Les derniers avis (24 avis)

Par Alix
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série L'Histoire d'un vilain rat
L'Histoire d'un vilain rat

J’adore la genèse de « L'Histoire d'un vilain rat ». Bryan Talbot voulait écrire une histoire se déroulant dans la magnifique région anglaise du Lake District (où ma femme et moi adorons partir en vacances). Ne voulant pas réaliser un simple reportage, il a commencé à formuler l’histoire d’une jeune femme SDF fuyant Londres pour partir sur les traces de Beatrix Potter, l’autrice des livres jeunesse « Peter Rabbit » (Pierre Lapin en français), elle-même originaire du Lake District. Il ne lui manquait plus qu’une raison pour cette fuite. Suite à des recherches sur les abus infantiles, Bryan Talbot fut bouleversé par ce fléau plus que jamais d’actualité, et en fit finalement le thème central de cet album (lire notre interview de 2024 pour plus d’infos sur la genèse de cet album). L’histoire, fictive mais inspirée de témoignages réels, est parfaitement racontée, et les déboires de Hélène m’ont captivé et beaucoup touché. Il s’agit d’un pur roman graphique qui devrait plaire aux amateurs du genre. Le ton est juste et finalement plutôt optimiste et éducatif, la morale étant qu’il faut parler de ce genre d’abus pour faire avancer les choses. La mise en image est adaptée à ce genre d’histoire, et propose quelques trouvailles originales (le rat géant, les suicides imaginés, les hallucinations). Et puis les paysages du Lake District en deuxième moitié d’album sont un délice pour les yeux. J’ai personnellement passé un excellent moment de lecture. La réédition chez Delirium est l’occasion rêvée de découvrir ce chouette album.

21/01/2024 (MAJ le 06/02/2025) (modifier)
Par Anhia
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Lover Dose
Lover Dose

Coup de coeur maximal !! Enfin le retour de la BD d'humour, ça fait du bien ! Sujet sans fin que le couple, c'est hilarant et le style graphique est hyper lisible et rafraichissant ! Bref, j'ai adoré, j'avais envie de le partager.

05/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Louca
Louca

J’ai prêté mes Loucas en classe et TOUT le monde a voulu les lire !! Les dessins sont superbes, surtout vers la fin de la série ! L’intrigue est bien réfléchie et je m’étonne à chaque fois de voir ce que les proches de Louca lui font “subir” ! Je suis en stress depuis que j’ai lu le 11 de savoir la suite !!! J’ai hâte que le prochain sorte en librairie !

05/02/2025 (modifier)
Couverture de la série La Trahison d'Olympe
La Trahison d'Olympe

Indéniablement mon coup de cœur graphique de l’année 2024. Pour un premier album, l’auteur en impose, il assure tout seul et fait preuve d’une grande maîtrise. L’objet est superbe et l’intérieur l’est tout autant. On déguste chaque planche, le monde déployé possède un petit côté loufoque et absurde qui a su m’attraper. C’est fait avec beaucoup de talent. Je conseille vivement à ceux qui aiment les expériences narratives. Hâte de lire la suite.

04/02/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Le Nom de la Rose
Le Nom de la Rose

Les images marginales prêtent souvent à sourire, mais à des fins d’édification. - Ce tome est le premier d’un diptyque formant l’adaptation en bande dessinée du roman du même nom, paru en 1980, d’Umberto Eco (1932-2016), ayant fait l’objet d’un film en 1986, réalisé par Jean-Jacques Annaud, avec Sean Connery (1930-2020) et Christian Slater dans les rôles principaux. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Milo Manara pour l’adaptation et les dessins, par Simona Manara pour les couleurs, avec une traduction de Jean-Noël Schifano conformée à la présente adaptation graphique par Aurore Schmid. Il comprend soixante-deux pages de bande dessinée. Il se termine par un cahier de recherches graphiques de sept pages. À pic sur une boucle du Danube, à proximité de Melk, se dresse le très beau Stift, un monastère plus d’une fois restauré au cours des siècles. L’écrivain s’y rend vers la fin août 1968 pour dénicher quelque trace d’un manuscrit ancien – naturellement. Il en avait trouvé mention dans un livre dû à la plume d’un certain abbé Vallet. Le livre s’intitulait Le manuscrit de Dom Adson de Melk, traduit en français d’après l’édition de Dom J. Mabillon, et on le lui mit dans les mains à Prague, le 16 août 1968. Dans l’attente d’une personne chère, il rédigeait presque d’un seul jet, une traduction sur ces grands cahiers de la papeterie Joseph Gibert, où il est si agréable d’écrire avec une plume douce. Six jours après, les troupes soviétiques envahissaient la malheureuse ville. En suivant un parcours hasardeux, il parvint à atteindre la frontière autrichienne à Linz. De là, il se dirigea vers Vienne, où il rejoignit la personne attendue, et ils remontèrent le cours du fleuve. Avant d’arriver à Salzbourg, une nuit tragique, dans un petit hôtel sur les rives du Mondsee. La personne avec qui il voyageait disparut en emportant dans son bagage le livre de l’abbé Vallet. Il ne lui resta ainsi qu’une série de cahiers écrits de sa propre main et un grand vide dans le cœur. Quelques mois plus tard à Paris, à la bibliothèque Sainte-Geneviève, il trouvait les Vetera Analecta auxquels faisait référence Vallet. Inutile de dire qu’ils ne contenaient aucun manuscrit d’Adso ou Adson de Melk. Il en serait probablement encore à se demander d’où pouvait bien venir l’histoire d’Adso de Melk si, en 1970, à Buenos Aires, ne lui était aussi tombé dans les mains un opuscule de Milo Temesvar, trouvé sur les étagères d’un petit libraire antiquaire dans la Corrientes. Il s’agissait de la traduction introuvable de l’original en langue géorgienne du De l’utilisation des miroirs dans le jeu des échecs, et, à sa grande surprise, il y lut de copieuses citations du manuscrit d’Adso, sauf que la source n’en était pas Vallet, mais bien le père Athanasus Kircher. Les épisodes auxquels il se référait étaient absolument analogues à ceux du manuscrit trouvé par Vallet. C’est ainsi que l’écrivain se sent libre de raconter par simple goût fabulateur, l’histoire d’Adso de Melk, si glorieusement éloignée du temps présent parce que c’est là une histoire de livres, non de misères quotidiennes, et sa lecture peut incliner à réciter avec le grand imitateur A. Kemois : In omnibus requiem quaesivi, et nusquam inveni nisi in angulo cim libro. (J’ai cherché le repos partout et ne l’ai trouvé que dans un coin avec un livre.) Adapter le roman le plus célèbre d’Umberto Eco en bande dessinée constitue un défi impressionnant, et le lecteur est fort aise de découvrir que c’est un bédéiste chevronné qui se donne ce défi. Cet écrivain sait conjuguer une intrigue en forme de polar médiéval, révélateur de facettes de la société de l’époque, avec des questionnements philosophiques, un regard d’historien et une savante contextualisation, encore enrichi par d’élégantes métaphores. Une seule certitude : l’adaptation d’une telle œuvre ne peut que perdre en densité du propos de l’auteur, tout en s’y heurtant. De fait, le lecteur voit bien deux ou trois passages au cours desquels l’adaptateur se trouve confronté à la nécessité de transmettre une énorme quantité d’informations en respectant le style de l’écrivain, à la fois dans sa langue et dans la forme, en l’occurrence quel personnage parle. Cela commence avec le prologue dans lequel l’écrivain évoque le processus par lequel il a mis la main sur les mémoires d’Adso de Melk : un texte courant d’un cartouche à l’autre, avec de magnifiques illustrations, le monastère se reflétant dans la rivière, l’écrivain s’adressant au lecteur, le même prenant des notes, un char dans les rues de Prague, puis un fac-similé d’une gravure ancienne dans laquelle un moine se tient à son scriptorium. Cette sensation réapparaît chroniquement face à un phylactère occupant plus de place que le dessin dans une case. Le principe de reprendre des portions du texte original revient en page cinquante-quatre le temps de trois pages, puis de deux autres un peu plus loin. L’artiste passe en mode illustration avec des traits de contour ténus et assurés. Il s’agit d’évoquer la vie du moine Salvatore : de son village natal où les champs pourrissaient tandis que l’atmosphère était viciée par miasmes mortifères, jusqu’à une vie de vagabondage au sein d’une bande de déshérités suivant frère Paul, un boiteux qui se vantait d’avoir eu directement du Saint-Esprit, la révélation que l’acte charnel n’était pas péché. Le lecteur ressent de l’empathie pour ce pauvre homme, ballotté par les circonstances de sa naissance, soumis à la réalité de grands mouvements sociaux, qu’il est incapable de discerner, encore moins de nommer. Puis vient l’histoire d’Ubertin de Casale qui se mêle aux personnes qui suivent le prédicateur Fra Dolcino. À nouveau, l’empathie fonctionne, et le lecteur perçoit l’histoire personnelle d’un individu défavorisé par les circonstances de la naissance. Les dessins apparaissent également d’une incroyable délicatesse, et d’une grande élégance, autant de miniatures permettant au récit de s’incarner, au lecteur de voir de vrais êtres humains qui souffrent tout en espérant un avenir meilleur. Avec un peu de recul, le lecteur perçoit les éléments historiques référencés, sans être toujours explicités. Durant ces deux séquences consacrées à la vie de deux moines, sont évoqués la pauvreté du peuple, les prédicateurs franciscains, le pape coupable de simonie, la croisade des Pastoureaux de 1320 (une insurrection populaire), le règne de Philippe V, une croisade contre des hérétiques, différentes hérésies religieuses. Au début du récit, Guillaume de Baskerville évoque son métier d’inquisiteur, et Adso évoque la chrétienté divisée entre l'autorité du pape Jean XXII et celle de l'empereur Louis IV du Saint-Empire. En fonction de sa familiarité avec cette époque, le lecteur peut éprouver le besoin de se renseigner plus avant, ou alors il soupire d’aise en voyant ce contexte clairement exposé et utilisé avec intelligence. De son côté, Milo Manara réalise des dessins d’une minutie exquise pour donner à voir cette époque, à la fois dans les tenues vestimentaires, et dans les ustensiles divers et variés, que ce soit dans la cuisine, dans la bibliothèque ou encore dans l’herboristerie. Le lecteur se régale de ces images délicates et précises, donnant à voir les lieux tels qu’ils sont perçus par le jeune Adso. Une fois passé les trois pages de prologue, le lecteur découvre une page dense de contexte historique, Louis IV et Jean XXIII, la position des Franciscains par rapport au pape, la pauvreté du Christ comme vérité de Foi. Puis la narration passe en mode direct, et le lecteur se retrouve à grimper la pente enneigée d’un chemin pour rallier l’abbaye, dans des teintes grisées, un temps de neige. Page onze : une vue en contrebas de la gigantesque abbaye, dans un dessin en pleine page à couper le souffle. Très conscient des décors exceptionnels, l’artiste s’investit dans leur représentation, dans des dessins en pleine page, ou occupant deux tiers d’une page, magnifiques. Le lecteur ralentit consciemment son rythme pour savourer une vue générale en plongée oblique sur le domaine de l’abbaye et son mur d’enceinte, la vision de l’église et de son tympan historié, un immense couloir avec une hauteur sous plafond de trois ou quatre étages, la cuisine avec tous les servants en activité, le scriptorium avec les moines au travail, l’herboristerie, etc. Comme dans le film de Jean-Jacques Annaud, l’abbaye devient un personnage à part entière, surprenant, écrasant par sa taille, tolérant l’activité des hommes en toute indifférence. L’adaptateur met en scène l’enquête en elle-même : le constat des décès, l’examen des cadavres, la recherche d’indices, les phases de déduction, dans un registre naturaliste, dont sourd une inquiétude générée par le caractère factuel des constats et l’incompréhension de ce qui motive le coupable, ainsi que l’absence d’explication rationnelle de la cause de la mort. Le lecteur ressent la mécanique du polar : à la fois la dimension ludique de comprendre comment les cadavres peuvent se retrouver à ces endroits, à la fois la dimension sociale et historique car le contexte est spécifique et les meurtres touchent aussi bien les simples moines que les responsables. Le lecteur sent bien au fond de lui-même que l’auteur se joue de lui, entre les indices insuffisants pour pouvoir anticiper les révélations, et ce mystère autour d’une bibliothèque. En effet, la présence de livres au sein d’une histoire produit automatiquement une mise en abîme. Il y a déjà ce nom très particulier de Baskerville qui fait penser à une enquête de Sherlock Holmes : Le chien des Baskerville (1902). Il y a également cette bibliothèque dont l’accès est réglementé, et une zone interdite, induisant un questionnement sur les effets produits par la lecture sur les moines. En sus du questionnement sur le rire dans la foi catholique, la contemplation des petits personnages dessinés par Adelme d’Otrante, la première victime, qui attire l’attention des moines. L’un d’eux en parle en les qualifiant d’images marginales, une formulation évoquant les Marginals de Sergio Aragonés, petits dessins fourmillant dans les marges du magazine MAD. Découvrir Le nom de la rose, par cette adaptation en bande dessinée : une bonne idée, car Milo Manara met tout son savoir-faire au service de ce récit, sans en occulter de facettes. Le lecteur commence par assimiler le contexte historique du récit, puis il se retrouve aux côtés d’Adso, jeune moine, accompagnant Guillaume de Baskerville, moine confirmé. Les pages sont magnifiques, faisant honneur tant à la reconstitution historique, qu’aux décors saisissants. Qu’il connaisse l’intrigue ou non, le lecteur prend rand plaisir à lire, bien au chaud, cette enquête dans cette abbaye sous la neige. Du grand art.

04/02/2025 (modifier)
Par Charly
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Le Combat ordinaire
Le Combat ordinaire

J’ai tout de suite été pris par l’histoire. Dès les premières pages, j’avais envie de savoir ce qui allait se passer ensuite. Chaque événement arrive au bon moment, et il y a toujours quelque chose d’intéressant. Il y a du suspense, de l’émotion et même des moments drôles. Tout s’enchaîne naturellement, et je n’ai pas vu le temps passer en lisant. Cette bande dessinée parle de sujets qui me touchent. Elle évoque des sentiments forts comme l’amitié, la peur, la joie ou encore le doute. On y trouve aussi des réflexions sur la vie, sur les choix que l’on fait et sur les conséquences qui en découlent. Par moments, cela m’a fait réfléchir, et à d’autres, cela m’a ému. Tout est bien dosé, et rien ne semble exagéré. J’ai adoré suivre les personnages. Ils sont attachants et réalistes. Chacun a son caractère et ses qualités, mais aussi ses défauts, ce qui les rend crédibles. Certains m’ont fait sourire, d’autres m’ont touché. J’ai eu l’impression de les connaître pour de vrai. Leurs réactions sont naturelles, et je me suis facilement mis à leur place. Les dessins apportent une vraie ambiance à l’histoire. Les expressions des personnages sont bien faites, et chaque détail compte. Bref, cette BD m’a fait passer un excellent moment. Je la recommande à tout le monde, et je la relirai avec plaisir !

03/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Deux Filles nues
Deux Filles nues

La responsable de ma petite BM a eu le nez fin en faisant entrer cette série début janvier. C'est en la lisant ,ce weekend, que j'ai appris sa dignité de Fauve d'Or du meilleur album à Angoulême. Personnellement je trouve ce choix très pertinent. En effet Luz nous propose une docu-fiction construite avec beaucoup d'intelligence et de justesse. Sur une période très visitée, l'auteur apporte une grande originalité de par son parti pris visuel. Ce parti pris renvoie immédiatement à l'histoire personnelle de Luz. Comme l'auteur, la peinture d'Otto Mueller a survécu à des épisodes d'une violence insensée. De la même manière le tableau assite avec sidération à l'avènement d'un monde mortifère qui détruit toute possibilité de l'élargissement de la pensée, surtout contradictoire. L'entrée en matière de la série mérite déjà les applaudissements tellement je la trouve originale et donneuse de sens à ce qui va suivre. Luz installe son lectorat dans une position privilégiée de témoins à travers les yeux des jeunes femmes. Position privilégiée mais inconfortable car elle insiste sur notre impuissance à modifier ces funestes fumées qui sortent des crématorium ou à intervenir sur les personnages omnipotents et cruels qui se penchent sur l'image d'un monde aux antipodes du leur. Le scénario est parfaitement équilibré entre un documentaire très travaillé et instructif et une fiction où l'émotion nous saisit en de nombreux endroits. Le texte est parfois rare comme il se doit dans la contemplation mais il porte toujours par sa précision et sa justesse. Enfin j'ai été conquis par la narration visuelle que propose Luz. Son trait économe va à l'essentiel pour rendre compte de cet environnement mortifère. Nous n'avons pas besoin de plus qu'un coin de fenêtre ouvert sur une cheminée , une horde vindicative aux brassards monstrueux pour être happés pour l'horreur du monde extérieur. C'est sombre mais touchant en nous renvoyant à notre responsabilité contemporaine de spectateurs passifs dans de nombreux domaines. Je renvoie à l'excellente postface de Rita Kersting , Directrice du musée de Cologne, pour une compréhension encore plus fine du travail de Luz. Une très belle lecture.

03/02/2025 (modifier)
Couverture de la série D'or et d'oreillers
D'or et d'oreillers

Attirée par les coups de cœurs des autres avis et la jolie couverture, j'ai décidé d'essayer la lecture de cet album un peu à l'aveugle, ne connaissant que son statut de conte et le fait qu'il s'agit d'une adaptation d'un roman lui aussi avec de bons retours (mais que je n'ai pas lu). Eh bien, ce n'est certainement pas moi qui vais faire baisser sa note : c'est très bon ! Au début, on s'attend à une réécriture de "La Princesse au petit pois" (la comparaison est même faite dans l'introduction), mais ici pas de ça, le sujet est tout autre. Pas de princesse délicate, nous suivons Sadima, une femme de chambre fière et maline qui, a défaut de se plaindre d'un petit poids, va devoir comprendre et déceler les mystères de l'étrange maison de son hôte. L'histoire m'a beaucoup surprise. En bien. La maison (et l'histoire par la même occasion) est une gigantesque métaphore sur une blessure familiale, une femme mariée de force, enfermée contre son gré, se sentant être dépecée petit à petit, morceau après morceau, et faisant souffrir son fils sans même s'en rendre compte, lui-même se sentant progressivement se perdre et tomber en lambeaux. La symbolique des morceaux de corps et de la quête pour retrouver ce qui lui manque (et le choix de l'endroit où se trouve ce morceau manquant) est vraiment intéressante et très jolie à voir. Le parallèle avec les contes et les princesses délicates qui se marient avec le beau prince est plus profonde qu'il n'y parait au premier abord, c'est bien des rapports homme-femme et du statut d'objet de désir de ces dernières aux yeux des premiers, des risques qu'elles encourent et des violences qu'elles subissent, qu'il s'agit. La souffrance de la mère, son spectre et le drame l'entourant qui hante encore la maison, le fils qui apparaît au début comme étant si étrange qu'on s'attendrait à ce qu'il y ait une mauvaise surprise là-dessous, et notre héroïne qui ne se laisse pas faire et se tient droite, ... Franchement, une histoire aux enjeux féministes très prenante. Et la forme est sans nul doute une des grandes forces de cet album. Le dessin de Mayalen Goust est magnifique, jouant sur les couleurs, les formes, les non-dits (avec de belles symboliques parfois, notamment pour l'acte sexuel), ... La représentation de la maison, symbole de cette famille au lourd passé, symbole du foyer causant la perte des jeunes femmes aussi, toujours changeante et étouffante, est très bien rendue. On la sent vivante, prédatrice, mourante aussi. La mise en scène et le découpage de l'action sont parfois assez originaux, on joue quelques fois avec les codes-mêmes de la bande-dessinée. Non, il n'y a pas à dire, en plus d'être une très belle histoire, nous avons surtout ici un très bel album !

03/02/2025 (modifier)
Par Spooky
Note: 3/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Les Porteurs d'artefacts
Les Porteurs d'artefacts

Tiens, voilà une nouvelle série signée Ludo Danjou, scénariste fan de mythologies et de fantasy qui se faisait un peu trop rare ces derniers temps. Il nous revient donc avec une série avec et pour des adolescents. les Porteurs d'artefacts sont des jeunes pris en charge par l'aide sociale à l'enfance qui se retrouvent embarqués dans de drôles d'aventures, dans des mondes différents. L'influence du jeu de rôle est très présente dans ce premier tome, avec des références assez marquées (et un glossaire en fin de tome au cas où l'on ne serait pas trop au fait du vocabulaire associé). Les personnages sont sympathiques, un brin caricaturaux, mais dans un récit de ce type, ça passe. Les origines du monde où se retrouve le groupe d'enfants sont -un peu- explicitées à la fin, mais cet épisode permet de mettre la série sur d'autres rails que la "simple" aventure pour ados. Nul doute que le scénariste va développer ça par la suite. Je suis curieux de voir comment il va développer l'évocation de l'ASE, car c'est un milieu très particulier, très dur, qui mériterait d'être exploré plus souvent dans la fiction. Dans le tome 2 nos deux héros sont rejoints par un troisième porteurs d'artefacts, et on en apprend un peu plus sur les pouvoirs de Redouane, enfin de son artefact personnel. Un nouveau personnage, lui aussi emblématique du jeu de rôle, dont on sent qu'il doit prendre de l'importance par la suite. Ce deuxième tome se place dans la droite ligne du premier, avec cet alliage entre ambiance jdr, fine observation des pensées des adolescents et un arrière-plan où la réalité des enfants placés n'est pas éludée. Il faut dire que Ludo Danjou est responsable périscolaire et a exercé au sein de l'aide sociale à l'enfance. Graphiquement l'Italienne Chiara Iacobelli fait un boulot informatisé très agréable à l’œil, même si elle me semble manquer encore de maturité dans les proportions de ses personnages, et son envie de faire des cadrages volontairement décalés. Un petit reproche : la grotte est beaucoup trop éclairée... Mais j'ai hâte de lire la suite des aventures d'Elie and co. Dans le tome 2 elle fait un très bon boulot sur ses personnages, mais aussi les monstres ; on sent qu'elle s'éclate dans l'univers de fantasy mis en place par son scénariste. C'est un peu le genre de pitch que j'aurais aimé lire ou écrire étant adolescent ou jeune adulte : des jeunes un peu libres de leurs mouvements sans être marginaux, qui vivent des trucs aussi improbables que palpitants. On note que les deux premiers tomes forment un diptyque assez plaisant.

28/12/2023 (MAJ le 03/02/2025) (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Grégory
Grégory

Toute cette boue, cette haine… Remuer encore tout ça. Les mêmes questions, toujours… - Ce tome constitue une reconstitution de l’affaire du Petit Grégory, aussi appelée Affaire Villemin, réalisée avec l’assentiment et la participation de Jean-Marie Villemin. Sa première édition date de 2024. Il a été réalisé par Pat Perna pour le scénario, Christophe Gaultier pour les dessins et les couleurs, avec une préface de deux pages, écrite par Jean-Marie Villemin. Dans celle-ci, il revient sur le déroulement des faits, le rôle toxique de certains journalistes, les dysfonctionnements de la justice, la genèse du projet de bande dessinée. Il estime que malgré des raccourcis nécessaires à la narration, le fond demeure authentique, rien n’est inventé, et que cette bande dessinée honore la mémoire de Grégory, ce dont il est heureux. L’ouvrage se termine avec une postface de trois pages, rédigée par Jacques Expert, grand reporter à France Inter, un plan de Lépanges-sur-Vologne, et un de Docelles, et enfin un arbre généalogique de la famille Villemin et de la famille Laroche, ainsi que la liste des sources utilisées. En 1984, Christine Villemin mout son café au son de Billie Jean qui sort de la radio. Elle va prévenir son fils Grégory, quatre ans, que c’est Mickael Jackson qui passe. Il se trouve dans la cour au pied de l’échelle sur laquelle est monté son père Jean-Marie pour refaire le bardage du mur. Ce dernier demande au petit de s’écarter car c’est dangereux. L’enfant s’éloigne contrarié, sa mère le sert dans ses bras et le réconforte. Il repart jouer dans le jardin et appelle sa mère car il a découvert un joli crapaud. Le père a fini ses travaux et il descend pour emmener son fils faire un tour. Un coup de vent emmène le chapeau de l’enfant. 16 octobre 1984, le chapeau de cowboy se trouve toujours dans la pelouse et des feuilles commencent à le recouvrir. 31 octobre 1993, à Évry, cité des Pyramides, Christine Villemin rejoint l’appartement qu’elle partage avec son époux, sous le nom de Dintinger. Celui-ci termine de préparer sa valise. Il la serre contre lui et la réconforte, puis il s’en va en lui disant qu’ils se retrouveront là-bas lundi. 2 novembre 1993, Jean-Marie est couché sur le lit de sa cellule qu’il partage avec deux autres détenus. Ils discutent ensemble, Jean-Marie a conscience qu’il y a un risque qu’il soit condamné. L’un des prisonniers le réconforte en lui disant que dans ce cas-là, il sera sorti au bout de cinq ans. La discussion continue et Villemin indique qu’il sait qui a tué son fils, il le sait depuis que Murielle Bolle a parlé, il suffit de se poser les bonnes questions. Qui pouvait avoir accumulé tant de haine, de jalousie, de rancœur pour assassiner un enfant de quatre ans et le jeter à la Vologne ? Il dispose de six semaines pour faire éclater la vérité, et aussi pour qu’on comprenne son geste. Il ne dit pas pardonner, mais comprendre. Le 3 novembre, le journaliste de RTL commente les événements. C’est aujourd’hui que s’est ouvert aux assises de Dijon le procès de Jean-Marie Villemin pour l’assassinat de son cousin Bernard Laroche. C’est un peu délicat : une bande dessinée sur un drame atroce bien réel, dont les principaux intéressés sont vivants au moment de la parution, qui a donné lieu à de nombreux débordements médiatiques… Y a-t-il encore besoin d’en rajouter, de remuer la boue une nouvelle fois ? Certes, la participation et l’accord du père de l’enfant laissent à penser que cette version présente plusieurs intérêts. Et puis tout le monde n’a pas suivi les différentes phases de cette affaire, n’était pas né ou en âge de comprendre au moment des faits. La nature de ce meurtre ignoble, l’emballement médiatique et les errements de la justice, tout cela augure d’une lecture difficile. La préface donne l’assurance d’une version conforme aux souvenirs et au vécu du père. La postface vient attester du sérieux de l’ouvrage. Un feuilletage rapide montre que les auteurs se tiennent à l’écart du sensationnalisme : pas de scène de l’assassinat du petit garçon, pas de scène de l’assassinat de Bernard Laroche. En revanche, la mise en scène de la douleur des parents, de leur détresse face à l’acharnement, de la douleur d’autres personnes impliquées, en particulier Marie-Ange Laroche. La narration s’inscrit dans un registre réaliste et descriptif, avec des traits de contour un peu appuyés et comme griffés, des traits plus fins pour les textures et les ombrages, sans effet ou apparence photographique, ce qui crée une distance salutaire, sans impression de voyeurisme ou de pseudo reconstitution d’époque. Entre la gêne du voyeurisme et l’inquiétude de la partialité, le lecteur entame cet album. Tout commence par une scène aussi intime que banale : un enfant joueur et curieux, des parents attentionnés. La narration visuelle se positionne sur un plan factuel : sans enjoliver ou romantiser les personnages, avec des traits encrés qui apportent la marque d’une réalité un peu rugueuse, présentant des aspérités et des traces de l’usure du temps. La page douze est occupée par un dessin en pleine page : le chapeau d’enfant abandonné, la maison en arrière-plan, les couleurs sont un peu ternes, engendrant un sentiment de tristesse. La tristesse s’accentue encore avec la page en vis-à-vis : une vue en élévation d’une zone de HLM, la banlieue dans ce qu’elle a de plus morne et d’habitat concentré. Le lecteur se fait la réflexion que le récit est passé de 1984 selon toute vraisemblance à 1993. S’il est familier de cette affaire criminelle, le lecteur replace tout suite ces deux séquences dans la chronologie, sinon il attend de découvrir ce qu’il en est, tout en se doutant de ce à quoi elles correspondent. Il comprend que les auteurs ont choisi une structure prenant comme point central la procédure de jugement de Jean-Marie Villemin, pour le meurtre de Bernard Laroche. Le père retourne donc en prison, puis il est emmené au tribunal de Dijon. Le récit se déroule à partir de là avec les témoignages successifs et des retours en arrière. De ce fait, la trame temporelle du récit se cale sur celle des témoignages pouvant revenir à des dates différentes en fonction de qui est à la barre. Le lecteur s’adapte ainsi à chaque intervention pour suivre l’ordre chronologique, tout en voyant le développement d’un point de vue de différent. Ainsi les circonstances de l’assassinat de Bernard Laroche (29 mars 1985) sont exposées avant que les rétractations de Murielle Bolle (début novembre 1984). Le scénariste parvient à rendre compte des faits, des développements de l’enquête et de ses errements de sorte à ce que le lecteur néophyte puisse s’y retrouver, tout en montrant les conséquences sur les parents du petit Grégory. La narration visuelle se retrouve entièrement assujettie aux témoignages et aux déclarations. Le lecteur constate que scénariste et artiste ont travaillé en coordination pour éviter de longues dépositions avec uniquement une enfilade de têtes en train de parler. En particulier, le lecteur voit systématiquement où se déroule chaque déclaration, l’état émotionnel de la personne en train de parler, éventuellement la réaction d’autres personnes. Seules deux dépositions se limitent à une succession de têtes en train de parler le temps d’une page : celle du commandant Sesmat, et celle de la journaliste Laurence Lacour. Il garde à l’esprit qu’il s’agit d’une version du point de vue de Jean-Marie Villemin, et aussi qu’il existe des archives sur le déroulement des auditions, en particulier sur ce qui a été dit. D’un côté, le lecteur a conscience qu’il s’agit d’une affaire criminelle non élucidée, avec des personnes encore vivantes accusées ou innocentées. D’un autre côté, il se rend compte qu’il est incapable de réprimer son empathie pour la mère ou pour le père de l’enfant. Ils sont montrés accablés par la douleur de leur deuil, des êtres humains en souffrance. Les autres acteurs du drame sont également représentés avec respect et dignité sans être diabolisés. Les dessins conservent une forme de distance, une façon de respecter l’intimité des uns et des autres, même lorsqu’une personne perd contenance et s’écroule en larmes. Il constate l’honnêteté de la démarche par exemple lors de la déposition de Murielle qui reste factuelle et conforme à la réalité, sans omettre le fait qu’elle a appris qu’elle était enceinte le jour de l’assassinat de son mari. Il ressort toutefois une personne dont la mise en scène du comportement constitue un jugement de valeur sans appel : le juge Jean-Michel Lambert. S’il prend l’envie au lecteur d’en savoir plus, par exemple en consultant une encyclopédie en ligne, il voit que l’ouvrage ne recherche pas l’exhaustivité, et que l’affaire criminelle se poursuit bien après 1993, ce tome se terminant d’ailleurs par un À suivre… En fonction de son âge et de sa familiarité avec l’affaire, l’intérêt du lecteur peut s’avérer de différente nature. Une simple curiosité sur un fait divers : il découvre alors à quel point l’expression Fait divers est inappropriée. Une interrogation sur la réalité humaine d’une affaire judiciaire, de son instruction : il en perçoit alors différentes facettes, tout en ayant conscience que l’exposé n’est pas exhaustif. Un questionnement sur ce qui a abouti à un atroce imbroglio : là aussi, il en perçoit des éléments variés. Le caractère arbitraire d’un tel crime : il est le témoin de l’impact à vie du crime et de l’instruction sur le père de l’enfant, sur la mère de l’enfant, sur les personnes mises en cause, sur quelques personnes de manière incidente, telle la nounou de Grégory. Il se dit que la lecture de cette bande dessinée et sa réalisation ne s’apparentent pas au voyeurisme d’un accident de la route, mais à un témoignage humain d’un drame horrible et atterrant. Une bande dessinée pour parler d’une des affaires criminelles françaises les plus médiatisées, avec un parti pris, celui du père de l’enfant. Les auteurs affichent explicitement ce choix dès la couverture, et le lecteur entame cet ouvrage en toute connaissance de cause. Il découvre une narration visuelle entièrement au service du témoignage et de la reconstitution, présentant la distance nécessaire pour éviter le voyeurisme malsain, la compassion attendue envers les personnes qui souffrent, un degré élevé de neutralité pour éviter toute sensation de vengeance ou de revanche. À partir des déclarations de Jean-Marie Villemin, le scénariste a dû opérer des choix pour rendre l’affaire intelligible au néophyte, et assez expliquée pour intéresser le lecteur qui en a entendu parler. Il parvient à l’objectif fixé, en contextualisant les faits, l’artiste montrant des êtres humains, en laissant de côté la majorité des reproches nominatifs relevant au mieux d’incompétence, au pire de malveillance. Poignant.

03/02/2025 (modifier)