Oh mon dieu ... Et pourtant je ne suis pas croyant, c'est dire.
Je ne pensais pas que cette BD serait aussi rude, mais le sous-titre promettait d'être abominable. Et il l'a été, en effet ...
Disons le tout net, cette BD n'est pas pour tout le monde ! Elle est même franchement pas recommandée si vous êtes sensibles à certains sujets notamment les violences familiales et celles faites aux femmes. Parce que Sana va en prendre plein la gueule dès les premières pages. Enfant battue par sa mère qui va se radicaliser progressivement, elle sera emmenée de force en Syrie où son père sera contraint de les rejoindre pour les revoir. Mariée de force, devenue mère à 16 ans, elle va ensuite vivre l'enfer de la guerre contre l'EI et tentera par plusieurs moyens de rentrer en France. Ce qui lui prendra dix ans ...
Je ne vais pas faire le détail, la BD étant très complète même si elle ne s'attarde jamais sur un seul des évènements. Tout s'enchaine à un rythme dingue, tant tout ce qu'il se passe parait hors de contrôle. C'est tant mieux, on évite ainsi la misère et le pathos des situations qui s'enchainent à chaque fois vers le pire. Et alors que je ne le pensais pas en l'ouvrant, la BD m'a mis un taquet dans les dents. En même temps, comment rester insensible devant cette gamine condamnée par sa famille à devenir fille-mère, subir les bombardements, l'exil et la faim tout en voyant mourir autour d'elles ceux qu'elle aime ?
Cette BD est une bonne démonstration des dangers de la radicalisation. Ici c'est tout une famille (tante et cousines avec) qui vont se retrouver emporté dans Daesh et qui vont mourir progressivement, dépossédé de toute humanité, bombardé, chassé et parqué dans des camps.
Mais cette BD a l'intelligence de ne pas se limiter à ce parcours et de finir sur une dernière critique bien sentie : comment a-t-on pu laisser une jeune fille de 13 ans disparaitre de l'école, ne jamais être signalée pour maltraitance infantile alors qu'elle était couverte de bleue lorsqu'elle allait chez le médecin ? Comment a-t-on pu laisser toute cette famille partir ainsi sans s'alarmer, sans rien faire ? Je proposerais bien une théorie à base de racisme ordinaire et de je-m’en-foutisme envers les plus pauvres, mais je ne prétendrais pas avoir la solution. Le fait est là, nos sociétés permettent à ces gens de partir, de briser des vies et d'aller enrichir en vie humaine des guerres atroces à l'autre bout de la Méditerranée. Mais on s'en fout, ce ne sont que des musulmans ...
La BD souffre de quelques défauts techniques, notamment sur le dessin. Il s'agit de la première BD de l'autrice qui a officiait déjà dans le milieu, et globalement l'ensemble se tient très bien. Il s'agit plus de détail sur les proportions anatomiques, les visages parfois étranges notamment lors de grosses réactions de surprises et divers moments où les postures font raides et pas très naturelles. Ces défauts techniques sont là, mais n'entachent clairement pas la lecture que j'ai fait d'une traite et dans laquelle j'étais complètement immergé. La technique, c'est bien, mais ça ne fait pas tout, et là le reste est tellement bon que c'est facile de passer outre.
Cette BD est une lecture importante, un témoignage de dysfonctionnement dans nos sociétés qui vont conduire à des drames humains. La fin est éclairante dessus, lorsqu'on se rend compte de la chance de Sana qui a pu rentrer au pays tandis que d'autres, considérées comme "trop radicalisées" et donc potentiellement dangereuses continuent de croupir dans des camps de prisonniers où elles et leurs enfants masculins vont sans doute mourir. Parce que les prendre en charge couterait trop cher, ma bonne dame, et qu'on a plus d'argent (sauf pour l'armée et les politiciens).
Bref, une autre BD sur l'enfer que certains vivent. Et une plongée dans l'intérieur de Daesh, une organisation qui fait réellement froid dans le dos.
Je découvre enfin le travail de ce duo avec cet album et je dois dire que j'ai vite été conquis !
Le dessin et l'humour me fait penser à certains albums de Fabcaro: un dessin réaliste (enfin, comparé au gros nez classique) et un humour absolument débile qui déconne sur un sujet sérieux. On voit donc des moments dans la vie de César, notamment son assassinat sous le prisme de l'humour et cela fonctionne bien ! J'ai bien rigolé durant ma lecture et un petit plus est que c'est souvent marrant durant le déroulement du gag, pas seulement à la chute comme c'est le cas avec pleins d'autres séries humoristiques. Les auteurs renouvellent bien les gags et on ne tombe pas dans de la répétition.
Bref, je ne sais pas trop quoi ajouter de plus à ce qu'il a déjà été écrit dans les autres avis. C'est un must pour ceux qui sont fans de ce type d'humour.
Scott McCloud nous a déjà initié à l'art de raconter la BD en BD (cf L'Art Invisible).
Ici, il s'associe à la dessinatrice Raina Telgemeier pour nous offrir une fiction, l'histoire de quatre ados aux affinités différentes et qui, sous l'impulsion de la documentaliste du CDI de leur collège vont créer leur propre bande dessinée
J'ai trouvé le propos très inspirant et bourré de conseils avisés concernant les émotions à faire passer à travers les postures des personnages, ou la liberté sans limite du support. "La seule règle d'or de la bande dessinée, c'est qu'il n'y en a pas".
J'ai été moins séduite par le dessin, que j'ai trouvé un poil caricatural
L'australien Gavin Aung Than nous propose avec "la clinique des créatures" une comédie de fantasy toute mignonne et bourrée d'humour.
Le dessin est simple et tout droit sorti des cartoons.
L'histoire pourrait paraître bateau et simpliste, mais elle est émaillée de nombreux gags qui font vraiment mouche. Et puis, mine de rien, c'est une bd qui parle d'empathie, de gestion des émotions, des relations parfois conflictuelles avec les parents. Mais tout cela est léger, ce qui fait qu'on peut lire l'histoire à plusieurs niveaux.
J'ai vraiment aimé
Celles et ceux qui se sont toujours émerveillé.e.s en admirant les ciels d’été étoilés et qui ne sont pas pour autant des cadors en sciences et plus précisément en astronomie (c’est mon cas) vont certainement adorer cette bande dessinée. Celui-ci coche toutes les cases de l’ouvrage de vulgarisation idéal, lequel parvient à être synthétique sur cette discipline extrêmement vaste — on ne saurait mieux dire — qu’est l’astrophysique.
« Voyage dans l’infiniment grand » a été conçu par Théo Drieu, co-créateur de la chaîne Youtube, « Balade mentale », qui compte plus d’un million d’abonnés. Pour un média de vulgarisation scientifique, c’est un vrai succès.
Si l’on est toujours un peu plus familier avec les planètes et corps célestes peuplant notre système solaire, on a toujours moins d’assurance dès que l’on quitte la ceinture de Kuiper, sans parler du nuage d’Oort ! C’est ainsi que ce livre va nous embarquer dans un grand voyage vers l’infini, bien plus rapidement qu’à la vitesse de la lumière, et tout ça grâce au fabuleux pouvoir de l’imagination, la nôtre ! Plus on s’éloigne de nos planètes les plus proches, plus les distances entre les astres augmentent, de façon exponentielle, dans des proportions tout bonnement… « intersidérantes » !
L’ensemble se lit relativement bien et reste globalement compréhensible pour le commun des mortels, même si parfois il faut tout de même solliciter davantage de neurones pour appréhender des concepts un peu plus élaborés. En particulier vers les vingt dernières pages, où est expliqué la fameuse théorie de l’expansion de l’univers, avec le décalage entre ce que nous voyons et la réalité, compte tenu de la vitesse de la lumière. C’est tout à fait passionnant mais on aurait bien vu l’ouvrage se terminer sur l’avant Big Bang, histoire de stimuler un peu plus notre imagination. Certes, plus on s’en rapproche et plus les données scientifiques sont aléatoires et incertaines, et on ne saura probablement jamais ce qu’il y avait avant l’ « instant initial ». Mais certains scientifiques, peut-être les plus poètes, ont déjà émis des hypothèses sur l’existence de multivers.
Les illustrations de Giulia Mammone restent tout à fait adaptées à ce type d’ouvrage. D’un côté, elle nous offre des vues d’artiste très plaisantes, parfois splendides, de l’univers avec ses soleils, ses galaxies et ses « pouponnières ». De l’autre, elle y intercale des scènes purement terrestres avec des objets du quotidien ou des personnages, dont celui probablement de Théo Drieu, le plus souvent pour métaphoriser des concepts plus abstraits ou présenter des intermèdes historiques dans le domaine scientifique. Assez quelconque sur ce plan, le trait reste très schématique et pas vraiment abouti, mais cela n’atténue guère l’enthousiasme que l’on pourra globalement ressentir avec cette lecture.
Pour peu que votre imagination soit suffisamment puissante, « Voyage dans l’infiniment grand » aura au moins ce mérite, pendant 160 pages, de vous faire prendre de la hauteur et d’admirer la voûte céleste, loin de notre monde terrestre parfois étriqué, et ce n’est déjà pas si mal. Comme le conclut l’auteur lui-même, « ces étendues démesurées peuvent être une expérience d’humilité, elles nous attendrissent en abimant un peu nos égos… » A bon entendeur !
La couleur tout d abord, le dessin ensuite, le récit enfin, c'est dans cet ordre que j'ai découvert Azur asphalte de Sylvain Bordesoules. On sent vraiment le sud, le vent, le soleil, rien qu'à regarder la couverture on est déjà dans l'histoire. Manque le lien entre ces deux femmes, que l'on va découvrir au fur et à mesure du récit...Leur quotidien qui n a rien d'original, tiens ça ressemble étrangement au notre ... c est à la fois beau, les illustrations notamment les pleines pages sont magnifiques, et émouvant...est ce que la vie est plus facile sous le soleil ?
Dire que j’attendais « Les Carnets de Stamford Hawksmoor » avec impatience est un doux euphémisme. J’adore la série mère Grandville, et de manière générale toutes les œuvres de Bryan Talbot. J’avais d’ailleurs longuement interviewé l’auteur à Angoulême en janvier 2024, et découvert la centaine de planches alors réalisées, sur sa tablette… presque 2 ans plus tard, je mets enfin les mains sur l’album, fébrilement, ayant peur d’être déçu, de trop en attendre.
Et bien non, ouf.
Je précise tout d’abord une chose importante : il n’est absolument pas nécessaire d’avoir lu Grandville pour lire et apprécier cette préquelle. L’histoire est complètement indépendante, et propose une enquête « à la Sherlock » absolument passionnante… les références au personnage de Conan Doyle abondent, à commencer par le nom du protagoniste (Stamford apparait dans le premier roman, « Une étude en rouge »). L’enquête est bien construite et parfaitement narrée, même si sa complexité nécessite une lecture attentive.
Comme c’est souvent le cas, Bryan Talbot parsème son récit de parallèles et réflexions sur notre société… les allusions à la catastrophe « Brexit » sont évidentes, mais l’auteur en profite également pour parler de la montée de l’extrême droite et du nationalisme dans le monde, ou encore des déboulonnages de statues liées à l'esclavage, par exemple.
La mise en image est magnifique. La représentation brumeuse du Londres victorien est des plus réussies, notamment grâce aux superbes couleurs aquarelles sépia, pour un rendu vintage. Les personnages animaliers sont toujours aussi réussis, ainsi que les fiacres Hansom et les costumes d’époque.
Voilà, une enquête classique, certes, et parfois difficile à suivre, mais je me suis régalé, et je me prends à rêver d’une suite (même ce n’est pas du tout d’actualité). Un coup de cœur !
Voilà plus d’un siècle que l’identité du mystérieux Jack l’Éventreur nourrit tous les fantasmes. En février 2025, un détective amateur affirmait avoir enfin percé le secret grâce à des analyses ADN réalisées sur le châle porté par Catherine Eddowes, l’une des victimes. Selon lui, le meurtrier serait Aaron Kosminski, un immigrant juif venu de Pologne, barbier de son état et déjà suspecté à l’époque. Une conclusion qui, évidemment, a depuis été largement contestée…
C’est dans ce contexte que je me suis plongé dans From Hell d’Alan Moore, un véritable monument.
Alan Moore y propose, avec une précision quasi chirurgicale, sa propre lecture de la légende, appuyée sur un important travail d’enquête et de documentation. Comme l’ont souligné de nombreux lecteurs avant moi, il faut d’abord saluer l’ampleur colossale de ses recherches : chacune des scènes du récit repose sur des sources minutieusement référencées. Une annexe d’une quarantaine de pages détaille ainsi, chapitre après chapitre, les ouvrages et documents sur lesquels s’appuie sa théorie. À cela s’ajoute une reconstitution impressionnante du Londres victorien, en particulier de ses bâtiments religieux — le deuxième chapitre, d’une trentaine de pages, y est entièrement consacré.
Ce travail titanesque engendre toutefois quelques lourdeurs et un rythme parfois lent. Mais l’ensemble reste passionnant et m’a donné envie de creuser davantage le mythe de Jack l’Éventreur et les multiples hypothèses autour de son identité.
Ayant vu et apprécié l’adaptation cinématographique avant de lire la bande dessinée, je réalise maintenant que le film fait bien pâle figure face à l’œuvre d’Alan Moore.
Je regrette cependant que la partie graphique ne soit pas à la hauteur de la qualité du scénario. Dans l’intégrale en noir et blanc que j’ai lue, le trait m’a semblé souvent approximatif, parfois même bâclé. Il m’est arrivé de revenir plusieurs fois en arrière, peinant à distinguer certains éléments du décor ou à différencier les personnages.
Pour moi, une bande dessinée culte doit allier un récit original et prenant à un dessin agréable à l’œil — notion certes très subjective. Ici, l’aspect visuel m’empêche d’attribuer la note maximale, même si l’œuvre mérite clairement son statut tant elle marque ses lecteurs.
Un très beau coup de cœur malgré tout.
SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 10/10
GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 6/10
NOTE GLOBALE : 16/20
Un classique !
Quelle bonne idée : les méchants aliens n'envahissent que l'Amérique latine, car vue comme la partie la plus faible de la planète. Bien vu : il n'y a guère de solidarité entre nations. Un bémol : l'Afrique est encore plus désarmée, mais c'est un scénariste latino qui décide ! Et qui n'a que de bonnes idées, qu'on en juge. La pluie de neige brouille tout, indistinction de l'espace, l'Eternaute, lui, le voyageur temporel, brouille le temps, deux éléments nous plongeant dans une atmosphère de fantastique. De fantastique effrayant, car les gens sont attaqués ! Assaillis par des créatures aliens ou humaines attachées par des fils, manipulées comme des marionnettes, encore une grande idée symbolique et graphique.
Comme d'habitude, toute histoire d'intrusion doit commencer par un décor et des gens bien enracinés dans la réalité. Et l'Eternaute fait le job, parfait, absolument parfait.
L'extravagance du parfait, comme on le dit d'un vin, mais je ne vais pas me lancer là-dedans.. La brièveté de l'œuvre, sa vivacité… Bon, ok, je sais que nous sommes en France, mais les formes brèves valent autant que les longues, voir les nouvelles et les haikus et autres tankas ! Parfois, ce qu'on sait fait obstacle à la connaissance, comme on le voit encore ici. On sait qu'il y a eu des problèmes de parution, on en déduit que l'œuvre en a pâti. Certes, on a les probabilités pour soi, mais en vérité, ce cri contre la tyrannie et l'abandon des faibles surgit sans doute plus court mais plus dense que sous une forme longue…. Attention, je n'ai rien contre les sagas, je rappelle les vertus de la brièveté et de l'ellipse, les formes courtes valent autant que les longues, illustration :
« Fût-ce en mille éclats.
Elle est toujours là.
La lune dans l'eau ! »
Haiku de Ueda Chôsh qui est aussi beau que capable de remonter le moral… fut-ce un instant ! Dans cette poésie comme dans l'Eternaute, pointe l'éloge de la résilience, si l'un est plus passionné que l'autre. Il y a aussi la chaude amitié entre notre groupe de survivants combattant les envahisseurs. Œuvre ancrée dans son temps qui s'arrime au nôtre, elle est classique, non une œuvre qu'il faut avoir lu pour comprendre comment la BD évolue, mais parce que sa perfection la place au firmament avec quelques autres comme les Corto Maltese.
Noir destin des humains, griffés par le dessin, blanc qui fait éclater les formes et les cases, coïncidence des contraires, feu d'artifice de perfection, trésor à garder dans sa bibliothèque pour le rouvrir, ébloui, havre et tempête !
A l'origine, je regardais quelques images, je lisais quelques phrases de Corto, mais je comprenais que je n'étais pas prêt. Un jour enfin, j'ai senti qu'il était temps, j'ai lu et ne m'en suis jamais repenti. Quels traits, qui vous emportent comme la mer… Quel héros : Corto peut rester immobile, à fumer le cigare, sans qu'on s'ennuie, et on peut espérer que la suite dispensable ne le condamnera pas à mâchonner de l'herbe comme Lucky Luke. Et que de personnages pour lui donner la réplique ! On en trouve de toutes les couleurs, et je dirais que Hugo Pratt en a le droit, lui, alors que d'autres, non, trois fois non ! Pourquoi, parce qu'il sait les dessiner, déjà, on n'est ni dans la caricature, ni dans la fadeur, il rend parfaitement le corps humain, son visage, ses mouvements, tout…. Ensuite, en terme de perception, mais c'est aussi important, parce que Pratt connait et invente assez d'histoire pour que les gens de toutes les couleurs y soient non comme collection pour montrer de la diversité, mais des personnages d'histoires à part entière. Et quelles histoires ? La réalité et le rêve s'enrichissent mutuellement.
Même remarque pour les femmes que pour la diversité ethnique, sociale, religieuse, culturelle et psychologique. D'ailleurs ce fou de Raspoutine lui reproche d'être toujours entouré de trop de femmes ! Il y a aussi l'alcoolique Steiner qui nous montre un vieux savant assez émouvant dans sa dérive, et parfois, comme dans un spectacle, il y a des invités, des personnages historiques comme le Baron fou qu'une chinoise aidée d'une organisation secrète comme il en grouille dans Corto en Sibérie, contrecarre. Contrairement à une duchesse de cette aventure ou Bouche dorée de plein d'aventures, c''est après coup qu'on se rend compte de son importance.
C'est formidable, non ? Mais parfois, on est tout aussi heureux pour une mouette fendant l'air - par parenthèse, découvrez l'aventure provoquée par ce genre de volatile ! Ou bien pour des cases où le noir et le blanc font le… tango? Mais Corto, gentilhomme de fortune, né de la mer, est sans doute mieux suivi en commençant par la mer salée, dans les pas de Stevenson et sa navigation, et son île au trésor quand Corto en cherche tant, passionné et plein de détachement, mystérieux à l'image du monde qui se reflète dans ses yeux.
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Oh mon dieu ... Et pourtant je ne suis pas croyant, c'est dire. Je ne pensais pas que cette BD serait aussi rude, mais le sous-titre promettait d'être abominable. Et il l'a été, en effet ... Disons le tout net, cette BD n'est pas pour tout le monde ! Elle est même franchement pas recommandée si vous êtes sensibles à certains sujets notamment les violences familiales et celles faites aux femmes. Parce que Sana va en prendre plein la gueule dès les premières pages. Enfant battue par sa mère qui va se radicaliser progressivement, elle sera emmenée de force en Syrie où son père sera contraint de les rejoindre pour les revoir. Mariée de force, devenue mère à 16 ans, elle va ensuite vivre l'enfer de la guerre contre l'EI et tentera par plusieurs moyens de rentrer en France. Ce qui lui prendra dix ans ... Je ne vais pas faire le détail, la BD étant très complète même si elle ne s'attarde jamais sur un seul des évènements. Tout s'enchaine à un rythme dingue, tant tout ce qu'il se passe parait hors de contrôle. C'est tant mieux, on évite ainsi la misère et le pathos des situations qui s'enchainent à chaque fois vers le pire. Et alors que je ne le pensais pas en l'ouvrant, la BD m'a mis un taquet dans les dents. En même temps, comment rester insensible devant cette gamine condamnée par sa famille à devenir fille-mère, subir les bombardements, l'exil et la faim tout en voyant mourir autour d'elles ceux qu'elle aime ? Cette BD est une bonne démonstration des dangers de la radicalisation. Ici c'est tout une famille (tante et cousines avec) qui vont se retrouver emporté dans Daesh et qui vont mourir progressivement, dépossédé de toute humanité, bombardé, chassé et parqué dans des camps. Mais cette BD a l'intelligence de ne pas se limiter à ce parcours et de finir sur une dernière critique bien sentie : comment a-t-on pu laisser une jeune fille de 13 ans disparaitre de l'école, ne jamais être signalée pour maltraitance infantile alors qu'elle était couverte de bleue lorsqu'elle allait chez le médecin ? Comment a-t-on pu laisser toute cette famille partir ainsi sans s'alarmer, sans rien faire ? Je proposerais bien une théorie à base de racisme ordinaire et de je-m’en-foutisme envers les plus pauvres, mais je ne prétendrais pas avoir la solution. Le fait est là, nos sociétés permettent à ces gens de partir, de briser des vies et d'aller enrichir en vie humaine des guerres atroces à l'autre bout de la Méditerranée. Mais on s'en fout, ce ne sont que des musulmans ... La BD souffre de quelques défauts techniques, notamment sur le dessin. Il s'agit de la première BD de l'autrice qui a officiait déjà dans le milieu, et globalement l'ensemble se tient très bien. Il s'agit plus de détail sur les proportions anatomiques, les visages parfois étranges notamment lors de grosses réactions de surprises et divers moments où les postures font raides et pas très naturelles. Ces défauts techniques sont là, mais n'entachent clairement pas la lecture que j'ai fait d'une traite et dans laquelle j'étais complètement immergé. La technique, c'est bien, mais ça ne fait pas tout, et là le reste est tellement bon que c'est facile de passer outre. Cette BD est une lecture importante, un témoignage de dysfonctionnement dans nos sociétés qui vont conduire à des drames humains. La fin est éclairante dessus, lorsqu'on se rend compte de la chance de Sana qui a pu rentrer au pays tandis que d'autres, considérées comme "trop radicalisées" et donc potentiellement dangereuses continuent de croupir dans des camps de prisonniers où elles et leurs enfants masculins vont sans doute mourir. Parce que les prendre en charge couterait trop cher, ma bonne dame, et qu'on a plus d'argent (sauf pour l'armée et les politiciens). Bref, une autre BD sur l'enfer que certains vivent. Et une plongée dans l'intérieur de Daesh, une organisation qui fait réellement froid dans le dos.
Salade César
Je découvre enfin le travail de ce duo avec cet album et je dois dire que j'ai vite été conquis ! Le dessin et l'humour me fait penser à certains albums de Fabcaro: un dessin réaliste (enfin, comparé au gros nez classique) et un humour absolument débile qui déconne sur un sujet sérieux. On voit donc des moments dans la vie de César, notamment son assassinat sous le prisme de l'humour et cela fonctionne bien ! J'ai bien rigolé durant ma lecture et un petit plus est que c'est souvent marrant durant le déroulement du gag, pas seulement à la chute comme c'est le cas avec pleins d'autres séries humoristiques. Les auteurs renouvellent bien les gags et on ne tombe pas dans de la répétition. Bref, je ne sais pas trop quoi ajouter de plus à ce qu'il a déjà été écrit dans les autres avis. C'est un must pour ceux qui sont fans de ce type d'humour.
La Bande des bédémaniacs
Scott McCloud nous a déjà initié à l'art de raconter la BD en BD (cf L'Art Invisible). Ici, il s'associe à la dessinatrice Raina Telgemeier pour nous offrir une fiction, l'histoire de quatre ados aux affinités différentes et qui, sous l'impulsion de la documentaliste du CDI de leur collège vont créer leur propre bande dessinée J'ai trouvé le propos très inspirant et bourré de conseils avisés concernant les émotions à faire passer à travers les postures des personnages, ou la liberté sans limite du support. "La seule règle d'or de la bande dessinée, c'est qu'il n'y en a pas". J'ai été moins séduite par le dessin, que j'ai trouvé un poil caricatural
La Clinique des créatures
L'australien Gavin Aung Than nous propose avec "la clinique des créatures" une comédie de fantasy toute mignonne et bourrée d'humour. Le dessin est simple et tout droit sorti des cartoons. L'histoire pourrait paraître bateau et simpliste, mais elle est émaillée de nombreux gags qui font vraiment mouche. Et puis, mine de rien, c'est une bd qui parle d'empathie, de gestion des émotions, des relations parfois conflictuelles avec les parents. Mais tout cela est léger, ce qui fait qu'on peut lire l'histoire à plusieurs niveaux. J'ai vraiment aimé
Balade mentale - Voyage dans l'infiniment grand
Celles et ceux qui se sont toujours émerveillé.e.s en admirant les ciels d’été étoilés et qui ne sont pas pour autant des cadors en sciences et plus précisément en astronomie (c’est mon cas) vont certainement adorer cette bande dessinée. Celui-ci coche toutes les cases de l’ouvrage de vulgarisation idéal, lequel parvient à être synthétique sur cette discipline extrêmement vaste — on ne saurait mieux dire — qu’est l’astrophysique. « Voyage dans l’infiniment grand » a été conçu par Théo Drieu, co-créateur de la chaîne Youtube, « Balade mentale », qui compte plus d’un million d’abonnés. Pour un média de vulgarisation scientifique, c’est un vrai succès. Si l’on est toujours un peu plus familier avec les planètes et corps célestes peuplant notre système solaire, on a toujours moins d’assurance dès que l’on quitte la ceinture de Kuiper, sans parler du nuage d’Oort ! C’est ainsi que ce livre va nous embarquer dans un grand voyage vers l’infini, bien plus rapidement qu’à la vitesse de la lumière, et tout ça grâce au fabuleux pouvoir de l’imagination, la nôtre ! Plus on s’éloigne de nos planètes les plus proches, plus les distances entre les astres augmentent, de façon exponentielle, dans des proportions tout bonnement… « intersidérantes » ! L’ensemble se lit relativement bien et reste globalement compréhensible pour le commun des mortels, même si parfois il faut tout de même solliciter davantage de neurones pour appréhender des concepts un peu plus élaborés. En particulier vers les vingt dernières pages, où est expliqué la fameuse théorie de l’expansion de l’univers, avec le décalage entre ce que nous voyons et la réalité, compte tenu de la vitesse de la lumière. C’est tout à fait passionnant mais on aurait bien vu l’ouvrage se terminer sur l’avant Big Bang, histoire de stimuler un peu plus notre imagination. Certes, plus on s’en rapproche et plus les données scientifiques sont aléatoires et incertaines, et on ne saura probablement jamais ce qu’il y avait avant l’ « instant initial ». Mais certains scientifiques, peut-être les plus poètes, ont déjà émis des hypothèses sur l’existence de multivers. Les illustrations de Giulia Mammone restent tout à fait adaptées à ce type d’ouvrage. D’un côté, elle nous offre des vues d’artiste très plaisantes, parfois splendides, de l’univers avec ses soleils, ses galaxies et ses « pouponnières ». De l’autre, elle y intercale des scènes purement terrestres avec des objets du quotidien ou des personnages, dont celui probablement de Théo Drieu, le plus souvent pour métaphoriser des concepts plus abstraits ou présenter des intermèdes historiques dans le domaine scientifique. Assez quelconque sur ce plan, le trait reste très schématique et pas vraiment abouti, mais cela n’atténue guère l’enthousiasme que l’on pourra globalement ressentir avec cette lecture. Pour peu que votre imagination soit suffisamment puissante, « Voyage dans l’infiniment grand » aura au moins ce mérite, pendant 160 pages, de vous faire prendre de la hauteur et d’admirer la voûte céleste, loin de notre monde terrestre parfois étriqué, et ce n’est déjà pas si mal. Comme le conclut l’auteur lui-même, « ces étendues démesurées peuvent être une expérience d’humilité, elles nous attendrissent en abimant un peu nos égos… » A bon entendeur !
Azur Asphalte
La couleur tout d abord, le dessin ensuite, le récit enfin, c'est dans cet ordre que j'ai découvert Azur asphalte de Sylvain Bordesoules. On sent vraiment le sud, le vent, le soleil, rien qu'à regarder la couverture on est déjà dans l'histoire. Manque le lien entre ces deux femmes, que l'on va découvrir au fur et à mesure du récit...Leur quotidien qui n a rien d'original, tiens ça ressemble étrangement au notre ... c est à la fois beau, les illustrations notamment les pleines pages sont magnifiques, et émouvant...est ce que la vie est plus facile sous le soleil ?
Les Carnets de Stamford Hawksmoor
Dire que j’attendais « Les Carnets de Stamford Hawksmoor » avec impatience est un doux euphémisme. J’adore la série mère Grandville, et de manière générale toutes les œuvres de Bryan Talbot. J’avais d’ailleurs longuement interviewé l’auteur à Angoulême en janvier 2024, et découvert la centaine de planches alors réalisées, sur sa tablette… presque 2 ans plus tard, je mets enfin les mains sur l’album, fébrilement, ayant peur d’être déçu, de trop en attendre. Et bien non, ouf. Je précise tout d’abord une chose importante : il n’est absolument pas nécessaire d’avoir lu Grandville pour lire et apprécier cette préquelle. L’histoire est complètement indépendante, et propose une enquête « à la Sherlock » absolument passionnante… les références au personnage de Conan Doyle abondent, à commencer par le nom du protagoniste (Stamford apparait dans le premier roman, « Une étude en rouge »). L’enquête est bien construite et parfaitement narrée, même si sa complexité nécessite une lecture attentive. Comme c’est souvent le cas, Bryan Talbot parsème son récit de parallèles et réflexions sur notre société… les allusions à la catastrophe « Brexit » sont évidentes, mais l’auteur en profite également pour parler de la montée de l’extrême droite et du nationalisme dans le monde, ou encore des déboulonnages de statues liées à l'esclavage, par exemple. La mise en image est magnifique. La représentation brumeuse du Londres victorien est des plus réussies, notamment grâce aux superbes couleurs aquarelles sépia, pour un rendu vintage. Les personnages animaliers sont toujours aussi réussis, ainsi que les fiacres Hansom et les costumes d’époque. Voilà, une enquête classique, certes, et parfois difficile à suivre, mais je me suis régalé, et je me prends à rêver d’une suite (même ce n’est pas du tout d’actualité). Un coup de cœur !
From Hell
Voilà plus d’un siècle que l’identité du mystérieux Jack l’Éventreur nourrit tous les fantasmes. En février 2025, un détective amateur affirmait avoir enfin percé le secret grâce à des analyses ADN réalisées sur le châle porté par Catherine Eddowes, l’une des victimes. Selon lui, le meurtrier serait Aaron Kosminski, un immigrant juif venu de Pologne, barbier de son état et déjà suspecté à l’époque. Une conclusion qui, évidemment, a depuis été largement contestée… C’est dans ce contexte que je me suis plongé dans From Hell d’Alan Moore, un véritable monument. Alan Moore y propose, avec une précision quasi chirurgicale, sa propre lecture de la légende, appuyée sur un important travail d’enquête et de documentation. Comme l’ont souligné de nombreux lecteurs avant moi, il faut d’abord saluer l’ampleur colossale de ses recherches : chacune des scènes du récit repose sur des sources minutieusement référencées. Une annexe d’une quarantaine de pages détaille ainsi, chapitre après chapitre, les ouvrages et documents sur lesquels s’appuie sa théorie. À cela s’ajoute une reconstitution impressionnante du Londres victorien, en particulier de ses bâtiments religieux — le deuxième chapitre, d’une trentaine de pages, y est entièrement consacré. Ce travail titanesque engendre toutefois quelques lourdeurs et un rythme parfois lent. Mais l’ensemble reste passionnant et m’a donné envie de creuser davantage le mythe de Jack l’Éventreur et les multiples hypothèses autour de son identité. Ayant vu et apprécié l’adaptation cinématographique avant de lire la bande dessinée, je réalise maintenant que le film fait bien pâle figure face à l’œuvre d’Alan Moore. Je regrette cependant que la partie graphique ne soit pas à la hauteur de la qualité du scénario. Dans l’intégrale en noir et blanc que j’ai lue, le trait m’a semblé souvent approximatif, parfois même bâclé. Il m’est arrivé de revenir plusieurs fois en arrière, peinant à distinguer certains éléments du décor ou à différencier les personnages. Pour moi, une bande dessinée culte doit allier un récit original et prenant à un dessin agréable à l’œil — notion certes très subjective. Ici, l’aspect visuel m’empêche d’attribuer la note maximale, même si l’œuvre mérite clairement son statut tant elle marque ses lecteurs. Un très beau coup de cœur malgré tout. SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 10/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 6/10 NOTE GLOBALE : 16/20
L'Eternaute 1969
Un classique ! Quelle bonne idée : les méchants aliens n'envahissent que l'Amérique latine, car vue comme la partie la plus faible de la planète. Bien vu : il n'y a guère de solidarité entre nations. Un bémol : l'Afrique est encore plus désarmée, mais c'est un scénariste latino qui décide ! Et qui n'a que de bonnes idées, qu'on en juge. La pluie de neige brouille tout, indistinction de l'espace, l'Eternaute, lui, le voyageur temporel, brouille le temps, deux éléments nous plongeant dans une atmosphère de fantastique. De fantastique effrayant, car les gens sont attaqués ! Assaillis par des créatures aliens ou humaines attachées par des fils, manipulées comme des marionnettes, encore une grande idée symbolique et graphique. Comme d'habitude, toute histoire d'intrusion doit commencer par un décor et des gens bien enracinés dans la réalité. Et l'Eternaute fait le job, parfait, absolument parfait. L'extravagance du parfait, comme on le dit d'un vin, mais je ne vais pas me lancer là-dedans.. La brièveté de l'œuvre, sa vivacité… Bon, ok, je sais que nous sommes en France, mais les formes brèves valent autant que les longues, voir les nouvelles et les haikus et autres tankas ! Parfois, ce qu'on sait fait obstacle à la connaissance, comme on le voit encore ici. On sait qu'il y a eu des problèmes de parution, on en déduit que l'œuvre en a pâti. Certes, on a les probabilités pour soi, mais en vérité, ce cri contre la tyrannie et l'abandon des faibles surgit sans doute plus court mais plus dense que sous une forme longue…. Attention, je n'ai rien contre les sagas, je rappelle les vertus de la brièveté et de l'ellipse, les formes courtes valent autant que les longues, illustration : « Fût-ce en mille éclats. Elle est toujours là. La lune dans l'eau ! » Haiku de Ueda Chôsh qui est aussi beau que capable de remonter le moral… fut-ce un instant ! Dans cette poésie comme dans l'Eternaute, pointe l'éloge de la résilience, si l'un est plus passionné que l'autre. Il y a aussi la chaude amitié entre notre groupe de survivants combattant les envahisseurs. Œuvre ancrée dans son temps qui s'arrime au nôtre, elle est classique, non une œuvre qu'il faut avoir lu pour comprendre comment la BD évolue, mais parce que sa perfection la place au firmament avec quelques autres comme les Corto Maltese. Noir destin des humains, griffés par le dessin, blanc qui fait éclater les formes et les cases, coïncidence des contraires, feu d'artifice de perfection, trésor à garder dans sa bibliothèque pour le rouvrir, ébloui, havre et tempête !
Corto Maltese
A l'origine, je regardais quelques images, je lisais quelques phrases de Corto, mais je comprenais que je n'étais pas prêt. Un jour enfin, j'ai senti qu'il était temps, j'ai lu et ne m'en suis jamais repenti. Quels traits, qui vous emportent comme la mer… Quel héros : Corto peut rester immobile, à fumer le cigare, sans qu'on s'ennuie, et on peut espérer que la suite dispensable ne le condamnera pas à mâchonner de l'herbe comme Lucky Luke. Et que de personnages pour lui donner la réplique ! On en trouve de toutes les couleurs, et je dirais que Hugo Pratt en a le droit, lui, alors que d'autres, non, trois fois non ! Pourquoi, parce qu'il sait les dessiner, déjà, on n'est ni dans la caricature, ni dans la fadeur, il rend parfaitement le corps humain, son visage, ses mouvements, tout…. Ensuite, en terme de perception, mais c'est aussi important, parce que Pratt connait et invente assez d'histoire pour que les gens de toutes les couleurs y soient non comme collection pour montrer de la diversité, mais des personnages d'histoires à part entière. Et quelles histoires ? La réalité et le rêve s'enrichissent mutuellement. Même remarque pour les femmes que pour la diversité ethnique, sociale, religieuse, culturelle et psychologique. D'ailleurs ce fou de Raspoutine lui reproche d'être toujours entouré de trop de femmes ! Il y a aussi l'alcoolique Steiner qui nous montre un vieux savant assez émouvant dans sa dérive, et parfois, comme dans un spectacle, il y a des invités, des personnages historiques comme le Baron fou qu'une chinoise aidée d'une organisation secrète comme il en grouille dans Corto en Sibérie, contrecarre. Contrairement à une duchesse de cette aventure ou Bouche dorée de plein d'aventures, c''est après coup qu'on se rend compte de son importance. C'est formidable, non ? Mais parfois, on est tout aussi heureux pour une mouette fendant l'air - par parenthèse, découvrez l'aventure provoquée par ce genre de volatile ! Ou bien pour des cases où le noir et le blanc font le… tango? Mais Corto, gentilhomme de fortune, né de la mer, est sans doute mieux suivi en commençant par la mer salée, dans les pas de Stevenson et sa navigation, et son île au trésor quand Corto en cherche tant, passionné et plein de détachement, mystérieux à l'image du monde qui se reflète dans ses yeux.