David B. est un auteur original, et cet album le confirme. Il confirme aussi qu’il a du talent, que ce soit pour le graphisme ou pour la narration.
L’album est un recueil de trois histoires (la dernière, « Le tambour amoureux » est inédite, les deux premières, « Le prophète voilé » et « Le jardin armé » ayant été prépubliées dans la revue Lapin de L’Association), la dernière pouvant se lire comme une suite de la précédente.
Dans les trois histoires, il est question de luttes pour le pouvoir, mais surtout d’exigences religieuses, les deux étant souvent liées. Dans la première le calife fait face à une révolte menée par un « prophète voilé » - mais c’est aussi la révolte des régions perses contre les conquêtes arabes récentes, tandis que dans les deux suivantes, ce sont les révoltes hussites qui ont marqué le centre de l’Europe au XVème siècle qui offre le cadre du récit.
En tout cas dans chaque histoire il est question de salut, le côté eschatologique est très présent, le paradis est cherché et questionné.
Mais ce qui ajoute de l’intérêt aux récits, c’est bien sûr le dessin de David B., que j’aime beaucoup. Le rendu est à la fois moderne et proche de certaines imageries médiévales plus ou moins stylisées. Et, lui qui est amateur de surréalisme, il n’hésite pas à développer un fantastique qui s’en rapproche parfois.
J’ai trouvé cet ensemble à la fois beau et intéressant, intelligent. Plein de références (religieuses, historiques). Une lecture hautement recommandable en tout cas.
Peut-être un chouia moins accrocheur que Deep Me, mais MAM continue sur la même lancée, qui va sans doute dérouter et faire fuir les amateurs de BD classiques.
Mais, même si j’ai du mal à me départir d’une attitude de groupie le concernant, force est de reconnaitre le talent de MAM. En effet, avec une économie de moyens en matière de dessin et de texte, il parvient à développer une histoire extrêmement dense, du moins dans les idées mises en branle.
Une réflexion sur l’humanité et sa fin, sur l’IA, sur le rapport (ou les limites) entre les deux, sur ce que sont la vie et la mort : la longue dérive, ponctuée de dialogues plus ou moins philosophiques, à laquelle nous sommes conviés, donne à voir, mais surtout à penser. Ça n’est clairement pas de la BD de supermarché à consommation – et oubli – rapide, mais c’est une lecture enrichissante. Bien plus riche en tout cas que l’aspect « extérieur » (de la couverture au dessin – qui parvient quand même malgré ce minimalisme revendiqué à nous proposer de belles planches, même si l’esthétique a ici moins d’importance que sur Deep Me je trouve, en tout cas est moins marquante).
Ça n’est clairement pas avec les « Deep » que je conseille de découvrir Marc-Antoine Mathieu (et, à tout prendre, ce ne sont pas du tout mes préférés), mais on a là quelque chose d’original et d’exigeant qui interpelle, intrigue, et m’a intéressé en tout cas.
Note réelle 3,5/5.
Les amateurs de Chabouté ne seront pas déçus je pense. Un dessin réaliste toujours aussi net et une histoire plus contemplative je dirais sur le voyage préparé de longue date d'un homme solitaire et dévoué à son travail de nuit. Sauf qu'au lieu de partir loin comme il l'espérait, un concours de circonstances l'empêche de bouger donc il décide de loger à l'hôtel de l'autre côté de la place, en face de son appartement. Lui qui vit la nuit et dort le jour découvre la vie de son quartier et de ses habitants. Il s'amuse de quelques objets et y décèle une certaine poésie à la manière d'un Banksy.
N'ayant rien lu avant de l'histoire, je n'ai pas été spoilé du résumé de l'éditeur : "Le lendemain, David se réveille dans le corps de l'inconnue.". C'est quand même le twist que je n'attendais pas. Je pensai lire un roman graphique et ça tourne sur le fantastique. La suite, sans trop dévoiler, est une longue enquête pour savoir comment c'est arrivé, si c'est réversible, qui est la femme dont il a pris le corps, où est son ancien corps à lui etc. On déambule dans l'est de Paris, quartier Belleville principalement, le marché d'Aligre aussi dans cette recherche. On reconnait bien la ville et l'auteur y glisse quelques messages dans le décor (Free Gaza par exemple).
Un épais bouquin de 350 pages qui n'est pas si long à lire. Le style m'a rappelé certains auteurs américains, par exemple Daniel Clowes. Le manga Parasite m'est aussi venu à l'esprit. La fin peut être un chouïa déconcertante et éludée en quelques pages sans plus d'explications. En même temps David avait 2 choix principaux face à sa situation.
Je suis très surpris de cette lecture, qui part sur des chapeaux de roues et s'embarque dans une histoire aux tournants imprévisibles. Je suis très fan de la direction prise par l'histoire après ce premier tome !
Ce tome introductif est parfaitement bien exécuté, avec une histoire vite campée et des personnages bien inspirés. Le protagoniste est ce bretteur amateur de bon mots, protecteur des pauvres gens dans une cité ressemblant un peu à Venise, dans un contexte de magie et de questionnements sociaux. En quelques pages l'histoire prend un envol avec cette congrégation de révolutionnaires qui entendent changer les choses dans le monde. Et si l'on a du classique dans le début de l'aventure, très vite le récit semble accélérer jusqu'à une révélation finale surprenante et qui augure du bon pour la suite. J'ai accroché tout de suite à l'histoire et j'ai envie de voir la suite, qui est prometteuse.
Le tout est servi par un dessin qui est appréciable. Je n'ai encore rien lu de sa part mais la dessinatrice a un coup de crayon qui fait ressortir les scènes d'actions et les intérieurs, tout en ayant un trait global qui rappelle tout à fait les films de capes et d'épées, une esthétique vénitienne et les visuels marquants. L'ensemble est clair et lisible, dynamique et coloré, une lecture franchement agréable ! Je ne peux que recommander la lecture de ce premier tome qui promet pour la suite.
Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir…
C’est la troisième fois que je croise Mau sur un récit aussi noir après les très bons Au revoir Monsieur et Achevé d'imprimer. Et bien avec ce « Bonne nuit les Petits », on est là encore dans un récit à l’atmosphère oppressante, très noir.
Le récit est bâti sur l’entrecroisement de deux histoires, autour de deux personnages que tout semble opposer : Jeanne, une jeune femme qui se bat pour surnager au milieu de la mouise, et Fabrice, un jeune homme plein aux as et fêtard.
Jeanne est une battante, pleine d’envies, qui positive toujours, alors qu’elle ne croise que des beaufs, des gros nazes, et que patrons et mecs ne cherchent qu’à l’exploiter et « se la faire ». Plus on tourne les pages et plus l’univers de Jeanne est noir, même si elle garde toujours l’espoir de s’en sortir, cumulant les petits boulots, les castings. Les passages où nous croisons Fabrice, dilettante dilapidant le fric de son père dans des fêtes où la drogue, l’alcool et les prostituées déconnectent de la réalité sont autant de moments contrastant avec la vie glauque de Jeanne.
Si Mau développe une atmosphère de plus en plus étouffante, la chute – au moment de la rencontre de Jeanne et de Fabrice parvient à atteindre un degré supplémentaire en matière de noirceur, avec une chute pleine d’ironie et d’un humour très noir.
Lenglet accompagne bien ce récit, avec un dessin lui aussi très noir, parsemé de quelques nuances de gris.
J’espère que les scénarios de Mau ne sont pas trop inspirés de sa propre vie, car on a là quelque chose d’excessivement déprimant ! Mais j’ai encore une fois beaucoup aimé ma lecture, même si je place cet album légèrement en deçà des deux autres, cités plus hauts.
Note réelle 3,5/5.
Je suis surpris de retrouver Matz au scénario de cet album, lui que j’imagine plus sur des polars ou des romans graphiques. Mais il s’en tire plutôt bien, sur quelque chose de différent, un documentaire ambitieux qui, sous couvert de nous présenter une « histoire de la mer », balaye assez large, en termes de thématiques, de chronologie et d’espaces.
Histoire économique, politique, prise en compte des enjeux environnementaux, rappel des grandes explorations, des richesses, des sources d’inspirations, ainsi que quelques faits marquants ayant inspiré la littérature, on le voit, cet album est éclectique : c’est sa force et sa faiblesse, les chapitres s’enchainant sur des thèmes très variés, avec comme dénominateur commun la mer, qu’elle soit voie de transport, enjeu commercial, frontière, espace vierge à découvrir ou exploiter, que ce soit en surface ou dans ses grands fonds.
C’est fourre-tout, parfois inégal, mais globalement très intéressant. Et très solidement documenté (l’album est publié en partenariat avec la Sorbonne, et la bibliographie finale est très abondante).
En tout cas j’ai apprécié cette lecture, instructive, qui ouvre sur beaucoup de thématiques, et qui lie bien passé et présent, rappelant que dès l’origine, c’est de la mer que vient la vie sur Terre – et qu’il faudrait donc en prendre davantage soin…
Le dessin et la colorisation sont classiques, plutôt lisibles et agréables (même si les visages ne sont pas toujours réussis).
Au final, un album imposant, mais dont la lecture est assez rapide – et captivante.
Agrimbau et Varela sont deux auteurs argentins que j’aime vraiment bien. Et les retrouver ici ensemble, chez un éditeur que j’apprécie tout autant, était a priori gage de plaisir de lecture. Je n’ai pas été déçu.
Agrimbau est un scénariste original, dont les récits sortent souvent de l’ordinaire, et c’est le cas ici, avec ces illustrations, sous forme d’histoires courtes, de diverses « maladies » liées à certains dérèglements des sens ou de la perception du monde extérieur.
L’album regroupe six histoires. Seule « Akinétopsie » m’a laissé de côté et un peu déçu. « Synesthésie », sorte de polar à la fois classique et étrange, avait failli le faire aussi, mais sa chute relève sérieusement le plat ! Les autres sont franchement originales et très intéressantes, avec des univers très différents d’une histoire à l’autre. Ma préférée est sans doute « Claustrophobie », pleine de délires oubapiens que Marc-Antoine Mathieu ne renierait pas. Mais la dernière, « Prosopagnosie », est aussi réussie, faisant penser à un épisode de la série télé « La Quatrième dimension » (même si l’épisode que j’ai en tête user de plus de surprise et de brutalité dans la chute autour des visages, l’ambiance est très proche).
Pour accompagner ces histoires, le dessin de Varela est vraiment très bon. Un trait précis, diverses bichromies, et un rendu souvent glaçant, raccord avec les ambiances développées par son compère Agrimbau.
Au final, on a un album très original, où la créativité d’Agrimbau et le talent graphique de Varela (sur « Claustrophobie » surtout, avec ces jeux sur le médium, la planche elle-même – mais pas seulement) offrent une lecture divertissante.
1870, une cantatrice ruinée, accompagnée d'un vieux baroudeur et de sa fille tireuse d'élite, se rend dans un village isolé des montagnes Rocheuses pour prendre possession du manoir dont elle a hérité. Ce qu'ils ignorent, c'est que la région est menacée par des créatures issues des légendes amérindiennes.
On se situe ici dans un western fantastique assez classique, où cowboys et pistoleros croisent magie et créatures surnaturelles. On pense aux séries Lune d'argent sur Providence, La Piste des Ombres ou encore Wendigo. Le scénario de cette BD reste globalement prévisible, avec juste une petite surprise en cours de route mais aussi une légère confusion entre les deux villages où il se déroule, mais sa vraie force ne réside pas tant dans l'intrigue que dans ses personnages et sa mise en scène, qui captivent le lecteur et rendent la lecture plaisante.
Côté dessin, Steven Dhondt, déjà remarquable dans Wanted - Portrait de sang, offre un univers de western du XIXe siècle riche et détaillé, avec des personnages vivants et expressifs. Ceux-ci se révèlent rapidement attachants et originaux. J'ai apprécié particulièrement la jeune pistolero talentueuse mais débutante, guidée par son père, dont les interactions avec un tueur mercenaire rencontré au fil de l'aventure sont intéressantes. On sourit aussi à la relation plus romantique qui se tisse entre le vieux père et la cantatrice.
Malgré la simplicité de son intrigue de fond, cet album bénéficie d'une mise en scène suffisamment dense pour maintenir l'attention du lecteur de bout en bout et donner envie de voir comment vont se débrouiller ces protagonistes qu'on prend plaisir à suivre et à voir interagir. C'est un divertissement solide, bien mené et joliment dessiné, digne des bons westerns fantastiques.
Comment se fait-il qu’un an après sa sortie ce petit bijou ne soit pas encore référencé sur ce beau site ? La couverture m’avait fait de l’œil lors de sa sortie, mais, je ne sais pourquoi, je n’avais pas sauté le pas et, vite disparu des étals des librairies, il en avait fait de même de ma mémoire.
Et voilà-t-y pas que je retombe dessus, et qu’alors je ne lui laisse aucune chance de s’échapper ! Aussitôt en main, aussitôt lu. Et quel plaisir.
C’est un album qui se positionne clairement pour un lectorat jeunesse (8-15 ans), mais qui passe très facilement la barrière de l’âge.
L’album d’une quarantaine de pages est divisé en 5 ou 6 petites histoires, ayant pour protagonistes deux personnages : le chasseur et son fidèle – et (très) dévoué – serviteur. A chaque fois ils partent à la chasse d’un animal pour compléter la collection de trophées du chasseur. Voilà pour la trame générale.
Pour le reste, l’univers développé par Martin Desbat (déjà découvert avec « Mégamonsieur », même si je n’avais au départ pas fait le rapprochement) est bourré de références, toutes très bien exploitées (c’est là que l’adulte profite de certains détails qui échapperont à l’enfant auquel est avant tout destinée cette série).
Le chasseur est loufoque, vit dans ses rêves, vit ses rêves, et cherche à tout prix à leur soumettre la réalité, comme Don Quichotte (son serviteur, répond au nom de Sancho !). Et ce duo de choc va se lancer à la poursuite d’animaux improbables : Bétopotame, Poëléphant, Bufflets Empire !, etc. On le voit le terrain de chasse est vaste et va même plus loin que la réalité ! Mais le chasseur, lecteur de Verne et de Freud, nous mène vers des contrées faisant moult clins d’œil à « Alice au pays des merveilles » de Carroll, au « Voyage au centre de la Terre » de Verne, à l’univers de Wells (et encore, je n’ai sûrement pas tout décrypté).
Ajoutons à cela un dessin moderne, mais efficace, une colorisation aux petits oignons, et quelques petites pincées d’humour (excellent l’envers du décor du mur des trophées !), vous avez avec cet album une belle réussite à côté de laquelle il serait dommage de passer.
********
Je reviens mettre à jour mon avis après lecture des deux albums que je n'avait pas encore eus sous la main. En m'étonnant encore du peu d'avis recueillis par cette série, qui mérite vraiment le coup d'oeil.
Les aventures loufoques se poursuivent, avec notre chasseur rêveur et un peu dépassé par les événements, toujours accompagné par son fidèle serviteur Sancho, qui, lui, est plus terre à terre et sauve souvent la mise à son patron. Tous les deux continuent de nous amener dans des contrées diverses et lointaines, qui font références à de très nombreuses oeuvres littéraires majeures, ce dernier détail permettant à un lecteur adulte d'apprécier ces aventures enjouées et farfelues. Une série jeunesse qui plait aux grands, et qui est bourrée de références. A découvrir donc !
Même si la surprise joue moins que lorsque j'avais découvert la série avec le premier tome, la suite confirme la qualité de l'ensemble.
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Le Jardin armé et autres histoires
David B. est un auteur original, et cet album le confirme. Il confirme aussi qu’il a du talent, que ce soit pour le graphisme ou pour la narration. L’album est un recueil de trois histoires (la dernière, « Le tambour amoureux » est inédite, les deux premières, « Le prophète voilé » et « Le jardin armé » ayant été prépubliées dans la revue Lapin de L’Association), la dernière pouvant se lire comme une suite de la précédente. Dans les trois histoires, il est question de luttes pour le pouvoir, mais surtout d’exigences religieuses, les deux étant souvent liées. Dans la première le calife fait face à une révolte menée par un « prophète voilé » - mais c’est aussi la révolte des régions perses contre les conquêtes arabes récentes, tandis que dans les deux suivantes, ce sont les révoltes hussites qui ont marqué le centre de l’Europe au XVème siècle qui offre le cadre du récit. En tout cas dans chaque histoire il est question de salut, le côté eschatologique est très présent, le paradis est cherché et questionné. Mais ce qui ajoute de l’intérêt aux récits, c’est bien sûr le dessin de David B., que j’aime beaucoup. Le rendu est à la fois moderne et proche de certaines imageries médiévales plus ou moins stylisées. Et, lui qui est amateur de surréalisme, il n’hésite pas à développer un fantastique qui s’en rapproche parfois. J’ai trouvé cet ensemble à la fois beau et intéressant, intelligent. Plein de références (religieuses, historiques). Une lecture hautement recommandable en tout cas.
Deep it
Peut-être un chouia moins accrocheur que Deep Me, mais MAM continue sur la même lancée, qui va sans doute dérouter et faire fuir les amateurs de BD classiques. Mais, même si j’ai du mal à me départir d’une attitude de groupie le concernant, force est de reconnaitre le talent de MAM. En effet, avec une économie de moyens en matière de dessin et de texte, il parvient à développer une histoire extrêmement dense, du moins dans les idées mises en branle. Une réflexion sur l’humanité et sa fin, sur l’IA, sur le rapport (ou les limites) entre les deux, sur ce que sont la vie et la mort : la longue dérive, ponctuée de dialogues plus ou moins philosophiques, à laquelle nous sommes conviés, donne à voir, mais surtout à penser. Ça n’est clairement pas de la BD de supermarché à consommation – et oubli – rapide, mais c’est une lecture enrichissante. Bien plus riche en tout cas que l’aspect « extérieur » (de la couverture au dessin – qui parvient quand même malgré ce minimalisme revendiqué à nous proposer de belles planches, même si l’esthétique a ici moins d’importance que sur Deep Me je trouve, en tout cas est moins marquante). Ça n’est clairement pas avec les « Deep » que je conseille de découvrir Marc-Antoine Mathieu (et, à tout prendre, ce ne sont pas du tout mes préférés), mais on a là quelque chose d’original et d’exigeant qui interpelle, intrigue, et m’a intéressé en tout cas. Note réelle 3,5/5.
Plus loin qu'ailleurs
Les amateurs de Chabouté ne seront pas déçus je pense. Un dessin réaliste toujours aussi net et une histoire plus contemplative je dirais sur le voyage préparé de longue date d'un homme solitaire et dévoué à son travail de nuit. Sauf qu'au lieu de partir loin comme il l'espérait, un concours de circonstances l'empêche de bouger donc il décide de loger à l'hôtel de l'autre côté de la place, en face de son appartement. Lui qui vit la nuit et dort le jour découvre la vie de son quartier et de ses habitants. Il s'amuse de quelques objets et y décèle une certaine poésie à la manière d'un Banksy.
Le Cas David Zimmerman
N'ayant rien lu avant de l'histoire, je n'ai pas été spoilé du résumé de l'éditeur : "Le lendemain, David se réveille dans le corps de l'inconnue.". C'est quand même le twist que je n'attendais pas. Je pensai lire un roman graphique et ça tourne sur le fantastique. La suite, sans trop dévoiler, est une longue enquête pour savoir comment c'est arrivé, si c'est réversible, qui est la femme dont il a pris le corps, où est son ancien corps à lui etc. On déambule dans l'est de Paris, quartier Belleville principalement, le marché d'Aligre aussi dans cette recherche. On reconnait bien la ville et l'auteur y glisse quelques messages dans le décor (Free Gaza par exemple). Un épais bouquin de 350 pages qui n'est pas si long à lire. Le style m'a rappelé certains auteurs américains, par exemple Daniel Clowes. Le manga Parasite m'est aussi venu à l'esprit. La fin peut être un chouïa déconcertante et éludée en quelques pages sans plus d'explications. En même temps David avait 2 choix principaux face à sa situation.
Don Juan des Flots
Je suis très surpris de cette lecture, qui part sur des chapeaux de roues et s'embarque dans une histoire aux tournants imprévisibles. Je suis très fan de la direction prise par l'histoire après ce premier tome ! Ce tome introductif est parfaitement bien exécuté, avec une histoire vite campée et des personnages bien inspirés. Le protagoniste est ce bretteur amateur de bon mots, protecteur des pauvres gens dans une cité ressemblant un peu à Venise, dans un contexte de magie et de questionnements sociaux. En quelques pages l'histoire prend un envol avec cette congrégation de révolutionnaires qui entendent changer les choses dans le monde. Et si l'on a du classique dans le début de l'aventure, très vite le récit semble accélérer jusqu'à une révélation finale surprenante et qui augure du bon pour la suite. J'ai accroché tout de suite à l'histoire et j'ai envie de voir la suite, qui est prometteuse. Le tout est servi par un dessin qui est appréciable. Je n'ai encore rien lu de sa part mais la dessinatrice a un coup de crayon qui fait ressortir les scènes d'actions et les intérieurs, tout en ayant un trait global qui rappelle tout à fait les films de capes et d'épées, une esthétique vénitienne et les visuels marquants. L'ensemble est clair et lisible, dynamique et coloré, une lecture franchement agréable ! Je ne peux que recommander la lecture de ce premier tome qui promet pour la suite.
Bonne nuit les petits
Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir… C’est la troisième fois que je croise Mau sur un récit aussi noir après les très bons Au revoir Monsieur et Achevé d'imprimer. Et bien avec ce « Bonne nuit les Petits », on est là encore dans un récit à l’atmosphère oppressante, très noir. Le récit est bâti sur l’entrecroisement de deux histoires, autour de deux personnages que tout semble opposer : Jeanne, une jeune femme qui se bat pour surnager au milieu de la mouise, et Fabrice, un jeune homme plein aux as et fêtard. Jeanne est une battante, pleine d’envies, qui positive toujours, alors qu’elle ne croise que des beaufs, des gros nazes, et que patrons et mecs ne cherchent qu’à l’exploiter et « se la faire ». Plus on tourne les pages et plus l’univers de Jeanne est noir, même si elle garde toujours l’espoir de s’en sortir, cumulant les petits boulots, les castings. Les passages où nous croisons Fabrice, dilettante dilapidant le fric de son père dans des fêtes où la drogue, l’alcool et les prostituées déconnectent de la réalité sont autant de moments contrastant avec la vie glauque de Jeanne. Si Mau développe une atmosphère de plus en plus étouffante, la chute – au moment de la rencontre de Jeanne et de Fabrice parvient à atteindre un degré supplémentaire en matière de noirceur, avec une chute pleine d’ironie et d’un humour très noir. Lenglet accompagne bien ce récit, avec un dessin lui aussi très noir, parsemé de quelques nuances de gris. J’espère que les scénarios de Mau ne sont pas trop inspirés de sa propre vie, car on a là quelque chose d’excessivement déprimant ! Mais j’ai encore une fois beaucoup aimé ma lecture, même si je place cet album légèrement en deçà des deux autres, cités plus hauts. Note réelle 3,5/5.
Histoire de la mer
Je suis surpris de retrouver Matz au scénario de cet album, lui que j’imagine plus sur des polars ou des romans graphiques. Mais il s’en tire plutôt bien, sur quelque chose de différent, un documentaire ambitieux qui, sous couvert de nous présenter une « histoire de la mer », balaye assez large, en termes de thématiques, de chronologie et d’espaces. Histoire économique, politique, prise en compte des enjeux environnementaux, rappel des grandes explorations, des richesses, des sources d’inspirations, ainsi que quelques faits marquants ayant inspiré la littérature, on le voit, cet album est éclectique : c’est sa force et sa faiblesse, les chapitres s’enchainant sur des thèmes très variés, avec comme dénominateur commun la mer, qu’elle soit voie de transport, enjeu commercial, frontière, espace vierge à découvrir ou exploiter, que ce soit en surface ou dans ses grands fonds. C’est fourre-tout, parfois inégal, mais globalement très intéressant. Et très solidement documenté (l’album est publié en partenariat avec la Sorbonne, et la bibliographie finale est très abondante). En tout cas j’ai apprécié cette lecture, instructive, qui ouvre sur beaucoup de thématiques, et qui lie bien passé et présent, rappelant que dès l’origine, c’est de la mer que vient la vie sur Terre – et qu’il faudrait donc en prendre davantage soin… Le dessin et la colorisation sont classiques, plutôt lisibles et agréables (même si les visages ne sont pas toujours réussis). Au final, un album imposant, mais dont la lecture est assez rapide – et captivante.
Diagnostics
Agrimbau et Varela sont deux auteurs argentins que j’aime vraiment bien. Et les retrouver ici ensemble, chez un éditeur que j’apprécie tout autant, était a priori gage de plaisir de lecture. Je n’ai pas été déçu. Agrimbau est un scénariste original, dont les récits sortent souvent de l’ordinaire, et c’est le cas ici, avec ces illustrations, sous forme d’histoires courtes, de diverses « maladies » liées à certains dérèglements des sens ou de la perception du monde extérieur. L’album regroupe six histoires. Seule « Akinétopsie » m’a laissé de côté et un peu déçu. « Synesthésie », sorte de polar à la fois classique et étrange, avait failli le faire aussi, mais sa chute relève sérieusement le plat ! Les autres sont franchement originales et très intéressantes, avec des univers très différents d’une histoire à l’autre. Ma préférée est sans doute « Claustrophobie », pleine de délires oubapiens que Marc-Antoine Mathieu ne renierait pas. Mais la dernière, « Prosopagnosie », est aussi réussie, faisant penser à un épisode de la série télé « La Quatrième dimension » (même si l’épisode que j’ai en tête user de plus de surprise et de brutalité dans la chute autour des visages, l’ambiance est très proche). Pour accompagner ces histoires, le dessin de Varela est vraiment très bon. Un trait précis, diverses bichromies, et un rendu souvent glaçant, raccord avec les ambiances développées par son compère Agrimbau. Au final, on a un album très original, où la créativité d’Agrimbau et le talent graphique de Varela (sur « Claustrophobie » surtout, avec ces jeux sur le médium, la planche elle-même – mais pas seulement) offrent une lecture divertissante.
Skinwalker
1870, une cantatrice ruinée, accompagnée d'un vieux baroudeur et de sa fille tireuse d'élite, se rend dans un village isolé des montagnes Rocheuses pour prendre possession du manoir dont elle a hérité. Ce qu'ils ignorent, c'est que la région est menacée par des créatures issues des légendes amérindiennes. On se situe ici dans un western fantastique assez classique, où cowboys et pistoleros croisent magie et créatures surnaturelles. On pense aux séries Lune d'argent sur Providence, La Piste des Ombres ou encore Wendigo. Le scénario de cette BD reste globalement prévisible, avec juste une petite surprise en cours de route mais aussi une légère confusion entre les deux villages où il se déroule, mais sa vraie force ne réside pas tant dans l'intrigue que dans ses personnages et sa mise en scène, qui captivent le lecteur et rendent la lecture plaisante. Côté dessin, Steven Dhondt, déjà remarquable dans Wanted - Portrait de sang, offre un univers de western du XIXe siècle riche et détaillé, avec des personnages vivants et expressifs. Ceux-ci se révèlent rapidement attachants et originaux. J'ai apprécié particulièrement la jeune pistolero talentueuse mais débutante, guidée par son père, dont les interactions avec un tueur mercenaire rencontré au fil de l'aventure sont intéressantes. On sourit aussi à la relation plus romantique qui se tisse entre le vieux père et la cantatrice. Malgré la simplicité de son intrigue de fond, cet album bénéficie d'une mise en scène suffisamment dense pour maintenir l'attention du lecteur de bout en bout et donner envie de voir comment vont se débrouiller ces protagonistes qu'on prend plaisir à suivre et à voir interagir. C'est un divertissement solide, bien mené et joliment dessiné, digne des bons westerns fantastiques.
Le Chasseur de Rêves
Comment se fait-il qu’un an après sa sortie ce petit bijou ne soit pas encore référencé sur ce beau site ? La couverture m’avait fait de l’œil lors de sa sortie, mais, je ne sais pourquoi, je n’avais pas sauté le pas et, vite disparu des étals des librairies, il en avait fait de même de ma mémoire. Et voilà-t-y pas que je retombe dessus, et qu’alors je ne lui laisse aucune chance de s’échapper ! Aussitôt en main, aussitôt lu. Et quel plaisir. C’est un album qui se positionne clairement pour un lectorat jeunesse (8-15 ans), mais qui passe très facilement la barrière de l’âge. L’album d’une quarantaine de pages est divisé en 5 ou 6 petites histoires, ayant pour protagonistes deux personnages : le chasseur et son fidèle – et (très) dévoué – serviteur. A chaque fois ils partent à la chasse d’un animal pour compléter la collection de trophées du chasseur. Voilà pour la trame générale. Pour le reste, l’univers développé par Martin Desbat (déjà découvert avec « Mégamonsieur », même si je n’avais au départ pas fait le rapprochement) est bourré de références, toutes très bien exploitées (c’est là que l’adulte profite de certains détails qui échapperont à l’enfant auquel est avant tout destinée cette série). Le chasseur est loufoque, vit dans ses rêves, vit ses rêves, et cherche à tout prix à leur soumettre la réalité, comme Don Quichotte (son serviteur, répond au nom de Sancho !). Et ce duo de choc va se lancer à la poursuite d’animaux improbables : Bétopotame, Poëléphant, Bufflets Empire !, etc. On le voit le terrain de chasse est vaste et va même plus loin que la réalité ! Mais le chasseur, lecteur de Verne et de Freud, nous mène vers des contrées faisant moult clins d’œil à « Alice au pays des merveilles » de Carroll, au « Voyage au centre de la Terre » de Verne, à l’univers de Wells (et encore, je n’ai sûrement pas tout décrypté). Ajoutons à cela un dessin moderne, mais efficace, une colorisation aux petits oignons, et quelques petites pincées d’humour (excellent l’envers du décor du mur des trophées !), vous avez avec cet album une belle réussite à côté de laquelle il serait dommage de passer. ******** Je reviens mettre à jour mon avis après lecture des deux albums que je n'avait pas encore eus sous la main. En m'étonnant encore du peu d'avis recueillis par cette série, qui mérite vraiment le coup d'oeil. Les aventures loufoques se poursuivent, avec notre chasseur rêveur et un peu dépassé par les événements, toujours accompagné par son fidèle serviteur Sancho, qui, lui, est plus terre à terre et sauve souvent la mise à son patron. Tous les deux continuent de nous amener dans des contrées diverses et lointaines, qui font références à de très nombreuses oeuvres littéraires majeures, ce dernier détail permettant à un lecteur adulte d'apprécier ces aventures enjouées et farfelues. Une série jeunesse qui plait aux grands, et qui est bourrée de références. A découvrir donc ! Même si la surprise joue moins que lorsque j'avais découvert la série avec le premier tome, la suite confirme la qualité de l'ensemble.