Scott McCloud nous a déjà initié à l'art de raconter la BD en BD (cf L'Art Invisible).
Ici, il s'associe à la dessinatrice Raina Telgemeier pour nous offrir une fiction, l'histoire de quatre ados aux affinités différentes et qui, sous l'impulsion de la documentaliste du CDI de leur collège vont créer leur propre bande dessinée
J'ai trouvé le propos très inspirant et bourré de conseils avisés concernant les émotions à faire passer à travers les postures des personnages, ou la liberté sans limite du support. "La seule règle d'or de la bande dessinée, c'est qu'il n'y en a pas".
J'ai été moins séduite par le dessin, que j'ai trouvé un poil caricatural
L'australien Gavin Aung Than nous propose avec "la clinique des créatures" une comédie de fantasy toute mignonne et bourrée d'humour.
Le dessin est simple et tout droit sorti des cartoons.
L'histoire pourrait paraître bateau et simpliste, mais elle est émaillée de nombreux gags qui font vraiment mouche. Et puis, mine de rien, c'est une bd qui parle d'empathie, de gestion des émotions, des relations parfois conflictuelles avec les parents. Mais tout cela est léger, ce qui fait qu'on peut lire l'histoire à plusieurs niveaux.
J'ai vraiment aimé
Celles et ceux qui se sont toujours émerveillé.e.s en admirant les ciels d’été étoilés et qui ne sont pas pour autant des cadors en sciences et plus précisément en astronomie (c’est mon cas) vont certainement adorer cette bande dessinée. Celui-ci coche toutes les cases de l’ouvrage de vulgarisation idéal, lequel parvient à être synthétique sur cette discipline extrêmement vaste — on ne saurait mieux dire — qu’est l’astrophysique.
« Voyage dans l’infiniment grand » a été conçu par Théo Drieu, co-créateur de la chaîne Youtube, « Balade mentale », qui compte plus d’un million d’abonnés. Pour un média de vulgarisation scientifique, c’est un vrai succès.
Si l’on est toujours un peu plus familier avec les planètes et corps célestes peuplant notre système solaire, on a toujours moins d’assurance dès que l’on quitte la ceinture de Kuiper, sans parler du nuage d’Oort ! C’est ainsi que le livre va nous embarquer dans un grand voyage vers l’infini, un voyage bien plus rapide que la vitesse de la lumière, et tout ça grâce au fabuleux pouvoir de l’imagination, la nôtre ! Plus on avance, et plus les distances entre les corps augmentent de façon exponentielle, dans des proportions tout bonnement… « intersidérantes » !
L’ensemble se lit relativement bien et reste globalement compréhensible pour le commun des mortels, même si parfois il faut tout de même solliciter davantage de neurones pour appréhender des concepts un peu plus élaborés. En particulier vers les vingt dernières pages, où est expliqué la fameuse théorie de l’expansion de l’univers, avec le décalage entre ce que nous voyons et la réalité, compte tenu de la vitesse de la lumière. C’est tout à fait passionnant mais on aurait bien vu l’ouvrage se terminer sur l’avant Big Bang, histoire de stimuler un peu plus notre imagination. Certes, plus on s’en rapproche et plus les données scientifiques sont aléatoires et incertaines, et on ne saura probablement jamais ce qu’il y avait avant l’ « instant initial ». Mais certains scientifiques, peut-être les plus poètes, ont déjà émis des hypothèses sur l’existence de multivers.
Les illustrations de Giulia Mammone restent tout à fait adaptées à ce type d’ouvrage. D’un côté, elle nous offre des vues d’artiste très plaisantes, parfois splendides, de l’univers avec ses soleils, ses galaxies et ses « pouponnières ». De l’autre, elle y intercale des scènes purement terrestres avec des objets du quotidien ou des personnages, dont celui probablement de Théo Drieu, le plus souvent pour métaphoriser des concepts plus abstraits ou présenter des intermèdes historiques dans le domaine scientifique. Assez quelconque sur ce plan, le trait reste très schématique et pas vraiment abouti, mais cela n’atténue guère l’enthousiasme que l’on pourra globalement ressentir avec cette lecture.
Pour peu que votre imagination soit suffisamment puissante, « Voyage dans l’infiniment grand » aura au moins ce mérite, pendant 160 pages, de vous faire prendre de la hauteur et d’admirer la voûte céleste, loin de notre monde terrestre parfois étriqué, et ce n’est déjà pas si mal. Comme le conclut l’auteur lui-même, « ces étendues démesurées peuvent être une expérience d’humilité, elles nous attendrissent en abimant un peu nos égos… » A bon entendeur !
La couleur tout d abord, le dessin ensuite, le récit enfin, c'est dans cet ordre que j'ai découvert Azur asphalte de Sylvain Bordesoules. On sent vraiment le sud, le vent, le soleil, rien qu'à regarder la couverture on est déjà dans l'histoire. Manque le lien entre ces deux femmes, que l'on va découvrir au fur et à mesure du récit...Leur quotidien qui n a rien d'original, tiens ça ressemble étrangement au notre ... c est à la fois beau, les illustrations notamment les pleines pages sont magnifiques, et émouvant...est ce que la vie est plus facile sous le soleil ?
Dire que j’attendais « Les Carnets de Stamford Hawksmoor » avec impatience est un doux euphémisme. J’adore la série mère Grandville, et de manière générale toutes les œuvres de Bryan Talbot. J’avais d’ailleurs longuement interviewé l’auteur à Angoulême en janvier 2024, et découvert la centaine de planches alors réalisées, sur sa tablette… presque 2 ans plus tard, je mets enfin les mains sur l’album, fébrilement, ayant peur d’être déçu, de trop en attendre.
Et bien non, ouf.
Je précise tout d’abord une chose importante : il n’est absolument pas nécessaire d’avoir lu Grandville pour lire et apprécier cette préquelle. L’histoire est complètement indépendante, et propose une enquête « à la Sherlock » absolument passionnante… les références au personnage de Conan Doyle abondent, à commencer par le nom du protagoniste (Stamford apparait dans le premier roman, « Une étude en rouge »). L’enquête est bien construite et parfaitement narrée, même si sa complexité nécessite une lecture attentive.
Comme c’est souvent le cas, Bryan Talbot parsème son récit de parallèles et réflexions sur notre société… les allusions à la catastrophe « Brexit » sont évidentes, mais l’auteur en profite également pour parler de la montée de l’extrême droite et du nationalisme dans le monde, ou encore des déboulonnages de statues liées à l'esclavage, par exemple.
La mise en image est magnifique. La représentation brumeuse du Londres victorien est des plus réussies, notamment grâce aux superbes couleurs aquarelles sépia, pour un rendu vintage. Les personnages animaliers sont toujours aussi réussis, ainsi que les fiacres Hansom et les costumes d’époque.
Voilà, une enquête classique, certes, et parfois difficile à suivre, mais je me suis régalé, et je me prends à rêver d’une suite (même ce n’est pas du tout d’actualité). Un coup de cœur !
Voilà plus d’un siècle que l’identité du mystérieux Jack l’Éventreur nourrit tous les fantasmes. En février 2025, un détective amateur affirmait avoir enfin percé le secret grâce à des analyses ADN réalisées sur le châle porté par Catherine Eddowes, l’une des victimes. Selon lui, le meurtrier serait Aaron Kosminski, un immigrant juif venu de Pologne, barbier de son état et déjà suspecté à l’époque. Une conclusion qui, évidemment, a depuis été largement contestée…
C’est dans ce contexte que je me suis plongé dans From Hell d’Alan Moore, un véritable monument.
Alan Moore y propose, avec une précision quasi chirurgicale, sa propre lecture de la légende, appuyée sur un important travail d’enquête et de documentation. Comme l’ont souligné de nombreux lecteurs avant moi, il faut d’abord saluer l’ampleur colossale de ses recherches : chacune des scènes du récit repose sur des sources minutieusement référencées. Une annexe d’une quarantaine de pages détaille ainsi, chapitre après chapitre, les ouvrages et documents sur lesquels s’appuie sa théorie. À cela s’ajoute une reconstitution impressionnante du Londres victorien, en particulier de ses bâtiments religieux — le deuxième chapitre, d’une trentaine de pages, y est entièrement consacré.
Ce travail titanesque engendre toutefois quelques lourdeurs et un rythme parfois lent. Mais l’ensemble reste passionnant et m’a donné envie de creuser davantage le mythe de Jack l’Éventreur et les multiples hypothèses autour de son identité.
Ayant vu et apprécié l’adaptation cinématographique avant de lire la bande dessinée, je réalise maintenant que le film fait bien pâle figure face à l’œuvre d’Alan Moore.
Je regrette cependant que la partie graphique ne soit pas à la hauteur de la qualité du scénario. Dans l’intégrale en noir et blanc que j’ai lue, le trait m’a semblé souvent approximatif, parfois même bâclé. Il m’est arrivé de revenir plusieurs fois en arrière, peinant à distinguer certains éléments du décor ou à différencier les personnages.
Pour moi, une bande dessinée culte doit allier un récit original et prenant à un dessin agréable à l’œil — notion certes très subjective. Ici, l’aspect visuel m’empêche d’attribuer la note maximale, même si l’œuvre mérite clairement son statut tant elle marque ses lecteurs.
Un très beau coup de cœur malgré tout.
SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 10/10
GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 6/10
NOTE GLOBALE : 16/20
Un classique !
Quelle bonne idée : les méchants aliens n'envahissent que l'Amérique latine, car vue comme la partie la plus faible de la planète. Bien vu : il n'y a guère de solidarité entre nations. Un bémol : l'Afrique est encore plus désarmée, mais c'est un scénariste latino qui décide ! Et qui n'a que de bonnes idées, qu'on en juge. La pluie de neige brouille tout, indistinction de l'espace, l'Eternaute, lui, le voyageur temporel, brouille le temps, deux éléments nous plongeant dans une atmosphère de fantastique. De fantastique effrayant, car les gens sont attaqués ! Assaillis par des créatures aliens ou humaines attachées par des fils, manipulées comme des marionnettes, encore une grande idée symbolique et graphique.
Comme d'habitude, toute histoire d'intrusion doit commencer par un décor et des gens bien enracinés dans la réalité. Et l'Eternaute fait le job, parfait, absolument parfait.
L'extravagance du parfait, comme on le dit d'un vin, mais je ne vais pas me lancer là-dedans.. La brièveté de l'œuvre, sa vivacité… Bon, ok, je sais que nous sommes en France, mais les formes brèves valent autant que les longues, voir les nouvelles et les haikus et autres tankas ! Parfois, ce qu'on sait fait obstacle à la connaissance, comme on le voit encore ici. On sait qu'il y a eu des problèmes de parution, on en déduit que l'œuvre en a pâti. Certes, on a les probabilités pour soi, mais en vérité, ce cri contre la tyrannie et l'abandon des faibles surgit sans doute plus court mais plus dense que sous une forme longue…. Attention, je n'ai rien contre les sagas, je rappelle les vertus de la brièveté et de l'ellipse, les formes courtes valent autant que les longues, illustration :
« Fût-ce en mille éclats.
Elle est toujours là.
La lune dans l'eau ! »
Haiku de Ueda Chôsh qui est aussi beau que capable de remonter le moral… fut-ce un instant ! Dans cette poésie comme dans l'Eternaute, pointe l'éloge de la résilience, si l'un est plus passionné que l'autre. Il y a aussi la chaude amitié entre notre groupe de survivants combattant les envahisseurs. Œuvre ancrée dans son temps qui s'arrime au nôtre, elle est classique, non une œuvre qu'il faut avoir lu pour comprendre comment la BD évolue, mais parce que sa perfection la place au firmament avec quelques autres comme les Corto Maltese.
Noir destin des humains, griffés par le dessin, blanc qui fait éclater les formes et les cases, coïncidence des contraires, feu d'artifice de perfection, trésor à garder dans sa bibliothèque pour le rouvrir, ébloui, havre et tempête !
A l'origine, je regardais quelques images, je lisais quelques phrases de Corto, mais je comprenais que je n'étais pas prêt. Un jour enfin, j'ai senti qu'il était temps, j'ai lu et ne m'en suis jamais repenti. Quels traits, qui vous emportent comme la mer… Quel héros : Corto peut rester immobile, à fumer le cigare, sans qu'on s'ennuie, et on peut espérer que la suite dispensable ne le condamnera pas à mâchonner de l'herbe comme Lucky Luke. Et que de personnages pour lui donner la réplique ! On en trouve de toutes les couleurs, et je dirais que Hugo Pratt en a le droit, lui, alors que d'autres, non, trois fois non ! Pourquoi, parce qu'il sait les dessiner, déjà, on n'est ni dans la caricature, ni dans la fadeur, il rend parfaitement le corps humain, son visage, ses mouvements, tout…. Ensuite, en terme de perception, mais c'est aussi important, parce que Pratt connait et invente assez d'histoire pour que les gens de toutes les couleurs y soient non comme collection pour montrer de la diversité, mais des personnages d'histoires à part entière. Et quelles histoires ? La réalité et le rêve s'enrichissent mutuellement.
Même remarque pour les femmes que pour la diversité ethnique, sociale, religieuse, culturelle et psychologique. D'ailleurs ce fou de Raspoutine lui reproche d'être toujours entouré de trop de femmes ! Il y a aussi l'alcoolique Steiner qui nous montre un vieux savant assez émouvant dans sa dérive, et parfois, comme dans un spectacle, il y a des invités, des personnages historiques comme le Baron fou qu'une chinoise aidée d'une organisation secrète comme il en grouille dans Corto en Sibérie, contrecarre. Contrairement à une duchesse de cette aventure ou Bouche dorée de plein d'aventures, c''est après coup qu'on se rend compte de son importance.
C'est formidable, non ? Mais parfois, on est tout aussi heureux pour une mouette fendant l'air - par parenthèse, découvrez l'aventure provoquée par ce genre de volatile ! Ou bien pour des cases où le noir et le blanc font le… tango? Mais Corto, gentilhomme de fortune, né de la mer, est sans doute mieux suivi en commençant par la mer salée, dans les pas de Stevenson et sa navigation, et son île au trésor quand Corto en cherche tant, passionné et plein de détachement, mystérieux à l'image du monde qui se reflète dans ses yeux.
J'ai découvert Mathieu Bablet avec Adrastée et depuis je ne loupe aucune de ses nouvelles productions.
Ce "Silent Jenny" termine sa trilogie post-apocalyptique après Shangri-La et Carbone & Silicium.
Bablet nous donne à voir un monde qui n'est plus le notre, une catastrophe inconnue l'a profondément changé, la vie animale et végétale a disparu. L'humanité survie tant bien que mal dans des conditions difficiles (températures très élevées, recherche d'eau et terre impropre à la culture). Pour faire revenir la vie, des expéditions sont rigoureusement programmées par une bureaucratie très pointilleuse sur le règlement. Point après point sur la carte, les recherches D’ADN d'abeille, le pollinisateur suprême, sont le Graal tant espéré. Des recherches qui amènent nos prospecteurs sous la surface de la terre, dans l'inframonde. Il est nécessaire pour cela de rapetisser à une taille d'insecte, et ce n'est pas sans danger. C'est le quotidien de Jenny, une femme introvertie, elle n'est pas très bavarde et ne respire pas la joie de vivre. Et ses visions récurrentes de la mort ne l'aident pas à aller mieux. Elle vit sur une monade, le Cherche-midi, un genre de bateau, bardé de technologie vieillissante, sur roue qui se traîne à la vitesse d'une limace. On y découvre un monde clos qui veut résister à Pyrrhocorp, une multinationale qui veut faire main mise sur ce monde désertique (thème récurrent chez l'auteur).
Comme à son habitude Bablet nous offre un récit dense qui lorgne sur le philosophique, il pousse à la réflexion sur des sujets d'actualité.
Une lecture qui n'a pas été un long fleuve tranquille, des choses m'ont échappé. Page 185, pourquoi la monade le Cherche-midi ne stoppe-t-elle pas les machines lorsqu'elle traverse un petit coin de paradis ? Malgré une relecture des dernières planches, je ne suis pas certain d'avoir tout bien compris. Je termine donc cet album sur une impression mitigée.
J'adore le style graphique Bablet. Il m'en a encore mis plein les yeux, des décors fabuleux, la désolation transpire sur chaque planche et les design des monades et des costumes sont une totale réussite. Il s'améliore même dans la représentation des visages, ils sont toujours disgracieux mais beaucoup plus facilement reconnaissables. De superbes couleurs. De rares magnifiques doubles pages à rester bouche bée.
Difficile de trouver une juste note... j'opte pour un 3,5 et un gros coup de cœur graphique.
Krimi est une œuvre magistrale, autant sur le fond que sur la forme. Alex W. Inker livre ici un travail graphique absolument saisissant, réalisé à l’encre et au fusain, qui confère à chaque planche une profondeur et une texture incroyables. Les noirs sont d’une densité rare, les contrastes subtilement dosés, et le trait évoque la pellicule d’un vieux film. On y retrouve tout l’esprit du cinéma expressionniste allemand, ses ombres mouvantes et son esthétique du clair-obscur. Graphiquement, c’est un choc.
L’édition de Sarbacane est à la hauteur du contenu : grand format et dos toilé, un véritable écrin pour ce travail d’orfèvre. On sent une vraie volonté de mettre en valeur la matérialité du dessin, presque palpable à chaque page. C’est le genre d’album qu’on feuillette lentement, pour savourer la puissance de chaque composition.
Le scénario, signé Thibault Vermot, plonge dans la figure complexe de Fritz Lang, cinéaste de génie hanté par ses démons, son époque et la culpabilité. L’histoire entremêle la réalité et la fiction avec une grande maîtrise, tout en gardant une cohérence narrative et émotionnelle remarquable. Le rythme, lent mais tendu, accompagne parfaitement cette descente dans l’ombre.
Je conseille de voir le film M le Maudit avant de se plonger dans la BD : cela permet de saisir pleinement les enjeux artistiques et psychologiques du récit, et de comprendre comment Inker et Vermot dialoguent avec l’œuvre de Lang.
En somme, Krimi est plus qu’un simple polar : c’est une réflexion sur la création, la culpabilité et le pouvoir des images. Un album ambitieux, noir et superbe, servi par un duo d’auteurs en parfaite symbiose.
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La Bande des bédémaniacs
Scott McCloud nous a déjà initié à l'art de raconter la BD en BD (cf L'Art Invisible). Ici, il s'associe à la dessinatrice Raina Telgemeier pour nous offrir une fiction, l'histoire de quatre ados aux affinités différentes et qui, sous l'impulsion de la documentaliste du CDI de leur collège vont créer leur propre bande dessinée J'ai trouvé le propos très inspirant et bourré de conseils avisés concernant les émotions à faire passer à travers les postures des personnages, ou la liberté sans limite du support. "La seule règle d'or de la bande dessinée, c'est qu'il n'y en a pas". J'ai été moins séduite par le dessin, que j'ai trouvé un poil caricatural
La Clinique des créatures
L'australien Gavin Aung Than nous propose avec "la clinique des créatures" une comédie de fantasy toute mignonne et bourrée d'humour. Le dessin est simple et tout droit sorti des cartoons. L'histoire pourrait paraître bateau et simpliste, mais elle est émaillée de nombreux gags qui font vraiment mouche. Et puis, mine de rien, c'est une bd qui parle d'empathie, de gestion des émotions, des relations parfois conflictuelles avec les parents. Mais tout cela est léger, ce qui fait qu'on peut lire l'histoire à plusieurs niveaux. J'ai vraiment aimé
Balade mentale - Voyage dans l'infiniment grand
Celles et ceux qui se sont toujours émerveillé.e.s en admirant les ciels d’été étoilés et qui ne sont pas pour autant des cadors en sciences et plus précisément en astronomie (c’est mon cas) vont certainement adorer cette bande dessinée. Celui-ci coche toutes les cases de l’ouvrage de vulgarisation idéal, lequel parvient à être synthétique sur cette discipline extrêmement vaste — on ne saurait mieux dire — qu’est l’astrophysique. « Voyage dans l’infiniment grand » a été conçu par Théo Drieu, co-créateur de la chaîne Youtube, « Balade mentale », qui compte plus d’un million d’abonnés. Pour un média de vulgarisation scientifique, c’est un vrai succès. Si l’on est toujours un peu plus familier avec les planètes et corps célestes peuplant notre système solaire, on a toujours moins d’assurance dès que l’on quitte la ceinture de Kuiper, sans parler du nuage d’Oort ! C’est ainsi que le livre va nous embarquer dans un grand voyage vers l’infini, un voyage bien plus rapide que la vitesse de la lumière, et tout ça grâce au fabuleux pouvoir de l’imagination, la nôtre ! Plus on avance, et plus les distances entre les corps augmentent de façon exponentielle, dans des proportions tout bonnement… « intersidérantes » ! L’ensemble se lit relativement bien et reste globalement compréhensible pour le commun des mortels, même si parfois il faut tout de même solliciter davantage de neurones pour appréhender des concepts un peu plus élaborés. En particulier vers les vingt dernières pages, où est expliqué la fameuse théorie de l’expansion de l’univers, avec le décalage entre ce que nous voyons et la réalité, compte tenu de la vitesse de la lumière. C’est tout à fait passionnant mais on aurait bien vu l’ouvrage se terminer sur l’avant Big Bang, histoire de stimuler un peu plus notre imagination. Certes, plus on s’en rapproche et plus les données scientifiques sont aléatoires et incertaines, et on ne saura probablement jamais ce qu’il y avait avant l’ « instant initial ». Mais certains scientifiques, peut-être les plus poètes, ont déjà émis des hypothèses sur l’existence de multivers. Les illustrations de Giulia Mammone restent tout à fait adaptées à ce type d’ouvrage. D’un côté, elle nous offre des vues d’artiste très plaisantes, parfois splendides, de l’univers avec ses soleils, ses galaxies et ses « pouponnières ». De l’autre, elle y intercale des scènes purement terrestres avec des objets du quotidien ou des personnages, dont celui probablement de Théo Drieu, le plus souvent pour métaphoriser des concepts plus abstraits ou présenter des intermèdes historiques dans le domaine scientifique. Assez quelconque sur ce plan, le trait reste très schématique et pas vraiment abouti, mais cela n’atténue guère l’enthousiasme que l’on pourra globalement ressentir avec cette lecture. Pour peu que votre imagination soit suffisamment puissante, « Voyage dans l’infiniment grand » aura au moins ce mérite, pendant 160 pages, de vous faire prendre de la hauteur et d’admirer la voûte céleste, loin de notre monde terrestre parfois étriqué, et ce n’est déjà pas si mal. Comme le conclut l’auteur lui-même, « ces étendues démesurées peuvent être une expérience d’humilité, elles nous attendrissent en abimant un peu nos égos… » A bon entendeur !
Azur Asphalte
La couleur tout d abord, le dessin ensuite, le récit enfin, c'est dans cet ordre que j'ai découvert Azur asphalte de Sylvain Bordesoules. On sent vraiment le sud, le vent, le soleil, rien qu'à regarder la couverture on est déjà dans l'histoire. Manque le lien entre ces deux femmes, que l'on va découvrir au fur et à mesure du récit...Leur quotidien qui n a rien d'original, tiens ça ressemble étrangement au notre ... c est à la fois beau, les illustrations notamment les pleines pages sont magnifiques, et émouvant...est ce que la vie est plus facile sous le soleil ?
Les Carnets de Stamford Hawksmoor
Dire que j’attendais « Les Carnets de Stamford Hawksmoor » avec impatience est un doux euphémisme. J’adore la série mère Grandville, et de manière générale toutes les œuvres de Bryan Talbot. J’avais d’ailleurs longuement interviewé l’auteur à Angoulême en janvier 2024, et découvert la centaine de planches alors réalisées, sur sa tablette… presque 2 ans plus tard, je mets enfin les mains sur l’album, fébrilement, ayant peur d’être déçu, de trop en attendre. Et bien non, ouf. Je précise tout d’abord une chose importante : il n’est absolument pas nécessaire d’avoir lu Grandville pour lire et apprécier cette préquelle. L’histoire est complètement indépendante, et propose une enquête « à la Sherlock » absolument passionnante… les références au personnage de Conan Doyle abondent, à commencer par le nom du protagoniste (Stamford apparait dans le premier roman, « Une étude en rouge »). L’enquête est bien construite et parfaitement narrée, même si sa complexité nécessite une lecture attentive. Comme c’est souvent le cas, Bryan Talbot parsème son récit de parallèles et réflexions sur notre société… les allusions à la catastrophe « Brexit » sont évidentes, mais l’auteur en profite également pour parler de la montée de l’extrême droite et du nationalisme dans le monde, ou encore des déboulonnages de statues liées à l'esclavage, par exemple. La mise en image est magnifique. La représentation brumeuse du Londres victorien est des plus réussies, notamment grâce aux superbes couleurs aquarelles sépia, pour un rendu vintage. Les personnages animaliers sont toujours aussi réussis, ainsi que les fiacres Hansom et les costumes d’époque. Voilà, une enquête classique, certes, et parfois difficile à suivre, mais je me suis régalé, et je me prends à rêver d’une suite (même ce n’est pas du tout d’actualité). Un coup de cœur !
From Hell
Voilà plus d’un siècle que l’identité du mystérieux Jack l’Éventreur nourrit tous les fantasmes. En février 2025, un détective amateur affirmait avoir enfin percé le secret grâce à des analyses ADN réalisées sur le châle porté par Catherine Eddowes, l’une des victimes. Selon lui, le meurtrier serait Aaron Kosminski, un immigrant juif venu de Pologne, barbier de son état et déjà suspecté à l’époque. Une conclusion qui, évidemment, a depuis été largement contestée… C’est dans ce contexte que je me suis plongé dans From Hell d’Alan Moore, un véritable monument. Alan Moore y propose, avec une précision quasi chirurgicale, sa propre lecture de la légende, appuyée sur un important travail d’enquête et de documentation. Comme l’ont souligné de nombreux lecteurs avant moi, il faut d’abord saluer l’ampleur colossale de ses recherches : chacune des scènes du récit repose sur des sources minutieusement référencées. Une annexe d’une quarantaine de pages détaille ainsi, chapitre après chapitre, les ouvrages et documents sur lesquels s’appuie sa théorie. À cela s’ajoute une reconstitution impressionnante du Londres victorien, en particulier de ses bâtiments religieux — le deuxième chapitre, d’une trentaine de pages, y est entièrement consacré. Ce travail titanesque engendre toutefois quelques lourdeurs et un rythme parfois lent. Mais l’ensemble reste passionnant et m’a donné envie de creuser davantage le mythe de Jack l’Éventreur et les multiples hypothèses autour de son identité. Ayant vu et apprécié l’adaptation cinématographique avant de lire la bande dessinée, je réalise maintenant que le film fait bien pâle figure face à l’œuvre d’Alan Moore. Je regrette cependant que la partie graphique ne soit pas à la hauteur de la qualité du scénario. Dans l’intégrale en noir et blanc que j’ai lue, le trait m’a semblé souvent approximatif, parfois même bâclé. Il m’est arrivé de revenir plusieurs fois en arrière, peinant à distinguer certains éléments du décor ou à différencier les personnages. Pour moi, une bande dessinée culte doit allier un récit original et prenant à un dessin agréable à l’œil — notion certes très subjective. Ici, l’aspect visuel m’empêche d’attribuer la note maximale, même si l’œuvre mérite clairement son statut tant elle marque ses lecteurs. Un très beau coup de cœur malgré tout. SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 10/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 6/10 NOTE GLOBALE : 16/20
L'Eternaute 1969
Un classique ! Quelle bonne idée : les méchants aliens n'envahissent que l'Amérique latine, car vue comme la partie la plus faible de la planète. Bien vu : il n'y a guère de solidarité entre nations. Un bémol : l'Afrique est encore plus désarmée, mais c'est un scénariste latino qui décide ! Et qui n'a que de bonnes idées, qu'on en juge. La pluie de neige brouille tout, indistinction de l'espace, l'Eternaute, lui, le voyageur temporel, brouille le temps, deux éléments nous plongeant dans une atmosphère de fantastique. De fantastique effrayant, car les gens sont attaqués ! Assaillis par des créatures aliens ou humaines attachées par des fils, manipulées comme des marionnettes, encore une grande idée symbolique et graphique. Comme d'habitude, toute histoire d'intrusion doit commencer par un décor et des gens bien enracinés dans la réalité. Et l'Eternaute fait le job, parfait, absolument parfait. L'extravagance du parfait, comme on le dit d'un vin, mais je ne vais pas me lancer là-dedans.. La brièveté de l'œuvre, sa vivacité… Bon, ok, je sais que nous sommes en France, mais les formes brèves valent autant que les longues, voir les nouvelles et les haikus et autres tankas ! Parfois, ce qu'on sait fait obstacle à la connaissance, comme on le voit encore ici. On sait qu'il y a eu des problèmes de parution, on en déduit que l'œuvre en a pâti. Certes, on a les probabilités pour soi, mais en vérité, ce cri contre la tyrannie et l'abandon des faibles surgit sans doute plus court mais plus dense que sous une forme longue…. Attention, je n'ai rien contre les sagas, je rappelle les vertus de la brièveté et de l'ellipse, les formes courtes valent autant que les longues, illustration : « Fût-ce en mille éclats. Elle est toujours là. La lune dans l'eau ! » Haiku de Ueda Chôsh qui est aussi beau que capable de remonter le moral… fut-ce un instant ! Dans cette poésie comme dans l'Eternaute, pointe l'éloge de la résilience, si l'un est plus passionné que l'autre. Il y a aussi la chaude amitié entre notre groupe de survivants combattant les envahisseurs. Œuvre ancrée dans son temps qui s'arrime au nôtre, elle est classique, non une œuvre qu'il faut avoir lu pour comprendre comment la BD évolue, mais parce que sa perfection la place au firmament avec quelques autres comme les Corto Maltese. Noir destin des humains, griffés par le dessin, blanc qui fait éclater les formes et les cases, coïncidence des contraires, feu d'artifice de perfection, trésor à garder dans sa bibliothèque pour le rouvrir, ébloui, havre et tempête !
Corto Maltese
A l'origine, je regardais quelques images, je lisais quelques phrases de Corto, mais je comprenais que je n'étais pas prêt. Un jour enfin, j'ai senti qu'il était temps, j'ai lu et ne m'en suis jamais repenti. Quels traits, qui vous emportent comme la mer… Quel héros : Corto peut rester immobile, à fumer le cigare, sans qu'on s'ennuie, et on peut espérer que la suite dispensable ne le condamnera pas à mâchonner de l'herbe comme Lucky Luke. Et que de personnages pour lui donner la réplique ! On en trouve de toutes les couleurs, et je dirais que Hugo Pratt en a le droit, lui, alors que d'autres, non, trois fois non ! Pourquoi, parce qu'il sait les dessiner, déjà, on n'est ni dans la caricature, ni dans la fadeur, il rend parfaitement le corps humain, son visage, ses mouvements, tout…. Ensuite, en terme de perception, mais c'est aussi important, parce que Pratt connait et invente assez d'histoire pour que les gens de toutes les couleurs y soient non comme collection pour montrer de la diversité, mais des personnages d'histoires à part entière. Et quelles histoires ? La réalité et le rêve s'enrichissent mutuellement. Même remarque pour les femmes que pour la diversité ethnique, sociale, religieuse, culturelle et psychologique. D'ailleurs ce fou de Raspoutine lui reproche d'être toujours entouré de trop de femmes ! Il y a aussi l'alcoolique Steiner qui nous montre un vieux savant assez émouvant dans sa dérive, et parfois, comme dans un spectacle, il y a des invités, des personnages historiques comme le Baron fou qu'une chinoise aidée d'une organisation secrète comme il en grouille dans Corto en Sibérie, contrecarre. Contrairement à une duchesse de cette aventure ou Bouche dorée de plein d'aventures, c''est après coup qu'on se rend compte de son importance. C'est formidable, non ? Mais parfois, on est tout aussi heureux pour une mouette fendant l'air - par parenthèse, découvrez l'aventure provoquée par ce genre de volatile ! Ou bien pour des cases où le noir et le blanc font le… tango? Mais Corto, gentilhomme de fortune, né de la mer, est sans doute mieux suivi en commençant par la mer salée, dans les pas de Stevenson et sa navigation, et son île au trésor quand Corto en cherche tant, passionné et plein de détachement, mystérieux à l'image du monde qui se reflète dans ses yeux.
Silent Jenny
J'ai découvert Mathieu Bablet avec Adrastée et depuis je ne loupe aucune de ses nouvelles productions. Ce "Silent Jenny" termine sa trilogie post-apocalyptique après Shangri-La et Carbone & Silicium. Bablet nous donne à voir un monde qui n'est plus le notre, une catastrophe inconnue l'a profondément changé, la vie animale et végétale a disparu. L'humanité survie tant bien que mal dans des conditions difficiles (températures très élevées, recherche d'eau et terre impropre à la culture). Pour faire revenir la vie, des expéditions sont rigoureusement programmées par une bureaucratie très pointilleuse sur le règlement. Point après point sur la carte, les recherches D’ADN d'abeille, le pollinisateur suprême, sont le Graal tant espéré. Des recherches qui amènent nos prospecteurs sous la surface de la terre, dans l'inframonde. Il est nécessaire pour cela de rapetisser à une taille d'insecte, et ce n'est pas sans danger. C'est le quotidien de Jenny, une femme introvertie, elle n'est pas très bavarde et ne respire pas la joie de vivre. Et ses visions récurrentes de la mort ne l'aident pas à aller mieux. Elle vit sur une monade, le Cherche-midi, un genre de bateau, bardé de technologie vieillissante, sur roue qui se traîne à la vitesse d'une limace. On y découvre un monde clos qui veut résister à Pyrrhocorp, une multinationale qui veut faire main mise sur ce monde désertique (thème récurrent chez l'auteur). Comme à son habitude Bablet nous offre un récit dense qui lorgne sur le philosophique, il pousse à la réflexion sur des sujets d'actualité. Une lecture qui n'a pas été un long fleuve tranquille, des choses m'ont échappé. Page 185, pourquoi la monade le Cherche-midi ne stoppe-t-elle pas les machines lorsqu'elle traverse un petit coin de paradis ? Malgré une relecture des dernières planches, je ne suis pas certain d'avoir tout bien compris. Je termine donc cet album sur une impression mitigée. J'adore le style graphique Bablet. Il m'en a encore mis plein les yeux, des décors fabuleux, la désolation transpire sur chaque planche et les design des monades et des costumes sont une totale réussite. Il s'améliore même dans la représentation des visages, ils sont toujours disgracieux mais beaucoup plus facilement reconnaissables. De superbes couleurs. De rares magnifiques doubles pages à rester bouche bée. Difficile de trouver une juste note... j'opte pour un 3,5 et un gros coup de cœur graphique.
Krimi
Krimi est une œuvre magistrale, autant sur le fond que sur la forme. Alex W. Inker livre ici un travail graphique absolument saisissant, réalisé à l’encre et au fusain, qui confère à chaque planche une profondeur et une texture incroyables. Les noirs sont d’une densité rare, les contrastes subtilement dosés, et le trait évoque la pellicule d’un vieux film. On y retrouve tout l’esprit du cinéma expressionniste allemand, ses ombres mouvantes et son esthétique du clair-obscur. Graphiquement, c’est un choc. L’édition de Sarbacane est à la hauteur du contenu : grand format et dos toilé, un véritable écrin pour ce travail d’orfèvre. On sent une vraie volonté de mettre en valeur la matérialité du dessin, presque palpable à chaque page. C’est le genre d’album qu’on feuillette lentement, pour savourer la puissance de chaque composition. Le scénario, signé Thibault Vermot, plonge dans la figure complexe de Fritz Lang, cinéaste de génie hanté par ses démons, son époque et la culpabilité. L’histoire entremêle la réalité et la fiction avec une grande maîtrise, tout en gardant une cohérence narrative et émotionnelle remarquable. Le rythme, lent mais tendu, accompagne parfaitement cette descente dans l’ombre. Je conseille de voir le film M le Maudit avant de se plonger dans la BD : cela permet de saisir pleinement les enjeux artistiques et psychologiques du récit, et de comprendre comment Inker et Vermot dialoguent avec l’œuvre de Lang. En somme, Krimi est plus qu’un simple polar : c’est une réflexion sur la création, la culpabilité et le pouvoir des images. Un album ambitieux, noir et superbe, servi par un duo d’auteurs en parfaite symbiose.