La caste des métabarons...
Une série déjà tellement commentée sur le site, à tel point que je me suis demandé si cela avait encore un quelconque intérêt de donner mon avis...
Mais bon, en ce moment je ressens le besoin de laisser par écrit mes impressions et je viens enfin d'en terminer la lecture.
Note du rédacteur : au moment où je démarre l'écriture de cet avis, j'ai encore quelques tomes à dévorer. Ceci est donc une critique publiée dans un proche futur et écrite dans un passé récent à l'instant où vous lisez ces lignes. Woh, on nage en pleine SF !
Justement! Jodoroswky choisit le personnage du meta-baron aperçu dans l'Incal pour nous conter cette fois-ci une grande saga de science fiction.
J'avais interrompu ma lecture il y a un an et je ne me souvenais plus pourquoi. En relisant les premiers tomes, la mémoire m'est revenue : ces satanés robots !!!
En effet les conteurs de cette histoire sont deux petits androïdes qui vous racontent la généalogie des méta-barons en faisant des blagues pourries toutes les 10 pages environ. Mais c'est suffisant pour les détester puisque leur humour ne s'accorde pas du tout au ton de l'histoire. Ce sont eux les véritables antagonistes de cette saga, vous allez apprendre à les haïr intensément... Jusqu'à leur pardonner à la fin grâce à un tour de magie de Jodoroswky.
Passé ce défaut qui n'est pas rédhibitoire,
les deux talents du scénariste et du dessinateur s'additionnent vraiment dans cette œuvre pour nous livrer un récit où l'épique côtoie le grandiloquent, où le bizarre s'accouple avec le malsain : on retrouve dans cette série tout le spectre des obsessions de Jodoroswky.
La narration est très fluide, rien n'est jamais compliqué. Jodo enchaine les situations et péripéties rocambolesques en poussant le curseur à chaque tome un peu plus loin, ce qui provoque chez le lecteur de bon goût un véritable plaisir ludique.
Et le dessin ? Le trait de Gimenez donne corps aux descriptions hallucinatoires de Jodoroswky. Vous allez passer du temps à admirer les vaisseaux et les explosions de couleurs sur certaines pages !
On a parfois l'impression que Jodo, tout à sa joie de travailler avec un tel dessinateur, cherche en permanence à le pousser dans ses retranchements, en inventant des situations qui semblent impossible à mettre en images.
Mais Gimenez ne fléchira jamais.
Pendant huit albums.
Il va s'améliorer même !
Un véritable exploit.
Un 5 au présent, au passé et au futur.
Si vous aimez la bd "Gobelin's" ou Trolls de Troy je pense que vous aimerez rolqwir. Un jeune chevalier français qui rêve d'aventures mais qui n'est pas bien futé, se retrouve au Japon. Beaucoup de références sur notre culture française, clichés et pop culture, tout cela détourné de façon humoristique. A lire.
Django a peut-être été l’homme le plus libre de tous les temps.
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Ce tome contient une biographie des jeunes années de Django Reinhardt (1910-1953) qui ne nécessite pas de connaissance préalable sur ce musicien. Son édition originale date 2020. Il a été réalisé par Salva Rubio pour le scénario et par Ricard Efa pour les dessins et les couleurs. Il comprend soixante-deux pages de bande dessinée. Il débute par un texte introductif d’une page, rédigé par Thomas Dutronc qui déclare que Django était un dieu de la guitare, et qui développe son admiration pour ce musicien. Il se termine avec un copieux cahier thématique de seize pages avec de nombreuses photographies abordant la réalité historique de la vie de Django Reinhardt, entre ce qui est connu des circonstances de sa naissance, l’environnement dans lequel il a grandi (la Zone), le choix des morceaux interprétés par Django au cours de la bande dessinée (Les yeux noirs, La Madelon, La Montmartroise, et bien sûr Nuages, Everybody loves my baby, Ma régulière, Dinah, The sheik, Hard hearted Hannah), ses débuts un peu décalés dans le monde du bal musette, ses premiers contacts avec le jazz, ses premiers enregistrements et son nom mal orthographié, ainsi que son séjour à l’hôpital. Vient enfin une bibliographie sélective.
Par une rude journée d’hiver, dans une épaisse robe, avec un châle et un fichu, Laurence Reinhart marche d’un bon pas dans le chemin enneigé. Elle se hâte de gagner le village, tout en tenant fermement son ventre rebondi de femme enceinte. Soudain, elle sent qu’elle perd les eaux, et elle peut voir la flaque fumante dans la neige. Le vingt-trois janvier 1910, sur la grand-place du village de Liberchies, près de Charleroi, en Belgique, un groupe de musiciens est en train de monter sur l’estrade. Jean-Baptiste Reinhardt s’agace que sa femme ne soit pas encore arrivée, qu’elle n’en fasse qu’à sa tête. Une dame lui dit que le bébé est arrivé. Dans une roulotte, la jeune mère est allongée, le nouveau-né dans ses bras. Le père finit par arriver et il lui donne un nom : Django. Oui, Django était arrivé parmi eux. Mais Django Reinhardt a eu deux naissances. Celle-ci ne fut que la première. Et chacun sait, c’est de la souffrance que l’on naît.
En 1922, la Zone, près de la porte à Choisy, Django a gagné en confiance et il est en train de déclarer à son petit frère et à sa petite sœur que c’est lui le maître de la Zone, le chef de la bande des Foulards Rouges, il est le gangster Django Reinhardt. Et il leur proclame que maintenant ce territoire leur appartient. Et d’ici, ils vont conquérir l’Amérique. Il se tourne vers eux pour les enjoindre d’aller de l’avant, et il se rend compte qu’ils sont restés cachés derrière un talus. Son petit frère Nin-Nin lui rappelle qu’ils sont sur le territoire des Foulards bleus, que ces derniers vont les attraper et leur fichent une raclée. En effet, cinq autres enfants arrivent et les tapent. De retour au camp tzigane, la mère soigne Django et lui déclare qu’elle est bien contente que les autres leur aient flanqué une raclée. Elle ajoute : tant qu’à se bagarrer, ils auraient pu se débrouiller au moins pour gagner. Un ancien intervient pour les réprimander et rappeler que Django pourrait au moins aller à l’école pour apprendre à lire.
Le lecteur peut être alléché à l’idée de découvrir un récit de la jeunesse de ce grand guitariste, couvrant majoritairement la période allant de ses douze ans en 1922, à ses vingt ans en 1930. Il peut aussi avoir déjà lu d’autres ouvrages de ce duo de créateurs et être tombé sous le charme de leur narration : Monet - Nomade de la lumière (2017) ou Degas - La Danse de la solitude (2021). Après avoir lu la bande dessinée, il se plonge dans le copieux dossier et il découvre la postface, dans laquelle le scénariste explicite sa démarche. Il rappelle que : Personne, bien sûr, ne rassemble de la documentation sur les premières années de vie d’une personne ordinaire dont on ne s’attend aucunement à ce qu’elle devienne un jour l’un des plus grands génies musicaux du siècle. Il ajoute que : dans l’univers manouche, c’était seulement par la tradition que l’histoire était transmise, volontairement embellie d’anecdotes, d’exagérations et de contes rarement fiables. Enfin il indique qu’un scénariste historien comme lui accomplit une triple tâche. Un : se mettre en quête de témoignages, sources et récits qui fourniront des faits, des scènes et des rencontres dont la bande dessinée rendra compte. Deux : les transformer en un récit fluide, logique et efficace. Trois : atteindre un équilibre entre les deux précédents pour transmettre au lecteur ce qui est su et ce qu’il est impossible de savoir, de la façon la plus fiable possible, mais aussi la plus passionnante.
En commentant une illustration en double page, le scénariste a ce mot : Il restait si peu d’espace libre, dans une vie si pleine… Effectivement, la lecture peut donner une impression de narration dense, à commencer par la taille des lettres plus petite que d’habitude, ainsi régulièrement que la densité d’informations visuelles. Dans le même temps, chaque case s’assimile au premier coup d’œil et se lit facilement. L’artiste utilise un mode amalgamant des traits de contour relativement fins et souples avec de discrets arrondis convenant parfaitement à la jeunesse du musicien, et la technique de la couleur directe pour apporter d’autres informations visuelles, des textures et des ambiances lumineuses. Ainsi il réalise une reconstitution historique étoffée aussi remarquable que naturelle. Le lecteur peut très bien ne pas y prêter attention plus que ça au début. Bien vite, il prend conscience qu’il trouve les éléments qu’il attendait : les roulottes, les tenues manouches, les costumes de gadjé musiciens de Paris avec leur feutre mou, les scènes communautaires des gens du voyage, etc. À l’occasion d’une scène ou d’une autre, la curiosité ou un détail l’intrigue et il prête plus d’attention à une case ou un élément visuel. Il se rend alors compte de l’investissement du dessinateur dans ses représentations.
Efa va au-delà de la simple impression globale ou de l’apparence au premier coup d’œil. Il soigne chaque aspect historique : les tenues vestimentaires en différenciant celles plus traditionnelles des Manouches, entre femmes et hommes, ou encore les enfants. Il évoque aussi bien les terrains vagues de la Zone, que les rues pavées de Paris, les rails du tramway, la cour intérieure de l’hôpital Lariboisière. Il soigne également les intérieurs, tant dans leur aménagement que leur décoration, ou encore les accessoires : les roulottes, les bistrots accueillant un orchestre, la chambre d’hôpital, les couloirs de Lariboisière. Dans la première partie, le lecteur se régale avec les quatre cents coups de Django : bagarre de bande, attaque de voiture automobile pour provoquer un accident, tentative de faire dérailler un tramway, et puis l’apprentissage obsessionnel du banjo-guitare avec l’intensité propre à cet âge. Alors que Django devient majeur, sa confiance en lui et son arrogance en impose, avec toujours cette implication dans son art qui le rend sympathique (et puis le lecteur sait qu’il va devenir un dieu de la guitare, mondialement reconnu). Après l’accident, le lecteur regarde le jeune homme à la fois abattu par la perte de son talent, à la fois accablé à la perspective d’une vie de mendiant. La direction d’acteurs insuffle une vie et une plausibilité dans les comportements, au point que le lecteur ressent comme une vérité ce qu’il voit. La mise en scène apporte également une grande clarté dans chaque scène, ainsi qu’une évidence narrative : l’apaisement procuré par la concentration de la pratique du banjo, le contentement ineffable de pouvoir jouer dans un ensemble d’adultes, l’attraction amoureuse magnétique entre Django et Florine Mayer, la communauté manouche unie pour récupérer Django et l’extraire de l’hôpital, les magnifiques deux pages de réapprentissage avec la position de la main gauche sur le manche, etc.
Le scénariste a fourni un travail tout aussi remarquable de reconstitution historique que ce soit pour les lieux comme la Zone (espace résultant de l’enceinte de Thiers, surnommé aussi les fortifications ou les fortif’) ou l’hôpital Lariboisière, pour l’évocation de la première carrière de Django avec ses différents chefs de formation musicale : Pierre Vettese dit Guérino (1895-1952), accordéoniste français d'origine sinti piémontaise, Jean Vaissade (1911-1979), accordéoniste et un compositeur français, Jack Hylton (1892-1965), chef d'ensemble à vent, chef d'orchestre, impresario, Émile Audiffred (1894-1948), chanteur, librettiste, parolier et producteur français. S’il connaît le répertoire de l’époque, le lecteur relève les références aux airs populaires, sinon il les découvre dans le dossier en fin d’ouvrage, à commencer par Nuages. Bientôt le lecteur suit Django, en pleine empathie, sans plus se préoccuper de faire preuve de distanciation ou d’esprit critique. Il poursuit sa lecture avec le dossier dans lequel l’auteur expose ce qui relève de faits établis, et ce qui relève d’une interprétation, assimilant par là-même les informations historiques et leur contexte dont il ne disposait pas forcément. Il prend connaissance de l’état d’esprit du scénariste ou de sa ligne directrice : Quand l’historien et le scénariste se mettent finalement d’accord, ils en arrivent à une conclusion claire, il n’existe pas de héros réel qui n’ait sa part de légende.
Qu’il ait déjà succombé au charme de Nuages ou non, le lecteur peut éprouver de la curiosité pour les jeunes années de Django Reinhardt, avant la célébrité, ou vouloir retrouver ce duo d’auteurs. Il apprécie immédiatement la narration visuelle colorée et agréable, tout autant que rigoureuse, documentée, à la mise en scène fluide et sophistiquée. Il suit un jeune délinquant sur une mauvaise pente, trouvant sa raison de vivre dans le banjo qui lui permet d’intégrer le monde des adultes en avance, puis le terrible accident et la force de caractère permettant de construire une seconde vie, avec l’aide de sa communauté. Singulier.
J'apprécie généralement les albums sans texte pour la jeunesse. Pour une fois ce ne sont pas les éditions de la Gouttière (Anuki,Passe-passe, Myrmidon) mais une autre petite maison, Le Diplodocus, qui propose cet excellent récit graphique de David Wautier. Cette série s'adresse surtout aux jeunes lecteurs et lectrices de 4/5 ans comme une initiation à la BD mais pas seulement. En effet j'ai immédiatement été séduit par l'intelligence du scénario qui peut facilement parler à un lectorat plus âgé (comme moi). Tout d'abord 44 pages, c'est beaucoup pour un très jeune lectorat. Cela demande un effort de concentration assez intense pour ne pas lâcher sa lecture. C'est tout le talent de l'auteur de proposer des "rebondissements", une montée dans l'intensité dramatique des évènements puis un final classique mais libérateur pour réussir à capter l'attention jusqu'au bout.
Wautier choisit un environnement inhabituel pour un très jeune public : une ferme isolée au pied de la Monument Valley dans le désert de l'Arizona. Un jeune garçon de 5/6 ans s'y promène avec sa petite sœur (et sa poupée) seuls à quelques centaines de mètre de la ferme où la maman est seule à faire le linge. Une entrée en matière particulière car si elle permet une appropriation immédiate pour un très jeune lectorat, elle installe un climat assez fort d'angoisse pour une vision adulte (isolement, vulnérabilité des personnages). Ce sentiment augmente quand on sent le danger invisible arriver. Des Indiens ? des hors la loi ? ce serait un imaginaire adulte sur lequel Wautier joue avec malice. Non ce ne sont que des nuages noirs qui soulagent le lecteur adulte mais pas forcément l'enfant qui voit son espace de confort malmené par des événements qu'il connait bien.
Ce (trop) long développement pour montrer comment j'ai trouvé intelligente la construction du récit de l'auteur.
Le reste n'est que plaisir des yeux ! le graphisme de Wautier pouvant parler à un public très large. La construction des planches reste dans le classique gaufrier émotionnel et actif avec quelques pleines pages contemplatives.
Une très belle lecture pour tous à faire seul.e ou partagée.
Ma connaissance des kaiju se limite, pour l'heure, à des films comme Godzilla (celui d'Emmerich, à ma grande honte), ainsi que Pacific Rim (ok, c'est un peu mieux. Sans oublier le roman original japonais qui a inspiré la franchise Gojira à partir des années 1950. C'est maigre, et ce manga est l'occasion de saisir un peu plus l'essence de ce sous-genre très populaire au Pays du Soleil Levant.
Ici Gaea-Tima est un monstre qui a provoqué la destruction de toute une ville avant de se dissoudre dans la Mer du Japon, avant de réapparaître dix ans plus tard, dans le sillage d'une survivante de la catastrophe, avec un lien tout particulier, et cette fois peut-être dans la peau du sauveur... L'histoire est assez intéressante pour qui s'intéresse aux mythes shintô, qui ont par exemple inspiré les films de Miyazaki, comme Nausicaä de la Vallée du Vent. Ainsi le Japon, qui subit nombre de catastrophes climatiques tous les ans, a intégré cela dans son quotidien, dans sa culture, dans sa littérature. Et y voit parfois des bienfaits, comme lorsque la nature reprend ses droits après telle ou telle catastrophe... Cette dualité est présente dans les personnages de Miyako et Tatsurumi, chacun incarnant un sentiment opposé concernant Gaea-Tima, le kaiju qui a ravagé la ville une décennie plus tôt.
C'est plutôt sympa, et cet aspect sociologique lié au folklore m'intéresse particulièrement? je suis curieux de voir comment cela va évoluer dans les tomes à venir...
Cerise, Cerise, Cerise, voilà une bien jolie surprise.
Je ne suis clairement pas le public visé d'une telle série et c'est avec pas mal d'appréhension que je me suis lancé dans sa lecture
Cerise est donc une fillette d'une dizaine d'années qui est curieuse de tout et surtout des inconnus qui l'entourent. Sa curiosité (qu'on pourrait aisément qualifiée de mal placée) l'entraine dans des aventures qu'elle consigne dans des carnets. Car Cerise souhaite devenir auteure.
A l'heure où les enfants sont plus connectés que jamais (mais toujours moins que demain) c'est très rafraichissant de voir une enfant aimer lire et écrire.
Les dessins sont très agréables et alternent habilement entre BD et extraits des Carnets de Cerises.
On regrettera juste une colorisation trop informatisée.
Tout s'enchaine facilement et la lecture est assez fluide, ce qui est "normal" pour une BD jeunesse.
Bien que chaque tome soit indépendant il est quand même préférable de les lire dans l'ordre car cela permet de suivre l'évolution de Cerise et ses amies. D'ailleurs on peut trouver certains clins d'œil aux tomes précédents en cours de lecture
Les histoires n'ont pas toutes les même qualités narratives ainsi s'il fallait noter les différents tomes :
* Tome 1 : 3/5 une très belle histoire se prêtant parfaitement aux dessins et couleurs de la série.
* Tome 2 : 1/5 J'ai détesté cet album pas à cause de l'histoire ou des dessins mais à cause des conflits qui éclatent entre Cerise et son entourage (maman et amies). En continuant la série je pense que ce passage était obligé afin de faire grandir Cerise
* Tome 3 : 5/5 Et oui cette histoire de chasse au trésor est ultra touchante, humainement parlant. Certaines blessures de l'enfance mettent très longtemps à guérir. On découvre par la même un peu plus l'histoire de notre héroïne
* Tome 4 : 3/5 On redescend d'intensité. L'intrigue, toujours pleine de bons sentiments, est moins touchante que la précédente. Cerise arrivera t'elle enfin à mettre des mots sur ses maux ?
* Tome 5 : 5/5 Cette fois c'est Cerise qui enquête sur son passé et c'est très émouvant. Les blessures de Cerise sont contées avec pudeur et empathie. C'est très prenant et ultra touchant
Ma note est légèrement gonflée mais il serait dommage de pénaliser la série à cause d'un seul tome.
Ce fut sincèrement une belle découverte
C'est certainement l'album que j'attendais avec impatience cette année, pour plusieurs raisons. D'une part il est signé Xavier Dorison, dont j'achète la plupart des albums, et d'autre part, ce récit couvre une période de l'histoire qui m'intéresse particulièrement , les débuts de la Vème République sur fonds de guerre d'Algérie. J'avais à ce titre adoré Un général, des généraux de Juncker et Boucq, et je ne compte plus le nombre de livres ou d'essais que je possède sur le Général de Gaulle.
Ici, Xavier Dorsion nous fait découvrir les coulisses de la Vème République, à travers l'histoire un peu romancée, des 4 gardes du corps du Général de Gaulle. Et c'est fort réussi.. Les dialogues font mouches, les personnages sont charismatiques et le lecteur est plongé dans le récit comme dans un film.
Mais ce qui fait la force de ce premier volume c'est le dessin de Julien Télo, que je découvre ici. Son style me fait songer à celui de Sylvain Vallée. L'ambiance des années 50 est parfaitement retranscrite, des costumes aux voitures, tout y est..
En plus, j'ai lu cette aventure dans l'édition proposée en grand format et en noir et blanc, sous une couverture plus réussie, à mon goût, que l'édition courante.
Ce tirage de luxe rend parfaitement hommage au magnifique dessin de Julien Télo et j'espère que les éditions Casterman feront de même pour les autres albums prévus pour cette série.
J'ai lu dans un entretien donné par Dorison, que la série est prévue en 10 volumes , vaste programme ! comme dirait de Gaulle.
Les auteurs ont certainement signés ici, un des albums qui marquera cette année.
Une réussite.
Les avis de Ro et bab m'ont convaincu de me pencher sur ce comics. Comics qui partait avec deux handicaps. Le premier c'est d'avoir des animaux pour personnages principaux, j'ai souvent du mal à adhérer à ce type de récit. Et le second c'est la partie graphique, son rendu ne m'attirait pas vraiment. Deux handicaps qui ont volé en éclats lors de ma lecture.
Les éditions "Monsieur Toussaint Louverture" ont, comme toujours, réalisé un superbe travail. Un magnifique écrin pour cette adaptation du chef-d’œuvre de Richard Adams.
Des lapins pour personnages principaux, ils sont à la recherche d'une nouvelle garenne, l'un d'eux a eu un mauvais pressentiment. Ils doivent quitter sur le champ leur logis s'ils veulent survivre. A partir de là, on va suivre ce petit groupe aux grandes oreilles à la recherche d'un coin de paradis et de liberté. L'aventure avec un grand A, elle sera semée d'embûches.
Un récit qui nous fait découvrir tout un monde complexe, la hiérarchisation est de mise dans la garenne, une société qui fera écho à certains régimes totalitaires.
Une fresque touchante et âpre, elle doit énormément à l'humanité qui émane de ce petit groupe de rebelles. Une quête captivante, très bien construite et qui m'a touché en plein cœur.
Le dessin de Joe Sutphin m'a conquis par le soin apporté aux détails, mais surtout les émotions qu'il arrive à faire passer au travers une attitude ou d'un regard de nos chers lapins. Un trait gras, légèrement charbonneux et de tristes couleurs retranscrivent toute l'âpreté de ce monde animalier.
Rien ne ressemble plus à un lapin qu'un autre lapin, pourtant (cela demandera un peu de concentration) il n'est pas si difficile de reconnaître chaque protagoniste suivant la couleur du pelage, le positionnement des oreilles, une particularité physique.... Ça permet de faire travailler la mémoire.
Une très belle surprise.
Ne pas oublier de vérifier que le carton reprenant la carte géographique des garennes et le glossaire "Lapine" est bien présent dans la BD. Très important !
Je ne peux que recommander.
Gros coup de cœur pour cet album, et merci aux précédents posteurs pour avoir attiré mon attention vers celui-ci.
Downlands est un comics à grosse pagination et pourvu d’une certaine densité narrative… que je n’ai pas su lâcher avant d’en avoir tourné la dernière page. L’histoire est en effet prenante en diable, qui traite de nos peurs les plus primaires (la mort, l'inconnu, et surtout l'énigme de l'après-mort) au travers du prisme du folklore et des légendes (anglais dans le cas présent). Il y a le fantôme de cette auto-stoppeuse qui apparait au milieu de la route, ce chien que des personnes voient la veille de leur mort, il y a cette mystérieuse voisine un peu sorcière qui intrigue et effraie les enfants. Il y a cette introduction durant laquelle le lecteur peut s'amuser à recouper différents articles de journaux... Il y a cette famille mystérieusement disparue sans laisser de traces.
J’ai adoré l’atmosphère que l’auteur parvient à créer en entremêlant diverses histoires fantastiques, les liant toutes à une petite ville, un quartier, une rue. Porté par un très charismatique personnage central, le récit prend la forme d’une enquête policière dans laquelle le fantastique s’insinue de manière naturelle, ouvrant les portes vers d’autres réalités auxquelles le lecteur que je suis se plait à croire. Force est d’admettre que les légendes qui servent d’ossature au récit ont quelque chose d’universel qui nous les rend intimes, comme si nous avions toujours vécu avec celles-ci, comme s’il était naturel d’y croire.
Au-delà de ce déjà très séduisant univers, j’ai également été ému par la description de cette famille touchée par le deuil, murée dans une pudeur silencieuse face à la douleur de la perte. Les lettres que James Reynolds écrit à sa défunte sœur sont une belle démonstration de cette souffrance pudique, camouflée derrière un bon mot ou une anecdote amusante.
Et pour parachever l’œuvre, ajoutez un dessin que j’ai beaucoup aimé. Le trait de Norm Konyu m’a fait penser à celui d’Alexandre Clérisse mais le traitement des couleurs (qui opte pour des teintes douces, très pastels) arrondi ce style anguleux tout en lui apportant de la profondeur. J’accrocherais volontiers certaines des planches de ce livre sur le mur de mon salon. Pourtant ce dessin est toujours au service de l’histoire. Il ne la domine pas, il la magnifie, lui apportant poésie, mystère et douceur.
Enfin, le récit tient la route jusqu’à sa conclusion. Une conclusion certes classique et sans doute attendue mais qui cadre tellement bien avec l’esprit de ce livre. J’ai achevé cette lecture en dévorant la postface qui revient sur l’origine des différents récits folkloriques qui rythment cette histoire, désireux de conserver le plus longtemps possible cette émotion, ce sourire tendre, triste et joyeux à la fois que Downlands avait réussi à faire naître en moi.
Gros coup de cœur !
L’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit. – Artistote
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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Sa première édition date de 2024. Il a été réalisé par Vincent Zabus avec la collaboration de Francis Hallé pour le scénario et les dialogues, par Nicoby pour les dessins, et par Philippe Ory & Pierre Janneteau pour les couleurs. Il comprend quatre-vingt-seize pages de bande dessinée. Il se termine par un glossaire de sept pages, recensant soixante-trois termes, allant de Anthropocentrisme à V.O.C. (composés organiques volatils), en passant par Cambium, Chablis, Écologie, Fente de timidité, Particules fines, Plante épiphyte, Réitération, Sentiment océanique, Sylvigenèse, symbiose, etc.
À Montpellier, Francis Hallé reçoit chez lui le philosophe Aristote. Il indique à son hôte qu’il n’est pas d’accord avec sa classification. Aristote explique qu’il a juste voulu faire un petit classement, il adore ranger, hiérarchiser, organiser. Devant l’attitude fermée de son interlocuteur, il développe son point de vue : il a classé les organismes du plus simple au plus complexe, dans une pyramide. Alors… Tout en bas, le minéral… Puis le végétal. Au-dessus les animaux. Et enfin nous, tout en haut. L’être humain est au sommet de tout. Même si Francis est botaniste et qu’il va sans doute le heurter, Aristote conclut que pour lui l’existence du végétal n’est justifiée que par l’usage qu’en font les humains. Francis lui répond de manière sèche que le philosophe aurait mieux fait de ne jamais se mêler de botanique. Il ajoute que ce classement est tout simplement à l’origine de la crise écologique actuelle. Il explique que le prestige dont Aristote jouit va conduire l’Église à reprendre ses idées au moyen âge, et ça va s’amplifier à la renaissance. Résultat : à partir du XVIIIe siècle, toute l’Europe admet ce principe de l‘échelle de la nature, qui influence encore considérablement la vision du monde contemporaine. Et c’est grave : c’est l’anthropocentrisme qui laisse croire à l’homme qu’il occupe une place particulière sur la Terre, qu’il est le plus important, que la nature est à son service.
Francis et Aristote sortent à l’extérieur et ils regardent Voltaire assis sur une chaise, en train d’écrire que depuis qu’il s’est retiré à Ferney, il ne fait que planter des arbres. Voltaire sait qu’il est trop vieux pour jamais voir leurs fruits, ni pouvoir profiter de leur ombre, mais il ne voit pas de meilleur moyen de s’occuper de l’avenir. Francis raconte ensuite qu’il y a quelques années, des scientifiques japonais ont prouvé qu’une promenade en forêt – ils parlent même de Shinrin-yoku, de bains de forêt – avait plein de bienfaits : ça diminue les rythmes cardiaques, la tension, le stress… puis les deux hommes se placent devant un arbre de grande envergure et Francis explique que l’arbre est une forme de vie qui n’est pas du tout comme celle d’un humain, une altérité radicale. Le fait d’avoir des arbres et de la nature tout autour donne l’impression de les connaître. Mais à vrai dire, on ne les connaît pas du tout. Même les arbres les plus communs posent, aux scientifiques, de nombreuses questions. Les découvertes à faire sont encore énormes.
Le lecteur constate rapidement que ce récit s’apparente à un exposé des connaissances et des théories du botaniste Francis Hallé, au cours d’une discussions avec Aristote (-384 à -322). Ce chercheur est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, la majeure partie ayant trait aux arbres, évoquant son exploration des canopées forestières avec le radeau des cimes, l’architecture des plantes, la vie des arbres, la forêt tropicale, la beauté du vivant. Le lecteur profite ainsi de cet exposé très vivant, des remarques d’Aristote, parfois taquin, souvent émerveillé, jouant le rôle du candide. L’auteur intègre une poignée de citations du philosophe, de type maxime, sans développer sa pensée, au-delà de la pyramide de l’ordre naturel. La discussion constitue une forme très agréable, facile à suivre commençant avec la remise en cause de la pyramide, puis les auteurs enchainent avec l’altérité radicale des arbres, la beauté de la nature, la notion d’immortalité des arbres avec un séquoia, ceux unitaires et ceux coloniaires, les réitérations, la rénovation de la charpente de Notre-Dame, l’efficacité d’un être constitué de trois organes (racine, tige, feuille) et fonctionnant avec la photosynthèse, les sens de la vue et de l’ouïe appliqués aux arbres (avec les exemples du cyprès et de la codariocalyx motorius), la symbiose avec les champignons et avec les fourmis, la forêt primaire, la canopée, pour finir avec le sentiment océanique.
Ce genre d’ouvrage à visée vulgarisatrice choisit souvent la technique de mettre en scène un avatar du sachant qui va ainsi exposer ses connaissances directement au lecteur, ou au bénéfice d’un personnage novice. Ici, les auteurs ont opté pour une solution très légèrement distincte : Aristote a été un botaniste avec une vision très différente de l’ordre naturel. Francis peut s’adresser à lui en tenant pour acquis des informations basiques tout en lui faisant des mises à jour du fait des deux millénaires écoulés. Les auteurs mettent également à profit le médium de la bande dessinée pour faire voyager les deux personnes, leur faire changer d’endroit en un clin d’œil, ou juste d’une case à l’autre, alors que le dialogue continue. Francis évoque les bains de forêt (Shinrin-yoku), et les balades en forêt. En effet il va entraîner son interlocuteur (et par là-même le lecteur) à une longue balade. Elle commence donc dans sa maison à Montpellier. Les deux personnages sortent dans le jardin, et saluent Voltaire en passant, puis ils vont se planter devant un arbre d’une dimension majestueuse. Et c’est parti pour la balade : le Parthénon (un séquoia géant formé de plusieurs troncs en cercle issus d'un même arbre, en Californie), une haie de houx royal de Tasmanie, un petit passage par le jardin botanique de Xishuangbanna en Chine, un bref retour à la maison, avant de repartir pour Kyoto au Japon, puis une forêt primaire, une forêt tropicale, et un séjour inoubliable dans le radeau des cimes sur la canopée pour revenir en Europe et évoquer un projet de forêt primaire de soixante-dix mille hectares dans les Ardennes franco-belges et la région réunissant Vosges du Nord françaises et Rhénanie-Palatinat allemande. Les dessins s’inscrivent dans une veine descriptive, semi-réaliste, simplifiée, avec un trait de contour fin et léger, des formes nourries par une mise en couleur de type naturaliste, rendant bien compte des ambiances arborées.
Le lecteur se rend compte qu’il apprécie de pouvoir accompagner ainsi les deux personnages en balades. Le degré de simplification dans les représentations rend les dessins immédiatement lisibles, pour une lecture facile. Dans le même temps, l’artiste sait inclure des éléments visuels spécifiques et particuliers comme la forme des tuiles du toit de la maison de Francis, la rambarde de sa terrasse, les différentes formes d’arbres, des engins d’abattage d’arbres identifiables et conformes à la réalité de cette industrie, quelques schémas simples en petit nombre, l’urbanisme spécifique de Kyoto, la forme caractéristique du radeau des cimes en hexagone avec ses filets, et bien sûr les différentes configurations des forêts, d’arbres clairsemés à la pénombre du sous-bois de la forêt tropicale, le spectacle magnifique de la canopée, et une ou deux coupes montrant le réseau racinaire, ainsi que sa symbiose avec les filaments des champignons. Outre la conviction des propos du botaniste, le lecteur ressent une envie irrépressible d’aller faire un tour en forêt, simplement en regardant les dessins.
Aristote et Francis sont représentés comme deux adultes, avec des postures et des gestes mesurés et posés, à l’exception du passage où le botaniste explique l’incidence des arbres sur la structure physique de l’être humain. Lors de cette séquence, le lecteur en oublie que Francis a déjà vécu huit décennies. Les échanges des deux hommes comprennent une forte proportion d’informations scientifiques vulgarisées, ainsi que des prises de position et des réactions émotionnelles. Il y a bien sûr l’admiration de Francis Hallé pour les arbres, le scepticisme initial d’Aristote qui évolue progressivement vers un émerveillement. Ainsi l’exposé échappe à l’aridité encyclopédique et se trouve incarné au travers de la personnalité du botaniste. S’il est déjà familier des travaux du chercheur, le lecteur trouvera une synthèse de ses idées directrices, dans une formulation tout public. S’il est ignorant en la matière, le lecteur va de découverte en découverte. Il commence par retrouver des principes bien connus sur la fonction des arbres, de la captation du CO2 au rafraîchissement de plusieurs degrés en cas de canicule. Puis il passe à des notions moins basiques : le principe de coloniarité qui fait d’une forêt un tout plus grand que la simple somme des arbres qui la composent, en mettant en avant des capacités de communication entre les arbres. Il découvre également le concept de timidité des arbres : des sujets de la même espèce qui se développent à proximité, de telle sorte que leurs cimes ne se touchent pas, laissant une fente de timidité. Le tome se termine avec ce projet d’initier une nouvelle forêt primaire en Europe, en passant en revue tous les bénéfices associés : lutter contre le réchauffement climatique, reconstituer un grand réservoir de biodiversité, protéger la vie humaine, assurer l’abondance et la qualité des ressources hydriques, développer la recherche, encourager le développement territorial, la citoyenneté, les pratiques artistiques…
Une balade en forêt avec un botaniste de renommée mondiale : une proposition fort sympathique. Le scénariste et le dessinateur mettent en scène cette balade entre Francis Hallé et Aristote, dans un mode narratif agréable et facile. Le lecteur ressent vite l’envie irrépressible de se promener en forêt tout en s’acculturant avec des termes comme canopée et chablis, avec les propriétés des arbres comme la communication entre eux, jusqu’à la découverte du fonctionnement d’une forêt primaire. Une balade relaxante et enrichissante.
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La Caste des Méta-barons
La caste des métabarons... Une série déjà tellement commentée sur le site, à tel point que je me suis demandé si cela avait encore un quelconque intérêt de donner mon avis... Mais bon, en ce moment je ressens le besoin de laisser par écrit mes impressions et je viens enfin d'en terminer la lecture. Note du rédacteur : au moment où je démarre l'écriture de cet avis, j'ai encore quelques tomes à dévorer. Ceci est donc une critique publiée dans un proche futur et écrite dans un passé récent à l'instant où vous lisez ces lignes. Woh, on nage en pleine SF ! Justement! Jodoroswky choisit le personnage du meta-baron aperçu dans l'Incal pour nous conter cette fois-ci une grande saga de science fiction. J'avais interrompu ma lecture il y a un an et je ne me souvenais plus pourquoi. En relisant les premiers tomes, la mémoire m'est revenue : ces satanés robots !!! En effet les conteurs de cette histoire sont deux petits androïdes qui vous racontent la généalogie des méta-barons en faisant des blagues pourries toutes les 10 pages environ. Mais c'est suffisant pour les détester puisque leur humour ne s'accorde pas du tout au ton de l'histoire. Ce sont eux les véritables antagonistes de cette saga, vous allez apprendre à les haïr intensément... Jusqu'à leur pardonner à la fin grâce à un tour de magie de Jodoroswky. Passé ce défaut qui n'est pas rédhibitoire, les deux talents du scénariste et du dessinateur s'additionnent vraiment dans cette œuvre pour nous livrer un récit où l'épique côtoie le grandiloquent, où le bizarre s'accouple avec le malsain : on retrouve dans cette série tout le spectre des obsessions de Jodoroswky. La narration est très fluide, rien n'est jamais compliqué. Jodo enchaine les situations et péripéties rocambolesques en poussant le curseur à chaque tome un peu plus loin, ce qui provoque chez le lecteur de bon goût un véritable plaisir ludique. Et le dessin ? Le trait de Gimenez donne corps aux descriptions hallucinatoires de Jodoroswky. Vous allez passer du temps à admirer les vaisseaux et les explosions de couleurs sur certaines pages ! On a parfois l'impression que Jodo, tout à sa joie de travailler avec un tel dessinateur, cherche en permanence à le pousser dans ses retranchements, en inventant des situations qui semblent impossible à mettre en images. Mais Gimenez ne fléchira jamais. Pendant huit albums. Il va s'améliorer même ! Un véritable exploit. Un 5 au présent, au passé et au futur.
Rolqwir
Si vous aimez la bd "Gobelin's" ou Trolls de Troy je pense que vous aimerez rolqwir. Un jeune chevalier français qui rêve d'aventures mais qui n'est pas bien futé, se retrouve au Japon. Beaucoup de références sur notre culture française, clichés et pop culture, tout cela détourné de façon humoristique. A lire.
Django Main de feu
Django a peut-être été l’homme le plus libre de tous les temps. - Ce tome contient une biographie des jeunes années de Django Reinhardt (1910-1953) qui ne nécessite pas de connaissance préalable sur ce musicien. Son édition originale date 2020. Il a été réalisé par Salva Rubio pour le scénario et par Ricard Efa pour les dessins et les couleurs. Il comprend soixante-deux pages de bande dessinée. Il débute par un texte introductif d’une page, rédigé par Thomas Dutronc qui déclare que Django était un dieu de la guitare, et qui développe son admiration pour ce musicien. Il se termine avec un copieux cahier thématique de seize pages avec de nombreuses photographies abordant la réalité historique de la vie de Django Reinhardt, entre ce qui est connu des circonstances de sa naissance, l’environnement dans lequel il a grandi (la Zone), le choix des morceaux interprétés par Django au cours de la bande dessinée (Les yeux noirs, La Madelon, La Montmartroise, et bien sûr Nuages, Everybody loves my baby, Ma régulière, Dinah, The sheik, Hard hearted Hannah), ses débuts un peu décalés dans le monde du bal musette, ses premiers contacts avec le jazz, ses premiers enregistrements et son nom mal orthographié, ainsi que son séjour à l’hôpital. Vient enfin une bibliographie sélective. Par une rude journée d’hiver, dans une épaisse robe, avec un châle et un fichu, Laurence Reinhart marche d’un bon pas dans le chemin enneigé. Elle se hâte de gagner le village, tout en tenant fermement son ventre rebondi de femme enceinte. Soudain, elle sent qu’elle perd les eaux, et elle peut voir la flaque fumante dans la neige. Le vingt-trois janvier 1910, sur la grand-place du village de Liberchies, près de Charleroi, en Belgique, un groupe de musiciens est en train de monter sur l’estrade. Jean-Baptiste Reinhardt s’agace que sa femme ne soit pas encore arrivée, qu’elle n’en fasse qu’à sa tête. Une dame lui dit que le bébé est arrivé. Dans une roulotte, la jeune mère est allongée, le nouveau-né dans ses bras. Le père finit par arriver et il lui donne un nom : Django. Oui, Django était arrivé parmi eux. Mais Django Reinhardt a eu deux naissances. Celle-ci ne fut que la première. Et chacun sait, c’est de la souffrance que l’on naît. En 1922, la Zone, près de la porte à Choisy, Django a gagné en confiance et il est en train de déclarer à son petit frère et à sa petite sœur que c’est lui le maître de la Zone, le chef de la bande des Foulards Rouges, il est le gangster Django Reinhardt. Et il leur proclame que maintenant ce territoire leur appartient. Et d’ici, ils vont conquérir l’Amérique. Il se tourne vers eux pour les enjoindre d’aller de l’avant, et il se rend compte qu’ils sont restés cachés derrière un talus. Son petit frère Nin-Nin lui rappelle qu’ils sont sur le territoire des Foulards bleus, que ces derniers vont les attraper et leur fichent une raclée. En effet, cinq autres enfants arrivent et les tapent. De retour au camp tzigane, la mère soigne Django et lui déclare qu’elle est bien contente que les autres leur aient flanqué une raclée. Elle ajoute : tant qu’à se bagarrer, ils auraient pu se débrouiller au moins pour gagner. Un ancien intervient pour les réprimander et rappeler que Django pourrait au moins aller à l’école pour apprendre à lire. Le lecteur peut être alléché à l’idée de découvrir un récit de la jeunesse de ce grand guitariste, couvrant majoritairement la période allant de ses douze ans en 1922, à ses vingt ans en 1930. Il peut aussi avoir déjà lu d’autres ouvrages de ce duo de créateurs et être tombé sous le charme de leur narration : Monet - Nomade de la lumière (2017) ou Degas - La Danse de la solitude (2021). Après avoir lu la bande dessinée, il se plonge dans le copieux dossier et il découvre la postface, dans laquelle le scénariste explicite sa démarche. Il rappelle que : Personne, bien sûr, ne rassemble de la documentation sur les premières années de vie d’une personne ordinaire dont on ne s’attend aucunement à ce qu’elle devienne un jour l’un des plus grands génies musicaux du siècle. Il ajoute que : dans l’univers manouche, c’était seulement par la tradition que l’histoire était transmise, volontairement embellie d’anecdotes, d’exagérations et de contes rarement fiables. Enfin il indique qu’un scénariste historien comme lui accomplit une triple tâche. Un : se mettre en quête de témoignages, sources et récits qui fourniront des faits, des scènes et des rencontres dont la bande dessinée rendra compte. Deux : les transformer en un récit fluide, logique et efficace. Trois : atteindre un équilibre entre les deux précédents pour transmettre au lecteur ce qui est su et ce qu’il est impossible de savoir, de la façon la plus fiable possible, mais aussi la plus passionnante. En commentant une illustration en double page, le scénariste a ce mot : Il restait si peu d’espace libre, dans une vie si pleine… Effectivement, la lecture peut donner une impression de narration dense, à commencer par la taille des lettres plus petite que d’habitude, ainsi régulièrement que la densité d’informations visuelles. Dans le même temps, chaque case s’assimile au premier coup d’œil et se lit facilement. L’artiste utilise un mode amalgamant des traits de contour relativement fins et souples avec de discrets arrondis convenant parfaitement à la jeunesse du musicien, et la technique de la couleur directe pour apporter d’autres informations visuelles, des textures et des ambiances lumineuses. Ainsi il réalise une reconstitution historique étoffée aussi remarquable que naturelle. Le lecteur peut très bien ne pas y prêter attention plus que ça au début. Bien vite, il prend conscience qu’il trouve les éléments qu’il attendait : les roulottes, les tenues manouches, les costumes de gadjé musiciens de Paris avec leur feutre mou, les scènes communautaires des gens du voyage, etc. À l’occasion d’une scène ou d’une autre, la curiosité ou un détail l’intrigue et il prête plus d’attention à une case ou un élément visuel. Il se rend alors compte de l’investissement du dessinateur dans ses représentations. Efa va au-delà de la simple impression globale ou de l’apparence au premier coup d’œil. Il soigne chaque aspect historique : les tenues vestimentaires en différenciant celles plus traditionnelles des Manouches, entre femmes et hommes, ou encore les enfants. Il évoque aussi bien les terrains vagues de la Zone, que les rues pavées de Paris, les rails du tramway, la cour intérieure de l’hôpital Lariboisière. Il soigne également les intérieurs, tant dans leur aménagement que leur décoration, ou encore les accessoires : les roulottes, les bistrots accueillant un orchestre, la chambre d’hôpital, les couloirs de Lariboisière. Dans la première partie, le lecteur se régale avec les quatre cents coups de Django : bagarre de bande, attaque de voiture automobile pour provoquer un accident, tentative de faire dérailler un tramway, et puis l’apprentissage obsessionnel du banjo-guitare avec l’intensité propre à cet âge. Alors que Django devient majeur, sa confiance en lui et son arrogance en impose, avec toujours cette implication dans son art qui le rend sympathique (et puis le lecteur sait qu’il va devenir un dieu de la guitare, mondialement reconnu). Après l’accident, le lecteur regarde le jeune homme à la fois abattu par la perte de son talent, à la fois accablé à la perspective d’une vie de mendiant. La direction d’acteurs insuffle une vie et une plausibilité dans les comportements, au point que le lecteur ressent comme une vérité ce qu’il voit. La mise en scène apporte également une grande clarté dans chaque scène, ainsi qu’une évidence narrative : l’apaisement procuré par la concentration de la pratique du banjo, le contentement ineffable de pouvoir jouer dans un ensemble d’adultes, l’attraction amoureuse magnétique entre Django et Florine Mayer, la communauté manouche unie pour récupérer Django et l’extraire de l’hôpital, les magnifiques deux pages de réapprentissage avec la position de la main gauche sur le manche, etc. Le scénariste a fourni un travail tout aussi remarquable de reconstitution historique que ce soit pour les lieux comme la Zone (espace résultant de l’enceinte de Thiers, surnommé aussi les fortifications ou les fortif’) ou l’hôpital Lariboisière, pour l’évocation de la première carrière de Django avec ses différents chefs de formation musicale : Pierre Vettese dit Guérino (1895-1952), accordéoniste français d'origine sinti piémontaise, Jean Vaissade (1911-1979), accordéoniste et un compositeur français, Jack Hylton (1892-1965), chef d'ensemble à vent, chef d'orchestre, impresario, Émile Audiffred (1894-1948), chanteur, librettiste, parolier et producteur français. S’il connaît le répertoire de l’époque, le lecteur relève les références aux airs populaires, sinon il les découvre dans le dossier en fin d’ouvrage, à commencer par Nuages. Bientôt le lecteur suit Django, en pleine empathie, sans plus se préoccuper de faire preuve de distanciation ou d’esprit critique. Il poursuit sa lecture avec le dossier dans lequel l’auteur expose ce qui relève de faits établis, et ce qui relève d’une interprétation, assimilant par là-même les informations historiques et leur contexte dont il ne disposait pas forcément. Il prend connaissance de l’état d’esprit du scénariste ou de sa ligne directrice : Quand l’historien et le scénariste se mettent finalement d’accord, ils en arrivent à une conclusion claire, il n’existe pas de héros réel qui n’ait sa part de légende. Qu’il ait déjà succombé au charme de Nuages ou non, le lecteur peut éprouver de la curiosité pour les jeunes années de Django Reinhardt, avant la célébrité, ou vouloir retrouver ce duo d’auteurs. Il apprécie immédiatement la narration visuelle colorée et agréable, tout autant que rigoureuse, documentée, à la mise en scène fluide et sophistiquée. Il suit un jeune délinquant sur une mauvaise pente, trouvant sa raison de vivre dans le banjo qui lui permet d’intégrer le monde des adultes en avance, puis le terrible accident et la force de caractère permettant de construire une seconde vie, avec l’aide de sa communauté. Singulier.
La Tempête (David Wautier)
J'apprécie généralement les albums sans texte pour la jeunesse. Pour une fois ce ne sont pas les éditions de la Gouttière (Anuki,Passe-passe, Myrmidon) mais une autre petite maison, Le Diplodocus, qui propose cet excellent récit graphique de David Wautier. Cette série s'adresse surtout aux jeunes lecteurs et lectrices de 4/5 ans comme une initiation à la BD mais pas seulement. En effet j'ai immédiatement été séduit par l'intelligence du scénario qui peut facilement parler à un lectorat plus âgé (comme moi). Tout d'abord 44 pages, c'est beaucoup pour un très jeune lectorat. Cela demande un effort de concentration assez intense pour ne pas lâcher sa lecture. C'est tout le talent de l'auteur de proposer des "rebondissements", une montée dans l'intensité dramatique des évènements puis un final classique mais libérateur pour réussir à capter l'attention jusqu'au bout. Wautier choisit un environnement inhabituel pour un très jeune public : une ferme isolée au pied de la Monument Valley dans le désert de l'Arizona. Un jeune garçon de 5/6 ans s'y promène avec sa petite sœur (et sa poupée) seuls à quelques centaines de mètre de la ferme où la maman est seule à faire le linge. Une entrée en matière particulière car si elle permet une appropriation immédiate pour un très jeune lectorat, elle installe un climat assez fort d'angoisse pour une vision adulte (isolement, vulnérabilité des personnages). Ce sentiment augmente quand on sent le danger invisible arriver. Des Indiens ? des hors la loi ? ce serait un imaginaire adulte sur lequel Wautier joue avec malice. Non ce ne sont que des nuages noirs qui soulagent le lecteur adulte mais pas forcément l'enfant qui voit son espace de confort malmené par des événements qu'il connait bien. Ce (trop) long développement pour montrer comment j'ai trouvé intelligente la construction du récit de l'auteur. Le reste n'est que plaisir des yeux ! le graphisme de Wautier pouvant parler à un public très large. La construction des planches reste dans le classique gaufrier émotionnel et actif avec quelques pleines pages contemplatives. Une très belle lecture pour tous à faire seul.e ou partagée.
Great Kaiju - Gaea-Tima
Ma connaissance des kaiju se limite, pour l'heure, à des films comme Godzilla (celui d'Emmerich, à ma grande honte), ainsi que Pacific Rim (ok, c'est un peu mieux. Sans oublier le roman original japonais qui a inspiré la franchise Gojira à partir des années 1950. C'est maigre, et ce manga est l'occasion de saisir un peu plus l'essence de ce sous-genre très populaire au Pays du Soleil Levant. Ici Gaea-Tima est un monstre qui a provoqué la destruction de toute une ville avant de se dissoudre dans la Mer du Japon, avant de réapparaître dix ans plus tard, dans le sillage d'une survivante de la catastrophe, avec un lien tout particulier, et cette fois peut-être dans la peau du sauveur... L'histoire est assez intéressante pour qui s'intéresse aux mythes shintô, qui ont par exemple inspiré les films de Miyazaki, comme Nausicaä de la Vallée du Vent. Ainsi le Japon, qui subit nombre de catastrophes climatiques tous les ans, a intégré cela dans son quotidien, dans sa culture, dans sa littérature. Et y voit parfois des bienfaits, comme lorsque la nature reprend ses droits après telle ou telle catastrophe... Cette dualité est présente dans les personnages de Miyako et Tatsurumi, chacun incarnant un sentiment opposé concernant Gaea-Tima, le kaiju qui a ravagé la ville une décennie plus tôt. C'est plutôt sympa, et cet aspect sociologique lié au folklore m'intéresse particulièrement? je suis curieux de voir comment cela va évoluer dans les tomes à venir...
Les Carnets de Cerise
Cerise, Cerise, Cerise, voilà une bien jolie surprise. Je ne suis clairement pas le public visé d'une telle série et c'est avec pas mal d'appréhension que je me suis lancé dans sa lecture Cerise est donc une fillette d'une dizaine d'années qui est curieuse de tout et surtout des inconnus qui l'entourent. Sa curiosité (qu'on pourrait aisément qualifiée de mal placée) l'entraine dans des aventures qu'elle consigne dans des carnets. Car Cerise souhaite devenir auteure. A l'heure où les enfants sont plus connectés que jamais (mais toujours moins que demain) c'est très rafraichissant de voir une enfant aimer lire et écrire. Les dessins sont très agréables et alternent habilement entre BD et extraits des Carnets de Cerises. On regrettera juste une colorisation trop informatisée. Tout s'enchaine facilement et la lecture est assez fluide, ce qui est "normal" pour une BD jeunesse. Bien que chaque tome soit indépendant il est quand même préférable de les lire dans l'ordre car cela permet de suivre l'évolution de Cerise et ses amies. D'ailleurs on peut trouver certains clins d'œil aux tomes précédents en cours de lecture Les histoires n'ont pas toutes les même qualités narratives ainsi s'il fallait noter les différents tomes : * Tome 1 : 3/5 une très belle histoire se prêtant parfaitement aux dessins et couleurs de la série. * Tome 2 : 1/5 J'ai détesté cet album pas à cause de l'histoire ou des dessins mais à cause des conflits qui éclatent entre Cerise et son entourage (maman et amies). En continuant la série je pense que ce passage était obligé afin de faire grandir Cerise * Tome 3 : 5/5 Et oui cette histoire de chasse au trésor est ultra touchante, humainement parlant. Certaines blessures de l'enfance mettent très longtemps à guérir. On découvre par la même un peu plus l'histoire de notre héroïne * Tome 4 : 3/5 On redescend d'intensité. L'intrigue, toujours pleine de bons sentiments, est moins touchante que la précédente. Cerise arrivera t'elle enfin à mettre des mots sur ses maux ? * Tome 5 : 5/5 Cette fois c'est Cerise qui enquête sur son passé et c'est très émouvant. Les blessures de Cerise sont contées avec pudeur et empathie. C'est très prenant et ultra touchant Ma note est légèrement gonflée mais il serait dommage de pénaliser la série à cause d'un seul tome. Ce fut sincèrement une belle découverte
Les Gorilles du Général
C'est certainement l'album que j'attendais avec impatience cette année, pour plusieurs raisons. D'une part il est signé Xavier Dorison, dont j'achète la plupart des albums, et d'autre part, ce récit couvre une période de l'histoire qui m'intéresse particulièrement , les débuts de la Vème République sur fonds de guerre d'Algérie. J'avais à ce titre adoré Un général, des généraux de Juncker et Boucq, et je ne compte plus le nombre de livres ou d'essais que je possède sur le Général de Gaulle. Ici, Xavier Dorsion nous fait découvrir les coulisses de la Vème République, à travers l'histoire un peu romancée, des 4 gardes du corps du Général de Gaulle. Et c'est fort réussi.. Les dialogues font mouches, les personnages sont charismatiques et le lecteur est plongé dans le récit comme dans un film. Mais ce qui fait la force de ce premier volume c'est le dessin de Julien Télo, que je découvre ici. Son style me fait songer à celui de Sylvain Vallée. L'ambiance des années 50 est parfaitement retranscrite, des costumes aux voitures, tout y est.. En plus, j'ai lu cette aventure dans l'édition proposée en grand format et en noir et blanc, sous une couverture plus réussie, à mon goût, que l'édition courante. Ce tirage de luxe rend parfaitement hommage au magnifique dessin de Julien Télo et j'espère que les éditions Casterman feront de même pour les autres albums prévus pour cette série. J'ai lu dans un entretien donné par Dorison, que la série est prévue en 10 volumes , vaste programme ! comme dirait de Gaulle. Les auteurs ont certainement signés ici, un des albums qui marquera cette année. Une réussite.
Watership Down
Les avis de Ro et bab m'ont convaincu de me pencher sur ce comics. Comics qui partait avec deux handicaps. Le premier c'est d'avoir des animaux pour personnages principaux, j'ai souvent du mal à adhérer à ce type de récit. Et le second c'est la partie graphique, son rendu ne m'attirait pas vraiment. Deux handicaps qui ont volé en éclats lors de ma lecture. Les éditions "Monsieur Toussaint Louverture" ont, comme toujours, réalisé un superbe travail. Un magnifique écrin pour cette adaptation du chef-d’œuvre de Richard Adams. Des lapins pour personnages principaux, ils sont à la recherche d'une nouvelle garenne, l'un d'eux a eu un mauvais pressentiment. Ils doivent quitter sur le champ leur logis s'ils veulent survivre. A partir de là, on va suivre ce petit groupe aux grandes oreilles à la recherche d'un coin de paradis et de liberté. L'aventure avec un grand A, elle sera semée d'embûches. Un récit qui nous fait découvrir tout un monde complexe, la hiérarchisation est de mise dans la garenne, une société qui fera écho à certains régimes totalitaires. Une fresque touchante et âpre, elle doit énormément à l'humanité qui émane de ce petit groupe de rebelles. Une quête captivante, très bien construite et qui m'a touché en plein cœur. Le dessin de Joe Sutphin m'a conquis par le soin apporté aux détails, mais surtout les émotions qu'il arrive à faire passer au travers une attitude ou d'un regard de nos chers lapins. Un trait gras, légèrement charbonneux et de tristes couleurs retranscrivent toute l'âpreté de ce monde animalier. Rien ne ressemble plus à un lapin qu'un autre lapin, pourtant (cela demandera un peu de concentration) il n'est pas si difficile de reconnaître chaque protagoniste suivant la couleur du pelage, le positionnement des oreilles, une particularité physique.... Ça permet de faire travailler la mémoire. Une très belle surprise. Ne pas oublier de vérifier que le carton reprenant la carte géographique des garennes et le glossaire "Lapine" est bien présent dans la BD. Très important ! Je ne peux que recommander.
Downlands
Gros coup de cœur pour cet album, et merci aux précédents posteurs pour avoir attiré mon attention vers celui-ci. Downlands est un comics à grosse pagination et pourvu d’une certaine densité narrative… que je n’ai pas su lâcher avant d’en avoir tourné la dernière page. L’histoire est en effet prenante en diable, qui traite de nos peurs les plus primaires (la mort, l'inconnu, et surtout l'énigme de l'après-mort) au travers du prisme du folklore et des légendes (anglais dans le cas présent). Il y a le fantôme de cette auto-stoppeuse qui apparait au milieu de la route, ce chien que des personnes voient la veille de leur mort, il y a cette mystérieuse voisine un peu sorcière qui intrigue et effraie les enfants. Il y a cette introduction durant laquelle le lecteur peut s'amuser à recouper différents articles de journaux... Il y a cette famille mystérieusement disparue sans laisser de traces. J’ai adoré l’atmosphère que l’auteur parvient à créer en entremêlant diverses histoires fantastiques, les liant toutes à une petite ville, un quartier, une rue. Porté par un très charismatique personnage central, le récit prend la forme d’une enquête policière dans laquelle le fantastique s’insinue de manière naturelle, ouvrant les portes vers d’autres réalités auxquelles le lecteur que je suis se plait à croire. Force est d’admettre que les légendes qui servent d’ossature au récit ont quelque chose d’universel qui nous les rend intimes, comme si nous avions toujours vécu avec celles-ci, comme s’il était naturel d’y croire. Au-delà de ce déjà très séduisant univers, j’ai également été ému par la description de cette famille touchée par le deuil, murée dans une pudeur silencieuse face à la douleur de la perte. Les lettres que James Reynolds écrit à sa défunte sœur sont une belle démonstration de cette souffrance pudique, camouflée derrière un bon mot ou une anecdote amusante. Et pour parachever l’œuvre, ajoutez un dessin que j’ai beaucoup aimé. Le trait de Norm Konyu m’a fait penser à celui d’Alexandre Clérisse mais le traitement des couleurs (qui opte pour des teintes douces, très pastels) arrondi ce style anguleux tout en lui apportant de la profondeur. J’accrocherais volontiers certaines des planches de ce livre sur le mur de mon salon. Pourtant ce dessin est toujours au service de l’histoire. Il ne la domine pas, il la magnifie, lui apportant poésie, mystère et douceur. Enfin, le récit tient la route jusqu’à sa conclusion. Une conclusion certes classique et sans doute attendue mais qui cadre tellement bien avec l’esprit de ce livre. J’ai achevé cette lecture en dévorant la postface qui revient sur l’origine des différents récits folkloriques qui rythment cette histoire, désireux de conserver le plus longtemps possible cette émotion, ce sourire tendre, triste et joyeux à la fois que Downlands avait réussi à faire naître en moi. Gros coup de cœur !
Le Génie de la forêt
L’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit. – Artistote - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Sa première édition date de 2024. Il a été réalisé par Vincent Zabus avec la collaboration de Francis Hallé pour le scénario et les dialogues, par Nicoby pour les dessins, et par Philippe Ory & Pierre Janneteau pour les couleurs. Il comprend quatre-vingt-seize pages de bande dessinée. Il se termine par un glossaire de sept pages, recensant soixante-trois termes, allant de Anthropocentrisme à V.O.C. (composés organiques volatils), en passant par Cambium, Chablis, Écologie, Fente de timidité, Particules fines, Plante épiphyte, Réitération, Sentiment océanique, Sylvigenèse, symbiose, etc. À Montpellier, Francis Hallé reçoit chez lui le philosophe Aristote. Il indique à son hôte qu’il n’est pas d’accord avec sa classification. Aristote explique qu’il a juste voulu faire un petit classement, il adore ranger, hiérarchiser, organiser. Devant l’attitude fermée de son interlocuteur, il développe son point de vue : il a classé les organismes du plus simple au plus complexe, dans une pyramide. Alors… Tout en bas, le minéral… Puis le végétal. Au-dessus les animaux. Et enfin nous, tout en haut. L’être humain est au sommet de tout. Même si Francis est botaniste et qu’il va sans doute le heurter, Aristote conclut que pour lui l’existence du végétal n’est justifiée que par l’usage qu’en font les humains. Francis lui répond de manière sèche que le philosophe aurait mieux fait de ne jamais se mêler de botanique. Il ajoute que ce classement est tout simplement à l’origine de la crise écologique actuelle. Il explique que le prestige dont Aristote jouit va conduire l’Église à reprendre ses idées au moyen âge, et ça va s’amplifier à la renaissance. Résultat : à partir du XVIIIe siècle, toute l’Europe admet ce principe de l‘échelle de la nature, qui influence encore considérablement la vision du monde contemporaine. Et c’est grave : c’est l’anthropocentrisme qui laisse croire à l’homme qu’il occupe une place particulière sur la Terre, qu’il est le plus important, que la nature est à son service. Francis et Aristote sortent à l’extérieur et ils regardent Voltaire assis sur une chaise, en train d’écrire que depuis qu’il s’est retiré à Ferney, il ne fait que planter des arbres. Voltaire sait qu’il est trop vieux pour jamais voir leurs fruits, ni pouvoir profiter de leur ombre, mais il ne voit pas de meilleur moyen de s’occuper de l’avenir. Francis raconte ensuite qu’il y a quelques années, des scientifiques japonais ont prouvé qu’une promenade en forêt – ils parlent même de Shinrin-yoku, de bains de forêt – avait plein de bienfaits : ça diminue les rythmes cardiaques, la tension, le stress… puis les deux hommes se placent devant un arbre de grande envergure et Francis explique que l’arbre est une forme de vie qui n’est pas du tout comme celle d’un humain, une altérité radicale. Le fait d’avoir des arbres et de la nature tout autour donne l’impression de les connaître. Mais à vrai dire, on ne les connaît pas du tout. Même les arbres les plus communs posent, aux scientifiques, de nombreuses questions. Les découvertes à faire sont encore énormes. Le lecteur constate rapidement que ce récit s’apparente à un exposé des connaissances et des théories du botaniste Francis Hallé, au cours d’une discussions avec Aristote (-384 à -322). Ce chercheur est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, la majeure partie ayant trait aux arbres, évoquant son exploration des canopées forestières avec le radeau des cimes, l’architecture des plantes, la vie des arbres, la forêt tropicale, la beauté du vivant. Le lecteur profite ainsi de cet exposé très vivant, des remarques d’Aristote, parfois taquin, souvent émerveillé, jouant le rôle du candide. L’auteur intègre une poignée de citations du philosophe, de type maxime, sans développer sa pensée, au-delà de la pyramide de l’ordre naturel. La discussion constitue une forme très agréable, facile à suivre commençant avec la remise en cause de la pyramide, puis les auteurs enchainent avec l’altérité radicale des arbres, la beauté de la nature, la notion d’immortalité des arbres avec un séquoia, ceux unitaires et ceux coloniaires, les réitérations, la rénovation de la charpente de Notre-Dame, l’efficacité d’un être constitué de trois organes (racine, tige, feuille) et fonctionnant avec la photosynthèse, les sens de la vue et de l’ouïe appliqués aux arbres (avec les exemples du cyprès et de la codariocalyx motorius), la symbiose avec les champignons et avec les fourmis, la forêt primaire, la canopée, pour finir avec le sentiment océanique. Ce genre d’ouvrage à visée vulgarisatrice choisit souvent la technique de mettre en scène un avatar du sachant qui va ainsi exposer ses connaissances directement au lecteur, ou au bénéfice d’un personnage novice. Ici, les auteurs ont opté pour une solution très légèrement distincte : Aristote a été un botaniste avec une vision très différente de l’ordre naturel. Francis peut s’adresser à lui en tenant pour acquis des informations basiques tout en lui faisant des mises à jour du fait des deux millénaires écoulés. Les auteurs mettent également à profit le médium de la bande dessinée pour faire voyager les deux personnes, leur faire changer d’endroit en un clin d’œil, ou juste d’une case à l’autre, alors que le dialogue continue. Francis évoque les bains de forêt (Shinrin-yoku), et les balades en forêt. En effet il va entraîner son interlocuteur (et par là-même le lecteur) à une longue balade. Elle commence donc dans sa maison à Montpellier. Les deux personnages sortent dans le jardin, et saluent Voltaire en passant, puis ils vont se planter devant un arbre d’une dimension majestueuse. Et c’est parti pour la balade : le Parthénon (un séquoia géant formé de plusieurs troncs en cercle issus d'un même arbre, en Californie), une haie de houx royal de Tasmanie, un petit passage par le jardin botanique de Xishuangbanna en Chine, un bref retour à la maison, avant de repartir pour Kyoto au Japon, puis une forêt primaire, une forêt tropicale, et un séjour inoubliable dans le radeau des cimes sur la canopée pour revenir en Europe et évoquer un projet de forêt primaire de soixante-dix mille hectares dans les Ardennes franco-belges et la région réunissant Vosges du Nord françaises et Rhénanie-Palatinat allemande. Les dessins s’inscrivent dans une veine descriptive, semi-réaliste, simplifiée, avec un trait de contour fin et léger, des formes nourries par une mise en couleur de type naturaliste, rendant bien compte des ambiances arborées. Le lecteur se rend compte qu’il apprécie de pouvoir accompagner ainsi les deux personnages en balades. Le degré de simplification dans les représentations rend les dessins immédiatement lisibles, pour une lecture facile. Dans le même temps, l’artiste sait inclure des éléments visuels spécifiques et particuliers comme la forme des tuiles du toit de la maison de Francis, la rambarde de sa terrasse, les différentes formes d’arbres, des engins d’abattage d’arbres identifiables et conformes à la réalité de cette industrie, quelques schémas simples en petit nombre, l’urbanisme spécifique de Kyoto, la forme caractéristique du radeau des cimes en hexagone avec ses filets, et bien sûr les différentes configurations des forêts, d’arbres clairsemés à la pénombre du sous-bois de la forêt tropicale, le spectacle magnifique de la canopée, et une ou deux coupes montrant le réseau racinaire, ainsi que sa symbiose avec les filaments des champignons. Outre la conviction des propos du botaniste, le lecteur ressent une envie irrépressible d’aller faire un tour en forêt, simplement en regardant les dessins. Aristote et Francis sont représentés comme deux adultes, avec des postures et des gestes mesurés et posés, à l’exception du passage où le botaniste explique l’incidence des arbres sur la structure physique de l’être humain. Lors de cette séquence, le lecteur en oublie que Francis a déjà vécu huit décennies. Les échanges des deux hommes comprennent une forte proportion d’informations scientifiques vulgarisées, ainsi que des prises de position et des réactions émotionnelles. Il y a bien sûr l’admiration de Francis Hallé pour les arbres, le scepticisme initial d’Aristote qui évolue progressivement vers un émerveillement. Ainsi l’exposé échappe à l’aridité encyclopédique et se trouve incarné au travers de la personnalité du botaniste. S’il est déjà familier des travaux du chercheur, le lecteur trouvera une synthèse de ses idées directrices, dans une formulation tout public. S’il est ignorant en la matière, le lecteur va de découverte en découverte. Il commence par retrouver des principes bien connus sur la fonction des arbres, de la captation du CO2 au rafraîchissement de plusieurs degrés en cas de canicule. Puis il passe à des notions moins basiques : le principe de coloniarité qui fait d’une forêt un tout plus grand que la simple somme des arbres qui la composent, en mettant en avant des capacités de communication entre les arbres. Il découvre également le concept de timidité des arbres : des sujets de la même espèce qui se développent à proximité, de telle sorte que leurs cimes ne se touchent pas, laissant une fente de timidité. Le tome se termine avec ce projet d’initier une nouvelle forêt primaire en Europe, en passant en revue tous les bénéfices associés : lutter contre le réchauffement climatique, reconstituer un grand réservoir de biodiversité, protéger la vie humaine, assurer l’abondance et la qualité des ressources hydriques, développer la recherche, encourager le développement territorial, la citoyenneté, les pratiques artistiques… Une balade en forêt avec un botaniste de renommée mondiale : une proposition fort sympathique. Le scénariste et le dessinateur mettent en scène cette balade entre Francis Hallé et Aristote, dans un mode narratif agréable et facile. Le lecteur ressent vite l’envie irrépressible de se promener en forêt tout en s’acculturant avec des termes comme canopée et chablis, avec les propriétés des arbres comme la communication entre eux, jusqu’à la découverte du fonctionnement d’une forêt primaire. Une balade relaxante et enrichissante.