Les derniers avis (37 avis)

Par Lodi
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Lost Lad London
Lost Lad London

Un auteur est né ! La dame a un style épuré qui pourtant ne manque pas de chaire, que ce soit dans le récit ou dans le coup de trait ! Le faux coupable et le flic fatigué me plaisent bien dans leur relation à la fois distante et filiale. L'auteur sait montrer le ciel, le métro, l'appartement, des visages fins, surtout celui du jeune héros, d'une manière différente, les fait redécouvrir. Les deux personnages principaux ne sont pas des Blancs sans que pour autant on se focalise sur cette caractéristique : bien trop pris par l'intrigue pour en faire plus de cas que par le vide qui règne toujours plus ou moins dans les cases. Solitudes des personnages, esthétique, philosophie bouddhique ? En tout cas, il intrigue, plus prenant que la ville et presque que l'intrigue… Des traits si purs et un vide qui n'étouffe pas mais qui oscille entre écrin de solitude et respiration sont rares.

13/12/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Gaston Lagaffe
Gaston Lagaffe

Avec Gaston, on oscille entre rire, sourire et tendresse… Si Gaston nous libère par sa fantaisie, on aime tout le monde. Bien sûr, je dirais comme tout le monde, tous ses potes, et la mouette, et le chat, et l'instrument de musique qui fait fuir les taupes du champ des paysans où il va l'essayer. Mais aussi tout le monde, tout le monde ! Les collègues de Gaston, qui sont gentils avec lui, l'agent de police psychorigide mais pas méchant, l'homme d'affaires qui n'arrive pas à signer les contrats mais ne demande jamais qu'on saque Gaston. Et il y a le trait incisif et tendre de Franquin ! Son dynamisme. Assez de détails pour qu'on ait plaisir à relire, mais pas trop pour ne pas ralentir la lecture. Il fait aimer le moindre objet, les voitures notamment, normales, et plus encore étranges comme le char de notre héros. Les frites ? On en sent l'odeur et on a envie de les manger. Et l'idylle avec M'oiselle Jeanne. Bref, en écrivant, je me sens fondre, ce qui méritera un coup de cœur !

13/12/2025 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Detroit Roma
Detroit Roma

Depuis « René·e aux bois dormants », un premier album acclamé par la critique et auréolé du Grand Prix ACDB, Elene Usdin ne s’est pas reposée sur ses lauriers. L’autrice française nous revient ici avec un ouvrage produit à quatre mains, avec Boni, quasi-inconnu dans la bande dessinée mais référencé comme « artiste pluridisciplinaire », « compositeur, scénariste, artiste visuel, multi-instrumentiste et développeur sonore ». Les deux artistes ont ainsi mis en commun leur savoir-faire graphique et scénaristique pour produire « Detroit Roma », un objet que l’on peut qualifier de monumental, à mi-chemin entre l’ « art séquentiel » cher à Will Eisner et le livre d’art, et bénéficiant de la qualité éditoriale, désormais proverbiale, de l’éditeur Sarbacane Et ce qui saute aux yeux ici, c’est bien la puissance visuelle qui se déploie sur ces pages au format à l’italienne, un choix assez logique au regard du titre, mais un format qui rappelle également le septième art, une thématique qui imprègne tout le livre. Ce dont parle « Detroit Roma » en quelques mots, c’est cette fascination des Européens pour le fameux rêve américain, en confrontation avec les histoires les plus sordides dans un pays où l’argent est roi, où la cupidité de quelques-uns conduit une vaste frange de la population au bord de la pauvreté. C’est ainsi que démarre le récit, avec l’arrivée dans un motel des deux protagonistes, Summer et Becki, avec une référence bien trouvée au cultissime « Thelma & Louise ». Issue d’une famille très modeste, Becki en sera la narratrice, évoquant son enfance difficile à Detroit, ville touchée de plein fouet par le déclin industriel, la mort de sa mère noyée dans sa baignoire ou le combat quotidien de son père pour subvenir aux besoins du foyer. Elle trouvera son salut dans sa passion pour le dessin et le « street art ». Quant à Summer, elle est son antithèse absolue en apparence. Fille d’une ancienne actrice aisée mais désormais en fin de course, elle est loin d’être dans le besoin mais cherche une échappatoire entre cette mère aigrie et alcoolique, et un père queutard se complaisant dans les orgies. Summer côtoie les milieux artistiques underground, au grand dam de sa mère. Becki, en quête de petits boulots pour pouvoir satisfaire sa passion artistique, va être recrutée par Gloria en tant qu’aide à domicile et sera amenée à faire la connaissance de Summer. Les deux jeunes filles découvriront bientôt les raisons de l’étrange complicité qui les unit. Notons que ces deux personnages sont assez réalistes psychologiquement et également touchants dans leur fragilité. On ne rentre pas si facilement dans ce récit globalement assez lent et à la narration morcelée. Mais heureusement, l’incroyable force du graphisme permet de patienter jusqu’à la moitié du livre, c’est alors que les éléments commencent à se mettre en place, avec des révélations qui pourront émouvoir les cœurs les plus sensibles. Mais clairement, c’est bien le graphisme le gros point fort de « Detroit Roma ». Le travail à quatre mains donne lieu à une succession de styles très variés mais qui mystérieusement parviennent à trouver leur équilibre et leur cohérence. On retrouve bien la patte d’Elene Usdin avec son art maîtrisé de la couleur dont elle avait fait preuve avec « Renée aux bois dormants ». On pourra en déduire que les séquences monochromes, plus sombres, ont été réalisées par Boni. Les séquences cinématographiques, contemplatives et plus « optimistes », avec moult références au cinéma hollywoodien ou italien du XXe siècle (Fellini, Pasolini, Jarmusch, Cassavetes, Coppola ou encore Wim Wenders), mais également à la Rome antique, s’enchaînent avec les scènes plus âpres, teintés d’onirisme, où souvent la violence et l’anxiété entrent en jeu. Mais au-delà des représentations clichées (et pleinement assumées) de l’Amérique des grands espaces, des drive-in et de l’imaginaire collectif, Usdin transcende par sa palette arc-en-ciel un monde où le bonheur résiderait, à tort ou à raison, dans le clinquant consumériste. Sous son pinceau, elle parvient à rendre « artistique » un très moche rayonnage de supermarché ou une zone commerciale hérissée d’enseignes KFC ou H&M. Et ça, c’est très fort, et ça rappelle un peu ce qu’avait fait Edward Hopper avec son célèbre tableau « Essence ». Dans cette Amérique sans passé, les constructions, souvent délabrés, prennent parfois des airs de décors de cinéma, dégageant un sentiment de grande solitude. Ponctuant la narration, les portraits en esquisse d’anonymes d’une Amérique pré-trumpiste, loin des spots, confèrent un côté authentique à l’objet. Si « Detroit Roma », incontestablement un ouvrage qui marquera cette année 2025 (un OVNI peut-être, mais pas pour autant hermétique), confirme le talent d’Elene Usdin, il révélera aussi celui de Boni, dont c’est la première incursion dans le neuvième art. Ce road trip dense et visuellement généreux comblera sans aucun doute les cinéphiles, mais aussi celles et ceux qui aiment l’ « Amérique » pour ce qu’elle est — ou plus précisément ce qu’elle a été, étant donné le contexte actuel —, avec ses qualités et ses travers. Celles et ceux qui savent qu’à côté des rêves les plus ostentatoires, le cauchemar demeure en embuscade, et parfois vient gangréner toute une société.

13/12/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Knight club
Knight club

Voilà ! J'ai achetu, j'ai lu, j'ai adoru ! C'est vraiment génial ce truc. Cette BD a rempli sa fonction plus que bien. En effet, je cherchai un truc facile, pas chiant, récréatif, prenant... Et bien ça coche toutes les cases. Le scénario est bien mené, même si classique, guidé (c'est un "remake" des 7 mercenaires, en effet), les personnages tous bien campés, il y a de l'humour jusque dans le titre, du rythme, des dialogues décalés, un dessin sympatoche, un contexte historique dense qui mine de rien apporte une profondeur qu'on n'attendait pas. En ce moment, je suis aussi en train d'essayer de lire Tongues (le tome 1) dont la lecture s'avère plus que douloureuse (j'ai mal rien que de le voir sur ma table de chevet, avec son petit marque page coincé à la page 80), et ben franchement, ce tome 1 de Knight Club (quel titre !) a beau être plus consensuel, donc supposément "facile", par conséquent peut-être moins expérimental, ben y a pas photo : c'est autrement plus cool. C'est presque l'antithèse. Alors des fois, quand j'me dis que j'ai des goûts quand même élitistes (si si, ça fait chier de le dire, mais on me l'a déjà dit - je trouve d'ailleurs ça nul de faire cette différence entrer les trucs d'avant gââârde d'un côté, et le reste), et bien je pense à ça, ou à Bouzard, et je réalise qu'on s'en balec : moi, je préférerai toujours un bon truc bien torché et plus grand-public comme ce Knight Club que LE truc qui "casse tous les codes du moment", mais nettement plus imbitable ! Bref ! On s'en fout. Knight Club, c'est excellent et prometteur. J'attend la suite avec une rare ferveur. Merci M'sieur de Pins (sans rire ?) !

13/12/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 5/5
Couverture de la série 12 rue Royale, ou les sept défis gourmands
12 rue Royale, ou les sept défis gourmands

Le scénario est très bon. Sans spoiler, on peut dire que le voisin tordu a une très bonne raison pour inventer les sept défis gourmands ! Même sans cela, les défis me plaisent tous. Par exemple faire retrouver la mémoire ! Qu'on peut voir prélude à faire retrouver quelque chose au voisin organisateur des défis. Ce dernier, ambiguë, fait à la fois une bonne et une mauvais action. Bonne : il invite des gens au restaurant à qui il rend service, voire est carrément leur bienfaiteur ! Mais pour le chef, il s'agit de défis quasiment impossibles. Le dessin a à la fois une certaine rondeur et du dynamisme, tous les personnages possèdent une vraie personnalité. Et les plats ? Nous les voyons inventés puis goutés par les clients d'une façon qui donne sinon le goût, une sorte de jouissance à imaginer leur splendeur gustative. Une bd que j'ai acheté et que je lis parfois quand je suis triste : remonte le moral. Je m'en vais relever la note comme on ajoute un ingrédient qui manque, tiens !

12/12/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Docteur Jekyll & Mister Hyde
Docteur Jekyll & Mister Hyde

Mais la tentation était telle qu'elle finit par vaincre toute crainte. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il s'agit d'une adaptation en bande dessinée du roman L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde (1886), Robert Louis Stevenson (1850-1894), réalisée par Lorenzo Mattotti, dessins et couleurs, avec l'aide de Jerry Kramsky pour le scénario. Elle comporte soixante-deux pages de BD. L'ouvrage commence par la dédicace de l'artiste à Alberto Breccia (1919-1993). Il se termine avec une postface illustrée, de six pages, écrites par Michel Archimbaud, et cinq pages d'esquisses. L’ombre déformée et agrandie d’Edward Hyde se projette sur les murs des rues, alors qu’il court dans la nuit. Dans le même temps, Harry Jekyll se dit qu’il ne ressent qu’horreur, horreur pour ce terrible lien, avec cette espèce d’animal. Il les perdra. Ils sont pareils à des bêtes féroces, dans des labyrinthes toujours plus vastes. Alors que Hyde marche d’un bon pas avec sa canne, une jeune femme marche vivement sur le trottoir perpendiculaire, des pas innocents dans le brouillard, un corps plein d’énergie vitale dans un guet-apens. Elle arrive au coin et le corps massif de Hyde lui barre le chemin. Elle lui demande de la laisser passer, car son père ne va pas bien et elle doit aller chercher le docteur. L’autre en profite, voyant qu’on l’a envoyée toute seule. Il la saisit par les cheveux, et commence à lui asséner des coups avec sa canne, puis il la piétine. Des passants voient la scène et le reconnaissent pour un monstre. Hyde prend la fuite, pendant les gens entourent la jeune fille à terre, atterrés par ses blessures, faisant appeler un docteur. Enfin Hyde rejoint la demeure de Jekyll et il s’enferme dans son laboratoire, mais les bruits ont été entendus par Poole, le majordome de Jekyll. Il appelle le notaire Gabriel John Utterson en lui demandant de venir. C’était un soir glacial et venteux de mars, avec un maigre croissant de Lune couché sur le dos, comme renversé par le vent dans une fuite de nuages effilochés et diaphanes. Utterson ne se rappelait pas avoir jamais vu ce quartier de la ville aussi désert. Mais à cet instant, il eut désiré le contraire. Jamais dans sa vie, il n’avait ressenti un aussi profond besoin de ses semblables, de les avoir visibles et tangibles autour de lui, car malgré tous ses efforts, il ne parvenait pas à se débarrasser d’un accablant pressentiment de malheur. Le notaire arrive au domicile de Harry Jekyll et frappe à la porte. Poole lui ouvre et lui explique qu’il y a quelque chose qui ne va pas, qui ne tourne pas rond. Il pense qu’il y a eu un meurtre. Il prend le manteau d’Utterson et il le prie de le suivre. Ils sortent dans la cour et se rendent au bâtiment abritant le laboratoire du docteur. Poole frappe à la porte annonçant le notaire, et une voix à l’intérieur crie qu’il ne veut voir personne. Utterson trouve la voix du docteur changée. Poole renchérit qu’elle est plus que changée, qu’il n’a pas passé vingt ans dans cette maison pour ne pas savoir la reconnaître, et ce n’est pas celle de son maître. De même il lui demande d’écouter les pas qui se font entendre, et ce ne sont pas ceux de son maître. Utterson en convient : ils sont étrangement agiles et légers. La conclusion s’impose : monsieur Hyde fréquente encore cette maison. Plusieurs choses ont pu attirer le lecteur : le plaisir de découvrir ce roman classique sous la forme d’une bande dessinée, ou le plaisir de découvrir une interprétation visuelle d’une histoire qui lui tient à cœur s’il la connaît déjà, ou encore un amour de la narration visuelle de l’artiste. Celui-ci a marqué le monde la bande dessinée, avec des ouvrages comme Feux & Murmure , respectivement parus en 1984 et 1989, le second réalisé avec Jerry Kramsky (nom de plume de Fabrizio Ostani). Il a donc choisi d’adapter un célèbre roman avec l’aide d’un coscénariste. En fonction de sa familiarité avec l’œuvre originale, le lecteur peut déceler quelques différences. Le début commence avec Hyde, et non pas avec Utterson et Richard Enfield, suivi par un retour en arrière. Les auteurs rendent plus explicites les relations de Hyde avec les femmes, avec la mise en scène de plusieurs dont Frau Elda, et quelques prostituées. Il y a donc bien adaptation, et le résultat relève de la bande dessinée, et non pas du texte illustré, même s’ils ont conservé une partie du flux de pensée de Jekyll, dans des cartouches apposés dans certaines cases. Dès la première page, le lecteur retrouve l’usage de couleurs vives par l’artiste, sa marque de fabrique depuis Feux (Mattotti). L’ombre de Hyde, d’un noir dense, est d’autant plus monstrueuse qu’elle contraste fortement avec un rouge intense ou un orange soutenu. Ces teintes vives peuvent se comprendre comme l’expression des émotions qui animent les individus vivant dans la cité, et les plus vives peuvent aussi s’envisager comme étant les émotions paroxystiques bouillonnant au sein d’Edward Hyde, des pulsions d’une force indicible, sans aucune retenue, nullement sublimées, animales. Il se souvient de la déclaration d’intention et du credo de l’artiste exprimé par le personnage d’Absinthe dans Feux. Les couleurs sont autant de feux dans le noir qui échauffent l’esprit, et cette nuit-là il passe de l’autre côté, dans une région où les choses sont comme on les sent. Absinthe avait tué pour défendre ses émotions et il était incapable de distinguer la raison de l’instinct. La nouvelle façon de voir les choses par Absinthe va provoquer la ruine de ses coéquipiers, et les couleurs le brûlent toujours plus. Dans cette adaptation, les couleurs remplissent la même fonction : elles constituent les signes des émotions, de ces forces de vie qui animent littéralement l’être humain. Le lecteur peut voir les couleurs les plus vives comme le reflet de l’intensité terrible des émotions de Hyde. Il peut voir les couleurs un peu moins soutenues comme l’expression des émotions des autres personnages, la façon dont ils projettent leur ressenti sur ce qui les entourent, mais aussi l’émotion qui a animé un créateur pour réaliser une robe, un meuble, de la musique. Le récit déborde alors d’émotions et de sensations. L’histoire de ce docteur est bien connue et le lecteur peut retrouver dans cette adaptation les principales interprétations comme l’incarnation de la désinhibition de l’individu laissant libre cours à ses bas instincts, comme le sadisme, l’absence d’empathie, le refus de toute limite, de toute contrainte, la schizophrénie, la dépendance. Il retrouve également un récit éminemment moral, avec des caractéristiques manichéennes : au fur et à mesure qu’il cède à ses pulsions, l’apparence d’Edward Hyde devient plus bestiale, plus monstrueuse, plus laide. Le mode de dessin atténue un peu cette dernière caractéristique car les personnages ne correspondent pas aux canons de la beauté, même la séductrice Frau Elda. Les représentations de l’être humain comportent des traces de formes géométriques, sans aller jusqu’au cubisme, et de surréalisme qui déforment discrètement les visages et les silhouettes. Les silhouettes peuvent devenir des formes ondulantes pour accompagner la grâce de la séduction, ou la vivacité d’une attaque physique. Les proportions du corps humains peuvent se trouver altérées, une tête avec une dimension exagérée et de petites mains, pour attirer l’attention sur un individu tout entier dans sa façon de voir les choses, et pas dans l’action ou la réalisation. Les perspectives sont faussées par moment pour attirer l’attention sur l’état d’esprit du personnage qui déforme sa perception de la réalité, qui voit son environnement au travers de ses émotions, et plus au travers d’une analyse rationnelle. Dans cette adaptation, Edward Jekyll vole la vedette de chaque scène par sa silhouette fluide, ses expressions agressives, fourbes, sadiques, de jouissance, la noirceur de sa veste et de son pantalon qui semble ne laisser filtrer aucune émotion, et son visage blanc qui semble les absorber toutes. En l’observant, le lecteur voit un individu animé d’uniquement deux objectifs : satisfaire ses pulsions, et survivre. Il n’y a pas de plaisir dans son comportement, pas de tranquillité, ni même de réelle satisfaction si ce n’est dans l’instant quand il peut totalement se laisser aller à une pulsion. Par exemple, quand il frappe sans relâche la jeune fille allant chercher un docteur pour son père, quand il peut boire sans modération, danser sans retenue, se livrer à des pratiques sexuelles sadiques, frapper un infirme, tuer un chien, se jeter sur une femme pour une relation allant vers la dévoration, etc. C’est un individu qui est tout entier dans l’instant présent, son instinct lui permettant de fuir à temps, sans aucune velléité de construire, de se projeter dans l’avenir proche ou à plus long terme, dépourvu de toute forme d’empathie à l’exception de la perception du désir sexuel, et de la souffrance d’autrui. Jekyll commente que Hyde buvait, avec une avidité bestiale, à la souffrance des autres. Ses actes sont condamnés par la morale de la société dans laquelle il vit, ce qui apparaît dans les réactions des personnes qui le croisent, et dans les commentaires de Harry Jekyll très conscient de des crimes que commet son alter ego, et ni la satisfaction, ni la satiété ne lui sont accessibles. L’auteur avec son coscénariste se livre à un véritable travail d’adaptation, aménageant quelques scènes, supprimant quelques personnages et intégrant d’autres non présents dans le roman. La narration graphique de l’artiste reste dans un registre expressionniste, adapté à la bande dessinée, au travers des formes et surtout de l’usage des couleurs. Le récit reste ancré dans une forme moraliste, tout en exprimant les différentes interprétations possibles : sociale ou psychanalytique. L’hypocrisie sociale de la société victorienne, le dédoublement de la personnalité, les phases d’euphorie et d’abattement d’un toxicomane, l’absence de retenue ou de maîtrise de ses émotions qui ne sont plus que des pulsions.

12/12/2025 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5
Couverture de la série Le Marquis d'Anaon
Le Marquis d'Anaon

Une belle découverte que ce "Le Marquis d'Anaon". Une serie de cinq albums, ils peuvent se lire indépendamment les uns des autres (une histoire par tome), mais je conseille tout de même l'ordre de parution. On va suivre les aventures de Jean-Baptiste Poulain, le fameux Marquis d'Anaon (Anaon est un mot breton qui désigne l'ensemble des âmes des défunts et le lieu où elles se retrouvent), un jeune homme en avance sur son époque (esprit scientifique) et au passé brumeux. Des aventures qui lorgnent sur le polar avec pour pimenter les intrigues quelques légendes d'un autre temps. Fabien Vehlman a la judicieuse idée de choisir le siècle des Lumière, celui-ci promouvait le rationalisme et le libéralisme, des outils qu'utilisera notre Marquis pour combattre l'obscurantisme et la superstition. Un ensemble qui fonctionne bien malgré la faible pagination des albums (48 pages) pour bâtir des récits qui tiennent la route. Des récits sombres où la mort sera un compagnon de route de notre Marquis, il fera face à des tueurs en série, à une épidémie et à une bête sanguinaire. Un peu de frustration tout de même de quitter notre Marquis et de ne pas en savoir plus sur son mystérieux passé. Mathieu Bonhomme nous propose un dessin clair, aéré, au trait précis et à la très belle colorisation. Un ensemble qui rend hommage à cette période historique. Une mise en page classique. Du très bon boulot. Un 4 étoiles un peu généreux pour une série qui vaut le détour.

12/12/2025 (modifier)
Couverture de la série 1984 (Coste)
1984 (Coste)

J’ai découvert 1984 à travers l’adaptation graphique de Xavier Coste, sans avoir lu auparavant le roman de George Orwell. J’en connaissais seulement les grandes lignes, mais cette BD m’a permis d’entrer pleinement dans l’univers dystopique du récit. Je précise aussi que je me suis procuré la première édition contenant le pop-up collector, un très bel objet qui ajoute une dimension supplémentaire à l’expérience de lecture. Dès les premières pages, l’atmosphère oppressante saute aux yeux. Le style visuel de Coste, dominé par des teintes sombres et des jeux de rouge intenses, retranscrit à merveille le climat de surveillance permanente et de contrôle absolu. Chaque planche semble peser sur le lecteur, comme si Big Brother observait depuis la moindre case. J’ai trouvé la narration particulièrement fluide. Même en n’ayant jamais lu le roman, je n’ai eu aucune difficulté à suivre l’histoire. Les thèmes majeurs : manipulation de la vérité, effacement de l’individu, propagande sont clairement mis en scène, et le langage graphique les rend encore plus frappants. Coste parvient à rendre l’univers à la fois compréhensible, immersif et profondément dérangeant. Enfin, l’édition avec le pop-up apporte un vrai plus. Elle donne un caractère « collector » au livre et offre une sorte de dernière image marquante qui prolonge l’ambiance après la lecture. En bref, même sans connaître le texte original, j’ai beaucoup apprécié ce roman graphique. C’est une adaptation intense, visuellement percutante et suffisamment complète pour toucher un lecteur novice tout en donnant envie de découvrir le roman d’Orwell.

12/12/2025 (modifier)
Par Johnny
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Soli Deo Gloria
Soli Deo Gloria

Alors, la composition graphique, franchement, elle est top. Les effets de trame sur ces encres noires, ça donne vraiment de la texture, de la profondeur aux dessins. Et puis les arabesques colorées, c’est pas juste joli, ça rajoute une vraie dimension poétique, une intensité qui te fait ressentir chaque scène. C’est le genre de visuel où tu t’arrêtes sur chaque page juste pour observer, parce que chaque détail te parle d’une manière différente. Mais au-delà de l’aspect graphique, ce que j’ai trouvé génial, c’est la manière dont l’histoire se déroule. Les deux personnages, au début, ils sont vraiment liés par quelque chose de très pur, presque une sorte de fusion enfantine. On dirait que leur existence dépend d’une symbiose, un peu comme si l’un ne pouvait pas vivre sans l’autre, et ça, c’est beau. C’est ce genre de lien qu’on vit tous à un moment donné, quand on est tout petits ou même dans certaines relations adultes, tu sais, cette dépendance naturelle. Sauf qu’au fur et à mesure, ça commence à déraper. Ce lien qui semblait invincible devient presque oppressant. Ça glisse doucement vers la folie, puis l’incompréhension. On sent qu’ils ne se comprennent plus, qu’ils se perdent dans leurs propres délires, leurs peurs, et ça devient de plus en plus tendu. C’est là que l’histoire prend une autre direction, avec cette séparation qui arrive comme un coup de tonnerre. On passe d’une sorte d’unité à la plus totale solitude, et c’est ça qui est fort : cette évolution, ce changement radical. Et au fond, l’histoire c’est ça. C’est une parabole, mais pas une parabole simpliste, hein. C’est vraiment mystique. Ça parle de l’orgueil et de l’humilité, ces deux forces opposées qui façonnent nos vies. L’orgueil, c’est ce qui les pousse à se perdre dans cette quête de pouvoir, de contrôle, de vouloir être plus fort, plus indépendant, à se croire invincibles. Et l’humilité, c’est ce qu’ils perdent en chemin. Ce moment où tu réalises que l’humilité, c’est la clé, mais que parfois, c’est trop tard. Ça te met une claque, parce que tu te dis que c’est exactement ça dans la vie : on se perd souvent dans nos envies, notre égo, et on oublie de rester connecté à ce qui compte vraiment. Bref, c’est vraiment bien construit, tout ça. L’histoire, les dessins, l’évolution des personnages, ça nous fait réfléchir tout en nous emportant dans un univers qui est à la fois poétique, intense et tragique. C’est le genre d’histoire qui te reste avec toi longtemps après avoir tourné la dernière page.

12/12/2025 (modifier)
Par Johnny
Note: 5/5
Couverture de la série L'Amourante
L'Amourante

Ce livre, je l’ai vraiment ressenti. Dès les premières pages, j’ai eu l’impression d’entrer dans un monde à la fois super intime et en même temps super universel. Chaque dessin dégage une sorte de tendresse, de fragilité, comme si on pouvait presque toucher les émotions. Pierre Alexandrine, il arrive à donner une vraie texture aux sentiments, comme si les pages avaient une chaleur, un souffle. Il y a une vraie poésie dans sa façon de raconter. C’est pas précipité, il prend son temps, et ça nous permet de vraiment ressentir chaque geste, chaque moment de silence. Rien ne fait faux, tout est naturel, fluide, mais ça te prend aux tripes. À la fin de la BD, j’ai refermé le livre avec le cœur un peu serré, mais en même temps, j’avais cette sensation d’avoir tenu quelque chose de vraiment unique entre les mains.

12/12/2025 (modifier)