Un comics lumineux et magique.
Le retour du trio Tom King, Bilquis Evely et Matheus Lopes après leur surprenant Supergirl - Woman of Tomorrow.
Un recit conté par une vieille femme (Lilith Appleton) à un jeune homme curieux, il veut en savoir plus sur l'écrivain C.K. Cole. Il enregistre cette discussion sur cassettes. Cette femme a été la gouvernante d'Helen la fille de C.K. Cole après la mort de celui-ci.
L'action se situe au début des années quarante au château de Wyndhorn.
La tache de la gouvernante n'est pas simple, la jeune Helen a un goût immodéré pour la boisson (les gènes familiaux) et a besoin de sa dose de nicotine. Le grand-père (Barnabas) d'Helen ne va pas lui faciliter la tache, il est taciturne et souvent absent.
Tom King va nous transporter de l'ambiance feutré du château à des contrées sauvages et fantastiques. Dans le jardin du château se trouve une porte magique gardée par une sorcière, et pour franchir celle-ci il faut payer son tribut : une dent. L'autre monde est peuplé de créatures surnaturelles et dangereuses. Monde réel et fiction se succèdent et se complètent pour crever les abcès qui pourrissent les liens familiaux de la famille Wyndhorn.
Une narration onirique où la voix off de la gouvernante sera omniprésente, mais elle ne sera pas la seule, et pour les différencier il faudra rester attentif, une couleur différente pour chaque voix off.
Un récit intimiste et flamboyant qui ne se concentre pas que sur Helen et sa famille puisqu'on va suivre en parallèle le parcours de ces fameuses cassettes enregistrées.
C'est aussi un hommage aux pulps magazines, comment ne pas penser à Robert E. Howard dans le personnage de C.K. Cole et à Conan dans celui d'Othan, le héros des pulps de C.K. Cole. Deux auteurs qui connaîtront le succès après leur mort.
Un final qui peut paraître abrupte, mais certains détails dans les deux dernières cases devraient vous donner une partie de la réponse.
La partie graphique est phénoménale. Bilquis Evely nous gratifie, avec son trait fin, fluide et d'une précision chirurgicale, de planches aux décors époustouflants, riches et variés, que ce soit dans cet autre monde ou celui plus conventionnel du château. Les personnages ne sont pas en reste, ils sont beaux et expressifs. La mise en page est inventive et les couleurs de Matheus Lopes sont somptueuses. Un album à l'atmosphère envoûtante.
On comprend pourquoi Bilquis Evely a reçu le prix de la meilleure dessinatrice aux Eisner Awards 2025.
Un enchantement.
Quelques couvertures VO en fin d'album. Elsa Charretier s'en tire très bien dans son style rétro, mais la plus belle est incontestablement celle de l'immense David Mack !
Coup de coeur.
C’est presque par hasard que j’ai découvert l’existence de cette bande dessinée, et pourtant je scrute attentivement les sorties des albums qui pourraient m’intéresser.
Ce qui a attiré mon attention, c’est tout d’abord la couverture, superbe au demeurant et qui, vous le découvrirez à la lecture, reprend l’ensemble des protagonistes de ce récit. Le dessin de Biancarelli est vraiment excellent et le dessinateur rend hommage ici aux comics des années 50 (les Sunday pages), à la fois dans la mise en page (voir le dossier en fin d’album) et le style de dessin. C’est d’ailleurs le dessin de Biancarelli qui m’a fait pencher vers l’achat de l’album. Certains cadrages audacieux sont à souligner.
Quant au scénario de Lewis Trondheim , il n’est pas en reste. Il mêle habilement histoire d'espionnage, de nazis, sur fond de guerre froide et d'affrontement entre la CIA et le KGB. Certes, un côté fantastique est présent mais il ne m’a pas gêné. Et puis de « Au coeur Temps » (série des années 60) à « Nimitz », j’adore tout ce qui touche au paradoxe temporel. Même l’histoire avec le fantôme s’intègre sans problème dans le récit.
Mais ce qui est assez réjouissant dans cet album est le décalage entre l’attitude de Tabatha et les us et coutumes de la fin des années 50 (misogynie, technologie etc).
La pagination est importante (94 pages) mais vu la mise en page utilisée, (avec presque une chute en fin de page), le lecteur doit prendre son temps pour mieux apprécier cet album.
Une très belle lecture pour moi, en tout cas, et mon coup de cœur pour cette rentrée.
Je le relirai sans aucun doute.
Cette réédition de Silver Surfer Black dans la collection Marvel Prestige est une véritable réussite. Le grand format met enfin en valeur l’immense travail de Tradd Moore, dont le style psychédélique et organique emporte le lecteur dans un voyage visuel unique. Ses planches, à la fois foisonnantes et déstabilisantes, traduisent parfaitement la chute du Surfer dans l’inconnu et son face-à-face avec ses peurs les plus profondes. Les couleurs éclatantes de Dave Stewart amplifient encore ce sentiment d’immersion cosmique, entre beauté vertigineuse et inquiétante étrangeté.
Donny Cates signe quant à lui un scénario à la fois intime et grandiose. Il propose une réflexion profonde sur la nature de Norrin Radd, sa culpabilité, son héritage et la rédemption qu’il recherche. Le récit navigue habilement entre introspection poétique et spectacle épique, mêlant des affrontements d’ampleur cosmique à des moments de doute et de fragilité. On y retrouve les grandes thématiques qui font la force du Silver Surfer, mais explorées avec une intensité nouvelle.
Silver Surfer Black est une œuvre marquante, qui peut parfois déconcerter par ses expérimentations visuelles mais qui offre une expérience rare et mémorable. Grâce à cette édition prestige, les planches prennent toute leur ampleur et donnent au lecteur la sensation d’assister à une véritable odyssée cosmique. Une pépite qui rend justice à l’un des personnages les plus fascinants de l’univers Marvel.
Je partage totalement l’analyse de Présence, qui a su saisir toute l’essence de ce récit. Une œuvre qui mérite sans hésitation un 5/5.
Arizona, 1874. Dans le décor aride du western classique, les diligences sont systématiquement attaquées par une bande de hors-la-loi qui massacrent tous les passagers. Les autorités de Flagstaff n'en peuvent plus : il faut que l'argent des banques circule de nouveau. Elles montent alors un piège pour neutraliser les voleurs. Sans le vouloir, cette opération va plonger un trio de femmes et un étranger dans une tragédie.
Leave Them Alone est un western pur et dur, classique dans sa construction mais enrichi par une place importante accordée aux personnages féminins. Le ton reste réaliste et âpre, proche de celui des meilleurs westerns crépusculaires.
Le dessin de Christophe Regnault s'accorde parfaitement au genre. Son trait organique capte bien l'atmosphère des déserts écrasés de soleil, des bandits miteux dignes d'un Morricone, des héros désabusés, mais aussi des femmes endurcies par la rudesse de l'Ouest. Le grand format de l'album met toutefois parfois son encrage épais en difficulté, donnant l'impression de cadrages trop serrés, surtout dans les premières pages. Heureusement, dès que la mise en scène s'élargit, le dessin retrouve toute sa force.
Le scénario est solide, précis et mené avec rigueur. Les différents personnages s'entrecroisent de manière fluide jusqu'au climax, où l'action explose véritablement. Qu'il s'agisse des malfrats détestables, du pistolero solitaire, de la prostituée qui veut fuir son souteneur, ou encore de la grand-mère et de sa petite-fille tenant le relais de diligence, tous sont bien campés et apportent à l'histoire. L'intrigue ne ménage aucune concession : cruelle quand il le faut, avec un drame inattendu en milieu d'album rappelant que personne n'est à l'abri. Mais elle conserve aussi une part d'optimisme, parfois à la limite de la vraisemblance, comme dans le cas de ces deux femmes survivant seules dans le désert avec l'aide d'un Navajo, ou dans sa conclusion même. Cet équilibre entre dureté et espoir permet néanmoins de livrer une histoire prenante, rythmée et pleinement satisfaisante.
Un western efficace, sombre mais généreux, qui tient toutes ses promesses.
Aucune personne de couleur dans ce monde n’a assez d’argent pour changer le noir en blanc.
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Ce tome contient une biographie du champion de boxe Jack Johnson (1878-1946). Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Youssef Daoudi pour les dessins et les aplats de rouge, par Adrian Matejka pour la poésie (mention portée en lieu et place de scénario), et traduit par Sidonie van den Dries. Il compte trois cent huit pages de bande dessinée. En fin de tome se trouvent une chronologie des événements réels en quarante dates, une bibliographie sélective recensant une douzaine d’ouvrages, et deux pages de remerciements un quart rédigé par le dessinateur sur le mode collaboratif avec le scénariste, et trois quarts rédigés par ce dernier sur les quinze ans qu’il a consacré à ce projet, explicitant sa démarche.
Jack Johnson expose que : Depuis la nuit des temps, les hommes n’ont cessé de combattre avant de se battre pour de l’agent. Ils se battaient avec les mains. Ils se battaient avec des cailloux, des bâtons. Ils se battaient pour conquérir les jolies femmes. Ils se battaient pour avoir de la viande, et le privilège de s’asseoir près du feu les soirs d’hiver. Les matchs de boxe ne sont qu’une version plus distrayante de ces luttes préhistoriques… et il est le meilleur combattant que la Terre ait porté. Le 4 juillet 1910, l’aube avait des allures de châtiment… À Reno, les anciens disaient que le soleil n’avait jamais été aussi proche. C’était le genre de chaleur qui vide les verres d’eau comme par magie et fait bouillir la sueur sur les fronts. Les œufs cuisaient sans feu. Les cigares s’allumaient spontanément. Ça n’a pourtant pas dissuadé les 20.000 spectateurs de débarquer en automobile, à cheval et en voiture à cheval. Des trains arrivaient toutes les demi-heures des quatre coins du pays. Quand les wagons étaient bondés, les fans voyageaient sur le toit. On était prêt à se ligoter à une locomotive pour assister au Combat du siècle.
Bien sûr, Tex Rickard a choisi d’organiser le combat entre Johnson et Jeffries dans le Nevada. Et bien sûr, il a choisi Reno. Reno, où il était aussi facile et aussi bon marché de divorcer que de se faire servir un verre de whisky. Les parieurs, les supporters, les prostituées et les fans de combat ont envahi les rues, les poches pleines à craquer d’argent liquide. Presque tous les paris étaient en faveur de Jeffries. Les pickpockets et les petits voleurs étaient à l’œuvre. Les tickets étaient vendus aussitôt imprimés. Seuls 16.000 fans déchaînés purent s’en procurer un. Tous ces imbéciles pariaient contre Johnson. C’est comment déjà, le dicton sur le fou et son argent. Dans le désert, le soleil était presque au zénith. La chaleur était de plus en plus torride, mais les supporters en costume continuaient d’affluer. Les scieries et les charpentiers travaillaient dans la journée, en plein cagnard, et la nuit à la lumière des torches. Ils avaient eu moins de trois semaines pour construire le stade. L’air sentait la sciure, la sueur et la résine de pin des planches qu’on utilisait pour faire les gradins. On entendait encore les marteaux et les scie à l’œuvre, pendant que les spectateurs faisaient la queue. Mais ils l’ont terminé à temps. Johnson est prêt. Il est prêt depuis le jour où il a quitté Gavelstone pour faire fortune.
Il est possible que le lecteur ait déjà entendu parler de Jack Johnson, soit parce qu’il apprécie la boxe, soit parce qu’il apprécie le jazz (l’album A tribute to Jack Johnson, 1971, de Miles Davis, 1926-1991), soit parce qu’il est familier avec l’histoire des Afro-Américains. Il est également possible qu’il découvre son histoire avec cette bande dessinée. Un rapide feuilletage montre des dessins dans un registre réaliste, avec un encrage parfois un peu acéré, parfois un peu pâteux, des aplats de noirs aux formes irrégulières, qui confèrent une rudesse certaine aux personnages, évoquant une vie dure, de combat, en parfaite adéquation avec les combats de boxe. Le lecteur peut y déceler comme une réminiscence de la virilité des dessins de Joe Kubert et de ceux de Jordi Bernet. Il comprend immédiatement que l’usage de la teinte rouge avec une légère nuance de rose permet de rehausser les éléments participant aux différentes formes de violence, à l’intensité d’un moment, à une forme de domination économique ou sociale. Il remarque également que dans le fil d’une forme traditionnelle de bande dessinée avec cases et phylactères, se trouvent des pages s’apparentant à une illustration accompagnée d’un texte, souvent disposé en de courtes lignes, à l’instar d’un poème.
Le récit commence en 1910 par l’explication du choix de la ville pour le combat de boxe opposant Jack Johnson à James J. Jeffries (1875-1953), l’arrivée des spectateurs, le prix des tickets, la détermination de Jack Johnson, l’ambiance ouvertement raciste et agressivement raciste, et un interlude dans le futur (du récit) en 1938 où Johnson se tient sur scène en train de raconter son histoire. En page quarante-six le lecteur découvre la mention Round 1 : il comprend que vont suivre quinze chapitres, chacun correspondant à un round du combat, avec un va et vient entre les souvenirs du boxeur, ses déclarations lors de son seul en scène, et ses commentaires sur sa condition, sur l’époque, sur les enjeux sous-jacents. Les auteurs font preuve d’une réelle honnêteté en consacrant une part significative au combat du siècle (qualificatif d’époque), à la boxe, qui est au cœur de l’identité de Johnson, qui constitue son métier professionnel, qui est indissociable de son caractère, de sa personnalité, de son histoire. D’un autre côté, le récit reste dans la narration, sans vulgarisation des techniques de boxe.
La lecture s’avère très facile, éloignée des tics habituels d’un ouvrage de nature historique : pas de pavé de texte explicatif avec des cases d’illustrations, pas de reportage chronologique. Voire s’il n’y prête pas attention, le lecteur peut passer à côté du lien direct entre la façon de raconter le combat au temps présent, et Jack Johnson sur scène s’adressant à un public. La narration visuelle commence par trois pages aérées : trois cases de la largeur de la page sur la première, puis deux, puis trois. Les dessins se focalisent sur les poings en train de boxer dans le vide, avec un court texte en-dessous de chaque case. Puis ils passent aux paysages aux alentours de Reno : des montagnes dans le lointain, un lézard en gros plan, une voiture soulevant un nuage de poussière, une moto d’époque, l‘arrivée du train… Le lecteur apprécie vite cette reconstitution historique visuelle, avec une sensation palpable de textures, avec une apparence de matières mises à l’épreuve par le temps et par l’usure, avec cette sensation d’une réalité dure, rugueuse et âpre.
L’artiste met à profit la pagination conséquente pour mettre en œuvre trois types de mises en page différentes. Il réalise des pages descriptives, denses en information visuelles, que ce soit pour les décors, les paysages, les personnages et les tenues vestimentaires, une approche réaliste de documentée. À d’autres moments, il se focalise sur les personnages, soit en pied, soit en gros plan, bougeant et se déplaçant sur un fond vide, pour mieux faire ressortir leurs mouvements (par exemple celui des boxeurs), ou le langage corporel entre deux personnes, Jack et son épouse, ou son agent, ou autre. Le lecteur découvre également un certain nombre de séquences avec des fonds de pages noir (gouttières et bordures), avec parfois uniquement Jack Johnson en train de parler, ou bien une illustration d’un objet, d’une affiche accompagnée d’un texte disposé en courtes lignes, comme un poème. Lorsque les auteurs évoquent les réactions des journaux, le dessinateur peut adopter une mise en page avec des manchettes et des colonnes de journal, des illustrations à la manière des dessins humoristiques ou caricaturaux de l’époque. Cette mise en œuvre de formats différents participe au rythme de la lecture et à sa diversité.
En outre, le lecteur ressent rapidement le qualificatif donné au scénariste : poésie d’Adrian Matejka. Lors des séquences avec une illustration accompagnée d’un texte disposé en courtes lignes, il voit en quoi cela participe d’une forme de poésie, très réaliste, sans rime (même si elles peuvent s’être perdues à la traduction), des réflexions construites sur la base d’un état d’esprit, au cours desquelles le narrateur prend du recul sur sa condition, sur l’image que le monde renvoie de lui, sur sa nécessaire adaptation à la réalité de la place assignée aux Afro-Américains par la société. Les auteurs mettent en scène le racisme de manière frontale, sans prendre de pincette, tel que Jack Johnson l’a vécu, ou plutôt l’a affronté, tel qu’issu de l’histoire des esclaves. Ils savent entremêler de manière organique la pratique professionnelle de la boxe, le mur auxquels se heurtent les Afro-Américains (dont la Color Line), et la personnalité de Jack Johnson à la fois boxeur par vocation, à la fois individu animé par la combativité dans la vie de tous les jours comme sur le ring. Ainsi, cet être humain apparaît comme un produit de l’environnement dans lequel il est né et a grandi, comme un combattant dans l’âme, comme une personne faisant preuve de recul sur sa situation sociale, sur les forces systémiques auxquelles il est confronté, qui modèlent sa vie, qui l’emprisonnent dans un rôle. La construction narrative et la sensibilité du récit vont bien au-delà d’une biographie rigoureuse : le lecteur éprouve une forte sympathie pour Jack Johnson, associée à une empathie profonde, comprenant aussi bien que ressentant sa frustration qu’il transforme en rage combative pour vaincre ses adversaires, exercer son art à la hauteur de son talent, exulter au-delà des limites systémiques de la société de l’époque. Dans le même temps, ils montrent aussi les aspects négatifs d’un tel mode de vie, à commencer pour sa compagne Etta Duryer.
Un boxeur de légende à plus d’un titre : premier champion du monde poids lourds noir, confronté de plein fouet au racisme très ouvert de la société de son pays. Les auteurs font usage des spécificités et des capacités de la bande dessinée, avec maîtrise et inventivité, dans une forme conçue sur mesure, pour une expressivité protéiforme. Le lecteur découvre la biographie de Jack Johnson, fait l’expérience de l’oppression systémique, ressent pleinement la combativité qui l’anime et sa capacité à sublimer la colère générée par le racisme. Être Jack Johnson.
Au-delà de Neptune est un voyage à la fois intime et cosmique, qui illustre parfaitement l’ambition du nouveau label Aux confins des éditions Steinkis, dédié aux récits de genre étrangers. Signé par l’Italien Gabriele Melegari, ce one-shot raconte l’odyssée solitaire de Lela, unique astronaute à bord du vaisseau-télescope Ulysse, en route vers Neptune en 2283. Pendant plus de sept ans, elle vit coupée de la Terre, retransmettant ses rapports vidéo avec une précision quasi militaire, mais aussi avec une honnêteté crue sur ses états d’âme, ses doutes et ses regrets, notamment celui d’avoir laissé sa compagne sur une Terre polluée.
Melegari réussit un subtil équilibre entre SF et introspection. Lela n’est pas seulement exploratrice, elle incarne une tension entre vocation altruiste et désir personnel de découverte, entre la quête de solutions pour sauver l’humanité et l’appel irrésistible de l’infini cosmique. L’auteur interroge ainsi des thématiques contemporaines comme le dérèglement climatique et la dépendance à la technologie, sans jamais imposer de réponses faciles, laissant le lecteur méditer sur ce qui pourrait attendre l’Homme au-delà de notre système solaire.
Graphiquement, l’album est un régal. Les scènes spatiales sont vertigineuses, mélangeant perspectives imposantes, décors technologiques détaillés et plongées lyriques dans des paysages exoplanétaires enchanteurs. L’usage de la gouache et de l’aquarelle donne une densité et une profondeur au noir spatial qui rendent l’expérience visuelle presque palpable. Les hallucinations de Lela, ses souvenirs de Béa et ses explorations virtuelles des exoplanètes sont autant d’occasions pour Melegari de mêler réalisme scientifique et lyrisme.
Au-delà de Neptune est une réussite qui capte le lecteur dès la première page et le maintient suspendu jusqu’au dénouement. C’est un premier album prometteur qui inaugure idéalement le label Aux confins, à la fois par la force de son récit et la beauté de son objet-livre. On en ressort avec l’impression d’avoir voyagé autant dans l’espace que dans l’esprit d’une héroïne attachante et complexe.
Les neuroatypiques, une (très large) catégorisation des personnes ayant des difficultés d'apprentissage, comptent parmi leurs rangs les dys. Dysorthographiques, dyspraxiques, dyslexiques, etc., etc. Ils ne sont pris en charge en tant que tels que depuis une ou deux décennies, et c'est un véritable parcours du combattant pour les personnes diagnostiquées (quand elles le sont) et leurs parents.
C'est ce qu'a voulu montrer Christelle Béchouche, qui a elle-même connu des soucis d'apprentissage dans sa jeunesse et a fait de la vulgarisation du sujet un de ses sujets de prédilection. Son crédo : faire comprendre aux enfants dys qu'ils n'ont pas un "problème", mais plutôt un superpouvoir, la capacité de "voir", de "sentir" les choses différemment de celles et ceux qui s'insèrent dans des apprentissages "classiques". Des solutions existent, elles sont détaillées dans l'album : équipes pédagogiques, AESH, PAP... Des termes peut-être abscons, mais qui sont explicités en annexe de l'album, un autre bon point. Les dialogues et les récitatifs de l'album ont d'ailleurs été imprimés dans une police de caractères que les dys peuvent lire, car c'est l'une des difficultés primales qu'ils rencontrent.
Le dessin est assuré par Juliette Bertaudière, qui a déjà deux autres albums derrière elle, et donc le style "naïf" colle bien avec la narration toute en bienveillance, en douceur et en pédagogie réalisée par Béchouche.
Au final un album qui fait du bien à la cause des dys.
Avant de se faire connaître comme auteur de bandes dessinées policières et historiques, François Dimberton a commencé avec des récits dans la veine de Tillieux comme Alex - Gentleman détective ou Celsius. Ici, il commence à trouver sa propre identité. L'auteur dont on pourrait probablement le rapprocher le plus serait Greg, pour la loufoquerie de ses aventures, mais la comparaison s'arrête là. Même si certaines péripéties et leur résolution peuvent paraître un peu faciles, c'est autorisé par l'absurdité du ton choisi. C'est vraiment là que Fred et Alfred fonctionne le mieux : ça part dans tous les sens, et c'est pour ça que c'est génial ! On ne sait jamais où le scénario va nous emmener, ce qui permet à Dimberton d'ouvrir un champ des possibles parfaitement réjouissant.
Le dessin épuré, dans la plus pure veine d'un Tillieux ou d'un Franquin (pas toujours avec la même maîtrise, certes) flatte l'œil du début à la fin. C'est toujours très lisible et agréable à lire, c'est dynamique, bondissant, coloré... Ajouté à l'imprévisibilité du scénario et à l'humour souvent efficace des dialogues et des situations, cela donne une belle bande dessinée d'aventures comme on les aime ! Dommage qu'il n'y ait eu que deux tomes, mais on profite sans retenue de cette pépite si injustement oubliée.
Il m'en a fallu du temps avant de lire cette série. Il faut dire que chaque fois que je pensais la prendre à la bibliothèque, il y avait toujours au moins un ou deux tomes manquant et j'avais pas envie de la lire avec des trous. Il faut dire aussi que j'avais peur de tomber dans un scénario tellement complexe que j’allais me perdre et du coup j'ai attendu et attendu et lorsque j'ai finalement décidé que lire cette série serait une priorité, ben j'ai emprunté d'un coup les 14 premiers tomes de la série ! J'ai tellement attendu qu'un paquet de tomes étaient déjà sortis, mais je ne vais pas me plaindre parce que cela m'a permis de lire deux cycles complets sans avoir à attendre et j'ai une bonne vue d'ensemble de la série.
Le premier cycle est vraiment excellent et j'ai adoré lire cette lutte de pouvoir dans la cité des félins. Certes, il y a beaucoup de personnages, d'intrigues et de sous-intrigues et il faut bien s'accrocher vu le nombre de retournement de situations, mais c'est très bien fait. Le scénario est palpitant et il y a une bonne galerie de personnages. Le dessin est pas mal et les personnages sont bien typés. Puis vient le deuxième cycle qui m'a vite refroidi. Alors que les félins étaient faciles à différencier, c'est un peu moins le cas avec les singes. c'était souvent confus et je ne me rappelais plus qui était qui. Les luttes entre membres du même clan de singes ressemblent trop à ce qu'on a vu dans le premier cycle et surtout l'histoire fait un peu du surplace juste pour que le cycle ait 6 tomes.
Bref, je commençais à m'ennuyer un peu et puis la seconde partie du dernier tome de ce cycle m'a captivé parce que l'intrigue générale sur l'avenir des 5 terres avance enfin et c'était passionnant. Les deux tomes suivant du troisième cycle qui met en vedette les ours ont confirmé que la série redevenait intéressante, on a droit à la fois à ce que font les ours en dehors de leur territoire pour se venger des félins dont le pouvoir décline et à ce qui se passe sur leur propre territoire, on ne perd pas son temps comme dans le deuxième tome et la fin du tome 14 me donne envie de lire la suite.
Donc voilà pour l'instant je donnerais 4.5/5 pour les cycles 1 et 3 et 2/5 pour le cycle 2. Espérons que ce cycle avec les singes qui m'a moins enthousiasmé ne sera qu'une erreur de parcours !
Je réécris mon avis après lecture de l’intégralité de la série, qui le mérite bien.
Je commence par le négatif, et par la même remarque faite aux autres séries récentes de Loisel (Le Grand Mort, Magasin général) : je trouve que les auteurs ont trop rallongé la sauce, et l’intrigue tourne un peu en rond vers les albums 5, 6 et 7. La série originale faisait 4 tomes, le rythme y était beaucoup plus soutenu.
Cela dit, j’ai beaucoup aimé l’histoire, elle est plus moderne que le cycle original, et accomplit parfaitement son rôle de préquelle : elle nous permet de revisiter de nombreux lieux mythiques, de découvrir la jeunesse de personnages bien connus (Balrog joue un rôle central et est très attachant) et de faire la connaissance de quelques nouvelles têtes (Kryll). Le dernier tome est épique, le dénouement est rempli d’émotion et représente le raccord parfait avec le tome 1 de La Quête de l'Oiseau du Temps… je n’ai d’ailleurs par pu m’empêcher d’enchainer sur une énième lecture de ce classique !
Le dessin est superbe, mais varie forcément : 27 ans entre le tome 1 et le tome 8 (est-ce bien raisonnable ?), 4 dessinateurs et 4 coloristes ! Ces derniers font de leur mieux pour proposer une certaine cohérence, et de manière générale, ça passe plutôt bien.
Un cycle immanquable pour les amateurs de La Quête de l'Oiseau du Temps. Je me demande si le troisième cycle « Après la quête » est toujours d’actualité ?
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Helen de Wyndhorn
Un comics lumineux et magique. Le retour du trio Tom King, Bilquis Evely et Matheus Lopes après leur surprenant Supergirl - Woman of Tomorrow. Un recit conté par une vieille femme (Lilith Appleton) à un jeune homme curieux, il veut en savoir plus sur l'écrivain C.K. Cole. Il enregistre cette discussion sur cassettes. Cette femme a été la gouvernante d'Helen la fille de C.K. Cole après la mort de celui-ci. L'action se situe au début des années quarante au château de Wyndhorn. La tache de la gouvernante n'est pas simple, la jeune Helen a un goût immodéré pour la boisson (les gènes familiaux) et a besoin de sa dose de nicotine. Le grand-père (Barnabas) d'Helen ne va pas lui faciliter la tache, il est taciturne et souvent absent. Tom King va nous transporter de l'ambiance feutré du château à des contrées sauvages et fantastiques. Dans le jardin du château se trouve une porte magique gardée par une sorcière, et pour franchir celle-ci il faut payer son tribut : une dent. L'autre monde est peuplé de créatures surnaturelles et dangereuses. Monde réel et fiction se succèdent et se complètent pour crever les abcès qui pourrissent les liens familiaux de la famille Wyndhorn. Une narration onirique où la voix off de la gouvernante sera omniprésente, mais elle ne sera pas la seule, et pour les différencier il faudra rester attentif, une couleur différente pour chaque voix off. Un récit intimiste et flamboyant qui ne se concentre pas que sur Helen et sa famille puisqu'on va suivre en parallèle le parcours de ces fameuses cassettes enregistrées. C'est aussi un hommage aux pulps magazines, comment ne pas penser à Robert E. Howard dans le personnage de C.K. Cole et à Conan dans celui d'Othan, le héros des pulps de C.K. Cole. Deux auteurs qui connaîtront le succès après leur mort. Un final qui peut paraître abrupte, mais certains détails dans les deux dernières cases devraient vous donner une partie de la réponse. La partie graphique est phénoménale. Bilquis Evely nous gratifie, avec son trait fin, fluide et d'une précision chirurgicale, de planches aux décors époustouflants, riches et variés, que ce soit dans cet autre monde ou celui plus conventionnel du château. Les personnages ne sont pas en reste, ils sont beaux et expressifs. La mise en page est inventive et les couleurs de Matheus Lopes sont somptueuses. Un album à l'atmosphère envoûtante. On comprend pourquoi Bilquis Evely a reçu le prix de la meilleure dessinatrice aux Eisner Awards 2025. Un enchantement. Quelques couvertures VO en fin d'album. Elsa Charretier s'en tire très bien dans son style rétro, mais la plus belle est incontestablement celle de l'immense David Mack ! Coup de coeur.
Green Witch Village
C’est presque par hasard que j’ai découvert l’existence de cette bande dessinée, et pourtant je scrute attentivement les sorties des albums qui pourraient m’intéresser. Ce qui a attiré mon attention, c’est tout d’abord la couverture, superbe au demeurant et qui, vous le découvrirez à la lecture, reprend l’ensemble des protagonistes de ce récit. Le dessin de Biancarelli est vraiment excellent et le dessinateur rend hommage ici aux comics des années 50 (les Sunday pages), à la fois dans la mise en page (voir le dossier en fin d’album) et le style de dessin. C’est d’ailleurs le dessin de Biancarelli qui m’a fait pencher vers l’achat de l’album. Certains cadrages audacieux sont à souligner. Quant au scénario de Lewis Trondheim , il n’est pas en reste. Il mêle habilement histoire d'espionnage, de nazis, sur fond de guerre froide et d'affrontement entre la CIA et le KGB. Certes, un côté fantastique est présent mais il ne m’a pas gêné. Et puis de « Au coeur Temps » (série des années 60) à « Nimitz », j’adore tout ce qui touche au paradoxe temporel. Même l’histoire avec le fantôme s’intègre sans problème dans le récit. Mais ce qui est assez réjouissant dans cet album est le décalage entre l’attitude de Tabatha et les us et coutumes de la fin des années 50 (misogynie, technologie etc). La pagination est importante (94 pages) mais vu la mise en page utilisée, (avec presque une chute en fin de page), le lecteur doit prendre son temps pour mieux apprécier cet album. Une très belle lecture pour moi, en tout cas, et mon coup de cœur pour cette rentrée. Je le relirai sans aucun doute.
Silver Surfer - Black
Cette réédition de Silver Surfer Black dans la collection Marvel Prestige est une véritable réussite. Le grand format met enfin en valeur l’immense travail de Tradd Moore, dont le style psychédélique et organique emporte le lecteur dans un voyage visuel unique. Ses planches, à la fois foisonnantes et déstabilisantes, traduisent parfaitement la chute du Surfer dans l’inconnu et son face-à-face avec ses peurs les plus profondes. Les couleurs éclatantes de Dave Stewart amplifient encore ce sentiment d’immersion cosmique, entre beauté vertigineuse et inquiétante étrangeté. Donny Cates signe quant à lui un scénario à la fois intime et grandiose. Il propose une réflexion profonde sur la nature de Norrin Radd, sa culpabilité, son héritage et la rédemption qu’il recherche. Le récit navigue habilement entre introspection poétique et spectacle épique, mêlant des affrontements d’ampleur cosmique à des moments de doute et de fragilité. On y retrouve les grandes thématiques qui font la force du Silver Surfer, mais explorées avec une intensité nouvelle. Silver Surfer Black est une œuvre marquante, qui peut parfois déconcerter par ses expérimentations visuelles mais qui offre une expérience rare et mémorable. Grâce à cette édition prestige, les planches prennent toute leur ampleur et donnent au lecteur la sensation d’assister à une véritable odyssée cosmique. Une pépite qui rend justice à l’un des personnages les plus fascinants de l’univers Marvel. Je partage totalement l’analyse de Présence, qui a su saisir toute l’essence de ce récit. Une œuvre qui mérite sans hésitation un 5/5.
Leave them alone
Arizona, 1874. Dans le décor aride du western classique, les diligences sont systématiquement attaquées par une bande de hors-la-loi qui massacrent tous les passagers. Les autorités de Flagstaff n'en peuvent plus : il faut que l'argent des banques circule de nouveau. Elles montent alors un piège pour neutraliser les voleurs. Sans le vouloir, cette opération va plonger un trio de femmes et un étranger dans une tragédie. Leave Them Alone est un western pur et dur, classique dans sa construction mais enrichi par une place importante accordée aux personnages féminins. Le ton reste réaliste et âpre, proche de celui des meilleurs westerns crépusculaires. Le dessin de Christophe Regnault s'accorde parfaitement au genre. Son trait organique capte bien l'atmosphère des déserts écrasés de soleil, des bandits miteux dignes d'un Morricone, des héros désabusés, mais aussi des femmes endurcies par la rudesse de l'Ouest. Le grand format de l'album met toutefois parfois son encrage épais en difficulté, donnant l'impression de cadrages trop serrés, surtout dans les premières pages. Heureusement, dès que la mise en scène s'élargit, le dessin retrouve toute sa force. Le scénario est solide, précis et mené avec rigueur. Les différents personnages s'entrecroisent de manière fluide jusqu'au climax, où l'action explose véritablement. Qu'il s'agisse des malfrats détestables, du pistolero solitaire, de la prostituée qui veut fuir son souteneur, ou encore de la grand-mère et de sa petite-fille tenant le relais de diligence, tous sont bien campés et apportent à l'histoire. L'intrigue ne ménage aucune concession : cruelle quand il le faut, avec un drame inattendu en milieu d'album rappelant que personne n'est à l'abri. Mais elle conserve aussi une part d'optimisme, parfois à la limite de la vraisemblance, comme dans le cas de ces deux femmes survivant seules dans le désert avec l'aide d'un Navajo, ou dans sa conclusion même. Cet équilibre entre dureté et espoir permet néanmoins de livrer une histoire prenante, rythmée et pleinement satisfaisante. Un western efficace, sombre mais généreux, qui tient toutes ses promesses.
Le Dernier debout - Jack Johnson, fils d’esclaves et champion du monde
Aucune personne de couleur dans ce monde n’a assez d’argent pour changer le noir en blanc. - Ce tome contient une biographie du champion de boxe Jack Johnson (1878-1946). Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Youssef Daoudi pour les dessins et les aplats de rouge, par Adrian Matejka pour la poésie (mention portée en lieu et place de scénario), et traduit par Sidonie van den Dries. Il compte trois cent huit pages de bande dessinée. En fin de tome se trouvent une chronologie des événements réels en quarante dates, une bibliographie sélective recensant une douzaine d’ouvrages, et deux pages de remerciements un quart rédigé par le dessinateur sur le mode collaboratif avec le scénariste, et trois quarts rédigés par ce dernier sur les quinze ans qu’il a consacré à ce projet, explicitant sa démarche. Jack Johnson expose que : Depuis la nuit des temps, les hommes n’ont cessé de combattre avant de se battre pour de l’agent. Ils se battaient avec les mains. Ils se battaient avec des cailloux, des bâtons. Ils se battaient pour conquérir les jolies femmes. Ils se battaient pour avoir de la viande, et le privilège de s’asseoir près du feu les soirs d’hiver. Les matchs de boxe ne sont qu’une version plus distrayante de ces luttes préhistoriques… et il est le meilleur combattant que la Terre ait porté. Le 4 juillet 1910, l’aube avait des allures de châtiment… À Reno, les anciens disaient que le soleil n’avait jamais été aussi proche. C’était le genre de chaleur qui vide les verres d’eau comme par magie et fait bouillir la sueur sur les fronts. Les œufs cuisaient sans feu. Les cigares s’allumaient spontanément. Ça n’a pourtant pas dissuadé les 20.000 spectateurs de débarquer en automobile, à cheval et en voiture à cheval. Des trains arrivaient toutes les demi-heures des quatre coins du pays. Quand les wagons étaient bondés, les fans voyageaient sur le toit. On était prêt à se ligoter à une locomotive pour assister au Combat du siècle. Bien sûr, Tex Rickard a choisi d’organiser le combat entre Johnson et Jeffries dans le Nevada. Et bien sûr, il a choisi Reno. Reno, où il était aussi facile et aussi bon marché de divorcer que de se faire servir un verre de whisky. Les parieurs, les supporters, les prostituées et les fans de combat ont envahi les rues, les poches pleines à craquer d’argent liquide. Presque tous les paris étaient en faveur de Jeffries. Les pickpockets et les petits voleurs étaient à l’œuvre. Les tickets étaient vendus aussitôt imprimés. Seuls 16.000 fans déchaînés purent s’en procurer un. Tous ces imbéciles pariaient contre Johnson. C’est comment déjà, le dicton sur le fou et son argent. Dans le désert, le soleil était presque au zénith. La chaleur était de plus en plus torride, mais les supporters en costume continuaient d’affluer. Les scieries et les charpentiers travaillaient dans la journée, en plein cagnard, et la nuit à la lumière des torches. Ils avaient eu moins de trois semaines pour construire le stade. L’air sentait la sciure, la sueur et la résine de pin des planches qu’on utilisait pour faire les gradins. On entendait encore les marteaux et les scie à l’œuvre, pendant que les spectateurs faisaient la queue. Mais ils l’ont terminé à temps. Johnson est prêt. Il est prêt depuis le jour où il a quitté Gavelstone pour faire fortune. Il est possible que le lecteur ait déjà entendu parler de Jack Johnson, soit parce qu’il apprécie la boxe, soit parce qu’il apprécie le jazz (l’album A tribute to Jack Johnson, 1971, de Miles Davis, 1926-1991), soit parce qu’il est familier avec l’histoire des Afro-Américains. Il est également possible qu’il découvre son histoire avec cette bande dessinée. Un rapide feuilletage montre des dessins dans un registre réaliste, avec un encrage parfois un peu acéré, parfois un peu pâteux, des aplats de noirs aux formes irrégulières, qui confèrent une rudesse certaine aux personnages, évoquant une vie dure, de combat, en parfaite adéquation avec les combats de boxe. Le lecteur peut y déceler comme une réminiscence de la virilité des dessins de Joe Kubert et de ceux de Jordi Bernet. Il comprend immédiatement que l’usage de la teinte rouge avec une légère nuance de rose permet de rehausser les éléments participant aux différentes formes de violence, à l’intensité d’un moment, à une forme de domination économique ou sociale. Il remarque également que dans le fil d’une forme traditionnelle de bande dessinée avec cases et phylactères, se trouvent des pages s’apparentant à une illustration accompagnée d’un texte, souvent disposé en de courtes lignes, à l’instar d’un poème. Le récit commence en 1910 par l’explication du choix de la ville pour le combat de boxe opposant Jack Johnson à James J. Jeffries (1875-1953), l’arrivée des spectateurs, le prix des tickets, la détermination de Jack Johnson, l’ambiance ouvertement raciste et agressivement raciste, et un interlude dans le futur (du récit) en 1938 où Johnson se tient sur scène en train de raconter son histoire. En page quarante-six le lecteur découvre la mention Round 1 : il comprend que vont suivre quinze chapitres, chacun correspondant à un round du combat, avec un va et vient entre les souvenirs du boxeur, ses déclarations lors de son seul en scène, et ses commentaires sur sa condition, sur l’époque, sur les enjeux sous-jacents. Les auteurs font preuve d’une réelle honnêteté en consacrant une part significative au combat du siècle (qualificatif d’époque), à la boxe, qui est au cœur de l’identité de Johnson, qui constitue son métier professionnel, qui est indissociable de son caractère, de sa personnalité, de son histoire. D’un autre côté, le récit reste dans la narration, sans vulgarisation des techniques de boxe. La lecture s’avère très facile, éloignée des tics habituels d’un ouvrage de nature historique : pas de pavé de texte explicatif avec des cases d’illustrations, pas de reportage chronologique. Voire s’il n’y prête pas attention, le lecteur peut passer à côté du lien direct entre la façon de raconter le combat au temps présent, et Jack Johnson sur scène s’adressant à un public. La narration visuelle commence par trois pages aérées : trois cases de la largeur de la page sur la première, puis deux, puis trois. Les dessins se focalisent sur les poings en train de boxer dans le vide, avec un court texte en-dessous de chaque case. Puis ils passent aux paysages aux alentours de Reno : des montagnes dans le lointain, un lézard en gros plan, une voiture soulevant un nuage de poussière, une moto d’époque, l‘arrivée du train… Le lecteur apprécie vite cette reconstitution historique visuelle, avec une sensation palpable de textures, avec une apparence de matières mises à l’épreuve par le temps et par l’usure, avec cette sensation d’une réalité dure, rugueuse et âpre. L’artiste met à profit la pagination conséquente pour mettre en œuvre trois types de mises en page différentes. Il réalise des pages descriptives, denses en information visuelles, que ce soit pour les décors, les paysages, les personnages et les tenues vestimentaires, une approche réaliste de documentée. À d’autres moments, il se focalise sur les personnages, soit en pied, soit en gros plan, bougeant et se déplaçant sur un fond vide, pour mieux faire ressortir leurs mouvements (par exemple celui des boxeurs), ou le langage corporel entre deux personnes, Jack et son épouse, ou son agent, ou autre. Le lecteur découvre également un certain nombre de séquences avec des fonds de pages noir (gouttières et bordures), avec parfois uniquement Jack Johnson en train de parler, ou bien une illustration d’un objet, d’une affiche accompagnée d’un texte disposé en courtes lignes, comme un poème. Lorsque les auteurs évoquent les réactions des journaux, le dessinateur peut adopter une mise en page avec des manchettes et des colonnes de journal, des illustrations à la manière des dessins humoristiques ou caricaturaux de l’époque. Cette mise en œuvre de formats différents participe au rythme de la lecture et à sa diversité. En outre, le lecteur ressent rapidement le qualificatif donné au scénariste : poésie d’Adrian Matejka. Lors des séquences avec une illustration accompagnée d’un texte disposé en courtes lignes, il voit en quoi cela participe d’une forme de poésie, très réaliste, sans rime (même si elles peuvent s’être perdues à la traduction), des réflexions construites sur la base d’un état d’esprit, au cours desquelles le narrateur prend du recul sur sa condition, sur l’image que le monde renvoie de lui, sur sa nécessaire adaptation à la réalité de la place assignée aux Afro-Américains par la société. Les auteurs mettent en scène le racisme de manière frontale, sans prendre de pincette, tel que Jack Johnson l’a vécu, ou plutôt l’a affronté, tel qu’issu de l’histoire des esclaves. Ils savent entremêler de manière organique la pratique professionnelle de la boxe, le mur auxquels se heurtent les Afro-Américains (dont la Color Line), et la personnalité de Jack Johnson à la fois boxeur par vocation, à la fois individu animé par la combativité dans la vie de tous les jours comme sur le ring. Ainsi, cet être humain apparaît comme un produit de l’environnement dans lequel il est né et a grandi, comme un combattant dans l’âme, comme une personne faisant preuve de recul sur sa situation sociale, sur les forces systémiques auxquelles il est confronté, qui modèlent sa vie, qui l’emprisonnent dans un rôle. La construction narrative et la sensibilité du récit vont bien au-delà d’une biographie rigoureuse : le lecteur éprouve une forte sympathie pour Jack Johnson, associée à une empathie profonde, comprenant aussi bien que ressentant sa frustration qu’il transforme en rage combative pour vaincre ses adversaires, exercer son art à la hauteur de son talent, exulter au-delà des limites systémiques de la société de l’époque. Dans le même temps, ils montrent aussi les aspects négatifs d’un tel mode de vie, à commencer pour sa compagne Etta Duryer. Un boxeur de légende à plus d’un titre : premier champion du monde poids lourds noir, confronté de plein fouet au racisme très ouvert de la société de son pays. Les auteurs font usage des spécificités et des capacités de la bande dessinée, avec maîtrise et inventivité, dans une forme conçue sur mesure, pour une expressivité protéiforme. Le lecteur découvre la biographie de Jack Johnson, fait l’expérience de l’oppression systémique, ressent pleinement la combativité qui l’anime et sa capacité à sublimer la colère générée par le racisme. Être Jack Johnson.
Au-delà de Neptune
Au-delà de Neptune est un voyage à la fois intime et cosmique, qui illustre parfaitement l’ambition du nouveau label Aux confins des éditions Steinkis, dédié aux récits de genre étrangers. Signé par l’Italien Gabriele Melegari, ce one-shot raconte l’odyssée solitaire de Lela, unique astronaute à bord du vaisseau-télescope Ulysse, en route vers Neptune en 2283. Pendant plus de sept ans, elle vit coupée de la Terre, retransmettant ses rapports vidéo avec une précision quasi militaire, mais aussi avec une honnêteté crue sur ses états d’âme, ses doutes et ses regrets, notamment celui d’avoir laissé sa compagne sur une Terre polluée. Melegari réussit un subtil équilibre entre SF et introspection. Lela n’est pas seulement exploratrice, elle incarne une tension entre vocation altruiste et désir personnel de découverte, entre la quête de solutions pour sauver l’humanité et l’appel irrésistible de l’infini cosmique. L’auteur interroge ainsi des thématiques contemporaines comme le dérèglement climatique et la dépendance à la technologie, sans jamais imposer de réponses faciles, laissant le lecteur méditer sur ce qui pourrait attendre l’Homme au-delà de notre système solaire. Graphiquement, l’album est un régal. Les scènes spatiales sont vertigineuses, mélangeant perspectives imposantes, décors technologiques détaillés et plongées lyriques dans des paysages exoplanétaires enchanteurs. L’usage de la gouache et de l’aquarelle donne une densité et une profondeur au noir spatial qui rendent l’expérience visuelle presque palpable. Les hallucinations de Lela, ses souvenirs de Béa et ses explorations virtuelles des exoplanètes sont autant d’occasions pour Melegari de mêler réalisme scientifique et lyrisme. Au-delà de Neptune est une réussite qui capte le lecteur dès la première page et le maintient suspendu jusqu’au dénouement. C’est un premier album prometteur qui inaugure idéalement le label Aux confins, à la fois par la force de son récit et la beauté de son objet-livre. On en ressort avec l’impression d’avoir voyagé autant dans l’espace que dans l’esprit d’une héroïne attachante et complexe.
Super Dys
Les neuroatypiques, une (très large) catégorisation des personnes ayant des difficultés d'apprentissage, comptent parmi leurs rangs les dys. Dysorthographiques, dyspraxiques, dyslexiques, etc., etc. Ils ne sont pris en charge en tant que tels que depuis une ou deux décennies, et c'est un véritable parcours du combattant pour les personnes diagnostiquées (quand elles le sont) et leurs parents. C'est ce qu'a voulu montrer Christelle Béchouche, qui a elle-même connu des soucis d'apprentissage dans sa jeunesse et a fait de la vulgarisation du sujet un de ses sujets de prédilection. Son crédo : faire comprendre aux enfants dys qu'ils n'ont pas un "problème", mais plutôt un superpouvoir, la capacité de "voir", de "sentir" les choses différemment de celles et ceux qui s'insèrent dans des apprentissages "classiques". Des solutions existent, elles sont détaillées dans l'album : équipes pédagogiques, AESH, PAP... Des termes peut-être abscons, mais qui sont explicités en annexe de l'album, un autre bon point. Les dialogues et les récitatifs de l'album ont d'ailleurs été imprimés dans une police de caractères que les dys peuvent lire, car c'est l'une des difficultés primales qu'ils rencontrent. Le dessin est assuré par Juliette Bertaudière, qui a déjà deux autres albums derrière elle, et donc le style "naïf" colle bien avec la narration toute en bienveillance, en douceur et en pédagogie réalisée par Béchouche. Au final un album qui fait du bien à la cause des dys.
Les Aventures de Fred et Alfred
Avant de se faire connaître comme auteur de bandes dessinées policières et historiques, François Dimberton a commencé avec des récits dans la veine de Tillieux comme Alex - Gentleman détective ou Celsius. Ici, il commence à trouver sa propre identité. L'auteur dont on pourrait probablement le rapprocher le plus serait Greg, pour la loufoquerie de ses aventures, mais la comparaison s'arrête là. Même si certaines péripéties et leur résolution peuvent paraître un peu faciles, c'est autorisé par l'absurdité du ton choisi. C'est vraiment là que Fred et Alfred fonctionne le mieux : ça part dans tous les sens, et c'est pour ça que c'est génial ! On ne sait jamais où le scénario va nous emmener, ce qui permet à Dimberton d'ouvrir un champ des possibles parfaitement réjouissant. Le dessin épuré, dans la plus pure veine d'un Tillieux ou d'un Franquin (pas toujours avec la même maîtrise, certes) flatte l'œil du début à la fin. C'est toujours très lisible et agréable à lire, c'est dynamique, bondissant, coloré... Ajouté à l'imprévisibilité du scénario et à l'humour souvent efficace des dialogues et des situations, cela donne une belle bande dessinée d'aventures comme on les aime ! Dommage qu'il n'y ait eu que deux tomes, mais on profite sans retenue de cette pépite si injustement oubliée.
Les 5 Terres
Il m'en a fallu du temps avant de lire cette série. Il faut dire que chaque fois que je pensais la prendre à la bibliothèque, il y avait toujours au moins un ou deux tomes manquant et j'avais pas envie de la lire avec des trous. Il faut dire aussi que j'avais peur de tomber dans un scénario tellement complexe que j’allais me perdre et du coup j'ai attendu et attendu et lorsque j'ai finalement décidé que lire cette série serait une priorité, ben j'ai emprunté d'un coup les 14 premiers tomes de la série ! J'ai tellement attendu qu'un paquet de tomes étaient déjà sortis, mais je ne vais pas me plaindre parce que cela m'a permis de lire deux cycles complets sans avoir à attendre et j'ai une bonne vue d'ensemble de la série. Le premier cycle est vraiment excellent et j'ai adoré lire cette lutte de pouvoir dans la cité des félins. Certes, il y a beaucoup de personnages, d'intrigues et de sous-intrigues et il faut bien s'accrocher vu le nombre de retournement de situations, mais c'est très bien fait. Le scénario est palpitant et il y a une bonne galerie de personnages. Le dessin est pas mal et les personnages sont bien typés. Puis vient le deuxième cycle qui m'a vite refroidi. Alors que les félins étaient faciles à différencier, c'est un peu moins le cas avec les singes. c'était souvent confus et je ne me rappelais plus qui était qui. Les luttes entre membres du même clan de singes ressemblent trop à ce qu'on a vu dans le premier cycle et surtout l'histoire fait un peu du surplace juste pour que le cycle ait 6 tomes. Bref, je commençais à m'ennuyer un peu et puis la seconde partie du dernier tome de ce cycle m'a captivé parce que l'intrigue générale sur l'avenir des 5 terres avance enfin et c'était passionnant. Les deux tomes suivant du troisième cycle qui met en vedette les ours ont confirmé que la série redevenait intéressante, on a droit à la fois à ce que font les ours en dehors de leur territoire pour se venger des félins dont le pouvoir décline et à ce qui se passe sur leur propre territoire, on ne perd pas son temps comme dans le deuxième tome et la fin du tome 14 me donne envie de lire la suite. Donc voilà pour l'instant je donnerais 4.5/5 pour les cycles 1 et 3 et 2/5 pour le cycle 2. Espérons que ce cycle avec les singes qui m'a moins enthousiasmé ne sera qu'une erreur de parcours !
La Quête de l'Oiseau du Temps - Avant la Quête
Je réécris mon avis après lecture de l’intégralité de la série, qui le mérite bien. Je commence par le négatif, et par la même remarque faite aux autres séries récentes de Loisel (Le Grand Mort, Magasin général) : je trouve que les auteurs ont trop rallongé la sauce, et l’intrigue tourne un peu en rond vers les albums 5, 6 et 7. La série originale faisait 4 tomes, le rythme y était beaucoup plus soutenu. Cela dit, j’ai beaucoup aimé l’histoire, elle est plus moderne que le cycle original, et accomplit parfaitement son rôle de préquelle : elle nous permet de revisiter de nombreux lieux mythiques, de découvrir la jeunesse de personnages bien connus (Balrog joue un rôle central et est très attachant) et de faire la connaissance de quelques nouvelles têtes (Kryll). Le dernier tome est épique, le dénouement est rempli d’émotion et représente le raccord parfait avec le tome 1 de La Quête de l'Oiseau du Temps… je n’ai d’ailleurs par pu m’empêcher d’enchainer sur une énième lecture de ce classique ! Le dessin est superbe, mais varie forcément : 27 ans entre le tome 1 et le tome 8 (est-ce bien raisonnable ?), 4 dessinateurs et 4 coloristes ! Ces derniers font de leur mieux pour proposer une certaine cohérence, et de manière générale, ça passe plutôt bien. Un cycle immanquable pour les amateurs de La Quête de l'Oiseau du Temps. Je me demande si le troisième cycle « Après la quête » est toujours d’actualité ?