Avec "Armelle et Mirko", Loïc Clément, Anne Montel et Julien Arnal nous emmènent dans le petit monde bien sombre d'Armelle. Pauvre petite tortue dont le comble du malheur est d'être phobique de l'obscurité... Compliqué de se prémunir des dangers quand son refuge naturel n'est qu'une source d'angoisse ingérable. Heureusement, la rencontre de la luciole Mirko va tout changer !
C'est tout en poésie, grâce notamment au trait tout en rondeur et à une colorisation contrastée et lumineuse, que Julien Arnal nous emmène dans cet univers simple mais pas simpliste. Avec cette histoire toute en subtilités, les enfants découvriront que les angoisses et les peurs, ça arrive à tout le monde et qu'en échangeant avec les bonnes personnes, il existe souvent un moyen de se sortir d'un mauvais pas, voire de se faire des amis.
Voilà un album très élégant (je trouve déjà la couverture magnifique), intelligent et empreint de cette petite touche de poésie qui fait toute la différence.
*** Tome 2 ***
Après l'émerveillement du premier tome, j'étais curieux de voir ce que les auteurs allaient nous proposer pour ces curieux petits personnages.
Personnellement, j'ai trouvé que le graphisme était encore plus majestueux mais l'histoire m'a moins touché. Mirko la luciole décide de reprendre son chemin et notre petite Armelle a bien du mal à voir son seul ami reprendre la route et la laisser à ses angoisses. Mais ayant appris à les gérer tant bien que mal, elle va réussir à se faire de nouveaux amis...
Moins profond que le premier tome, cet album nous émerveille pourtant grâce au dessin de Julien Arnal qui s'est encore plus lâché, notamment sur la colorisation. C'est lumineux, avec toujours cette petite touche de poésie, tout en abordant des thématiques fortes (amitié, solitudes, angoisses, etc.).
Une belle série jeunesse.
*** Tome 3 ***
C'est avec plaisir que nous retrouvons notre petite équipe d'animaux. L'hiver s'est installé et notre petite troupe profite joyeusement des bons côtés de l'hiver. Balades et randonnées, partage d'un bon repas, lectures solitaires... Tout est bon pour conforter cette belle amitié qui les lie.
Mais la fin de l'hiver et le dérèglement climatique va s'inviter violemment dans cette routine rassurante et finir par séparer nos amis. Une nouvelle épreuve à traverser...
Ce troisième tome reste toujours aussi agréable, même pour l'adulte que je suis. La qualité est toujours au rendez-vous, que ce soit dans l'écriture que dans l’illustration. Les textes relèvent en effet d'un certain niveau de lecture qui est plutôt plaisant sans donner dans le verbeux ou le pompeux, à l'image du dessin de Julien Armal toujours aussi chatoyant et lumineux. Sa colorisation aquarellée est somptueuse et se marie à merveille avec le récit pour donner cette petite touche de légèreté et de poésie qui transpire de cette série.
Encore un très bon tome !
*** Tome 4 ***
Oh ! Un Nouvel Armelle et Mirko !
On retrouve notre joyeuse petite bande qui après ses déboires a fini par élire domicile dans une carcasse de tank. Bon, ça ils ne le savent pas, et c'est pour le coup ils l'ont rudement bien aménagé !
Tout va donc pour le mieux, sauf que la vie en communauté, c'est pas toujours facile. Mais le problème avec nos exubérants collocs' c'est qu'Armelle doit supporter la musique matinale de Mirko, repasser derrière tout le monde pour ranger ou faire la vaisselle, supporter les recettes loufoques ou pas à son goût de la renarde... Ajoutez à cela son impossibilité de leur dire... et Armelle va finir par voir rouge !!!
Toujours aussi agréable et doux visuellement, le graphisme d'Anne Montel répond à merveille à ces petites histoires malines et intelligentes, ici, l'importance de communiquer et les soucis de vivre ensemble.
Une série pour les plus jeunes qui ne les prend pas pour des neuneus (le vocabulaire en est le parfait exemple) et qui traite ses sujets de façon originale ; je recommande !
Un coup de cœur pour cet excellent western.
Un western très classique, mais n'est-ce pas avec les vieilles recettes que l'on fait les meilleures histoires ?
Les 160 pages se dévorent rapidement.
En 1874, le Far West est encore sauvage dans cette contrée désertique des États-Unis. Des bandits attaquent régulièrement la diligence qui transporte les fonds nécessaires à la petite ville de Flagstaff. Le propriétaire de la banque cherche un moyen pour stopper ces attaques, et il croit l'avoir trouvé avec ce nouveau coffre piégé d'explosifs.
La particularité de ce western c'est qu'il va mettre en avant trois femmes, la Jeune Elfie qui vient d'avoir 18 ans et sa grand-mère Marian, elles tiennent un relais de diligences en plein désert. La troisième, la jolie Mattie, est une prostituée qui veut changer de vie. Dans les personnages masculins, un mystérieux cow-boy solitaire tiendra un rôle important, ce qui sera moins le cas de Mad Wolf, un indien navajo qui travaille lui aussi au relais de diligences.
Un récit très bien construit, le suspense est présent du début à la fin et les rebondissements sont bien amenés, mais c'est surtout la psychologie très bien travaillée des protagonistes, même des rôles moins importants, qui rend ce récit accrocheur. Certains sont attachants, malgré leurs défauts, et d'autres sont plus que détestables.
La violence est omniprésente, je ne compte plus le nombre de balles dans la tête (ou de hache) et ces dames ne seront pas à la noce, tentatives de viol et viols sont malheureusement fréquents dans cette partie du Far West.
Une histoire qui se termine sur une note optimiste.
J'ai beaucoup aimé le dessin de Christophe Regnault (il va vraiment falloir que je lise son Jesse James). Un style dans la pure tradition du western mais avec une belle expressivité, de la lisibilité et une grande diversité dans les trognes des personnages (elle reflète parfaitement leur personnalité). La mise en scène joue sur les gros plans et ceux plus larges pour profiter des magnifiques paysages. De superbes pleines pages pour le plaisir de nos rétines
Du très bon boulot.
Un western à découvrir, sans le moindre doute.
Après Mezkal et Convoi, revoilà notre duo d'auteurs qui se lance dans une nouvelle série plus développée (3 tomes prévus).
Nous voici projetés dans un univers SF bien noir qui pourrait faire penser à Blade Runner pour le background, même si l'action se situe dans une méta-cité de Lyon qui a bien changé avec le temps. Cette mégalopole est tenue d'une main de fer par le Mayor et sa milice et différentes factions mafieuses qui se partagent le marché de la drogue du moment : le Blast, seul échappatoire illusoire d'une populace essorée. Quand arrive sur le marché une contrefaçon meilleur prix, le fragile équilibre de ces magnats commence à vaciller et la mécanique du pire se pointe en ligne de mire...
Si les personnages et l'intrigue fourmillent d'emprunts et de clins d'oeils, c'est avant tout le graphisme maîtrisé de Jeff qui nous accroche. Composition, dessin et colorisation sont une franche réussite. Côté scénario, ça sent quand même le déjà vu, même si (comme moi) les amateurs du genre ils trouveront leurs petits. La trame générale reste pour le moment avec ce tome introductif un peu floue, espérons que la suite développe davantage et ouvre de nouveaux horizons.
En attendant, un bon premier tome qui donne l'eau à la bouche.
*** Tome 2 ***
Et voici donc le second volet de cette trilogie ! Moi qui attendait de la surprise et des rebondissements, et bien j'ai été servi !
Car dans ce deuxième opus, ça ne fait pas dans la demi mesure ! On pourrait même parfois reprocher au récit de s'emballer et de frôler le parapet. Certaines scènes s'enchainent tellement vite qu'il m'a fallu reprendre certaines pages pour bien comprendre les enjeux et ce qui se passait.
Mais globalement tout se tient et déroule grand train, servi par le dessin de Jef qui pose à merveille ambiances et personnages. C'est sombre et glauque à souhait, maniant un équilibre très juste entre trait, cadrages et colorisation. Le résultat est bluffant.
Vivement le tome 3 !
Dans le sud de l'Angleterre, un adolescent nommé James tente de surmonter la mort tragique de sa sœur jumelle. Peu avant sa disparition, elle jurait avoir vu un terrible chien noir rôder autour de leur maison. En cherchant à comprendre ce qu'elle a vu, James découvre que sa petite ville et les collines environnantes sont hantées par d'anciennes légendes : un molosse qui annonce la mort, des disparitions inexpliquées, des esprits qui se manifestent à la tombée du jour. Au fil de son enquête, il comprend que le passé du village et le sien s'entremêlent peu à peu.
En revisitant les classiques du folklore fantomatique anglais, Norm Konyu livre une fable fantastique moderne, à la croisée du roman graphique et de la méditation mélancolique sur le deuil et la mémoire.
Son dessin impose une identité forte. Le trait, précis et anguleux, s'accompagne d'une modernité glacée. Les compositions, d'une rigueur presque architecturale, se parent de teintes douces oscillant entre brumes pastel et gris pluvieux. Par instants, cette esthétique très maîtrisée peut paraître figée, mais elle participe pleinement à l'atmosphère d'étrangeté silencieuse qui enveloppe le récit. Chaque planche respire la solitude et la mélancolie.
Sur le plan narratif, Konyu mise sur la lenteur et la suggestion. Il construit son récit autour d'un fil rouge centré sur James, auquel on finit par s'attacher, entrecoupé de saynètes fantastiques retraçant les événements à l'origine des légendes locales ; équivalents britanniques de la Dame Blanche, du Barghest et d'autres récits tragiques devenus contes fantomatiques à faire frissonner au coin du feu. D'abord ancré dans un réalisme presque intimiste, le récit glisse progressivement vers le surnaturel, comme si la mémoire du lieu refaisait surface. L'histoire entretient le doute : s'agit-il vraiment de fantômes ou d'une mémoire collective refusant de s'éteindre ? Si le rythme mesuré peut désarçonner, le scénario reste limpide, et la montée émotionnelle se déploie avec une belle maîtrise. Sous l'enquête surnaturelle affleurent le deuil, la culpabilité et la transmission, jusqu'à une conclusion où l'émotion atteint pleinement le lecteur.
Downlands n'est pas un récit d'épouvante, mais un poème graphique sur la perte et la survivance des âmes. Une œuvre sensible, élégante et parfois distante, mais qui touche juste par son ton feutré et son imaginaire crépusculaire. Un bel hommage aux mythes ruraux anglais, revisités avec pudeur et modernité.
Grand amateur de Christophe Bec, je trouve chez lui autant de séries que j’admire que de séries qui me laissent sur ma faim. Toutefois, je ne m'étais jamais attaqué à ses séries les plus longues, par crainte de m'embarquer dans une trop longue saga dont je ne saurais pas me dépêtrer. Et pourtant, j'ai toujours aimé les premiers tomes de Carthago que j'ai lus il y a maintenant quelques années.
Je viens enfin de découvrir la saga au complet et malgré quelques divagations passagères, qu'est-ce que c'est bon ! Il est vrai que le long récit suivi qui va du tome 1 au tome 10 s'égare régulièrement. A force de multiplier les personnages, les créatures, les lieux, les époques, on perd parfois quelques repères. A ce titre, je regrette un peu que la série ne soit pas restée focalisée sur les mégalodons... Mais une fois accepté que le postulat réel de la série ne se limite pas à la résurgence du mégalodon, mais à quelque chose de beaucoup plus ancré dans le registre de la science-fiction, Carthago fonctionne très bien. On sent que Bec sait (à peu près) où il va, et son histoire se déroule d'une manière assez cohérente. Surtout, passé le tome 10, on sent que Bec a trouvé le moyen de recentrer son histoire et de fluidifier sa narration.
Après un premier diptyque "flashback" sur le père de son héroïne, il emmène enfin à partir du tome 13 sa saga dans des eaux parfaitement inexplorées et inattendues. J'ai l'impression que beaucoup de lecteurs ont lâché la saga avant, et je les comprends un peu, mais s'ils savaient ce qu'ils ratent... En choisissant d'orienter soudain sa saga vers du post-apocalyptique, Christophe Bec lâche enfin les chiens (enfin, les requins) et nous offre un diptyque presque parfait avec les géniaux Abzu est notre seul dieu/Courbée, je me redresse ! Un monde ruiné par l'apocalypse nucléaire, des moines fanatiques qui s'affrontent sur une plateforme pétrolière abandonnée, un mégalodon devenu divinité païenne... Débarrassé de sa multiplicité de lieux et d'époque (ou presque) le récit de ces deux tomes constitue l'apothéose d'une saga qui a enfin trouvé la bonne direction, et qui n'oublie pas de répondre à plusieurs questions qu'on craignait de voir laissées en suspens (même s'il faut aussi faire un détour par le tome 6 de Carthago Adventures pour certaines réponses primordiales).
Alors comment continuer Carthago après ce diptyque aussi réussi ? N'était-ce pas du suicide de lui offrir un dernier diptyque (le tome 16 étant encore à paraître) ? Non, car Christophe Bec a, là encore, trouvé la formule parfaite. On reste dans le post-apocalyptique, mais plus intime, avec un aspect survival, cette fois. Et on sait que Bec excelle dans ce registre... Il nous offre ainsi une bande dessinée de très haut vol avec Au Cœur des ténèbres (et pitié, fais revenir le zmeu dans le tome suivant !!). Ne reste plus qu'à espérer que le 16e (et normalement dernier) tome ne vienne pas briser cet état de grâce !
En tous cas, au gré des divagations de la saga, je craignais de devoir plafonner à 3 étoiles, mais quel plaisir de constater que Christophe Bec a su faire muter sa saga exactement de la bonne manière pour rendre son évolution satisfaisante et l'amener là où on ne l'attendait pas ! Sans compter qu'avec l'excellent Ennio Buffi au dessin, il laisse enfin à son dessinateur quartier libre dans les tomes 13 et 14 pour nous offrir de grandes images (parfois pleine page) qui illustrent enfin la présence des mégalodons avec toute leur puissance.
Bref, voilà indéniablement une saga qui n'aura pas toujours su aller droit au but, mais qui semble achever sa carrière d'une manière presque parfaite. On croise les doigts pour la fin !
3.5
Un bon album qui raconte la première fois qu'une femme s'est rebellé contre le système d'Hollywood et a essayer d'obtenir justice face aux hommes qui l'ont violés.
C'est encore un récit écœurant, mais nécessaire pour dénoncer les injustices de la société. C'est triste de voir à quel point la société a peu évoluer pendant des décennies. Cela se passe dans les années 30 et tout ce que subit la pauvre Patricia Douglas ne m'a pas du tout surpris et la soi-disant justice est cousue de fil blanc. Même si l'album est globalement bon, il y a quelques éléments qui m'ont fait levé les sourcils. Je trouve que le comportement de la mère de Douglas est pas clair, en tout cas je n'ai pas trop bien compris pourquoi elle garde l'argent que la MGM a donné pour que sa fille la ferme alors que l'avocat avait dit rendre l'argent. Ensuite, parfois il y avait des mots qui me semblaient anachroniques. Il y avait vraiment des gens qui disaient pédocriminalité ou culture du viol dans les années 30 ? Je n'aime pas trop lorsque dans un récit se passant dans le passé les personnages parlent comme des gens modernes.
Le dessin est très bon et l'auteur sait comment dessiner une scène de viol sans tomber dans un truc salasse. Le seul problème est que parfois l'ordre des cases à lire n'était pas très clair. C'est bien de s'amuser avec la mise en scène, mais il ne faudrait pas oublier le lecteur.
Les auteurs concluent leur préface par ces mots : « L’affaire du Mediator n’est pas juste un scandale de médicament toxique, c’est le révélateur de dysfonctionnements graves de notre démocratie ». Hélas tout est dit, car, effectivement, cette affaire donne à réfléchir (et à vomir tout autant !).
Je connaissais les grandes lignes, avait lu des articles, dans le Canard enchainé, mais aussi un gros article dans Le Monde diplomatique. Cet album permet de rentrer dans les détails, de suivre la chronologie des événements – et du foutage de gueule.
La cupidité de Servier, les astuces habituelles du Big Pharma pour se goinfrer avec ses prétendues nouvelles molécules (quitte à truquer leur bilan pour pouvoir être remboursé par la Sécu et ainsi davantage prescrit et vendu), tout y passe par le menu. S’ajoutent à ça les barbouzeries du labo, qui fait tout pour intimider témoins, lanceurs d’alerte, et même les victimes. Mais aussi la collusion entre labo et médecins, les revues médicales qui à part « Prescrire » sont financées par les pubs des labos et sont complices. Enfin, la complicité de certains décideurs politiques – une nouvelle fois nous retrouvons Nicolas Sarkozy, avocat d’affaire de Servier, qui lui donnera la plus haute distinction de la Légion d’honneur…
La « stratégie du doute » visant à discréditer les lanceurs d’alerte (utilisée par les vendeurs de cigarette ou ceux qui contestent le réchauffement climatique par exemple), le harcèlement des lanceurs d’alerte avec des « procédures baillons » épuisantes (nerveusement et financièrement) pour ceux qui osent s’attaquer à Servier, tout y passe. Et enfin, après un parcours du combattant, les décisions de justice : Servier mort avant d’avoir été jugé, qui garde ses décorations, et des peines ridicules par rapport au chiffre d’affaires et aux salaires des quelques condamnés, personne n’ayant fait de prison… Les victimes continuent à mourir, la labo à tout faire pour ne pas les indemniser...
L’album est fluide, ça n’est jamais ennuyeux ou trop technique – malgré les chiffres et informations nombreuses qui parsèment les pages – et tout est très bien démontré (un imposant dossier final donne la multitude de sources utilisées et consultables). Ecœurant, mais à lire…
J'ai décidé de découvrir cette série sans savoir qu'il s'agissait d'une série de près de 1000 planches (même plus avec le quatrième tome) qui se développe lentement sur son sujet. Mais je dois avouer que j'ai été entrainé par le récit durant les quelques jours que j'ai pris pour les lire !
Jeff Lemire commence à m'être plus familier et je reconnais certaines choses dans son récit et ses archétypes, comme Jepperd ici qui m'a beaucoup rappelé Derek de Winter Road du même auteur. Cela dit, je lui reconnais aussi une patte carrément bonne dans le scénario, celle de pouvoir mener des intrigues aussi claires et simples que celle-ci, tout en greffant dessus de nombreux sujets intéressants. "Sweet Tooth" (traduit par gueule sucrée dans le texte en français) est une BD qui parle de l'écologie, de la paternité, d’épidémie dévastatrice (et la BD date d'avant le Covid, chapeau pour le timing !) tout en reprenant des légendes inuit, des considérations sur le racisme ou sur la violence envers les femmes.
Et franchement, ça passe carrément bien. C'est une BD qui prend son temps et développe chaque personnage par des flashbacks, tout en densifiant son récit. C'est surtout les personnages qui marquent, et j'ai personnellement beaucoup aimé le scientifique se prenant finalement pour un prophète et redevenant un simple professeur, une belle image de l'humain qui pense toujours à s'élever plutôt qu'agir pour le bien. Le trait de Lemire est toujours identique, avec ces bonhommes aux traits marqués et son esthétique faisant très scène indépendante américaine. Je note son amour des paysages et de la neige qui revient sans cesse, une marque de fabrique que je lui reconnais.
Niveau livre, je suis par contre surpris par le quatrième volume qui arrive en 2021 et semble initier un second cycle (bien qu'il se suffise à lui-même). L'histoire est très différente et prend un autre chemin, mais m'a semblé moins réussi notamment à cause des questions que pose la réapparition de Jepperd qui semble débarquer de nul part. C'est un peu étrange, mais le reste est toujours là avec le poids de la religion qui revient s'inscrire dans le récit, une thématique déjà soulignée dans le premier cycle. Le dernier volume n'est clairement pas indispensable et n'a pas de réels intérêt quant au reste du récit, mais ça reste intéressant à lire.
Une série longue, travaillée même si parfois on sent l'auteur qui se fait clairement plaisir, qui aurait peut-être gagnée à être raccourci sur certains points, mais qui est entrainante et a même un petit relent prophétique sur la question de gestion de crise sanitaire. Recommandée !
Voila une très sympathique petite série fantasy pour jeunesse. Tout comme Bergères Guerrières à laquelle j'aurais envie de le comparer, cette série porte en elle une sympathique histoire aux personnages marquants et dans une ambiance de monde à sauver.
J'ai commencé la série sans avoir la moindre idée de là où l'on allait, et j'ai été agréablement surpris. C'est une aventure qui part en exploration d'un monde de fantasy entre une jeune femme anxieuse élevée par un grand-père cochon et un jeune d'une race ancienne désormais éteinte dont on ne sait pas grand chose. Très vite l'histoire s'emballe et commence à dériver autour des lampes qui éclairent le monde (une idée piquée à Tolkien par hasard ?). Si l'ensemble est très linéaire dans son déroulé, il faut bien dire que l'histoire ne va pas dans une direction précise (même si ça se sent) et camoufle soigneusement ce qui va se développer. Le méchant qui se dévoile n'est pas monolithique et des surprises viendront à son propos. De même, alors que l'histoire allait clairement vers une confrontation, celle-ci survient bien vite et continue ensuite. Le développement n'est pas remarquablement fait, mais suffisamment subtile pour un public plus jeune. L'auteur a décidé parler de sujets importants aux plus jeunes et c'est tout à son honneur.
Mais le récit ne manque pas d'humour malgré son histoire sombre. Que ce soit le grand-père gourmand aux trous de mémoire ou l'acolyte un peu bourrin avec son épée, les touches d'humour parsèment le récit qui reste pourtant globalement assez sombre. Il y a une réelle tristesse dans le récit, et son personnage principal est sujet à des crises d'anxiété très bien représentées qui l'handicapent tout en lui permettant de se révéler lorsqu'elle les affronte et se libère de ses peurs.
Le dessin d'ailleurs est très dynamique mais surtout une entrée dans un monde fantastique. L'ambiance cosy des intérieurs, les costumes et les décors font complètement fantasy, invitant le lecteur à s'immerger dans un monde qui sera exploré en détails. Le tome 3 se conclue sur une quête toujours relancée sans que je ne sente l'ensemble faiblir et je dois dire que je suis assez intéressé par la suite ! Je l'espère pas trop longue, mais cette série est un plaisir de lecture que je recommande d'offrir aux plus jeunes !
Au début des années 1930, un notable anglais est retrouvé assassiné sur l'île de Pâques, ce petit territoire isolé où cohabitent chiliens, colons britanniques et indigènes Pascuans réduits à la misère. L'inspecteur Guillermo Valverde, envoyé par le président chilien, arrive sur place pour mener l'enquête dans un huis clos à ciel ouvert, traversé de tensions raciales et politiques.
L'album offre une enquête policière captivante, dans un décor rarement exploré et historiquement riche. On y retrouve l'esprit d'Agatha Christie, mais transposé dans un cadre exotique et chargé d'enjeux coloniaux.
Le dessin de Thomas Gilbert séduit par son style semi-réaliste, expressif et légèrement inquiétant. Les couleurs, à la fois lumineuses et mélancoliques, traduisent la rudesse du climat et la beauté austère de l'île. La mise en page, claire et dynamique, renforce l'impression d'enfermement et d'humidité poisseuse qui plane sur l'histoire.
Côté scénario, Thomas Lavachery s'appuie sur les notes de son grand-père, archéologue présent sur l'île en 1934. Le résultat est un polar historique solide, au rythme mesuré, plus proche des intrigues classiques que des thrillers nerveux. L'inspecteur Valverde, imposant et perspicace, évoque naturellement Hercule Poirot par sa corpulence et son sens aigu de la déduction, tout en partageant avec Sherlock Holmes une dépendance au laudanum et un talent pour le violon. Mais ses méthodes parfois brusques et son rapport direct aux autres lui donnent une personnalité bien à lui, à la fois cérébrale et terrienne, attachante et pleine de contradictions.
Les personnages secondaires sont également bien campés : un gouverneur autoritaire, une jolie archéologue déterminée, un médecin désabusé mais bienveillant, un anglais violent et sa belle femme désœuvrée, ainsi qu'un peuple Pascuan décrit avec respect et nuance. Le récit, sans insister lourdement, dénonce la hiérarchie raciale et les abus coloniaux de l'époque. Même si la résolution se devine un peu avant la fin, l'écriture reste élégante et les dialogues d'une belle précision.
Caballero Bueno est un polar feutré et intelligent, entre hommage aux classiques du genre, modernité du ton et intérêt historique. Entre l'élégance de Poirot et les failles de Holmes, Valverde s'impose comme un enquêteur singulier et profondément humain, que j'aurais plaisir à retrouver dans d'autres enquêtes.
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Armelle et Mirko
Avec "Armelle et Mirko", Loïc Clément, Anne Montel et Julien Arnal nous emmènent dans le petit monde bien sombre d'Armelle. Pauvre petite tortue dont le comble du malheur est d'être phobique de l'obscurité... Compliqué de se prémunir des dangers quand son refuge naturel n'est qu'une source d'angoisse ingérable. Heureusement, la rencontre de la luciole Mirko va tout changer ! C'est tout en poésie, grâce notamment au trait tout en rondeur et à une colorisation contrastée et lumineuse, que Julien Arnal nous emmène dans cet univers simple mais pas simpliste. Avec cette histoire toute en subtilités, les enfants découvriront que les angoisses et les peurs, ça arrive à tout le monde et qu'en échangeant avec les bonnes personnes, il existe souvent un moyen de se sortir d'un mauvais pas, voire de se faire des amis. Voilà un album très élégant (je trouve déjà la couverture magnifique), intelligent et empreint de cette petite touche de poésie qui fait toute la différence. *** Tome 2 *** Après l'émerveillement du premier tome, j'étais curieux de voir ce que les auteurs allaient nous proposer pour ces curieux petits personnages. Personnellement, j'ai trouvé que le graphisme était encore plus majestueux mais l'histoire m'a moins touché. Mirko la luciole décide de reprendre son chemin et notre petite Armelle a bien du mal à voir son seul ami reprendre la route et la laisser à ses angoisses. Mais ayant appris à les gérer tant bien que mal, elle va réussir à se faire de nouveaux amis... Moins profond que le premier tome, cet album nous émerveille pourtant grâce au dessin de Julien Arnal qui s'est encore plus lâché, notamment sur la colorisation. C'est lumineux, avec toujours cette petite touche de poésie, tout en abordant des thématiques fortes (amitié, solitudes, angoisses, etc.). Une belle série jeunesse. *** Tome 3 *** C'est avec plaisir que nous retrouvons notre petite équipe d'animaux. L'hiver s'est installé et notre petite troupe profite joyeusement des bons côtés de l'hiver. Balades et randonnées, partage d'un bon repas, lectures solitaires... Tout est bon pour conforter cette belle amitié qui les lie. Mais la fin de l'hiver et le dérèglement climatique va s'inviter violemment dans cette routine rassurante et finir par séparer nos amis. Une nouvelle épreuve à traverser... Ce troisième tome reste toujours aussi agréable, même pour l'adulte que je suis. La qualité est toujours au rendez-vous, que ce soit dans l'écriture que dans l’illustration. Les textes relèvent en effet d'un certain niveau de lecture qui est plutôt plaisant sans donner dans le verbeux ou le pompeux, à l'image du dessin de Julien Armal toujours aussi chatoyant et lumineux. Sa colorisation aquarellée est somptueuse et se marie à merveille avec le récit pour donner cette petite touche de légèreté et de poésie qui transpire de cette série. Encore un très bon tome ! *** Tome 4 *** Oh ! Un Nouvel Armelle et Mirko ! On retrouve notre joyeuse petite bande qui après ses déboires a fini par élire domicile dans une carcasse de tank. Bon, ça ils ne le savent pas, et c'est pour le coup ils l'ont rudement bien aménagé ! Tout va donc pour le mieux, sauf que la vie en communauté, c'est pas toujours facile. Mais le problème avec nos exubérants collocs' c'est qu'Armelle doit supporter la musique matinale de Mirko, repasser derrière tout le monde pour ranger ou faire la vaisselle, supporter les recettes loufoques ou pas à son goût de la renarde... Ajoutez à cela son impossibilité de leur dire... et Armelle va finir par voir rouge !!! Toujours aussi agréable et doux visuellement, le graphisme d'Anne Montel répond à merveille à ces petites histoires malines et intelligentes, ici, l'importance de communiquer et les soucis de vivre ensemble. Une série pour les plus jeunes qui ne les prend pas pour des neuneus (le vocabulaire en est le parfait exemple) et qui traite ses sujets de façon originale ; je recommande !
Leave them alone
Un coup de cœur pour cet excellent western. Un western très classique, mais n'est-ce pas avec les vieilles recettes que l'on fait les meilleures histoires ? Les 160 pages se dévorent rapidement. En 1874, le Far West est encore sauvage dans cette contrée désertique des États-Unis. Des bandits attaquent régulièrement la diligence qui transporte les fonds nécessaires à la petite ville de Flagstaff. Le propriétaire de la banque cherche un moyen pour stopper ces attaques, et il croit l'avoir trouvé avec ce nouveau coffre piégé d'explosifs. La particularité de ce western c'est qu'il va mettre en avant trois femmes, la Jeune Elfie qui vient d'avoir 18 ans et sa grand-mère Marian, elles tiennent un relais de diligences en plein désert. La troisième, la jolie Mattie, est une prostituée qui veut changer de vie. Dans les personnages masculins, un mystérieux cow-boy solitaire tiendra un rôle important, ce qui sera moins le cas de Mad Wolf, un indien navajo qui travaille lui aussi au relais de diligences. Un récit très bien construit, le suspense est présent du début à la fin et les rebondissements sont bien amenés, mais c'est surtout la psychologie très bien travaillée des protagonistes, même des rôles moins importants, qui rend ce récit accrocheur. Certains sont attachants, malgré leurs défauts, et d'autres sont plus que détestables. La violence est omniprésente, je ne compte plus le nombre de balles dans la tête (ou de hache) et ces dames ne seront pas à la noce, tentatives de viol et viols sont malheureusement fréquents dans cette partie du Far West. Une histoire qui se termine sur une note optimiste. J'ai beaucoup aimé le dessin de Christophe Regnault (il va vraiment falloir que je lise son Jesse James). Un style dans la pure tradition du western mais avec une belle expressivité, de la lisibilité et une grande diversité dans les trognes des personnages (elle reflète parfaitement leur personnalité). La mise en scène joue sur les gros plans et ceux plus larges pour profiter des magnifiques paysages. De superbes pleines pages pour le plaisir de nos rétines Du très bon boulot. Un western à découvrir, sans le moindre doute.
La Mécanique
Après Mezkal et Convoi, revoilà notre duo d'auteurs qui se lance dans une nouvelle série plus développée (3 tomes prévus). Nous voici projetés dans un univers SF bien noir qui pourrait faire penser à Blade Runner pour le background, même si l'action se situe dans une méta-cité de Lyon qui a bien changé avec le temps. Cette mégalopole est tenue d'une main de fer par le Mayor et sa milice et différentes factions mafieuses qui se partagent le marché de la drogue du moment : le Blast, seul échappatoire illusoire d'une populace essorée. Quand arrive sur le marché une contrefaçon meilleur prix, le fragile équilibre de ces magnats commence à vaciller et la mécanique du pire se pointe en ligne de mire... Si les personnages et l'intrigue fourmillent d'emprunts et de clins d'oeils, c'est avant tout le graphisme maîtrisé de Jeff qui nous accroche. Composition, dessin et colorisation sont une franche réussite. Côté scénario, ça sent quand même le déjà vu, même si (comme moi) les amateurs du genre ils trouveront leurs petits. La trame générale reste pour le moment avec ce tome introductif un peu floue, espérons que la suite développe davantage et ouvre de nouveaux horizons. En attendant, un bon premier tome qui donne l'eau à la bouche. *** Tome 2 *** Et voici donc le second volet de cette trilogie ! Moi qui attendait de la surprise et des rebondissements, et bien j'ai été servi ! Car dans ce deuxième opus, ça ne fait pas dans la demi mesure ! On pourrait même parfois reprocher au récit de s'emballer et de frôler le parapet. Certaines scènes s'enchainent tellement vite qu'il m'a fallu reprendre certaines pages pour bien comprendre les enjeux et ce qui se passait. Mais globalement tout se tient et déroule grand train, servi par le dessin de Jef qui pose à merveille ambiances et personnages. C'est sombre et glauque à souhait, maniant un équilibre très juste entre trait, cadrages et colorisation. Le résultat est bluffant. Vivement le tome 3 !
Downlands
Dans le sud de l'Angleterre, un adolescent nommé James tente de surmonter la mort tragique de sa sœur jumelle. Peu avant sa disparition, elle jurait avoir vu un terrible chien noir rôder autour de leur maison. En cherchant à comprendre ce qu'elle a vu, James découvre que sa petite ville et les collines environnantes sont hantées par d'anciennes légendes : un molosse qui annonce la mort, des disparitions inexpliquées, des esprits qui se manifestent à la tombée du jour. Au fil de son enquête, il comprend que le passé du village et le sien s'entremêlent peu à peu. En revisitant les classiques du folklore fantomatique anglais, Norm Konyu livre une fable fantastique moderne, à la croisée du roman graphique et de la méditation mélancolique sur le deuil et la mémoire. Son dessin impose une identité forte. Le trait, précis et anguleux, s'accompagne d'une modernité glacée. Les compositions, d'une rigueur presque architecturale, se parent de teintes douces oscillant entre brumes pastel et gris pluvieux. Par instants, cette esthétique très maîtrisée peut paraître figée, mais elle participe pleinement à l'atmosphère d'étrangeté silencieuse qui enveloppe le récit. Chaque planche respire la solitude et la mélancolie. Sur le plan narratif, Konyu mise sur la lenteur et la suggestion. Il construit son récit autour d'un fil rouge centré sur James, auquel on finit par s'attacher, entrecoupé de saynètes fantastiques retraçant les événements à l'origine des légendes locales ; équivalents britanniques de la Dame Blanche, du Barghest et d'autres récits tragiques devenus contes fantomatiques à faire frissonner au coin du feu. D'abord ancré dans un réalisme presque intimiste, le récit glisse progressivement vers le surnaturel, comme si la mémoire du lieu refaisait surface. L'histoire entretient le doute : s'agit-il vraiment de fantômes ou d'une mémoire collective refusant de s'éteindre ? Si le rythme mesuré peut désarçonner, le scénario reste limpide, et la montée émotionnelle se déploie avec une belle maîtrise. Sous l'enquête surnaturelle affleurent le deuil, la culpabilité et la transmission, jusqu'à une conclusion où l'émotion atteint pleinement le lecteur. Downlands n'est pas un récit d'épouvante, mais un poème graphique sur la perte et la survivance des âmes. Une œuvre sensible, élégante et parfois distante, mais qui touche juste par son ton feutré et son imaginaire crépusculaire. Un bel hommage aux mythes ruraux anglais, revisités avec pudeur et modernité.
Carthago
Grand amateur de Christophe Bec, je trouve chez lui autant de séries que j’admire que de séries qui me laissent sur ma faim. Toutefois, je ne m'étais jamais attaqué à ses séries les plus longues, par crainte de m'embarquer dans une trop longue saga dont je ne saurais pas me dépêtrer. Et pourtant, j'ai toujours aimé les premiers tomes de Carthago que j'ai lus il y a maintenant quelques années. Je viens enfin de découvrir la saga au complet et malgré quelques divagations passagères, qu'est-ce que c'est bon ! Il est vrai que le long récit suivi qui va du tome 1 au tome 10 s'égare régulièrement. A force de multiplier les personnages, les créatures, les lieux, les époques, on perd parfois quelques repères. A ce titre, je regrette un peu que la série ne soit pas restée focalisée sur les mégalodons... Mais une fois accepté que le postulat réel de la série ne se limite pas à la résurgence du mégalodon, mais à quelque chose de beaucoup plus ancré dans le registre de la science-fiction, Carthago fonctionne très bien. On sent que Bec sait (à peu près) où il va, et son histoire se déroule d'une manière assez cohérente. Surtout, passé le tome 10, on sent que Bec a trouvé le moyen de recentrer son histoire et de fluidifier sa narration. Après un premier diptyque "flashback" sur le père de son héroïne, il emmène enfin à partir du tome 13 sa saga dans des eaux parfaitement inexplorées et inattendues. J'ai l'impression que beaucoup de lecteurs ont lâché la saga avant, et je les comprends un peu, mais s'ils savaient ce qu'ils ratent... En choisissant d'orienter soudain sa saga vers du post-apocalyptique, Christophe Bec lâche enfin les chiens (enfin, les requins) et nous offre un diptyque presque parfait avec les géniaux Abzu est notre seul dieu/Courbée, je me redresse ! Un monde ruiné par l'apocalypse nucléaire, des moines fanatiques qui s'affrontent sur une plateforme pétrolière abandonnée, un mégalodon devenu divinité païenne... Débarrassé de sa multiplicité de lieux et d'époque (ou presque) le récit de ces deux tomes constitue l'apothéose d'une saga qui a enfin trouvé la bonne direction, et qui n'oublie pas de répondre à plusieurs questions qu'on craignait de voir laissées en suspens (même s'il faut aussi faire un détour par le tome 6 de Carthago Adventures pour certaines réponses primordiales). Alors comment continuer Carthago après ce diptyque aussi réussi ? N'était-ce pas du suicide de lui offrir un dernier diptyque (le tome 16 étant encore à paraître) ? Non, car Christophe Bec a, là encore, trouvé la formule parfaite. On reste dans le post-apocalyptique, mais plus intime, avec un aspect survival, cette fois. Et on sait que Bec excelle dans ce registre... Il nous offre ainsi une bande dessinée de très haut vol avec Au Cœur des ténèbres (et pitié, fais revenir le zmeu dans le tome suivant !!). Ne reste plus qu'à espérer que le 16e (et normalement dernier) tome ne vienne pas briser cet état de grâce ! En tous cas, au gré des divagations de la saga, je craignais de devoir plafonner à 3 étoiles, mais quel plaisir de constater que Christophe Bec a su faire muter sa saga exactement de la bonne manière pour rendre son évolution satisfaisante et l'amener là où on ne l'attendait pas ! Sans compter qu'avec l'excellent Ennio Buffi au dessin, il laisse enfin à son dessinateur quartier libre dans les tomes 13 et 14 pour nous offrir de grandes images (parfois pleine page) qui illustrent enfin la présence des mégalodons avec toute leur puissance. Bref, voilà indéniablement une saga qui n'aura pas toujours su aller droit au but, mais qui semble achever sa carrière d'une manière presque parfaite. On croise les doigts pour la fin !
Seule contre Hollywood
3.5 Un bon album qui raconte la première fois qu'une femme s'est rebellé contre le système d'Hollywood et a essayer d'obtenir justice face aux hommes qui l'ont violés. C'est encore un récit écœurant, mais nécessaire pour dénoncer les injustices de la société. C'est triste de voir à quel point la société a peu évoluer pendant des décennies. Cela se passe dans les années 30 et tout ce que subit la pauvre Patricia Douglas ne m'a pas du tout surpris et la soi-disant justice est cousue de fil blanc. Même si l'album est globalement bon, il y a quelques éléments qui m'ont fait levé les sourcils. Je trouve que le comportement de la mère de Douglas est pas clair, en tout cas je n'ai pas trop bien compris pourquoi elle garde l'argent que la MGM a donné pour que sa fille la ferme alors que l'avocat avait dit rendre l'argent. Ensuite, parfois il y avait des mots qui me semblaient anachroniques. Il y avait vraiment des gens qui disaient pédocriminalité ou culture du viol dans les années 30 ? Je n'aime pas trop lorsque dans un récit se passant dans le passé les personnages parlent comme des gens modernes. Le dessin est très bon et l'auteur sait comment dessiner une scène de viol sans tomber dans un truc salasse. Le seul problème est que parfois l'ordre des cases à lire n'était pas très clair. C'est bien de s'amuser avec la mise en scène, mais il ne faudrait pas oublier le lecteur.
Mediator - Un crime chimiquement pur
Les auteurs concluent leur préface par ces mots : « L’affaire du Mediator n’est pas juste un scandale de médicament toxique, c’est le révélateur de dysfonctionnements graves de notre démocratie ». Hélas tout est dit, car, effectivement, cette affaire donne à réfléchir (et à vomir tout autant !). Je connaissais les grandes lignes, avait lu des articles, dans le Canard enchainé, mais aussi un gros article dans Le Monde diplomatique. Cet album permet de rentrer dans les détails, de suivre la chronologie des événements – et du foutage de gueule. La cupidité de Servier, les astuces habituelles du Big Pharma pour se goinfrer avec ses prétendues nouvelles molécules (quitte à truquer leur bilan pour pouvoir être remboursé par la Sécu et ainsi davantage prescrit et vendu), tout y passe par le menu. S’ajoutent à ça les barbouzeries du labo, qui fait tout pour intimider témoins, lanceurs d’alerte, et même les victimes. Mais aussi la collusion entre labo et médecins, les revues médicales qui à part « Prescrire » sont financées par les pubs des labos et sont complices. Enfin, la complicité de certains décideurs politiques – une nouvelle fois nous retrouvons Nicolas Sarkozy, avocat d’affaire de Servier, qui lui donnera la plus haute distinction de la Légion d’honneur… La « stratégie du doute » visant à discréditer les lanceurs d’alerte (utilisée par les vendeurs de cigarette ou ceux qui contestent le réchauffement climatique par exemple), le harcèlement des lanceurs d’alerte avec des « procédures baillons » épuisantes (nerveusement et financièrement) pour ceux qui osent s’attaquer à Servier, tout y passe. Et enfin, après un parcours du combattant, les décisions de justice : Servier mort avant d’avoir été jugé, qui garde ses décorations, et des peines ridicules par rapport au chiffre d’affaires et aux salaires des quelques condamnés, personne n’ayant fait de prison… Les victimes continuent à mourir, la labo à tout faire pour ne pas les indemniser... L’album est fluide, ça n’est jamais ennuyeux ou trop technique – malgré les chiffres et informations nombreuses qui parsèment les pages – et tout est très bien démontré (un imposant dossier final donne la multitude de sources utilisées et consultables). Ecœurant, mais à lire…
Sweet Tooth
J'ai décidé de découvrir cette série sans savoir qu'il s'agissait d'une série de près de 1000 planches (même plus avec le quatrième tome) qui se développe lentement sur son sujet. Mais je dois avouer que j'ai été entrainé par le récit durant les quelques jours que j'ai pris pour les lire ! Jeff Lemire commence à m'être plus familier et je reconnais certaines choses dans son récit et ses archétypes, comme Jepperd ici qui m'a beaucoup rappelé Derek de Winter Road du même auteur. Cela dit, je lui reconnais aussi une patte carrément bonne dans le scénario, celle de pouvoir mener des intrigues aussi claires et simples que celle-ci, tout en greffant dessus de nombreux sujets intéressants. "Sweet Tooth" (traduit par gueule sucrée dans le texte en français) est une BD qui parle de l'écologie, de la paternité, d’épidémie dévastatrice (et la BD date d'avant le Covid, chapeau pour le timing !) tout en reprenant des légendes inuit, des considérations sur le racisme ou sur la violence envers les femmes. Et franchement, ça passe carrément bien. C'est une BD qui prend son temps et développe chaque personnage par des flashbacks, tout en densifiant son récit. C'est surtout les personnages qui marquent, et j'ai personnellement beaucoup aimé le scientifique se prenant finalement pour un prophète et redevenant un simple professeur, une belle image de l'humain qui pense toujours à s'élever plutôt qu'agir pour le bien. Le trait de Lemire est toujours identique, avec ces bonhommes aux traits marqués et son esthétique faisant très scène indépendante américaine. Je note son amour des paysages et de la neige qui revient sans cesse, une marque de fabrique que je lui reconnais. Niveau livre, je suis par contre surpris par le quatrième volume qui arrive en 2021 et semble initier un second cycle (bien qu'il se suffise à lui-même). L'histoire est très différente et prend un autre chemin, mais m'a semblé moins réussi notamment à cause des questions que pose la réapparition de Jepperd qui semble débarquer de nul part. C'est un peu étrange, mais le reste est toujours là avec le poids de la religion qui revient s'inscrire dans le récit, une thématique déjà soulignée dans le premier cycle. Le dernier volume n'est clairement pas indispensable et n'a pas de réels intérêt quant au reste du récit, mais ça reste intéressant à lire. Une série longue, travaillée même si parfois on sent l'auteur qui se fait clairement plaisir, qui aurait peut-être gagnée à être raccourci sur certains points, mais qui est entrainante et a même un petit relent prophétique sur la question de gestion de crise sanitaire. Recommandée !
Lightfall
Voila une très sympathique petite série fantasy pour jeunesse. Tout comme Bergères Guerrières à laquelle j'aurais envie de le comparer, cette série porte en elle une sympathique histoire aux personnages marquants et dans une ambiance de monde à sauver. J'ai commencé la série sans avoir la moindre idée de là où l'on allait, et j'ai été agréablement surpris. C'est une aventure qui part en exploration d'un monde de fantasy entre une jeune femme anxieuse élevée par un grand-père cochon et un jeune d'une race ancienne désormais éteinte dont on ne sait pas grand chose. Très vite l'histoire s'emballe et commence à dériver autour des lampes qui éclairent le monde (une idée piquée à Tolkien par hasard ?). Si l'ensemble est très linéaire dans son déroulé, il faut bien dire que l'histoire ne va pas dans une direction précise (même si ça se sent) et camoufle soigneusement ce qui va se développer. Le méchant qui se dévoile n'est pas monolithique et des surprises viendront à son propos. De même, alors que l'histoire allait clairement vers une confrontation, celle-ci survient bien vite et continue ensuite. Le développement n'est pas remarquablement fait, mais suffisamment subtile pour un public plus jeune. L'auteur a décidé parler de sujets importants aux plus jeunes et c'est tout à son honneur. Mais le récit ne manque pas d'humour malgré son histoire sombre. Que ce soit le grand-père gourmand aux trous de mémoire ou l'acolyte un peu bourrin avec son épée, les touches d'humour parsèment le récit qui reste pourtant globalement assez sombre. Il y a une réelle tristesse dans le récit, et son personnage principal est sujet à des crises d'anxiété très bien représentées qui l'handicapent tout en lui permettant de se révéler lorsqu'elle les affronte et se libère de ses peurs. Le dessin d'ailleurs est très dynamique mais surtout une entrée dans un monde fantastique. L'ambiance cosy des intérieurs, les costumes et les décors font complètement fantasy, invitant le lecteur à s'immerger dans un monde qui sera exploré en détails. Le tome 3 se conclue sur une quête toujours relancée sans que je ne sente l'ensemble faiblir et je dois dire que je suis assez intéressé par la suite ! Je l'espère pas trop longue, mais cette série est un plaisir de lecture que je recommande d'offrir aux plus jeunes !
Caballero Bueno - Une enquête de l'inspecteur Valverde
Au début des années 1930, un notable anglais est retrouvé assassiné sur l'île de Pâques, ce petit territoire isolé où cohabitent chiliens, colons britanniques et indigènes Pascuans réduits à la misère. L'inspecteur Guillermo Valverde, envoyé par le président chilien, arrive sur place pour mener l'enquête dans un huis clos à ciel ouvert, traversé de tensions raciales et politiques. L'album offre une enquête policière captivante, dans un décor rarement exploré et historiquement riche. On y retrouve l'esprit d'Agatha Christie, mais transposé dans un cadre exotique et chargé d'enjeux coloniaux. Le dessin de Thomas Gilbert séduit par son style semi-réaliste, expressif et légèrement inquiétant. Les couleurs, à la fois lumineuses et mélancoliques, traduisent la rudesse du climat et la beauté austère de l'île. La mise en page, claire et dynamique, renforce l'impression d'enfermement et d'humidité poisseuse qui plane sur l'histoire. Côté scénario, Thomas Lavachery s'appuie sur les notes de son grand-père, archéologue présent sur l'île en 1934. Le résultat est un polar historique solide, au rythme mesuré, plus proche des intrigues classiques que des thrillers nerveux. L'inspecteur Valverde, imposant et perspicace, évoque naturellement Hercule Poirot par sa corpulence et son sens aigu de la déduction, tout en partageant avec Sherlock Holmes une dépendance au laudanum et un talent pour le violon. Mais ses méthodes parfois brusques et son rapport direct aux autres lui donnent une personnalité bien à lui, à la fois cérébrale et terrienne, attachante et pleine de contradictions. Les personnages secondaires sont également bien campés : un gouverneur autoritaire, une jolie archéologue déterminée, un médecin désabusé mais bienveillant, un anglais violent et sa belle femme désœuvrée, ainsi qu'un peuple Pascuan décrit avec respect et nuance. Le récit, sans insister lourdement, dénonce la hiérarchie raciale et les abus coloniaux de l'époque. Même si la résolution se devine un peu avant la fin, l'écriture reste élégante et les dialogues d'une belle précision. Caballero Bueno est un polar feutré et intelligent, entre hommage aux classiques du genre, modernité du ton et intérêt historique. Entre l'élégance de Poirot et les failles de Holmes, Valverde s'impose comme un enquêteur singulier et profondément humain, que j'aurais plaisir à retrouver dans d'autres enquêtes.