Une nouvelle bande dessinée d'Alain Ayroles, c'est toujours la fête pour un bédéphile. C'est donc tout naturellement que je me suis précipité en librairie et je n'ai pas trop été déçu ! Encore une fois, Ayroles accouche à la fois d'un bel objet et d'une histoire puissante. Les jeux de pouvoirs et de domination qu'il met en scène sont savamment mis en place avec l'art qu'on lui connaît. Ses personnages sont intelligemment écrits, et même si on est parfois dans le domaine de la caricature, il sait faire sortir les protagonistes de cette ornière. Ainsi, notre perception des personnages principaux change constamment, au fur et à mesure qu'on découvre leurs vilenies ou leur excessive naïveté. L'univers du XVIIIe siècle français est en cela très bien rendue, avec l'hypocrisie qu'on lui connaît. L'auteur menace toutefois régulièrement de réduire le siècle des Lumières à cette hypocrisie, et c'est à mon sens un peu dommage, car il bénéficie quand même d'une richesse culturelle indéniable. Certes, Ayroles la met bien en scène mais toujours à travers ce prisme de l'hypocrisie d'une élite déconnectée du vrai peuple.
D'un côté, on est contents de voir cette description d'une noblesse d'Ancien Régime, qui n'invoque le progrès, la philosophie et la culture que pour mieux se conforter dans un entre-soi détestable, à milles lieues des vertus invoquées au sein même d'une religion affichée qui ne signifie plus rien à leurs yeux, ou d'un athéisme étonnamment plus dogmatique encore que la religion qui le précéda. Heureusement, au fur et à mesure des 3 tomes parus à ce
Ce contact avec le Nouveau Monde est d'ailleurs une des grandes surprises du récit pour ma part (mais révélé dès la lecture de la 4e de couverture, puisqu'il suffit de lire le titre des deux tomes à venir pour le comprendre). Je ne m'attendais pas à ce que le récit explore le lien entre l'Ancien Régime et les colonies américaines, cela donne une ampleur inattendue au récit : on s'attendait aux Liaisons dangereuses et on se retrouve avec Le Dernier des Mohicans en plus ! Belle surprise, qui permet à Ayroles de s'amuser avec ce qu'il préfère : le récit d'une colonisation cynique où les innocents sont écrasés par les politiques et les commerçants. Même s'il n'atteint pas ici le ton épique de Les Indes fourbes, il nous offre un récit bien différent, qui étend ses ramifications petit à petit jusqu'à nous plonger dans l'Histoire, la vraie, sans qu'on s'y attende vraiment.
Le tome 2 nous plonge déjà dans l'univers dangereux des Grands Lacs avec une réussite indéniable, mais avec le tome 3, c'est la consécration ! Les différents fils narratifs y trouvent une conclusion plus que satisfaisante, y compris un fil narratif essentiel du premier tome dont on n'attendait pas la suite ici. Surtout, le récit nous immisce peu à peu dans les guerres franco-britanniques qui viennent envahir le sol canadien, vues par de multiples points de vue, ceux des colons, des soldats, mais aussi des indiens. Ce qui est fort, c'est que malgré le (très) grand nombre de points de vue, le récit conserve tout le temps sa fluidité !
Au dessin, Richard Guérineau n'a certes pas le génie de Juanjo Guarnido, mais il a néanmoins une jolie patte graphique, qui colle bien avec l'univers d'Ayroles. Manquant peut-être un peu de finesse par rapport au raffinement extrême du XVIIIe siècle français, le dessin se révèle parfaitement efficace quand il s'agit de dépeindre le grand nord canadien. Élégant, mais brutal quand il le faut, le dessin de Guérineau accompagne à point nommé les retournements de situation et autres jeux de manipulation sournoise qui ponctuent le récit.
Là aussi, on sent Guérineau très à son aise particulièrement dans un tome 3 où les conflits (plus ou moins) larvés éclatent, et où la guerre s'impose de plus en plus à des autochtones qui n'ont rien demandé. Même si ces guerres restent en toile de fond du récit, elles confèrent au tome 3 un ton plus grandiose que les précédents, peut-être un peu plus sérieux alors que paradoxalement, en même temps, les manigances du chevalier de Saint-Sauveur deviennent des ressorts plus ouvertement comiques (pour un peu, on se croirait dans du Goscinny, par moments !).
Peut-être mon seul reproche serait-il de nous avoir vendu une trilogie, avant de découvrir qu'il va y avoir un tome 4. Mais bon, vu le cliffhanger du tome 3, il est difficile de ne pas attendre le tome 4 avec la même impatience que les autres ! Un arc narratif s'est clairement refermé et ces 3 tomes pourront se lire comme une trilogie à peu près complète (sauf qu'on ignore toujours l'identité de Mme de ***, qui sera probablement au cœur des prochains volumes). L'aventure canadienne semble terminée, mais espérons que la suite de la saga soit au même niveau !
En tous cas, Le Démon des Grands Lacs clôt dignement une belle et grande trilogie, tout en ouvrant de belles perspectives pour la suite. Le chevalier de Saint-Sauveur va sûrement voir son passé ressurgir et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on a plus que hâte !
Avis subjectif, pour un album pas très courant, et qui je pense plaira surtout aux amateurs de l’auteur. Mais aussi aux lecteurs curieux, férus de poésie – surréaliste essentiellement. Et comme je fais partie de ces deux catégories, voilà un album que j’ai grandement apprécié !
L’album est vite lu, car totalement muet. Même s’il y a un récit sous-jacent, c’est surtout une suite d’images, de rêveries, l’exploration de l’imaginaire de Moebius.
J’ai parlé d’une lecture rapide. Certes. Mais elle en appelle presque à l’infini d’autres, pour observer les détails. Car Moebius allie ici la minutie et l’épure, dans un dessin excellent, souvent hypnotique et onirique.
Giraud/Moebius a toujours aimé les déserts, les a souvent représentés, dans les Blueberry de façon réaliste, et dans pas mal d’œuvres moebiusiennes de façon plus épurée, comme c’est le cas ici. Ses visites aux États-Unis, au Mexique – et probablement l’usage de substances « exotiques » – l’ont fortement inspiré, pour donner ici quelque chose de superbe visuellement, et d’intrigant intellectuellement.
Une lecture envoûtante.
Les 7 mercenaires au temps des Croisades !
À la fin du XIIe siècle, une jeune forgeronne se rend à Jérusalem pour recruter des chevaliers capables de défendre son village contre des croisés sans scrupules. Sa seule monnaie d'échange : des armures d'une qualité exceptionnelle qu'elle est la seule à savoir forger. En chemin, elle réunit une équipe hétéroclite de combattants venus d'horizons très divers, qui acceptent de la suivre et de se battre à ses côtés.
Voilà une publication des plus réjouissantes. Certes, le schéma des 7 mercenaires a été exploité maintes fois, mais le transposer dans le royaume de Jérusalem, véritable carrefour où se côtoyaient Européens, Africains, Nizârites, Mongols ou Tatars, offre un terrain culturel riche et propice à un récit haut en couleurs. Et confié à Arthur de Pins, le concept fonctionne d'autant mieux.
Son graphisme fait toujours mouche. Il s'éloigne ici un peu de l'esthétique très numérique de Zombillénium : pas de dégradés, et la 3D n'apparaît que dans certains décors, tandis que les personnages et l'essentiel des planches adoptent un rendu en aplats, plus sobre visuellement mais tout aussi efficace. L'auteur s'autorise en prime plusieurs compositions d'une grande élégance, proches d'illustrations d'artistes conceptuels.
La narration, elle aussi, apporte une vraie fraîcheur. Malgré un cadre historique soigné et quasiment dépourvu d'anachronismes, les dialogues adoptent une vivacité très contemporaine, presque cinématographique. Le rythme est excellent, soutenu par une galerie de personnages réussie, par la personnalité forte de la forgeronne qui les rassemble et par un zeste d'humour bienvenu dans la mise en scène. L'intrigue principale reste simple et rappelle les exactions commises par certains croisés en Terre sainte, mais elle s'enrichit de sous-intrigues bien dosées qui maintiennent l'intérêt et donnent envie d'avancer.
C'est une BD très aboutie et particulièrement plaisante.
Après avoir parcouru la version couleur, j'ai tout de suite opté pour l'édition noir et blanc de l'album tant j'ai trouvé que les couleurs figeaient les personnages et ne collaient pas à ce western.
Et, je pense avoir bien fait. Dans cette version n&b, le dessin de Henriet (auteur que je découvre ici) est magnifique.
Mais j'avoue avoir acheté cet album sur le seul nom de Pierre Dubois, dont les deux autres western Sykes et Texas Jack, publiés aussi chez le Lombard (collection Signé) m'avaient enchanté. Il faut dire que Pierre Dubois, que je croisais régulièrement lorsque j'étais étudiant à Rennes, prend son temps pour installer son intrigue et ses personnages : 144 pages de poursuites, de fusillades, de trahisons aussi, bref du bon western.
Les personnages sont bien campés, et on retrouve ce qui fait le sel des bons westerns : du propriétaire terrien véreux, au jeune cow boy fougueux, au colporteur (Scurly, personnage attachant) en passant par la jeune fille ingénue ou beaucoup moins farouche. Même les indiens ne sont pas oubliés!
j'ai pris beaucoup de plaisir à lire cette bande dessinée, et les amateurs de western devraient se tourner vers cet album, qui mérite que l'on s'y attarde.
L’histoire est simple, presque linéaire, celle d’une traque. Une femme recherchée par ses deux ex-beaux-frères, après qu’elle ait tué son mari. Une traque qui nous fait traverser ce qui reste d’espaces sauvages aux États-Unis au tout début du XXème siècle. Une traque durant laquelle elle va faire des rencontres, nouer des relations fortes et éphémères.
C’est qu’elle aussi est à la recherche d’elle-même, et elle est dure à fixer cette femme, dure à amadouer, après s’être violemment émancipée d’un quotidien déprimant.
J’ai parlé d’une intrigue assez simple – mais pas simpliste – et en plus la fin est ouverte, laisse en suspens l’avenir. Mais c’est une histoire que j’ai pris plaisir à parcourir. Peu de textes, mais une défense et exaltation de la liberté qu’on conquiert, de la possibilité de renaître, la question du pardon aussi.
Le dessin lui aussi m’a plu. Un Noir et Blanc charbonneux, nerveux, avare de détails, mais aussi très évocateur. Là aussi une simplicité qui m’a touché.
Un western crépusculaire et taiseux plutôt sympa.
Note réelle 3,5/5.
Comment faire un résumé clair qui ne dévoile pas tout quand tout le sel de l'album vient justement du fait que l'on suit deux histoires bien distinctes et ne se reposant que sur une mauvaise compréhension et une mauvaise communication entre deux peuples ?
(Je me permet de révéler ce point parce qu'on le comprend mine de rien assez vite, ne serait-ce que par habitude de ce genre de récit).
Tout est dans le titre : il s'agit ici de Fantasy. De science-fantasy, tout d'abord, car les humain-e-s fonctionnent en une sorte de système féodal avec armures techno-magiques et la société divine a des allures de retro-SF, mais également parce que le sujet principal de ces deux histoires, de l'album en lui-même en fait, c'est bien la fantaisie, les croyances en général pour être plus précise. Alma et Yourcenar veulent toutes deux croire au fait d'avoir un but, d'avoir une destinée, un devoir ou encore un amour qui les attend, chacune d'entre elle est enfermée dans les croyances de leurs peuples qui les poussera, l'une comme l'autre, à ce jour fatidique de leur rencontre - et sur lequel je ne vais pas trop m'étendre parce que c'est littéralement le cœur de l'album.
L'album se lit dans deux sens possibles, l'un pour Alma et l'autre pour Yourcenar, les deux histoires et leurs protagonistes respectives se croisant enfin au milieu. Il me parait préférable de commencer par Alma, le cœur de son récit reposant énormément sur des parts d'ombres qui nous seront révélées chez Yourcenar. Certes, Yourcenar aussi ne comprend pas nécessairement tout ce qu'il se passe du côté d'Alma mais je trouve vraiment que l'on y perd pas mal si l'on ne lis pas les deux histoires dans cet ordre.
Le dessin de Yoann Kavege est bon. Je ne suis pas nécessairement très friande du style "space-fantasy au relents de new-age" chez les divinités mais j'avoue que l'esthétique colle bien, contraste judicieusement avec le médieval-SF des humains. Les cases sont joliment découpées, certains décors sont tout bonnement magnifiques et propices à la contemplation qu'il s'agisse des paysages naturels comme des ruines), … Bref, l'album est beau et coloré. J'aime particulièrement le fait que beaucoup de cases se font écho, se répondent d'une certaine manière, d'un récit à l'autre.
J'aurais presque envie de citer l'introduction de "Slay the Princess" et vous dire que "ceci est une histoire d'amour", rien que pour rire.
Rose, avatar de Lou Lubie dans cette BD, est créole de la Réunion. Malgré sa peau blanche, elle a hérité les cheveux très frisés de la part noire de ses ancêtres. Et ce fut pour elle un vrai traumatisme durant sa jeunesse puis une épreuve durant sa vie de jeune adulte, tandis qu'elle cherchait des moyens de changer de coiffure ou de maîtriser un tant soit peu cette chevelure indomptable.
Les problèmes de cheveux, je les ai connus en sens inverse, avec d'abord des cheveux si lisses qu'ils retombaient trop facilement comme un bol sur ma tête d'enfant, puis plus tard... avec leur disparition. Autant dire que les cheveux sont un problème intime pour beaucoup de personnes. Et cette problématique des cheveux trop frisés, je l'avais déjà croisée dans la BD Frizzy. Mais en suivant Rose depuis l'enfance jusqu'à l'âge adulte, je l'ai découverte sur un ton à la fois très intime et en même temps universel, avec des problématiques pratiques de contraintes quotidiennes et de recherche du salon de coiffure adéquat, et en même temps le sujet de la pression sociale et de mécanismes de discrimination nichés dans quelque chose d'aussi banal que des cheveux.
La dimension documentaire de l'album est remarquable. Au-delà du récit intime, touchant et souvent drôle, j'ai appris énormément de choses sur l'histoire des cheveux crépus, les héritages du colonialisme, les injonctions esthétiques, la taxe rose, et même les lacunes de la formation des coiffeurs en France. Plus j'avançais, plus je réalisais l'accumulation de petits détails du quotidien qui participent à un racisme et un sexisme ordinaires dont je ne mesurais pas l'ampleur.
Le personnage de Rose est attachant, et la façon dont Lou Lubie mêle expérience personnelle, humour et pédagogie fonctionne parfaitement. La narration est fluide, dessin et couleurs sont simples mais chaleureux, et l'édition est soignée. L'ensemble reste léger dans le ton tout en étant profondément instructif et parfois édifiant. On ne s'imagine pas ce que peuvent vivre les femmes aux cheveux crépus, et pas juste parce que leur coiffure est indomptable.
J'ai trouvé cette BD intelligente et extrêmement accessible. Elle ouvre les yeux sur un sujet qui paraît dérisoire mais qui, en réalité, révèle beaucoup sur notre société, tout en restant agréable et vivante du début à la fin.
Spider-Man : L’Histoire d’une Vie est une œuvre profondément originale qui revisite le mythe de Peter Parker sous un angle rare : celui du temps réel. Au lieu de rester un éternel adolescent, Peter vieillit ici décennie par décennie, et chaque période de sa vie s’ancre dans un contexte historique précis. Ce parti pris donne au récit une dimension beaucoup plus adulte, presque autobiographique, où l’on voit les choix, les regrets et les responsabilités peser de plus en plus lourd.
Le scénario de Chip Zdarsky brille par sa capacité à condenser l’essence de Spider-Man tout en lui offrant une trajectoire nouvelle. Les moments clés du personnage sont réinterprétés avec intelligence, sans jamais trahir l’esprit original. Mark Bagley, quant à lui, livre un travail visuel impressionnant, capable de capturer l’évolution physique, émotionnelle et morale de Peter au fil du temps.
L’album est touchant, parfois amer, souvent puissant. Il explore à merveille ce que signifie réellement le célèbre mantra « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » lorsqu’il s’applique à toute une vie.
En résumé, c’est un récit ambitieux, mature et profondément humain. Pour les fans de Spider-Man comme pour les lecteurs de comics en quête d’une histoire complète et marquante, L’Histoire d’une Vie est un incontournable.
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L'Ombre des Lumières
Une nouvelle bande dessinée d'Alain Ayroles, c'est toujours la fête pour un bédéphile. C'est donc tout naturellement que je me suis précipité en librairie et je n'ai pas trop été déçu ! Encore une fois, Ayroles accouche à la fois d'un bel objet et d'une histoire puissante. Les jeux de pouvoirs et de domination qu'il met en scène sont savamment mis en place avec l'art qu'on lui connaît. Ses personnages sont intelligemment écrits, et même si on est parfois dans le domaine de la caricature, il sait faire sortir les protagonistes de cette ornière. Ainsi, notre perception des personnages principaux change constamment, au fur et à mesure qu'on découvre leurs vilenies ou leur excessive naïveté. L'univers du XVIIIe siècle français est en cela très bien rendue, avec l'hypocrisie qu'on lui connaît. L'auteur menace toutefois régulièrement de réduire le siècle des Lumières à cette hypocrisie, et c'est à mon sens un peu dommage, car il bénéficie quand même d'une richesse culturelle indéniable. Certes, Ayroles la met bien en scène mais toujours à travers ce prisme de l'hypocrisie d'une élite déconnectée du vrai peuple. D'un côté, on est contents de voir cette description d'une noblesse d'Ancien Régime, qui n'invoque le progrès, la philosophie et la culture que pour mieux se conforter dans un entre-soi détestable, à milles lieues des vertus invoquées au sein même d'une religion affichée qui ne signifie plus rien à leurs yeux, ou d'un athéisme étonnamment plus dogmatique encore que la religion qui le précéda. Heureusement, au fur et à mesure des 3 tomes parus à ce Ce contact avec le Nouveau Monde est d'ailleurs une des grandes surprises du récit pour ma part (mais révélé dès la lecture de la 4e de couverture, puisqu'il suffit de lire le titre des deux tomes à venir pour le comprendre). Je ne m'attendais pas à ce que le récit explore le lien entre l'Ancien Régime et les colonies américaines, cela donne une ampleur inattendue au récit : on s'attendait aux Liaisons dangereuses et on se retrouve avec Le Dernier des Mohicans en plus ! Belle surprise, qui permet à Ayroles de s'amuser avec ce qu'il préfère : le récit d'une colonisation cynique où les innocents sont écrasés par les politiques et les commerçants. Même s'il n'atteint pas ici le ton épique de Les Indes fourbes, il nous offre un récit bien différent, qui étend ses ramifications petit à petit jusqu'à nous plonger dans l'Histoire, la vraie, sans qu'on s'y attende vraiment. Le tome 2 nous plonge déjà dans l'univers dangereux des Grands Lacs avec une réussite indéniable, mais avec le tome 3, c'est la consécration ! Les différents fils narratifs y trouvent une conclusion plus que satisfaisante, y compris un fil narratif essentiel du premier tome dont on n'attendait pas la suite ici. Surtout, le récit nous immisce peu à peu dans les guerres franco-britanniques qui viennent envahir le sol canadien, vues par de multiples points de vue, ceux des colons, des soldats, mais aussi des indiens. Ce qui est fort, c'est que malgré le (très) grand nombre de points de vue, le récit conserve tout le temps sa fluidité ! Au dessin, Richard Guérineau n'a certes pas le génie de Juanjo Guarnido, mais il a néanmoins une jolie patte graphique, qui colle bien avec l'univers d'Ayroles. Manquant peut-être un peu de finesse par rapport au raffinement extrême du XVIIIe siècle français, le dessin se révèle parfaitement efficace quand il s'agit de dépeindre le grand nord canadien. Élégant, mais brutal quand il le faut, le dessin de Guérineau accompagne à point nommé les retournements de situation et autres jeux de manipulation sournoise qui ponctuent le récit. Là aussi, on sent Guérineau très à son aise particulièrement dans un tome 3 où les conflits (plus ou moins) larvés éclatent, et où la guerre s'impose de plus en plus à des autochtones qui n'ont rien demandé. Même si ces guerres restent en toile de fond du récit, elles confèrent au tome 3 un ton plus grandiose que les précédents, peut-être un peu plus sérieux alors que paradoxalement, en même temps, les manigances du chevalier de Saint-Sauveur deviennent des ressorts plus ouvertement comiques (pour un peu, on se croirait dans du Goscinny, par moments !). Peut-être mon seul reproche serait-il de nous avoir vendu une trilogie, avant de découvrir qu'il va y avoir un tome 4. Mais bon, vu le cliffhanger du tome 3, il est difficile de ne pas attendre le tome 4 avec la même impatience que les autres ! Un arc narratif s'est clairement refermé et ces 3 tomes pourront se lire comme une trilogie à peu près complète (sauf qu'on ignore toujours l'identité de Mme de ***, qui sera probablement au cœur des prochains volumes). L'aventure canadienne semble terminée, mais espérons que la suite de la saga soit au même niveau ! En tous cas, Le Démon des Grands Lacs clôt dignement une belle et grande trilogie, tout en ouvrant de belles perspectives pour la suite. Le chevalier de Saint-Sauveur va sûrement voir son passé ressurgir et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on a plus que hâte !
40 days dans le désert B
Avis subjectif, pour un album pas très courant, et qui je pense plaira surtout aux amateurs de l’auteur. Mais aussi aux lecteurs curieux, férus de poésie – surréaliste essentiellement. Et comme je fais partie de ces deux catégories, voilà un album que j’ai grandement apprécié ! L’album est vite lu, car totalement muet. Même s’il y a un récit sous-jacent, c’est surtout une suite d’images, de rêveries, l’exploration de l’imaginaire de Moebius. J’ai parlé d’une lecture rapide. Certes. Mais elle en appelle presque à l’infini d’autres, pour observer les détails. Car Moebius allie ici la minutie et l’épure, dans un dessin excellent, souvent hypnotique et onirique. Giraud/Moebius a toujours aimé les déserts, les a souvent représentés, dans les Blueberry de façon réaliste, et dans pas mal d’œuvres moebiusiennes de façon plus épurée, comme c’est le cas ici. Ses visites aux États-Unis, au Mexique – et probablement l’usage de substances « exotiques » – l’ont fortement inspiré, pour donner ici quelque chose de superbe visuellement, et d’intrigant intellectuellement. Une lecture envoûtante.
Knight club
Les 7 mercenaires au temps des Croisades ! À la fin du XIIe siècle, une jeune forgeronne se rend à Jérusalem pour recruter des chevaliers capables de défendre son village contre des croisés sans scrupules. Sa seule monnaie d'échange : des armures d'une qualité exceptionnelle qu'elle est la seule à savoir forger. En chemin, elle réunit une équipe hétéroclite de combattants venus d'horizons très divers, qui acceptent de la suivre et de se battre à ses côtés. Voilà une publication des plus réjouissantes. Certes, le schéma des 7 mercenaires a été exploité maintes fois, mais le transposer dans le royaume de Jérusalem, véritable carrefour où se côtoyaient Européens, Africains, Nizârites, Mongols ou Tatars, offre un terrain culturel riche et propice à un récit haut en couleurs. Et confié à Arthur de Pins, le concept fonctionne d'autant mieux. Son graphisme fait toujours mouche. Il s'éloigne ici un peu de l'esthétique très numérique de Zombillénium : pas de dégradés, et la 3D n'apparaît que dans certains décors, tandis que les personnages et l'essentiel des planches adoptent un rendu en aplats, plus sobre visuellement mais tout aussi efficace. L'auteur s'autorise en prime plusieurs compositions d'une grande élégance, proches d'illustrations d'artistes conceptuels. La narration, elle aussi, apporte une vraie fraîcheur. Malgré un cadre historique soigné et quasiment dépourvu d'anachronismes, les dialogues adoptent une vivacité très contemporaine, presque cinématographique. Le rythme est excellent, soutenu par une galerie de personnages réussie, par la personnalité forte de la forgeronne qui les rassemble et par un zeste d'humour bienvenu dans la mise en scène. L'intrigue principale reste simple et rappelle les exactions commises par certains croisés en Terre sainte, mais elle s'enrichit de sous-intrigues bien dosées qui maintiennent l'intérêt et donnent envie d'avancer. C'est une BD très aboutie et particulièrement plaisante.
La Vallée des oubliées
Après avoir parcouru la version couleur, j'ai tout de suite opté pour l'édition noir et blanc de l'album tant j'ai trouvé que les couleurs figeaient les personnages et ne collaient pas à ce western. Et, je pense avoir bien fait. Dans cette version n&b, le dessin de Henriet (auteur que je découvre ici) est magnifique. Mais j'avoue avoir acheté cet album sur le seul nom de Pierre Dubois, dont les deux autres western Sykes et Texas Jack, publiés aussi chez le Lombard (collection Signé) m'avaient enchanté. Il faut dire que Pierre Dubois, que je croisais régulièrement lorsque j'étais étudiant à Rennes, prend son temps pour installer son intrigue et ses personnages : 144 pages de poursuites, de fusillades, de trahisons aussi, bref du bon western. Les personnages sont bien campés, et on retrouve ce qui fait le sel des bons westerns : du propriétaire terrien véreux, au jeune cow boy fougueux, au colporteur (Scurly, personnage attachant) en passant par la jeune fille ingénue ou beaucoup moins farouche. Même les indiens ne sont pas oubliés! j'ai pris beaucoup de plaisir à lire cette bande dessinée, et les amateurs de western devraient se tourner vers cet album, qui mérite que l'on s'y attarde.
La Veuve
L’histoire est simple, presque linéaire, celle d’une traque. Une femme recherchée par ses deux ex-beaux-frères, après qu’elle ait tué son mari. Une traque qui nous fait traverser ce qui reste d’espaces sauvages aux États-Unis au tout début du XXème siècle. Une traque durant laquelle elle va faire des rencontres, nouer des relations fortes et éphémères. C’est qu’elle aussi est à la recherche d’elle-même, et elle est dure à fixer cette femme, dure à amadouer, après s’être violemment émancipée d’un quotidien déprimant. J’ai parlé d’une intrigue assez simple – mais pas simpliste – et en plus la fin est ouverte, laisse en suspens l’avenir. Mais c’est une histoire que j’ai pris plaisir à parcourir. Peu de textes, mais une défense et exaltation de la liberté qu’on conquiert, de la possibilité de renaître, la question du pardon aussi. Le dessin lui aussi m’a plu. Un Noir et Blanc charbonneux, nerveux, avare de détails, mais aussi très évocateur. Là aussi une simplicité qui m’a touché. Un western crépusculaire et taiseux plutôt sympa. Note réelle 3,5/5.
Fantasy - Yourcenar / Alma
Comment faire un résumé clair qui ne dévoile pas tout quand tout le sel de l'album vient justement du fait que l'on suit deux histoires bien distinctes et ne se reposant que sur une mauvaise compréhension et une mauvaise communication entre deux peuples ? (Je me permet de révéler ce point parce qu'on le comprend mine de rien assez vite, ne serait-ce que par habitude de ce genre de récit). Tout est dans le titre : il s'agit ici de Fantasy. De science-fantasy, tout d'abord, car les humain-e-s fonctionnent en une sorte de système féodal avec armures techno-magiques et la société divine a des allures de retro-SF, mais également parce que le sujet principal de ces deux histoires, de l'album en lui-même en fait, c'est bien la fantaisie, les croyances en général pour être plus précise. Alma et Yourcenar veulent toutes deux croire au fait d'avoir un but, d'avoir une destinée, un devoir ou encore un amour qui les attend, chacune d'entre elle est enfermée dans les croyances de leurs peuples qui les poussera, l'une comme l'autre, à ce jour fatidique de leur rencontre - et sur lequel je ne vais pas trop m'étendre parce que c'est littéralement le cœur de l'album. L'album se lit dans deux sens possibles, l'un pour Alma et l'autre pour Yourcenar, les deux histoires et leurs protagonistes respectives se croisant enfin au milieu. Il me parait préférable de commencer par Alma, le cœur de son récit reposant énormément sur des parts d'ombres qui nous seront révélées chez Yourcenar. Certes, Yourcenar aussi ne comprend pas nécessairement tout ce qu'il se passe du côté d'Alma mais je trouve vraiment que l'on y perd pas mal si l'on ne lis pas les deux histoires dans cet ordre. Le dessin de Yoann Kavege est bon. Je ne suis pas nécessairement très friande du style "space-fantasy au relents de new-age" chez les divinités mais j'avoue que l'esthétique colle bien, contraste judicieusement avec le médieval-SF des humains. Les cases sont joliment découpées, certains décors sont tout bonnement magnifiques et propices à la contemplation qu'il s'agisse des paysages naturels comme des ruines), … Bref, l'album est beau et coloré. J'aime particulièrement le fait que beaucoup de cases se font écho, se répondent d'une certaine manière, d'un récit à l'autre. J'aurais presque envie de citer l'introduction de "Slay the Princess" et vous dire que "ceci est une histoire d'amour", rien que pour rire.
Racines (Lou Lubie)
Rose, avatar de Lou Lubie dans cette BD, est créole de la Réunion. Malgré sa peau blanche, elle a hérité les cheveux très frisés de la part noire de ses ancêtres. Et ce fut pour elle un vrai traumatisme durant sa jeunesse puis une épreuve durant sa vie de jeune adulte, tandis qu'elle cherchait des moyens de changer de coiffure ou de maîtriser un tant soit peu cette chevelure indomptable. Les problèmes de cheveux, je les ai connus en sens inverse, avec d'abord des cheveux si lisses qu'ils retombaient trop facilement comme un bol sur ma tête d'enfant, puis plus tard... avec leur disparition. Autant dire que les cheveux sont un problème intime pour beaucoup de personnes. Et cette problématique des cheveux trop frisés, je l'avais déjà croisée dans la BD Frizzy. Mais en suivant Rose depuis l'enfance jusqu'à l'âge adulte, je l'ai découverte sur un ton à la fois très intime et en même temps universel, avec des problématiques pratiques de contraintes quotidiennes et de recherche du salon de coiffure adéquat, et en même temps le sujet de la pression sociale et de mécanismes de discrimination nichés dans quelque chose d'aussi banal que des cheveux. La dimension documentaire de l'album est remarquable. Au-delà du récit intime, touchant et souvent drôle, j'ai appris énormément de choses sur l'histoire des cheveux crépus, les héritages du colonialisme, les injonctions esthétiques, la taxe rose, et même les lacunes de la formation des coiffeurs en France. Plus j'avançais, plus je réalisais l'accumulation de petits détails du quotidien qui participent à un racisme et un sexisme ordinaires dont je ne mesurais pas l'ampleur. Le personnage de Rose est attachant, et la façon dont Lou Lubie mêle expérience personnelle, humour et pédagogie fonctionne parfaitement. La narration est fluide, dessin et couleurs sont simples mais chaleureux, et l'édition est soignée. L'ensemble reste léger dans le ton tout en étant profondément instructif et parfois édifiant. On ne s'imagine pas ce que peuvent vivre les femmes aux cheveux crépus, et pas juste parce que leur coiffure est indomptable. J'ai trouvé cette BD intelligente et extrêmement accessible. Elle ouvre les yeux sur un sujet qui paraît dérisoire mais qui, en réalité, révèle beaucoup sur notre société, tout en restant agréable et vivante du début à la fin.
Spider-Man - L'Histoire d'une vie
Spider-Man : L’Histoire d’une Vie est une œuvre profondément originale qui revisite le mythe de Peter Parker sous un angle rare : celui du temps réel. Au lieu de rester un éternel adolescent, Peter vieillit ici décennie par décennie, et chaque période de sa vie s’ancre dans un contexte historique précis. Ce parti pris donne au récit une dimension beaucoup plus adulte, presque autobiographique, où l’on voit les choix, les regrets et les responsabilités peser de plus en plus lourd. Le scénario de Chip Zdarsky brille par sa capacité à condenser l’essence de Spider-Man tout en lui offrant une trajectoire nouvelle. Les moments clés du personnage sont réinterprétés avec intelligence, sans jamais trahir l’esprit original. Mark Bagley, quant à lui, livre un travail visuel impressionnant, capable de capturer l’évolution physique, émotionnelle et morale de Peter au fil du temps. L’album est touchant, parfois amer, souvent puissant. Il explore à merveille ce que signifie réellement le célèbre mantra « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » lorsqu’il s’applique à toute une vie. En résumé, c’est un récit ambitieux, mature et profondément humain. Pour les fans de Spider-Man comme pour les lecteurs de comics en quête d’une histoire complète et marquante, L’Histoire d’une Vie est un incontournable.