Les Sentiers d'Anahuac

Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 4 avis)

Grand prix de la critique ACBD 2026 Exceptionnel par sa rigueur scientifique et la qualité de sa narration graphique, cet ouvrage met en lumière la préservation, sous l'impulsion d'un seul homme, de la mémoire du peuple aztèque promise à l'anéantissement.


Format carré Grands prix de la Critique ACBD Les Aztèques Nouveautés BD, comics et manga

Au XVIe siècle, lors de son arrivée au Mexique, le prêtre franciscain Bernardino de Sahagun déplore la destruction systématique par les conquistadores de la culture autochtone. Il se lance dans la rédaction d'un recueil monumental, transcription de la mémoire aztèque. Un jeune Indien, Antonio Valeriano, né après la Conquête, l'aide dans sa tâche et découvre, chemin faisant, sa culture d'origine...

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 08 Octobre 2025
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Les Sentiers d'Anahuac © Delcourt 2025
Les notes
Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 4 avis)
Cliquez pour afficher les avis.

18/10/2025 | pol
Modifier


Par Blue boy
Note: 4/5
L'avatar du posteur Blue boy

Comme à son habitude, Jean Dytar n’a pas fait les choses à moitié avec ce nouvel opus, mené en collaboration avec l’historien Romain Bertrand et publié conjointement par Delcourt et les éditions La Découverte. Et ce livre est tellement impressionnant par son contenu, très richement documenté, qu’il paraît presque dérisoire d’en parler correctement en quelques lignes. Au-delà de son aspect didactique, une caractéristique commune à l’œuvre de Jean Dytar, « Les Sentiers d’Anahuac » est une œuvre hors norme, qui prouve une fois encore la capacité de l’auteur à se renouveler en permanence et de façon très originale, chacun de ses ouvrages étant différents tant dans leur conception narrative que graphique. Cette fiction, basée sur le fameux codex de Florence et d’autres datant de la même période, le XVIe sècle, nous parle de ce jeune « Mexica » (ou Aztèque), Antonio Valeriano, qui va embrasser le catholicisme, la religion des vainqueurs, en l’occurrence les Espagnols. Accueilli par le padre Bernardino de Sahagún dans le Collège de la Sainte Croix de Tlatelolco, le jeune étudiant, très doué notamment dans l’apprentissage du latin, deviendra l’un des collaborateurs essentiels du missionnaire pour l’élaboration du codex, avec d’autres camarades amérindiens. Il nouera par ailleurs une amitié indéfectible avec le franciscain, laquelle durera jusqu’à la mort de ce dernier. Parallèlement, Antonio va connaître un parcours brillant et accédera aux plus hautes sphères du pouvoir de la cité de Tenochtitlan, actuelle Mexico. A travers ces deux personnages-clé du récit, on réalise que les choses ne sont pas aussi simples que ce que l’Histoire traditionnelle a bien voulu nous enseigner, qu’il y a des zones grises et d’autres totalement éludées. Certes, les choses ont changé et l’épopée prétendument héroïque liée à la conquête des Amériques a perdu de sa superbe avec les revendications croissantes des peuples dits natifs de nos jours. Mais le padre Bernardino, s’il appartenait à un système dominateur et n’était là que pour convertir les autochtones au catholicisme, était ambivalent. Si pour lui, la production de ce codex devait permettre de connaître ce peuple afin de mieux le convertir, il avait également cette préoccupation de conserver une trace de cette culture « païenne ». Quant à Antonio, son intérêt réside dans le fait qu’il soit à la fois natif et acteur de l’évangélisation de son peuple. On le voit vieillir au fil des pages, avec ses questionnements identitaires. Jeune homme candide au début du récit, il va gagner en maturité et en sagesse, tout en assumant cette amnésie collective imposée par les Espagnols. Trop souvent absents des récits historiques produits par les Européens, les peuples vaincus ont souvent peu voix au chapitre dans le narratif officiel. Ainsi, on apprécie ici la démarche des auteurs de mettre en lumière ce personnage loin d’être fictif, malgré le fait que l’on sache peu de choses sur lui. Dans un format carré, le livre, qui bénéfice d’une présentation soignée, est imprimée sur un papier beige évoquant les vieux manuscrits, un parti pris tout à fait cohérent avec son contenu. Pour ce qui est du graphisme, l’approche est particulièrement originale et synchrone avec le propos du livre, qui parle de l’hybridation de deux mondes très différents, l’Espagne catholique et le Mexique précolombien, qui intègre la culture de l’envahisseur tout en s’efforçant de conserver ses traditions. Pour ce faire, Jean Dytar fait dialoguer un style inspiré des gravures européennes du XVIe siècle et l’iconographie nahuatl. On peut même parler d’un triple dialogue puisque ces deux cultures graphiques ont été fusionnées ici à l’aide de ce média moderne qu’est le neuvième art, véritable chaudron de créativité aux possibilités infinies. Si le scénario est très bien construit, il faudra tout de même s’accrocher pour ne pas se perdre parmi la profusion de nombreux termes en nahuatl. Mais comme Jean Dytar pense à tout, il a eu la bonne idée de glisser un mini-lexique des mots les plus récurrents en fin d’ouvrage, ainsi qu’une liste des divinités aztèques. Ce glossaire est même doublé d’une version « volante » qui peut faire office de marque-page ! « Les Sentiers d’Anahuac » ne déroge pas à la ligne exigeante de l’auteur, toujours cohérent d’un point de vue graphique et attaché à la vérité historique. Comme tous ses ouvrages précédents, la qualité est au rendez-vous, et l’on ressort plus que satisfait de cette lecture aussi immersive qu’enrichissante. Avec la participation fructueuse de Romain Bertrand, Jean Dytar nous propose un angle de lecture différent, plus altruiste et nuancé donc plus actuel, pour appréhender la période des conquêtes européennes des Amériques, chapitre à la fois tragique et exaltant de l’Histoire de l’humanité.

03/12/2025 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5
L'avatar du posteur PAco

C'est avec Florida que j'avais découvert le travail de Jean Dytar et j'avais pris une bonne claque ! Si Les Illuminés n'avait pas réussi à m'embarquer, j'avais pourtant été impressionné par le remarquable travail graphique de cet album. Et c'est là que Jean Dytar est fort, avec cette capacité à adapter son style graphique à son sujet ! Avec "Les Sentiers d'Anahuac" il réussit le pari fou de mêler un style gravure à celui des aztèques,et ça fonctionne à merveille ! Car si ce récit basé sur des faits historiques laisse place à quelques supputations des auteurs, le parcours du prêtre franciscain Bernardino de Sahagun et du jeune natif Antonio Valeriano, est construit autour d'une recherche historique très étayée que vient appuyer une post-face très intéressante renvoyant à toutes leurs sources. Le prêtre va en effet consacrer sa vie à la rédaction d'un manuscrit retranscrivant à l'aide du jeune Antonio la culture et la mémoire aztèque. C'est l'histoire de ce manuscrit aujourd'hui conservé en Italie qui sert de fil rouge à cette histoire. C'est avant tout le graphisme unique de Jean Dytar qui saute aux yeux quand on ouvre cet album. Le mélange des deux styles (aztèque et gravure) est un savant mélange parfaitement équilibré qui nous livre des planches assez époustouflantes tout en restant d'une grande lisibilité : chapeau ! C'est ensuite toute cette histoire post Conquête et cette volonté de quelques uns de préserver les restes de cette culture ancestrale qui va disparaître en si peu de temps qui marque. Loin d'être consensuelle, cette idée va se heurter à tous les idéaux économiques, de pouvoir et d'évangélisation des colons espagnols qui ne voient pas l'intérêt de ce travail herculéen, aussi chronophage que couteux. Au final, un album remarquable qui nous prouve une nouvelle fois tout le savoir faire caméléonesque de Jean Dytar !

24/10/2025 (modifier)
Par Brodeck
Note: 3/5

Un album à lire pour son esthétique et l'intelligence du propos. Dytar mêle avec brio les deux cultures avec de superbes trouvailles graphiques. Ça vaut sans souci la lecture, il m'a cependant manqué un peu d'émotion pour être transporté complètement par le récit. La fiction cède le pas au documentaire. Ça devient une caractéristique de Dytar, pas étonnant qu'il ait intitulé une de ses premières œuvres Le Sourire des Marionnettes : il y a un petit côté pantin qui s'agite (parfois en vain) dans ses personnages que l'auteur, en artisan doué, anime sous nos yeux, qui sursaute une dernière fois avant son " nomiquizpan ". Avec Dytar, la vie ressemble souvent à un théâtre d'ombres, un brin désincarné, très cérébral, mais toujours intéressant et graphiquement épatant. Je n'ai pas vibré pour cet album, mais c'est un des livres de l'année malgré tout. Si vous aimez les œuvres sur l'histoire des Mexicas, le roman" Azteca " de Jennings est à lire. Note réelle : 3,5. 4/5 pour la réalisation, un bon 3/5 pour le plaisir éprouvé lors de la lecture.

20/10/2025 (modifier)
Par pol
Note: 3/5
L'avatar du posteur pol

Edition soignée, grand format carré, couverture élégante, cet album attire indéniablement le regard. Les Sentiers d'Anahuac retrace un pan de la civilisation aztèque et sa colonisation par les espagnols. Commençons par souligner le travail graphique très intéressant. Le style est à la fois simple et précis, les personnages sont soignés et très reconnaissables. Les pages ne sont pas surchargées mais pourtant elles contiennent beaucoup d'informations et de détails. L'utilisation de la couleur avec parcimonie met l'accent sur des petits éléments par ci par là. C'est très esthétique. Mais ce qui est plus réussi encore c'est le découpage des planches. On sort régulièrement du traditionnel gaufrier, avec des dessins pleines pages qui représentent pourtant un enchainement que d'autres dessinateurs auraient découpé en cases successives. Ces mises en pages sont très esthétiques et en plus c'est toujours fluide, lisible et compréhensible. Visuellement c'est du beau boulot et l'album est très agréable. Sur le contenu, nous avons un récit très historique. Il retrace une civilisation, découverte par le prisme d'un jeune novice, né juste après la colonisation. Le jeune Antonio aide un missionnaire à traduire et écrire l'histoire. Il y est question de croyance, de dieux anciens, d'évangélisation par les colons qui font la chasse aux croyances anciennes qui façonnaient la civilisation aztèque. On apprend tout ça au travers du regard du jeune Antonio. C'est une quête qui va durer des décennies qui est relaté dans cet album. Tout cela est très bien documenté, très précis. Si le propos est globalement intéressant, il a eu du mal à me passionner sur la longueur de l'album. L'usage de termes nahuatl est omniprésent. Il peut y avoir des phrases avec 3 ou 4 mots issus de cette langue. Il y a bien un glossaire complet en fin d'album mais c'est un peu fastidieux de s'y référer toutes les pages.

18/10/2025 (modifier)