Les derniers avis (9366 avis)

Par Canarde
Note: 3/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Une BD qui parle de cul
Une BD qui parle de cul

Le sujet m'intéresse. J'ai le sentiment que la place du sexe dans nos vies est en train de changer : Grâce à #metoo, la performance sexuelle masculine et hétéro n'est plus l'objectif commun d'accomplissement. Le capitalisme tardif, avec ses publicités sexualisées, continue son matraquage mais en perdant de la légitimité dans les milieux dominants. Dans le même temps, j'ai entendu sur radio Nova que plus des trois quarts des français déclarent ne pas avoir eu de relation sexuelle dans les 12 derniers mois. C'était un aveux impossible socialement, il y a seulement 10 ans. Cet album décomplexe, informe, et remet à jour les pendules : non le sexe n'est pas une obligation pour avoir une vie accomplie. (Beaucoup de douleurs psychiques viennent de ce décalage entre le discours ambiant et la réalité de la vie des gens, en particulier à l'adolescence ; Je regrette que Marie de Brauer ne soit pas allée plus loin en rajoutant : le sexe a été utilisé par le capitalisme comme outil de commercialisation, comme dérivatif à tout engagement, et en particulier politique.) Les moments d'une relations sexuelle sont mis en scène, découpés, analysés, objectivés, : c'est pédagogique et probablement très utile pour les débutants puisque ça montre que nous sommes tous.tes différents et qu'apprendre à parler est un atout important pour la réussite de l'entreprise ! Je vois souvent MDB sur les réseaux sociaux et elle produit sur moi un sentiment de joie immédiat : elle fait du rentre dedans en choisissant des mots grossiers, tout en cherchant à créer du lien par l'évocation de situations familières très bien croquées, où elle ne se présente pas forcément à son avantage : L'autodérision est son outil principal pour créer un sentiment de sororité. Son ambiguïté (trash versus entretien du commun) est savamment entretenue, dans ses chroniques comme dans la BD. Sa croisade grossophile, bien légitime, a tendance à effacer les arguments politiques, qui restent sous-jacents. Le dessin est un peu en contrepoint du fond, et c'est bien comme ça : tout rose, tout en rondeur suave, traits fins, légers, couleurs bonbons... Ça me rappelle mon premier livre de cuisine ! On voit qu'à l'époque l'idée était de donner envie aux petites filles de faire la cuisine comme maman ! j'espère qu'ici ce rose ambiant ne repoussera pas les hommes et que beaucoup d’adolescents liront ce petit précis de décomplexation sexuelle ! Faisons du sexe un sport comme un autre s'il est consenti et protégé, bien-sûr !

28/06/2025 (modifier)
Couverture de la série Un Battement d'aile de papillon
Un Battement d'aile de papillon

Le style graphique de la BD est steampunk très appréciable. Je ne suis pas un adepte du style mais là c'est bien fait. L'histoire est très intéressante et pousse à réfléchir. Le récit se raconte sous forme de chapitres comme une mini série. C'est bourré de bonnes idées. J'écris cet avis car il faut soutenir des BD aussi qualitatives !

28/06/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série La Dernière Reine (Rochette)
La Dernière Reine (Rochette)

Les forêts sont devenues trop petites pour la liberté. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2022. Il a été réalisé par Jean-Marc Rochette pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend deux-cent-trente-quatre pages de bande dessinée. Il s’inscrit dans une trilogie thématique après Ailefroide - Altitude 3954 (2018) avec Olivier Bocquet pour le scénario, puis Le Loup (2019) avec Isabelle Merlet pour les couleurs. Grenoble, prison Saint-Joseph, quatre heures du matin : trois gardiens accompagnent un responsable jusqu’à la cellule d’Édouard Roux. À l’extérieur dans la cour, la guillotine attend, prête. Un garde fait jouer la serrure de la cellule, l’officiel en costume entre et annonce au prisonnier que sa demande de grâce a été rejetée. En 1898 dans les montagnes enneigées du Vercors, un villageois avance laborieusement et annonce : Ils ont tué l’ours ! Alors qu’il approche d’autres villageois, il complète : C’est le berger Tolozan qui l’a tué ! Et il précise : À la grande cabane. Bientôt arrive un groupe de quatre hommes : le premier tenant la longe du cheval qui tire le traîneau de fortune sur lequel se trouve le cadavre d’un ours, avec trois chasseurs autour. Le petit groupe redescend vers le village. Il passe devant quatre enfants. L’un d’eux, roux, estime que c’est une belle horreur que de tuer une telle bête. Un autre, un peu plus grand, le raille, répliquant qu’il est bien comme sa mère, toujours dans les forêts et les montagnes à manger de l’herbe. Il se fait plus méchant en disant qu’elle couche avec les loups et avec les ours, et que d’ailleurs si Édouard est roux et qu’il n’a pas de père, c’est sûr et certain qu’il est le fils de l’ours. Les trois enfants reprennent en chœur cette moquerie : Fils de l’ours, en pointant Édouard du doigt. Celui-ci ne se laisse pas faire et prend un bâton pour frapper le plus grand. Un gendarme intervient, intimant à Édouard de s’arrêter, et en lui administrant une baffe bien sentie. Il ajoute que le garçon va séjourner au cachot en attendant que sa mère vienne le chercher. Marie Roux vient récupérer son fils, et le gendarme lui prédit que son fils, un vaurien, finira au bagne ou à l’échafaud. La mère et le fils regagnent silencieusement leur maison à l’écart du village. Marie conseille à son fils de faire attention, car les gens sont méchants. Méchants et cruels. Bien plus que les bêtes de la forêt. Il faut s’en méfier comme de la peste et les fuir ; ils ont le diable en eux. Sur la place du village, les enfants jettent des boules de neige sur le cadavre de l’ours. Cent mille ans avant Jésus Christ, dans la même région du Vercors : un aigle plane haut dans le ciel. Deux oursons observent leur mère : elle est en train de pêcher dans le cours d’eau, et elle parvient à attraper un poisson. Suivie par ses deux petits, elle regagne la prairie pentue. En pleine nuit, le hurlement des loups se fait entendre : une meute comptant une dizaine d’individus. L’ourse gronde contre eux, ses deux oursons se demandant ce qui va se passer. Les loups passent à l’attaque. C’est un énorme plaisir que de retrouver cet artiste dans un récit naturaliste : la dernière ourse du Vercors. C’est une surprise totale que de découvrir la nature du récit : celui-ci s’avère beaucoup plus fourni qu’une simple ode à un animal sauvage. Oui, l’ours est mis en valeur : en particulier par la mise en perspective de sa présence dans cette région du Vercors. Pour commencer la mort du dernier ours, du dernier roi en 1898. Puis un retour dans des temps reculés cent mille ans avant Jésus Christ pour la réalité sans pitié du règne animal avec une ourse et ses oursons contre une meute de loups. Puis trente mille ans avant Jésus Christ, toujours dans la même région, avec une expérience mystique et un chaman qui énonce que : Le soir où mourra la dernière reine, alors ce sera le début du temps des ténèbres. L’an mil : la traque à l’ours et la sorcière. L’an 1338 et la condamnation d’un animal pour ses crimes, avec comme peine d’être pendue puis brûlée, pratique authentique quand les animaux étaient tenus pour responsables de leurs actes, et jugés comme les êtres humains. La narration visuelle fait des miracles pour donner vie aux animaux en général, et à l’ours en particulier, sans anthropomorphisme ou personnification, en restituant leur caractère sauvage. Le lecteur se retrouve à la fois sous le charme, à la fois habité par un respect teinté de peur devant ces êtres vivants proches d’incarner des forces de la nature, avec des couleurs sombres soulignant un environnement naturel et indifférent. Le début du récit annonce clairement sa résolution, et le sort du personnage principal, enfin du rôle principal pour un être humain. Le lecteur suit donc Édouard Roux de 1898, alors qu’il a dix ans (il énonce être né le premier février 1888), jusqu’à son destin final. Au cours de son existence, il commence par être un enfant élevé par sa mère dans un environnement naturel, à l’écart du village, puis une gueule cassée à l’issue de la première guerre mondiale, et puis le compagnon d’une artiste sculptrice. Le récit s’avère indissociable de cet homme, avec un degré d’intrication que seul une narration organique peut atteindre. À l’évidence s’il a lu Ailfroide, le lecteur peut déceler des éléments autobiographiques : le visage abimé (certes moins gravement pour Rochette), la vie dans les montagnes, la profession d’artiste, l’admiration pour le peintre Chaïm Soutine (1894-1943) et son tableau Le bœuf écorché (1925), et une forme de misanthropie assumée. Toutefois la narration va bien au-delà d’une simple projection de son auteur. Le lecteur ressent à chaque page la cohérence et le caractère intime de la narration. Il découvre chaque page sans plus s’attacher aux caractéristiques des dessins ou aux plans de prise de vue, se retrouvant habité par le tout. Il fait l’expérience d’une expression totale, d’une sincérité et d’une honnêteté extraordinaires. L’auteur vit ce qu’il raconte au plus profond de lui, l’exprime avec une clarté rayonnante, transformant chaque case, chaque séquence, chaque réplique, chaque geste en une évidence. Cette qualité narrative irradie de chaque planche. Le lecteur peut aussi très bien prendre du recul, avec un point de vue plus analytique. Il retrouve toutes les qualités de l’art de Jean-Marc Rochette. Il utilise des traits encrés ou peints assez épais, des petits traits pour apporter des textures, des ombres portées : s’il lui prend l’envie de s’attarder sur une case et la manière dont les individus et les décors sont représentés, le lecteur peut y voir des dessins un peu grossiers, manquant de finitions précises. Dès que son regard passe à la case suivante, la magie opère à nouveau : les sensations sont là, l’impression est d’une justesse incroyable, tant pour la situation en elle-même, que pour les émotions qu’elle dégage, des impressions d’une justesse pénétrante. Oui, des ombres qui s’avancent jusqu’à la cellule où attend le condamné, cela constitue une scène déjà vue de nombreuses fois, mais pas avec cette saveur particulière d’une nuit tranquille et silencieuse, d’individus jouant leur rôle respectif avec acceptation, même s’il leur répugne, ils accomplissent leur devoir en adultes. Oui, une meute de loups qui s’en prend à une ourse et ses petits, c’est une scène animalière classique et les dessins tirent profit d’une nuit sans lune, d’une obscurité masquant les détails, d’une neige uniforme, et pourtant le lecteur se retrouve partagé entre une scène de la cruauté implacable de la vie entre prédateurs et une envie irrépressible d’y projeter des sentiments humains. Chaque scène peut se regarder avec détachement : on y retrouve les outils narratifs classiques, jusqu’aux têtes qui parlent en alternance de champ et contrechamp, et pourtant à chaque fois la magie opère et la narration visuelle emporte le lecteur. Au travers de la situation d’Édouard Roux et du sort de la dernière reine, l’auteur aborde de nombreux thèmes nourrissant cette œuvre d’une grande richesse. Il met en perspective la présence des ours au sein du Vercors, dans un temps long, en partant de cent mille ans dans le passé, jusqu’au début du vingtième siècle, ce qui relativise drastiquement l’action de l’être humain, ainsi que sa relation avec le règne animal et naturel. Ainsi initié ce thème revient régulièrement et se développe de manière organique au gré des séjours du personnage dans le Vercors, parfois accompagné de Jeanne Sauvage. Ainsi, il établit le constat que les forêts sont devenues trop petites pour la liberté, que certaines sont transformées en zone de sylviculture en particulier pour les sapins destinés à être de futures planches, ce qui ne constitue pas une vraie forêt. La fragilité des zones naturelles cède sous le comportement de dévoration, d’ogre de l’être humain. Les hommes tuent la magie. Le parcours de vie du soldat Roux met en scène l’horreur des tranchées, la responsabilité des chefs de guerre (il est dit de Clémenceau que son rôle est de faire couler le sang des autres), le stress post traumatique d’être défiguré au front sur le champ de bataille. Sa vie s’en trouve irrémédiablement gâchée, puisqu’il est condamné à vivre littéralement avec sac sur la tête pour cacher son visage ravagé au reste de ses semblables. Sa pension apparaît dérisoire au regard d’un tel traumatisme qui constitue une condamnation à vie pour avoir défendu sa patrie comme il lui était ordonné. La cruauté inouïe de ce sort ressort à chaque instant de manière flagrante en compagnie des hommes et des femmes mal à l’aide en sa présence dans un réflexe automatique irrépressible, sans même parler de la souffrance physique continue. La sollicitude et la compassion de Jeanne Sauvage n’en rayonnent que d’autant plus. Édouard entre en contact avec elle sur la recommandation d’une autre gueule cassée, car elle confectionne des masques ressemblant à de la chair pour redonner apparence humaine à ces visages massacrés. L’auteur s’est inspiré de Jane Poupelet (1874–1932), artiste réalisant des sculptures animalières et des nus féminins, engagée auprès de la Croix-Rouge américaine, et modelant des masques (moulés à la cire sur les visages, remodelés, tirés en cuivre et ornés d'émail peint) à partir de photographies. Elle fréquente un milieu artistique parisien, à Montmartre, plus précisément au Lapin Agile, propriété de Aristide Bruant (1851-1925, chansonnier, écrivain). C’est en l’accompagnant que Roux finit par faire la connaissance de Soutine en lui livrant la carcasse qui servira de modèle pour le Bœuf écorché. Ces artistes évoquent également Et le soleil s’endormit sur l’Adriatique (1910) de Roland Dorgelès (1885-1973, un tableau peint par la queue d’un âne), la Fontaine (1917) de Marcel Duchamp (1887-1968, peintre, plasticien). Cette évolution de l’art fait dire à un des artistes présents que : Dans cinquante ans tout deviendra de l’art, de la pissotière à la canule, avec comme seul arbitre des élégances, le pognon, les banquiers feront marcher les artistes à la baguette, comme les ours de foire. Le lecteur ressent ce jugement de valeur comme étant celui de l’auteur. Cette appréciation se trouve renforcée en découvrant l’escroquerie que le galeriste Orloff commet aux dépens de Jeanne Sauvage, à la fois un individu sans moral grugeant une artiste, à la fois abusant du pouvoir que lui donne sa position sur une personne plus faible. Le lecteur découvre également la profession de foi de l’auteur en tant qu’artiste : L’art n’est rien s’il ne force le réel. Ce dernier tome de cette trilogie thématique pulvérise en richesse et en qualité les deux précédents, déjà extraordinaires. Le lecteur ressent l’expression pleine et entière, directe et puissante de son créateur, tant au travers de la narration graphique que du récit et des thèmes abordés. Le lecteur prend le parti d’Édouard Roux sans aucune réserve, et il se trouver percuté de plein fouet par le sort que lui réserve la société, les bonnes gens. Éprouvant et salutaire.

28/06/2025 (modifier)
Par Canarde
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Moheeb sur le parking
Moheeb sur le parking

J'avais beaucoup apprécié Merel, qui racontait la ruralité d'aujourd'hui dans une fiction très bien construite, où la psychologie des personnages était très fouillée et touchante. Avec Moheeb, l'autrice persévère dans son génie de l'observation psycho-sociale. Dit comme ça, j'ai conscience que ce n'est pas très excitant. Pourtant on lit rarement des BD qui vous ouvrent des portes sur un monde que vous cotoyez et que pour autant vous n'avez jamais compris. C'est très émouvant d'accéder à son prochain, finalement. Un parking dans une petite ville, des jeunes qui glandouillent en jouant vaguement avec un ballon dégonflé... On a tous vu ça. Mais on ne l'a pas observé, et tous les signes qui étaient pourtant sous nos yeux n'ont pas révélé les diverses trames de scénario en train de se jouer. C'est ce tissage de liens et d'indifférence mêlés qui est parfaitement rendu et exploré. Le dessin est légèrement moins élégant que dans Merel, tirant parfois vers le comics underground à la Backderf ( Mon ami Dahmer et Trashed) mais cela apporte quelque chose que j'ai du mal à définir. A d'autres moments les couleurs et les lumières reprennent leur capacité d'évocation sensuelle. Toutes les générations trouvent leur place dans ce scénario centré sur Moheeb et sur toutes ses sensations ( l'odeur d'un mouchoir, les piqûres d'ortie où on frotte du plantain, la sensation de la limace sur les doigts, les bourdonnements des voitures, des insectes, la pluie sur le goudron éventré...) mais il s'ouvre sur chacun de nous traversant ce parking et finissant par jouer son rôle dans la partition. Je ressors de ma lecture pleine d'émotion et d'admiration pour Clara Lodewick.

28/06/2025 (modifier)
Couverture de la série Contrition
Contrition

Comme ma note l'indique j'ai franchement adoré cette lecture. Dès les premières planches je suis rentré dans le récit. En premier lieu j'ai immédiatement adopté le personnage de Marcia, journaliste Afro-Américaine du modeste Palm Beach Sun qui a fidélisé son lectorat dans les nouvelles de proximité. Par un revers de fortune de son compagnon, c'est elle qui a la fonction gratifiante dans le foyer. Elle parle d'égal à égal avec la police, son chef la respecte et elle peut prendre des initiatives qui lui permettent ( à ses risques familiaux et financiers) de poursuivre son enquête avec des alliées ( blanches) de circonstance. Carlos Portela installe donc son récit dans une Amérique moderne sur de nombreux points ( place de la femme, mixité dans le travail) jusqu'au personnage de Clay , Capitaine malheureux qui revient d'une mission à double tranchant en Irak: faire la transparence sur les exactions de ses frères d'armes dans la prison d'Abou Ghraib. Portela n'est pas naïf pour autant puisqu'il installe son récit en pleine crise des subprimes (2008) dont il fait de nombreuses allusions déguisées dans son récit. Au contraire d'une Amérique déboussolée, Marcia incarne une nation mixte, gardant le goût du risque , de la recherche de la vérité et qui réussit à surmonter ses difficultés (ici familiales, financières et professionnelles). C'est d'ailleurs à mon avis l'un des deux grands axes du scénario très riche de Portela. Comme le signale Clay au révérend en page 138 la finalité de tout cela est "d'être capable de surmonter les épreuves". Le deuxième axe est évidemment celui des mauvaises actions et des mauvaises personnes. C'est la thématique du "Diable au corps" qui s'exprime soit par opportunité soit par autorité abusive. L'auteur ne se contente pas d'une psychologie de comptoir. Il fouille son personnage de Clay afin de lui proposer plusieurs réponses comme une palette des réactions que nous pourrions avoir. C'est d'autant plus subtil que l'auteur abat d'un coup les défenses humanistes de son lectorat en centrant son récit sur la pédophilie de Christian. Pas d'actes monstrueux en visuel, pas de complaisance au voyeurisme malsain, mais une approche bien plus fine avec ce chat numérique que nombre de parents ne peuvent maitriser aujourd'hui. Portela revient alors sur la thématique de la vérité des mots et des images entre une population naïve et vulnérable et une autre qui triche à tous les étages. Pour moi ce scénario et un régal de construction et de justesse. La construction avec des aller-retour aurait pu nuire à la fluidité du récit. C'est tout le contraire à mes yeux car l'auteur nous invite à "changer de point de vue". Il y a donc de la cohérence à changer de narrateur en passant de Marcia à Clay car on peut les lire comme les deux versants du même personnage. Pour compléter ce superbe scénario le graphisme de Keko nous installe dans une ambiance N&B comme un négatif du beau soleil de Floride. C'est sûrement la couleur des pensées de Clay hanté par l'horreur de sa situation et celles de Marcia coincée entre "une routine aliénante" p41 et puis ses soucis familiaux et financiers. Tout est recherche de la lumière vérité dans cet accumulation d'ombres. Le trait est fort portant une formidable expressivité des personnages. Cela fortifie la narration qui s'adapte parfaitement à la puissance du récit. Une très belle lecture où les auteurs touchent à des thématiques fondamentales sur le Mal qui fait de nous de potentiels bourreaux. C'est traité sans complaisance, ni facilité. Du très beau travail.

27/06/2025 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Watership Down
Watership Down

« Watership Down » est un roman culte, ici en Angleterre où j’habite depuis 25 ans, même si la plupart des gens semblent plutôt être familiers avec l’adaptation en dessin-animé sortie en 1978. Il s’agit d’une histoire de survie dans une communauté de lapins, inspirée des expériences de l’auteur du roman, Richard Adams, lors de la seconde guerre mondiale, et plus particulièrement de l’opération « Market Garden ». Le ton est donc très guerrier, et la violence et la cruauté des protagonistes ont traumatisé beaucoup d’enfants, surtout via le support film. En tout cas l’histoire est prenante et haletante, surtout sur la fin. Je me suis attaché aux personnages et pris beaucoup de plaisir à suivre leurs aventures. L’adaptation est excellente. Dans la postface, James Sturm explique le processus, les coupes effectuées, la réduction du nombre de lapins pour alléger la narration… il recommande d’ailleurs aux lecteurs de lire le roman, pour découvrir la version « complète » de l’histoire. Le cadre du Hampshire est magnifique, et superbement mis en image par Joe Sutphin. Il faut savoir que ce lieu existe vraiment, allez donc sur Google Maps entre Whitchurch et Kingsclere, tourner la carte pour que le nord soit à gauche, et vous retrouverez exactement la carte fournie avec la BD : routes, ruisseaux, hameaux, et même la voie de chemin de fer ! Les auteurs se sont d’ailleurs rendus sur les lieux, ont suivi l’itinéraire exact du périple du roman, et pris des centaines de photos de référence, accompagnés des filles de Richard Adams… du sérieux ! Notez qu’il existe une petite stèle en l’honneur du roman, ainsi qu’un pub The Watership Down Inn estampillé d’une chouette mini-fresque, que j’espère visiter un jour ! Un moment de lecture magique et captivant.

27/06/2025 (modifier)
Couverture de la série Chainsaw Man
Chainsaw Man

Alors là, si je m'attendais à aimer cette série... Bonne surprise ! Je ne viens pas pour aviser une mauvaise série que j'aurais malgré tout appréciée, c'est du très bon ! C'est juste que la recette avait tous les ingrédients de la série ambitieuse ratée, voire même du gros délire sans réelle profondeur, alors je suis (agréablement) surprise de constater la qualité du résultat. Dans un monde presque en tout point similaire au notre existent des démon-e-s. Ces démon-e-s sont créé-e-s à partir des peurs humaines, plus une chose est crainte plus lae démon-e lié-e à elle est puissant-e. Les démon-e-s étant ce qu'iels sont, des incarnations de peurs exacerbées à l'extrême, iels ont la fâcheuse tendance à amener partout où iels passent mort et désolation. Pour protéger l'humanité, des groupes de chasseurs de démon-e-s, publiques comme privés, voient le jour. Bon, avec un résumé pareil, on s'attend à une classique histoire de bastonnade entre humain-e-s et démon-e-s, avec des discours sur le fait de vaincre ses peurs et une réflexion sous-jacente sur ce qui distingue les humain-e-s des démon-e-s, le tout façon shonen avec un vrai sentiment de camaraderie et quelques retournements de situation. Et, oui, il y a de ça (en tout cas il y a bien un propos sur les humain-e-s et les démon-e-s et des retournements de situation à tout-va). Sauf qu'en fait, ici, pas de chevalier blanc, pas de sentiment d'espoir non plus puisque l'histoire parvient à maintenir un sentiment d'angoisse et de désespoir quant au sort de ses personnages tout du long, pour tout dire les personnages n'ont rien d’héroïques. Les personnages de cette histoire sont bas, lâches, égoïstes, cruels, immoraux aussi. Notre protagoniste, Denji, l'éponyme "Chainsaw Man" en est la plus belle illustration : son seul désir est de sortir avec une fille, d'embrasser une fille, de coucher avec une fille et d'être adulé, il se sent presque détaché du sort de l'humanité et ne cache jamais ses désirs tout sauf nobles, et pourtant ses interactions avec son entourage, les liens sincères qu'il forge avec les autres, les amitiés inattendues qu'il crée avec les autres et sa sincère envie de vivre, de simplement trouver un sens à sa vie, le rendent profondément humain et attachant. C'est ça, la force la plus surprenante de cette série : ce mélange réussi de représentation très noire de ce qui fait un-e humain-e, dans ses pires aspects, et ce sincère amour des petits riens qui forment les liens affectifs avec les autres, qui donnent un goût, un sens à tout ça. C'est déprimant et étrangement joli. Et c'est de là, justement, qu'est née ma crainte concernant cette série, parce que des histoires visant ce genre de complexité dans le fond tout en maintenant une forme simple et fluide (et surtout tout gardant jusqu'au bout une narration fluide et entrainante), j'en ai vu passer quelques fois et ça se casse malheureusement souvent la gueule, la faute à de trop grandes ambitions ou bien un mélange mal dosé. Ici, malgré quelques défauts, ça marche. Les défauts, justement. Il y en a deux/trois mais je les trouve minimes, j'ai surtout peur que cette série s'éternise. Le premier arc a été un véritable coup de cœur mais le second m'a semblé déjà plus convenu. Le premier arc était un tel feu d'artifice, avait une esthétique si particulière dans le paysage manga avec ses personnages tout en costumes et ses morts graphiques pleines d'hémoglobine n'épargnant personnes (et surtout pas les personnages auxquels on se serait attachés) que revenir à un arc dans un lycée avec une prophétie et un grand danger dont on nous annonce la venue me parait revenir sur des chemins un peu trop convenus, un peu trop sages. L'arc reste bien (même si je ne l'ai pas fini, je ne suis allée que jusqu'au tome 18) et j'aime bien la plupart des nouveaux personnages, mais j'avoue que la série me semble avoir légèrement perdu de son originalité et de son éclat. J'espère donc qu'elle saura s'arrêter de manière fluide et satisfaisante, sans chercher à s'éterniser pour le simple plaisir de rester. Bon, crainte pour l'avenir de la série mis à part, elle reste très bonne, la narration est prenante, les personnages sont attachants dans leurs défauts (et même leur monstruosité), la mise en scène est léchée (avec parfois des cases magnifiques et même joliment angoissantes), ... Une très bonne série (et une très bonne surprise), donc, qui mérite un coup de cœur de ma part pour son premier arc qui m'a joliment marquée.

26/06/2025 (modifier)
Couverture de la série Iruma à l'école des démons
Iruma à l'école des démons

Un 4 étoiles généreux pour faire plaisir à Gaston ;) et parce que j’ai passé un bon moment il faut l’avouer. J’ai du lire la moitié de la série parue à ce jour et j’aurais poursuivi ma lecture si j’avais eu les autres tomes sous le coude. L’histoire possède un début assez hallucinant, un enfant humain vendu par ses parents et adopté par un démon, Bonjour le malaise d’entrée de jeu ?! mais on dépasse vite ce stade. Ce n’est qu’une mise en situation pour développer une série déjantée, loufoque au ton assez crétin, l’humain devenant élève dans une école de démons. Il y a des impondérables au genre mais dans l’ensemble j’ai bien rigolé, une belle galerie de personnages (certain étant plus tête à claques que d’autres mais de bonnes réussites). Je ne suis pas expert mais un manga plutôt bien fait, et bien plus fun que les My Hero Academia et consort. 3,5 MàJ (passage du tome 7 à 28) : Une série qui m’a carrément conquis sur la longueur (et j’en redemande), je m’y surprend vraiment à rire à pleines dents. Je rejoins maintenant de bon cœur l’engouement de Gaston. Iruma a été ma petite dose de joie ces dernières semaines. Pas bien profond, ça met le paquet sur les bons sentiments mais c’est tellement loufoque et attachant que ça m’est devenu du fun en barre.

07/06/2022 (MAJ le 23/06/2025) (modifier)
Couverture de la série Spider-Man - Fake Red
Spider-Man - Fake Red

Une version originale et touchante de Spider-Man. On suit Yu, un lycéen timide et mal dans sa peau, qui se retrouve propulsé dans le rôle du célèbre héros après avoir trouvé son costume. Ce n’est pas un simple copier-coller de Peter Parker : le manga propose une vraie réflexion sur la peur de ne pas être à la hauteur, l’envie de bien faire, et le poids d’un symbole. Le dessin est propre, expressif, et l’histoire bien rythmée. C’est un bon mélange entre introspection et action. Pas besoin de tout connaître sur l’univers Marvel pour apprécier : c’est une belle porte d’entrée pour les novices comme pour les fans de longue date.

21/06/2025 (modifier)
Couverture de la série L'Inconnue du bar (Dans la tête de...)
L'Inconnue du bar (Dans la tête de...)

Je découvre l'univers de Jonathan Munoz avec cette inconnue autrice de BD trash sur l'enfance. J'ai eu quelques frissons en débutant ma lecture car je ne suis pas vraiment un adepte de cet humour noir que je trouve destructeur sans faire de réelles propositions en contrepartie. Toutefois la suite de la lecture m'a beaucoup plu. J'ai trouvé très intelligent cette juxtaposition des deux univers ( la BD et le bar) qui s'influencent l'un l'autre. Plus la thématique de l'amour occupe l'espace et moins la violence trash et la vulgarité qui l'accompagne subsistent. C'est comme un effet de vases communicants. L'excellent gag sur les cowboys porte à lui seul la profondeur et la pertinence du message de Munoz. J'ai été d'autant plus sensible à la construction du récit qui prend comme thématique centrale le rapport de l'adulte à l'enfance. Ainsi c'est cette dynamique du récit qui part du violent vers le paisible autour de la vision de l'enfant que j'ai beaucoup apprécié. Personnellement une vraie découverte qui dépasse l'humour cynique vers d'autres propositions. Une belle lecture.

20/06/2025 (modifier)