Saint-Elme, c’est un polar remarquable par son ambiance, ses couleurs (à lire absolument en couleurs ! ) et ses dialogues drôles et décalés rappelant parfois ceux de Tarantino.
Dans cette histoire où la ville devient une entité à part entière, on est aux côtés des personnages ; la nuit, sous les néons agressifs, on respire avec eux l’air vicié d’une boîte de nuit sordide, le jour, on aspire à pleins poumons l’air revigorant des alpages en profitant d’un répit salvateur tout en sachant qu’un baron local, avec ses hommes de main sans scrupules, continue d’imposer sa loi aux habitants de Saint-Elme, corrompant les lieux et les âmes.
L'univers de cette BD (entre Lynch et Fargo, rien que ça) doit également beaucoup à la galerie de ses personnages, au trait merveilleux de Peeters ainsi qu’aux différents niveaux de lecture possibles (on oscille en permanence entre explication rationnelle et croyances locales pour notre plus grand plaisir).
Les cadrages cinématographiques, la fluidité de la narration accentuent le plaisir de lecture. J'avais l'impression de voir défiler une série TV de grande qualité sous mes yeux. Les auteurs parviennent même à créer la bande-son de leur BD. En effet, utilisées régulièrement avec habileté sans être pour autant envahissantes, les onomatopées contribuent à la création de cet univers cinématographique saisissant.
Scènes d’action spectaculaires, moments de tension, immersion dans les mondes interlopes et vision altérée des junkies (montrer par le dessin comment les drogues modifient leur perception de la réalité tout en leur permettant de saisir certains moments avec une acuité accrue, c'est fort), morts violentes, apparitions inattendues de certains personnages font de cette série du jus de BD, du jus de cinéma.
Impossible de lâcher les albums jusqu'à la fin. Si le dernier tome contient peut-être quelques révélations un peu faciles (on aurait pu vouloir des explications de nature différente, mais les choix scénaristiques des auteurs restent pour ma part convaincants), je trouve que le dosage entre fantastique et réalité reste bon jusqu’à la fin.
Parfaitement construit, le dénouement permet de boucler les différents arcs narratifs de façon satisfaisante. La trajectoire des personnages, bien typés et intéressants, demeure là aussi, cohérente et bien vue.
On n’oubliera pas de si tôt cette plongée dans les entrailles de Saint-Elme.
J'avais beaucoup apprécié le Serena du couple Pandolfo/Risbjerg. Je suis resté sous le charme avec la lecture de "Copenhague". Pourtant le début du récit m'a laissé quelque peu perplexe dans ce "Copenhague" à l'allure de confinement Covid et cette rencontre improbable entre Nana et Thyge. Et puis la poésie du langage de Thyge avec son parlé si drôle et pittoresque se met en place pour nous entrainer dans une sarabande déjantée à la recherche de l'âme danoise imprégnée des contes d'Andersen. C'est de plus en plus loufoque, de plus en plus improbable, de plus en plus trépidant avec une course poursuite qui permet une visite guidée de la ville de Copenhague bien plus attirante qu'il n'y parait. C'est presque toujours drôle avec une richesse syntaxique qui fait pont entre les deux langues et les deux héros. Le récit rebondit même sur une enquête policière qui rappelle qu' "il y avait bien quelque chose de pourri au royaume du Danemark". Personnellement je me suis beaucoup attaché à Nana et Thyge qui sont en parfaite harmonie comme les deux auteurs semblent l'être.
En effet le récit est très bien dessiné par un Risbjerg au trait si expressif et moderne. Les extérieurs sont très soignés et certaines planches magnifiques donnent une ambiance si crédible que j'entendais la pluie danoise sur mes vitres.
Cela reste un récit feel good divertissant très bien fait qui permet de passer un très agréable moment de détente.
J'ai beaucoup aimé.
Les séries vues de l'intérieur qui travaillent sur les difficultés de l'hôpital public sont assez rares. Les responsables administratifs ou politiques n'aiment pas trop étaler ces difficultés techniques , humaines et budgétaires. Ma fille étant à la fin de ses études de médecine, je m'étais plongé avec délice dans le très bon Vie de Carabin et son humour décapant. Lisa Sanchis, jeune épouse de chirurgien, choisit un autre angle de vue en retraçant le parcours de son époux. Cela donne un récit chronologique bien construit autour du parcours de Benjamin , élève brillant et motivé par cette vocation. L'autrice propose un récit documentaire très précis sur les études puis les premières années de pratique de son mari dans le système hospitalier parisien. L'autrice a choisi de ne pas enjoliver les choses, ni de proposer une image de super héros pour son époux chirurgien. Toutefois le récit montre que derrière les multiples épreuves (études, stress, situations absurdes) l'action du personnel soignant est récompensée par les nombreuses réussites qui changent la vie des familles. La critique est moins acerbe que dans Vie de Carabin mais on retrouve quelques passages pas toujours tendre pour certains ( Professeur grand ponte vs Docteur vieux briscard par exemple).
Lisa Sanchis ajoute quelques éléments très techniques des interventions de son héros avec des planches anatomiques très précises. Toutefois l'autrice n'abuse pas du jargon médical ce qui permet de bien rester dans la narration.
Le graphisme colle bien au coté documentaire avec un trait souple et très dynamique. Cela donne un récit agréable à lire pour un large public.
Ainsi cette série pourrait très bien trouver sa place dans les bibliothèques de nombreux lycées. Je pousse un peu ma note mais la thématique est importante et traitée avec justesse.
Je vais faire court, difficile de passer après le superbe avis de Josq.
Pierre-Henry Gomont nous propose une histoire au background diablement intéressant, à savoir la période qui a immédiatement suivi l’effondrement du bloc soviétique. Intéressant car extrêmement instructif et plus pertinent que jamais aujourd’hui, pour quiconque essaye de comprendre un peu l’ogre Russe. Intéressant pour moi plus personnellement aussi : étant franco-bulgare, j’ai passé pas mal de temps derrière le rideau de fer, puis vu (et partiellement compris) la transition vers le capitalisme de mes propres yeux.
Il greffe sur ce background une histoire enjouée, des personnages hauts en couleurs, et un humour vraiment efficace (j’adore ces phylactères qui contiennent une unique image). J’ai en tout cas passé un excellent moment de lecture. Le rythme est maintenu sur les 3 tomes, et la fin est parfaite, et très émouvante.
Un excellent triptyque, que je recommande chaudement.
Il faut que je vous avoue un truc. Quand j’étais jeune il y a un métier qui m’intéressait plus que tout quand d’autres veulent être vétérinaire ou pompier, c’était … médecin légiste ! Vous comprendrez donc aisément qu’avec la série « Autopsie » publiée chez Oxymore je n’avais aucune appréhension à plonger avec délectation dans ces trois albums qui allaient m’arracher les tripes avec une élégance sadique et une précision de boucher méticuleux.
Dès les premières pages, on est saisi à la gorge par une ambiance où le sang coule à flots et où l’horreur n’est jamais gratuite, mais chirurgicale, presque artistique. Les auteurs – car c’est bien un travail d’équarrisseurs inspirés – transforment chaque planche en une table d’autopsie visuelle, où les corps ne sont plus que des toiles de chair déchirée, et les âmes, des lambeaux de folie exposés à l’air libre. Oxymore, en tant que maison d’édition, a su rassembler des talents – Mourad est de retour ! - qui manient l’épouvante comme d’autres manient le pinceau avec une maîtrise glaçante et un sens du détail qui frôle l’obsession malade.
Les trois albums sont des plongées dans l’abjection, où la psyché humaine est disséquée sans pitié. Pas de monstres surnaturels ici, ou si peu ! le vrai cauchemar, c’est l’homme lui-même, ses pulsions inavouables, ses délires meurtriers, ses corps brisés et ses esprits en décomposition. Chaque histoire est une lame qui tourne dans la plaie, explorant la folie, la culpabilité et la déchéance avec une froideur clinique qui rend le tout d’autant plus insupportable. Que c’est bon !
Et puis, il y a le dessin. Un trait nerveux, organique, qui semble respirer la pourriture. Les visages se déforment sous le poids de la terreur, les corps s’ouvrent comme des fleurs vénéneuses, et chaque ombre cache une menace prête à exploser. Les planches sont saturées d’une tension malsaine, où le noir avale la lumière, où le rouge – celui du sang, bien sûr – éclabousse les pages comme une malédiction. Les auteurs jouent avec les cadrages déstabilisants, les perspectives tordues, et une précision anatomique qui donne l’impression de toucher du doigt les entrailles encore chaudes de leurs personnages.
Autopsie n’est pas une lecture, c’est une vivisection. On en ressort sonné, nauséeux, mais fasciné, comme après avoir assisté à une opération à cœur ouvert… sans anesthésie. La série ne cherche pas à vous faire sursauter. Non non , elle s’infiltre sous votre peau, s’installe dans vos cauchemars, et y pourrit à petit feu.
En bref, si vous aimez que vos BD vous laissent des cicatrices, si vous cherchez une œuvre qui dépasse les limites du support pour vous hanter longtemps après, cette série est votre prochain supplice. Brutal. Génial. Inoubliable. Et surtout, à ne pas mettre entre toutes les mains.
Eh bien...
Eh bien, "Rita" est une très bonne bande dessinée !
Le dessin ne m'a pas du tout mis en confiance, avec un gros, gros aspect "blog", qui pourrait en repousser plus d'un. Pourtant je trouve ce dessin plutôt bon, il est assez simple sans pour autant être bâclé, les décors sont plutôt bons, les couleurs sont maîtrisées.
Malgré tout, je peux complètement comprendre l'avis de certains, à qui le dessin ne plaît pas.
Mais alors de quoi parle ce livre ? Et bien malgré ses aspects gentillets, "Rita" est un pur drame.
Sophie Legoubin-Caupeil (disons juste Sophie) nous raconte sa quête en Inde, pour retrouver la femme que son père a sauvé de la noyade, en y laissant la vie.
Sophie nous raconte sa vie compliquée après la mort de son père, sa rencontre avec la femme, ses difficultés à la trouver, avec (je suis surpris de la dire) beaucoup d'émotions, ce livre est peut-être ma meilleure surprise de l'année.
Seule bémol (qui de toute façon n'aurait pas pu être arrangé, le livre étant une autobio) le dénouement est un petit peu expédié, et laisse sur sa faim.
À part ça, "Rita" est une réussite, qui je le redis, m'a très très agréablement surpris
Rien d’hyper original ni de très détaillé dans la narration. Et pourtant, j’ai bien aimé cet album.
La construction est un peu hachée par le découpage qui alterne flash-backs et passages contemporains, chacun d’une page la plupart du temps. J’ai été un peu désarçonné au départ, mais je m’y suis rapidement fait, et ces allers-retours finissent en fait par faire sens et capter/captiver le lecteur.
Au travers d’un récit en partie autobiographique, Hanuka arrive à mêler histoire familiale et histoire du sionisme et des débuts d’Israël. C’est assez équilibré, jamais manichéen, bien au contraire. Et c’est aussi fluide. Par petites touches, on est accroché.
On pourrait chipoter en regrettant qu’il n’y ait pas de rupture de rythme, mais le mélange des périodes aide à limiter le côté trop « linéaire » et ronronnant.
Un album sympathique.
J’étais resté sur une bonne impression de ma lecture – qui remonte maintenant à quelques années – du « Voyage des pères ». Une bonne impression confirmée par ce préquel, dont la lecture est vraiment plaisante.
Le vieil athée que je suis s’accommode très bien de l’arrière-plan biblique – qu’on peut tout à fait ne prendre que comme décor, comme une base « culturelle » triturée par Ratte. Car le récit est a priori bien ancré dans des passages célèbres de la Bible, au moment où, sous la conduite de Moïse, les Juifs auraient fuit l’Égypte, après que leur dieu ait menacé le pharaon avec ses « plaies ».
Voilà pour le décor. Mais en fait tout tourne autour d’un personnage, Yona, riche égyptien, conseiller du pharaon qui, pour avoir des enfants, se voit contraint d’épouser une énième femme, cette fois-ci méprisée car juive, Libi (par ailleurs jeune adolescente qui n’a pas sa langue dans sa poche et ne s’en laisse pas conter). Yona va se trouver embarqué dans la lutte entre Juifs et le pharaon.
Ce qui fait le sel de l’histoire, c’est la narration, très aérée (ça se lit très vite car il y a finalement peu de texte) et dynamique. Et surtout l’humour. Le personnage ambivalent de Yona, tour à tour hâbleur et dominateur avec les « faibles » (ses femmes, ses serviteurs, les Juifs, etc.) et flagorneur, obséquieux ou dépassé avec les « forts » (pharaon, Libi). J’aurais bien vu Louis de Funès incarner le personnage dans une adaptation !
Les dialogues, très « contemporains » dans les tournures et les mots employés, donnent un décalage amusant. Et le dessin de Ratte accompagne très bien ce récit. Très chouette, avec de belles planches de décors, il est lui aussi dynamique, rondouillard, expressif, et les gesticulations de Yona sont assez drôles. La colorisation de Lavialle est elle aussi réussie.
Seul le dernier tome m’a paru un chouia en deçà, un peu moins caustique, comme si un essoufflement pointait (ça commençait un peu dans le précédent).
Mais ça reste globalement une lecture plaisante, amusante, et recommandable.
Note réelle 3,5/5.
J’ai vraiment apprécié Detroit: Become Human – Tokyo Stories. En tant que fan du jeu vidéo original, j’étais curieux de voir comment l’univers serait adapté en manga, et j’ai été agréablement surpris. Le fait de déplacer l’action au Japon apporte une nouvelle perspective sur les tensions entre humains et androïdes, et le dessin rend bien l’atmosphère à la fois froide et émotive du monde de Detroit. J’ai trouvé les thèmes de la discrimination et de la conscience artificielle toujours aussi percutants, même si le format manga ne permet pas de développer les personnages et les intrigues aussi profondément que dans le jeu. Malgré ce léger manque, c’est une lecture captivante que je recommande aux amateurs du jeu ou à ceux qui aiment les récits de science-fiction avec une dimension morale.
Un petit conte antique rigolo, une lecture très agréable en tout cas.
Les auteurs nous plongent d’emblée dans la vie d’une cité antique, tout en nous présentant les causes de la construction du Colosse de Rhodes.
Mais la particularité, c’est que la narration glisse pas mal d’humour. Je dois même dire que j’en attendais – en tout cas j’en espérais – davantage, quelque chose d’encore plus loufoque, déjanté. Le début invitait à ce type de délire. Du coup, je suis un peu frustré, car l’humour faiblit un peu sur la fin.
Le dessin, un trait gras, charbonneux, est lui aussi agréable, et accompagne très bien ce récit original.
Au final, un album qui mérite d’être redécouvert, original et agréable. Il aurait été encore meilleur sans cette baisse de rythme et d’humour dans le dernier tiers. Mais j’arrondis aux 4 étoiles pour cette fraicheur et cette originalité du récit (note réelle 3,5/5).
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Saint-Elme
Saint-Elme, c’est un polar remarquable par son ambiance, ses couleurs (à lire absolument en couleurs ! ) et ses dialogues drôles et décalés rappelant parfois ceux de Tarantino. Dans cette histoire où la ville devient une entité à part entière, on est aux côtés des personnages ; la nuit, sous les néons agressifs, on respire avec eux l’air vicié d’une boîte de nuit sordide, le jour, on aspire à pleins poumons l’air revigorant des alpages en profitant d’un répit salvateur tout en sachant qu’un baron local, avec ses hommes de main sans scrupules, continue d’imposer sa loi aux habitants de Saint-Elme, corrompant les lieux et les âmes. L'univers de cette BD (entre Lynch et Fargo, rien que ça) doit également beaucoup à la galerie de ses personnages, au trait merveilleux de Peeters ainsi qu’aux différents niveaux de lecture possibles (on oscille en permanence entre explication rationnelle et croyances locales pour notre plus grand plaisir). Les cadrages cinématographiques, la fluidité de la narration accentuent le plaisir de lecture. J'avais l'impression de voir défiler une série TV de grande qualité sous mes yeux. Les auteurs parviennent même à créer la bande-son de leur BD. En effet, utilisées régulièrement avec habileté sans être pour autant envahissantes, les onomatopées contribuent à la création de cet univers cinématographique saisissant. Scènes d’action spectaculaires, moments de tension, immersion dans les mondes interlopes et vision altérée des junkies (montrer par le dessin comment les drogues modifient leur perception de la réalité tout en leur permettant de saisir certains moments avec une acuité accrue, c'est fort), morts violentes, apparitions inattendues de certains personnages font de cette série du jus de BD, du jus de cinéma. Impossible de lâcher les albums jusqu'à la fin. Si le dernier tome contient peut-être quelques révélations un peu faciles (on aurait pu vouloir des explications de nature différente, mais les choix scénaristiques des auteurs restent pour ma part convaincants), je trouve que le dosage entre fantastique et réalité reste bon jusqu’à la fin. Parfaitement construit, le dénouement permet de boucler les différents arcs narratifs de façon satisfaisante. La trajectoire des personnages, bien typés et intéressants, demeure là aussi, cohérente et bien vue. On n’oubliera pas de si tôt cette plongée dans les entrailles de Saint-Elme.
Copenhague
J'avais beaucoup apprécié le Serena du couple Pandolfo/Risbjerg. Je suis resté sous le charme avec la lecture de "Copenhague". Pourtant le début du récit m'a laissé quelque peu perplexe dans ce "Copenhague" à l'allure de confinement Covid et cette rencontre improbable entre Nana et Thyge. Et puis la poésie du langage de Thyge avec son parlé si drôle et pittoresque se met en place pour nous entrainer dans une sarabande déjantée à la recherche de l'âme danoise imprégnée des contes d'Andersen. C'est de plus en plus loufoque, de plus en plus improbable, de plus en plus trépidant avec une course poursuite qui permet une visite guidée de la ville de Copenhague bien plus attirante qu'il n'y parait. C'est presque toujours drôle avec une richesse syntaxique qui fait pont entre les deux langues et les deux héros. Le récit rebondit même sur une enquête policière qui rappelle qu' "il y avait bien quelque chose de pourri au royaume du Danemark". Personnellement je me suis beaucoup attaché à Nana et Thyge qui sont en parfaite harmonie comme les deux auteurs semblent l'être. En effet le récit est très bien dessiné par un Risbjerg au trait si expressif et moderne. Les extérieurs sont très soignés et certaines planches magnifiques donnent une ambiance si crédible que j'entendais la pluie danoise sur mes vitres. Cela reste un récit feel good divertissant très bien fait qui permet de passer un très agréable moment de détente. J'ai beaucoup aimé.
La Route du bloc - Une vocation à l'épreuve du réel
Les séries vues de l'intérieur qui travaillent sur les difficultés de l'hôpital public sont assez rares. Les responsables administratifs ou politiques n'aiment pas trop étaler ces difficultés techniques , humaines et budgétaires. Ma fille étant à la fin de ses études de médecine, je m'étais plongé avec délice dans le très bon Vie de Carabin et son humour décapant. Lisa Sanchis, jeune épouse de chirurgien, choisit un autre angle de vue en retraçant le parcours de son époux. Cela donne un récit chronologique bien construit autour du parcours de Benjamin , élève brillant et motivé par cette vocation. L'autrice propose un récit documentaire très précis sur les études puis les premières années de pratique de son mari dans le système hospitalier parisien. L'autrice a choisi de ne pas enjoliver les choses, ni de proposer une image de super héros pour son époux chirurgien. Toutefois le récit montre que derrière les multiples épreuves (études, stress, situations absurdes) l'action du personnel soignant est récompensée par les nombreuses réussites qui changent la vie des familles. La critique est moins acerbe que dans Vie de Carabin mais on retrouve quelques passages pas toujours tendre pour certains ( Professeur grand ponte vs Docteur vieux briscard par exemple). Lisa Sanchis ajoute quelques éléments très techniques des interventions de son héros avec des planches anatomiques très précises. Toutefois l'autrice n'abuse pas du jargon médical ce qui permet de bien rester dans la narration. Le graphisme colle bien au coté documentaire avec un trait souple et très dynamique. Cela donne un récit agréable à lire pour un large public. Ainsi cette série pourrait très bien trouver sa place dans les bibliothèques de nombreux lycées. Je pousse un peu ma note mais la thématique est importante et traitée avec justesse.
Slava
Je vais faire court, difficile de passer après le superbe avis de Josq. Pierre-Henry Gomont nous propose une histoire au background diablement intéressant, à savoir la période qui a immédiatement suivi l’effondrement du bloc soviétique. Intéressant car extrêmement instructif et plus pertinent que jamais aujourd’hui, pour quiconque essaye de comprendre un peu l’ogre Russe. Intéressant pour moi plus personnellement aussi : étant franco-bulgare, j’ai passé pas mal de temps derrière le rideau de fer, puis vu (et partiellement compris) la transition vers le capitalisme de mes propres yeux. Il greffe sur ce background une histoire enjouée, des personnages hauts en couleurs, et un humour vraiment efficace (j’adore ces phylactères qui contiennent une unique image). J’ai en tout cas passé un excellent moment de lecture. Le rythme est maintenu sur les 3 tomes, et la fin est parfaite, et très émouvante. Un excellent triptyque, que je recommande chaudement.
Autopsie
Il faut que je vous avoue un truc. Quand j’étais jeune il y a un métier qui m’intéressait plus que tout quand d’autres veulent être vétérinaire ou pompier, c’était … médecin légiste ! Vous comprendrez donc aisément qu’avec la série « Autopsie » publiée chez Oxymore je n’avais aucune appréhension à plonger avec délectation dans ces trois albums qui allaient m’arracher les tripes avec une élégance sadique et une précision de boucher méticuleux. Dès les premières pages, on est saisi à la gorge par une ambiance où le sang coule à flots et où l’horreur n’est jamais gratuite, mais chirurgicale, presque artistique. Les auteurs – car c’est bien un travail d’équarrisseurs inspirés – transforment chaque planche en une table d’autopsie visuelle, où les corps ne sont plus que des toiles de chair déchirée, et les âmes, des lambeaux de folie exposés à l’air libre. Oxymore, en tant que maison d’édition, a su rassembler des talents – Mourad est de retour ! - qui manient l’épouvante comme d’autres manient le pinceau avec une maîtrise glaçante et un sens du détail qui frôle l’obsession malade. Les trois albums sont des plongées dans l’abjection, où la psyché humaine est disséquée sans pitié. Pas de monstres surnaturels ici, ou si peu ! le vrai cauchemar, c’est l’homme lui-même, ses pulsions inavouables, ses délires meurtriers, ses corps brisés et ses esprits en décomposition. Chaque histoire est une lame qui tourne dans la plaie, explorant la folie, la culpabilité et la déchéance avec une froideur clinique qui rend le tout d’autant plus insupportable. Que c’est bon ! Et puis, il y a le dessin. Un trait nerveux, organique, qui semble respirer la pourriture. Les visages se déforment sous le poids de la terreur, les corps s’ouvrent comme des fleurs vénéneuses, et chaque ombre cache une menace prête à exploser. Les planches sont saturées d’une tension malsaine, où le noir avale la lumière, où le rouge – celui du sang, bien sûr – éclabousse les pages comme une malédiction. Les auteurs jouent avec les cadrages déstabilisants, les perspectives tordues, et une précision anatomique qui donne l’impression de toucher du doigt les entrailles encore chaudes de leurs personnages. Autopsie n’est pas une lecture, c’est une vivisection. On en ressort sonné, nauséeux, mais fasciné, comme après avoir assisté à une opération à cœur ouvert… sans anesthésie. La série ne cherche pas à vous faire sursauter. Non non , elle s’infiltre sous votre peau, s’installe dans vos cauchemars, et y pourrit à petit feu. En bref, si vous aimez que vos BD vous laissent des cicatrices, si vous cherchez une œuvre qui dépasse les limites du support pour vous hanter longtemps après, cette série est votre prochain supplice. Brutal. Génial. Inoubliable. Et surtout, à ne pas mettre entre toutes les mains.
Rita - Sauvée des eaux
Eh bien... Eh bien, "Rita" est une très bonne bande dessinée ! Le dessin ne m'a pas du tout mis en confiance, avec un gros, gros aspect "blog", qui pourrait en repousser plus d'un. Pourtant je trouve ce dessin plutôt bon, il est assez simple sans pour autant être bâclé, les décors sont plutôt bons, les couleurs sont maîtrisées. Malgré tout, je peux complètement comprendre l'avis de certains, à qui le dessin ne plaît pas. Mais alors de quoi parle ce livre ? Et bien malgré ses aspects gentillets, "Rita" est un pur drame. Sophie Legoubin-Caupeil (disons juste Sophie) nous raconte sa quête en Inde, pour retrouver la femme que son père a sauvé de la noyade, en y laissant la vie. Sophie nous raconte sa vie compliquée après la mort de son père, sa rencontre avec la femme, ses difficultés à la trouver, avec (je suis surpris de la dire) beaucoup d'émotions, ce livre est peut-être ma meilleure surprise de l'année. Seule bémol (qui de toute façon n'aurait pas pu être arrangé, le livre étant une autobio) le dénouement est un petit peu expédié, et laisse sur sa faim. À part ça, "Rita" est une réussite, qui je le redis, m'a très très agréablement surpris
Le Juif arabe
Rien d’hyper original ni de très détaillé dans la narration. Et pourtant, j’ai bien aimé cet album. La construction est un peu hachée par le découpage qui alterne flash-backs et passages contemporains, chacun d’une page la plupart du temps. J’ai été un peu désarçonné au départ, mais je m’y suis rapidement fait, et ces allers-retours finissent en fait par faire sens et capter/captiver le lecteur. Au travers d’un récit en partie autobiographique, Hanuka arrive à mêler histoire familiale et histoire du sionisme et des débuts d’Israël. C’est assez équilibré, jamais manichéen, bien au contraire. Et c’est aussi fluide. Par petites touches, on est accroché. On pourrait chipoter en regrettant qu’il n’y ait pas de rupture de rythme, mais le mélange des périodes aide à limiter le côté trop « linéaire » et ronronnant. Un album sympathique.
Le Voyage des Pères - L'Exode selon Yona
J’étais resté sur une bonne impression de ma lecture – qui remonte maintenant à quelques années – du « Voyage des pères ». Une bonne impression confirmée par ce préquel, dont la lecture est vraiment plaisante. Le vieil athée que je suis s’accommode très bien de l’arrière-plan biblique – qu’on peut tout à fait ne prendre que comme décor, comme une base « culturelle » triturée par Ratte. Car le récit est a priori bien ancré dans des passages célèbres de la Bible, au moment où, sous la conduite de Moïse, les Juifs auraient fuit l’Égypte, après que leur dieu ait menacé le pharaon avec ses « plaies ». Voilà pour le décor. Mais en fait tout tourne autour d’un personnage, Yona, riche égyptien, conseiller du pharaon qui, pour avoir des enfants, se voit contraint d’épouser une énième femme, cette fois-ci méprisée car juive, Libi (par ailleurs jeune adolescente qui n’a pas sa langue dans sa poche et ne s’en laisse pas conter). Yona va se trouver embarqué dans la lutte entre Juifs et le pharaon. Ce qui fait le sel de l’histoire, c’est la narration, très aérée (ça se lit très vite car il y a finalement peu de texte) et dynamique. Et surtout l’humour. Le personnage ambivalent de Yona, tour à tour hâbleur et dominateur avec les « faibles » (ses femmes, ses serviteurs, les Juifs, etc.) et flagorneur, obséquieux ou dépassé avec les « forts » (pharaon, Libi). J’aurais bien vu Louis de Funès incarner le personnage dans une adaptation ! Les dialogues, très « contemporains » dans les tournures et les mots employés, donnent un décalage amusant. Et le dessin de Ratte accompagne très bien ce récit. Très chouette, avec de belles planches de décors, il est lui aussi dynamique, rondouillard, expressif, et les gesticulations de Yona sont assez drôles. La colorisation de Lavialle est elle aussi réussie. Seul le dernier tome m’a paru un chouia en deçà, un peu moins caustique, comme si un essoufflement pointait (ça commençait un peu dans le précédent). Mais ça reste globalement une lecture plaisante, amusante, et recommandable. Note réelle 3,5/5.
Detroit : Become Human -Tokyo Stories
J’ai vraiment apprécié Detroit: Become Human – Tokyo Stories. En tant que fan du jeu vidéo original, j’étais curieux de voir comment l’univers serait adapté en manga, et j’ai été agréablement surpris. Le fait de déplacer l’action au Japon apporte une nouvelle perspective sur les tensions entre humains et androïdes, et le dessin rend bien l’atmosphère à la fois froide et émotive du monde de Detroit. J’ai trouvé les thèmes de la discrimination et de la conscience artificielle toujours aussi percutants, même si le format manga ne permet pas de développer les personnages et les intrigues aussi profondément que dans le jeu. Malgré ce léger manque, c’est une lecture captivante que je recommande aux amateurs du jeu ou à ceux qui aiment les récits de science-fiction avec une dimension morale.
Petit conte léguminesque (ou comment le colosse de Rhodes a été construit)
Un petit conte antique rigolo, une lecture très agréable en tout cas. Les auteurs nous plongent d’emblée dans la vie d’une cité antique, tout en nous présentant les causes de la construction du Colosse de Rhodes. Mais la particularité, c’est que la narration glisse pas mal d’humour. Je dois même dire que j’en attendais – en tout cas j’en espérais – davantage, quelque chose d’encore plus loufoque, déjanté. Le début invitait à ce type de délire. Du coup, je suis un peu frustré, car l’humour faiblit un peu sur la fin. Le dessin, un trait gras, charbonneux, est lui aussi agréable, et accompagne très bien ce récit original. Au final, un album qui mérite d’être redécouvert, original et agréable. Il aurait été encore meilleur sans cette baisse de rythme et d’humour dans le dernier tiers. Mais j’arrondis aux 4 étoiles pour cette fraicheur et cette originalité du récit (note réelle 3,5/5).