Livre 2 : Le Livre des délices et des infortunes :
Doté d’une très belle couverture mettant en scène trois personnages égarés dans une forêt épaisse et mystérieuse, espionnés par trois étranges créatures mi-canidés mi-humaines en premier plan, le récit nous met de manière inattendue dans les pas du personnage secondaire du premier volume, Pontus, en compagnie de Brumel, la fille de Timoléon et Gasgar, tous deux victimes du clan des Guérisseuses, et de Krekl, un « homonte » de la branche néandertalienne, artiste chamane dont la discrétion n’a d’égal que son aura. Les trois compagnons auront pour quête de franchir la muraille pour rejoindre la cité de Turbia. En vertu d’un accord entre Timoléon (dont on ignore ce qu’il est advenu suite au coup d’Etat des Guérisseuses) et son ami le comte Lupullo, ce dernier avait accepté de se fiancer à Brumel pour sceller une alliance entre Elbaar et Valcarna face au Dombrak. Hélas, les choses ne se dérouleront pas tout à fait comme prévu…
Si l’effet de surprise du premier tome est moins flagrant (nous sommes désormais familiarisés avec les us et coutumes des Nors), ce nouveau chapitre va s’orienter vers le genre plus classique de l’épopée médiévale, avec son lot de complots et d’alliances stratégiques, jusqu’à la terrible bataille finale. Depuis la prise de pouvoir par la secte religieuse des Guérisseuses, les interactions entre Nors et Mérogs se sont accrues, et malheureusement pas dans une optique pacificatrice. Ce « Livre des délices et des infortunes » va confirmer la maîtrise totale de Nicolas Puzenat dans sa narration, d’une fluidité exemplaire, que renforce la structure minutieuse du macrocosme qu’il a créé, avec des personnages bien campés. Autant d’ingrédients qui contribuent à faire de cette bande dessinée une vraie réussite.
Au-delà de ces qualités, l’auteur intègre des aspects politique, philosophique et religieux, et d’autres, plus contemporains, d’ordre écologique et sociétal, ce qui confère une certaine valeur ajoutée à l’ouvrage. A travers les personnages féminins du peuple Nors, notamment celui de Brumel, l’auteur continue à nous questionner sur la question du genre, alors même que le lecteur ne prête plus tant attention à la corpulence impressionnante de ces femmes que l’on avait découvert dans le premier volet. De même pour Pontus, qui a appris à assumer son homosexualité en vivant parmi les Nors, pour qui l’amour libre n’a rien de tabou, à la différence des Mérogs, obnubilés par leur « dieu pendu » Kmaresh. A ce titre, on apprécie l’ironie exprimée par Puzenat à l’égard de certains adeptes exaltés, les « Pendus d’amour », qui rappellent étrangement nos fanatiques monothéistes et qui, pour manifester leur foi, se font suspendre à une potence tout en tentant de rester en l’air le plus longtemps possible, jusqu’à ce que leur langue devienne bleue. Hélas, parfois ça passe, parfois ça trépasse…
Si Pontus et Brumel se révèlent des héros attachants, le plus intéressant est sans doute le personnage de Krekl. De petite taille et assez insignifiant en apparence, le portraitiste homonte tient plus du gnome que du héros « sans peur et sans reproche ». Au début, il suscite parfois l’hilarité de ses amis (et du lecteur) avec ses croyances un rien extravagantes (notamment celle sur l’origine des hyènes peuplant son village), mais progressivement, Krekl va semer le doute dans l’esprit de Pontus et Brumel, beaucoup plus terre-à-terre, et gagner en crédibilité au fil de l’histoire. Krekl, c’est un peu l’Indien qui amuse le « civilisé » avec son folklore mythologique mais qui finit par rallier ses compagnons à ses vues par sa sagesse, son humilité et le respect ABSOLU qu’il voue à la nature, à la vie dans son ensemble, sa perception chamanique des choses, sa capacité à percer l’âme des gens et à communiquer avec les « Vakks » (les esprits des êtres vivants). Une approche qui s’inscrit pleinement dans le Zeitgeist.
Ajoutons que Nicolas Puzenat, on lui en sait gré, n’est pas tombé dans l’écueil du manichéisme. Dans leur société quasi idyllique, les Nors ne sont pas tous biens intentionnés (on le voit avec les redoutables Guérisseuses), pas plus que les Mérogs sont tous critiquables. Dans son observation de la chose politique, c’est davantage le système et ses péchés originels qu’il réprouve, tout comme la corruption du pouvoir (décelée de façon saisissante par Krekl lorsqu’il rencontre Gasgar) et la tentation mortifère de l’« œil pour œil, dent pour dent ».
D’un point de vue graphique, on reste charmé par l’inventivité et la richesse de cet univers déployé avec grand naturel. Le trait simple et sobre de Nicolas Puzenat ne cesse de gagner en finesse et de perfectionner son souci du détail, qu’il s’agisse des magnifiques paysages forestiers, ou des architectures imaginaires ou inspirées de l’époque médiévale. Le lecteur prendra beaucoup de plaisir à s’immerger dans ce monde uchronique aussi merveilleux que fascinant.
Grâce à cette fabuleuse épopée qui se déroule avec une force tranquille sous nos yeux éberlués, Puzenat s’impose sans en avoir l’air comme un fabuleux conteur au potentiel « tolkienesque ». Car si on peut y trouver ça et là des références au « Seigneur des anneaux » voire à « Game of thrones » (la muraille), l’auteur ne s’est pas livré à un simple copier-coller, tant s’en faut. Il a créé ici un monde tout à fait original avec sa propre mythologie, lequel réussit à nous dépayser fortement tout en se voulant un miroir à la fois réaliste et bienveillant, empreint d’une subtile pointe d’ironie, sur les travers de notre monde bien réel, avec « ses délices et ses infortunes ». La fin ouverte de ce second volet laisse sans trop de doutes entrevoir une suite. Certaines régions et villes de la carte n’ont pas encore été décrites dans le récit, et la mer de Brumine, que Pontus s’apprête à prendre, semble pleine de promesses…
-*-*-*-*-*-*-*-*-*-
Livre 1 :
Cette histoire, qui bénéficie d’un pitch très original, s’avère tout à fait dépaysante. Trop peu académique pour s’apparenter à série des « Jour J », « Megafauna » plaît beaucoup pour son côté à la fois artisanal et ambitieux. Pour réaliser cette uchronie à l’atmosphère médiévale, Nicolas Puzenat s’est nourri des études paléoanthropologiques les plus récentes, selon lesquelles l’homme de Néandertal aurait bien croisé notre ancêtre l’homo-sapiens avant de disparaître, et aurait même déposé quelques gênes dans son cousin, ou plutôt sa cousine si l’on parle d’accouplement… une partie des scientifiques évoquent même l’idée d’un métissage au profit de Cro-Magnon (autre nom de l’homo-sapiens), en plus grand nombre.
Quant à l’auteur de cet album, il va jusqu’à imaginer que Néandertal n’a pas regagné le néant, mais aurait continué à vivre dans notre millénaire, au moins jusqu’au Moyen-âge puisque l’histoire se déroule en 1488. Et sa survivance a eu des conséquences sur le cours des choses puisque les Sapiens ont dû apprendre à cohabiter avec ces voisins à la fois semblables et pourtant si différents. Le mélange des deux races n’a pas eu lieu, et Néandertal, peu désireux de faire cause commune avec ses rivaux, a fait ériger une muraille gigantesque sur leurs frontières communes, traversant de part en part le continent européen, ainsi divisé en deux entités distinctes.
Officiellement en guerre, les deux peuples ont toutefois maintenu des relations commerciales. Les Sapiens échangent du bétail et des vivres contre de l’or, des pierres précieuses et des épices dont les « Nors » raffolent. Mais depuis quelques temps, ces derniers ont mystérieusement suspendu toute relation avec leurs voisins du Sud, menacés par la famine. Pour tenter d’en savoir plus, les Sapiens vont envoyer discrètement un émissaire qui sera chargé de rencontrer le « Dimaraal » Vorel, l’un des chefs les plus puissants du camp ennemi. L’émissaire en question, Timoléon de Veyres, jeune étudiant en médecine, va prendre la route en compagnie de son ami, Pontus, qui fera office de garde du corps. L’accueil de la population néandertalienne sera plus que tiède voire hostile, et Timoléon aura fort à faire pour gagner sa confiance. C’est ainsi qu’au fil de l’histoire, on va comprendre peu à peu pourquoi les Nors ont décidé non seulement de couper les relations avec le Sud, mais également de maintenir depuis plusieurs siècles ce « cordon sanitaire » qu’est la grande muraille pour tenir à distance les Sapiens.
Nicolas Puzenat nous offre ici une parabole bien sentie sur notre civilisation « occidentale ». La société médiévale où a grandi « Timo », c’est la nôtre. Les Nors, c’est le peuple exotique et méconnu, qui donne lieu à toutes sortes de préjugés quant à leur primitivité. Mais bien vite, Timo, auquel le lecteur va s’identifier facilement par son approche candide et son ouverture d’esprit, apprendra à revoir son point de vue en vivant parmi eux. Le contraste est d’autant plus saisissant lorsque le jeune homme franchit la frontière. La région au sud de la muraille est quasi désertique, résultat des pratiques agri-économiques inconséquentes des Sapiens, et la violence s’accroit parmi les habitants faméliques. Derrière la muraille en revanche, le paysage est luxuriant et les forêts abondent, riches en faune et en flore. Les Nors, tout en vivant en harmonie avec la nature, semblent avoir atteint un stade de développement technologique aussi avancé que leurs rivaux.
Avec ce récit très bien mené, Nicolas Puzenat parvient à nous sensibiliser sur les dérives de notre monde, de façon assez subtile, ainsi que sur une quantité de thèmes comme les préjugés racistes ou la question des stéréotypes de genre, par le biais de la relation amoureuse entre Timo et la néandertalienne Gargar, très corpulente et d’une tête plus haute que son amant. Le trait certes peu académique trouve son équilibre dans l’univers enchanteur déployé ici. Et la magie opère facilement. On savait que l’auteur, à travers « Espèces invasives » avait du goût pour l’architecture, et une fois encore, il l’exprime ici de fort belle façon. Si les constructions des Sapiens sont conformes à l’époque médiévale, celles des Néandertaliens, désireux de préserver leur environnement, semblent par contraste être inspirées par l’Art nouveau, tout en courbes et en circonvolutions végétales.
« Megafauna » est un alliage parfait entre aventure et réflexion politico-philosophique sur le devenir de notre monde, ainsi qu’une invitation à rencontrer l’« étranger », en faisant abstraction des préjugés, de ses mœurs qui nous paraissent si étranges. L’auteur évite de tomber dans le prêchi-prêcha, et nous sert d’ailleurs une conclusion plutôt sombre. Heureusement, il y a cet humour discret qui irrigue le récit, notamment sur la question du culte religieux. Ici, le « fils de Dieu » n’est pas Jésus mais Kmaresh, et il a été pendu ! Lieux saints et jurons font ainsi référence à la potence ou à la corde, et c’est plutôt bien vu. Encore une publication éminemment sympathique des Editions Sarbacane.
Une excellente relecture du mythe du roi Arthur.
Ce qui frappe dès le départ est le dessin qui est tout bonnement génial. Voilà le genre de style dynamique et expressif qui me donne envie de lire une BD du début jusqu'à la fin et ça tombe bien : le scénario est tellement captivant que j'ai lu l'album d'une traite !
Le scénario est centré sur la seconde fille du roi Arthur qui se sauve pour échapper à un mariage arrangé. J'étais intrigué au début et plus j'avançais dans ma lecture, plus je trouvais que c'était génial. J'avais un peu peur de tomber sur un récit 'féministe' manichéen du genre 'les hommes sont tous des salauds et les femmes sont toutes des victimes', le genre de réflexion cliché et facile sans profondeur, mais au fil des chapitres on voit que tout n'est pas aussi manichéen et il y a des réflexions très intéressantes sur le pouvoir. Le scénario est rempli de surprises et de révélations que je n'avais pas vu venir. Les personnages sont attachants et les dialogues sont savoureux.
Un album à lire absolument !
Woua ! Il y a tout ce que j'aime dedans cette BD ! Je sors de ma lecture absolument charmé. Détails :
D'abord, un dessin ultra chouette, fin, original, en particulier les (rares) scènes de nuit, splendides. Une ligne claire souple qui flatte le regard. On ne fait pas trop gaffe en survolant, mais franchement, c'est un trait de génie, dans tous les sens du terme. Les couleurs aussi fonctionnent très très bien, imprimant une ambiance forte et dynamique à l'ensemble.
L'univers, en grande partie dépendant du dessin, est super original. Les auteurs font du neuf avec du vieux. Et que je te reprends cette bonne vieille légende arthurienne ! Et que je t'ajoute une bonne dose d'humour, de cool-trash (chais pas trop ce que ça veut dire, mais je trouve que ça correspond :) ainsi qu'un brin de baroque avec aussi un peu de satanisme (Merlin n'en est que plus pervers). Les dialogues sont quant à eux très frais, et mis au goût du jour.
Les personnages sont très typés, que ce soit Arthur lui-même, en pleine décadence et baignant littéralement dans son caca, le comte de Cumbre (qui a une identité double, mais chuuuuut !) et son petit zizi au bol, le grand taiseux de Claude, ou tout simplement l'héroïne, une jeune femme pleine de vie et éprise de liberté. Bref ! On a affaire à une galerie de portraits tous plus incroyables les uns que les autres.
Le scénario enfin. Ce n'est pas un scénario en fait, mais une course effrénée. Ca bombarde à deux mille à l'heure, avec des rebondissements en veux-tu-en voilà. Qui plus est, ça coupe sans arrêt l'herbe sous le pied. Franchement une très belle mécanique. La fin est pour le moins assez inattendue, et si, comme le dit MacArthur, on a affaire à une allégorie du pouvoir, les auteurs poussent le bouchon encore plus loin en achevant cette épopée sur une dualité bien/mal, création/destruction... qu'ils semblent présenter comme une composante indissociable de la vie elle-même. Avec là au milieu, l'Homme (en l'occurrence la Femme) qui demeure entièrement libre de prêter le flanc à l'une ou l'autre, ou de tout simplement suivre son propre chemin Moi, ça me convient parfaitement en tout cas. Mine de rien, c'est hyper finaud !
Ajoutons que ça plaira sans aucun doute à papa comme à sa fifille. On dit intergénérationnel, non ?
Un bel album que voilà !
Encore une fois, j'avais peur de moins aimer que la majorité des posteurs. Je craignais surtout que ça soit un album gadget dont le seul vrai intérêt est de raconter un récit de manière originale alors que le récit en lui-même ne serait pas passionnant à lire. Le résumé cliché (le héros gagne des millions et bien sûr il a des ennuis) semblait confirmer mes craintes.
Le début était pas mal et puis petit à petit j'ai fini par être totalement captivé par le récit. Oui, on aurait pu raconter le récit de manière 'normale' sans rien changer et oui on n’échappe pas à quelques clichés comme le fait que bien sûr plusieurs adultes vont essayer de profiter de l'ado pour voler ses millions et pourtant ça marche ! J'ai bien aimé le style graphique, tout est facile à comprendre et on ne se perd pas face à toutes ces pastilles. Le scénario s'améliore au fil des pages et dans le dernier tiers on voit à quel point tout était bien calculé et maitrisé par l'auteur. Il y a des surprises dans le scénario malgré le début un peu cliché.
Le seul truc qui m'a embêté est que le héros de 14 ans est tout de même un peu trop gamin pendant une bonne partie de l'album. On dirait presque qu'il a genre 8-10 ans et il m'a un peu énervé par moment.
J'ai adoré, un thriller haletant dans la même veine que Colorado train.
Contrition est un village du comté de Palm Beach, les habitants sont tous des délinquants sexuels, ils s'y sont regroupés du fait du chapitre 775 section 210 des statuts de la Floride qui interdit à toute personne condamnée pour certains délits sexuels de vivre à moins de 1000 pieds d'une école, crèche, parc ou cour de récréation. Bref la création d'un ghetto.
Marcia Harris est journaliste au Palm Beach Sun et elle va mener une enquête sur la mort d'un pédophile dans la ville de Contrition. Et son entêtement va la mener au bord du gouffre, malmenant sa vie personnelle.
Je ne vais rien dévoiler de plus, mais sachez que le récit sera d'une noirceur extrême et qu'il explorera des thèmes tel que la pédophilie, le harcèlement scolaire, le suicide, la vengeance et la rédemption. Un récit sombre, dur et poignant. Sachez aussi que tous les personnages sont psychologiquement très travaillés, que les dialogues sonnent juste et que les surprises seront au rendez-vous. Une narration non linéaire qui prend le temps de mettre en place toutes les pièces du puzzle.
Un récit qui explore sous différents angles et tout en nuances la face cachée d'une société loin d'être idyllique.
Une réussite !
Visuellement, un noir et blanc très noir et légèrement charbonneux qui met de suite dans une ambiance glauque qui sera présente de la première à la dernière page. Une mise en page somptueuse.
Magnifique !
Une symbiose parfaite entre le graphisme et l'intrigue. Je recommande chaudement à tous les amateurs de polars, mais ce récit est bien plus qu'un simple thriller.
Carlos Portela et Keko, deux immences artistes.
Après relecture, je passe à 5 étoiles. Très gros coup de cœur
"S'ils ne peuvent pas vivre parmi les autres, pourquoi on les relâche ?"
"Je simplifie peut-être, ce qu'il faut retenir, c'est que faire des mauvaises choses ne fait pas nécessairement de vous une mauvaise personne."
J'avais bien aimé Le Royaume des Brumes, le premier one-shot du duo Rocchi-Carita traduit en français il y a un an. Les Editions Jungle nous proposent de les suivre dans une série qui part sur des qualités comparables tout en traitant d'un sujet plus grave et personnel.
En effet le point de départ de l'histoire est le trouble mental du père de Nora, visiblement inspiré par celui de la dessinatrice, dont le compagnon, Marco Rocchi, a imaginé une histoire empreinte d'amour filial, de courage et de rédemption. En effet ce père, sujet à des absences, des idées noires, se retrouve sous l'emprise d'une créature qui devient une part de lui-même. Et va le détruire petit à petit. Lorsque le récit commence, cette créature semble avoir pris définitivement l'ascendant, mais la préadolescente ne se laisse pas abattre et décide -littéralement- d'aller chercher ce qu'il reste de son père dans une contrée inconnue.
Marco Rocchi place donc la quête du Trésor de Nora dans un décor empreint de fantasy, reflet de l'imagination débordante de l'enfant. elle va y vivre des aventures rocambolesques, dont on ne saura jamais si elle sont réelles ou fantasmées, mais peu importe. Ce qui compte c'est l'énergie, l'amour et l'inventivité qui l'animent. On est donc constamment dans une action échevelée, à laquelle le trait très élégant de Francesca Carita contribue énormément.
Cela risque de ne pas passionner un lectorat adulte, mais encore une fois c'est un coup de coeur, car les deux auteurs ont su parler de façon à la fois digne, touchante et prenante d'un sujet intime et difficile.
Un album qui prouve qu'on peut faire un scénario captivant avec des thèmes déjà vus des dizaines de fois.
Si vous avez déjà lu ou vu des œuvres de fiction sur le sort des Indiens d'Amérique, il y a rien de nouveau, mais ce n'est pas grave parce que le scénario est bien fait. Dès les premières pages, j'ai trouvé que le récit était captivant. La personnalité des personnages est bien exploitée et chacun est complexe, les dialogues sont très bien écrits et c'est passionnant du début jusqu'à la fin. Le tout est superbement illustré. C'est le style réaliste qui me donne envie de lire une bande dessinée et les couleurs sont superbes.
J'ai rien d'autre à ajouter de plus aux éloges des autres posteurs. C'est au moins à lire si on est fan de western crépusculaire. Ce n'est pas mon type de western préféré, mais ici ça fonctionne très bien !
Vous connaissez l'histoire du chat et de la biscotte. A la fin, il retombe toujours sur ces pattes (et plus que ça). Bah c'est exactement l'histoire de cette BD. On commence à lire, on comprend pas tout et puis à un moment clac, l'évidence, le truc est vraiment bien amené et donne envie de lire la suite.
Bonjour (donc) à tous,
Pour mon premier avis, j'essaye de commencer fort. Ça louche donc vers le culte mais on va attendre de voir sur la durée.
Un début un peu déstabilisant, ça part dans tous les sens, mais on s'y retrouve assez vite tant le résultat est vraiment intéressant au bout de quelques pages. Le reste m'a conquis totalement, c'est hyper original et on est à chaque fois et sur les cinq chapitres très vite happé par ce qu'il va arriver ensuite.
Côté Graphique, multiples influences notables telles Mike Mignola, Manga classique ou Bryan Lee O'Malley (l'auteur de Scott Pilgrim).
Les cinq premiers chapitres sont tellement divers et pleins de ponts pour la suite qu'on a hâte de voir ce qu'il va advenir....
Espérons que cette saga redorera un peu son blason avec l'arrivée de Jean Van Hamme ! Je ne trouve déjà pas que le premier tome mérite autant de si mauvaise notes... L'arrivée de Van Hamme est pour moi une vraie bonne nouvelle, et il réussit sans conteste à se hisser au niveau d'Edgar P. Jacobs.
Je ne garantis toutefois pas que les lecteurs qui n'avaient pas aimé le premier tome changeront complètement d'avis car Van Hamme, comme à son habitude, se glisse avec un plaisir non dissimulé dans les codes désuets de l'époque, et pourtant, il contribue largement à donner de la profondeur à des personnages qui en manquaient peut-être jusque-là. Ce que j'aime chez Van Hamme, comme avec Blake et Mortimer, c'est qu'il utilise ces codes peut-être un peu "vieillots", mais il est aussi le premier à s'en amuser !
Ainsi, l'ouverture du second tome, La Flèche ardente, est un festival de second degré, où Van Hamme annonce clairement sa note d'intention, qui est à la fois de nous offrir une bande dessinée digne en tous points de son maître, mais aussi de dépoussiérer un peu Le Rayon U en revisitant ses fondements et en approfondissant largement ses personnages.
La première phrase de l'album dite par un personnage renvoie ainsi avec amusement au trou béant laissé par Jacobs dans son tome, on y voit l'empereur Babylos III déclarer "Par tous les dieux de l'enfer, nous ignorons toujours en quoi consiste ce fameux rayon U !". J'avoue qu'il m'a fallu attendre cette case pour réaliser qu'effectivement, le titre de l'album initial n'y était jamais vraiment explicité ! On enchaîne ensuite avec une révélation qui n'en est une pour personne (ni l'auteur, ni le lecteur), et une séquence de course-poursuite préhistorique, où l'on retrouve tous les défauts et toutes les qualités de Jacobs, mais subtilement détournés : le dinosaure est tout-à-fait improbable, mais cette fois, la cachette du personnage poursuivi ne parvient pas à l'arrêter ! A l'image de cette séquence, Van Hamme s'amusera sans cesse à détourner les codes à l'ancienne pour en faire quelque chose de très traditionnel mais un peu moins naïf.
Ce que cette séquence illustre également, ce sont les incontournables allusions à Blake et Mortimer. Le dinosaure improbable et les ptérodactyles qui interviennent juste après semblent tout droit sortis du Piège diabolique, tandis qu'une séquence qui suit est (presque) issue du tome 3 du Secret de l'espadon. Tout le récit est ainsi émaillé des piques de second degré de l'auteur, sans que jamais, la lecture au premier degré n'en souffre.
Enfin, ce que Van Hamme réussit totalement à faire, c'est à faire exister les personnages. Là où ils étaient très sommairement brossés dans Le Rayon "U", l'auteur parvient à leur donner un vrai caractère et à illustrer des relations plus complexes entre eux (même si ça reste assez court, bien sûr), allant jusqu'à me surprendre dans un retournement, somme toute classique mais bien amené. Ainsi, certains héros du premier tome deviennent beaucoup plus nuancés ici, voire presque méchants. Cela sert le propos de l'auteur qui introduit les thèmes classiques de l'époque : les risques d'une science sans conscience, et le drame de la colonisation par la force. Ce dernier thème donne lieu à de magnifiques séquences de bataille, épiques à souhait, qui confèrent tout son souffle à l'histoire.
Du côté du dessin, Christian Cailleaux et Etienne Schréder, admirablement secondés par le coloriste Bruno Tatti, livrent un travail très propre. Le dessin me paraît parfois un peu plus simple et naïf que chez Jacobs, mais l'hommage graphique n'en est pas moins réussi. On retrouve aussi bien l'esprit de Jacobs dans le dessin que dans la narration (quoique la dose de textes à lire est réduite dans le second tome).
Pour en finir avec La Flèche ardente, j'ai juste trouvé étonnant un épilogue assez long (11 pages), qui ne renouvelle pas toute la vision du récit. L'instrument narratif utilisé par Van Hamme dans l'ouverture du prologue laisse penser qu'on va avoir droit à une vision changée par un retournement quelconque, mais en fait, non. L'auteur cherche simplement à apporter la meilleure conclusion possible à chacun des personnages. C'est tout à son honneur, et finalement, cela me suffit, mais je m'attendais à autre chose.
J'ai beaucoup parlé de La Flèche ardente, mais très peu du Rayon "U", je conclurai donc cet avis en remontant aux sources. J'ai déjà dit plus haut que le tome d'Edgar P. Jacobs avait quelques vieilleries peut-être dommageables, mais qu'il ne méritait à mon avis pas la si mauvaise moyenne qu'il a actuellement sur le site. Et de fait, je trouve que ce premier album révèle déjà les grandes forces de ce géant de la BD qu'est Jacobs. Ainsi, la narration est certes extrêmement désuète, s'autorisant parfois à réduire une péripétie en quelques cases, mais cela donne à l'album un rythme et un souffle dont toutes les sagas d'aventure ne peuvent se targuer de bénéficier. En effet, tout va très vite, mais justement, cela permet au récit de ne pas avoir un seul temps morts et d'enchaîner pour notre plus grand plaisir (le mien, en tous cas) des péripéties où l'on retrouve toute l'essence des récits traditionnels d'aventure, à la Conan Doyle et Jules Verne (probablement les deux principales influences de cette saga). Tombant des griffes d'un dinosaure assoiffé de sang en captivité d'une tribu d'hommes-singes peu avenants, en passant par la découverte de nouveaux territoires et de leurs dangers inévitables, tout est là pour faire du Rayon "U" (mais aussi de sa suite) un condensé de tout ce qui se fait de mieux dans le registre "aventures".
On peut trouver que ça a vieilli. Je serais plus diplomate en préférant voir dans cette prise d'âge un charme qui résiste merveilleusement à l'esprit du temps.
Une très bonne pioche que ce "Et il ressuscita".
Un récit d'anticipation, nous sommes dans un futur proche et l'entreprise GenoPharm annonce le clonage d'un être humain, mais pas n'importe quel être humain, Adolf Hitler !
Et une question revient sans cesse : Est-ce que Hitler Junior est condamné à suivre les mêmes pas qu'Adolf Hitler ?
Ce qui frappe en premier, c'est l'intelligente construction du récit.
Un premier chapitre qui interroge sur l'éthique d'une telle pratique sur un tel monstre, en faisant intervenir une foule de personnages : historien, avocat, journaliste, théologue... Et toujours en ne prenant pas partie, juste des points de vue qui permettent de faire cogiter nos cellules grises. La réponse n'est pas aussi évidente que cela.
Un second chapitre, le plus long, qui imagine ce qui aurait pu arriver, une autre époque mais toujours les mêmes conséquences ? Une construction implacable qui fait peur.
Enfin, le dernier chapitre, celui qui imagine ce que fut vraiment le destin d'Hitler Junior, il interpelle, mais d'une manière surprenante.
Je ne peux rien dire de plus.
Un dessin froid et rigide qui convient parfaitement bien à ce récit. Il apporte une touche d'anxiété au récit.
Une bd qui pose plus de questions qu'elle ne donne de réponses et c'est justement son point fort.
Vous vous demandez : Pourquoi Staline sur la couverture ? Il ne vous reste qu'à lire cette bd pour le découvrir.
Abraham Martinez, un artiste à suivre.
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
Indépendante depuis sa création en 1998, Cultura se donne pour mission de faire vivre et aimer la culture.
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
Mégafauna
Livre 2 : Le Livre des délices et des infortunes : Doté d’une très belle couverture mettant en scène trois personnages égarés dans une forêt épaisse et mystérieuse, espionnés par trois étranges créatures mi-canidés mi-humaines en premier plan, le récit nous met de manière inattendue dans les pas du personnage secondaire du premier volume, Pontus, en compagnie de Brumel, la fille de Timoléon et Gasgar, tous deux victimes du clan des Guérisseuses, et de Krekl, un « homonte » de la branche néandertalienne, artiste chamane dont la discrétion n’a d’égal que son aura. Les trois compagnons auront pour quête de franchir la muraille pour rejoindre la cité de Turbia. En vertu d’un accord entre Timoléon (dont on ignore ce qu’il est advenu suite au coup d’Etat des Guérisseuses) et son ami le comte Lupullo, ce dernier avait accepté de se fiancer à Brumel pour sceller une alliance entre Elbaar et Valcarna face au Dombrak. Hélas, les choses ne se dérouleront pas tout à fait comme prévu… Si l’effet de surprise du premier tome est moins flagrant (nous sommes désormais familiarisés avec les us et coutumes des Nors), ce nouveau chapitre va s’orienter vers le genre plus classique de l’épopée médiévale, avec son lot de complots et d’alliances stratégiques, jusqu’à la terrible bataille finale. Depuis la prise de pouvoir par la secte religieuse des Guérisseuses, les interactions entre Nors et Mérogs se sont accrues, et malheureusement pas dans une optique pacificatrice. Ce « Livre des délices et des infortunes » va confirmer la maîtrise totale de Nicolas Puzenat dans sa narration, d’une fluidité exemplaire, que renforce la structure minutieuse du macrocosme qu’il a créé, avec des personnages bien campés. Autant d’ingrédients qui contribuent à faire de cette bande dessinée une vraie réussite. Au-delà de ces qualités, l’auteur intègre des aspects politique, philosophique et religieux, et d’autres, plus contemporains, d’ordre écologique et sociétal, ce qui confère une certaine valeur ajoutée à l’ouvrage. A travers les personnages féminins du peuple Nors, notamment celui de Brumel, l’auteur continue à nous questionner sur la question du genre, alors même que le lecteur ne prête plus tant attention à la corpulence impressionnante de ces femmes que l’on avait découvert dans le premier volet. De même pour Pontus, qui a appris à assumer son homosexualité en vivant parmi les Nors, pour qui l’amour libre n’a rien de tabou, à la différence des Mérogs, obnubilés par leur « dieu pendu » Kmaresh. A ce titre, on apprécie l’ironie exprimée par Puzenat à l’égard de certains adeptes exaltés, les « Pendus d’amour », qui rappellent étrangement nos fanatiques monothéistes et qui, pour manifester leur foi, se font suspendre à une potence tout en tentant de rester en l’air le plus longtemps possible, jusqu’à ce que leur langue devienne bleue. Hélas, parfois ça passe, parfois ça trépasse… Si Pontus et Brumel se révèlent des héros attachants, le plus intéressant est sans doute le personnage de Krekl. De petite taille et assez insignifiant en apparence, le portraitiste homonte tient plus du gnome que du héros « sans peur et sans reproche ». Au début, il suscite parfois l’hilarité de ses amis (et du lecteur) avec ses croyances un rien extravagantes (notamment celle sur l’origine des hyènes peuplant son village), mais progressivement, Krekl va semer le doute dans l’esprit de Pontus et Brumel, beaucoup plus terre-à-terre, et gagner en crédibilité au fil de l’histoire. Krekl, c’est un peu l’Indien qui amuse le « civilisé » avec son folklore mythologique mais qui finit par rallier ses compagnons à ses vues par sa sagesse, son humilité et le respect ABSOLU qu’il voue à la nature, à la vie dans son ensemble, sa perception chamanique des choses, sa capacité à percer l’âme des gens et à communiquer avec les « Vakks » (les esprits des êtres vivants). Une approche qui s’inscrit pleinement dans le Zeitgeist. Ajoutons que Nicolas Puzenat, on lui en sait gré, n’est pas tombé dans l’écueil du manichéisme. Dans leur société quasi idyllique, les Nors ne sont pas tous biens intentionnés (on le voit avec les redoutables Guérisseuses), pas plus que les Mérogs sont tous critiquables. Dans son observation de la chose politique, c’est davantage le système et ses péchés originels qu’il réprouve, tout comme la corruption du pouvoir (décelée de façon saisissante par Krekl lorsqu’il rencontre Gasgar) et la tentation mortifère de l’« œil pour œil, dent pour dent ». D’un point de vue graphique, on reste charmé par l’inventivité et la richesse de cet univers déployé avec grand naturel. Le trait simple et sobre de Nicolas Puzenat ne cesse de gagner en finesse et de perfectionner son souci du détail, qu’il s’agisse des magnifiques paysages forestiers, ou des architectures imaginaires ou inspirées de l’époque médiévale. Le lecteur prendra beaucoup de plaisir à s’immerger dans ce monde uchronique aussi merveilleux que fascinant. Grâce à cette fabuleuse épopée qui se déroule avec une force tranquille sous nos yeux éberlués, Puzenat s’impose sans en avoir l’air comme un fabuleux conteur au potentiel « tolkienesque ». Car si on peut y trouver ça et là des références au « Seigneur des anneaux » voire à « Game of thrones » (la muraille), l’auteur ne s’est pas livré à un simple copier-coller, tant s’en faut. Il a créé ici un monde tout à fait original avec sa propre mythologie, lequel réussit à nous dépayser fortement tout en se voulant un miroir à la fois réaliste et bienveillant, empreint d’une subtile pointe d’ironie, sur les travers de notre monde bien réel, avec « ses délices et ses infortunes ». La fin ouverte de ce second volet laisse sans trop de doutes entrevoir une suite. Certaines régions et villes de la carte n’ont pas encore été décrites dans le récit, et la mer de Brumine, que Pontus s’apprête à prendre, semble pleine de promesses… -*-*-*-*-*-*-*-*-*- Livre 1 : Cette histoire, qui bénéficie d’un pitch très original, s’avère tout à fait dépaysante. Trop peu académique pour s’apparenter à série des « Jour J », « Megafauna » plaît beaucoup pour son côté à la fois artisanal et ambitieux. Pour réaliser cette uchronie à l’atmosphère médiévale, Nicolas Puzenat s’est nourri des études paléoanthropologiques les plus récentes, selon lesquelles l’homme de Néandertal aurait bien croisé notre ancêtre l’homo-sapiens avant de disparaître, et aurait même déposé quelques gênes dans son cousin, ou plutôt sa cousine si l’on parle d’accouplement… une partie des scientifiques évoquent même l’idée d’un métissage au profit de Cro-Magnon (autre nom de l’homo-sapiens), en plus grand nombre. Quant à l’auteur de cet album, il va jusqu’à imaginer que Néandertal n’a pas regagné le néant, mais aurait continué à vivre dans notre millénaire, au moins jusqu’au Moyen-âge puisque l’histoire se déroule en 1488. Et sa survivance a eu des conséquences sur le cours des choses puisque les Sapiens ont dû apprendre à cohabiter avec ces voisins à la fois semblables et pourtant si différents. Le mélange des deux races n’a pas eu lieu, et Néandertal, peu désireux de faire cause commune avec ses rivaux, a fait ériger une muraille gigantesque sur leurs frontières communes, traversant de part en part le continent européen, ainsi divisé en deux entités distinctes. Officiellement en guerre, les deux peuples ont toutefois maintenu des relations commerciales. Les Sapiens échangent du bétail et des vivres contre de l’or, des pierres précieuses et des épices dont les « Nors » raffolent. Mais depuis quelques temps, ces derniers ont mystérieusement suspendu toute relation avec leurs voisins du Sud, menacés par la famine. Pour tenter d’en savoir plus, les Sapiens vont envoyer discrètement un émissaire qui sera chargé de rencontrer le « Dimaraal » Vorel, l’un des chefs les plus puissants du camp ennemi. L’émissaire en question, Timoléon de Veyres, jeune étudiant en médecine, va prendre la route en compagnie de son ami, Pontus, qui fera office de garde du corps. L’accueil de la population néandertalienne sera plus que tiède voire hostile, et Timoléon aura fort à faire pour gagner sa confiance. C’est ainsi qu’au fil de l’histoire, on va comprendre peu à peu pourquoi les Nors ont décidé non seulement de couper les relations avec le Sud, mais également de maintenir depuis plusieurs siècles ce « cordon sanitaire » qu’est la grande muraille pour tenir à distance les Sapiens. Nicolas Puzenat nous offre ici une parabole bien sentie sur notre civilisation « occidentale ». La société médiévale où a grandi « Timo », c’est la nôtre. Les Nors, c’est le peuple exotique et méconnu, qui donne lieu à toutes sortes de préjugés quant à leur primitivité. Mais bien vite, Timo, auquel le lecteur va s’identifier facilement par son approche candide et son ouverture d’esprit, apprendra à revoir son point de vue en vivant parmi eux. Le contraste est d’autant plus saisissant lorsque le jeune homme franchit la frontière. La région au sud de la muraille est quasi désertique, résultat des pratiques agri-économiques inconséquentes des Sapiens, et la violence s’accroit parmi les habitants faméliques. Derrière la muraille en revanche, le paysage est luxuriant et les forêts abondent, riches en faune et en flore. Les Nors, tout en vivant en harmonie avec la nature, semblent avoir atteint un stade de développement technologique aussi avancé que leurs rivaux. Avec ce récit très bien mené, Nicolas Puzenat parvient à nous sensibiliser sur les dérives de notre monde, de façon assez subtile, ainsi que sur une quantité de thèmes comme les préjugés racistes ou la question des stéréotypes de genre, par le biais de la relation amoureuse entre Timo et la néandertalienne Gargar, très corpulente et d’une tête plus haute que son amant. Le trait certes peu académique trouve son équilibre dans l’univers enchanteur déployé ici. Et la magie opère facilement. On savait que l’auteur, à travers « Espèces invasives » avait du goût pour l’architecture, et une fois encore, il l’exprime ici de fort belle façon. Si les constructions des Sapiens sont conformes à l’époque médiévale, celles des Néandertaliens, désireux de préserver leur environnement, semblent par contraste être inspirées par l’Art nouveau, tout en courbes et en circonvolutions végétales. « Megafauna » est un alliage parfait entre aventure et réflexion politico-philosophique sur le devenir de notre monde, ainsi qu’une invitation à rencontrer l’« étranger », en faisant abstraction des préjugés, de ses mœurs qui nous paraissent si étranges. L’auteur évite de tomber dans le prêchi-prêcha, et nous sert d’ailleurs une conclusion plutôt sombre. Heureusement, il y a cet humour discret qui irrigue le récit, notamment sur la question du culte religieux. Ici, le « fils de Dieu » n’est pas Jésus mais Kmaresh, et il a été pendu ! Lieux saints et jurons font ainsi référence à la potence ou à la corde, et c’est plutôt bien vu. Encore une publication éminemment sympathique des Editions Sarbacane.
Furieuse
Une excellente relecture du mythe du roi Arthur. Ce qui frappe dès le départ est le dessin qui est tout bonnement génial. Voilà le genre de style dynamique et expressif qui me donne envie de lire une BD du début jusqu'à la fin et ça tombe bien : le scénario est tellement captivant que j'ai lu l'album d'une traite ! Le scénario est centré sur la seconde fille du roi Arthur qui se sauve pour échapper à un mariage arrangé. J'étais intrigué au début et plus j'avançais dans ma lecture, plus je trouvais que c'était génial. J'avais un peu peur de tomber sur un récit 'féministe' manichéen du genre 'les hommes sont tous des salauds et les femmes sont toutes des victimes', le genre de réflexion cliché et facile sans profondeur, mais au fil des chapitres on voit que tout n'est pas aussi manichéen et il y a des réflexions très intéressantes sur le pouvoir. Le scénario est rempli de surprises et de révélations que je n'avais pas vu venir. Les personnages sont attachants et les dialogues sont savoureux. Un album à lire absolument !
Furieuse
Woua ! Il y a tout ce que j'aime dedans cette BD ! Je sors de ma lecture absolument charmé. Détails : D'abord, un dessin ultra chouette, fin, original, en particulier les (rares) scènes de nuit, splendides. Une ligne claire souple qui flatte le regard. On ne fait pas trop gaffe en survolant, mais franchement, c'est un trait de génie, dans tous les sens du terme. Les couleurs aussi fonctionnent très très bien, imprimant une ambiance forte et dynamique à l'ensemble. L'univers, en grande partie dépendant du dessin, est super original. Les auteurs font du neuf avec du vieux. Et que je te reprends cette bonne vieille légende arthurienne ! Et que je t'ajoute une bonne dose d'humour, de cool-trash (chais pas trop ce que ça veut dire, mais je trouve que ça correspond :) ainsi qu'un brin de baroque avec aussi un peu de satanisme (Merlin n'en est que plus pervers). Les dialogues sont quant à eux très frais, et mis au goût du jour. Les personnages sont très typés, que ce soit Arthur lui-même, en pleine décadence et baignant littéralement dans son caca, le comte de Cumbre (qui a une identité double, mais chuuuuut !) et son petit zizi au bol, le grand taiseux de Claude, ou tout simplement l'héroïne, une jeune femme pleine de vie et éprise de liberté. Bref ! On a affaire à une galerie de portraits tous plus incroyables les uns que les autres. Le scénario enfin. Ce n'est pas un scénario en fait, mais une course effrénée. Ca bombarde à deux mille à l'heure, avec des rebondissements en veux-tu-en voilà. Qui plus est, ça coupe sans arrêt l'herbe sous le pied. Franchement une très belle mécanique. La fin est pour le moins assez inattendue, et si, comme le dit MacArthur, on a affaire à une allégorie du pouvoir, les auteurs poussent le bouchon encore plus loin en achevant cette épopée sur une dualité bien/mal, création/destruction... qu'ils semblent présenter comme une composante indissociable de la vie elle-même. Avec là au milieu, l'Homme (en l'occurrence la Femme) qui demeure entièrement libre de prêter le flanc à l'une ou l'autre, ou de tout simplement suivre son propre chemin Moi, ça me convient parfaitement en tout cas. Mine de rien, c'est hyper finaud ! Ajoutons que ça plaira sans aucun doute à papa comme à sa fifille. On dit intergénérationnel, non ?
La Couleur des choses
Un bel album que voilà ! Encore une fois, j'avais peur de moins aimer que la majorité des posteurs. Je craignais surtout que ça soit un album gadget dont le seul vrai intérêt est de raconter un récit de manière originale alors que le récit en lui-même ne serait pas passionnant à lire. Le résumé cliché (le héros gagne des millions et bien sûr il a des ennuis) semblait confirmer mes craintes. Le début était pas mal et puis petit à petit j'ai fini par être totalement captivé par le récit. Oui, on aurait pu raconter le récit de manière 'normale' sans rien changer et oui on n’échappe pas à quelques clichés comme le fait que bien sûr plusieurs adultes vont essayer de profiter de l'ado pour voler ses millions et pourtant ça marche ! J'ai bien aimé le style graphique, tout est facile à comprendre et on ne se perd pas face à toutes ces pastilles. Le scénario s'améliore au fil des pages et dans le dernier tiers on voit à quel point tout était bien calculé et maitrisé par l'auteur. Il y a des surprises dans le scénario malgré le début un peu cliché. Le seul truc qui m'a embêté est que le héros de 14 ans est tout de même un peu trop gamin pendant une bonne partie de l'album. On dirait presque qu'il a genre 8-10 ans et il m'a un peu énervé par moment.
Contrition
J'ai adoré, un thriller haletant dans la même veine que Colorado train. Contrition est un village du comté de Palm Beach, les habitants sont tous des délinquants sexuels, ils s'y sont regroupés du fait du chapitre 775 section 210 des statuts de la Floride qui interdit à toute personne condamnée pour certains délits sexuels de vivre à moins de 1000 pieds d'une école, crèche, parc ou cour de récréation. Bref la création d'un ghetto. Marcia Harris est journaliste au Palm Beach Sun et elle va mener une enquête sur la mort d'un pédophile dans la ville de Contrition. Et son entêtement va la mener au bord du gouffre, malmenant sa vie personnelle. Je ne vais rien dévoiler de plus, mais sachez que le récit sera d'une noirceur extrême et qu'il explorera des thèmes tel que la pédophilie, le harcèlement scolaire, le suicide, la vengeance et la rédemption. Un récit sombre, dur et poignant. Sachez aussi que tous les personnages sont psychologiquement très travaillés, que les dialogues sonnent juste et que les surprises seront au rendez-vous. Une narration non linéaire qui prend le temps de mettre en place toutes les pièces du puzzle. Un récit qui explore sous différents angles et tout en nuances la face cachée d'une société loin d'être idyllique. Une réussite ! Visuellement, un noir et blanc très noir et légèrement charbonneux qui met de suite dans une ambiance glauque qui sera présente de la première à la dernière page. Une mise en page somptueuse. Magnifique ! Une symbiose parfaite entre le graphisme et l'intrigue. Je recommande chaudement à tous les amateurs de polars, mais ce récit est bien plus qu'un simple thriller. Carlos Portela et Keko, deux immences artistes. Après relecture, je passe à 5 étoiles. Très gros coup de cœur "S'ils ne peuvent pas vivre parmi les autres, pourquoi on les relâche ?" "Je simplifie peut-être, ce qu'il faut retenir, c'est que faire des mauvaises choses ne fait pas nécessairement de vous une mauvaise personne."
Le Trésor perdu de Nora
J'avais bien aimé Le Royaume des Brumes, le premier one-shot du duo Rocchi-Carita traduit en français il y a un an. Les Editions Jungle nous proposent de les suivre dans une série qui part sur des qualités comparables tout en traitant d'un sujet plus grave et personnel. En effet le point de départ de l'histoire est le trouble mental du père de Nora, visiblement inspiré par celui de la dessinatrice, dont le compagnon, Marco Rocchi, a imaginé une histoire empreinte d'amour filial, de courage et de rédemption. En effet ce père, sujet à des absences, des idées noires, se retrouve sous l'emprise d'une créature qui devient une part de lui-même. Et va le détruire petit à petit. Lorsque le récit commence, cette créature semble avoir pris définitivement l'ascendant, mais la préadolescente ne se laisse pas abattre et décide -littéralement- d'aller chercher ce qu'il reste de son père dans une contrée inconnue. Marco Rocchi place donc la quête du Trésor de Nora dans un décor empreint de fantasy, reflet de l'imagination débordante de l'enfant. elle va y vivre des aventures rocambolesques, dont on ne saura jamais si elle sont réelles ou fantasmées, mais peu importe. Ce qui compte c'est l'énergie, l'amour et l'inventivité qui l'animent. On est donc constamment dans une action échevelée, à laquelle le trait très élégant de Francesca Carita contribue énormément. Cela risque de ne pas passionner un lectorat adulte, mais encore une fois c'est un coup de coeur, car les deux auteurs ont su parler de façon à la fois digne, touchante et prenante d'un sujet intime et difficile.
Hoka Hey !
Un album qui prouve qu'on peut faire un scénario captivant avec des thèmes déjà vus des dizaines de fois. Si vous avez déjà lu ou vu des œuvres de fiction sur le sort des Indiens d'Amérique, il y a rien de nouveau, mais ce n'est pas grave parce que le scénario est bien fait. Dès les premières pages, j'ai trouvé que le récit était captivant. La personnalité des personnages est bien exploitée et chacun est complexe, les dialogues sont très bien écrits et c'est passionnant du début jusqu'à la fin. Le tout est superbement illustré. C'est le style réaliste qui me donne envie de lire une bande dessinée et les couleurs sont superbes. J'ai rien d'autre à ajouter de plus aux éloges des autres posteurs. C'est au moins à lire si on est fan de western crépusculaire. Ce n'est pas mon type de western préféré, mais ici ça fonctionne très bien !
Monkey Meat
Vous connaissez l'histoire du chat et de la biscotte. A la fin, il retombe toujours sur ces pattes (et plus que ça). Bah c'est exactement l'histoire de cette BD. On commence à lire, on comprend pas tout et puis à un moment clac, l'évidence, le truc est vraiment bien amené et donne envie de lire la suite. Bonjour (donc) à tous, Pour mon premier avis, j'essaye de commencer fort. Ça louche donc vers le culte mais on va attendre de voir sur la durée. Un début un peu déstabilisant, ça part dans tous les sens, mais on s'y retrouve assez vite tant le résultat est vraiment intéressant au bout de quelques pages. Le reste m'a conquis totalement, c'est hyper original et on est à chaque fois et sur les cinq chapitres très vite happé par ce qu'il va arriver ensuite. Côté Graphique, multiples influences notables telles Mike Mignola, Manga classique ou Bryan Lee O'Malley (l'auteur de Scott Pilgrim). Les cinq premiers chapitres sont tellement divers et pleins de ponts pour la suite qu'on a hâte de voir ce qu'il va advenir....
Avant Blake et Mortimer (Le Rayon U)
Espérons que cette saga redorera un peu son blason avec l'arrivée de Jean Van Hamme ! Je ne trouve déjà pas que le premier tome mérite autant de si mauvaise notes... L'arrivée de Van Hamme est pour moi une vraie bonne nouvelle, et il réussit sans conteste à se hisser au niveau d'Edgar P. Jacobs. Je ne garantis toutefois pas que les lecteurs qui n'avaient pas aimé le premier tome changeront complètement d'avis car Van Hamme, comme à son habitude, se glisse avec un plaisir non dissimulé dans les codes désuets de l'époque, et pourtant, il contribue largement à donner de la profondeur à des personnages qui en manquaient peut-être jusque-là. Ce que j'aime chez Van Hamme, comme avec Blake et Mortimer, c'est qu'il utilise ces codes peut-être un peu "vieillots", mais il est aussi le premier à s'en amuser ! Ainsi, l'ouverture du second tome, La Flèche ardente, est un festival de second degré, où Van Hamme annonce clairement sa note d'intention, qui est à la fois de nous offrir une bande dessinée digne en tous points de son maître, mais aussi de dépoussiérer un peu Le Rayon U en revisitant ses fondements et en approfondissant largement ses personnages. La première phrase de l'album dite par un personnage renvoie ainsi avec amusement au trou béant laissé par Jacobs dans son tome, on y voit l'empereur Babylos III déclarer "Par tous les dieux de l'enfer, nous ignorons toujours en quoi consiste ce fameux rayon U !". J'avoue qu'il m'a fallu attendre cette case pour réaliser qu'effectivement, le titre de l'album initial n'y était jamais vraiment explicité ! On enchaîne ensuite avec une révélation qui n'en est une pour personne (ni l'auteur, ni le lecteur), et une séquence de course-poursuite préhistorique, où l'on retrouve tous les défauts et toutes les qualités de Jacobs, mais subtilement détournés : le dinosaure est tout-à-fait improbable, mais cette fois, la cachette du personnage poursuivi ne parvient pas à l'arrêter ! A l'image de cette séquence, Van Hamme s'amusera sans cesse à détourner les codes à l'ancienne pour en faire quelque chose de très traditionnel mais un peu moins naïf. Ce que cette séquence illustre également, ce sont les incontournables allusions à Blake et Mortimer. Le dinosaure improbable et les ptérodactyles qui interviennent juste après semblent tout droit sortis du Piège diabolique, tandis qu'une séquence qui suit est (presque) issue du tome 3 du Secret de l'espadon. Tout le récit est ainsi émaillé des piques de second degré de l'auteur, sans que jamais, la lecture au premier degré n'en souffre. Enfin, ce que Van Hamme réussit totalement à faire, c'est à faire exister les personnages. Là où ils étaient très sommairement brossés dans Le Rayon "U", l'auteur parvient à leur donner un vrai caractère et à illustrer des relations plus complexes entre eux (même si ça reste assez court, bien sûr), allant jusqu'à me surprendre dans un retournement, somme toute classique mais bien amené. Ainsi, certains héros du premier tome deviennent beaucoup plus nuancés ici, voire presque méchants. Cela sert le propos de l'auteur qui introduit les thèmes classiques de l'époque : les risques d'une science sans conscience, et le drame de la colonisation par la force. Ce dernier thème donne lieu à de magnifiques séquences de bataille, épiques à souhait, qui confèrent tout son souffle à l'histoire. Du côté du dessin, Christian Cailleaux et Etienne Schréder, admirablement secondés par le coloriste Bruno Tatti, livrent un travail très propre. Le dessin me paraît parfois un peu plus simple et naïf que chez Jacobs, mais l'hommage graphique n'en est pas moins réussi. On retrouve aussi bien l'esprit de Jacobs dans le dessin que dans la narration (quoique la dose de textes à lire est réduite dans le second tome). Pour en finir avec La Flèche ardente, j'ai juste trouvé étonnant un épilogue assez long (11 pages), qui ne renouvelle pas toute la vision du récit. L'instrument narratif utilisé par Van Hamme dans l'ouverture du prologue laisse penser qu'on va avoir droit à une vision changée par un retournement quelconque, mais en fait, non. L'auteur cherche simplement à apporter la meilleure conclusion possible à chacun des personnages. C'est tout à son honneur, et finalement, cela me suffit, mais je m'attendais à autre chose. J'ai beaucoup parlé de La Flèche ardente, mais très peu du Rayon "U", je conclurai donc cet avis en remontant aux sources. J'ai déjà dit plus haut que le tome d'Edgar P. Jacobs avait quelques vieilleries peut-être dommageables, mais qu'il ne méritait à mon avis pas la si mauvaise moyenne qu'il a actuellement sur le site. Et de fait, je trouve que ce premier album révèle déjà les grandes forces de ce géant de la BD qu'est Jacobs. Ainsi, la narration est certes extrêmement désuète, s'autorisant parfois à réduire une péripétie en quelques cases, mais cela donne à l'album un rythme et un souffle dont toutes les sagas d'aventure ne peuvent se targuer de bénéficier. En effet, tout va très vite, mais justement, cela permet au récit de ne pas avoir un seul temps morts et d'enchaîner pour notre plus grand plaisir (le mien, en tous cas) des péripéties où l'on retrouve toute l'essence des récits traditionnels d'aventure, à la Conan Doyle et Jules Verne (probablement les deux principales influences de cette saga). Tombant des griffes d'un dinosaure assoiffé de sang en captivité d'une tribu d'hommes-singes peu avenants, en passant par la découverte de nouveaux territoires et de leurs dangers inévitables, tout est là pour faire du Rayon "U" (mais aussi de sa suite) un condensé de tout ce qui se fait de mieux dans le registre "aventures". On peut trouver que ça a vieilli. Je serais plus diplomate en préférant voir dans cette prise d'âge un charme qui résiste merveilleusement à l'esprit du temps.
Et il ressuscita
Une très bonne pioche que ce "Et il ressuscita". Un récit d'anticipation, nous sommes dans un futur proche et l'entreprise GenoPharm annonce le clonage d'un être humain, mais pas n'importe quel être humain, Adolf Hitler ! Et une question revient sans cesse : Est-ce que Hitler Junior est condamné à suivre les mêmes pas qu'Adolf Hitler ? Ce qui frappe en premier, c'est l'intelligente construction du récit. Un premier chapitre qui interroge sur l'éthique d'une telle pratique sur un tel monstre, en faisant intervenir une foule de personnages : historien, avocat, journaliste, théologue... Et toujours en ne prenant pas partie, juste des points de vue qui permettent de faire cogiter nos cellules grises. La réponse n'est pas aussi évidente que cela. Un second chapitre, le plus long, qui imagine ce qui aurait pu arriver, une autre époque mais toujours les mêmes conséquences ? Une construction implacable qui fait peur. Enfin, le dernier chapitre, celui qui imagine ce que fut vraiment le destin d'Hitler Junior, il interpelle, mais d'une manière surprenante. Je ne peux rien dire de plus. Un dessin froid et rigide qui convient parfaitement bien à ce récit. Il apporte une touche d'anxiété au récit. Une bd qui pose plus de questions qu'elle ne donne de réponses et c'est justement son point fort. Vous vous demandez : Pourquoi Staline sur la couverture ? Il ne vous reste qu'à lire cette bd pour le découvrir. Abraham Martinez, un artiste à suivre.