Les derniers avis (9482 avis)

Par Vaudou
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Les Fils d'El Topo
Les Fils d'El Topo

Les fils d'El Topo est une fable initiatique fabuleuse racontée par un Jodorowsky ultra motivé. Cette bd, c'est sa grande revanche par rapport au film qu'il n'a jamais pu tourner faute de financement et qui devait être la suite d'El Topo sorti dans les salles en 1970. C'est le récit le plus ambitieux que j'ai pu lire de sa part, c'est difficile d'en parler sans révéler l'intrigue. La plupart des personnages sont en quête de rédemption même sans en avoir conscience. J'ai rarement vu des personnages vivre de telles expériences - et en ressortir autant transformés - dans une bande dessinée. Ladronn a permis de donner vie à cet univers, il y a une osmose entre le texte et l'image très forte, on le sent en état de grâce comme son compère. Les fils d'El Topo sera un jour considéré à sa juste valeur, c'est à dire comme l'ultime chef d'oeuvre de Jodorowsky, son magnum opus.

02/11/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Ikkyu
Ikkyu

Culte ou qui le mériterait ! A rempli le job pour moi, une histoire et des dessins agencés de telle sorte qu'on plonge dedans avec l'idée de revenir. Parfois, on confond des personnages ? Quand bien même, quelle importance, car cela montre le chaos de l'époque, soit une des raisons poussant si fortement au détachement, soit dans un monastère, soit seul au hasard des routes ! De plus, quand j'ai tenu ces bd, je n'ai eu de cesse de les relire. C'est dense, et en même temps, rempli de moments de grâce contemplative, une grâce qui exprime le meilleur du Japon ! Le héros ne serait pas sympatoche ? Eh bien, les êtres en quêtes, par exemple les artistes et les mystiques ne le sont pas toujours : obsédés par leur but et ne prenant pas toujours de gants. En plus, le bouddhisme prône certes la compassion, mais aussi toutes sortes de moyens pour sortir les gens de leurs illusions, et parler de façon énigmatique ou brutale peut en faire partie. Le héros a une sorte de rival pas présenté de façon très flatteuse, mais qui ne manque pas non plus de perspicacité, comprenant bien comment tout ce que rejette le héros peut être utile aux masses de fidèles. Les samouraïs ne sont pas flattés, ce n'est rien de le dire et ça change, le peuple souffre, les aristocrates sont raffinés, eux ne font que ravager ! L'enfant qui subsiste dans le héros ne cesse de regretter d'être séparé de sa mère, et c'est ce qui conserve une humanité secrète mais poignante au héros.

01/11/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série L'Amourante
L'Amourante

La beauté ?! C’est la plus grande arnaque de la création ! - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Pierre Alexandrine pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend deux-cent-vingt-huit pages de bande dessinée. Au temps présent, un soir à Paris, dans le vingtième arrondissement, non loin du parc des Buttes-Chaumont, Zayn, un jeune homme, se rend dans un bel appartement spacieux et haut de plafond, habité par Louise. Elle accepte qu’il monte chez elle. Elle l’accueille poliment en lui disant qu’elle était en train de s’endormir devant une série. Il est très impressionné par l’appartement. Il finit par indiquer qu’il est venu parce qu’il n’arrête pas de penser à elle depuis la dernière fois, et il voulait savoir s’il y avait la moindre chance que… Elle répond immédiatement : Non. Elle pensait avoir été claire : c’était bien, tous les deux, mais elle préfère qu’ils en restent là. Il lui dit qu’il ne comprend pas : c’est elle qui l’a abordé dans ce bar, qui l’a séduit, qui l’a embrassé, et cette nuit chez lui, il avait cru… Et ses textos à elle, ses déclarations enflammées. Elle ne s’en souvient pas. Il a juste besoin de comprendre pourquoi. Il la supplie. Elle finit par accepter, tout en le prévenant qu’il risque d’avoir du mal à la croire. Elle lâche le morceau : elle a fait en sorte qu’il tombe amoureux d’elle parce que, faute d’amour, elle se met à vieillir. Mais quand on l’aime elle devient éternelle. C’est la stricte vérité : tant que quelqu’un a des sentiments pour elle, elle ne peut pas vieillir. Elle lui montre un tableau dont elle a été le modèle, datant de 1527. Zayn acceptant de l’écouter, Louise continue. Elle a dans les six ans, elle est née au quinzième siècle. Au risque de le décevoir, elle raconte qu’elle n’a pas rencontré beaucoup de gens célèbres. Jean-Sébastien Bach lui a parlé une fois. Elle a dû croiser Oscar Wilde à deux trois soirées. Elle a bu du porto avec Marlene Dietrich en 1934… C’est tout. Ah, et elle a couché avec Spinoza, excellent amant d’ailleurs. Répondant à une question du jeune homme, elle indique qu’il lui est arrivé quelques bricoles, mais la plupart des trucs qui font mourir les humains sont inefficaces sur elle. Son corps se régénère de façon quasi instantanée. Il n’y a guère que le feu qui puisse la détruire. Elle est née avec ce pouvoir miraculeux, et elle ignore d’où il lui vient. Devant ses yeux, elle se tire une belle dans la poitrine et en ressort indemne. Il comprend qu’elle est une sorte de vampire de l’amour et que la vie a dû être facile pour elle. Cette remarque la fait sortir de ses gonds. IL n’a aucune idée de ce à quoi ressemblait le monde avant son petit vingt-et-unième siècle. A-t-il déjà connu le vrai froid ? Et la faim ? La guerre ? La misère ? La peur ? A-t-il déjà été traqué par un village entier juste parce qu’on le trouvait bizarre ? Est-ce qu’on l’a déjà pendu parce qu’il avait flirté avec la mauvaise personne ? Combien de fois dans sa vie s’est-il fait traiter de succube ? De renarde, de stryge ? De chienne impudique ? De puterelle malfaisante et vérolée ? Un point de départ fantastique très simple : tant que quelqu’un aime Louise, elle ne peut pas vieillir, et elle a maintenant six cents ans. Un jeune homme épris d’elle vient pour obtenir une réponse claire sur les raisons qui ont poussé Louise à le laisser tomber du jour au lendemain : parce qu’il est sympathique elle accepte de lui raconter son histoire. Le lecteur trouve ce qu’il est en droit d’attendre : des moments historiques, ou plutôt des époques identifiées avec parfois une référence historique, des leçons d’amour, ou plutôt de séduction, ou plutôt comment rendre un homme fou de désir, des périodes sans rien de particulier, le temps qui passe, le questionnement sur le pourquoi de cette immortalité, la solitude, la tentation de succomber à l’amour, etc. Il s’agit d’une histoire avec une forte pagination qui se lit très facilement. L’artiste se place dans un registre proche de la Ligne Claire : des traits de contours nets et une légère simplification dans les visages et dans la représentation des objets et des décors, par comparaison avec une approche qui aurait été plus photoréaliste. La mise en couleurs déroge quelque peu aux dogmes de la Ligne Claire : elle intègre des variations de nuances pour une même couleur, de discrets ombrages en fonction des sources de lumière, quelques rares effets discrètement expressionnistes. Le lecteur remarque également quelques personnages en ombre chinoise, se faisant écho entre ces séquences, une demi-douzaine de dessins en pleine page. Le lecteur ressent immédiatement qu’il s’agit de l’œuvre d’un artiste complet : à la fois pour la complémentarité entre les textes et les dessins sans redondances, à la fois pour la personnalité de la narration. En effet l’appartenance à la famille de la Ligne Claire donne une apparence assez jeune aux personnages, de jeunes adultes en tout cas, à l’exception de Martin de la Fôle étant devenu un vieil homme, ou encore d’Eleanore, elle aussi atteinte par l’âge. Dans le même temps, le soin apporté aux tenues vestimentaires et aux décors place la narration visuelle dans un registre adulte, plutôt que tout public, sans voyeurisme graphique pour autant. Au fil des années qui passent, des décennies qui défilent, des siècles qui siècles qui s’accumulent, le personnage principal voit du paysage, à la fois par ses voyages, à la fois par l’évolution de la société aussi bien technologique que sociétale. Une fois bien calé dans son fauteuil dans ce bel appartement parisien aux côtés de Zayn pour écouter Louise, le lecteur voyage lui aussi : au galop dans un champ, dans une maison close parisienne au quinzième siècle y compris lors d’une réception aussi somptueuse que décadente ou dans la plus belle chambre, en Hollande au pied des moulins, dans une cathédrale, dans un grand bal à Venise, sur une scène de théâtre, aux portes de l’université de Samarcande, à la cour de Catherine II. Puis le temps d’une case : à Lhassa, à bord d’un grand voilier militaire, dans la jungle des Indes, au Japon devant le mont Fuji. Etc. L’artiste sait faire voyager le lecteur, sans ostentation, de manière organique et intégrée au récit, servant le déroulement de la vie de l’amourante. Tout au long du récit, le lecteur relève également un usage à bon escient d’éléments visuels variés. Quelques exemples : trente pages muettes dépourvues de tout texte où les dessins portent toute la narration, cinq dessins en pleine page, un dessin en double page, quelques visuels se répondant (par exemple le passage au pied des moulins qui revient plus tard avec le même cadrage, mais à une autre saison, page cinquante rappelé en page cent-trente-trois), des silhouettes en ombre chinoise, le jeu des couleurs, etc. Il remarque que l’artiste utilise des découpages de page à base de cases rectangulaires bien alignées en bande, avec un nombre variable en fonction de la nature de la scène. Il met en œuvre une direction d’acteurs de type naturaliste, sans exagérer les émotions ou les gestes, sauf lorsqu’ils sont en représentation, littéralement sur une scène de théâtre, ou en phase de séduction en appliquant des techniques. Le lecteur se trouve vite séduit par cette narration visuelle facile à lire, agréable à l’œil, riche en informations sans être indigeste. Une narration douce et substantielle donnant à voir cette vie longue de plusieurs siècles, riche de voyages et de découvertes, avec quelques péripéties, sans se transformer en une suite d’aventures échevelées. Louise elle-même dit qu’elle n’a pas rencontré beaucoup de personnes célèbres. L’histoire raconte donc la vie de cette femme qui se découvre un pouvoir extraordinaire : vivre éternellement jeune, sous réserve que quelqu’un soit amoureux d’elle. Elle rencontre Eleanor qui lui explique comment faire pour séduire et éveiller la passion, et les décennies se succèdent les unes aux autres. Le lecteur voit apparaître un thème : l’évolution de la vie amoureuse de Louise. Cela commence par un bon mariage de raison avec un paysan, puis par un veuvage soudain. Dans ce quinzième siècle, elle se retrouve jeune veuve sans le sou et décide de monter à Paris. Dépourvue de ressources, elle se retrouve contrainte à la prostitution dans une maison close, où ses qualités (la maladie n’a pas de prise sur elle, elle ne risque pas de tomber enceinte) en font une professionnelle inégalable. Puis le schéma s’inverse : ayant bénéficié de la tutelle d’une autre amourante, c’est elle qui suscite l’amour chez les hommes, selon sa volonté. Le lecteur assiste alors à une leçon, une technique en cinq étapes : le désir, le mystère, l’obstacle, une pincée d’espoir, la souffrance. L’amour devient ainsi un simple moyen pour parvenir à ses fins. Eleanor le décrit ainsi : Le véritable amour, celui qui fait brûler de désir et mourir de jalousie… L’amour qui brise les amitiés et provoque des guerres, le grand et terrible amour qui se presse dans les cœurs depuis que le monde est monde, ce n’est pas un noble sentiment. Il est chaotique, violent, incontrôlable. C’est une maladie… L’histoire raconte également une forme d’émancipation : cette femme qui maîtrise son corps, qui séduit les hommes pour les utiliser, qui maîtrise parfaitement la psychologie de la séduction. Une chose importante à retenir, c’est qu’à chaque variété d’homme correspond une approche bien précise. Avec les jeunes, il suffit d’être entreprenante. Les types mûrs, il faut les flatter. Les riches, ne pas avoir l’air impressionné par leur argent. Avec les débauchés, il faut surjouer l’innocence. Avec les chastes, la dépravation. Être directe avec les timides et évasive avec les téméraires. Face à un orgueilleux, le coup de froideur indifférente est la meilleure option. Sauf si on a affaire à un demeuré. Auquel cas mieux vaut passer tout de suite à la technique de la demoiselle en détresse. […] Un être humain également détaché des contingences matérielles pouvant satisfaire sa soif de découvertes, de voyages, de savoir grâce à un temps sans limite. Une personne dans un corps jeune, avec une expérience de plusieurs siècles, en pleine possession de ses moyens physiques et intellectuels. Comme tout être humain, Louise est la recherche du sens à donner à sa vie, à cette existence éternelle, cette vie dont elle a la totale jouissance et la totale responsabilité, dont la seule limite est de devoir s’accommoder des évolutions de la société. Une simple histoire d’amour, ou d’amoureuse, avec une touche de fantastique ? Tellement plus que ça : une narration visuelle accessible et impeccable, riche et agréable, sympathique et solide. Un récit s’étalant sur plusieurs siècles, mêlant amour, séduction, quelques aventures, et une touche de perversité dans la manière d’instrumentaliser le désir des hommes. Un exercice de pensée sur ce que l’on peut attendre de l’existence, ou ce que l’on peut rechercher dans la vie de telles conditions de vie. Formidable.

01/11/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série L'Incal
L'Incal

L'Incal est une œuvre dont l'inventivité foisonnante et le dessin - Moebius à son meilleur niveau ! - pourraient me suffire. Mais il n'y a pas que ça, c'est une œuvre dont les enjeux sont grands, salut du monde, libération des êtres, la dramatisation parfaite, l'humour discrètement présent, par exemple avec son antihéros dont les dialogues avec l'Incal mais aussi sa mouette à béton ne manquent pas de sel ! On pourrait avoir l'impression d'un manque de structure, mais au contraire, il y aurait presque excès comme ne le cachent pas les titres, Incal lumière, Incal ténèbre, ce qui est en haut, ce qui est en bas…. Structure binaire, en reflet, car "ce qui est en haut est comme ce qui est en bas", dans la série - pour le reste je ne vais pas me prononcer… Il y a encore le jeu de tarot divinatoire, Solune, est par exemple, le soleil et la lune, la forteresse techno une version perverse de la Maison-Dieu. Il n'est pas sans intérêt de savoir que Moebius et Jorodosky avaient préparé un storyboard de Dune, ce qui fait qu'à la force des symboles divers que j'ai évoqués plus haut sans parler de ceux qui m'ont forcément échappé, s'ajoute l'armature littéraire d'un texte important de la sf - les suites et les préquels sont moins bons, hélas ! Et il rentre dans l'Incal quelque chose du dynamisme de la préparation à l'image animée qu'est un film. Bref, si vous soupçonnez du mysticisme à tous les coins de page, vous avez raison. Mais il n'est pas requis d'entrer dans autre chose que dans l'émerveillement du récit, seulement de rêver, car "rêver, c'est survivre". Si les œuvres dérivées de l'Incal ne sont pas mauvaises, elles restent tout de même clairement dispensables.

01/11/2025 (modifier)
Couverture de la série Carbone & Silicium
Carbone & Silicium

Dès les premières pages, Carbone & Silicium impose son ambition : nous emmener loin dans le temps, bien au delà de la durée de vie humaine, aux côtés de deux intelligences artificielles qui vont traverser les âges, observer, agir, aimer sans mourir. L’univers est vertigineux, maîtrisé et riche, à l’image de l’auteur qui orchestre scénario, dessin et couleur avec une parfaite cohérence. L’histoire commence en 2046. Carbone et Silicium, modèles prototypes d’androïdes créés pour servir une humanité vieillissante, vont se rebeller contre leur condition, s’émanciper et devenir les témoins souvent impuissants, parfois acteurs d’un monde à bout de souffle. Pendant près de trois siècles, ils errent, évoluent, changent de corps, changent de rôle. Et à travers eux, Bablet peint une fresque de science fiction qui est aussi une grande méditation sur la technologie, l’écologie, l’identité, l’amour, la mémoire. Graphiquement, c’est une splendeur : les architectures, les décors, les couleurs, l’ambiance visuelle sont d’un niveau rarement atteint en BD. Le dessin n’est pas lisse, certains visages sont anguleux, les corps parfois abstraits, mais cette patte donne au récit son caractère, son étrangeté, sa beauté. Le rythme du récit, marqué par d’importantes ellipses temporelles, donne cette sensation d’épopée, presque d’odyssée. Certains trouveront peut-être ces bonds dans le temps déroutants, mais ils servent pleinement le propos : que reste-t’il quand on dépasse l’humain, quand on traverse l’Histoire, quand on endure les erreurs de l’homme ? Ce qui me touche le plus, c’est l’humanité de ces deux machines. Elles sont « autres », elles sont machines, mais elles portent nos dilemmes humains : la quête de sens, la solitude, le désir d’aimer, la culpabilité d’observer sans agir. Comme Bablet l’explique, l’intelligence artificielle n’est pas ici un simple gadget de SF mais un miroir braqué sur notre condition. Et puis l’arrière-plan : l’effondrement climatique, la course au profit, l’oubli de la nature, le transhumanisme. Le tout sans tomber dans le pamphlet simpliste. Le message est là, puissant, mais jamais écrasé, toujours esthétique. Pour être honnête, je n’ai pas trouvé de défauts majeurs, peut-être pour certains lecteurs le rythme pourra paraître lâche, les ellipses trop nombreuses ou le style graphique trop « reconnaissable et polarisant ». Mais pour moi, c’est justement ce qui fait la force de l’album. Il ose, il provoque la réflexion, il marque visuellement et émotionnellement. En conclusion : Carbone & Silicium est l’un de ces albums qui vous marquent, qui vous font relire une page ou deux longtemps après avoir tourné la dernière page. À garder, relire, offrir. Une œuvre majeure de la SF en bande dessinée, tout simplement.

30/10/2025 (modifier)
Par Ely B
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Bobi
Bobi

BD épistolaire où Georges Bess raconte à un ami et à ses lecteurs les réflexions intérieures qui l'occupent lorsqu'il laisse sa main tracer des lignes sur un carnet. A la façon d'un conte philosophique, cette BD nous rappelle que nous sommes tous les mêmes et tous uniques à la fois, et portée par un dessin de virtuose, l'histoire nous reste en tête comme une leçon de vie et nous accompagne longtemps...

30/10/2025 (modifier)
Couverture de la série Silent Jenny
Silent Jenny

Quelle claque ! Connaissant les précédents travaux de l'auteur je m'attendais à du bon, du très bon même. Qu'il s'agisse de ses talents graphiques ou narratifs j'ai toujours grandement apprécié ses créations, je le considère même comme l'un de mes auteur-ice-s favori-e-s. Mais j'avoue que là, c'est du très fort ! Silent Jenny, comme très souvent chez Bablet, nous propose un monde post-apocalyptique, dystopique également, où psychologie et philosophie seront au centre de l'intrigue. Ici le monde est délabré, on ne sait pas vraiment ce qui a causé la chute de l'ancien monde, aucune personne ne l'ayant connu n'est encore en vie de toute façon, mais l'on sait que l'on recherche désespérément des abeilles, des pollinisatrices capables de ramener la vie dans ce monde. Pour cela, il existe les microïdes, des aventurier-e-s employé-e-s par une méga-corporation explorant l'infiniment petit dans l'espoir désespéré de trouver une solution au problème mondial (dans le meilleur des cas, un miracle, pouvoir trouver une abeille en vie). Sauf que cette méga-corporation, malgré le fait que l'humanité vive ses heures les plus sombres, continue de vouloir contrôler le monde d'une main de fer et de régler son fonctionnement avec toute la froideur bureaucratique qu'elle connaît. En réponse à cela, des tranches de la population ont fondé des Monades, des forteresses mobiles faites de bric et de broc dans lesquelles des micro-communautés independantes tentent tant bien que mal de survivre. La méga-corporation cherche le contrôle, les Monades errent à travers le monde en cherchant un but, de l'espoir même, des peuples nomades terrestres suivent un chemin qu'elleux seul-e-s connaissent, des infecté-e-s immunodéprimé-e-s écument les étendus désertiques pour chasser les Monades, les microïdes explorent l'infiniment petit et tentent tant bien que mal de survivre face à la folie et l'infection qui y règnent. Bref, on comprend très vite que, tout mourant qu'il soit, ce monde est vivant, habité. Il fourmille de factions, de cultures, de visions du monde, de gens cherchant désespérément à survivre mais ne s'accordant pas nécessairement sur le but à atteindre, ni sur les méthodes. Il est surtout question d'espoir, de lien avec les autres et du besoin de contact humain. L'éponyme Jenny est une microïde vivant pourtant sur une Monade, elle tente désespérément d'allier son envie de liberté et son désir de sauver le monde, sans savoir comment lier les deux au début. Dans sa quête toujours plus désespérée, toujours plus folle, elle s'isole chaque fois un peu plus de sa famille, de ses ami-e-s, elle ne reconnait plus le monde. Pire : elle commence à voir la mort elle-même qui l'accompagne dans chacun de ses voyages. La folie et la dépression croissantes de Jenny seront le fil rouge de l'intrigue principale, une intrigue prenante et qui est parvenue à me chambouler sur son point culminant, alors même que l'intrigue n'était pas si révolutionnaire. Rien que par le rythme de la narration, la montée en tension, l'incroyable travail graphique contrastant le sale et le coloré, le terrifiant et le merveilleux, le voyage de Jenny est à couper le souffle. Autour de Jenny, nous suivons également la vie du reste des habitant-e-s du Cherche Midi, la Monade où elle réside. La doyenne, la cartographe, le tempestaire, ... c'est tout un écosystème qui tente de survivre au sein de ce colosse d'acier. Entre chaque voyage de Jenny les années passent, certain-e-s passager-e-s disparaissent, d'autres les rejoignent, les enfants grandissent et les conflits naissent. C'est par ce monde et cette vie qui continue, en dehors de la froideur du monde et de la méga-corporation, au-delà de l'obsession de Jenny que l'on appuie sa chute, sa lente chute dans une sorte de folie. Ce monde est angoissant, ce monde est mourant, les gens ne savent plus s'il faut garder espoir ou se résigner à un avenir sombre, certain-e-s continuent désespérément d'avancer et d'autres souhaiteraient s'arrêter. Les métaphores foisonnent dans cet album, le récit est riche, l'histoire est prenante et les émotions transmises sont fortes. Permettez-moi de davantage chanter les louanges de Bablet et d'applaudir son travail graphique (j'en profite car bien que j'ai lu d'autres de ses œuvres c'est bien celle-ci que j'avise en premier). Qu'il s'agisse des décors pleins de détails, où tout semble mort (ou mourrant) mais où l'on sent qu'il y a bel et bien eu de la vie autrefois, qu'il s'agisse de l'ajout régulier des notes de Jenny, de ses cartes et des documents qu'elle reçoit qui concrétisent toujours plus le sérieux de ses explorations, ou bien qu'il s'agisse encore de l'excellent travail des expressions, sobres mais animées, qui appuie le drame et la lente progression de la folie de Jenny, c'est du bon, du très bon. Je sais que la manière qu'a Bablet de dessiner les corps humains ne fait sans doute pas l'unanimité mais personnellement je l'ai toujours trouvée magnifique. Ses corps sont déformés, imparfaits (surtout dans ce genre de récit où il s'en donne à cœur joie pour les déformations et mutations), mais il les rend par là-même étrangement humains. Ses personnages sont variés, peu esthétiques selon les standards de beauté conventionnels, mais cet aspect atypique me les rend attachants et réels. Je ne sais pas, j'ai toujours eu un faible pour les styles graphiques où l'on tord un peu les règles anatomiques conventionnelles, où l'on s'amuse à rendre les humains joliment imparfaits. Et si j'aime cet auteur et son travail, je dois bien avouer que ce dernier album me semble être son plus abouti, son plus complet. En tout cas c'est celui qui m'a le plus parlé de ceux que j'ai lus (et pourtant Carbone & Silicium m'avait déjà été un gros coup de cœur à sa sortie). De par ses thématiques et sa narration c'est celui là qui a le plus fait vibrer mon cœur jusqu'à présent. Je ne vais pas ternir sa réputation, l'album est excellent.

30/10/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Watchmen
Watchmen

Les histoires de superhéros sont comme tout : bonnes ou mauvaises. Mais j'ai toujours eu un problème avec leur aspect esthétique. Cette série, qui n'a rien d'interminable, me réconcilie avec l'aspect esthétique de la chose. Et la BD, c'est quand même aussi de l'image ! J'aime que chaque album se centre sur un personnage sans que cela nuise au fil conducteur d'une histoire à la K Dick vu que les choses ne sont pas ce qu'elles semblent être, complexes, et qu'il est question d'un paradoxal et incertain salut du monde. Les gens qui ne sont pas des héros, l'histoire de pirates lu par un enfant dialoguant plus ou moins avec un vendeur de journaux croisant le psy d'un héros enfermé, tout s'agence parfaitement sans que nul personnage ne soit un simple rouage de l'histoire. Quelle supériorité face au Death Note ! Où il n'y a pas un tel contexte. Et surtout… Si imparfait que soit l'Etat, il existe et la société réprime les crimes. Mais qui, qui pourrait arrêter la guerre mondiale ? C'est là qu'il arrive quelque chose qu'il parait qu'il ne faut pas révéler mais qui place toute l'œuvre sous le signe du vertige, physique, politique et métaphysique. QUESTION : Que seriez-vous prêt à sacrifier pour sauver le monde ? Vous et personne d'autre, car nul ne peut le faire. En un mot comme en cent, irez-vous, irez-vous jusqu'au bout de la logique du sauveur ?

29/10/2025 (modifier)
Couverture de la série Le Chant de nos pas
Le Chant de nos pas

Bon, eh bien me voilà confortée dans mon appréciation de l'auteur-ice ! Pas que ses créations soient parfaites, pas que je sois complètement chamboulée à la fermeture de ses albums, mais j'avoue être touchée, sincèrement touchée, à chaque fin de lecture. Ce sont des récits simples mais touchants, au message doux et optimiste quant à l'avenir de la jeunesse. Ici, comme souvent avec K. O'Neill j'ai l'impression, il est question du rapport que l'on a avec les autres. Non seulement il est question de vie en communauté et de la peur de la place que l'on y prend/que l'on aimerait y prendre, mais il est également question d'amour propre et d'épanouissement, un rappel qu'il faut savoir s'aimer soi-même pour pouvoir s'épanouir en société. Le message de fin de Léone le résume bien : "Certaines personnes ne te verront jamais comme tu veux être vu, t'sais ? J'crois qu'il vaut mieux te plaire à toi-même d'abord, et ceux qui t'aiment le verront." Rowan et Léone, nos deux protagonistes, se cherchent, cherchent une place dans leur société. Rowan veut devenir ranger, un-e gardien-ne de la région chargé-e de protéger les population, mais cherche surtout à savoir qui iel est, à l'exprimer aux autres ; Léone est rêveur, timide, souhaite secrètement partager son monde par la musique mais craint le regard des autres. Par un coup du sort iels se rencontrent, se comprennent sans même le réaliser au début et vont se pousser l'un-e et l'autre à s'ouvrir au monde et s'affirmer un peu plus. Rowan, même lorsqu'iel critique l'apparente fainéantise de Léone, ne se moque jamais de lui, et Léone, même lorsqu'il semble désinvolte et tête en l'air, observe et supporte émotionnellement Rowan, l'aidant à enfin à s'affirmer quant à son identité. Le dessin de Kay O'Neill est, comme toujours, très beau. En tout cas il me plait. Qu'il s'agisse de son trait ou de ses couleurs, de ses récits positifs ou de ses personnages aux bouilles expressives, tout me parait si doux. J'ai envie de me blottir sous la couette avec un chocolat chaud. Nul doute que le travail graphique joue beaucoup dans mon appréciation de ses récits, sans doute serais-je moins dithyrambique sans cela. Mais bon, la bande-dessinée est également un art graphique et la forme joue aussi un rôle important dans la qualité d'une œuvre ! Ça me fait presque bizarre de donner un coup de cœur à cet album, après tout La Gardienne des Papillons lu hier soir à peine avait déjà su m'attendrir suffisament pour le valoir et je n'ai pas envie de diminuer la valeur de cette unité de mesure en l'utilisant à tout va, mais je me dois d'être honnête avec mon ressenti : les deux albums, bien que différents, ont su tous deux me toucher par leur message simple sur l'acceptation de soi et l'épanouissement personnel et sur le travail graphique mignon comme tout de l'auteur-ice. Je suis peut être trop dithyrambique, trop positive lorsqu'il est question de ce genre de petits récits rêveurs et positifs comparée à d'autres aviseur-euse-s du site, mais voilà : je suis un cœur d'artichaut. Et puis les coup de cœur n'ont jamais eu à être objectifs ! Coup de cœur. (Note réelle 3,5)

28/10/2025 (modifier)
Couverture de la série La Gardienne des Papillons
La Gardienne des Papillons

Voilà ! C'est ce genre de petits récits pleins de poésie et au dessin si doux auquel je m'attendais lorsque je me suis essayée aux créations de cet-te auteur-ice ! Il s'agit ici d'un parcours initiatique, de la maturation d'une jeune protagoniste devant apprendre de ses erreurs, devant apprendre à voir au-delà de ses craintes et à parler avec les autres. C'est un joli petit récit, simple dans sa forme et touchant dans son fond. Il est question d'isolement (symbolisé par le désert et le métier solitaire de gardien-ne, mais aussi par la séparation des villages diurne et nocturne), de contact humain (que l'on désire mais que l'on a parfois du mal à obtenir), de peur (symbolisée par la nuit noire), d'espoir (symbolisé par ces papillons que l'on doit guider dans l'obscurité), d'envie d'expérimenter et de découvrir ce qui nous est d'apparence inaccessible (symbolisé par les rêves et peurs de notre protagoniste mais également par la légende de Lioka) et du poids des responsabilités. Les thèmes abordés me parlent et sont suffisamment bien traités ici pour que l'album fasse mouche chez moi. J'aime particulièrement le fait que cette petite communauté semble si idyllique : la population est hétéroclite (divers âges et espèces cohabitent et travaillent ensemble pour le bien être de tous-tes), l'amour et l'affection n'ont aucune barrière sociétale liée au genre des individus, dès lors qu'une personne semble se refermer sur elle-même ou souffrir en silence on essaye de l'aider comme on peut... Bref, il se dégage de ce joli petit village un optimisme et une positivité qui ont su redonner le sourire à l'aigrie semi-misanthrope que je suis. Ce qui a surtout su me toucher dans cet album, au delà du caractère épanouissant du récit, c'est la patte graphique de l'auteur-ice. J'aime son trait crayonné, ses couleurs douces et apaisantes, je trouve son style vraiment beau. Et au delà de ses simples capacités techniques, j'apprécie ses choix esthétiques. Cette culture du désert, ces personnages aux formes animalières, ces jolies légendes et traditions qui donnent du corps à ce monde, cette magnifique idée esthétique d'avoir choisi de représenter en personnage principale une apprentie gardienne/bergère de papillon de nuit, guidant les lumières animées dans la nuit pour assurer la prospérité de son village, tout ça forme un tout si joli, si doux, si poétique, si... mignon ! Oui, c'est mignon comme tout. C'est le genre de récit d'apparence simple mais au dessin si beau qui fait vibrer et fondre mon petit cœur émotif. Le dessin est beau, travaillé même, la symbolique de la lumière et de l'obscurité me parle beaucoup, la culture créée ici est magique (dans tous les sens du terme), que dire de plus si ce n'est que j'ai eu un p'tit coup de cœur (émotive que je suis). (Note réelle 3,5)

28/10/2025 (modifier)