1629, ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta

Note: 4/5
(4/5 pour 11 avis)

Seuls les désespérés prennent le risque de s’embarquer sur le Jakarta. À son bord, un équipage issu des bas-fonds d’Amsterdam et assez d’or et de diamants pour exciter les plus folles convoitises. Un baril de poudre sur un enfer flottant. Invitée improbable dans cette traversée vers le cauchemar, Lucrétia Hans devient la seule à pouvoir empêcher Jéronimus Cornélius, apothicaire hérétique et ruiné, d’allumer la mèche… Bon voyage.


1454 - 1643 : Du début de la Renaissance à Louis XIII Glénat Les prix lecteurs BDTheque 2022 Vieux gréements

Premier tome d’un diptyque consacré à l’une des pages les plus sanglantes de l’histoire maritime, ce thriller psychologique revient sur un récit effroyable où se sont mêlés mutinerie, naufrage, massacre et survie. En se focalisant sur ce microcosme sordide, Xavier Dorison signe autant un récit d’aventure magistral qu’une galerie de portraits sur la noirceur de l’âme humaine, magnifiquement illustré par un Thimothée Montaigne au sommet de son art.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 16 Novembre 2022
Statut histoire Série en cours (prévue en 2 tomes) 1 tome paru
Dernière parution : Moins de 2 ans

Couverture de la série 1629, ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta © Glénat 2022
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 11 avis)
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28/11/2022 | Hervé
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Par Lajt
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Effrayante, c'est vraiment le cas de l'embarquée des passagers de ce navire au mystérieux destin. Je suis un grand fan d'histoires de pirates et parmi toutes les bd que j'ai pu lire sur le thème, c'est vraiment celle-ci qui m'a le plus fait voyager. Le graphisme est saisissant et la colorisation se prete à merveille a notre immersion au sein de cet équipage quelque peu ..hésitant et flottant. De plus l'inspiration de l'histoire par des faits réels peuvent encore plus faire frissonner quant au destin des passagers a la fin du premier tome, car la folie rôde... Vivement la suite!

26/11/2023 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5
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D’une certaine façon je comprends les reproches faits par Gaston dans son avis. Les aventures maritimes ont le vent en poupe (eh eh), parmi les parutions récentes j’ai lu Pitcairn - L'île des Révoltés du Bounty et Le Voyage du Commodore Anson, et il y a forcément une impression de déjà-vu. De plus le rythme est assez lent, même si ce dernier point ne m’a pas gêné, et contribue, je trouve, à la lente dégradation de l’ambiance à bord du Jakarta. J’ai malgré tout passé un excellent moment de lecture. Le jeu psychologique et le rapport de force entre les différents protagonistes sont remarquablement mis en scène, et je suis impatient de lire la suite des évènements dans le second tome. Le grand format de l’album fait vraiment honneur à la superbe mise en image de Thimothée Montaigne et Clara Tessier. J’ai notamment beaucoup apprécié le travail sur les visages des personnages, très détaillés et expressifs. Vivement la suite (et fin) de cette grande épopée.

13/09/2023 (modifier)
Par Gaston
Note: 3/5
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Encore une fois, je trouve qu'une série de Dorison est juste sympathique à lire. C'est bien fait, le scénario se laisse lire sans problème et j'ai bien aimé découvrir le début d'un naufrage qui va mal tourner. Je connaissais pas du tout ce fait historique. Le problème est que jusqu'à présent cela ressemble à n'importe quelle histoire maritime se passant au temps où le capitaine pouvait être cruel envers son équipage. Les personnages jouent leurs rôles et aucun ne m'a paru particulièrement attachant ce qui est pour moi un défaut parce que du coup je ne ressens aucune tension parce que je me fiche un peu s'ils meurent tous dans d'atroces souffrances. Le dessin est du bon style réaliste même si personnellement ce n'est pas un style que j'affectionne particulièrement. Le premier tome a un rythme un peu lent pour bien planter le décor et les personnages. On devine dans les dernières pages que cela va barder dans la seconde partie, que je vais tout de même lire parce que je suis un peu curieux de savoir comment tout cela va finir. En gros, je comprends que d'autres accrochent mieux que moi parce qu'il y a beaucoup de qualités, c'est juste que le traitement du récit ne me captive pas.

31/07/2023 (modifier)
Par Cleck
Note: 4/5
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Je suis visiblement moins enthousiaste que nombre d'entre vous ici. Ma note hésite entre 3 et 4, l'ambition de l'ensemble me fait finalement opter pour le 4, mais un tout petit 4 donc. Il s'agit pourtant indéniablement d'une assez belle BD, bien illustrée, avec une thématique bien campée, servie par une jolie édition certes trop chère. Cela ne manque pas de drame, de tragique, mais c'est quelque peu confus. La faute au scénario ou au découpage, à moins que les torts ne soient partagés ? Cela me fait penser à quelques films, notamment à "La Chevauchée fantastique" de Ford et au "Cygne noir" d'Henry King, qui inversement parviennent à planter des personnages et clarifier des situations en quelques brèves séquences, et combien cela est complexe et mérite les éloges. Mais tout le monde n'a pas le talent de Ben Hecht, ce qui est bien excusable. J'attends avec impatience le deuxième tome, qui sera l'occasion d'une relecture du premier, et permettra peut-être d'atténuer cette impression de confusion. J'aime à croire que tout s'agencera plus aisément une fois l'ensemble entre mes mains, mais crains que cela ne soit complètement le cas, car la compagnie, vrai méchant de l'histoire, demeurera un hors-champ dénué de voix.

20/06/2023 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Excellent récit d'Histoire et de Voile qui nous plonge dans l'univers sordide des navires de la Compagnie néerlandaise des Indes Orientales du 17e siècle. C'est avant tout un bel album, grand, documenté, excellemment dessiné et bien structuré en chapitres aux noms évocateurs. Les planches sont très soignées, très réussies, et elles contribuent à nous plonger pour de bon dans ce récit historique et dépaysant. J'ai été clairement emporté par ma lecture, me sentant plongé au milieu de ces marins et à bord du fameux Jakarta. Les Passagers du vent m'avaient offert une vision réaliste mais légèrement romantique des voyages dans ces vieux gréements d'époque. Le Voyage du Commodore Anson m'en avait offert une vision encore plus réaliste et montrant bien les difficultés techniques de telles expéditions. Les Naufragés de la Méduse m'avait montré les horreurs d'un naufrage dans le cadre des inégalités sociales entre officiers de marine et matelots à leurs ordres. "1629, ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta" m'offre cette fois une vision non seulement réaliste mais aussi très crue, insistant sur l'aspect terrible de la vie des marins, et surtout sur les incroyables inégalités à bord. C'est une formidable critique du capitalisme forcené dont faisait preuve la Compagnie des Indes Orientales à l'époque. Mais c'est aussi une mise en scène édifiante des enjeux de pouvoir à bord de ces navires dans lesquels une poignée de privilégiés faisait régner la loi sur des matelots bien plus nombreux et dangereux qu'eux, maintenus en laisse par un étrange sentiment de peur qu'un lecteur moderne pourra mettre du temps à appréhender. Le déroulement du récit est très prenant, amenant les points de vue de plusieurs protagonistes pour mieux observer divers aspects de la situation mais aussi tromper le lecteur en lui faisant croire à tort qu'il va deviner toute la suite des évènements. C'est beau, bien raconté, et un vrai plaisir de lecture et de découverte à la fois.

15/06/2023 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

Je connais très bien l’histoire dont s’est inspiré Dorison pour ce diptyque, c’est même une de celles qui m’a le plus marqué. Du coup, ma seule frustration sera que je connais a priori la suite (sans spoiler, je peux dire aux lecteurs que la noirceur sera au rendez-vous !). C’est une histoire totalement incroyable – mais vraie – qui illustre pas mal de thèmes comme la recherche du pouvoir, le contrôle des masses, la création d’une dictature, etc. A ma connaissance cette histoire vraie n’a jamais été adaptée au cinéma, ce qui ne cesse de m’étonner, tant il n’y a pas grand-chose à ajouter à la réalité pour en faire un film des plus prenants ! J’avais découvert cette histoire par la lecture de deux livres (cités dans la bibliographie de fin du premier volume) : « Les naufragés du Batavia » de Simon Leys (c’est court, synthétique, une bonne entrée en matière) et surtout un ouvrage incontournable de Mike Dash « L’archipel des hérétiques » (si cette histoire vous a captivé, vous devez lire le livre de cet historien, qui développe très bien le contexte et le « casting » en amont, et tous les aspects de cette histoire sordide). Si vous voulez vous en tenir à la BD, cette histoire a déjà été traitée par Dabitch et Pendanx dans leur triptyque Jeronimus. Pour revenir à ce « 1629 », on peut déjà dire que le dessin de Montaigne est excellent (dans la lignée de Lauffray ou Alice), avec une belle colorisation (presque trop belle ou lumineuse par rapport à l’histoire, qui plonge dans les bas-fonds de l’humanité). Quant à l’histoire, Dorison fait un peu l’impasse sur le contexte, la société protestante hollandaise, pour directement plonger dans le voyage, qui plante certaines graines – même si dès le naufrage et l’arrivée sur les récifs où les survivants vont vivre l’enfer une autre histoire commence. La narration est fluide, et il ne prend pas trop de libertés par rapport à ce qui s’est réellement passé. Deux tomes seulement, mais à la pagination très conséquente, il aura donc l’espace pour développer un peu les péripéties. J’attends de voir ce que le second tome va donner, même si je connais l’histoire, car il y a vraiment moyen de faire quelque chose de prenant ! En tout cas ce tome inaugural est déjà une réussite, c’est de l’aventure historique bien menée, et bien mise en images.

15/03/2023 (modifier)
Par MacKott
Note: 4/5
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J'avais vu cette bd à sa sortie et elle m'avait intéressé pour le thème qu'elle abordait : le XVIIème siècle et les débuts des grandes compagnies maritimes avec leurs lots de voyages dont on sait jamais si on en revient ! Il faut aussi avouer que la couverture en jette et j'ai donc pu me l'offrir il y a quelques jours. J'avais un à priori un peu mitigé sur cette bd; Dorison n'est pas mon scénariste préféré. Je reconnais que ses scénarios sont souvent fluides, sans lenteurs et bien écrits mais je ne les ai jamais trouvés exceptionnels. Au dessin, je ne connaissais pas Montaigne mais de ce que j'avais vu, c'était du Lauffray en un peu moins bien. Et justement que dire du dessin ? J'en suis très agréablement surpris. Si effectivement, la lecture de 1629 m'a bien confirmé l'influence de Lauffray, je trouve les planches très bien dessinées. On aura droit à quelques doubles planches ou des grandes cases qui prennent parfois toute une page. Elles renforcent l'immersion et nous plongent directement dans l'histoire, notamment pendant la tempête, c'était vraiment chouette. Le dessin rend de plus très bien de la misère d'une vie en pleine mer, mais aussi des tensions entre les personnages et les craintes qu'ils renferment, notamment grâce à un cadrage très dynamique et moderne, un cadrage qui m'avait d'ailleurs un peu rebuté en feuilletant la BD avant de la lire, moi qui suis plutôt habitué à celui clair et précis des anciennes BD, mais qui a le mérite que je viens d'évoquer. Notons aussi que la qualité des dessins ne se limitent pas aux personnages et à l'ambiance offerte. En effet, les décors (surtout ceux d'Amsterdam) ne sont pas bâclés, ce que j'ai tendance à remarquer de plus en plus souvent dans les BD des dernières années qui pourtant sont parfois adulées par les critiques, mais bon passons. Pour le scénario, comme je l'ai dit Dorison n'est pas mon auteur préféré, mais il a ici réussi à me faire vraiment aimé l'histoire qui pourtant à l'air assez classique en apparence : long voyage, tentatives de mutinerie et évidemment naufrage ( c'est pas vraiment un spoil vu que c'est évoqué en 4ème de couverture et dans le titre ;) ) Il va donc jouer sur la tension palpable entre les officiers et les marins mais aussi sur l'apparition d'un personnage énigmatique : l'apothicaire. Tous ces éléments parviennent donc à garder le lecteur en haleine, jusqu'à la scène de fin qui termine de belle manière le premier volet ! Parlons enfin du prix de cette BD. 35€, même si le format est très grand et qu'il y a 120 pages à lire, c'est beaucoup trop cher. Le choix éditorial peut être justifié si l'on compare par exemple avec Les Indes Fourbes d'Ayroles qui est au même prix. Mais cette dernière avait tout de même 30 pages de plus. 25€ voire 30€ maxi auraient été plus raisonnables. Finalement, je recommande quand même la lecture de cette histoire qui est la première d'un diptyque dont la suite s'avère encore plus passionnante ! Elle fut une très agréable surprise en ce début d'année et j'ai hâte de lire le dénouement !

08/01/2023 (modifier)
Par doumé
Note: 4/5
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Un pur récit d'aventure maritime, Dorison nous entraîne sur le Jakarta et nous fait partager le quotidien d'un équipage sur un navire du 17ème siècle. Basé sur des faits historiques réels, l'auteur intègre un récit avec des personnages classiques dans une aventure de piraterie, un savant équilibre qui fait la réussite de cette bd. Pas un seul moment de répit dans ce scénario, tout ce voyage basé sur la cupidité des armateurs qui veulent rentabiliser au plus vite leurs investissements sans aucune considération humaine nous entraîne dans une fuite en avant où nous pressentons la catastrophe finale. La qualité de l'ouvrage est un peu hors norme pour un grand éditeur, la couverture, l'épaisseur du papier et le marque page. Pour l'oeuvre par elle-même, c'est du même niveau, l'auteur présente avant le début de l'histoire une carte du trajet du navire, un plan du Jakarta et surtout le mode de fonctionnement de la VOC pour comprendre la hiérarchie sur les bateaux de cette compagnie. Ces informations permettent d'être immergées dès le départ dans l'ambiance des transports maritimes à cette époque. Le dessin de Montaigne fait la part belle à la représentation des visages marqués par la dureté de la vie en mer, les détails du bateau ne sont pas en reste et grâce aux couleurs sombres à l'intérieur du bateau nous ressentons l'enfermement de tout l'équipage. Un premier tome qui donne envie de lire la suite.

01/01/2023 (modifier)
L'avatar du posteur Le Grand A

Les urnes sont closes, et alors qu’on distribue déjà les récompenses, on a oublié qu’on continue pourtant de sortir des albums même à la toute fin de l’année. Et c’est fin novembre, dans la dernière ligne droite, qu’est donc parue celui que je considère comme l’ovni de l’année 2022. Assurément, tout est réussi dans cette bd. Analyse : Pour commencer, matez un peu la qualité du bouzin, le contenu est certes plus important que le contenant, mais déjà l’aspect de l’objet tout en dorure avec un style d’illustration très XIXème siècle fait qu’on est déjà content rien que de le tenir en main. C’est du beau bouquin rendant hommage à l’époque dans laquelle s’ancre l’histoire. Le découpage des chapitres avec pareil cette mise en page style imprimerie d’incunables est franchement agréable à l’œil et renforce l’immersion. Plus concrètement maintenant, je crois que les auteurs sont au top et au sommet de leur art. C’est le même duo ayant officié sur Le Troisième Testament – Julius, quoique il me semble que Dorison s’était mis un peu en retrait du scénario pour Alex Alice mais bref, moi j’ai senti une maturité qui se dégageait de leur travail respectif. Vous vous souvenez du tome 2 de Long John Silver avec cette tension permanente entre les membres d’équipage, entre les marins d’un côté et les officiers de l’autre qui ont tout pouvoir ?… Dorison joue dans un registre qu’il a déjà arpenté mais ici c’est beaucoup plus âpre, viscéral, tendu. Le voyage n’a rien d’une sinécure, c’est une mission suicide le long du Styx, ça sent la sueur, la merde et le sang, vraiment les personnages vivent un enfer. Tu sens que quand ça va péter, ça va dézinguer et suriner à tout va. Le nombre de pages bien plus conséquent aide pas mal à mettre en place cette montée de la violence c’est vrai, toujours est-il que l’orage gronde, ça marche du tonnerre. On sent que Dorison a de la bouteille désormais, puisqu’il reprend ses thématiques chères aperçues dans Human Stock Exchange par exemple, où les grandes corporations (ici la Compagnie des Indes Orientales, plus puissantes que les États) édictent leurs propres lois, y compris sur les individus, lesquels à l’état naturel ne sont pas spécialement bons pour autant entre eux. « L’homme est un loup pour l’homme » disait Hobbes, les naufragés du Batavia en ont fait la regrettable expérience… Quant à Thim Montaigne, faut-il encore le présenter ? Si on est amateur d’encrage puissant façon Lauffray (Montaigne est suffisamment talentueux pour se faire un nom tout seul mais citer Lauffray je sais que ça parle direct niveau style), on est à bonne adresse. C’est très expressif et on en prend plein la longue-vue. Apparemment ce n’est pas lui aux couleurs, donc chapeau bas à Clara Tessier, c’est magnifique. Bon et puis hein, puisque je suis en plein cirage de pompe, bravo à tous ceux qui ont bossé de près ou de loin sur cet album. Ça c’est de la bd, là je suis content de dépenser mes florins !

27/12/2022 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5
L'avatar du posteur Blue boy

Cette bande dessinée, premier volet d’un diptyque, est clairement la sensation du moment chez Glénat, et on comprend pourquoi. A commencer par le magnifique travail éditorial : livre en grand format doté d’une couverture luxueuse avec vernis sélectif doré et marque-page en tissu. Au-delà de ce bel emballage qui pourrait s’avérer trompeur, le contenu est tout à fait à la hauteur… Alors certes, graphiquement, on a affaire à ce style commun à toutes les grandes séries commerciales au long cours. Cela n’a rien d’original mais c’est très bien fait, avec cette touche cinématographique qui immerge le lecteur dans l’histoire : pleines pages spectaculaires, cadrages de haute volée, incrustation de petites cases en plans serrés pour un rendu hyper dynamique. Timothée Montaigne est doué, c’est incontestable, et le travail sur la couleur de Clara Tessier ne fait qu’en rehausser la qualité visuelle. Sans compter les mappemondes de l’époque et le plan en coupe du bateau au début qui confèrent au livre un côté « archive ». De la belle ouvrage, comme disaient les anciens. Le scénario de Xavier Dorison, inspiré d’une histoire vraie, n’est pas en reste. La narration est totalement maîtrisée, Dorison ayant conçu ici un véritable « page turner » qui vous happe sans plus vous lâcher jusqu’à la fin…de ce premier tome — dommage pour les impatients ! De même, les personnages principaux ont des personnalités bien marquées, ce qui ne gâche rien. Si le neuvième art regorge de récits sur les « Vieux gréements », un genre presque à lui seul, celui-ci nous met dans la peau des occupants du navire Batavia, rebaptisé ici Jakarta, qui tous sans exception endurèrent des conditions de vie extrêmement difficiles durant un périple depuis les Pays-Bas jusqu’à l’Indonésie, ancienne colonie hollandaise. En préface, Dorison nous avertit, cette aventure va nous montrer que l’Homme est capable de la pire barbarie, avec « arrêt complet de l’empathie », ce qui ne fait que renforcer notre curiosité, pour ne pas dire, toute honte bue, notre fascination pour le sordide ou le voyeurisme. Ce qui laisse penser que le second tome ira encore plus loin dans l’horreur, ce premier tome restant finalement assez « sage », toute proportion gardée. Heureusement, l’histoire ne se limitera pas à cette accroche, dans la mesure où elle se fait l’excellente métaphore — et c’est là tout son intérêt — du capitalisme financier moderne, le même qui aujourd’hui mène le monde à sa perte. Les Hollandais semblaient être précurseurs en la matière, le navire étant détenu par la première « multinationale » de l’Histoire, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, contrôlée par des actionnaires dont la puissance financière imposait des règles inhumaines d’une cruauté inégalée au sein de l’équipage. La tournure que va prendre l’aventure confirmera l’inadéquation totale d’un tel système avec la réalité la plus triviale. C’est du grand spectacle pour une épopée maritime qui le méritait bien, avec ce paradoxe d’être certes une invitation au voyage, mais plus sûrement un voyage vers l’enfer, laissant le lecteur entre l’émerveillement et la sidération face à l’horreur vécue par ces hommes. Il est rare qu’une œuvre dans sa première partie nous laisse avec une si forte envie de connaître sa conclusion, que les auteurs ne devraient pas manquer, espérons-le, d’amener à bon port…

15/12/2022 (modifier)