Bien avant la nomination d'Anouk Ricard au festival d'Angoulême et le prix décroché (n'en déplaise à ses détracteurs), l'éditeur d'Animan avait annoncé la publication de Fabienne, suite avérée ou chapitre à part s'attachant au personnage de la petite grenouille oisive, compagne du héros antropomorphe, croisé dans le premier bouquin.
Et c'est sans trop de chichis ni trop de tapage médiatique cette fois que sort enfin Fabienne, suite/rupture d'Animan jusqu'au format bien plus proche d'un roman cartonné que de la bande dessinée standard et à la couverture d'une grande sobriété comme vous pouvez le voir.
Prenant place directement après les aventures comique de notre héros chauve aux capacités surnaturelles, Anouk Ricard va s'attacher bien plus au personnage de cette grenouille parlante, dont la langue ne reste pas en poche, que ce soit pour gober des insectes ou sortir quelques répliques pas piquées des hannetons.
Et c'est là que la magie de l'autrice agit toutes en nuances et subtilités. On découvre ici un personnage proche de la dépression sans savoir quelles sont les raisons véritables de ce mal être. Si on rit et sourit encore et toujours (quelques rappels d'Animan sont quand même un avantage à la lecture), l'autrice nous fait un véritable tour de force en mélangeant les époques (on ne sait jamais à la premiere lecture si on est dans la continuité du récit ou un flaskback) nous embarquant dans une poésie rare et sobre.
Il s'agit donc d'un portrait tout en nuances d'un personnage féminin torturé et dont les dernières pages ne sont même plus des pages de bande dessinée mais d'un journal intime mixant quotidien et anecdotes savoureuses.
Le ton est légèrement plus sombre mais attention, qu'on ne s'y trompe pas : on est bien malgré tout dans un récit léger et comique mais avec une autre compréhension.
Tous les autres protagonistes d'Animan sont bien présents avec Objecto et le chien d'Animan. Il n'est pas exclu non plus de trouver cela émouvant.
Bien évidemment, les détracteurs pourront trouver cela très light, le dessin naïf mais ce serait bien évidemment bien trop facile. Quand on aime les bouquins d'Anouk Ricard, on sait parfaitement pourquoi on est ici et il n'est pas exclu d'envisager Fabienne comme peut-être le meilleur ouvrage de l'autrice (mais hélas pour elle, il y a l'incontournable Boule de Feu sur la plus haute marche du podium à mes yeux ^^ ).
La fin appelle à un troisième tome et gageons là aussi qu'il s'agira d'un autre format, d'un autre style mais toujours encore d'une petite pépite qu'il me tarde d'avoir entre les mains.
Il va être compliqué de faire mieux que l'avis de mon copain PAco sur cette grosse pépite de 200 pages sortie de nulle part mais dont la couverture et le format atypique ne laissent pas de marbre en librairie.
Il semble s'agir de la première œuvre d'Ismaël Legrand à qui je ne peux souhaiter qu'un parcours similaire à celui de Mathieu Bablet qui m'avait épaté dès son premier bouquin La Belle Mort et dont on connait depuis le parcours sans ombrages.
Les bd franco-belges de pure Dark Fantasy ne sont pas si courants et sur le coup là, on en prend plein les mirettes tant sur le dessin fourmillant de détails comme sur le scénario à priori alambiqué qui nous embarque dans un monde tout à la fois crédible et étoffé mais d'une grande noirceur.
Si le récit de ces destins parallèles (un guerrier taiseux et à priori invulnérable et une soldate en prise aux doutes et au passé trouble) s'avère finalement assez classique, c'est bien la façon de le mettre en scène qui reste plutôt exceptionnelle tant l'univers regorge de détails et d'une base solide. On y croise sorcières machiavéliques, des zombies, des chevaliers en armure et tout ce qui fait le sel du manga "Berzerk" et des jeux Dark Souls dans un univers glauque et violent. C'est à la fois désespéré (certaines scènes ne sont pas à mettre devant tous les regards), la plupart des personnages croisés sont pourris par l'orgueil et le pouvoir et petit à petit, tous les méandres du scénario s'assemblent et amènent même à une relecture immédiate pour mieux en comprendre les enjeux.
Deathbringer est unique, ambitieux et constitue probablement l'une de mes plus belles surprises récentes. Aucun doute sur l'envie de voir ce que le talent de l'auteur nous réserve, j'ai déjà réservé ma place et vais suivre avec grand intérêt ce monsieur avec lequel la bd des années 2020 va devoir dorénavant compter.
Tiens une œuvre s'inspirant du fameux duo Bud Spencer & Terence Hill qui ont fait les beaux jours des video-clubs VHS et des chaines du cable comme on les appelait dans les années 80, ces deux Italiens dont le succès d'un de leurs premiers films communs "On l'appelle Trinita" et dont le titre actuel fait directement référénce ont été multiplié pendant plusieurs décennies avec plus ou moins de succès mais présentent toujours la même recette : du rire, des bagarres bourre-pifs et une ambiance bon enfant.
Il aurait été donc facile de se plier à l'exercice et on se demande même pourquoi cela n'a jamais été fait plus tôt tellement ça parait évident mais les auteurs tordent ce qui n'aurait pu être qu'une simple parodie en un récit sans temps morts ni références appuyées toutes les deux répliques.
Déjà retranscrire un western à l'école franco-belge est plus que commun, il y a les repères sérieux comme Blueberry, le pendant comique de Lucky Luke sans compter que le thème est toujours bien présent plus récemment avec Bouncer et Gus dans la bd contemporaine, et j'en oublie volontairement car la liste serait interminable mais ce n'est pas le propos ici.
Le trait est déjà dynamique et fort mis en scène, il n'y a pas une page où l'on s'ennuierait, pas une page où la formule tournerait en rond et sans décrocher la machoire par le rire, les deux frères ennemis sont si atypiques et attachants qu'on regrette presque d'arriver à la dernière page. C'est effectivement prévisible avec ce kidnapping de jeunes orphelines pour les desseins d'un sombre politicard, il y a de grosses scènes de baston et des rencontres improbables : les militaires sont stupides, les demoiselles pourvus d'atouts généreux mais également d'un caractère bien trempé. On y ajoute des prouts et des bains de scheisse à répétition mais surtout : qu'est-ce qu'on s'y amuse tellement le contenu est généreux.
Il semblerait que Robin Recht veuille prolonger l'aventure de nos deux comparses si le succès est au rendez-vous. Pourquoi pas si on ne tourne pas autour d'une formule simple et connue pour ne pas en tarir l'intérêt mais dans cette attente, l'aventure vaut largement la lecture et certains passage ne manquent pas d'une certaine poésie (le passage en montgolfière entre autres), c'est un grand OUI par ma part.
Twist and Shoot fonctionne très bien, même pour un lecteur trop jeune pour avoir connu George Best en direct. Le récit parvient à restituer avec justesse la trajectoire d’un footballeur hors norme, sans tomber dans l'éloge pure. La dualité est au cœur de l’album : un joueur génial, incandescent sur le terrain, face à un homme profondément fragile, timide, mais projeté malgré lui au centre de l’attention médiatique.
Le scénario insiste moins sur l’exploit sportif que sur l’équilibre précaire entre talent, passion du jeu et autodestruction. Best apparaît constamment tiraillé entre discipline et tentations, porté par son génie mais jamais réellement protégé de lui-même. Cette approche donne au récit une portée universelle : au-delà du football, c’est le portrait d’un individu dépassé par ce que son talent provoque autour de lui.
Graphiquement, la mise en scène privilégie l’énergie, le mouvement et l’émotion plutôt que le réalisme strict. Le dessin accompagne efficacement le propos, tout comme le contexte social : une Angleterre encore très conservatrice, mais en pleine mutation culturelle. L’album raconte ainsi autant une vie qu’une époque, et aborde avec sobriété des thèmes sociaux qui dépassent largement le cadre sportif.
On ressent immédiatement l’origine littéraire du récit, tant l’univers est dense, précis et solidement charpenté. La bande dessinée parvient pourtant à rester parfaitement lisible et efficace, en condensant un matériau narratif vaste sans donner l’impression de survol ou de simplification excessive. Le scénario est rigoureux, dur et frontal, mais toujours au service de l’intrigue et de sa cohérence politique.
Le personnage principal s’impose progressivement : on s’y attache sans jamais le glorifier. Sa part sombre demeure constante, évitant toute lecture manichéenne et renforçant la crédibilité morale du récit. Cette ambiguïté est l’un des grands atouts de l’œuvre, qui assume pleinement une vision cynique du pouvoir et des rapports humains.
Graphiquement, le dessin est précis, soigné et lisible. Il accompagne parfaitement la violence du propos sans la surjouer, apportant une vraie solidité visuelle à un récit déjà très dense. Une adaptation convaincante, exigeante, qui fonctionne pleinement même sans avoir lu le roman d’origine.
Gros coup de cœur. La série dérivée dépasse clairement la proposition initiale par sa maîtrise graphique et narrative. Les couleurs sont remarquables, le dessin gagne en précision, en lisibilité et en impact, avec une identité visuelle forte et cohérente qui installe immédiatement une ambiance sombre mais jamais gratuite.
L’univers, plus dark, se révèle surtout plus profond. Le monde déployé est fascinant, dense, et l’intrigue s’épaissit progressivement à chaque tome sans rupture ni dispersion. Le scénario est nettement plus lisible que celui de la série principale, tout en conservant une structure suffisamment riche pour éviter toute simplification excessive.
L’humour reste présent, plus discret mais parfaitement dosé, et surtout au service des personnages. L’attachement fonctionne pleinement : les protagonistes portent le récit avec une vraie épaisseur émotionnelle. Une série plus mature, plus aboutie, qui capitalise sur les forces de Freaks’ Squeele tout en les affinant.
Série à l’univers singulier, volontairement déroutant, qui assume un scénario non linéaire et parfois confus sans que cela nuise réellement à la lecture. La narration se perd par moments, mais ce flottement fait partie intégrante de l’expérience : l’enjeu n’est pas la trajectoire globale, mais ce qui se construit autour des personnages et des thèmes.
La grande force de la série réside précisément dans ses protagonistes. Attachants, excessifs, profondément humains malgré le cadre loufoque, ils portent le récit bien plus que l’intrigue elle-même. L’humour est omniprésent, souvent frontal, mais soutenu par une vraie profondeur thématique et un travail de fond sur l’identité, la marginalité et le regard porté sur la norme.
Graphiquement et éditorialement, l’univers est très dense : abondance de contexte, contenus additionnels, enrichissements périphériques. On s’y laisse progressivement absorber. À noter que les séries dérivées prolongent et affinent cet univers avec une efficacité parfois supérieure à la série principale.
Fidji propose un récit solide et maîtrisé sur le doute, la fuite en avant et l’amitié masculine. Le road-trip sert de structure efficace pour faire émerger les tensions, les non-dits et une violence latente, contrebalancée par une réelle douceur. Le scénario progresse avec retenue et installe une atmosphère de plus en plus chargée émotionnellement.
Le personnage principal est profondément humain, parfois difficile à comprendre, ce qui renforce la crédibilité du récit. Le dessin, cru, précis et très dynamique, accompagne parfaitement cette ambivalence. La fin reconfigure la lecture de l’ensemble et donne une profondeur nouvelle aux pages précédentes.
Très belle série, portée avant tout par une proposition graphique impressionnante. Le dessin est extrêmement précis, dense, presque foisonnant, avec une recherche manifeste sur les décors, les architectures, les palais décadents, les navires et surtout les démons. Les mises en scène sanglantes sont particulièrement réussies : le gore et l’hémoglobine ne sont jamais gratuits et servent pleinement l’atmosphère tragique et violente du récit. L’utilisation des couleurs et des nuances accompagne intelligemment les variations de ton et de rythme.
Le scénario reste relativement classique dans sa structure, mais l’intérêt se situe ailleurs. La construction des personnages, et en particulier d’Elric, apporte une vraie profondeur émotionnelle. On perçoit une forme d’humanité là où l’univers, le contexte et les choix imposés au héros ne laissent théoriquement aucune place à la compassion ou au doute. Cette tension permanente donne du poids au récit et renforce son aspect sombre et fataliste.
La série s’adresse clairement à un public amateur de fantasy dark : ambiance glauque, dessin envoûtant, thématiques sombres, violence assumée, hémoglobine et une part de nudité. Une œuvre exigeante mais visuellement marquante, dont la force principale réside dans sa direction artistique et sa capacité à rendre fascinant un univers profondément cruel.
La lecture est parfois austère, mais elle n’est jamais ennuyeuse, bien au contraire !
Les près de 350 pages se lisent même assez rapidement (il n’y a le plus souvent que peu de texte par page). Car le sujet est intéressant, et traité intelligemment.
C’est une réflexion sur la solitude. Autour de quelques moments de la vie de l’auteure (d’une trentaine d’années), mais aussi en utilisant des citations d’auteurs divers et surtout des études de spécialistes (au passage, le long passage autour des expériences menées par un chercheur américain avec des singes fait froid dans le dos, avec ces tortures horribles et répétées qui dépassent le sadisme le plus noir – alors même qu’au final elles ont pu aboutir à plus d’empathie de la part des parents envers leurs enfants !).
L’étude de Kristen Radtke permet aussi en filigrane d’apercevoir une Amérique un rien schizophrène, avec un mythe du cow-boy solitaire et une folie des armes à feu qui transforment chaque habitant en un camp retranché.
Une lecture intéressante en tout cas. Qui entraîne une réflexion sur sa propre expérience, immanquablement.
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Fabienne
Bien avant la nomination d'Anouk Ricard au festival d'Angoulême et le prix décroché (n'en déplaise à ses détracteurs), l'éditeur d'Animan avait annoncé la publication de Fabienne, suite avérée ou chapitre à part s'attachant au personnage de la petite grenouille oisive, compagne du héros antropomorphe, croisé dans le premier bouquin. Et c'est sans trop de chichis ni trop de tapage médiatique cette fois que sort enfin Fabienne, suite/rupture d'Animan jusqu'au format bien plus proche d'un roman cartonné que de la bande dessinée standard et à la couverture d'une grande sobriété comme vous pouvez le voir. Prenant place directement après les aventures comique de notre héros chauve aux capacités surnaturelles, Anouk Ricard va s'attacher bien plus au personnage de cette grenouille parlante, dont la langue ne reste pas en poche, que ce soit pour gober des insectes ou sortir quelques répliques pas piquées des hannetons. Et c'est là que la magie de l'autrice agit toutes en nuances et subtilités. On découvre ici un personnage proche de la dépression sans savoir quelles sont les raisons véritables de ce mal être. Si on rit et sourit encore et toujours (quelques rappels d'Animan sont quand même un avantage à la lecture), l'autrice nous fait un véritable tour de force en mélangeant les époques (on ne sait jamais à la premiere lecture si on est dans la continuité du récit ou un flaskback) nous embarquant dans une poésie rare et sobre. Il s'agit donc d'un portrait tout en nuances d'un personnage féminin torturé et dont les dernières pages ne sont même plus des pages de bande dessinée mais d'un journal intime mixant quotidien et anecdotes savoureuses. Le ton est légèrement plus sombre mais attention, qu'on ne s'y trompe pas : on est bien malgré tout dans un récit léger et comique mais avec une autre compréhension. Tous les autres protagonistes d'Animan sont bien présents avec Objecto et le chien d'Animan. Il n'est pas exclu non plus de trouver cela émouvant. Bien évidemment, les détracteurs pourront trouver cela très light, le dessin naïf mais ce serait bien évidemment bien trop facile. Quand on aime les bouquins d'Anouk Ricard, on sait parfaitement pourquoi on est ici et il n'est pas exclu d'envisager Fabienne comme peut-être le meilleur ouvrage de l'autrice (mais hélas pour elle, il y a l'incontournable Boule de Feu sur la plus haute marche du podium à mes yeux ^^ ). La fin appelle à un troisième tome et gageons là aussi qu'il s'agira d'un autre format, d'un autre style mais toujours encore d'une petite pépite qu'il me tarde d'avoir entre les mains.
Deathbringer
Il va être compliqué de faire mieux que l'avis de mon copain PAco sur cette grosse pépite de 200 pages sortie de nulle part mais dont la couverture et le format atypique ne laissent pas de marbre en librairie. Il semble s'agir de la première œuvre d'Ismaël Legrand à qui je ne peux souhaiter qu'un parcours similaire à celui de Mathieu Bablet qui m'avait épaté dès son premier bouquin La Belle Mort et dont on connait depuis le parcours sans ombrages. Les bd franco-belges de pure Dark Fantasy ne sont pas si courants et sur le coup là, on en prend plein les mirettes tant sur le dessin fourmillant de détails comme sur le scénario à priori alambiqué qui nous embarque dans un monde tout à la fois crédible et étoffé mais d'une grande noirceur. Si le récit de ces destins parallèles (un guerrier taiseux et à priori invulnérable et une soldate en prise aux doutes et au passé trouble) s'avère finalement assez classique, c'est bien la façon de le mettre en scène qui reste plutôt exceptionnelle tant l'univers regorge de détails et d'une base solide. On y croise sorcières machiavéliques, des zombies, des chevaliers en armure et tout ce qui fait le sel du manga "Berzerk" et des jeux Dark Souls dans un univers glauque et violent. C'est à la fois désespéré (certaines scènes ne sont pas à mettre devant tous les regards), la plupart des personnages croisés sont pourris par l'orgueil et le pouvoir et petit à petit, tous les méandres du scénario s'assemblent et amènent même à une relecture immédiate pour mieux en comprendre les enjeux. Deathbringer est unique, ambitieux et constitue probablement l'une de mes plus belles surprises récentes. Aucun doute sur l'envie de voir ce que le talent de l'auteur nous réserve, j'ai déjà réservé ma place et vais suivre avec grand intérêt ce monsieur avec lequel la bd des années 2020 va devoir dorénavant compter.
On les appelle Junior & Senior
Tiens une œuvre s'inspirant du fameux duo Bud Spencer & Terence Hill qui ont fait les beaux jours des video-clubs VHS et des chaines du cable comme on les appelait dans les années 80, ces deux Italiens dont le succès d'un de leurs premiers films communs "On l'appelle Trinita" et dont le titre actuel fait directement référénce ont été multiplié pendant plusieurs décennies avec plus ou moins de succès mais présentent toujours la même recette : du rire, des bagarres bourre-pifs et une ambiance bon enfant. Il aurait été donc facile de se plier à l'exercice et on se demande même pourquoi cela n'a jamais été fait plus tôt tellement ça parait évident mais les auteurs tordent ce qui n'aurait pu être qu'une simple parodie en un récit sans temps morts ni références appuyées toutes les deux répliques. Déjà retranscrire un western à l'école franco-belge est plus que commun, il y a les repères sérieux comme Blueberry, le pendant comique de Lucky Luke sans compter que le thème est toujours bien présent plus récemment avec Bouncer et Gus dans la bd contemporaine, et j'en oublie volontairement car la liste serait interminable mais ce n'est pas le propos ici. Le trait est déjà dynamique et fort mis en scène, il n'y a pas une page où l'on s'ennuierait, pas une page où la formule tournerait en rond et sans décrocher la machoire par le rire, les deux frères ennemis sont si atypiques et attachants qu'on regrette presque d'arriver à la dernière page. C'est effectivement prévisible avec ce kidnapping de jeunes orphelines pour les desseins d'un sombre politicard, il y a de grosses scènes de baston et des rencontres improbables : les militaires sont stupides, les demoiselles pourvus d'atouts généreux mais également d'un caractère bien trempé. On y ajoute des prouts et des bains de scheisse à répétition mais surtout : qu'est-ce qu'on s'y amuse tellement le contenu est généreux. Il semblerait que Robin Recht veuille prolonger l'aventure de nos deux comparses si le succès est au rendez-vous. Pourquoi pas si on ne tourne pas autour d'une formule simple et connue pour ne pas en tarir l'intérêt mais dans cette attente, l'aventure vaut largement la lecture et certains passage ne manquent pas d'une certaine poésie (le passage en montgolfière entre autres), c'est un grand OUI par ma part.
George Best - Twist and Shoot
Twist and Shoot fonctionne très bien, même pour un lecteur trop jeune pour avoir connu George Best en direct. Le récit parvient à restituer avec justesse la trajectoire d’un footballeur hors norme, sans tomber dans l'éloge pure. La dualité est au cœur de l’album : un joueur génial, incandescent sur le terrain, face à un homme profondément fragile, timide, mais projeté malgré lui au centre de l’attention médiatique. Le scénario insiste moins sur l’exploit sportif que sur l’équilibre précaire entre talent, passion du jeu et autodestruction. Best apparaît constamment tiraillé entre discipline et tentations, porté par son génie mais jamais réellement protégé de lui-même. Cette approche donne au récit une portée universelle : au-delà du football, c’est le portrait d’un individu dépassé par ce que son talent provoque autour de lui. Graphiquement, la mise en scène privilégie l’énergie, le mouvement et l’émotion plutôt que le réalisme strict. Le dessin accompagne efficacement le propos, tout comme le contexte social : une Angleterre encore très conservatrice, mais en pleine mutation culturelle. L’album raconte ainsi autant une vie qu’une époque, et aborde avec sobriété des thèmes sociaux qui dépassent largement le cadre sportif.
Gagner la Guerre
On ressent immédiatement l’origine littéraire du récit, tant l’univers est dense, précis et solidement charpenté. La bande dessinée parvient pourtant à rester parfaitement lisible et efficace, en condensant un matériau narratif vaste sans donner l’impression de survol ou de simplification excessive. Le scénario est rigoureux, dur et frontal, mais toujours au service de l’intrigue et de sa cohérence politique. Le personnage principal s’impose progressivement : on s’y attache sans jamais le glorifier. Sa part sombre demeure constante, évitant toute lecture manichéenne et renforçant la crédibilité morale du récit. Cette ambiguïté est l’un des grands atouts de l’œuvre, qui assume pleinement une vision cynique du pouvoir et des rapports humains. Graphiquement, le dessin est précis, soigné et lisible. Il accompagne parfaitement la violence du propos sans la surjouer, apportant une vraie solidité visuelle à un récit déjà très dense. Une adaptation convaincante, exigeante, qui fonctionne pleinement même sans avoir lu le roman d’origine.
Freaks' Squeele - Funérailles
Gros coup de cœur. La série dérivée dépasse clairement la proposition initiale par sa maîtrise graphique et narrative. Les couleurs sont remarquables, le dessin gagne en précision, en lisibilité et en impact, avec une identité visuelle forte et cohérente qui installe immédiatement une ambiance sombre mais jamais gratuite. L’univers, plus dark, se révèle surtout plus profond. Le monde déployé est fascinant, dense, et l’intrigue s’épaissit progressivement à chaque tome sans rupture ni dispersion. Le scénario est nettement plus lisible que celui de la série principale, tout en conservant une structure suffisamment riche pour éviter toute simplification excessive. L’humour reste présent, plus discret mais parfaitement dosé, et surtout au service des personnages. L’attachement fonctionne pleinement : les protagonistes portent le récit avec une vraie épaisseur émotionnelle. Une série plus mature, plus aboutie, qui capitalise sur les forces de Freaks’ Squeele tout en les affinant.
Freaks' Squeele
Série à l’univers singulier, volontairement déroutant, qui assume un scénario non linéaire et parfois confus sans que cela nuise réellement à la lecture. La narration se perd par moments, mais ce flottement fait partie intégrante de l’expérience : l’enjeu n’est pas la trajectoire globale, mais ce qui se construit autour des personnages et des thèmes. La grande force de la série réside précisément dans ses protagonistes. Attachants, excessifs, profondément humains malgré le cadre loufoque, ils portent le récit bien plus que l’intrigue elle-même. L’humour est omniprésent, souvent frontal, mais soutenu par une vraie profondeur thématique et un travail de fond sur l’identité, la marginalité et le regard porté sur la norme. Graphiquement et éditorialement, l’univers est très dense : abondance de contexte, contenus additionnels, enrichissements périphériques. On s’y laisse progressivement absorber. À noter que les séries dérivées prolongent et affinent cet univers avec une efficacité parfois supérieure à la série principale.
Fidji
Fidji propose un récit solide et maîtrisé sur le doute, la fuite en avant et l’amitié masculine. Le road-trip sert de structure efficace pour faire émerger les tensions, les non-dits et une violence latente, contrebalancée par une réelle douceur. Le scénario progresse avec retenue et installe une atmosphère de plus en plus chargée émotionnellement. Le personnage principal est profondément humain, parfois difficile à comprendre, ce qui renforce la crédibilité du récit. Le dessin, cru, précis et très dynamique, accompagne parfaitement cette ambivalence. La fin reconfigure la lecture de l’ensemble et donne une profondeur nouvelle aux pages précédentes.
Elric (Glénat)
Très belle série, portée avant tout par une proposition graphique impressionnante. Le dessin est extrêmement précis, dense, presque foisonnant, avec une recherche manifeste sur les décors, les architectures, les palais décadents, les navires et surtout les démons. Les mises en scène sanglantes sont particulièrement réussies : le gore et l’hémoglobine ne sont jamais gratuits et servent pleinement l’atmosphère tragique et violente du récit. L’utilisation des couleurs et des nuances accompagne intelligemment les variations de ton et de rythme. Le scénario reste relativement classique dans sa structure, mais l’intérêt se situe ailleurs. La construction des personnages, et en particulier d’Elric, apporte une vraie profondeur émotionnelle. On perçoit une forme d’humanité là où l’univers, le contexte et les choix imposés au héros ne laissent théoriquement aucune place à la compassion ou au doute. Cette tension permanente donne du poids au récit et renforce son aspect sombre et fataliste. La série s’adresse clairement à un public amateur de fantasy dark : ambiance glauque, dessin envoûtant, thématiques sombres, violence assumée, hémoglobine et une part de nudité. Une œuvre exigeante mais visuellement marquante, dont la force principale réside dans sa direction artistique et sa capacité à rendre fascinant un univers profondément cruel.
Seek You - Un voyage dans la solitude contemporaine
La lecture est parfois austère, mais elle n’est jamais ennuyeuse, bien au contraire ! Les près de 350 pages se lisent même assez rapidement (il n’y a le plus souvent que peu de texte par page). Car le sujet est intéressant, et traité intelligemment. C’est une réflexion sur la solitude. Autour de quelques moments de la vie de l’auteure (d’une trentaine d’années), mais aussi en utilisant des citations d’auteurs divers et surtout des études de spécialistes (au passage, le long passage autour des expériences menées par un chercheur américain avec des singes fait froid dans le dos, avec ces tortures horribles et répétées qui dépassent le sadisme le plus noir – alors même qu’au final elles ont pu aboutir à plus d’empathie de la part des parents envers leurs enfants !). L’étude de Kristen Radtke permet aussi en filigrane d’apercevoir une Amérique un rien schizophrène, avec un mythe du cow-boy solitaire et une folie des armes à feu qui transforment chaque habitant en un camp retranché. Une lecture intéressante en tout cas. Qui entraîne une réflexion sur sa propre expérience, immanquablement.