Ma connaissance des kaiju se limite, pour l'heure, à des films comme Godzilla (celui d'Emmerich, à ma grande honte), ainsi que Pacific Rim (ok, c'est un peu mieux. Sans oublier le roman original japonais qui a inspiré la franchise Gojira à partir des années 1950. C'est maigre, et ce manga est l'occasion de saisir un peu plus l'essence de ce sous-genre très populaire au Pays du Soleil Levant.
Ici Gaea-Tima est un monstre qui a provoqué la destruction de toute une ville avant de se dissoudre dans la Mer du Japon, avant de réapparaître dix ans plus tard, dans le sillage d'une survivante de la catastrophe, avec un lien tout particulier, et cette fois peut-être dans la peau du sauveur... L'histoire est assez intéressante pour qui s'intéresse aux mythes shintô, qui ont par exemple inspiré les films de Miyazaki, comme Nausicaä de la Vallée du Vent. Ainsi le Japon, qui subit nombre de catastrophes climatiques tous les ans, a intégré cela dans son quotidien, dans sa culture, dans sa littérature. Et y voit parfois des bienfaits, comme lorsque la nature reprend ses droits après telle ou telle catastrophe... Cette dualité est présente dans les personnages de Miyako et Tatsurumi, chacun incarnant un sentiment opposé concernant Gaea-Tima, le kaiju qui a ravagé la ville une décennie plus tôt.
C'est plutôt sympa, et cet aspect sociologique lié au folklore m'intéresse particulièrement? je suis curieux de voir comment cela va évoluer dans les tomes à venir...
Cerise, Cerise, Cerise, voilà une bien jolie surprise.
Je ne suis clairement pas le public visé d'une telle série et c'est avec pas mal d'appréhension que je me suis lancé dans sa lecture
Cerise est donc une fillette d'une dizaine d'années qui est curieuse de tout et surtout des inconnus qui l'entourent. Sa curiosité (qu'on pourrait aisément qualifiée de mal placée) l'entraine dans des aventures qu'elle consigne dans des carnets. Car Cerise souhaite devenir auteure.
A l'heure où les enfants sont plus connectés que jamais (mais toujours moins que demain) c'est très rafraichissant de voir une enfant aimer lire et écrire.
Les dessins sont très agréables et alternent habilement entre BD et extraits des Carnets de Cerises.
On regrettera juste une colorisation trop informatisée.
Tout s'enchaine facilement et la lecture est assez fluide, ce qui est "normal" pour une BD jeunesse.
Bien que chaque tome soit indépendant il est quand même préférable de les lire dans l'ordre car cela permet de suivre l'évolution de Cerise et ses amies. D'ailleurs on peut trouver certains clins d'œil aux tomes précédents en cours de lecture
Les histoires n'ont pas toutes les même qualités narratives ainsi s'il fallait noter les différents tomes :
* Tome 1 : 3/5 une très belle histoire se prêtant parfaitement aux dessins et couleurs de la série.
* Tome 2 : 1/5 J'ai détesté cet album pas à cause de l'histoire ou des dessins mais à cause des conflits qui éclatent entre Cerise et son entourage (maman et amies). En continuant la série je pense que ce passage était obligé afin de faire grandir Cerise
* Tome 3 : 5/5 Et oui cette histoire de chasse au trésor est ultra touchante, humainement parlant. Certaines blessures de l'enfance mettent très longtemps à guérir. On découvre par la même un peu plus l'histoire de notre héroïne
* Tome 4 : 3/5 On redescend d'intensité. L'intrigue, toujours pleine de bons sentiments, est moins touchante que la précédente. Cerise arrivera t'elle enfin à mettre des mots sur ses maux ?
* Tome 5 : 5/5 Cette fois c'est Cerise qui enquête sur son passé et c'est très émouvant. Les blessures de Cerise sont contées avec pudeur et empathie. C'est très prenant et ultra touchant
Ma note est légèrement gonflée mais il serait dommage de pénaliser la série à cause d'un seul tome.
Ce fut sincèrement une belle découverte
C'est certainement l'album que j'attendais avec impatience cette année, pour plusieurs raisons. D'une part il est signé Xavier Dorison, dont j'achète la plupart des albums, et d'autre part, ce récit couvre une période de l'histoire qui m'intéresse particulièrement , les débuts de la Vème République sur fonds de guerre d'Algérie. J'avais à ce titre adoré Un général, des généraux de Juncker et Boucq, et je ne compte plus le nombre de livres ou d'essais que je possède sur le Général de Gaulle.
Ici, Xavier Dorsion nous fait découvrir les coulisses de la Vème République, à travers l'histoire un peu romancée, des 4 gardes du corps du Général de Gaulle. Et c'est fort réussi.. Les dialogues font mouches, les personnages sont charismatiques et le lecteur est plongé dans le récit comme dans un film.
Mais ce qui fait la force de ce premier volume c'est le dessin de Julien Télo, que je découvre ici. Son style me fait songer à celui de Sylvain Vallée. L'ambiance des années 50 est parfaitement retranscrite, des costumes aux voitures, tout y est..
En plus, j'ai lu cette aventure dans l'édition proposée en grand format et en noir et blanc, sous une couverture plus réussie, à mon goût, que l'édition courante.
Ce tirage de luxe rend parfaitement hommage au magnifique dessin de Julien Télo et j'espère que les éditions Casterman feront de même pour les autres albums prévus pour cette série.
J'ai lu dans un entretien donné par Dorison, que la série est prévue en 10 volumes , vaste programme ! comme dirait de Gaulle.
Les auteurs ont certainement signés ici, un des albums qui marquera cette année.
Une réussite.
Les avis de Ro et bab m'ont convaincu de me pencher sur ce comics. Comics qui partait avec deux handicaps. Le premier c'est d'avoir des animaux pour personnages principaux, j'ai souvent du mal à adhérer à ce type de récit. Et le second c'est la partie graphique, son rendu ne m'attirait pas vraiment. Deux handicaps qui ont volé en éclats lors de ma lecture.
Les éditions "Monsieur Toussaint Louverture" ont, comme toujours, réalisé un superbe travail. Un magnifique écrin pour cette adaptation du chef-d’œuvre de Richard Adams.
Des lapins pour personnages principaux, ils sont à la recherche d'une nouvelle garenne, l'un d'eux a eu un mauvais pressentiment. Ils doivent quitter sur le champ leur logis s'ils veulent survivre. A partir de là, on va suivre ce petit groupe aux grandes oreilles à la recherche d'un coin de paradis et de liberté. L'aventure avec un grand A, elle sera semée d'embûches.
Un récit qui nous fait découvrir tout un monde complexe, la hiérarchisation est de mise dans la garenne, une société qui fera écho à certains régimes totalitaires.
Une fresque touchante et âpre, elle doit énormément à l'humanité qui émane de ce petit groupe de rebelles. Une quête captivante, très bien construite et qui m'a touché en plein cœur.
Le dessin de Joe Sutphin m'a conquis par le soin apporté aux détails, mais surtout les émotions qu'il arrive à faire passer au travers une attitude ou d'un regard de nos chers lapins. Un trait gras, légèrement charbonneux et de tristes couleurs retranscrivent toute l'âpreté de ce monde animalier.
Rien ne ressemble plus à un lapin qu'un autre lapin, pourtant (cela demandera un peu de concentration) il n'est pas si difficile de reconnaître chaque protagoniste suivant la couleur du pelage, le positionnement des oreilles, une particularité physique.... Ça permet de faire travailler la mémoire.
Une très belle surprise.
Ne pas oublier de vérifier que le carton reprenant la carte géographique des garennes et le glossaire "Lapine" est bien présent dans la BD. Très important !
Je ne peux que recommander.
Gros coup de cœur pour cet album, et merci aux précédents posteurs pour avoir attiré mon attention vers celui-ci.
Downlands est un comics à grosse pagination et pourvu d’une certaine densité narrative… que je n’ai pas su lâcher avant d’en avoir tourné la dernière page. L’histoire est en effet prenante en diable, qui traite de nos peurs les plus primaires (la mort, l'inconnu, et surtout l'énigme de l'après-mort) au travers du prisme du folklore et des légendes (anglais dans le cas présent). Il y a le fantôme de cette auto-stoppeuse qui apparait au milieu de la route, ce chien que des personnes voient la veille de leur mort, il y a cette mystérieuse voisine un peu sorcière qui intrigue et effraie les enfants. Il y a cette introduction durant laquelle le lecteur peut s'amuser à recouper différents articles de journaux... Il y a cette famille mystérieusement disparue sans laisser de traces.
J’ai adoré l’atmosphère que l’auteur parvient à créer en entremêlant diverses histoires fantastiques, les liant toutes à une petite ville, un quartier, une rue. Porté par un très charismatique personnage central, le récit prend la forme d’une enquête policière dans laquelle le fantastique s’insinue de manière naturelle, ouvrant les portes vers d’autres réalités auxquelles le lecteur que je suis se plait à croire. Force est d’admettre que les légendes qui servent d’ossature au récit ont quelque chose d’universel qui nous les rend intimes, comme si nous avions toujours vécu avec celles-ci, comme s’il était naturel d’y croire.
Au-delà de ce déjà très séduisant univers, j’ai également été ému par la description de cette famille touchée par le deuil, murée dans une pudeur silencieuse face à la douleur de la perte. Les lettres que James Reynolds écrit à sa défunte sœur sont une belle démonstration de cette souffrance pudique, camouflée derrière un bon mot ou une anecdote amusante.
Et pour parachever l’œuvre, ajoutez un dessin que j’ai beaucoup aimé. Le trait de Norm Konyu m’a fait penser à celui d’Alexandre Clérisse mais le traitement des couleurs (qui opte pour des teintes douces, très pastels) arrondi ce style anguleux tout en lui apportant de la profondeur. J’accrocherais volontiers certaines des planches de ce livre sur le mur de mon salon. Pourtant ce dessin est toujours au service de l’histoire. Il ne la domine pas, il la magnifie, lui apportant poésie, mystère et douceur.
Enfin, le récit tient la route jusqu’à sa conclusion. Une conclusion certes classique et sans doute attendue mais qui cadre tellement bien avec l’esprit de ce livre. J’ai achevé cette lecture en dévorant la postface qui revient sur l’origine des différents récits folkloriques qui rythment cette histoire, désireux de conserver le plus longtemps possible cette émotion, ce sourire tendre, triste et joyeux à la fois que Downlands avait réussi à faire naître en moi.
Gros coup de cœur !
L’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit. – Artistote
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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Sa première édition date de 2024. Il a été réalisé par Vincent Zabus avec la collaboration de Francis Hallé pour le scénario et les dialogues, par Nicoby pour les dessins, et par Philippe Ory & Pierre Janneteau pour les couleurs. Il comprend quatre-vingt-seize pages de bande dessinée. Il se termine par un glossaire de sept pages, recensant soixante-trois termes, allant de Anthropocentrisme à V.O.C. (composés organiques volatils), en passant par Cambium, Chablis, Écologie, Fente de timidité, Particules fines, Plante épiphyte, Réitération, Sentiment océanique, Sylvigenèse, symbiose, etc.
À Montpellier, Francis Hallé reçoit chez lui le philosophe Aristote. Il indique à son hôte qu’il n’est pas d’accord avec sa classification. Aristote explique qu’il a juste voulu faire un petit classement, il adore ranger, hiérarchiser, organiser. Devant l’attitude fermée de son interlocuteur, il développe son point de vue : il a classé les organismes du plus simple au plus complexe, dans une pyramide. Alors… Tout en bas, le minéral… Puis le végétal. Au-dessus les animaux. Et enfin nous, tout en haut. L’être humain est au sommet de tout. Même si Francis est botaniste et qu’il va sans doute le heurter, Aristote conclut que pour lui l’existence du végétal n’est justifiée que par l’usage qu’en font les humains. Francis lui répond de manière sèche que le philosophe aurait mieux fait de ne jamais se mêler de botanique. Il ajoute que ce classement est tout simplement à l’origine de la crise écologique actuelle. Il explique que le prestige dont Aristote jouit va conduire l’Église à reprendre ses idées au moyen âge, et ça va s’amplifier à la renaissance. Résultat : à partir du XVIIIe siècle, toute l’Europe admet ce principe de l‘échelle de la nature, qui influence encore considérablement la vision du monde contemporaine. Et c’est grave : c’est l’anthropocentrisme qui laisse croire à l’homme qu’il occupe une place particulière sur la Terre, qu’il est le plus important, que la nature est à son service.
Francis et Aristote sortent à l’extérieur et ils regardent Voltaire assis sur une chaise, en train d’écrire que depuis qu’il s’est retiré à Ferney, il ne fait que planter des arbres. Voltaire sait qu’il est trop vieux pour jamais voir leurs fruits, ni pouvoir profiter de leur ombre, mais il ne voit pas de meilleur moyen de s’occuper de l’avenir. Francis raconte ensuite qu’il y a quelques années, des scientifiques japonais ont prouvé qu’une promenade en forêt – ils parlent même de Shinrin-yoku, de bains de forêt – avait plein de bienfaits : ça diminue les rythmes cardiaques, la tension, le stress… puis les deux hommes se placent devant un arbre de grande envergure et Francis explique que l’arbre est une forme de vie qui n’est pas du tout comme celle d’un humain, une altérité radicale. Le fait d’avoir des arbres et de la nature tout autour donne l’impression de les connaître. Mais à vrai dire, on ne les connaît pas du tout. Même les arbres les plus communs posent, aux scientifiques, de nombreuses questions. Les découvertes à faire sont encore énormes.
Le lecteur constate rapidement que ce récit s’apparente à un exposé des connaissances et des théories du botaniste Francis Hallé, au cours d’une discussions avec Aristote (-384 à -322). Ce chercheur est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, la majeure partie ayant trait aux arbres, évoquant son exploration des canopées forestières avec le radeau des cimes, l’architecture des plantes, la vie des arbres, la forêt tropicale, la beauté du vivant. Le lecteur profite ainsi de cet exposé très vivant, des remarques d’Aristote, parfois taquin, souvent émerveillé, jouant le rôle du candide. L’auteur intègre une poignée de citations du philosophe, de type maxime, sans développer sa pensée, au-delà de la pyramide de l’ordre naturel. La discussion constitue une forme très agréable, facile à suivre commençant avec la remise en cause de la pyramide, puis les auteurs enchainent avec l’altérité radicale des arbres, la beauté de la nature, la notion d’immortalité des arbres avec un séquoia, ceux unitaires et ceux coloniaires, les réitérations, la rénovation de la charpente de Notre-Dame, l’efficacité d’un être constitué de trois organes (racine, tige, feuille) et fonctionnant avec la photosynthèse, les sens de la vue et de l’ouïe appliqués aux arbres (avec les exemples du cyprès et de la codariocalyx motorius), la symbiose avec les champignons et avec les fourmis, la forêt primaire, la canopée, pour finir avec le sentiment océanique.
Ce genre d’ouvrage à visée vulgarisatrice choisit souvent la technique de mettre en scène un avatar du sachant qui va ainsi exposer ses connaissances directement au lecteur, ou au bénéfice d’un personnage novice. Ici, les auteurs ont opté pour une solution très légèrement distincte : Aristote a été un botaniste avec une vision très différente de l’ordre naturel. Francis peut s’adresser à lui en tenant pour acquis des informations basiques tout en lui faisant des mises à jour du fait des deux millénaires écoulés. Les auteurs mettent également à profit le médium de la bande dessinée pour faire voyager les deux personnes, leur faire changer d’endroit en un clin d’œil, ou juste d’une case à l’autre, alors que le dialogue continue. Francis évoque les bains de forêt (Shinrin-yoku), et les balades en forêt. En effet il va entraîner son interlocuteur (et par là-même le lecteur) à une longue balade. Elle commence donc dans sa maison à Montpellier. Les deux personnages sortent dans le jardin, et saluent Voltaire en passant, puis ils vont se planter devant un arbre d’une dimension majestueuse. Et c’est parti pour la balade : le Parthénon (un séquoia géant formé de plusieurs troncs en cercle issus d'un même arbre, en Californie), une haie de houx royal de Tasmanie, un petit passage par le jardin botanique de Xishuangbanna en Chine, un bref retour à la maison, avant de repartir pour Kyoto au Japon, puis une forêt primaire, une forêt tropicale, et un séjour inoubliable dans le radeau des cimes sur la canopée pour revenir en Europe et évoquer un projet de forêt primaire de soixante-dix mille hectares dans les Ardennes franco-belges et la région réunissant Vosges du Nord françaises et Rhénanie-Palatinat allemande. Les dessins s’inscrivent dans une veine descriptive, semi-réaliste, simplifiée, avec un trait de contour fin et léger, des formes nourries par une mise en couleur de type naturaliste, rendant bien compte des ambiances arborées.
Le lecteur se rend compte qu’il apprécie de pouvoir accompagner ainsi les deux personnages en balades. Le degré de simplification dans les représentations rend les dessins immédiatement lisibles, pour une lecture facile. Dans le même temps, l’artiste sait inclure des éléments visuels spécifiques et particuliers comme la forme des tuiles du toit de la maison de Francis, la rambarde de sa terrasse, les différentes formes d’arbres, des engins d’abattage d’arbres identifiables et conformes à la réalité de cette industrie, quelques schémas simples en petit nombre, l’urbanisme spécifique de Kyoto, la forme caractéristique du radeau des cimes en hexagone avec ses filets, et bien sûr les différentes configurations des forêts, d’arbres clairsemés à la pénombre du sous-bois de la forêt tropicale, le spectacle magnifique de la canopée, et une ou deux coupes montrant le réseau racinaire, ainsi que sa symbiose avec les filaments des champignons. Outre la conviction des propos du botaniste, le lecteur ressent une envie irrépressible d’aller faire un tour en forêt, simplement en regardant les dessins.
Aristote et Francis sont représentés comme deux adultes, avec des postures et des gestes mesurés et posés, à l’exception du passage où le botaniste explique l’incidence des arbres sur la structure physique de l’être humain. Lors de cette séquence, le lecteur en oublie que Francis a déjà vécu huit décennies. Les échanges des deux hommes comprennent une forte proportion d’informations scientifiques vulgarisées, ainsi que des prises de position et des réactions émotionnelles. Il y a bien sûr l’admiration de Francis Hallé pour les arbres, le scepticisme initial d’Aristote qui évolue progressivement vers un émerveillement. Ainsi l’exposé échappe à l’aridité encyclopédique et se trouve incarné au travers de la personnalité du botaniste. S’il est déjà familier des travaux du chercheur, le lecteur trouvera une synthèse de ses idées directrices, dans une formulation tout public. S’il est ignorant en la matière, le lecteur va de découverte en découverte. Il commence par retrouver des principes bien connus sur la fonction des arbres, de la captation du CO2 au rafraîchissement de plusieurs degrés en cas de canicule. Puis il passe à des notions moins basiques : le principe de coloniarité qui fait d’une forêt un tout plus grand que la simple somme des arbres qui la composent, en mettant en avant des capacités de communication entre les arbres. Il découvre également le concept de timidité des arbres : des sujets de la même espèce qui se développent à proximité, de telle sorte que leurs cimes ne se touchent pas, laissant une fente de timidité. Le tome se termine avec ce projet d’initier une nouvelle forêt primaire en Europe, en passant en revue tous les bénéfices associés : lutter contre le réchauffement climatique, reconstituer un grand réservoir de biodiversité, protéger la vie humaine, assurer l’abondance et la qualité des ressources hydriques, développer la recherche, encourager le développement territorial, la citoyenneté, les pratiques artistiques…
Une balade en forêt avec un botaniste de renommée mondiale : une proposition fort sympathique. Le scénariste et le dessinateur mettent en scène cette balade entre Francis Hallé et Aristote, dans un mode narratif agréable et facile. Le lecteur ressent vite l’envie irrépressible de se promener en forêt tout en s’acculturant avec des termes comme canopée et chablis, avec les propriétés des arbres comme la communication entre eux, jusqu’à la découverte du fonctionnement d’une forêt primaire. Une balade relaxante et enrichissante.
Une nouvelle fois, je dois remercier les membres de BDthèque pour m'avoir fait découvrir ce comics.
Dire que j'ai beaucoup apprécié cette allégorie du colonialisme serait un euphémisme.
Contrairement à Emka, j'ai vraiment aimé le style littéraire, presque romancé, de cet ouvrage à mi-chemin entre le comics et la bande-dessinée classique. On peine ainsi à la classifier tant elle bouscule les genres oscillant entre récit fantastique et épopée historique. J'ai ainsi trouvé particulièrement brillant le parallèle entre la lutte qui va opposer le démon indien Bishan et le vampire anglais Grano et la guerre coloniale que se livrent les Hommes pour la maîtrise du commerce asiatique et des flux économiques. L'insidiosité de la guerre économique que livreront les colons est ici très bien décrite. L'histoire est également teintée d'une certaine mélancolie et enrichie de réflexions sur l'immortalité et son impact sur les divinités/monstres peuplant le monde.
A ce très bon scénario, s'ajoutent des graphismes très dynamiques et une très belle mise en couleurs. La couverture de l'intégrale mêlant lettres et enluminures dorées et dessins mats est également magnifique. Dommage que son format n'ait pas été un tantinet plus grand pour pouvoir mieux apprécier le dessin et les cahiers graphiques offerts en fin d'ouvrage.
Un gros coup de cœur et la note maximale donc pour moi.
SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 9/10
GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 9/10
NOTE GLOBALE : 18/20
Je le dis tout de go, si cette bande dessinée n’avait pas obtenu un prix à Angoulême, je ne me serais jamais donné la peine de la lire (et j’aurais pu m’en mordre les doigts !), rebuté par un dessin que je trouvais vraiment moche : trait simpliste et enfantin, personnages difformes, proportions qui piquent les yeux et composition boiteuse… Et comme l’autrice évoque dans cet ouvrage autobiographique sa passion pour le dessin, ses années aux Beaux-arts de Nantes et son embauche en tant que graphiste dans une petite boîte de jeux vidéo, j’ai voulu chercher trace de ses travaux sur Internet, en espérant y trouver son blog ou sa page Instagram… Sans succès… Du coup, je suis resté avec cette interrogation : pouvait-il s’agir d’un parti-pris ? Si l’on accepte la démarche, alors oui, on pourra se dire que c’est tout à fait raccord avec l’esprit du livre.
Et de ce point de vue, la narration est exemplaire. Carole Lobel nous captive tout au long de ces quelques 200 pages qui se lisent d’une traite. L’autrice a réussi faire d’une histoire assez ordinaire, la sienne, quelque chose qui s’apparente à un véritable thriller psychologique. Un mélange d’empathie pour sa narratrice et d’effroi saisit le lecteur devant cette avalanche de galères liées à cette relation toxique, alors qu’on assiste au fil des pages à l’évolution inquiétante de son compagnon Stéphane vers le « côté obscur ».
Carole Lobel nous livre ici un témoignage fort et précieux sur un épisode de sa vie dont elle n’est pas ressortie totalement indemne, mais qui révèle néanmoins la résilience dont elle a fait preuve. Même si elle apparaît fragile dans la façon dont elle se met en scène, on réalise que le plus fragile dans l’histoire, c’est en réalité Stéphane, malgré ses gesticulations virilistes et son attitude arrogante. Ce dernier impute constamment ses propres échecs à autrui, sans chercher à se remettre en cause, tout en camouflant son déni dans les vapeurs de weed.
Ce qui ressort de cette lecture, ce sont d’abord, bien sûr, les conséquences néfastes d’une relation toxique, où l’un des conjoints cherche à établir sa domination sur l’autre, mais aussi le mécanisme à l’œuvre aujourd’hui qui transparaît à travers les réseaux sociaux. A ce titre, Stéphane en est une parfaite illustration, avec un caractère qui le prédisposait à glisser vers ces gouffres obscurs du cyberespace où, tapie dans l’ombre, une idéologie fétide attend ses adeptes crédules, qui à leur tour iront répandre la « bonne parole » complotiste…
Et pour en revenir au dessin, ses imperfections finissent par s’effacer devant un contenu aussi saisissant, qui fait réellement froid dans le dos. On pourra même lui reconnaître des qualités, d’abord une bonne lisibilité, mais aussi une certaine habileté poétique à illustrer les états d’âme de sa narratrice, telle cette façon qu’elle a de symboliser la sexualité par une végétation luxuriante ou les manifestations de l’emprise « viriliste » de Stéphane. De même, Lobel sait diffuser l’humour nécessaire à la prise de distance et de fait, à sa survie morale. En somme, son trait bancal restitue bien la fragilité morale dans laquelle elle se trouvait à cette époque de sa vie, et respire même une urgence qui entravait tout fignolage, le but n’était assurément pas de faire « joli »…
On relèvera enfin également la qualité littéraire des textes, qualité étayée par l’impérieuse nécessité de livrer un tel témoignage.
Au final, « En territoire ennemi » s’avère un roman graphique aussi terrifiant qu’enrichissant, justifiant son fauve attribué par le jury angoumoisin. Il nous permet de comprendre, du moins en partie, le phénomène qui a fait des réseaux sociaux, au départ conçus comme un espace d’échanges et de liberté, une sorte de marécage nauséabond où ont prospéré les théories les plus fallacieuses et toute la propagande réactionnaire, désormais véritable menace pour nos fragiles démocraties. L’explication se trouverait-elle quelque part dans les propos de l’autrice elle-même, à propos de son compagnon ? « Que cherchait-il vraiment ? Sans doute, aussi dévoyée soit-elle, une forme de dignité. »
Je ne peux vraiment pas mettre 4 étoiles à cause du dessin, alors je compense avec un coup de coeur...
J’ai adoré cette BD. Les héros, son caractère historique (le livret à la fin est vraiment passionnant et superbe) et les dessins, et la couleur ainsi que la lumière, magnifiques. Le scénario est riche, l’intrigue captivante et elle m’a permis de découvrir une période de l’histoire américaine que je ne connaissais pas (celle qui suit la guerre de Sécession). New York 1893, que se disputent la pègre, les politiciens corrompus et les sudistes vaincus avides de revanche, est un sacré décor pour les aventures de Dred. Bravo !
Un one shot méconnu écrit et mis en images par deux grands artistes de la bande dessinée sur les derniers jours du marquis de Sade.
Je m'attendais à un traitement plus second degré/léger de ce personnage par Dufaux, c'eût été en effet très facile de céder à certaines complaisances vu la légende du marquis et l'attrait de Dufaux pour l'érotisme.
Mais en fait il y a une réelle volonté de rendre hommage au marquis et à son talent d'écriture. Dufaux a complètement intégré le personnage de Sade à son univers, c'est impressionnant. Au bout de 3 pages maximum, on peut déjà nommer le scénariste. Un peu comme chez Jodorowsky. Je trouve que c'est la marque des grands auteurs.
Le récit est maîtrisé jusqu'à la fin. C'est difficile d'en parler sans spolier, disons qu'il n'est pas dénué de surprise.
Griffo est au diapason, il instille une superbe ambiance avec son style si caractéristique.
Une pépite !
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Great Kaiju - Gaea-Tima
Ma connaissance des kaiju se limite, pour l'heure, à des films comme Godzilla (celui d'Emmerich, à ma grande honte), ainsi que Pacific Rim (ok, c'est un peu mieux. Sans oublier le roman original japonais qui a inspiré la franchise Gojira à partir des années 1950. C'est maigre, et ce manga est l'occasion de saisir un peu plus l'essence de ce sous-genre très populaire au Pays du Soleil Levant. Ici Gaea-Tima est un monstre qui a provoqué la destruction de toute une ville avant de se dissoudre dans la Mer du Japon, avant de réapparaître dix ans plus tard, dans le sillage d'une survivante de la catastrophe, avec un lien tout particulier, et cette fois peut-être dans la peau du sauveur... L'histoire est assez intéressante pour qui s'intéresse aux mythes shintô, qui ont par exemple inspiré les films de Miyazaki, comme Nausicaä de la Vallée du Vent. Ainsi le Japon, qui subit nombre de catastrophes climatiques tous les ans, a intégré cela dans son quotidien, dans sa culture, dans sa littérature. Et y voit parfois des bienfaits, comme lorsque la nature reprend ses droits après telle ou telle catastrophe... Cette dualité est présente dans les personnages de Miyako et Tatsurumi, chacun incarnant un sentiment opposé concernant Gaea-Tima, le kaiju qui a ravagé la ville une décennie plus tôt. C'est plutôt sympa, et cet aspect sociologique lié au folklore m'intéresse particulièrement? je suis curieux de voir comment cela va évoluer dans les tomes à venir...
Les Carnets de Cerise
Cerise, Cerise, Cerise, voilà une bien jolie surprise. Je ne suis clairement pas le public visé d'une telle série et c'est avec pas mal d'appréhension que je me suis lancé dans sa lecture Cerise est donc une fillette d'une dizaine d'années qui est curieuse de tout et surtout des inconnus qui l'entourent. Sa curiosité (qu'on pourrait aisément qualifiée de mal placée) l'entraine dans des aventures qu'elle consigne dans des carnets. Car Cerise souhaite devenir auteure. A l'heure où les enfants sont plus connectés que jamais (mais toujours moins que demain) c'est très rafraichissant de voir une enfant aimer lire et écrire. Les dessins sont très agréables et alternent habilement entre BD et extraits des Carnets de Cerises. On regrettera juste une colorisation trop informatisée. Tout s'enchaine facilement et la lecture est assez fluide, ce qui est "normal" pour une BD jeunesse. Bien que chaque tome soit indépendant il est quand même préférable de les lire dans l'ordre car cela permet de suivre l'évolution de Cerise et ses amies. D'ailleurs on peut trouver certains clins d'œil aux tomes précédents en cours de lecture Les histoires n'ont pas toutes les même qualités narratives ainsi s'il fallait noter les différents tomes : * Tome 1 : 3/5 une très belle histoire se prêtant parfaitement aux dessins et couleurs de la série. * Tome 2 : 1/5 J'ai détesté cet album pas à cause de l'histoire ou des dessins mais à cause des conflits qui éclatent entre Cerise et son entourage (maman et amies). En continuant la série je pense que ce passage était obligé afin de faire grandir Cerise * Tome 3 : 5/5 Et oui cette histoire de chasse au trésor est ultra touchante, humainement parlant. Certaines blessures de l'enfance mettent très longtemps à guérir. On découvre par la même un peu plus l'histoire de notre héroïne * Tome 4 : 3/5 On redescend d'intensité. L'intrigue, toujours pleine de bons sentiments, est moins touchante que la précédente. Cerise arrivera t'elle enfin à mettre des mots sur ses maux ? * Tome 5 : 5/5 Cette fois c'est Cerise qui enquête sur son passé et c'est très émouvant. Les blessures de Cerise sont contées avec pudeur et empathie. C'est très prenant et ultra touchant Ma note est légèrement gonflée mais il serait dommage de pénaliser la série à cause d'un seul tome. Ce fut sincèrement une belle découverte
Les Gorilles du Général
C'est certainement l'album que j'attendais avec impatience cette année, pour plusieurs raisons. D'une part il est signé Xavier Dorison, dont j'achète la plupart des albums, et d'autre part, ce récit couvre une période de l'histoire qui m'intéresse particulièrement , les débuts de la Vème République sur fonds de guerre d'Algérie. J'avais à ce titre adoré Un général, des généraux de Juncker et Boucq, et je ne compte plus le nombre de livres ou d'essais que je possède sur le Général de Gaulle. Ici, Xavier Dorsion nous fait découvrir les coulisses de la Vème République, à travers l'histoire un peu romancée, des 4 gardes du corps du Général de Gaulle. Et c'est fort réussi.. Les dialogues font mouches, les personnages sont charismatiques et le lecteur est plongé dans le récit comme dans un film. Mais ce qui fait la force de ce premier volume c'est le dessin de Julien Télo, que je découvre ici. Son style me fait songer à celui de Sylvain Vallée. L'ambiance des années 50 est parfaitement retranscrite, des costumes aux voitures, tout y est.. En plus, j'ai lu cette aventure dans l'édition proposée en grand format et en noir et blanc, sous une couverture plus réussie, à mon goût, que l'édition courante. Ce tirage de luxe rend parfaitement hommage au magnifique dessin de Julien Télo et j'espère que les éditions Casterman feront de même pour les autres albums prévus pour cette série. J'ai lu dans un entretien donné par Dorison, que la série est prévue en 10 volumes , vaste programme ! comme dirait de Gaulle. Les auteurs ont certainement signés ici, un des albums qui marquera cette année. Une réussite.
Watership Down
Les avis de Ro et bab m'ont convaincu de me pencher sur ce comics. Comics qui partait avec deux handicaps. Le premier c'est d'avoir des animaux pour personnages principaux, j'ai souvent du mal à adhérer à ce type de récit. Et le second c'est la partie graphique, son rendu ne m'attirait pas vraiment. Deux handicaps qui ont volé en éclats lors de ma lecture. Les éditions "Monsieur Toussaint Louverture" ont, comme toujours, réalisé un superbe travail. Un magnifique écrin pour cette adaptation du chef-d’œuvre de Richard Adams. Des lapins pour personnages principaux, ils sont à la recherche d'une nouvelle garenne, l'un d'eux a eu un mauvais pressentiment. Ils doivent quitter sur le champ leur logis s'ils veulent survivre. A partir de là, on va suivre ce petit groupe aux grandes oreilles à la recherche d'un coin de paradis et de liberté. L'aventure avec un grand A, elle sera semée d'embûches. Un récit qui nous fait découvrir tout un monde complexe, la hiérarchisation est de mise dans la garenne, une société qui fera écho à certains régimes totalitaires. Une fresque touchante et âpre, elle doit énormément à l'humanité qui émane de ce petit groupe de rebelles. Une quête captivante, très bien construite et qui m'a touché en plein cœur. Le dessin de Joe Sutphin m'a conquis par le soin apporté aux détails, mais surtout les émotions qu'il arrive à faire passer au travers une attitude ou d'un regard de nos chers lapins. Un trait gras, légèrement charbonneux et de tristes couleurs retranscrivent toute l'âpreté de ce monde animalier. Rien ne ressemble plus à un lapin qu'un autre lapin, pourtant (cela demandera un peu de concentration) il n'est pas si difficile de reconnaître chaque protagoniste suivant la couleur du pelage, le positionnement des oreilles, une particularité physique.... Ça permet de faire travailler la mémoire. Une très belle surprise. Ne pas oublier de vérifier que le carton reprenant la carte géographique des garennes et le glossaire "Lapine" est bien présent dans la BD. Très important ! Je ne peux que recommander.
Downlands
Gros coup de cœur pour cet album, et merci aux précédents posteurs pour avoir attiré mon attention vers celui-ci. Downlands est un comics à grosse pagination et pourvu d’une certaine densité narrative… que je n’ai pas su lâcher avant d’en avoir tourné la dernière page. L’histoire est en effet prenante en diable, qui traite de nos peurs les plus primaires (la mort, l'inconnu, et surtout l'énigme de l'après-mort) au travers du prisme du folklore et des légendes (anglais dans le cas présent). Il y a le fantôme de cette auto-stoppeuse qui apparait au milieu de la route, ce chien que des personnes voient la veille de leur mort, il y a cette mystérieuse voisine un peu sorcière qui intrigue et effraie les enfants. Il y a cette introduction durant laquelle le lecteur peut s'amuser à recouper différents articles de journaux... Il y a cette famille mystérieusement disparue sans laisser de traces. J’ai adoré l’atmosphère que l’auteur parvient à créer en entremêlant diverses histoires fantastiques, les liant toutes à une petite ville, un quartier, une rue. Porté par un très charismatique personnage central, le récit prend la forme d’une enquête policière dans laquelle le fantastique s’insinue de manière naturelle, ouvrant les portes vers d’autres réalités auxquelles le lecteur que je suis se plait à croire. Force est d’admettre que les légendes qui servent d’ossature au récit ont quelque chose d’universel qui nous les rend intimes, comme si nous avions toujours vécu avec celles-ci, comme s’il était naturel d’y croire. Au-delà de ce déjà très séduisant univers, j’ai également été ému par la description de cette famille touchée par le deuil, murée dans une pudeur silencieuse face à la douleur de la perte. Les lettres que James Reynolds écrit à sa défunte sœur sont une belle démonstration de cette souffrance pudique, camouflée derrière un bon mot ou une anecdote amusante. Et pour parachever l’œuvre, ajoutez un dessin que j’ai beaucoup aimé. Le trait de Norm Konyu m’a fait penser à celui d’Alexandre Clérisse mais le traitement des couleurs (qui opte pour des teintes douces, très pastels) arrondi ce style anguleux tout en lui apportant de la profondeur. J’accrocherais volontiers certaines des planches de ce livre sur le mur de mon salon. Pourtant ce dessin est toujours au service de l’histoire. Il ne la domine pas, il la magnifie, lui apportant poésie, mystère et douceur. Enfin, le récit tient la route jusqu’à sa conclusion. Une conclusion certes classique et sans doute attendue mais qui cadre tellement bien avec l’esprit de ce livre. J’ai achevé cette lecture en dévorant la postface qui revient sur l’origine des différents récits folkloriques qui rythment cette histoire, désireux de conserver le plus longtemps possible cette émotion, ce sourire tendre, triste et joyeux à la fois que Downlands avait réussi à faire naître en moi. Gros coup de cœur !
Le Génie de la forêt
L’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit. – Artistote - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Sa première édition date de 2024. Il a été réalisé par Vincent Zabus avec la collaboration de Francis Hallé pour le scénario et les dialogues, par Nicoby pour les dessins, et par Philippe Ory & Pierre Janneteau pour les couleurs. Il comprend quatre-vingt-seize pages de bande dessinée. Il se termine par un glossaire de sept pages, recensant soixante-trois termes, allant de Anthropocentrisme à V.O.C. (composés organiques volatils), en passant par Cambium, Chablis, Écologie, Fente de timidité, Particules fines, Plante épiphyte, Réitération, Sentiment océanique, Sylvigenèse, symbiose, etc. À Montpellier, Francis Hallé reçoit chez lui le philosophe Aristote. Il indique à son hôte qu’il n’est pas d’accord avec sa classification. Aristote explique qu’il a juste voulu faire un petit classement, il adore ranger, hiérarchiser, organiser. Devant l’attitude fermée de son interlocuteur, il développe son point de vue : il a classé les organismes du plus simple au plus complexe, dans une pyramide. Alors… Tout en bas, le minéral… Puis le végétal. Au-dessus les animaux. Et enfin nous, tout en haut. L’être humain est au sommet de tout. Même si Francis est botaniste et qu’il va sans doute le heurter, Aristote conclut que pour lui l’existence du végétal n’est justifiée que par l’usage qu’en font les humains. Francis lui répond de manière sèche que le philosophe aurait mieux fait de ne jamais se mêler de botanique. Il ajoute que ce classement est tout simplement à l’origine de la crise écologique actuelle. Il explique que le prestige dont Aristote jouit va conduire l’Église à reprendre ses idées au moyen âge, et ça va s’amplifier à la renaissance. Résultat : à partir du XVIIIe siècle, toute l’Europe admet ce principe de l‘échelle de la nature, qui influence encore considérablement la vision du monde contemporaine. Et c’est grave : c’est l’anthropocentrisme qui laisse croire à l’homme qu’il occupe une place particulière sur la Terre, qu’il est le plus important, que la nature est à son service. Francis et Aristote sortent à l’extérieur et ils regardent Voltaire assis sur une chaise, en train d’écrire que depuis qu’il s’est retiré à Ferney, il ne fait que planter des arbres. Voltaire sait qu’il est trop vieux pour jamais voir leurs fruits, ni pouvoir profiter de leur ombre, mais il ne voit pas de meilleur moyen de s’occuper de l’avenir. Francis raconte ensuite qu’il y a quelques années, des scientifiques japonais ont prouvé qu’une promenade en forêt – ils parlent même de Shinrin-yoku, de bains de forêt – avait plein de bienfaits : ça diminue les rythmes cardiaques, la tension, le stress… puis les deux hommes se placent devant un arbre de grande envergure et Francis explique que l’arbre est une forme de vie qui n’est pas du tout comme celle d’un humain, une altérité radicale. Le fait d’avoir des arbres et de la nature tout autour donne l’impression de les connaître. Mais à vrai dire, on ne les connaît pas du tout. Même les arbres les plus communs posent, aux scientifiques, de nombreuses questions. Les découvertes à faire sont encore énormes. Le lecteur constate rapidement que ce récit s’apparente à un exposé des connaissances et des théories du botaniste Francis Hallé, au cours d’une discussions avec Aristote (-384 à -322). Ce chercheur est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, la majeure partie ayant trait aux arbres, évoquant son exploration des canopées forestières avec le radeau des cimes, l’architecture des plantes, la vie des arbres, la forêt tropicale, la beauté du vivant. Le lecteur profite ainsi de cet exposé très vivant, des remarques d’Aristote, parfois taquin, souvent émerveillé, jouant le rôle du candide. L’auteur intègre une poignée de citations du philosophe, de type maxime, sans développer sa pensée, au-delà de la pyramide de l’ordre naturel. La discussion constitue une forme très agréable, facile à suivre commençant avec la remise en cause de la pyramide, puis les auteurs enchainent avec l’altérité radicale des arbres, la beauté de la nature, la notion d’immortalité des arbres avec un séquoia, ceux unitaires et ceux coloniaires, les réitérations, la rénovation de la charpente de Notre-Dame, l’efficacité d’un être constitué de trois organes (racine, tige, feuille) et fonctionnant avec la photosynthèse, les sens de la vue et de l’ouïe appliqués aux arbres (avec les exemples du cyprès et de la codariocalyx motorius), la symbiose avec les champignons et avec les fourmis, la forêt primaire, la canopée, pour finir avec le sentiment océanique. Ce genre d’ouvrage à visée vulgarisatrice choisit souvent la technique de mettre en scène un avatar du sachant qui va ainsi exposer ses connaissances directement au lecteur, ou au bénéfice d’un personnage novice. Ici, les auteurs ont opté pour une solution très légèrement distincte : Aristote a été un botaniste avec une vision très différente de l’ordre naturel. Francis peut s’adresser à lui en tenant pour acquis des informations basiques tout en lui faisant des mises à jour du fait des deux millénaires écoulés. Les auteurs mettent également à profit le médium de la bande dessinée pour faire voyager les deux personnes, leur faire changer d’endroit en un clin d’œil, ou juste d’une case à l’autre, alors que le dialogue continue. Francis évoque les bains de forêt (Shinrin-yoku), et les balades en forêt. En effet il va entraîner son interlocuteur (et par là-même le lecteur) à une longue balade. Elle commence donc dans sa maison à Montpellier. Les deux personnages sortent dans le jardin, et saluent Voltaire en passant, puis ils vont se planter devant un arbre d’une dimension majestueuse. Et c’est parti pour la balade : le Parthénon (un séquoia géant formé de plusieurs troncs en cercle issus d'un même arbre, en Californie), une haie de houx royal de Tasmanie, un petit passage par le jardin botanique de Xishuangbanna en Chine, un bref retour à la maison, avant de repartir pour Kyoto au Japon, puis une forêt primaire, une forêt tropicale, et un séjour inoubliable dans le radeau des cimes sur la canopée pour revenir en Europe et évoquer un projet de forêt primaire de soixante-dix mille hectares dans les Ardennes franco-belges et la région réunissant Vosges du Nord françaises et Rhénanie-Palatinat allemande. Les dessins s’inscrivent dans une veine descriptive, semi-réaliste, simplifiée, avec un trait de contour fin et léger, des formes nourries par une mise en couleur de type naturaliste, rendant bien compte des ambiances arborées. Le lecteur se rend compte qu’il apprécie de pouvoir accompagner ainsi les deux personnages en balades. Le degré de simplification dans les représentations rend les dessins immédiatement lisibles, pour une lecture facile. Dans le même temps, l’artiste sait inclure des éléments visuels spécifiques et particuliers comme la forme des tuiles du toit de la maison de Francis, la rambarde de sa terrasse, les différentes formes d’arbres, des engins d’abattage d’arbres identifiables et conformes à la réalité de cette industrie, quelques schémas simples en petit nombre, l’urbanisme spécifique de Kyoto, la forme caractéristique du radeau des cimes en hexagone avec ses filets, et bien sûr les différentes configurations des forêts, d’arbres clairsemés à la pénombre du sous-bois de la forêt tropicale, le spectacle magnifique de la canopée, et une ou deux coupes montrant le réseau racinaire, ainsi que sa symbiose avec les filaments des champignons. Outre la conviction des propos du botaniste, le lecteur ressent une envie irrépressible d’aller faire un tour en forêt, simplement en regardant les dessins. Aristote et Francis sont représentés comme deux adultes, avec des postures et des gestes mesurés et posés, à l’exception du passage où le botaniste explique l’incidence des arbres sur la structure physique de l’être humain. Lors de cette séquence, le lecteur en oublie que Francis a déjà vécu huit décennies. Les échanges des deux hommes comprennent une forte proportion d’informations scientifiques vulgarisées, ainsi que des prises de position et des réactions émotionnelles. Il y a bien sûr l’admiration de Francis Hallé pour les arbres, le scepticisme initial d’Aristote qui évolue progressivement vers un émerveillement. Ainsi l’exposé échappe à l’aridité encyclopédique et se trouve incarné au travers de la personnalité du botaniste. S’il est déjà familier des travaux du chercheur, le lecteur trouvera une synthèse de ses idées directrices, dans une formulation tout public. S’il est ignorant en la matière, le lecteur va de découverte en découverte. Il commence par retrouver des principes bien connus sur la fonction des arbres, de la captation du CO2 au rafraîchissement de plusieurs degrés en cas de canicule. Puis il passe à des notions moins basiques : le principe de coloniarité qui fait d’une forêt un tout plus grand que la simple somme des arbres qui la composent, en mettant en avant des capacités de communication entre les arbres. Il découvre également le concept de timidité des arbres : des sujets de la même espèce qui se développent à proximité, de telle sorte que leurs cimes ne se touchent pas, laissant une fente de timidité. Le tome se termine avec ce projet d’initier une nouvelle forêt primaire en Europe, en passant en revue tous les bénéfices associés : lutter contre le réchauffement climatique, reconstituer un grand réservoir de biodiversité, protéger la vie humaine, assurer l’abondance et la qualité des ressources hydriques, développer la recherche, encourager le développement territorial, la citoyenneté, les pratiques artistiques… Une balade en forêt avec un botaniste de renommée mondiale : une proposition fort sympathique. Le scénariste et le dessinateur mettent en scène cette balade entre Francis Hallé et Aristote, dans un mode narratif agréable et facile. Le lecteur ressent vite l’envie irrépressible de se promener en forêt tout en s’acculturant avec des termes comme canopée et chablis, avec les propriétés des arbres comme la communication entre eux, jusqu’à la découverte du fonctionnement d’une forêt primaire. Une balade relaxante et enrichissante.
These Savage Shores
Une nouvelle fois, je dois remercier les membres de BDthèque pour m'avoir fait découvrir ce comics. Dire que j'ai beaucoup apprécié cette allégorie du colonialisme serait un euphémisme. Contrairement à Emka, j'ai vraiment aimé le style littéraire, presque romancé, de cet ouvrage à mi-chemin entre le comics et la bande-dessinée classique. On peine ainsi à la classifier tant elle bouscule les genres oscillant entre récit fantastique et épopée historique. J'ai ainsi trouvé particulièrement brillant le parallèle entre la lutte qui va opposer le démon indien Bishan et le vampire anglais Grano et la guerre coloniale que se livrent les Hommes pour la maîtrise du commerce asiatique et des flux économiques. L'insidiosité de la guerre économique que livreront les colons est ici très bien décrite. L'histoire est également teintée d'une certaine mélancolie et enrichie de réflexions sur l'immortalité et son impact sur les divinités/monstres peuplant le monde. A ce très bon scénario, s'ajoutent des graphismes très dynamiques et une très belle mise en couleurs. La couverture de l'intégrale mêlant lettres et enluminures dorées et dessins mats est également magnifique. Dommage que son format n'ait pas été un tantinet plus grand pour pouvoir mieux apprécier le dessin et les cahiers graphiques offerts en fin d'ouvrage. Un gros coup de cœur et la note maximale donc pour moi. SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 9/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 9/10 NOTE GLOBALE : 18/20
En territoire ennemi
Je le dis tout de go, si cette bande dessinée n’avait pas obtenu un prix à Angoulême, je ne me serais jamais donné la peine de la lire (et j’aurais pu m’en mordre les doigts !), rebuté par un dessin que je trouvais vraiment moche : trait simpliste et enfantin, personnages difformes, proportions qui piquent les yeux et composition boiteuse… Et comme l’autrice évoque dans cet ouvrage autobiographique sa passion pour le dessin, ses années aux Beaux-arts de Nantes et son embauche en tant que graphiste dans une petite boîte de jeux vidéo, j’ai voulu chercher trace de ses travaux sur Internet, en espérant y trouver son blog ou sa page Instagram… Sans succès… Du coup, je suis resté avec cette interrogation : pouvait-il s’agir d’un parti-pris ? Si l’on accepte la démarche, alors oui, on pourra se dire que c’est tout à fait raccord avec l’esprit du livre. Et de ce point de vue, la narration est exemplaire. Carole Lobel nous captive tout au long de ces quelques 200 pages qui se lisent d’une traite. L’autrice a réussi faire d’une histoire assez ordinaire, la sienne, quelque chose qui s’apparente à un véritable thriller psychologique. Un mélange d’empathie pour sa narratrice et d’effroi saisit le lecteur devant cette avalanche de galères liées à cette relation toxique, alors qu’on assiste au fil des pages à l’évolution inquiétante de son compagnon Stéphane vers le « côté obscur ». Carole Lobel nous livre ici un témoignage fort et précieux sur un épisode de sa vie dont elle n’est pas ressortie totalement indemne, mais qui révèle néanmoins la résilience dont elle a fait preuve. Même si elle apparaît fragile dans la façon dont elle se met en scène, on réalise que le plus fragile dans l’histoire, c’est en réalité Stéphane, malgré ses gesticulations virilistes et son attitude arrogante. Ce dernier impute constamment ses propres échecs à autrui, sans chercher à se remettre en cause, tout en camouflant son déni dans les vapeurs de weed. Ce qui ressort de cette lecture, ce sont d’abord, bien sûr, les conséquences néfastes d’une relation toxique, où l’un des conjoints cherche à établir sa domination sur l’autre, mais aussi le mécanisme à l’œuvre aujourd’hui qui transparaît à travers les réseaux sociaux. A ce titre, Stéphane en est une parfaite illustration, avec un caractère qui le prédisposait à glisser vers ces gouffres obscurs du cyberespace où, tapie dans l’ombre, une idéologie fétide attend ses adeptes crédules, qui à leur tour iront répandre la « bonne parole » complotiste… Et pour en revenir au dessin, ses imperfections finissent par s’effacer devant un contenu aussi saisissant, qui fait réellement froid dans le dos. On pourra même lui reconnaître des qualités, d’abord une bonne lisibilité, mais aussi une certaine habileté poétique à illustrer les états d’âme de sa narratrice, telle cette façon qu’elle a de symboliser la sexualité par une végétation luxuriante ou les manifestations de l’emprise « viriliste » de Stéphane. De même, Lobel sait diffuser l’humour nécessaire à la prise de distance et de fait, à sa survie morale. En somme, son trait bancal restitue bien la fragilité morale dans laquelle elle se trouvait à cette époque de sa vie, et respire même une urgence qui entravait tout fignolage, le but n’était assurément pas de faire « joli »… On relèvera enfin également la qualité littéraire des textes, qualité étayée par l’impérieuse nécessité de livrer un tel témoignage. Au final, « En territoire ennemi » s’avère un roman graphique aussi terrifiant qu’enrichissant, justifiant son fauve attribué par le jury angoumoisin. Il nous permet de comprendre, du moins en partie, le phénomène qui a fait des réseaux sociaux, au départ conçus comme un espace d’échanges et de liberté, une sorte de marécage nauséabond où ont prospéré les théories les plus fallacieuses et toute la propagande réactionnaire, désormais véritable menace pour nos fragiles démocraties. L’explication se trouverait-elle quelque part dans les propos de l’autrice elle-même, à propos de son compagnon ? « Que cherchait-il vraiment ? Sans doute, aussi dévoyée soit-elle, une forme de dignité. » Je ne peux vraiment pas mettre 4 étoiles à cause du dessin, alors je compense avec un coup de coeur...
Dred Scott
J’ai adoré cette BD. Les héros, son caractère historique (le livret à la fin est vraiment passionnant et superbe) et les dessins, et la couleur ainsi que la lumière, magnifiques. Le scénario est riche, l’intrigue captivante et elle m’a permis de découvrir une période de l’histoire américaine que je ne connaissais pas (celle qui suit la guerre de Sécession). New York 1893, que se disputent la pègre, les politiciens corrompus et les sudistes vaincus avides de revanche, est un sacré décor pour les aventures de Dred. Bravo !
Sade - L'Aigle, Mademoiselle...
Un one shot méconnu écrit et mis en images par deux grands artistes de la bande dessinée sur les derniers jours du marquis de Sade. Je m'attendais à un traitement plus second degré/léger de ce personnage par Dufaux, c'eût été en effet très facile de céder à certaines complaisances vu la légende du marquis et l'attrait de Dufaux pour l'érotisme. Mais en fait il y a une réelle volonté de rendre hommage au marquis et à son talent d'écriture. Dufaux a complètement intégré le personnage de Sade à son univers, c'est impressionnant. Au bout de 3 pages maximum, on peut déjà nommer le scénariste. Un peu comme chez Jodorowsky. Je trouve que c'est la marque des grands auteurs. Le récit est maîtrisé jusqu'à la fin. C'est difficile d'en parler sans spolier, disons qu'il n'est pas dénué de surprise. Griffo est au diapason, il instille une superbe ambiance avec son style si caractéristique. Une pépite !