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Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Smoking - La Révolution Yves Saint Laurent
Smoking - La Révolution Yves Saint Laurent

Comment redessine-t-il le corps de la femme dans cette nouvelle collection ? - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, s’attachant au Smoking et aux contextes de sa création. Son édition originale date de 2024 Il a été réalisé par Loo Hui Phang pour le scénario, et par Benjamin Bachelier pour les dessins et les couleurs. Il comprend environ cent-quarante pages de bande dessinée. Il se termine avec huit pages présentant de manière synthétique trente-quatre personnalités historiques croisées au cours de l’ouvrage, d’Anne-Marie Muñoz (1933-2020) à Marcel Proust (1871-1922), puis par une chronologie reprenant vingt-deux dates de la vie de Saint Laurent, et quatorze dates d’événements choisis dans l’évolution de la condition sociale de la femme en France. Prologue en mouvement. En 1966, à sa table de travail, Yves Saint Laurent est en train de réaliser le croquis d’une nouvelle création. Anne-Marie, une assistante entre dans la pièce et lui indique que les premiers et les premières d’atelier attendent ses croquis. Il lui remet son dernier croquis, elle commente : un nouveau défi pour l’atelier. Il explique : un Smoking, comme celui des hommes, mais adapté à la femme. Le vestiaire masculin est une pyramide et le smoking en est le sommet. Elle répond qu’il fait un vrai hold-up : ce sera une révolution. Il corrige : non, juste une évolution. – Avancer. New York en 1967, Betty Catroux retrouve Yves Saint Laurent au pied d‘un immeuble. Il lui demande ce qu’elle a fait à ses cheveux. Il trouve que c’est sauvage, c’est chic. Quand elle lui dit qu’elle ne les a pas lavés depuis cinq jours, il s’exclame : Quelle horreur ! Et il lui demande d’aller les laver, ce qu’elle refuse. Il continue ses observations : parfum d’homme et cigarette, il ne lui demande pas ce qu’elle a fait cette nuit. Elle répond qu’elle a passé la nuit dans un bouge et qu’elle ne s’est pas changée. Yves Saint Laurent constate que Betty Catroux porte un Smoking de la dernière collection, et rien en dessous, et les mains dans les poches en petite allumeuse. Il conclut qu’elle est son héroïne. Le grand couturier se lance dans un développement sur le pouvoir diabolique des poches. Il lui indique deux femmes devant qui demandent une table pour déjeuner dans un grand restaurant. La première sans poches se présente devant l’hôte d’accueil du Hilton qui lui demande si elle a réservé : Saint Laurent estime qu’elle a l’air d’une idiote et en effet elle n'obtient pas l’accès. La seconde se présente les mains dans les poches affichant une grande confidence et le majordome la prie de le suivre à l’intérieur. Le grand couturier explique : Les vêtements induisent des gestes, et ces gestes sont des signes. Il poursuit : en l’occurrence, les mains dans les poches sont l’attitude du dominant, celui-ci a le pouvoir en toute décontraction. À leur tour, ils s’approchent de l’entrée, et la femme sans poche reconnaît le créateur. Le maître d’hôtel répond qu’il ne peut pas les laisser entrer. Alors que Saint Laurent fait observer que le restaurant n’a pas l’air bondé, l’hôte explique que les femmes en pantalon ne sont pas admises dans l’établissement. Le titre indique explicitement le sujet de l’ouvrage : en quoi le Smoking féminin créé par Yves Saint Laurent a constitué une révolution. Dans un premier temps, l’ouvrage peut apparaître déconcertant. Yves Saint Laurent (1936-2008) a remis le croquis fatidique : celui du premier Smoking pour femme, avec un S majuscule pour désigner cette variation sur un vêtement masculin. Puis, le lecteur le suit accompagné par le mannequin français Betty Catroux (1945-) qui fut également sa muse. Pour une question d’accès à un grand restaurant newyorkais, puis un autre, ils rencontrent différentes personnalités historiques, et ils évoquent leur parcours personnel, ainsi que des faits historiques comme la création du modèle initial du smoking (pour homme, sans majuscule). La narration visuelle présente elle aussi des particularités marquées. Elle commence avec des dessins réalisés au crayon sur une feuille de papier blanc cassé de jaune, dont l’artiste semble avoir découpé les contours pour les coller ensuite sur la page blanche, comme s’il avait lui-même réalisé des croquis, une mise en abîme de ceux réalisés par le grand couturier. Pour la première page du chapitre Avancer : une illustration en pleine page mêlant décors à la peinture, et Betty encrée en noir & blanc sur un trottoir blanc immaculé. Le reste de la bande dessinée va ainsi mêler ces trois modes graphiques : croquis sur papier jaune, noir & blanc, couleur directe. Autre caractéristique très forte du récit : l’intervention de personnages historiques. Saint Laurent fait rapidement mention de Coco Chanel (1883-1971, Gabrielle Chasnel), puis il évoque Pélagie d’Antioche (Ve siècle), et il rentre dans le détail : Marguerite était une comédienne belle et frivole, elle voulait faire pénitence en se retirant dans un couvent de moines basiliens, sous le nom de frère Pélage. Elle voua son existence à Dieu, recluse dans une petite cellule. Son dévouement forgea son extraordinaire réputation. À sa mort, les moines et le clergé découvrirent que frère Pélage était une femme. Remplis d’admiration, ils rendirent grâce à Dieu. Cette femme est donc citée pour avoir porté le pantalon. Puis Betty & Yves rencontrent Julien Joseph Virex (1775-1846, naturaliste et anthropologue) : celui-ci affirme que le pantalon est l’attribut de l’homme et que Betty n’a pas le droit de l’usurper, jugement qu’il fonde sur ses études qui établissent que la nature a conçu l’homme pour penser, la femme pour enfanter. Mais voilà qu’intervient Madeleine Pelletier (1874-1939) habillée en costume masculin, première femme médecin diplômée en psychiatrie en France, accompagnée de Rrose Sélavy (c’est-à-dire Marcel Duchamp, 1887-1968, travesti en femme) et Candy Darling (1944-1974, née James Lawrence Slaterry) qui attestent qu’il existe des exemples de porosité entre les deux genres. Apparaissent ainsi une trentaine de personnes certaines connues comme Andy Warhol (1928-1987), Alexandra David-Néel (1868-1969, exploratrice, première femme occidentale à atteindre Lhassa), Yoko Ono (1933-, artiste), George Sand (1804-1876, écrivaine), jusqu’à Michel Butor (1926-2016, écrivain), Simone de Beauvoir (1908-1986, philosophe et féministe), Marcel Proust (1871-1922) et bien d’autres. Ainsi que certains moins connus du grand public comme Sophie Foucauld (années 19830, typote, surnommée la femme-culotte), Marie Marvingt (1875-1963, cycliste, soldat, infirmière de l’air) ou encore le grand couturier Paul Poiret (1879-1944). Et d’ailleurs, le principe de couper puis de coller des dessins sur la page rappelle la manière de faire de Philippe Dupuis qui a consacré une bande dessinée à Paul Poiret : Peindre ou ne pas peindre (2019). Quoi qu’il en soit, celle-ci commence avec des dessins sans bordures, pour le prologue, puis avec une illustration en pleine page pour l’ouverture du premier chapitre, avec ensuite des cases alignées en bande, sans gouttière pour les séparer dans une même bande. Parfois un personnage ou un objet (comme une cravate découpée) peut dépasser de la bordure d’une case, sur la bande inférieure. À d’autres moments, l’artiste peut revenir à des images sans bordure, juxtaposées, ou comme en insert les unes à côté des autres. Une juxtaposition d’images par exemple pour les différents stades d’évolution des braies au pantalon des sans-culotte. Il continue de d’entremêler des passages en noir & blanc, avec des passages en couleurs, parfois au sein d’une même case. Lorsqu’il s’agit d’évoquer le noir du Smoking, le grand renoncement à la couleur, les fonds de page deviennent noirs. Puis les dessins se font plus conceptuels, se rapprochant de l’abstraction. Le lecteur a tôt fait de s’adapter à cette apparence sortant de l’ordinaire, pour apprécier la liberté qu’elle apporte, ainsi que son élégance, et sa capacité à aborder des thèmes et des idées très variées, autour du port du pantalon et du geste politique que constitue la conception de tenues pour les femmes. De la même manière, la construction de la balade de Betty & Yves marie élégamment une approche chronologique sur le port du pantalon à travers différentes civilisations, des éléments techniques sur la haute couture et des informations personnelles sur ces deux personnages. Sans être de nature biographique, le récit évoque les origines de Betty et celles d’Yves ainsi que leur parcours professionnel, sans s’appesantir sur leur vie affective et amoureuse ou sur les polémiques de leur vie (par exemple les sources d’inspiration de La vilaine Lulu, 1967). Le lecteur découvre également le rôle des premiers d’atelier, avec Jean-Pierre Derbord et Alain Marchais premiers d’atelier pour Yves Saint Laurent, l’origine du smoking pour homme grâce aux goûts d’Édouard VII (1841-1910), l’importance des tenues militaires dans la création de Saint Laurent (le caban, la saharienne, le trench) le symbolisme du noir dans les vêtements, etc. Tout du long, la question du port du pantalon occupe également une place importante : en particulier la franche opposition des hommes à ce que les femmes puissent en porter, dans la société occidentale, avec de nombreuses références culturelles et historiques mettant en évidence que cette transgression relève d’une construction artificielle, qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Même si Yves Saint Laurent répond à Betty qu’il s’agit d’une évolution, le lecteur comprend en quoi le Smoking féminin a constitué une révolution, comme l’annonce le titre. En effet, le Smoking (le modèle féminin créé par Yves Saint Laurent) est bien au centre de cet ouvrage qui le contextualise dans l’époque où il a vu le jour, aussi bien socialement que culturellement. Scénario et narration visuelle sont en phase : faisant usage d’une liberté de créer, de jouer sur les formes, aussi bien celle de la balade du couturier et de son modèle à New York qu’esthétiques entre couleurs et noir & blanc, représentations figuratives et croquis, pour mettre en scène une phase significative de la modernité, provoquée par cette création haute couture. Plus que la mode, une libération.

14/04/2025 (modifier)
Couverture de la série Karmen
Karmen

Ouh, voilà un album avec une base classique mais une exécution efficace ! J'ai décidé de lire cet album sur un coup de tête, la couverture m'avait attiré l'œil et les quelques pages mises à disposition sur le site m'avaient donné envie de lire l'histoire. C'est un genre de récit qui marche beaucoup sur moi, mêlant réflexions profondes sur la vie et l'humain et une forme fantasque. Ici, il est question de mort, de suicide, d'erreurs, de choix, de l'importance de chaque actions et décisions que l'on prend. Catalina est seule, Catalina est amoureuse d'un homme qui la trompe avec sa propre colocataire, Catalina ne sait plus quoi faire, Catalina se tranche les veines sur un coup de tête. Sauf qu'au lieu de mourir, Catalina reçoit la visite d'une étrange jeune femme du nom de Karmen, dont le nom va très rapidement nous faire comprendre le rôle qu'elle va jouer dans cette histoire : celui du juge karmique. L'histoire est efficace, en tout cas c'est le genre d'histoire qui me parle énormément. J'aime les récits où les fonctionnements naturels de l'univers sont régis par des êtres parfaitement humains (en tout cas humanoïdes), influençant personnellement le fonctionnement des choses. J'aime aussi les récits où un élément fantastique vient chambouler le quotidien, où une vie tout ce qu'il y a de plus banale change du jour au lendemain à cause d'un évènement paranormal, où la vie quotidienne d'antan prend toute sa saveur face aux conséquences du fantastique. J'aime enfin le sujet de la mort, son inéluctabilité, ses symboliques, la valeur qu'elle donne à la vie par contraste, et aussi ses conséquences pour les vivant-e-s. Comme beaucoup, malheureusement, je suis familière avec le sujet du suicide, l'isolement, le poids de l'idée, le risque parfois de passer à l'acte sur un coup de tête. Peut-être est-ce pour cela, d'ailleurs, que l'album m'a autant touché. En tout cas, j'ai pleuré à chaudes larmes. Je ne peux que conseiller cet album, cela a été une excellente surprise pour moi. (Et je vais de ce pas rappeler les personnes que j'aime).

14/04/2025 (modifier)
Couverture de la série Et si l'amour c'était aimer ?
Et si l'amour c'était aimer ?

C'est une histoire somme toute classique d'amour, de secrets, de tromperies, de passés troubles et de rebondissements abracadabrantesques. Sandrine tombe un beau jour éperdument amoureuse du beau Michel, le musicien engagé au visage angélique arrondissant ses fins de mois en livrant des macédoines. Mais Sandrine est mariée à Henry, un brillant homme d'affaire avec qui elle vivait jusque là le parfait amour (en tout cas, la vie était une suite de surprises sans cesse renouvelées). Leur idylle parviendra-t-elle à embarquer vers les horizons majestueux de l'amour véritable, ou bien les vents de la destiné feront-ils couler leur relation avant-même de quitter port ? Mari, amant, ancien amant, ancien amant bis, ami jaloux (mais ça n'a rien a voir avec le fait qu'il n'a jamais connu son père), devront tous se montrer rusés afin de pouvoir parvenir à leur fins. Ici, comme souvent avec Fabcaro, c'est un délire absurde jouant sur le contraste d'une forme pseudo-sérieuse et d'un fond profondément débile. C'est une histoire d'amour façon telenovela, jouant sur les codes-même du genre, notamment en parodiant des moments clés de ce genre d'intrigues comme les scènes d'expositions bateaux, les passés troubles, les métaphores verbeuses et les révélations miraculeuses de fin d'histoire. Tout cet amoncellement de blagues de connivences, de personnages archétypaux profondément idiots et d'envolées lyriques qui feraient pâlir une certaine grande reporter (et future femme de médecin), ça me fait personnellement rire aux éclats à chaque relecture. Vraiment, même si je reconnais à Zaï Zaï Zaï Zaï d'être la plus aboutie des créations de Fabcaro, c'est bien cet album qui m'apparaît comme son meilleur, et de loin. Sans doute suis-je plus sensible à l'humour parodique et con typique des pastiches de telenovela.

13/04/2025 (modifier)
Couverture de la série Zaï Zaï Zaï Zaï
Zaï Zaï Zaï Zaï

Bon, l'album a reçu tant de louanges, je ne saurais pas vraiment quoi ajouter. C'est sans doute l'album le plus abouti de son auteur, celui où il a perfectionné son humour, sa forme narrative, où il s'est même essayé à un nouveau style graphique qu'il réutilisera beaucoup par la suite. C'est l'histoire d'un type lambda (l'auteur lui-même, comme toujours) qui oublie sa carte de fidélité à la caisse et va donc décider de fuir. De cet évènement tout ce qu'il y a de plus banal va se lancer une intrigue rocambolesque, parodiant road movie et thriller, jouant sur une forme sérieuse et un fond absurde, et mêlant humour con et critique social (notamment envers les médias qui enveniment les situations en brassant du vent, les artistes bourgeois profitant des drames sociaux pour faire parler d'elleux, ou encore les débats publiques qui se contentent plus souvent d'enchaîner les mots clés plutôt que de vraiment apporter des propos réfléchis). Comme dit plus haut, Fabcaro perfectionne ici ses rengaines habituelles : le regard que les autres portent sur sa profession de bédéiste, ses angoisses, ses craintes sur le monde qui l'entoure, sa vision pessimiste mais comique des comportements humains traités sous l'angle de l'absurde, des dialogues volontairement ampoulés, ... S'il faut faire découvrir l'auteur à quelqu'un, c'est sans doute l'album a conseillé (avec l'un de ces romans et l'une de ses premières BD d'anecdotes absurdes comme Le Steak Haché de Damoclès pour également voir ses autres types de créations). C'est con, c'est drôle, ça parvient à être plus qu'un simple délire absurde, ça a reçu un succès mérité, … Vraiment, que dire qui n'a pas déjà été dit ?

13/04/2025 (modifier)
Par Hervé
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Electric Miles
Electric Miles

Depuis quelques années, J'ai pour habitude d'acheter la version noir et blanc, et la version couleur à chaque sortie d'un album signé Nury et Brüno. Avec cet album, je n'ai pas dérogé à cette habitude, aussi j'ai été surpris de découvrir une version n&b d'une grande qualité éditoriale : un grand format avec dos toilé. Le dessin de Brüno y prend toute son importance car, il faut le dire, son style inimitable et simple à la fois fait beaucoup dans le succès de ses albums signés avec Fabien Nury. Pourtant à la lecture de cet album, dans les deux versions, je dois dire que ma préférence va, pour une fois, vers la version courante, les couleurs de Laurence Croix, apportant au récit une touche des années 40 qui n'est pas pour me déplaire. Le duo d'auteurs n'ayant pas signé un one shot ici, cet album se présente comme une longue introduction qui oscille entre récit de Charles Burns et le réel avec l'histoire romancée de Ronald Hubbard, créateur de la scientologie. Car, je crois que cette histoire, dont nous ne connaissons pas encore le nombre de volumes qui la composera, s'achemine sans nul doute vers cette "découverte révolutionnaire" dont il est fait mention sur le quatrième de couverture. Mais cet album ne se limite pas à cela, l'auteur distille sa vision du monde éditorial de l'Amérique des années 40, dominé par le polar et la science fiction, comme le prouvent les couvertures des revues présentes dans le dossier en fin d'album. Même si le lecteur peut sembler rester sur sa faim, j'ai beaucoup aimé ce premier album, et j'ai hâte de découvrir la suite.

12/04/2025 (modifier)
Par Spooky
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Sa Majesté des Mouches
Sa Majesté des Mouches

J'ai une relation particulière avec le premier roman de William Golding. Comme certains ici et comme l'autrice, je l'ai découvert en cours d'anglais, vers l'âge de 13 à 15 ans. Ce fut immédiatement un choc. Dans un récit d'une puissance, d'une fulgurance que j'ai rarement rencontrées depuis, l'auteur britannique a su saisir la substantifique moëlle de deux aspects de l'Homme : le délicat passage de l'enfance à l'adolescence, avec une autonomie renforcée mais parfois chaotique, et d'autre part la frontière fragile entre la civilisation et la barbarie. Un roman court, tétanisant, que j'ai dévoré à l'époque en VO, et relu dans la langue d'origine et en français depuis. Une histoire qui m'a hanté pendant une trentaine d'années, au point de vouloir moi-même l'adapter en bande dessinée. Mais les éventuels problèmes liés aux droits d'auteur (Golding étant mort en 1993) et peut-être une immaturité dans le projet l'ont bien vite fait capoter; Je referme là la parenthèse personnelle pour revenir à l'album d'Aimée de Jongh. Lorsque j'ai vu la sortie de cet album, j'ai eu un petit pincement au cœur, et n'ai pas hésité longtemps avant de l'acquérir (après l'avoir bien sûr feuilleté pour m'assurer qu'au moins mes yeux se régaleraient). J'ai mis un peu plus de temps avant de le lire, souhaitant bien sûr m'entourer des meilleurs conditions pour lire cet album que, quelque part, j'attendais impatiemment. Et le résultat ne m'a déçu. Sur le plan graphique tout d'abord. Il fallait un(e) artiste au style à la fois anguleux et au trait bien affirmé pour adapter cette histoire, qui s'adresse autant aux jeunes ados qu'aux adultes. Aimée de Jongh requiert en effet ces qualités, avec une mise en couleurs qui insiste sur les verts et les nuances de feu, des nuances qui ont toute leur importance dans le récit. J'ai beaucoup aimé également son traitement des moments-clés, tels l'acharnement des enfants sur Simon, la chute de Piggy, ou encore la découverte de la conque et les premiers échanges entre les enfants. J'ai beaucoup aimé ses choix de cadrages, sur les visages ou sur d'autres parties du corps, que ce soit pendant les scènes d'action ou plus contemplatives. Pour moi on n'est pas loin de l'adaptation que j'aurais aimé voir. Je recommande donc cette lecture à toute personne de plus de 12 ans si elle ne connaît pas le roman, car c'est pour moi, tout simplement, une excellente adaptation d'un roman majeur du XXème siècle.

12/04/2025 (modifier)
Couverture de la série Les Nuits de Saturne
Les Nuits de Saturne

J'ai dévoré avec avidité cette adaptation d'un roman noir de Marcus Malte. Je ne connais pas l'œuvre d'origine mais Gomont lui fait honneur de brillante façon. J'ai été happé dès les premières planches par cette ambiance glauque que le graphisme de l'auteur retranscrit à merveille. Il y a beaucoup d'inventivité dans la poursuite de ces deux récits en parallèle des couples Clovis/ Nathalie et Clovis/Cesaria. Les sauts temporels soulignés par une très légère différence de couleurs sont introduits de manière si ingénieuse que la fluidité du récit reste parfaite. Gomont s'arrange à créer un équilibre qui fait monter l'intensité dramatique de façon similaire dans chacune des deux histoires. J'ai donc autant été passionné par l'histoire Brigade Rouge que par le road trip avec Césaria. Si Clovis est un personnage classique et attachant même dans ses actions troubles, j'ai beaucoup aimé l'opposition des personnages Nathalie/Césaria. Ces deux personnages s'inscrivent parfaitement dans les époques décrites, les années de plomb puis les années SIDA. Au milieu de ces ambiances mortifères il y a ces deux histoires d'amours improbables et inabouties car secondaires pour un Clovis aveugle. Le graphisme de Gomont est entièrement synchrone avec l'esprit du roman. Les expressions sont très bien travaillées avec un Clovis taiseux, une Nathalie fofolle et une Césaria profonde. Le final m'a bouleversé pour conclure une lecture qui m'a séduit de bout en bout. Un top pour ce genre.

12/04/2025 (modifier)
Couverture de la série Simone
Simone

C'est vraiment un super livre !! Je le conseille vraiment aux gens intéressés par la Guerre mondiale. C'est le seul livre que j'ai lu avec Irena qui m'a vraiment fait prendre conscience de ce qu'ont subi les gens pendant la guerre, à quel point ils souffraient, à quel point c'était grave. Je le déconseille au moins de 12ans car c'est violent et très triste, mais ça reste incroyable !

11/04/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Rébétissa (L'Antidote)
Rébétissa (L'Antidote)

Je peux arrêter de lire des BD jusqu’à ma mort après cette plongée dans les bas-fonds du Pirée en compagnie de ces attachants Rébètes. David Prudhomme, en sortant une suite (et fin ?) à Rébétiko (je n’osais même pas en rêver), vient en effet d’accomplir un petit exploit : faire mieux que Rébétiko ! Que dire ? Par où commencer ? Rébétissa (l’antidote) m’a procuré un tel bonheur et a généré en moi des émotions si vigoureuses que je ne me sens pas du tout à la hauteur pour rédiger une critique. Peut-être par-là : j’étais l’un des musiciens, et tous à la fois. J’étais même les chanteuses, Béba ou Marika. J’ai ressenti leur colère, leur force intérieure inébranlable face à l’inéluctable. J’étais de leur combat et de toutes leurs petites combines. J’ai fumé le narguilé avec eux, j’ai voulu me battre, défendre moi aussi le café de Katina. J’ai voulu fuir, tout quitter. Et j’ai chialé comme un gosse dans les dernières pages. L’essentiel passe par le dessin dément de David Prudhomme. Dans cette version en noir et blanc, bien meilleure selon moi que la version colorisée (qui est elle-même moins réussie que pour Rébétiko, voire carrément ratée), le lecteur en prend plein les mirettes. L'écrin est magnifique. Les fonds couleur crème font ressortir le trait. C'est magnifique. Prudhomme fait preuve d’une maitrise totale des jeux d’ombre et de lumière. Le dessin s’anime, on entend penser tout haut les personnages, on voit leurs idées flotter dans l’air et se mêler à la petite fumée du haschich. A la faveur d’un regard, l’émotion éclabousse la page. Tous dansent, chantent, fument, tentent de faire bonne figure face à l’adversité, et dignes. Oui, j’insiste : on peut même les entendre penser ! Qu’est-ce qu’ils sont beaux ces personnages ! Perso, j’adore le fanfaronnant Stavros ou l’espiègle Batis, mais tous sans exception sont attachants jusque dans leurs travers. Et même les nouveaux que l’on découvre sont extrêmement soignés, à l'image de la savoureuse Katina. Le scénario prend ici un relief qui en comparaison semble à peine esquissé dans Rébétiko. Dans ce volume, la situation devient réellement tragique car l’étau de la dictature se resserre. Les personnages sont amenés à faire des choix qui les engagent totalement tant ils se retrouvent acculés, et face à la répression, toutes et tous restent dignes jusqu'au bout. On ne pouvait rêver plus beau chant du cygne. Les dialogues ne gâchent rien, même si par-ci par-là, le lecteur pointilleux pourra relever quelques futilités qui auraient pu ne pas exister pour laisser d’avantage de place au dessin. Mais franchement, vue la qualité exceptionnelle de l’ensemble, on oublie… Rébétissa s’inscrit dans la grande lignée des tragédies grecques. Mais au-delà de toutes ces considérations, ce récit saisit quelque chose du monde d’aujourd’hui. J’aimerais ne pas trop en dire afin de laisser le plaisir de la découverte, mais oui, nous sommes, Nous, collectivement, les Rébètes. Pour reprendre les paroles de l'un d'entre eux, "nous avons le malheur de n'être que ce que nous sommes, dans un monde qui ne veut plus de ce que nous sommes". J'avoue que ce sentiment de décalage s'accorde en tous points avec mon propre ressenti. A moins que ce ne soit Prudhomme lui-même qui nous exhorte à le devenir ? Fin d’un monde, fin d’une culture, mise en place d’une dictature… Mais c’est véritablement la toute fin qui saute à la gueule. Il y a dans cette dernière scène une métaphore subtile, à la fois touchante, mélancolique et effrayante... Juste pour dire comment j'ai transposé tellement le tableau est vivant... Voilà dit dans un désordre abominable tout le bien que je pense de cette BD. Bien entendu, mes centres d’intérêt personnels y sont pour quelque chose. Ma passion pour la musique, et en particulier le Blues et le personnage d’Alan Lomax (qu’on retrouve d’ailleurs un peu sous les traits du personnage de Péristéris) n’a fait que décupler mon affection pour cette histoire. Mais y a pas à tortiller : Rébétissa (l’antidote) est l’œuvre d’un grand !

11/04/2025 (modifier)
Par Spooky
Note: 3/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Toxique
Toxique

Matthias Bourdelier, ancien libraire, est aussi un ancien élève du Cesan, établissement spécialisé dans la BD. Son premier album connu est ce recueil de saynètes où il propose de vivre différentes relations toxiques. le plus souvent il s'agit de conversations entre amis ou amants sur une terrasse, au cours d'une soirée, sur l'oreiller. Les dialogues sont assez fins, même si pas toujours crédibles, mais on est bien sûr dans le registre de la caricature, avec de l'exagération et du raccourci pour appuyer les effets. Et cela fait mouche la plupart du temps, on voit bien les red flags apparaître au fil des conversations, les silences coupables, les situations d'emprise, le côté passif-agressif de certain(e)s. Les situations sont assez diversifiées pour qu'on ait un éventail assez large. Graphiquement et en termes de mise en scène il y a une parenté avec ce que fait Fabcaro dans ses BD absurdes, un style relativement réaliste avec des poses répétées tout le long du sketch, (mais avec des variations (un bras qui se lève, par exemple). Ce qui permet de se concentrer sur l'essentiel, les dialogues. Seul petit regret, que les relations toxiques au boulot soient finalement peu ou pas traitées.

11/04/2025 (modifier)