, c’est reconquérir sa souveraineté, son autonomie d’être, sa capacité à penser. - Ce tome correspond à un reportage auprès de nombreux acteurs, il ne nécessite pas de connaissances préalables. Son édition originale date de 2023. Il a été réalisé à partir du travail documentaire de Marie-France Barrier, par Céline Gandner pour le scénario, et par Marie Jaffredo pour les dessins et les couleurs. Il comporte cent-cinq pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec un texte rédigé par Michel Welterlin, directeur de la collection Témoins du monde. Il se termine avec les remerciements des trois autrices, une présentation de leur parcours, et la liste des ouvrages parus dans cette collection. Elle se sent Perce-Neige, pas celle qui fait le printemps, celle qui l’annonce. Le lierre, il fleurit en octobre. C’est tard, oui. Mais il offre aux abeilles, bien contentes, de quoi butiner toute l’année. Alors pourquoi Perce-Neige ? Elle fleurit parmi les premiers et, Marie-France a eu le sentiment de s’être éveillé très tôt à ces réflexions environnementales. Ce n’est ni bien ni mal. Là, elle se tient collée contre le tronc d’un très grand arbre, il a bien trois cents ans. C’est son spot secret, à elle, son paysage. Elle lui parle comme un confident. Les arbres sont des traits d’union entre les énergies cosmiques qui viennent du fin fond de l’univers et les énergies telluriques nichées au cœur de la terre. Ce sont des alchimistes qui font le lien entre le visible et l’invisible, et transforment la lumière et le CO2 pour nourrir les êtres humains, les abriter les chauffer, les éclairer. Et eux, petits humains qui sont si dépendants d’eux, pourquoi se sont-ils tant éloignés de ces génies généreux ? Ils se sont crus au sommet de la création quand ils ne sont qu’un infime maillon de cette chaîne du vivant. Marie-France aimerait tellement participer à leurs retrouvailles, se réconcilier avec l’Arbre, ce grand chef d’orchestre de la nature. Comme il est beau, ce vieux frère, toujours à grandir vers la lumière ! Nichée au creux d’un arbre, c’est là où elle se sent le mieux. Elle a comme l’impression d’être à la maison, d’être en famille. Depuis toute petite, elle cherche sa juste contribution au monde, elle a envie d’être au service de la vaste communauté des terriens. Elle a comme l’intuition d’une mission à accomplir. Alors voilà, tout comme le font les arbres, elle va elle aussi prendre soin de la terre nourricière. Elle a besoin de se rebrancher, de mettre les mains dans la terre. Voilà dix ans qu’elle fait du documentaire et, là, elle a besoin d’autre chose, de plus concret, de plus engagé. La voilà partie pour une nouvelle aventure de vie : douze semaines de formation au maraîchage biologique en Sologne, qui sait, un nouveau chapitre d’existence s’ouvre peut-être. Marie-France se rend à la ferme de Sainte Marthe. En arrivant, elle y découvre qu’il y a plein de gens comme elle. Elle n’est pas si isolée dans ses questionnements et son appel à la terre. Ici elle n’est pas une bizarrerie. Elle perçoit des profils et des âges très différents. Mais ils sont tous novices du monde agricole. Retourner à l’école pour retrouver une position d’apprenante. C’est revitalisant. Le premier jour, chacun se présente et partage la raison de sa venue. C’est très excitant pour tout le monde. Comme un saut dans le vide. Marie-France Barrier est documentariste de profession, et elle a réalisé, entre autres, les films Le champ des possibles (2017) et Le temps des arbres (2020), dont s’inspire le présent ouvrage, où les autrices la mettent en scène. La séquence d’ouverture expose ainsi sa motivation ainsi que sa démarche. Impressionnée par les arbres, et consciente de la position intenable de l’être humain séparé du monde végétal, elle décide de prendre soin de la terre nourricière en commençant par un stage de formation en maraîchage. Toutefois, elle fait rapidement le constat qu’elle n’est pas faite pour ce métier. En revanche, elle a fait l’expérience qu’il y a tant de belles histoires à raconter autour de ce monde agricole qui se réinvente, qui cherche des solutions, qui explore le champ des possibles pour faire pousser un avenir fertile et résilient. Elle reprend donc la route pour aller écouter et recueillir la parole des anciens agriculteurs, viticulteurs et éleveurs qui ont grandi dans le moule de l’agriculture industrielle et qui se sentent prêts à s’en détacher pour en imaginer un autre. Les autrices mettent ainsi en scène ces rencontres, la parole d’un céréalier, d’un éleveur laitier, des membres d’une ferme collective, d’un scieur mobile, d’un propriétaire forestier, d’un paysan, d’un couple de viticulteurs, avec une grande importance donnée aux images. En entamant ce genre d’ouvrage, le lecteur peut nourrir un a priori sur sa forme : des longs pavés de texte explicatifs pour exposer les faits et les connaissances, et des images réduites au rôle de faire-valoir. Il y a bien des phases d’exposition consistantes, sans pour autant que se produise l’effet de pavés indigestes par trop de didactisme magistral. Chaque entretien prend la forme d’une rencontre avec un professionnel personnellement impliqué dans la mise en œuvre de méthodes différentes offrant une alternative viable à l’agriculture industrialisée, avec une part prépondérante donnée au témoignage plutôt qu’à l’exposé. La première page de bande dessinée peut faire hésiter le lecteur : un petit dessin de perce-neige en bas à droit de la page, sur fond gris, avec trois cartouches de texte, c’est-à-dire plus de texte que d’image. Dans les trois pages suivantes : une illustration pleine page, pour un arbre et Marie-France en relation avec. Puis le lecteur découvre des cases disposées en bande sans bordure encrée. Des dessins au rendu doux, dans un registre naturaliste un peu simplifié, avec des couleurs dans un mode réaliste avec des teintes un peu estompées. La dessinatrice apporte bien sûr un soin particulier aux plantes et aux arbres. D’ailleurs elle réalise quarante illustrations en pleine page ayant pour objet la nature, que ce soient des plantes ou des paysages. Le lecteur voit bien que cet ouvrage est consacré à la culture, à la terre et à son travail, aux plantes et aux arbres. Les dessins ne parlent que de ça : il peut ainsi contempler ces paysages et ces activités dans leur variété. Les trajets dans de petites routes de campagne, les rangées de salades, la qualité de la terre arable éprouvée à pleine main avec ses vers de terre, les sillons bien parallèles, les vaches, l’herbe et les fleurs, les haies qui délimitent des parcelles de petite taille, les forêts de hauts arbres, la terre devenue aride et nue, le savant travail de sciage d’un arbre de gros diamètre, les tristes forêts de culture de résineux, les écureuils, les champignons… Puis des paysages moins communs : une parcelle cultivée autour de l’arbre et avec lui, des moutons qui profitent des arbres fourragers, des arbres plantés dans une parcelle de vignes pour rompre avec la monoculture, la prolifération de la faune dans une mare, etc. Grâce aux dessins, le lecteur peut constater par lui-même l’existence de ces cultures d’une approche différente, ainsi que leurs répercussions sur la faune et la flore. À l’évidence, l’artiste s’est richement documenté pour pouvoir transcrire ces modes de culture sortant du modèle de l’agriculture industrielle. Elle les représente avec une évidence dont la plausibilité atteste d’une observation éclairée de ces sites. Recueillir la parole d’agriculteurs, viticulteurs et éleveurs qui se sont détachés de l’agriculture industrielle, c’est ainsi que Marie-France va d’abord rencontrer Olivier, pays de Caux, céréalier depuis 20 ans, 45 ans, 300ha de céréales. Puis Frédéric, Sarthe, éleveur laitier, la quarantaine, environ 50 vaches et 60ha. Visiter une ferme collective, 11 ingénieurs agronomes, 80ha, village La Tournerie dans le Limousin. Et Étienne, proche de la retraite, Castelnau-de-Brassac, au-dessus de Castres, scieur mobile. Xavier, 56 ans, comptable, propriétaire forestier, a acquis 110ha près du plateau de Millevaches près de Limoges. Jack, coteaux du Gers, ferme familiale, 56 ans, paysan, 150ha. Delphine et Benoît, viticulteurs, Bordelais, couple de vignerons explorateurs, 8ha. Il s’agit de professionnels installés depuis plus sieurs années, mettant en œuvre leurs convictions, et vivant de leur travail, sans perte financière par rapport à leurs pratiques précédentes. Dans un premier temps, la journaliste semble mettre en avant des convictions personnelles peut-être naïves sous un certain angle : Les arbres en tant que traits d’union entre les énergies cosmiques qui viennent du fin fond de l’univers et les énergies telluriques nichées au cœur de la terre, le paysan qui travaille avec le vivant est plus qu’un sage, c’est un super-héros, reconquérir sa souveraineté, son autonomie d’être, sa capacité à penser. Ou encore : Chacun d’entre nous sait mieux que quiconque ce qui est le mieux pour soi. Toutefois ces convictions cèdent immédiatement le pas aux expériences concrètes racontées par chaque professionnel rencontré. La découverte d’acteurs d’un monde agricole qui se réinvente, qui cherche des solutions, qui explore le champ des possibles pour faire pousser un avenir fertile et résilient. Il n’y a rien de naïf dans leurs histoires, dans leur expérience de vie, ni rien de manichéen, encore moins de magique. C’est du concret, le retour de l’expérience. Au fil de ces rencontres, la journaliste évoque tous les questionnements qui accompagnent cette mise en œuvre d’alternatives : le rendement, la résistance aux maladies, la viabilité économique, et les aspects écologiques de base comme la biodiversité et la compatibilité de la production avec les rythmes naturels et les écosystèmes, et même ce concept un peu flou de bon sens paysan en lui rendant du sens, sans angélisme, sans moralisme. Le lecteur en ressort tout ragaillardi d’avoir ainsi pu découvrir des alternatives viables, à un mode de production dont il peut se sentir prisonnier parce qu’il n’y aurait pas de possibilité de faire autrement. Un ouvrage écolo et petites fleurs ? Au contraire, des reportages avec les pieds dans la boue, les mains dans la terre, et une complémentarité entre expérience de terrain et connaissances théoriques. La narration visuelle donne à voir une multiplicité de paysages agricoles, dans leur diversité et leur richesse. Les autrices permettent au lecteur de découvrir, de rencontrer et d’écouter des paysans et des éleveurs passionnants, dont le parcours professionnel dans l’agriculture industrielle les a amenés à avoir la curiosité de chercher et de mettre en œuvre des alternatives pragmatiques et viables. Passionnant.

10/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Super Pixel Boy
Super Pixel Boy

Rhaa credi !! Je suis sorti avec un petit goût de trop peu de ce sympathique album, j’aurais tellement voulu mettre plus. Pourtant je suis carrément dans la cible, j’ai conservé un bon côté gamer old school du dimanche, j’ai une ps4 que je ne sors que pour jouer à des pépites comme Rogue Legacy, Tricky Tower, Broforce, Nuclear throne, Huntdown (une pure tuerie !!) … les connaisseurs apprécieront, la 3D m’emmerde. Alors attention j’ai beaucoup aimé, je me suis reconnu dans pas mal de situation, l’effet nostalgique marche à merveille, les jeux, les amis, la musique … toute une époque, forcément formidable pour ceux qui l’ont vécu ;) Un album qui prend la forme d’une petite madeleine de Proust pour cette (ma) génération. Les 2 auteurs se et nous font plaisir. C’est très bien mis en images par Boris Mirroir, j’aime beaucoup son trait et couleurs, dynamique dans l’ensemble et délicieusement binaire lors des phases de présentation des jeux. La couverture est joliment réussie et le bonus stage forme un beau clin d’œil à cet autrefois en gros pixels. Les différentes histoires concoctées par Loïc Clément sont dans l’ensemble savoureuses, elles m’ont bien parlé (les bornes d’arcade, l'incruste et le choix des copains, leurs parents, la bave hypnotique devant 2 pixels qui se battent en duel …), c’est truffé de références et de moments gentiment bien vu. Et c’est malheureusement un peu là que le bât blesse, le résultat est un poil trop gentillet à mes yeux, je trouve que ça aurait pu être bien plus drôle ou corrosif notamment sur les phases en 8 bits, quelques passages un peu mou, et je déplore des récits un poil trop court. Ma lecture fut hyper plaisante, cependant je l’ai jugé bien trop rapide avec ce fameux goût de trop peu à son issue … en fait j’en redemande, et pour le prix et le format (remarque toute mercantile) il manque une bonne vingtaine de pages pour contenter mon côté geek-radin (peut-être ça qui coûte les 4* tiens ^^) Bref, je suivrais à coup sûr un prochain (?) sur la SNES, ma machine de cœur :) Ajout tome 2 : Une série toujours coup de cœur, mais j’augmente ma note après récente relecture du tome 2. Cet album (toujours centré sur les consoles 8bits) m’a semblé plus abouti et m’a encore plus parlé (jeux et comportements). Même format et style mais je trouve qu’on s’attarde un peu plus sur les relations avec la gente féminine, ça m’a bien fait rire (me reconnaissant dans le côté gauche et naïf de notre Pixel, une époque formidable sans portable). L’astuce du saut temporel vers la fin d’album est également bien vue et permet de dynamiser un peu tout ça. Franchement bon cette série. MàJ tome 3 : Un album que j’attendais beaucoup (consacré à la SNES) pour une conclusion que je n’attendais pas !! Avec ce tome, Loïc Clement boucle les aventures de Pixel boy, et si on retrouve l’ADN de la série, la formule change légèrement. J’avoue avoir été un peu décontenancé lors de ma lecture, on perd en humour pour gagner en émotion. Le jeux vidéo s’efface au profit de la vie et questions de notre jeune (et vieux) Pixel. Le propos peut parfois paraître plus égocentrique mais j’ai trouvé la fin très belle et réussie. Le final lorgne un peu vers "Les contes des cœurs perdus" du même scénariste. Perso ça m’a bien parlé, comme toutes les références et hits de l’époque mais sans ce pré requis, je serai bien plus dubitatif sur votre plaisir de lecture. Une série qui a su me charmer et jouer avec ma nostalgique de belle manière. Toutefois je trouve qu’elle loupe un peu le coche sur le public en terme de message, ce dernier est très beau mais un peu naïf pour les adultes, et je ne pense pas qu’un jeune d’aujourd’hui s’intéresse spécialement à cette trilogie.

13/02/2023 (MAJ le 08/09/2025) (modifier)
Couverture de la série Le Manoir (Melchior)
Le Manoir (Melchior)

Il n'a pas fallu me forcer pour donner une bonne note à cette série tellement j'ai apprécié la lecture de ce diptyque. Pourtant je suis entré dans le récit avec circonspection craignant une énième redite d'un petit frère de Harry Potter. Et bien pas du tout. Il faut dire que cette adaptation est issue d'un roman d'Èvelyne Brisou-Pellen qui est une belle référence pour la littérature jeunesse 10-13 ans. J'ai trouvé le scénario très solide et inventif. J'ai trouvé cette idée d'une chronologie non fixe, un peu comme dans l'esprit des enfants, brillante. Elle permet d'introduire des éléments historiques qui pimentent et enrichissent le récit. De plus les auteurs ne se dispersent pas grâce au très attachant personnage de Liam qui dévoile peu à peu la thématique principale du récit autour de l'injustice de certains décès et de sa gestion post mortem. Ce n'est donc pas une thématique simple et guimauve surtout avec les exemples choisis par les auteurs. La prouesse de la narration est de ne jamais tomber dans le pathos mais d'offrir une ouverture apaisante . Le T1 prend le temps d'installer les personnages en laissant en suspens suffisamment d'interrogations pour se jeter sur un T2 qui m'a enchanté par l'intelligence de sa construction. Le vocabulaire est d'un bon niveau et les références historiques sont judicieusement choisies. Le graphisme de Raphael Beuchot est au niveau de ce bon scénario. L'auteur propose une narration visuelle très dynamique et expressive. Il développe une très belle ambiance fantastique où le réel et le surnaturel se côtoient d'une manière très convaincante. La belle mise en couleur accompagne le plaisir de lecture. Une très belle histoire au-delà d'un simple récit de fantôme pour un très large public. Un vrai coup de cœur qui m'incite à me plonger et à faire plonger mes enfants dans les romans d'origine.

08/09/2025 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Wonder Woman Historia
Wonder Woman Historia

Oh. Wouaw. Bigre, même ! Je suis charmé par cette BD, mais carrément charmé. Et je dois dire que je reviens de loin après lecture. Il faut dire que je ne connais rien du tout à Wonder Woman et son univers, dont je n'ai lu aucun des albums. Mais cette préquelle à la série est tellement bonne que je lirais volontiers des suites si jamais elles se présentaient à la bibliothèque du coin. L'album est très complet, l'histoire étant précédée d'une interview des auteurs très intéressante pour comprendre les enjeux du récit ainsi que la vision des auteurs que je trouve extrêmement intéressante notamment sur la question de la considération des femmes. Quelques phrases frappées au coin du bon sens parsèment cette interview dont je recommande la lecture. D'autre part l'album est complété a la fin par des pages de travail et de recherches graphiques qui mettent en lumière le travail réalisé dans les planches et notamment lorsque l'auteur s'amuse à caler des dieux dans les décors en les rendant un peu invisible. C'est une superbe idée (et une très bonne incarnation de ce qu'elles représentent) et il faut dire que sans ces pages, je n'aurais pas remarqué l'attention graphique qui fut portée aux planches. Mais parlons-en, du graphisme, puisqu'il envoie du pâté dès les premières pages avec sa représentation des Dieux qui peut piquer des yeux, mais qui a cet avantage de donner une patte graphique unique et détachée de la suite du récit, créant visuellement le choc entre les deux mondes. D'autre part, il y a une volonté de rendre les dieux protéiformes en changeant souvent de vêtements, d'attitudes, de poses, mais en restant dans quelque chose de très stylisés. Les dieux sont des symboles, visuels et métaphoriques, qui doivent assurer leur prestance avec des poses parfois improbables mais conférant directement l'idée au lecteur de ce qu'ils incarnent. On peut ne pas aimer le style très chargé (voir surchargé) mais il rend clairement compte d'un monde défiant la logique et la compréhension humaine, presque Lovecraftienne dans sa dimension mythologique. Ces dieux voient l'avenir et le modèlent, créent à partir de rien et décident de notre sort, cette toute puissance est visuellement incarnée. Et je trouve l'idée très réussie d'autant que le contraste avec les autres parties rend l'intention d'autant plus claire. Par contre, ce qui m'a le plus marqué est bien sur le scénario, qui a su me surprendre et m'accrocher. Je n'attendais pas autant de violences et de noirceur d'un récit sur Wonder Woman, mais je pense que son statut de super-héroïne culte permet ce genre d'approches. Dans un monde saturé par leur présence (adaptation en film, invasion de comics books et séries, omniprésence dans nos écrans ...) la question des super-héros change d'approche, incarnant un air du temps. Aujourd'hui The Boys triomphe à la télé, Kick-Ass fut un énorme succès et le genre connait un renouveau plus sombre, plus Dark, retournant les codes et les genres. Cette BD s'inscrit dans cette tendance actuelle en empoignant ici le sujet des femmes. Ainsi la représentation de Zeus, homme tout puissant dictant ce qui est la justice qu'il incarne (et qui paradoxalement peut être injuste ...), mais aussi les femmes prenant leur destin en main, la violence du monde envers elle, l'enfermement final ... Il y aurait beaucoup à en dire et rien qu'en discutant avec ma copine des dizaines de sujets nous semblent abordées sous un angle ingénieux, ne cherchant surtout pas à être historique ni réaliste, réinterprétant les mythes (notamment Héraklès) et donnant une image parfois nouvelle ou différentes de la mythologie. Rien que Héra, qui est ici une figure à la fois tragique et grandiose, un personnage de tragédie à l'ancienne ! (qui donne d'ailleurs envie de le voir réutilisé ensuite) Je m'épanche beaucoup mais je suis vraiment touché par cette BD. Une relecture féministe d'un univers de super-héros que je ne connais pas mais qui fait clairement référence à l'air du temps. Pas de femmes mises en avant juste parce qu'elles doivent être forte, mais une vraie réflexion de ses personnages et une écriture certes rapide mais soignée. Le genre de lecture qui me donne réellement envie de découvrir plus avant cet univers, pour autant qu'il contienne des pépites ainsi. Le genre de lecture qui donne envie d'en discuter pendant des heures ensuite, et peut-être que cela s'est ressenti dans mon avis, mais croyez-moi, j'ai écourté au maximum !

06/09/2025 (modifier)
Couverture de la série L'Héritage fossile
L'Héritage fossile

L’Héritage fossile est une BD originale qui mêle récit intime et réflexion écologique. Le dessin réaliste soutient un propos engagé sur notre rapport aux énergies et à la mémoire du passé. Un album enrichissant, parfois un peu dense, mais marquant.

06/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Barnstormers
Barnstormers

Ambiance années 20 pour cette aventure aérienne de Bix et Tillie, les Bonnie and Clyde des airs. Le dessin glamour de Tula Lotay, très original, vaut à lui seul le baptême de l'air. Le barnstorming c'était le cirque volant que pratiquaient dans les années 20, les pilotes US démobilisés de la première guerre mondiale, les fous volants : cascades et prouesses étaient exécutées en plein ciel pour épater les fermiers du monde rampant (et récolter quelques subsides grâce aux baptêmes de l'air qui étaient proposés). L'américain Scott Snyder (venu des comics US) signe un scénario qui nous emmène survoler les champs de sorgho et de soja US que viennent rehausser les superbes dessins de Tula Lotay alias Lisa Wood (une dame, c'est peu fréquent et il faut le souligner). Leur collaboration date des années 2010 avec la série American Vampire et en 2023, ils ont produit "Barnstormers", une série en ligne [Comixology désormais Amazon] dont est tiré l'album papier d'aujourd'hui, adapté des premiers épisodes. La superbe colorisation est signée par l'irlandais Dee Cunniffe. Lui, c'est l'as des pilotes, Hawk E. Baron (ou Bix Huckett c'est selon). Glorieux héros, beau gosse et bon pilote de sa Jenny (le surnom du Curtiss JN4), du moins jusqu'à que son avion s'écrase au beau milieu d'une réception de noces. Elle, c'est la mariée, Tillie (ou Petra Zolatskyi, c'est selon), une brune fatale qui, du haut des talons de ses santiags, renvoie toutes les blondes au vestiaire. « [lui] - Je ne suis pas ... un mec bien. [elle] - Tu me le jures ? » Et hop, c'est parti pour un « périple qui va terroriser certaines des plus riches familles du pays, et qui laissera cent onze cadavres », excusez du peu. Mais les années 20 c'est aussi le temps de l'agence Pinkerton et un de leurs agents se retrouve bientôt aux trousses de Bix et Tillie, les Bonnie and Clyde des airs. Alors on espère très fort que ça finira peut-être pas si mal que ça, et on voudrait bien croire « qu'ils sont trop hauts pour être atteints, trop rapides pour être pris. » On est vraiment emballé par le dessin de Tula Lotay aux influences multiples : comics, roman photo, affiches de spectacles ou de cinéma, ... Et le côté glamour qui sied à cette histoire tragique mais terriblement romantique, est rehaussé par une colorisation qui rappelle les effets obtenus à l'aérographe. À tel point que le scénario, plutôt classique, de Scott Snyder ne semble là que pour permettre à la dessinatrice de déployer tout son talent. Mais sur fond de lutte des classes, un vent de liberté souffle suffisamment fort pour bousculer les conventions et l'intrigue se révèle d'une finesse inattendue, dépassant largement le simple hommage nostalgique à l'ambiance désuète des films d'antan.

06/09/2025 (modifier)
Par Josq
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Slava
Slava

J’ai encore des larmes dans les yeux quand je commence à rédiger cet avis. Je viens juste de refermer le troisième tome… Enfin, c’était peut-être il y a dix minutes, voire plus. Le temps qu’il m’a fallu pour encaisser ça. Mon épouse me regarde, l’air étonné, un peu amusé, ou peut-être aussi gâteux. Sans doute un peu de tout ça. Je suis dévasté. Littéralement dévasté. J'ai l'impression que je viens de perdre un ami proche, je sens que le monde s'écroule autour de moi, et pourtant, tout est là, debout, immobile. Je ne comprends pas ce regard qui ne comprend pas ma douleur. Pourtant, il faut bien que la vie reprenne... Si je commence mon avis par cette courte introspection, ce n’est pas pour raconter ma vie. Mais cette scène un peu cocasse, ce mari qui n’arrive plus à retenir ses larmes devant une bande dessinée, sous le regard gentiment décontenancé de son épouse qui ne parvient pas à comprendre, c’est une scène de Pierre-Henry Gomont. Elle s’insère logiquement dans la suite du récit, elle a été créée par lui de toute pièce. On dit que le silence après Mozart est encore du Mozart, et les larmes après du Gomont sont encore du Gomont. Que dire de plus, après cela ? Tant de choses et si peu. On a l’impression que plus on va ajouter des mots, moins ils seront efficaces. Et pourtant, il faut en parler ! Il faut parler de ce fabuleux dessin de Pierre-Henry Gomont, aux couleurs si maîtrisées. La première fois que j'ai ouvert cette bande dessinée, j'ai craint d'être rebuté par ce dessin que je croyais brouillon, mais j'ai été séduit par ces couleurs délicates. Et j'ai découvert peu à peu, avec un émerveillement grandissant, la magie de ce trait d'un Sempé des temps nouveaux. Peu de dessinateurs savent exprimer avec autant de justesse que Gomont cette complexité des sentiments au travers de leur dessin. Chez lui, il y a une tonalité humoristique évidente qui n'entrave jamais la noirceur du récit. Ce qu'il a à nous dire est sombre, très sombre, mais il le dit avec la naïveté rêveuse d'un enfant. Slava est une œuvre majeure. Pas seulement une bande dessinée majeure, non. Elle est une œuvre d'art majeure. Elle transcende les formats pour nous offrir quelque chose qui ressemblerait à une forme d'art total. Visuel, évidemment, tant la splendeur et la justesse du dessin de Gomont transparaît à chaque page. Narratif, comment le nier ? Cette montée en puissance dans le tome 3 est une pure merveille d'orfèvrerie narrative. Et cette écriture... Les textes de Slava sont dignes du meilleur des romans. La puissance d'un Dumas et d'un Céline étrangement réunis dans une sorte d'épopée à la Audiard. Car bien sûr, cette alliance entre l'art narratif et l'art visuel ne peut qu'évoquer le cinéma. Quand on sort de là, on a l'impression d'avoir vu un immense film. Comment nos réalisateurs peuvent-il passer à côté de Slava ? (Non, en vrai, ça vaut mieux, peut-être que Dupontel réussirait à en faire quelque chose, mais c'est sûrement le seul !) Slava est tout aussi bruyant. Même si ses onomatopées sont en russe, elles claquent à nos oreilles autant que des répliques parfaitement écrites. On entend tout. Et comment ne pas être saisi aux tripes par cette symphonie du chaos que Gomont orchestre si bien ? Tout comme ces personnages de théâtre, qui relèvent aussi bien de la pantomime et de la commedia dell'arte que du plus puissant drame shakespearien ? Là est tout le génie de Gomont : dans le refus du choix. La pantomime survient en plein cœur de la tragédie (ou inversement), et pourtant, le tout est d'une homogénéité exemplaire ! Bref, je crois que je pourrais continuer longtemps, mais il ne faut pas. J'ai vécu une épopée en compagnie de Slava, Nina, Lavrine et Volodia. Je me suis hissé au sommet et suis tombé dans les mêmes gouffres qu'eux, en même temps qu'eux. Personne ne peut imaginer la grandeur de cette épopée qu'ils m'ont fait vivre. Même s'il y a quelques moments où le soufflé retombe un peu dans le 2e tome. Même si la vulgarité prend parfois le pas, ou que l'équilibre du récit est menacé par cette dépiction de toutes les bassesses humaines. Même si, à certains moments, on aimerait que le scénario avance (un peu) plus vite. Cette épopée que j'ai vécue, donc, personne ne peut l'imaginer mais tout le monde peut la vivre. Vivre, revivre cette tragédie de la Russie d'Eltsine. Voir, revoir la noblesse de l'âme russe, capable de surmonter toutes les tragédies. Regarder, admirer le spectacle de quelques îlots d'humanité incapables de sombrer dans les flammes d'une infernale décadence où le diable du capitalisme veut l'entraîner. Et pleurer. Pleurer les morts qu'un récit trop réel nous inflige. Pleurer la grandeur passée d'une nation qui vendit son âme à des ogres cupides et désincarnés. Pleurer la force de ces hommes et de ces femmes qui réussirent à vivre au milieu des tempêtes. Pleurer l'héroïsme de ceux qui surent faire preuve de courage et d'abnégation contre les lâches et les puissants. Pleurer face à la beauté d'un spectacle qui résonnera encore bien longtemps dans nos cœurs. Pleurer, car quand on ne sait plus quoi dire, il nous reste toujours les larmes pour l'exprimer. Pleurer. Se taire. Et contempler.

26/12/2022 (MAJ le 04/09/2025) (modifier)
Par Josq
Note: 3/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Ghost Squadron
Ghost Squadron

Un premier tome extrêmement sympathique. Il y a une vibe qui évoque clairement Buck Danny, l'aspect militaire en moins, c'est assez agréable de retrouver cette atmosphère assez typique de la grande BD classique des années 60. Le dessin de Damien Andrieu est magnifique, et joliment colorisé, ce qui donne des pages très agréables à regarder. On y est vraiment plongé, et la rigueur du trait flatte l'œil de la plus belle des manières, même si quelques cases d'action sont trop statiques ou muettes. J'ai trouvé le scénario de Buendia un poil trop expédié, lui. Le scénario semble plutôt bon - même s'il faudra lire le deuxième tome pour en juger pleinement -, mais la narration est trop rapide. Peut-être manque-t-il quelques cases par pages pour prendre le temps de développer un peu plus les dialogues, et donc les personnages. Malgré cela, ça se lit très agréablement, le mystère instauré est intéressant, et on a hâte de connaître la suite, pour savoir si ce diptyque mérite de monter au-delà de 3 étoiles.

03/09/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 2/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Enfermé - Mathurin Reto, pupille à Belle-Ile
Enfermé - Mathurin Reto, pupille à Belle-Ile

Je vais être dur avec celle-là car elle avait tout pour me plaire. Mais avant de tirer à boulet rouge sur cette BD, détaillons ce qui va bien et même plutôt très très bien, outre le fait que le sujet même me branchait bien. Il y a de prime abord cette couverture magnifique. J’aime tout : le dessin, la pose du personnage, les couleurs, le cadrage… Et un coup d’œil rapide sur les pages intérieures ne fait que confirmer cette première impression. Le traitement colorimétrique est franchement superbe et enveloppe l’ensemble d’une unité chromatique frappante. Les fonds granuleux donnent une patine indéniable, et le dessin s’anime avec force. Plusieurs cases ne comportent que des fonds blancs, ce qui peut surprendre, mais ce choix s’avère judicieux, permettant à la fois de se concentrer sur les personnages tout en évitant peut-être de noyer complètement le dessin. Le dessin est efficace, rappelant le Gipi des premières heures, et Renan Coquin sait très bien « poser sa caméra » : j’adore ses cadrages. Ma seule réserve concernera les visages, trop anguleux pour moi, taillés à la serpe ; ça j’aime moins. Mais franchement, c’est un travail d’illustration magnifique qu’a réalisé Renan. En ce qui me concerne, c’est même assez rare pour être signalé. Alors quoi ? Alors ben c’est le scénar, ou plus exactement son découpage, qui pose problème. Si Enfermé eut été un film, on aurait pu parler d’un montage hasardeux et bancal. En effet, j’ai été extrêmement frustré de ça. J’ai eu beaucoup de mal à comprendre les liens qui unissaient réellement les personnages, ainsi que l’ordre et l’intérêt de certaines scènes. Par exemple, les passages où le flic raconte, si elles sont bien entendu susceptibles d'offrir un autre point de vue, ne me semblent pas du tout pertinentes. Pire, j’ai parfois eu le sentiment que certaines séquences étaient montées aléatoirement, si bien qu’à de multiples reprises, je me suis retrouvé contraint de revenir en arrière. Alors oui, cette note illustre ma déception, et cette impression d’un immense gâchis. D'où cet étrange 2/5 assorti d'un coup de cœur !

03/09/2025 (modifier)
Par Josq
Note: 3/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Spirou et Fantasio Classique - Le Trésor de San Inferno
Spirou et Fantasio Classique - Le Trésor de San Inferno

Fabrice Tarrin et Lewis Trondheim ont déjà touché à l'univers de Spirou, mais c'est la première fois qu'ils se réunissent. Je dois bien avouer que je n'avais pas trop aimé leurs premières incursions dans cet univers, même si Tarrin au dessin m'a toujours satisfait. Ici, le résultat est à mon avis bien plus plaisant ! Nouveau tome de la série Spirou et Fantasio Classique, ce Trésor de San Inferno en est à mon avis clairement le meilleur tome (en considérant Spirou chez les Soviets comme un Classique, ce que Dupuis n'a plus l'air de faire... Ils sont durs à suivre, parfois !). Le dessin de Tarrin s'affine peu à peu et, plus épuré que dans Spirou chez les Soviets, il est ici d'une impressionnante efficacité. Il hisse en tous cas Tarrin au rang des meilleurs repreneurs de la saga, sur le plan graphique, sans aucun doute. Côté scénaristique, je suis un peu plus partagé. L'introduction du récit est proprement géniale. En quelques pages, Trondheim renoue avec le génie de Franquin en posant efficacement le décor, et en introduisant les personnages avec un art consommé. Les joutes oratoires habituelles entre les personnages sont très drôles, et l'arrivée de Seccotine dans l'histoire est parfaite en tous points. A la lecture de cette introduction, j'ai vraiment cru que je lisais le meilleur Spirou depuis Franquin. Mais la suite du scénario est un peu plus discutable. Je ne saurais que trop conseiller à ceux qui me lisent de ne surtout pas se fier au synopsis officiel. Il est certes fidèle au premier tiers de l'album, mais ensuite, le récit part dans une toute autre direction. D'un côté, j'aime cet aspect inattendu, que les aficionados de Trondheim connaissent bien. D'un autre côté, la direction choisie ramène le récit dans quelque chose de beaucoup plus anecdotique que les promesses initiales du synopsis, notamment par rapport aux antagonistes. Je n'en dirais pas plus, mais j'ai eu un moment l'impression que l'intrigue tournait un peu en rond. Je reconnais malgré tout qu'arrivé à la conclusion du récit, j'étais tout de même très satisfait de cette lecture, qui renoue avec la simplicité et l'art épuré de l'âge d'or de la bande dessinée, dans les années 60. Et tout anecdotique que soit l'histoire, je ne peux qu'en être content ! Bref, j'aimerais bien que ce duo Trondheim/Tarrin reste sur la saga, et nous propose de nouveaux albums, mais peut-être en musclant un peu plus leur jeu d'ici là ! Mais vu comme il semble avoir été compliqué de convaincre Tarrin de revenir sur la saga, pas sûr que ce soit de si tôt... (même s'il a annoncé qu'il ferait les crayonnés du prochain tome de Spirou chez les soviets, alors tout est possible !)

01/09/2025 (modifier)