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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Gabriele Münter - Les Terres bleues
Gabriele Münter - Les Terres bleues

L’artiste ne doit pas imiter la nature, mais exprimer sa propre vision de choses. - Ce tome constitue une biographie de l’artiste Gabriele Münter. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Mayte Alvarado pour le scénario, les dessins et les couleurs, avec une traduction de l'espagnol par Christilla Vasserot. Il comprend soixante-dix-huit pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec une introduction de l’autrice qui a choisi cinq tableaux de la peintre, des moments qui font partie de son œuvre, des instants suspendus dans le temps qui se sont transformés en œuvre d’art, et qui constituent le point de départ de la bande dessinée. Elle indique qu’elle peut imaginer Gabriele Münter à partir de son œuvre, et elle a choisi cinq tableaux à cet effet, cinq fragments de vie. Il se termine avec une brève biographie de l’artiste en deux pages, puis la liste des onze œuvres citées visuellement dans l’ouvrage. Enfin vient une rapide biographie de l’autrice. Là où les montagnes si bleues émergeant des brumes grises brillent au loin. Là où le soleil rougit, où les nuages se rejoignent, là il voudrait être ! Ceval paisible fera taire la peine et la douleur. Là où sur la roche les primevères méditent au calme et le vent souffle en douceur, il voudrait être ! Vers la forêt pensive la pousse la force de l’amour, intime tourment. Rien ne l’éloignerait d’ici, chère aimée, s’il pouvait être toujours auprès d’elle. Depuis sa fenêtre, Gabriele Münter observe le petit-déjeuner des oiseaux. Elle déguste une tasse de thé tout en écoutant la radio. La voix du présentateur indique qu’ils viennent d’écrouter : Là où les montagnes si bleues, une œuvre de Ludwig van Beethoven issue de son cycle de lieder pour voix et piano, intitulée À la bien-aimée lointaine. Il ajoute qu’ils interrompent à présent leur programmation musicale pour diffuser le discours prononcé par le Führer lors de l’inauguration de la première grande exposition d’art allemand. La voix d’Adolf Hitler se fait entendre : Il tient à proclamer sa décision irrévocable de débarrasser dès à présent la vie artistique allemande des phrases vides de sens. La voix continue : Les œuvres d’art incompréhensibles qui ont besoin d’un mode d’emploi sophistiqué pour justifier leur propre existence et camoufler leur fade et impudente vacuité ne se trouveront plus désormais sur le chemin du peuple allemand ! Le discours du Führer continue : Expérience intérieure, sentiment puissant, volonté robuste, perception pleine d’avenir, authenticité, primitivisme… Toutes ces expressions stupides et trompeuses ne sauraient justifier des produits totalement dépourvus de valeur et tout simplement ineptes. Des estropiés difformes, des femmes qui ne suscitent que de l’horreur, des hommes qui ressemblent plus à des bêtes qu’à des hommes ! Voilà ce que ces effroyables amateurs ont le culot de présenter au monde comme l’art de notre temps. […] Gabriele finit par tourner le bouton du poste pour couper court à ce discours. La sonnerie du téléphone retentit. Elle indique à l’opératrice qu’elle prend l’appel. Elle salue ensuite Johannes. Elle lui raconte qu’elle prenait son café, qu’elle avait fini. Elle continue : elle a eu de la visite ce matin, des oiseaux sont venus la voir, ils voletaient de branche en branche sur les arbres devant sa fenêtre. La narration visuelle évoque d’entrée de jeu et tout du long l’approche graphique de la peintre. L’artiste en respecte plus l’esprit que la lettre, une certaine façon d’envisager les formes et les couleurs. Dans l’introduction, l’autrice indique qu’à la base elle s’est inspirée de cinq tableaux : Petit déjeuner des oiseaux (1934), Vue de la fenêtre de Griesbarü (1908), Promenade en canot (1910), Arbre au bord de la Seine (1930), La maison de Münter à Murnau (1931). Elle développe son point de vue et sa démarche : approcher d’un tableau comme s’il s’agissait d’une fenêtre. Il suffit de l’ouvrir pour que la scène s’anime et invite les spectateurs à y prendre part. On écoute une conversation entre amies, on sent la brise sur son visage, ou le soleil qui aveugle. On hume la bonne odeur du café. On ne peut peut-être pas avoir connaissance de tous ces détails, mais on peut les imaginer. L’autrice peut imaginer Gabriele Münter à partir de son œuvre, et elle a choisi cinq tableaux à cet effet. Cinq fragments de vie. En effet, elle fait la part belle aux images, réalisant trente pages dépourvues de tout mot. Gabriele en train de peindre un tableau, une promenade à vélo dans la campagne autour de Murnau, une balade en canoë sur le lac, le retour dans la maison de Murnau, une balade dans la neige, le vol d’oiseaux. Première caractéristique qui marque le lecteur : la palette de couleurs, car elles sont assez claires, induisant une belle luminosité. En particulier : le beau ciel bleu sur lequel se détache le rouge-gorge, la fresque colorée sur la rambarde de l’escalier de la maison de Murnau, les couleurs extraordinaires du village quand Münter sort faire un tour de bicyclette, le vert foncé de la frondaison des arbres ressortant sur le vert plus clair de la prairie avec un vert entre deux tons pour leur ombres dans une magnifique vue du ciel, le rose des fleurs de cette même prairie, le vert incroyable de la prairie pendant le pique-nique, le jeu du vert et du bleu à l’occasion de la balade en canoë sur le lac, le blanc de la neige en hiver se teintant de nuances de rose et de parme pour un effet poétique d’une grande sensibilité. L’artiste s’est inspirée de la palette de la peintre, en la transposant dans des tons un peu plus clairs pour certains éléments picturaux. Elle simplifie également le contour des formes, en particulier celles de l’extérieur des maisons, et elle fait bon usage du glissement expressionniste mesuré à l’occasion des moments silencieux qui prennent alors une intensité émotionnelle à couper le souffle. L’effet produit exhale des saveurs singulières : entre touches d’art naïf, impressions de paysage et compositions sophistiquées dans des prises de vue narratives limpides. Le lecteur voit par lui-même que l’artiste applique le précepte de la peintre à la lettre : L’artiste ne doit pas imiter la nature, mais exprimer sa propre vision des choses. L’autrice réalise une biographie assez libre, dans le sens où elle a retenu cinq périodes de la vie de l’artiste, qu’elle accroche sur une saison différente à chaque fois, pour faire un cycle complet : hiver, printemps, été, automne, et un deuxième hiver. Lors de la première saison, Gabriele Münter écoute un discours d’Hitler à la radio, annonçant la première grande exposition d’art allemand. Celle-ci se tiendra huit fois de 1937 à 1944 à Munich, avec en parallèle de la première l’exposition d'art dégénéré dans la même ville. Ce premier chapitre trouve la peintre dans sa demeure du village Murnau, et le lecteur peut voir le petit-déjeuner des oiseaux par la fenêtre, puis découvrir l’intérieur du foyer du salon à l’atelier à l’étage. Au cours de la conversation avec Johannes Eichner (1886–1958), elle évoque ladite exposition d’art dégénéré, ainsi que le bûcher à venir pour ces toiles proscrites par le régime. Elle est sous le choc de la possibilité que toutes leurs idées, tout leur travail avec le Cavalier bleu puisse être réduit en cendres. Elle a mis à l’abri dans sa cave des œuvres de Vassily Kandinsky (1866-1944), Franz Marc (1880-1916), Alexej von Jawlensky (1864-1941), Marianne von Werefkin (1860-1938), Paul Klee (1879-1940). Le deuxième chapitre se déroule donc au printemps : Gabriele Münter séjourne à Murnau en compagnie de Vassily Kandinsky, à qui elle rappelle qu’elle n’est plus son élève, et que ce serait merveilleux qu’elle achète une maison ici. Le lecteur en déduit que ce printemps doit se situer au tout début des années 1910. C’est l’occasion d’une extraordinaire balade à vélo : une expérience esthétique peu commune, huit pages muettes à l’exception d’un unique phylactère, le lecteur se délecte de voir le paysage par les yeux de la peintre. Elle exprime sa propre vision des choses : ou plutôt la bédéaste projette l’interprétation qu’elle fait du processus au fil duquel Gabriele Münter a abouti à ses toiles. Elle a littéralement imaginé le monde que montre le tableau Vue de la fenêtre de Griesbarü (1908), telle une fenêtre ouverte vers l’extérieur, ainsi que retourné le principe pour imaginer les circonstances ayant conduit la peintre à réaliser ce tableau. Le troisième chapitre se déroulant pendant l’été est encore plus enthousiasmant sur le plan esthétique : un pique-nique et une promenade en barque enchanteurs, magnifiques, extraordinaires. En découvrant la conversation entre Gabriele Münter, Vassily Kandinsky, Alexej von Jawlensky et Marianne von Werefkin, le lecteur comprend qu’il assiste à la naissance du groupe d’artistes Le cavalier Bleu, pour créer un art de leur temps qui soit à la fois éternel et universel. Il ne s’agit pas de fonder un mouvement ou une école, mais un lieu de rencontre entre artistes, qui partagent les mêmes inquiétudes. Le lecteur passe alors à l’automne pour une séquence qui se déroule à Paris pour se conclure par le retour à Murnau, vraisemblablement dans les années1930. Au cours d’une discussion avec une amie, Münter évoque sa facilité à dessiner, et son apprentissage de la peinture, difficile au début. Le lecteur découvre une vision de la capitale française aussi épurée que fantasmée. Le tome se termine par un dernier hiver, celui des quatre-vingts ans de la peintre. C’est l’occasion d’un regard en arrière pour contempler le chemin parcouru et le plaisir que procure la reconnaissance. C’est aussi l’occasion d’une ultime balade autour de Murnau dans un paysage enneigé, splendide. Le lecteur en ressort fort ému, conscient d’une œuvre qui se confond avec la vie, et d’une vie consacrée à la création. Dans une lecture très paisible, il a fait l’expérience de voir par les yeux de la peintre, de pouvoir ressentir le monde avec elle, interprété par la vision qu’elle porte dessus. Une biographie de Gabriele Münter ? Pas tout à fait. L’autrice choisit cinq moments précis de la vie de la peintre qu’elle répartit sur le cycle des saisons, de l’hiver à l’automne avec un hiver supplémentaire, en s’affranchissant de l’ordre chronologique en imaginant ces scènes à partir d’un tableau différent à chaque fois, et en s’inspirant d’autres. Une esthétique qui respecte l’esprit de la peintre, une narration visuelle douce et belle. Une évocation parcellaire, et aussi éclairante, dans son rapport à la perception personnelle du monde, et l’incidence du contexte historique. Singulier.

16/08/2025 (modifier)
Par Brodeck
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série L'Âge d'eau
L'Âge d'eau

Je viens de relire le premier tome de L'âge d'eau. On est enveloppé par l'humanité qui se dégage de ce récit, on sent aussi l'inquiétude de son auteur, préoccupé par l'état du monde actuel et celui à venir, mais le poète continue de nous émerveiller avec ces planches superbes, cette façon tendre et chaleureuse de croquer ses personnages au détour de quelques mots ou de brefs regards échangés. L'histoire se situe dans les Pays de la Loire, les terres sont en grande partie submergées, mais ici ou là, quelques individus s'obstinent à vivre au fil de l'eau et tentent d'échapper aux fonctionnaires zélés du gouvernement qui voit d'un mauvais œil ces brebis égarées. Au chaos du monde et à une sécurité relative (face à la montée des eaux, la plupart préfèrent se regrouper derrière des digues de plus en plus hautes et suivre sans broncher les directives d'un gouvernement de plus en plus autoritaire), Flao oppose l'espoir, la volonté farouche de liberté de ses personnages et la poésie. De l'aveu même de son auteur, l'écriture du tome 2 ne fut pas facile, Flao a cherché longtemps le bon angle avant de poursuivre son histoire, mais j'ai hâte de retrouver Hans, l'intrépide activiste, son frère, Gorza, un gentil géant taiseux et leur compagnon, un intrigant chien bleu, semblant venir de temps immémoriaux, magnétique narrateur de ce récit qui observe avec sagacité et magnanimité les personnages qu'il est amené à croiser et qui nous donne à voir la beauté vibrante du monde. Et ça tombe bien, le tome 2 sort bientôt !

14/08/2025 (modifier)
Par Josq
Note: 3/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Magma
Magma

Un peu difficile d'évaluer cet album, auquel j'aimerais mettre 4 étoiles pour la beauté du dessin, mais dont le scénario m'a laissé un peu sur ma faim. Rien de catastrophique pour autant, mais il me semble que Nicolas Bastide pouvait aller un peu plus loin sans faire grand-chose de plus. Il paraît que c'est une relecture du mythe d'Orphée. J'avoue connaître trop peu la mythologie pour en juger, mais on y retrouve sans doute quelques thèmes en commun, et cela explique probablement une certaine profondeur poétique qui parcourt l'album de part en part. C'est d'ailleurs en grande partie ce qui rend cette lecture si sympathique. Il y a une vraie poésie dans l'univers mis en place par Nicolas Bastide, et c'est un plaisir de se promener dans ce XIXe siècle un peu fantasmé, qui prend place sur un archipel reculé, loin du monde. Cela crée une atmosphère fascinante, parfaitement mis en scène par le dessin somptueux de l'auteur-dessinateur. Pour un premier album, quelle maîtrise ! Visuelle et narrative. Même si le scénario est un peu court, reconnaissons que la manière dont il est raconté est vraiment captivante. Toutefois, il est un peu dommage d'avoir joué sur deux temporalités pour ne jamais vraiment les lier l'une à l'autre, finalement. Il aurait été intéressant que le climax (joli, par ailleurs) fasse mieux le lien entre les deux époques. De même, le lore mis en place dans cet album est finalement assez sommaire par rapport aux innombrables possibilités scénaristiques qu'il offre. Un peu dommage, et en même temps, cela permet une fluidité de lecture totale, qui est loin d'être désagréable. Finalement, je pense que c'est bien de lire ce récit en sachant qu'il ne nous mènera pas dans des méandres d'une infinie complexité. Ce n'est simplement pas son but. En revanche, on profite du voyage à chaque page tournée, et malgré quelques dialogues un peu trop didactiques (je ne reviens pas sur quelques fautes d'orthographe assez honteuses), la narration est vraiment belle, épurée et de ce fait, très efficace. Et même si j'aurais aimé que l'univers soit un peu plus creusé, c'est tout de même un bel album, très convaincant pour une première œuvre. Je ne sais pas si j'aimerais que Nicolas Bastide continue dans cet univers, ou qu'il crée simplement d'autres histoires en solo, mais je m'intéresserai volontiers à ce qu'il fera par la suite !

13/08/2025 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série De pierre et d'os
De pierre et d'os

Il s’agit effectivement d’une excellente BD. L’histoire est touchante et sa protagoniste forte et attachante, j’ai vibré avec elle, ri avec elle, pleuré avec elle. J’ai beaucoup aimé découvrir le chamanisme et les croyances et modes de vie inuites, même si je suis resté un peu hermétique aux double-pages « le chant de… ». La fin est belle et juste, mais un peu abrupte, je trouve. La mise en image est réussie. Le trait est maitrisé - j’adore la représentation des personnages, et puis surtout la mise en couleur aquarelle est sublime. J’ai pris beaucoup de plaisir à admirer les paysages du Grand Nord. Une lecture humaine, prenante et marquante… un coup de cœur !

13/08/2025 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Son odeur après la pluie
Son odeur après la pluie

Bon, pour mon petit retour sur BDthèque il fallait bien attaquer avec un avis trop long, trop enthousiaste et pas du tout objectif, non ? Alors que dire sur cette BD... Déjà que c'est une des récentes lectures qui m'a collé la larme à l’œil que j'apprécie d'avoir, surtout parce que j'ai été touché. Mais aussi que je ne peux que conseiller la lecture à tous ceux qui ont déjà eu un animal (félin, canin, autre). Parce que c'est une très belle lecture sur l'amitié avec les animaux, l'amour qu'on leur porte et ce que ça devient dans nos vies. Si le fait d'avoir un animal vous indiffère, si vous trouvez les gens qui parlent à leur chien gâteux, si vous pensez que les gens qui se soucient de leur chats sont émotionnellement instables, etc... Passez votre chemin. Cette BD est non seulement pas pour vous mais risque même de vous déplaire. Parce que l'auteur n'est pas tendre avec ces gens-là. Mais si vous avez eu (ou avez encore) un animal, que vous l'aimez vraiment, que vous comprenez ce que ça fait de l'avoir dans votre vie, alors cette BD est faite pour vous. Adapté d'un roman qui fut un gros succès surprise de librairie (et dont je n'ai pas du tout entendu parler, à ma grande surprise), la BD a été mise en image par Munuera qui a fait un superbe travail. Je ne suis pas un grand connaisseur de son œuvre que j'ai très vaguement survolée mais là je reconnais son dessin et la respiration qu'il a donnée à ses planches. Pour une histoire de chien, de balade, de grand air, d'espace, c'est tout à fait indiqué et les planches sont très belles, éclatantes même. Quant à l'histoire, c'est simple, banal, même. Ordinaire. Un homme et un chien, leur petite vie, comment tout évolue. Un professeur de sport, un bouvier bernois, une rencontre. Enfin, deux rencontres, ou même trois ou quatre. Des petits riens de la vie, des détails insignifiants, beaucoup trop d'amour entre l'homme et l'animal et un récit qui fait du bien au cœur même si la larme est là à la fin. Mais pas que à la fin, puisque personnellement j'ai eu mon premier coup au cœur à l'enterrement qui arrive avant et cette magnifique phrase du veuf devant la tombe. Je ne la divulgacherai pas, mais je la trouve sublime et parfaitement bien amenée dans une planche muette qui laisse éclater ces simples mots. L'auteur originel semble aimer les mots et goûte à cet art de l'écriture parfois lyrique, presque poétique, cette touche d'originalité qui invite à s'amuser avec la langue plus qu'à raconter. La mise en BD a gardé certaines phrases, clairement, et les ajoute à son dynamisme, sa colorisation et surtout sa patte graphique qui rajoute une sorte de collection d'instants, comme des photos commentées dans un album. Une lecture plaisante pour un récit qui m'a beaucoup touché. Personnellement j'ai eu la chance de vivre avec le chien de ma colocataire pendant trois ans et je dois dire que ce récit m'a fait remonter souvenirs, émotions et larmes. Et maintenant que je me suis épanché si longtemps dessus, dois-je vraiment ajouter que je recommande la lecture ?

13/08/2025 (modifier)
Couverture de la série Maleficarum
Maleficarum

Ouch. Cet album profite pleinement de sa contrainte de durée pour mettre une belle petite claque. Tout s'enchaîne très vite, on passe rapidement des belles illustrations poétique à l'acte abject, la fin est brutale et fait mal, l'absence totale de dialogue est glaçante. C'est beau. Le trait de Claire Bouilhac est magnifique, l'utilisation de la figure de la sorcière pertinente, la lecture parvient à faire mouche en seulement 16 pages alors que le sujet à déjà été abordé de nombreuses fois, … Chapeau (de sorcière) ! (Note réelle 3,5)

12/08/2025 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Les Oies cendrées
Les Oies cendrées

Mon plus gros coup de cœur de l'année ! Ce que l’on peut lire à propos des oies cendrées sur Wikipédia suffirait presque à définir le pitch de cet ouvrage. La fiche décrit cet oiseau comme une espèce monogame, vivant en couple pour toute la vie, avant de préciser qu’« en cas de disparition d’un des deux conjoints, le survivant peut s’infliger un célibat prolongé avant de reformer un couple, voire un veuvage définitif ». Et ces oies, qui ont inspiré le titre de l’album, elles sont le sujet principal des peintures d’Arthur, un vieux monsieur qui, depuis la mort de son épouse, vit reclus au bord d’un lac suédois en laissant libre cours à ses rêves de peintre amateur. Celui-ci prend conscience que le décès de sa chère et tendre a sanctionné abruptement une étape de sa vie, celle où l’on bascule dans une mélancolie doucereuse en attendant la fin, et que, sans aucun doute, sa vie est désormais derrière lui. Dit comme ça, cela n’est pas très engageant, et pourtant… ce récit va se muer contre toute attente en comédie truculente, avec le parfait dosage de gravité et d’émotion évitant tout pathos. Parce qu’au tout début, on observe ce vieil homme à la mine flétrie vaquer à ses occupations dans son chalet, des rituels du quotidien que l’on sent réglés comme une horloge franc-comtoise. Après une nuit que l’on suppose sans sommeil, on le voit faire sa toilette, se raser, préparer son café, le boire, sans tartines, laver son bol, laver la soucoupe, les poser sur l’égouttoir. Puis d’un pas tranquille, Arthur traverse le jardin en direction de son atelier, son antre à lui, où s’entassent ses peintures et son matériel. On le regarde ouvrir les volets, allumer sa radio, déposer de la gouache sur sa palette, puis, enfin, reprendre religieusement sa toile abandonnée la veille, face au lac, une toile représentant une oie cendrée en train de prendre son envol… jusqu’à ce que…déboulant dans son champ de vision, un nageur vienne troubler la quiétude des lieux par son crawl énergique, provoquant l’envol d’une nuée d’oiseaux… Ce nageur, c’est Gabriel. Avec son look de grand ourson un peu bedonnant, il sort de l’eau et s’essuie devant les fenêtres d’Arthur, littéralement. Et avec ça, dans le plus simple appareil. Submergé par le trouble, Arthur en aurait presque renversé son chevalet. A ce stade, impossible d’en dire trop pour ne pas divulgâcher, mais alors qu’on pouvait s’attendre à une narration un peu monotone, c’est tout l’inverse qui se produit avec l’arrivée de Gabriel, qui n'est pas là par hasard puisqu'il veut absolument exposer les œuvres de l'artiste dans sa galerie parisienne. Le récit va donc bifurquer vers le registre « romcom », où le burlesque se télescope avec le désir et la tendresse, mais aussi une certaine gravité pour le moins poignante. Au-delà du genre, c’est la question de la vieillesse qui est abordée, ainsi que la notion de désir. Quand on arrive à un certain âge, est-ce la solitude qui nous choisit ou nous qui la choisissons ? Même si, forcément, la libido est moins forte à 70 ans qu’à 20, devons-nous pour autant la laisser disparaître ? N’est-ce pas une façon de céder aux injonctions de la société et de ses codes, qui souvent réussit à nous convaincre que l’on n’a plus rien à donner en attendant le cimetière ? De même, quand vient l’heure des bilans, sommes-nous toujours certains d’avoir fait les bons choix et de ne pas nous être reniés, juste par peur du « bannissement » ? Tout cela est traité intelligemment, sans longs discours, mais surtout de façon jubilatoire. Mais ce qui fait tout le sel du récit, c’est le personnage du galeriste Gabriel, gay totalement assumé, qui apparaît dans la vie d’Arthur tel un chien dans un jeu de quilles trop bien rangé. Oui, Gabriel est un chien fou et « sauvage » (grrroooaarrrr !!!). A mille lieues des clichés, notre sympathique « bear » est un bon vivant, un brin porté sur la picole, un peu « bourrin » mais sensible aussi (l’un n’empêche pas l’autre !), se moquant éperdument du qu’en-dira-t-on. Et cela au grand dam d’Arthur, ce veuf en voie de mortification, de vingt ans son aîné et pas du tout à l’aise avec ça… Le contraste donne lieu à quelques scènes tout simplement irrésistibles, notamment la scène du repas chez les voisins… Le trait d’Alice VDM, jeune autrice à l’origine d’un album publié chez Sarbacane (une reconnaissance en soi), est simple, aéré et stylé, et s’accorde bien au contexte du récit. Par de petits détails de cadrage, une posture, une légère variation du trait dans les expressions, on peut deviner les états d’âme des personnages. Les paysages autour du lac sont très plaisants, et VDM nous fait parfaitement sentir la beauté et la sérénité qui s’en dégage. Avec cet album, Cyril Legrais nous invite à envisager la vieillesse avec des yeux neufs, à rebours des habituels discours condescendants, et il le fait avec brio. Les personnages sont extrêmement attachants, en particulier Gabriel évidemment, mais on peut éprouver une grande empathie pour Arthur qui grâce à ce dernier, va vivre ici un véritable conte de fées. Pour l’auteur de ces lignes, « Les Oies cendrées » sont un énorme coup de cœur. Cette BD « feel good » parvient à transcender la mélancolie des vieux jours en quelque chose d’extrêmement lumineux, sans mièvrerie aucune, et ce n’est pas rien. Pour cela, les auteurs méritent notre reconnaissance éternelle.

12/08/2025 (modifier)
Couverture de la série Hellbound - L'Enfer
Hellbound - L'Enfer

Ayant beaucoup apprécié l'adaptation télévisuelle sortie sur Netflix, c'est donc tout naturellement que je me suis procuré le manga d'origine. D'un format plus grand que les mangas habituels, ce diptyque est agréable à prendre en main et à lire. La double couverture rouge / argenté est du plus bel effet et mêle habilement le personnage central du tome et les apparitions surnaturelles, objets du récit. Au niveau des graphismes, le trait de Choi Kyu-Park est très précis et le mélange de photos en arrière plan et de dessin confère une réelle profondeur de champ aux cases. J'ai ainsi beaucoup apprécié cet ensemble qui pourra malgré tout paraitre un peu trop informatisé au goût de certains. Ce ne fut pas mon cas. Concernant le scénario, l'histoire est centrée sur la survenue de phénomènes surnaturels, un visage féminin apparaissant devant certaines personnes pour leur annoncer leur mort dans un certain délai, ce dernier pouvant varier de quelques secondes à plusieurs dizaines d'années. L'heure fatidique arrivant, trois monstres surgissant de nulle-part déchiquètent et réduisent la personne concernée à l'état de tronc carbonisé. La question que se pose tout le monde étant l'origine et la cause de la survenue de tels phénomènes. S'agit-il de la damnation par Dieu de personnes ayant commis des actes répréhensibles ou d'événement aléatoires inexpliqués ? Sans trop vouloir en dévoiler, le premier tome est ainsi centré sur l'histoire de Jin Kyunghoon, inspecteur de police dont la vie a été détruite suite à un drame familiale (meurtre de sa femme) et son fils Seongho. Le second tome est quant à lui consacré au personnage de Min Hyejin, avocate combattant la secte Neo Veritas (et qui apparait déjà dans le tome 1), et sur BaeYongJae, producteur dont le nouveau-né va subir une damnation. Comme l'adaptation en série TV, j'ai vraiment été conquis par ce manga qui traite avec habileté des effets de l'endoctrinement de masse, des réseaux sociaux, et de la nécessité du plus grand nombre de trouver une explication à des phénomènes insoutenables. Tout d'abord, l'idée de départ est vraiment très originale et malgré tout, l'auteur n'a pas cédé à la tentation de rallonger la série au détriment du scénario. On sent que l'auteur a réfléchi l'histoire en amont et l'ensemble des deux tomes sont parfaitement cohérents et complémentaires. Ensuite, la psychologie des personnages est plutôt bien travaillée pour un manga, ce genre versant trop souvent à mon goût dans le caricatural. ici, ce n'est pas le cas, tout comme la fin de chaque tome (que je ne révélerai pas ici pour réserver la surprise aux futurs lecteurs!) qui amène le lecteur à se questionner sur la manière dont il aurait réagi face à pareille situation à la place de l'inspecteur de police ou des parents du nouveau-né. Un sans-faute pour moi qui mérite la note maximale et qui doit trôner dans tout bonne étagère de fans de mangas ! SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 9,5/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 8,5/10 NOTE GLOBALE : 18/20

11/08/2025 (modifier)
Couverture de la série Là où dorment les géants
Là où dorment les géants

Une belle lecture. J'ai aimé que l'histoire se déploiement doucement à travers le voyage de l'héroïne ; ou l'on découvre dans le même temps un univers flotte autour d'une sorte d'héroic fantasy légère. Les dessins oscillent entre le très beau et le naïf. D'ailleurs la naïveté de cette bd est à la fois sa faiblesse et sa grande force. Une faiblesse d'abord car il manque parfois un peu plus de fond et la fin, peut être trop rapide, ne prends pas le temps et n'exploite pas suffisamment à mon sens l'univers qui a été créé. C'est aussi la force de l'histoire qui donne à l'ensemble une tonalité pleine de fraicheur. C'est pourquoi je ne serai pas étonné que tous/toutes les lecteurs/lectrices apprécient la lecture de cette bd et en même temps hésitent à mettre un 4/5. En ce qui me concerne j'ai choisi mon camp : lecture vivement conseillée ! une belle réussite

11/08/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Foudroyants
Foudroyants

Et bien voilà une très bonne série jeunesse, en tout cas un excellent début. J’ai aimé le dessin du couple Kerascoet, qui rappelle l’excellente série Beauté, et servi par une mise en couleur tout à fait plaisante. Le fond de l’histoire est lui-aussi malin, croisant plusieurs mythes et légendes, dont celui de l’Atlantide au premier chef. Mais on croise aussi un erzatz de Dark Vador, transformé ici en une sorte de Seigneur des fonds marins, ainsi qu’une bonne dose de mythologie grecque dont l'histoire d'Icare, revisitée de manière assez surprenante. J’adore ! Les personnages ne sont pas neuneus et leur personnalité est travaillée. Quant à l’intrigue, elle est bien menée et sait susciter la curiosité. Lue d'une traite. Je serai bien entendu du voyage pour la suite.

10/08/2025 (modifier)