Les derniers avis (8010 avis)

Par Spooky
Note: 3/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série La Bataille de Claudine
La Bataille de Claudine

Forts du succès de la série Le Réseau Papillon, Franck Dumanche et Olivier Otéro ont voulu exploiter un peu plus le filon. Avec l'aide de Michel-Yves Schmitt au scénario, ils ont donc développé l'histoire de Claudine, une adolescente qui joue les messagères pour la Résistance à Brest. Mais vient un moment où ça commence à devenir trop dangereux, et Claudine doit partir. C'est ainsi que commence cette histoire, qui permet aux deux co-scénaristes d'avoir une grande liberté dans la France occupée pendant la guerre, et une adolescente un brin rebelle dont les parents ont décidé de l'éloigner du danger contre son gré. C'est relativement classique dans le traitement, et le scénario comporte son lot de mystères, d'intrigues dans l'ombre, avec un présumé méchant qui ne l'est peut-être pas, un informateur mystère... Ça se lit bien, on a envie de suivre les aventures de cette gamine sans faute. Côté dessin, Nicolas Otéro renoue un peu avec son style primal, avec ses petites erreurs anatomiques qui ont forgé son style, et fait le charme de celui-ci. Il est encore accompagné de son épouse Vérane aux couleurs, et c'est encore du bon boulot.

22/09/2023 (modifier)
Par Yann135
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Carnets intimes
Carnets intimes

Je ne vais pas tourner autour du pot ! Cet album est une pépite formidable pour découvrir l’univers de Didier Tronchet. C’est bon, c’est drôle, c’est magnifique. Visuellement c’est une réussite. Le rythme est soutenu. On ne s’ennuie pas une seule seconde. Un bon moment de lecture en perspective pour ceux qui arriveront à se procurer cette BD qui fait partie du coffret-surprise de Didier Tronchet édité en 2004 chez Fluide Glacial. Nous sommes sur une autobiographie sans indulgence d’un dessinateur qui nous ouvre un pan entier de sa vie. C’est désopilant par moment, mais c’est aussi tendre, touchant voire émouvant. Nous avons accès à ses carnets intimes, à ses premiers croquis, à ses tâtonnements graphiques et bien évidemment de-ci de-là à de très nombreuses planches de ses héros. Raymond, Jean-Claude, Urbain, Maurice, Raoul, Jésus… Ils sont tous présents bien évidemment pour notre plus grand plaisir. Nous entrons avec délice dans la vie intime de Didier Tronchet. Et cette proximité est sublimée par cette capacité à nous donner des anecdotes personnelles et cocasses. En deux mots, c’est divertissant et instructif. On s’attache à Didier Tronchet et on a qu’une envie … c’est de rencontrer le bonhomme pour échanger avec lui ! A lire sans modération.

22/09/2023 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Le Ciel dans la tête
Le Ciel dans la tête

Un coup de cœur que cette BD. La couverture résume bien cet album avec ce ciel étoilé dans la tête de Nivek. Atteindre une inaccessible étoile. Antonio Altarriba (L'Art de voler - Moi, assassin - Moi, menteur), après un gros travail de recherche et de documentation, propose une fiction forte, réaliste et sans concessions sur le pourquoi de cette crise migratoire tout en envoyant une pique à la politique européenne. Nivek est un "enfant" de douze ans qui travaille dans une mine illégale de coltan, au Sud-Kivu en République Démocratique du Congo, un minerai qui entre dans la fabrique des téléphones portables et qui attise les convoitises. Des milices armées se font la guerre pour s'approprier les mines. Et Nivek va intégrer une de ces milices, il va devenir un Kadogo, un enfant soldat du Congo. C'est à partir de ce moment que sa déshumanisation s'opère, il faut dire que le rite de passage pour devenir Kadogo est d'une extrême abomination ..... vivre ou mourir. Il va devenir un guerrier sanguinaire. Des milices sans pitié, elles tuent et elles violent par plaisir, pour l'appât du gain. "Au Congo pour être quelqu'un il faut avoir un fusil ...... plus tu tues, plus on te respecte". Nivek rêve d'Europe, d'une autre vie, il ne veut plus être un pion interchangeable, et avec son ami Joseph, il va entreprendre un long périple qui va le mener jusqu'au marché aux esclaves de Misrata en Libye, sur les bords de la méditerranée avant une traversée qui va lui enlever tous ses rêves. Une odyssée qui le fera traverser la forêt équatoriale, la savane et le désert. Un récit qui permet de découvrir les fabuleux paysages de l'Afrique, mais aussi la richesse de ses habitants, car tout n'est pas que noirceur. Une narration maîtrisée en six chapitres qui compartimente bien les différentes étapes de son long voyage initiatique. Un récit qui pue la réalité, non moralisateur, dur, poignant et qui pose beaucoup de questions. Un petit mot sur la dernière planche, elle m'a beaucoup ému. Je découvre le dessin de Sergio Garcia Sánchez, la grosse claque. Un style à nul autre pareil, des personnages en mode caricature, aux visages expressifs et aux corps en élastomère avec ces bras et ces jambes aux longueurs démesurées. Une mise en page inventive et immersive. Les couleurs de Lola Moral sont superbes. Très, très beau. Une BD à ne pas mettre dans toutes les mains, certains passages sont très durs malgré le dessin qui adoucit l'horreur. Je recommande à certains(es) de nos politiciennes et politiciens.

21/09/2023 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Reckless
Reckless

Et encore une petite pépite de notre trio de choc Brubacker/Phillips père & fils qui se lance dans une nouvelle série dont les tomes ont l'air de pouvoir se lire indépendamment. Cette fois-ci pas de flic ou de truand à proprement parler, mais un ex agent infiltré du FBI, Ethan Reckless (d'où le nom de la série), qui s'est reconverti comme homme de main indépendant pas vraiment déclaré après avoir tout plaqué. Un problème dont on ne peut faire part à la police ? Un numéro de téléphone et Ethan prend ou non l'affaire en main moyennant finance. Cela fait maintenant des années qu'il fonctionne comme ça, alliant tranquillement ces "missions" à sa passion pour le cinéma et le surf. Mais le passé n'est jamais complètement enterré et va venir frapper à sa porte pour le replonger dans la partie la plus sombre de ses souvenirs. A ne pas respecter les règles qu'on s'est fixé, on finit souvent dans la merde... Encore une fois, Ed Brubacker nous concocte un scénario puissant autour de personnages charismatiques et travaillés. La psychologie de ses personnages assied la trame de son récit en tissant un caneva dont le motif final ne nous est révélé que par touches subtiles pour mieux nous péter à la gueule à la fin. Sean et Jacob Phillips n'ont plus qu'à coucher sur le papier personnages et ambiances qui transpire de cette trame : c'est rudement efficace ! Pauvre de nous petits français qui allons devoir attendre la traduction des tomes à venir déjà parus outre-Manche ! Vivement la suite ! *** Tome 2 *** Ahhh enfin le second opus de cette série qui a démarré sur les chapeaux de roue ! C'est avec plaisir que nous voilà replongé dans le quotidien mouvementé d'Ethan Reckless au coeur des années 80'. Tel un conteur confirmé, Ethan nous relate sa rencontre avec la belle bibliothécaire Linh Tran qui va bien évidemment le conduire sur des sentes troubles et périlleuses. Au détour d'un film partagé avec sa belle dans le cinéma que possède Ethan, Linh vire au blanc en reconnaissant à l'écran sa soeur Maggie disparue voilà huit ans... Ethan se lance donc sur les minces traces existantes pour retrouver la soeur de Linh et va rapidement se retrouver engoncé dans une affaire bien sombre et licencieuse comme seule Hollywood en a le secret. Les cadavres vont commencer à sortir des placards, les témoins à finir six pied sous terre et le souffle de la faucheuse se fait pressant aux oreilles de notre détective... Notre dream team d'auteurs apparait de plus en plus rôdée et efficace en nous proposant des récits toujours aussi captivants et creusant toujours aussi loin pour interroger la noirceur de la nature humaine. Les personnages sont toujours aussi bien approfondis et impeccablement insérés dans des contextes marquants, ce qui permet au lecteur une immersion rapide et hypnotique. Ne reste plus qu'au duo Phillips de coucher ça sur le papier avec leur patte reconnaissable et toujours aussi efficace pour nous régaler une nouvelle fois. Vivement le prochain tome ! *** Tome 3 *** Wow ! Voilà un troisième tome qui loin de s'enliser dans le confort d'une trame pépère et toute tracée, nous colle une bonne torgnole et appuie là où ça fait mal ! Ethan Reckless se retrouve donc à enquêter sur un magnat de l'immobilier intouchable de Los Angeles. A côté de cela il tente de recoller les morceaux avec son amie Anna ; depuis un certain temps, celle-ci a pris ses distances avec lui mais cette relation amicale manque cruellement à Ethan. Cette nouvelle affaire va être l'occasion de se retrouver et de retravailler ensemble. Décidément, notre trio d'auteurs n'a pas fait dans la dentelle et n'a pas ménagé notre pauvre Ethan ! Lui qui essayait de se la couler douce avec une petite affaire tranquille à régler de temps en temps, va mettre le doigt dans un engrenage qui va faire couac, et pas qu'un peu ! Si j'avais apprécié le deuxième tome de la série, je l'avais trouvé un peu en deçà du premier. Là, avec ce nouveau tome, on replace la barre on top et on est pas loin de demander de l'aide pour qu'on nous ferme la bouche qu'on a gardé béante depuis un paquet de page (la bave n'est pas loin...). Les Philipps et Brubaker signent là un album upercut, construit de façon intelligente, nous proposant une intrigue tout aussi prenante que surprenante. Voilà décidément une série qui s'affirme et qui ne fait que confirmer tout le talent de ses auteurs. *** Tome 4 *** Voilà un album centré cette fois sur le personnage secondaire de Anna. Ethan étant parti mener une affaire à San Francisco, elle décide d'accepter une affaire pour son compte. C'est en effet une ex star du cinéma d'horreur qui lui demande d'enquêter sur le manoir dont elle a hérité et qu'on dit maudit ou hanté ainsi que sur la disparition de son chien... Il n'en fallait pas plus pour titiller la curiosité de notre jeune cinéphile ! Mais forcément, l'enquête de routine va rapidement déraper. L'idée de mettre Ethan sur la touche pour cet album est très bonne. Elle permet de mettre la focale sur Anna, un personnage complexe et charismatique de cette série. Au fil des tomes l'histoire et la psychologie des personnages s’étoffe et nous dévoile ce qui compose cette relation singulière entre ces deux protagonistes. Pour autant, si l'intrigue est bonne et toujours aussi bien ficelée, j'ai trouvé ce tome moins percutant que les autres. Il faut dire que les trois premiers tomes avaient placé la barre très haut ! Pour le coup j'ai hâte de lire le prochain tome qui nous racontera justement ce que faisait Ethan à San Francisco pendant qu'Anna se dépatouillait de son manoir hanté. *** Tome 5 *** Ahhh !!! Là je retrouve l'énergie et la fougue des premiers tomes ! Et surtout, un Ethan égal à lui même, c'est à dire toujours prêt à franchir la ligne rouge. Ethan se retrouve donc à San Francisco pour une enquête. Un de ses voisins, devenu ami au fil des événements, lui demande de lui rendre la pareille ; la copine de son fils a disparu et ce dernier est très inquiet. Mais s'il retrouve assez rapidement la trace de cette dernière, Ethan ne s'attendait pas au bourbier dans lequel il va se retrouver avec cette enquête... Notre trio d'auteurs montre une nouvelle fois tout le talent dont il est capable en produisant un cinquième tome toujours plus noir et cynique. Les fêlures de notre protagoniste éclatent de nouveau au grand jour, construisant ce personnage profondément border line, dont les accès de violence ne donnent pas dans la dentelle. Voilà encore une fois un récit haletant, qui semble malheureusement annoncer une pause dans la série, les auteurs ayant sans doute aussi un peu envie de produire autre chose. Dommage pour nous, pour autant, la série ne semble pas enterrée, ils reviendront sans doute faire reprendre du service à Ethan ; espérons que cela soit le plus tôt possible !

07/10/2021 (MAJ le 21/09/2023) (modifier)
Par Spooky
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Vie de Carabin
Vie de Carabin

Je ne peux qu'abonder dans presque tout ce qu'a écrit Bamiléké. Je ne fais pas partie du monde soignant, mais possède quelques personnes de l'art autour de moi, avec lesquelles il m'arrive de discuter de leur pratique. Ce qui me frappe donc en premier lieu c'est l'acuité de VéDéCé pour croquer les situations -souvent absurdes, souvent dramatiques- auxquelles lui-même et ses confrères sont confrontés au quotidien, ou lors de circonstances particulières. On ne se rend pas compte du délabrement matériel du milieu hospitalier; On ne se rend pas compte de l'état d'épuisement -pour ne pas dire plus- du personnel. On ne se rend pas compte de l'absurdité de la société, où un service public est perçu comme un bien de consommation... Dans le tome 4, par exemple, des gens appellent le SAMU pour être accompagnés à leur rendez-vous chez le médecin... juste parce que leur femme a pris la voiture aujourd'hui. Ou que c'est plus confortable. Ce serait hilarant si cela n'était pas dramatique, car une ambulance qui est appelée pour un malaise cardiaque simulé par la prétendue victime ne pourra pas aller secourir un enfant de 4 ans renversée par une voiture. Alors pour ne pas craquer face à tout ça, le personnel soignant préfère en rire, parfois à gorge déployée. Une manière comme une autre de se forger une carapace. Lors d'un bref passage aux urgences il y a quelques temps, j'ai vu de mes yeux un interne presque littéralement s'écrouler sous la pression et la fatigue, après je ne sais combien d'heures de garde. Je n'ai pu m'empêcher d'aller le voir et lui demandait si ça allait... Le patient qui vient en soutien du soignant... Mention spéciale sur le tome 4, lorsque notre héros ordinaire, tout en faisant sa thèse, fait un stage de 6 mois dans le servie local de SAMU... Une expérience pas piquée des hannetons, et qui montre elle aussi une fois encore l'état très particulier dans lequel se trouve le milieu sanitaire en France. Même si j'avais entendu parler de certaines des situations décrites (il y a des constantes), je n'ai pas pu m'empêcher d'être consterné par celles-ci, sachant qu'elles sont vraies (les circonstances, les noms ayant été changées pour des raisons évidentes). Pour en revenir à Vie de Carabin, c'est un travail remarquable. Pas forcément sur le plan graphique, c'est presque du "gros nez", mais comme l'a remarqué mon camarade, il y a une telle énergie dans les situations, dans l'expressivité si particulière des gueules noires (quasiment des smileys), que les histoires passent toutes seules. A peine remarquerais-je que sur certaines doubles pages (en têtes de chapitres, par exemple), le sens de lecture des cases n'est pas toujours optimal, mais c'est vraiment pour pinailler. C'est du très, très bon boulot. Qui devrais se retrouver dans les salles d'attente de tous les cabinets de médecine de France et de Navarre, en plus des salles de repos des personnels hospitaliers.

20/09/2023 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série These Savage Shores
These Savage Shores

Je ne savais pas du tout à quoi m'attendre en m'attelant à ce récit et j'ai été franchement surpris de la nature du récit, du ton, de la forme et du fond. C'est pas souvent que j'ouvre une BD qui me surprend et me transporte, avec une histoire qui semble receler surtout un fond acerbe et critique. Non, vraiment, je dois bien dire qu'on est là dans une totale réussite ! Le récit reprend la figure du vampire, mythe qui sert de métaphore à tant de choses qu'il serait difficile aujourd'hui de les lister. Du séducteur d'Anne Rice au vampire dangereux de Bram Stocker, le vampire est le pouvoir de séduction, l'animalité humaine, l'altérité merveilleuse, la peur d'un ancien ou d'un nouveau monde, le combat de la foi, la sexualité hors-norme … Il est ce qu'on veut bien en faire, et tout le monde le reprend à sa sauce. Et c'est exactement ce que fait ce récit, qui reprend le mythe du vampire de façon assez classique mais l'intègre au récit pour parler d'autre chose. Car si le récit parle de combat de créature mythologique dans l'Inde du XVIIIè siècle, il est avant tout un récit politique nullement déguisé. Entre clans rivaux, guerre de rois et de seigneurs locaux, débarquement de l'Inde et sa fameuse compagnie orientale, plus prompte à sortir le fusil que tendre la main, c'est un pan de l'histoire du continent indien qui sert de décor aux personnages supportant la narration. Ces personnages sont intéressant par ce qu'ils sont, mais surtout par ce qu'ils incarnent. Je ne me lancerais pas dans le détail, qui prendrait trop de place pour une simple critique, mais entre l'animalité humaine, le conflit et la violence, la transmission de générations et bien sur l'arrivée de l'européen dans un jeu politique déjà compliqué. Je dois dire d'ailleurs que l'européen en prend pour son grade ! Les vampires me semblent symboliser ces puissants européens qui se pensent immortels et intouchables, certain de leur bien fondé et prêt à piller le monde sans scrupules. J'ai bien aimé le fait de montrer ces personnages souffrir et mourir, presque étonné de pouvoir être tués de façon si simple. Le récit est épistolaire en partie, chacune des lettres donnant une voix à un personnage. C'est une très bonne manière de différencier chacun par un ton, une façon de parler et une façon de comprendre les autres. J'aime le procédé, qui permets de réellement donner corps aux personnages, à leurs dilemmes et interrogations. J'ajouterai juste que j'adore le personnage de Bishan, monstre ou humain, créature immortelle qui subit ce qu'il se passe et peine à trouver une place dans ce monde qui change. J'ai adoré son développement et ses interventions, il est juste parfait ! Le récit trouve d'ailleurs une fin qui arrive à être à la fois heureuse et triste, puisque la victoire est éphémère et que la finalité sera celle que l'on connait. La marchandisation de tout est en route, et elle ne s'arrêtera pas comme ça. Une très bonne fin qui laisse un gout amer après avoir tout vu, mais qui se conclut sur une promesse de renouveau et d'avenir. Un joli message pour des temps comme les nôtres ! Je digresse beaucoup mais je décerne le coup de cœur à cette BD. Elle est excellente, bien menée, aux thématiques claires et fortes, servi par un dessin tout en beauté et une écriture aux petits oignons ! Recommandé, franchement recommandé !

20/09/2023 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Basketful of heads
Basketful of heads

Je commencerai mon avis comme Mac Arthur : « Ah bah, je me suis bien amusé, là ! » « Basketful of heads » est un polar rondement mené, rempli d’humour et à l’intrigue remarquablement construite. Les révélations successives sont toutes logiques, y compris le dénouement final, que j’ai trouvé bien amené et satisfaisant. Le « truc » des têtes décapitées est rigolo et apporte une certaine originalité au récit, sans pourtant y contribuer activement (l’histoire fonctionnerait finalement aussi bien sans). J’ai beaucoup aimé la mise en image, qui retranscrit parfaitement l’ambiance gore et « petit village paumé ». Il a un côté vintage qui me rappelle un peu les histoires d’horreur classiques des magazines « pulp » américains. Un excellent moment de lecture, un album prenant et distrayant, que je recommande chaudement.

19/09/2023 (modifier)
Par karibou79
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Melvile
Melvile

4.5 Melvile, c'est un univers dans un espace clos. Ce sont 3 tomes tout à la fois émouvant, fantastique, angoissant, intrigant. Un lieu ou plutôt des lieux dont on découvre l'intimité de leurs habitants et de leurs secrets. Ce sont de magnifiques planches aux tons délavés d'un lavis de mélancolie, dépayant des paysages grandioses et des âmes recluses. C'est une bande sonore créée par l'auteur qui colle à merveille à la lecture et multiplie l'immersion. En fait, Melvile c'est Twin Peaks couché sur papier. Et ça c'est le plus grand compliment que je puisse faire.

18/09/2023 (modifier)
Par gruizzli
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Bagarre érotique - Récits d'une travailleuse du sexe
Bagarre érotique - Récits d'une travailleuse du sexe

Suite à l'avis de Cacal, je me suis plongé dans cette BD qui parle d'un sujet encore bien tabou et si clivant, la prostitution. Et alors là ... Je me suis réservé l'avis pour le 1.000e que je laisse sur ce site, parce qu'il le fallait. Cette BD est un chef-d’œuvre, cette BD est à lire, à acheter et à offrir ! Parce qu'elle contient tout et que c'est d'une pertinence rare ! Merde, l'auteure à 24 ans et elle est capable de nous pondre ça ! Mais bon, comme à chaque fois que j'aime une BD je m'emballe, commençons par le début et les défauts : cette BD n'est pas une BD. En tant que telle, il n'y a pratiquement jamais de juxtaposition d'images pour leur conférer un sens. C'est avant tout du texte, stylisé et mis en scène, avec quelques images qui servent de support ou d'ajouts. Donc en terme d'art narratif et de narration par l'image, c'est non. Deuxième point, le dessin est pas franchement beau ni particulièrement léché. On sent une certaine volonté très punk dans les représentations mais globalement ça serait assez difficile de le qualifier de beau. Après, il y a des visuels qui marquent plus d'une fois. Maintenant, le reste. Et là, je suis partisan de dire que c'est parfait ! Une démonstration rigoureuse, claire et précise de son propos. Lequel ? La prostitution, le féminisme, le capitalisme, les normes de genre, la sexualité, la masculinité, le patriarcat, la révolution ... Je m'emballe un poil, mais pour une fois, POUR UNE FOIS, que je lis un traité féministe qui montre justement comment cette lutte pour des droits passe par une lutte contre le capitalisme et des idéologies qu'on nous fourre dans le crane depuis l'enfance. Quelle belle idée, parler de pute pour parler de révolution ! Parce que si tout le monde a un avis sur elles, souvent sans les connaitre, je suis pratiquement certain que déconstruire notre avis sur elles est la clé pour déconstruire bien d'autres choses. J'ai listé en haut les thèmes que la BD aborde, mais c'est ahurissant de voir à quel point elle a tout lié de manière parfaitement fluide dans son propos et à quel point c'est marquant dans les phrases (c'est catchy !) et dans le déroulé. Je n'ai jamais senti de fabrication artificielle de son propos qui déroule tout naturellement l'argumentaire. Et quel plaisir de lire tant de critiques envers ce que je déteste tant, entre objectivisation des prostituées pour un combat ou un autre, réflexion sur la sexualité et les normes, le travail et le mode de vie, le rapport des genres et la construction sociale de ceux-ci ... Pour ma part, elle a prêché un converti (j'étais déjà bien plus ouvert sur la question de la prostitution suite à des échanges avec des femmes travaillant en tant que TDS) mais je suis tellement content de voir ça. De lire qu'il faut arrêter définitivement ce concours de quéquettes permanent entre hommes, qu'il faut laisser les femmes jouir librement comme elles l'entendent, qu'il faut déconstruire les genres et notre rapport au sexe ... Oui, je suis d'accord, la véritable révolution sexuelle n'a pas encore eu lieu et nous pouvons y arriver ! Je m'épanche, mais je dois surtout me contenir pour ne pas redire tout ce qui est contenu ici. Parce que Klou a fait parfaitement bien son travail, je dois juste dire : courrez le lire, remettez en question vos préjugés sur la prostitution (vous en avez, ne me faites pas croire le contraire), repensez votre sexualité et faisons enfin la révolution des mœurs, celle qui nous laissera tous plus libres et plus heureux ! Peut-être l’œuvre la plus révolutionnaire que j'ai vu publiée ces dernières années. Klou, si tu me lis, de la part d'un hétéréo-cis-blanc, merci, merci merci !

17/09/2023 (modifier)
Par Spooky
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Joseph Kessel - L'Indomptable
Joseph Kessel - L'Indomptable

J'étais vraiment curieux de lire cet album, pour plusieurs raisons. De Joseph Kessel je n'ai lu qu'un roman, comme des centaines de milliers d'écoliers de ma génération : Le Lion, lequel racontait une amitié fusionnelle entre un enfant et un lion. Une lecture qui, bien qu'imposée par les programmes scolaires, était plutôt agréable. Même alors à l'aube de mes lectures plus sérieuses, j'arrivais à discerner la profondeur du roman. Plus tard, à l'occasion de reportages postérieurs à son décès, je sus qu'il avait eu une vie aventureuse, sans en savoir beaucoup plus. Et en dernier lieu, à l'occasion d'une manifestation organisée par les Éditions Jungle il y a quelques mois, le dessinateur Nicolas Otéro, dont je suis le travail depuis plusieurs années, m'avait dit travailler sur un album racontant la vie de Kessel. Et le voici donc, cet album. Et même si je suis frustré par ma lecture (j'y reviendrai), je peux dire que c'est un excellent album. Sur le plan graphique, on ne reconnaît pas vraiment le style de Nicolas Otéro, assez caractéristique. Il a en effet choisi de s'attacher de manière presque photo-réaliste aux visages, aux images d'archives qu'il a dû consulter pour réaliser l'album. Et contre toute attente, il s'en sort plutôt bien, mieux que d'autres dessinateurs utilisant ce subterfuge de manière systématique. Il gagne en authenticité, ce qui me fait dire qu'après 20 ans de carrière (déjà), il continue d'évoluer. Il est accompagné aux couleurs par son épouse Vérane, qui apporte une profondeur supplémentaire avec ses aquarelles changeant en fonction des ambiances. Elle est vraiment en phase avec la solennité du sujet. L'album raconte en effet, sur une centaine de pages, une sélection de la vie aventureuse de cet auteur qui tient une place particulière dans la littérature française du XXème siècle. De ses ascendances russes, de sa condition juive, des errances de ses parents à sa vieillesse blessée et lasse en passant par sa propre carrière de reporter de guerre (une passion dévorante, jusqu'à presque flinguer sa lune de miel au Kenya avec sa troisième femme), on nous donne quelques clés de compréhension de cette vie de fuite en avant, de cette envie de côtoyer la mort. Je ne vous en dirai pas plus, mais la mort tenait une grande part dans sa vie, étrange paradoxe. Pourquoi cette lecture me laisse-t-elle sur ma faim ? Un peu seulement. Parce que j'aurais aimé en savoir plus, sur sa jeunesse par exemple, pendant laquelle il a côtoyé certaines figures culturelles de premier plan. Mais je pense que l'album aurait alors fait 200 pages, ce qui en aurait peut-être fait un truc impossible à digérer. Ce qui est sûr, c'est qu'en lisant ça, ça m'a donné envie de relire Le Lion, et de lire ses autres bouquins... Si ça ce n'est pas un signe de qualité... A noter en annexes quelques photos de Kessel, quelques repères biographiques et une petite profession de foi des auteurs. Un petit complément sympa.

17/09/2023 (modifier)