Les derniers avis (5 avis)

Par pol
Note: 4/5
Couverture de la série La Force de vivre
La Force de vivre

Laurent Astier (La Venin, Comment faire fortune en juin 40) signe un récit autobiographique. Mais il ne sera nullement question de son parcours en tant qu'auteur de BD. Cet album est en réalité un hommage posthume, dédié à l'amitié qu'il entretenait avec Cyril, son meilleur ami décédé. Il lui a fallu longtemps pour arriver à écrire cet album, il a d'abord fallu accepter la perte de son pote, en faire le deuil, écrire plusieurs versions de l'histoire qui ne le satisfaisait visiblement pas. Par douleur sans doute, mais aussi par pudeur. Et au bout d'années de travail, l'hommage est là. C'est un livre qu'on sent extrêmement sincère. Il relate leur rencontre, leur amitié naissante, puis grandissante. On sent plus que de l'amitié entre eux. Laurent admire son pote, qui est tout ce que lui n'est pas. Extraverti, optimiste, solaire... tout l'inverse de lui. Au fil des anecdotes on ressent la force de leur amitié. Puis arrive la maladie, les doutes, la tristesse... Toute la seconde partie de l'album raconte les longues années de souffrance qu'a enduré son ami malade. Un sujet dur, mais pour autant l'album ne m'a pas paru poignant ou triste, au contraire. Plus qu'une autobiographie, ce livre est un bel hommage que l'auteur rend à son ami. Même affaibli, ou traversant des moments tragiques, il est toujours mis en lumière, fidèle à l'homme jovial et positif du début. Ecrire ce livre fait sans doute parti d'un processus de deuil ou de thérapie, qui a du faire du bien à l'auteur. Ca se sent. En tout cas, très rapidement on s'attache à son ami et il est difficile de lâcher l'album avant de l'avoir lu en intégralité. Le petit mot de la fin, ajoute ce qu'il faut d'émotion pour conclure cette lecture. Nous aussi on trouve que c'est injuste de mourir si jeune... quel bel hommage rendu à son ami...

30/04/2025 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Watership Down
Watership Down

Watership Down, roman de l’auteur britannique Richard Adams paru en 1972, m’avait marqué lors de ma jeunesse. Avec pour protagonistes une communauté de lapins de garenne, il parvient à conjuguer aventure, poésie et rudesse dans un récit d’une étonnante densité. Il a également été adapté en 1978 en un film d’animation réputé pour avoir traumatisé toute une génération de jeunes spectateurs, tant certaines scènes y sont violentes, reflet fidèle, en vérité, de la nature épique et impitoyable de l’histoire d’origine. Car la société des lapins que l’on y découvre est tout sauf paisible. Tout commence dans une garenne bien établie, le jour où le petit frère du héros Hazel a une vision apocalyptique. Devant l’incrédulité du chef de la communauté, Hazel et quelques compagnons décident de fuir en secret, entamant un périple semé d’embûches. Leur chemin sera jalonné de dangers multiples, parfois liés à la nature, parfois à l’homme, mais souvent aux autres lapins eux-mêmes, dont certains se révèlent des plus cruels. Parvenus à fonder une nouvelle petite garenne sur la colline de Watership Down, les survivants devront affronter une autre communauté totalitaire afin de permettre à leur groupe de se pérenniser. L’enjeu : trouver des femelles pour assurer la survie de leur colonie. L'éditeur Monsieur Toussaint Louverture publie cette BD déjà récompensée par l'Eisner Award 2024 de la meilleure adaptation et il le fait avec la manière. Au format bouquin avec un dos rond et une couverture épaisse et élégante, rehaussée d'un vernis sélectif cuivré, c'est un superbe ouvrage au papier épais et solide. Il justifie largement son prix un peu élevé par sa pagination généreuse de plus de 350 pages, sa qualité de fabrication et la richesse de son contenu. C'est un objet qu'on affiche avec plaisir dans sa bibliothèque, aux côtés d'autres beaux albums comme Château l'Attente par exemple qui avait bénéficié du même soin éditorial. Mais au-delà du contenant, c’est bien le contenu qui impressionne. Le récit original de Richard Adams brillait déjà par sa capacité à insuffler un souffle épique à une fable animalière, tout en explorant la dureté du monde sauvage, la solidarité, le courage et la transmission des mythes. L’univers des lapins est doté d’un langage propre, de légendes fondatrices et d’une cohérence interne fascinante. Cette édition s’enrichit d'ailleurs d’une carte détachée des lieux traversés ainsi que d’un glossaire reprenant les termes spécifiques à leur culture. Le scénario de James Sturm réussit l’exploit de restituer fidèlement cette richesse sans alourdir le récit. Le rythme est maîtrisé, les dialogues limpides, et la narration fluide. Quant au dessin de Joe Sutphin, légèrement naturaliste, il colle parfaitement à l’ambiance du récit. Il parvient à exprimer toute la vitalité des lapins, à restituer les paysages de la campagne anglaise avec simplicité et beauté, et à insuffler une vraie tension dans les scènes d’action. Il trouve quelques petites idées graphiques pour permettre de reconnaitre les personnages même s'il faut admettre que c'est probablement là la seule faiblesse de l'ensemble, la quantité de lapins étant telle qu'il est parfois ardu de différencier les uns des autres. Si les dialogues permettent sans problème de ne pas s'y perdre la majorité du temps, j'ai ressenti cette difficulté dans une scène de combat vers la fin de l'album où l'on passe d'un combattant à un autre sans que je l'ai compris en première lecture, ce qui m'a forcé à revenir en arrière pour bien assimiler ce qu'il s'était déroulé. Cela reste toutefois un bémol mineur face à la qualité générale de la mise en scène et du dessin. Violence, danger, fraternité, paysages bucoliques, moments de grâce et d’angoisse : tout y est. Cette adaptation graphique de Watership Down est une franche réussite, à la fois respectueuse de l’œuvre originale et pleinement convaincante dans sa forme. Un album dense, émouvant, intelligent et magnifiquement réalisé. Une vraie réussite sur tous les plans !

30/04/2025 (modifier)
Couverture de la série Kinderzimmer
Kinderzimmer

Je poste mon avis le jour du quatre-vingtième anniversaire de la libération du camp de Ravensbrück, l’un de ces lieux où l’horreur concentrationnaire et mortifère nazie s’est développée. Lieu ou des dizaines de milliers de femmes ont été déportées, torturées, tuées. Lieu où près de 500 bébés sont nés. Grâce au courage et à l’entraide des déportées, quelques-uns ont survécu à cet enfer. Lieu où se sont déroulés les faits relatés ici. Je ne connais pas le roman de Valentine Goby à l’origine de cet album. Mais je ne peux qu’être admiratif de l’énorme travail réalisé par Ivan Gros. Pour l’adapter, mais aussi pour y apporter sa vision du travail mémoriel. Il va pour cela, en plus d’un énorme travail de recherche (voir la bibliographie en fin de volume), utiliser comme matériau les dessins réalisés et sauvés au péril de leur vie par certaines détenues. Avec ce matériau, et l’utilisation du personnage fictif de Mila, Gros va retracer l’horreur du camp, mêlant Mila à de vraies déportées – dont les noms sont parfois modifiés. C’est un sujet que je connais bien, particulièrement ce camp de Ravensbrück (le plus grand camp où étaient déportées les femmes, dans une zone au climat pénible du nord de l’Allemagne). Je connais en particulier très bien le « vécu » d’un personnage important du récit, ici nommée Sabine, de son vrai nom Marie-Jo Chombart de Lauwe. Je l’ai rencontrée de nombreuses fois, et j’ai été à chaque fois impressionné et bouleversé par son témoignage, mais aussi par sa force de caractère, son engagement sans faille contre l’injustice et sa soif de combat même au-delà de 90 ans. Discuter avec elle, qui multipliait à plus de 90 ans les projets et autres interventions, était enrichissant : clairement l’une des personnes dont la rencontre m’a le plus marqué. Elle est venue rencontrer des élèves, témoigner de son rôle de résistante, de son arrestation puis de sa déportation. Et, lorsqu’elle abordait Ravensbrück, les passages où elle expliquait les efforts faits pour sauver des bébés étaient plus que poignants. On retrouve ici les anecdotes qu’elle donnait, et la lutte pour la vie au milieu d’un univers de mort. Pour revenir à l’album, je dois dire que la lecture est ardue, assez ingrate. Mais intéressante. Car, par-delà le sujet lui-même, Gros livre une profonde réflexion sur la façon de représenter le camp et ce qui s’y passait, citant et commentant les sources, les dessins des détenues, les polémiques concernant d’autres représentations (par exemple l’album de Croci sur Auschwitz), reprenant certaines idées de Spiegelman. Un refus de sensationnalisme, mais aussi d’esthétiser l’horreur. Un album exigeant, mais que je recommande chaudement.

30/04/2025 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Downlands
Downlands

Je continue ma découverte des BDs de Norm Konyu, après les superbes « The junction » et « The space between the trees » (encore non traduites en français au moment où j’ecris cet avis), et je ressors une nouvelle fois ravi de ma lecture. L’auteur revisite le mythe éculé du fantôme, et base son récit sur les légendes et le folklore de sa région adoptive, les collines du « South Downs » de la côte sud anglaise : le chien noir diabolique « Black Shuck », la légende de la Dame Blanche (l’autostoppeuse fantôme), les pleurs de bébé dans la nuit, les cercles de pierres levées (il en existe 316 juste en Angleterre), et bien plus encore. L’histoire prend la forme d’une enquête historique conduite par un jeune garçon qui vient de perdre sa sœur dans des circonstances mystérieuses. Les termes « classique mais efficace » décrivent parfaitement cette intrigue enjouée et prenante, et si la fin est un peu convenue, je dois avouer avoir englouti l’album d’une traite. On reconnait bien le style cartoon et informatisé de l’auteur, qui sert parfaitement l’histoire. Moi, j’aime beaucoup, je trouve les planches élégantes, j’aime ce genre de graphisme (terme plus adapté que « dessin »). Une chouette histoire de fantômes, ancrée dans le folklore anglais.

30/04/2025 (modifier)
Par Cacal69
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Downlands
Downlands

Un futur incontournable ? Sans aucun doute ! Norm Konyu est canadien, il vit actuellement dans le Sussex, il a travaillé de nombreuses années dans l'animation. Il s'est orienté dernièrement vers le neuvième art, après son adaptation de L'Appel du Cthulhu (comics qui a failli garnir ma bibliothèque), il se lance dans ce projet personnel. Un récit qui s'appuie sur la mythologie, la géographie et le folklore du sud de l'Angleterre, sa région d'adoption. 1994 dans un village du sud de l'Angleterre, un garçon de 14 ans, James Reynods, vient de perdre subitement sa sœur jumelle Jen. Une perte qui plonge James et ses parents dans un deuil impossible. C'est l'apparition d'un chien noir, que seule Jen a vu la veille de sa mort, qui va pousser James a fouillé dans le passé du village et il va découvrir d'étranges histoires. Des histoires qui vont lui ouvrir des portes, des portes sur un autre monde. Mais toutes les portes ne sont pas bonnes à ouvrir. La vie laisse une empreinte, mais la mort laisse la plus forte empreinte qui soit. On peut les appeller fantômes ou esprits, mais ce ne sont que des échos, les échos des âmes disparues. Un récit atypique, c'est du fantastique avec une pointe d'historique et de polar. Le scénario est prenant, je n'ai pas pu lâcher le bouquin avant sa conclusion et la narration maîtrisée qui oscille entre les recherches de James sur ce chien noir et les récits sur le passé de son village sont dosés avec justesse. Toutes ces anecdotes / histoires macabres ne sont pas là par hasard, elles font partie d'un tout qui va se dévoiler au fil des investigations de James. Les personnages sont attachants, enfin presque tous, et particulièrement James avec son rituel de déposer une lettre dans un bocal sur la tombe de Jen, il veut lui donner les dernières nouvelles du village. Je pourrais vous en dire beaucoup plus, mais je n'ai pas envie de gâcher votre future lecture, l'inattendu sera au rendez-vous. Une lecture captivante qui doit beaucoup à la partie graphique, elle transmet les émotions et nous plonge lentement mais sûrement dans le surnaturel. Un dessin très anguleux et expressif, aux décors soignés où le moindre détail peut avoir son importance. Les couleurs m'ont époustouflé, elles évoluent suivant l'espace temps, mais aussi avec la présence (ou non) du fantastique. Une ambiance à la Edgar Allan Poe. Sublime ! Un dossier sur les inspirations à l'origine de "Downlands" vient compléter cet album de plus de 300 pages. Un auteur à découvrir. Culte et gros coup de cœur. "Ce n'est qu'une rue dans un village. Et il y a tant à raconter".

30/04/2025 (modifier)