Loin de Paris est une œuvre incroyable mais avec un Côté très personnel et très intimiste, c'est tous à fait le principe même de l'œuvre.
Ça ne cherche pas à embarquer le lecteur mais à témoigner aux lecteurs d'une époque certe révolue mais pas totalement désuet, il faut aussi derrière avoir une grille de lecture différente cette situation est encore actuel dans pas mal de pays, contexte historique différents.
On retrace cette jeune femme aimé de son marié mais qui se sent prisonnière de sa vie, à cause de son propre pays et des communistes de l'est.
Et qui n'a que pour s'évader de sa vie maurose du communisme polonais, les lettres de sa sœurs vivant à Paris, lui envoyant des ouvrages, des disques.
Pouvoir aussi ressentir du point de vue des habitants du blocs de l'est cette relation étrange presque bizarre d'avoir une mère en état de choque devant un vinyle en mode oh que c'est beau,
C'est la que le bouquin nous rappelle par quelques petites finesses l'écart presque multidimensionnelle entre le blocs de l'ouest, et le bloc de l'est, comme deux monde parallèle qui se côtoies.
Chose qu'aujourd'hui on a plus tellement, et qu'on oublie trop souvent ça.
Le livre est aussi profondément triste dans son approche mais arrive avec certaines fulgurances à rendre le tous léger avec une finesses d'as l'écriture par certains trait humoristiques allegeant bien l'œuvre, ça rend plus de légèreté et c'est plutôt bien dosé.
Apres, la direction artistique est celons moi fabuleuse et une prise de risque assez phénoménal, et très atypique et expérimental dans un certains sens, c'est peut être un bon roman graphique qu'on pourrait lire en complément de la couleur des choses, flatland par exemple, dans cette continuité de roman graphique expérimentale ou délirante.
C'est un roman graphique fait sous logiciel d'architecture, et il faut pas que ce soit rédhibitoire, c'est un ptit chef d'œuvre qui justement le rend unique et marquant, c'est mon ultra coups de cœur cette année avec Flat Land.
Pour moi, Daredevil / Echo – Quête de Vision n’est pas un simple comics, c’est une œuvre d’art totale. David Mack signe ici à la fois le scénario et les illustrations, et le résultat est incroyable. On est très loin du schéma classique du super-héros : c’est une expérience visuelle, poétique et spirituelle qui se vit plus qu’elle ne se lit.
Mack mêle aquarelles, collages et symboles mystiques pour raconter une histoire sur la foi, la douleur, la rédemption et la recherche de sens. Daredevil et Echo y apparaissent comme deux âmes blessées en quête de lumière. Chaque page est un tableau à part entière — parfois même une méditation. J’ai eu l’impression de lire un roman graphique sur l’humanité, plus qu’une aventure de super-héros.
Ce qui m’a le plus marqué, c’est à quel point le récit est sincère et émotionnel. Il y a une vraie beauté dans la manière dont Mack aborde les croyances amérindiennes, la spiritualité et la compassion. C’est une œuvre exigeante, parfois abstraite, mais d’une puissance rare.
En refermant le livre, j’ai eu le sentiment d’avoir contemplé quelque chose d’unique, de profondément humain et artistique.
Quand j'ai vu la couverture de cette BD dans la liste des ouvrages à paraitre, mon sang n'a fait qu'un tour. J'ai immédiatement reconnu le style inimitable d'Edith dont le dessin me charme au plus haut point. Bon, certes, il s'agissait d'une adaptation de Simenon, or je ne suis pas du tout amateur de polar, mais pour le seul plaisir des yeux, j'ai couru chez le libraire pour pécho le livre.
Et je ne l'ai pas regretté, d'abord parce que l'histoire est vraiment bien. Ce n'est pas une histoire policière, plutôt un roman noir, un roman "dur" selon les propres termes de l'auteur pour qualifier ses romans dans lesquels le personnage du commissaire Maigret n'apparait pas. Ben oui, suis-je bête, c'est la collection "Simenon, les romans durs". Bon sang de bois, en voilà une qui porte bien son nom...
Oui, cette histoire est sombre et morne. On sent les personnages empêtrés dans leur solitude. On ressent leur détresse profonde chevillée au corps. Dès les premières pages, il devient évident que tout cela va très mal finir. Une menace sourde plane sur leur tête. La question qui trotte dans la tête du lecteur est comment va débouler l'accident ? Quel personnage va perdre la tête ? Qui va mourir ? Comment... Tout cela est très tendu, donc très réussi.
Et il faut dire qu'Edith habille l'ensemble de la meilleure manière possible. Son dessin imprime une marque très forte avec ses personnages aux visages souvent inquiets et inquiétants, ses paysages désespérément clos où la pluie dispute au brouillard la charge de barrer l'horizon... Elle s'appuie en outre sur une gamme chromatique parfaitement choisie. C'est un travail admirable, splendide s'il est permis de parler de splendeur au sujet d'une histoire aussi tragique. Un vrai travail de dessinateur où il ne s'agit pas seulement d'illustrer, de mettre en image un récit. Certes, ça ne donne pas nécessairement envie de visiter la Belgique (je plaisante parce que les belges sont sympas, même s'ils ne sont pas tous routiers), en revanche, on a grave envie de se plonger dans l'œuvre dure de Simenon.
A chaque fois que j'ouvre une BD d'Edith, je trouve son trait encore plus fin et précis. Rares sont les dessinateurs-trices à susciter ce genre d'impression chez moi.
Bref ! C'est un excellent récit, très ramassé qui offre toute la place au dessin et à la psychologie. Mais j'ai presque envie de dire que je le savais avant de le lire. Tellement chouette de voire ses attentes pleinement comblées. Ce n'est pas si fréquent.
Cette BD est une longue mélopée de 280 pages.
J'aime écrire mes avis sous le coup de l'émotion et là, j'ai la tête toute chamboulée après ma lecture. Je ne savais pas par où commencer. Par le début évidemment.
La couverture est magnifique et la qualité de l’édition est superbe.
J'attendais impatiemment le nouvel album d'Édouard Cour après son superbe ReV. Trois ans d'attente, mais ça en valait la peine. Je n'ai retrouvé les couleurs psychédéliques de ReV que sur quelques cases, elles ne sont présentes que pour exprimer la musicalité du récit. Le reste est en noir et blanc dans la même veine que son O Senseï, mais d'un autre niveau dans l'expressivité et la texture. Toujours ce mélange de charbonneux et de finesse. Le charbonneux, volontairement brouillon par moment, pour retranscrire l'âpreté de cette période historique et la finesse du trait pour nos deux jumeaux, pour exprimer une certaine innocence. Le grand soin apporté aux décors nous plonge de plein pied au début du XVIIIe siècle. Des doubles pages d'une beauté à vous écarquiller les yeux des heures durant. Édouard Cour va même jusqu'à dessiner une portée musicale sur le bord extérieur de chaque page, le nombre de notes correspond au numéro du chapitre.
Le résultat est une tuerie !
De Jean-Christophe Deveney je n'ai lu que le très peu avisé Empire falls building, un excellent souvenir.
On va suivre le parcours de vie des jumeaux Hans et Helma, très tôt orphelins, de leur campagne natale du Saint-Empire germanique à la puritaine Amsterdam, puis direction l'Italie (la carnavalesque Venise, la bouillonnante Naples et l'éternelle Rome). En n'oubliant pas Leipzig pour y rencontrer ce célèbre compositeur qui signait ses partitions Soli Deo Gloria (vous le connaissez tous). Deux enfants touchés par la grâce de dieu (et il va en être souvent question de religion), ils ont chacun un don. Elle, une voix en or et lui, l'instinct de pouvoir jouer de tous les instruments de musique et de la composition. C'est bien l'art, et sa place dans nos sociétés, qui sera le fil conducteur de ce récit, et principalement la musique, le troisième "personnage" central de cette histoire. Un parcours, après l'orphelinat, fait de rencontres qui vont leur permettre de progresser dans leur art et de s'extirper de leur misérable condition. Un récit dur et triste, heureusement entrecoupé de moments de joie et de grâce. La connexion qui lie nos jumeaux depuis leur vécu intra-utérin va être mise à mal, des divergences vont voir le jour. Faut-il vivre que pour son art ?
Deveney introduit des personnages illustres (sous d'autres noms) à sa fiction pour lui donner une légitimité et un poids historique. Et ça fonctionne à merveille, la chronologie des faits est respectée.
Une narration mélancolique qui s'attarde sur le développement des personnages, sur le processus de création et qui met l'action de côté. Je tiens à souligner la qualité des textes, on est transporté au siècle des Lumières.
Pour finir, j'ai ressenti toute la passion que les auteurs ont mis dans cet ouvrage.
Beau, émouvant et passionnant.
Ma BD 2025 sans aucun doute.
Culte et gros coup de cœur.
Ce n’est pas moi qui vais faire baisser la note de cette superbe série, et pourtant je ne suis pas spécialement fan de Star Wars. Etonnement, je n’ai vu la trilogie originale que récemment, en tant qu’adulte. Si j’ai beaucoup aimé, je n’ai aucun attachement émotionnel, aucune nostalgie envers cet univers, contrairement à Indiana Jones par exemple.
J’ai malgré tout été fasciné par ce récit, qui absorbe et synthétise une quantité incroyable d’informations (la bibliographie en fin d’album est impressionnante) et propose une histoire entrainante et diablement intéressante. On y découvre un projet pour le moins mouvementé, en lequel personne ne croyait, à part George Lucas et quelques proches, qui a failli capoter un nombre incalculable de fois… un vrai miracle qu’il ait fini par sortir en salles. J’ai vibré avec George, et ressenti un gros soulagement quand le film finit par sortir et rencontre un succès phénoménal, alors que je connaissais déjà ce dénouement heureux, m’enfin !
MAJ pour le tome 2 : Le tome 2 s’intéresse à la réalisation du deuxième film, pas aussi paisible qu’on pourrait le penser malgré le succès du premier, notamment parce que George Lucas tente de s’affranchir pour de bon de la dictature des studios hollywoodiens, et de financer le film lui-même… un pari audacieux et lourd de conséquence ! Les auteurs réappliquent la même formule, à savoir une quantité incroyable d’information transmises via une histoire enjouée, prenante et très facile à lire.
Une série passionnante, que vous soyez fan de Star Wars ou pas... Vivement le troisième et dernier tome ! Un grand bravo aux auteurs.
Avis modifié après lecture de l'inattendu tome 2 :
Rhaaaaa ! Allez ! Je lui mets un coup de cœur ! Difficile de faire autrement, eu égard à mes souvenirs de gosse.
J'avais quatre ans, donc bien trop jeune à la sortie du premier volet de la saga Star Wars. En revanche, je me souviens parfaitement du choc qu'a été la découverte des premières images de L'Empire contre attaque. A l'époque, mes parents possédaient une télévision en noir et blanc, et malgré cela, l'extrait diffusé pendant la Séquence du spectateur a eu sur moi un tel impact que j'ai tanné mon père, d'abord réticent, pour qu'il m'emmène voir le film au cinéma, ce qu'il a finalement consenti à faire. L'extrait en question se déroulait pendant l'attaque de l'armée impériale sur Hoth, donc dans la neige. Mais (et c'est le fait du noir et blanc) j'étais alors persuadé que la scène avait lieu dans un désert de sable. Or quelle ne fut pas ma surprise de découvrir sous mes yeux ébahis la réalité soudain colorisée ! Je me souviens également avoir prolongé l'envoutement pendant des mois, recréant sans cesse les vaisseaux avec mes legos.
Bref ! Tout cela pour dire que j'ai abordé cette BD avec un intérêt tout particulier. Comme Lucas lui-même, je recherchais sans doute en partie la magie de mon enfance. Gagné !
Les guerres de Lucas, ça a d'abord été cette belle couverture, très poétique, que les auteurs ont eu raison de préférer à celle envisagée au départ. Tout cela est très bien expliqué dans le petit portofolio final. Bien que nourrissant quelques réserves au sujet du dessin, que je trouvais un peu trop anguleux à mon goût, j'ai fini par me rendre à l'évidence : il est très maîtrisé, surtout en ce qui concerne les visages et expressions. On reconnait immédiatement chacun des protagonistes. George Lucas lui-même, mais également Harrison Ford, Carrie Fisher, Mark Hamill, Coppola, Spielberg ou bien encore Alec Guinness. En outre, tout cela est très dynamique, ce qui fait que rapidement, on se trouve complètement embarqué dans "l'aventure de l'aventure".
Je ne vais pas dévoiler tout ce que l'on y apprend, mais juste à titre d'exemple, je me contenterai de cette petite anecdote : le sachiez-tu ? C'est Christopher Walken qui avait initialement été pressenti pour incarner Ian Solo, et ce dernier devait donner la réplique à Jodie Foster dans le rôle de la princesse Leia ! Inimaginable !
Extrêmement documentée (il faut voir la double page consacrée à la bibliographie pour le croire), cette BD montre l'obstination d'un homme visionnaire d'une créativité folle (aux traits neuro-atypiques probables), et les mégatonnes d'obstacles qu'il a dû affronter jusqu'au bout, c'est à dire jusqu'à la veille de la sortie en salle. La réalisation du film a nécessité des innovations techniques démentes, ainsi qu'une bonne dose de bricolage et d'improvisation. D'où ce titre, parfaitement adapté. On découvre que ce film a bien failli ne jamais voir le jour, qu'il s'en est fallu d'un cheveu pour que tout s'effondre. Au sein même de l'équipe constituée par Lucas, personne n'y croyait réellement, au point que beaucoup méprisaient le réalisateur, ne lui accordant aucun crédit, défiant constamment son autorité.
Voilà ! Voilà le menu de cette copieuse BD qui s'adresse peut-être avant tout aux fans de la première heure, mais qu'il serait dommage de cantonner à cela. Franchement, c'est un petit morceau de cinoche qui est dévoilé ici. On pense ce que l'on veut de cette saga (les trois premiers, hein ? Parce qu'on oublie les autres, on est bien d'accord ?), mais qu'on le veuille ou non, son empreinte a définitivement changé le visage du cinéma, et notamment de science-fiction. Demandez à Ridley Scott ou James Cameron ce qu'ils en pensent, eux qui ont eu la révélation de leur vie devant Star Wars, ou même à Spielberg, l'une des rares personnes a avoir soutenu inconditionnellement Lucas, Spielberg qui a d'ailleurs fait une mini dépression lors de la sortie du film, au point que, par crainte d'un échec commercial, il choisit de décaler la date de sortie de son Rencontre du 3e type...
Merci à nos deux auteurs pour ce très bon scénar, et ce dessin épatant qui, sans en mettre plein la poire, emporte l'adhésion du lecteur. Le charme opère d'abord et avant tout parce que tout est solide. To be continued ?...
Et le tome 2 alors ?
Ben oui, the show goes on : et j'en suis très heureux puisque c'est avec cet épisode (l'Empire contre-attaque) que j'ai découvert l'univers de Star Wars étant gamin. Le moins que l'on puisse dire est que cette suite est à la hauteur du premier tome que je pensais voir demeurer fils unique. C'est aussi bon, fourmillant d'anecdotes et très bien rythmé, avec ce chouette dessin à la fois précis et sans chichi. Franchement, on se prend à rêver d'un troisième (et ultime) tome. Je réalise (il n'est jamais trop tard) que le titre Les guerres de Lucas fait également référence au titre original de la saga qui devrait être traduit par Les guerres de l'Etoile. Du coup, c'est doublement bien trouvé. J'en profite enfin pour remonter ma note.
Personne n’est inemployable, ce n’est pas le travail qui manque, ni l’argent.
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Ce tome contient un reportage complet, qui ne nécessite pas de connaissance préalable. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Mathieu Siam pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend cent-quarante-sept pages de bande dessinées. Il se termine avec deux pages comprenant six photographies au total des locaux de l’association Papiole ainsi que quelques-unes de ses activités, un texte de deux pages de Laurent Grandguillaume (président de TZCLD), et une page de chronologie sur le droit à l’emploi, commençant avec les années 1830 (Louis Blanc, utopiste, propose de créer des ateliers sociaux pour les personnes sans travail et pour un travail qui permette de vivre dignement) à l’année 2024 (dix-sept structures nationales engagées pour l’emploi et la solidarité lance une Concertation nationale pour une loi du droit à l’emploi pour toutes et tous.). L’ouvrage s’achève avec une page de remerciements.
D’aussi loin qu’il se souvienne, Mathieu revoit les visages fermés des journalistes annonçant les chiffres du chômage. Les chiffres viennent de tomber. Les chiffres tombent. La classe politique chargée de résoudre ce fléau peine à trouver les mots. Certains dans le déni : Je traverse la rue et je vous trouve un travail. D’autres dans la résignation : Sur le chômage on a tout essayé. Le fléau continue de remplir les écrans avec des usines qui ferment et des familles qui se brisent. Et avec eux, une population qui craint le déclassement. Je fais comment pour trouver du boulot ? Y a rien dans la région. J’ai déjà été au chômage. Le chômage, c’est passer de la vie à la survie. Puis la télé se tait. Et après ? Que se passe-t-il loin des caméras ? Que deviennent ces femmes ? Que deviennent ces hommes ? Ceux qui ne retrouvent pas d’emploi durant des mois ? Ceux qui ont un corps trop usé ? Ou une valise trop lourde à porter ? Avons-nous définitivement accepté l’obscurité ? Non loin de chez Mathieu, des habitants ont décidé de ne pas se résigner. Ils ont rallumé une étincelle d’espoir. Il se sent attiré vers cette lueur naissante, comme un papillon dans la nuit. Il veut s’enivrer et témoigner de cette chaleur sociale. Si rare, si précieuse. Cette étincelle vient d’une expérimentation de lutte contre le chômage durable. Elle va naître aujourd’hui sous la forme d’un territoire. Il a acheté un carnet. Couverture moleskine. Format 18x25cm, 220g, 150 feuilles. 150 feuilles pour tourner une page.
L’expérimentation se nomme Territoires Zéro Chômeur Longue Durée dont l’acronyme est TZCLD. TZCLD, Mathieu aime bien. On dirait le nom d’un vaisseau spatial. En route vers un nouveau monde dans une BD de science-fiction. Pourtant, le lieu n’a rien de surnaturel. Il se situe entre la campagne et la ville, juste à côté d’une zone commerciale. Un territoire comme il en existe partout en France. D’ailleurs il a rendez-vous place de France. Une femme traverse la place avec un caddie. Un homme promène son meilleur ami, son chien. Il est neuf heures et demie. L’auteur pénètre dans les locaux de l’association TZCLD et il est accueilli par Gwen, président de l’entreprise Papiole, qui lui explique la nature du projet et sa genèse.
Le sous-titre explicite la nature de cette bande dessinée : Carnet en territoire zéro chômeur longue durée. Dans la première séquence, l’auteur évoque son rapport au chômage : les annonces perçues comme catastrophiques par un enfant regardant les journaux télévisés à l’époque, assimilant plus leur tonalité que leur réalité : entre une fatalité inéluctable et une condamnation. Le temps est venu pour lui de découvrir ce qui peut se passer après que cette terrible sentence se soit abattue sur un individu. Il effectue cette démarche de manière positive : aller à la découverte d’un dispositif de réinsertion dans le monde du travail, entre le retour à une vie normale et le miracle d’une grâce ou d’un pardon. L’ouvrage est divisé en quatre chapitres : la signature (du contrat des employés de l’entreprise Papiole), les clés (de fonctionnement de l’entreprise Papiole), les super-héros (assimilés aux Quatre Fantastiques /Fantastic Four), les activités (c’est-à-dire la production professionnelle de l’entreprise Papiole), Le vent. À chaque fois, Mathieu rencontre les personnes directement concernées, et il retranscrit leur parole. Pour les novices, le premier présente l’entreprise Papiole, ses débuts et ses premiers recrutements. Dans le troisième chapitre, Catherine (responsable du centre de ressources et de développement) présente les différentes institutions parties prenantes.
Le lecteur habitué à la bande dessinée de reportage se prépare à découvrir soit des dessins très minutieux et descriptifs dans une veine réaliste, soit des dessins dans une veine plus épurée avec une touche d’exagération comique pour les avatars des individus. Il découvre une approche plus originale : des dessins avec des traits de contour fins et un peu irréguliers, comme réalisés sur le vif, sans phase de repassage pour les peaufiner, de nature réaliste, avec un niveau de détails assez épuré, et une mise en couleurs légère, comme réalisée à l’aquarelle, jouant beaucoup sur des formes de bichromie. Ces choix graphiques apportent une identité visuelle très personnelle à l’ouvrage, mariant à la fois le concret et la banalité des personnes rencontrées, des lieux très ordinaires, et une sensibilité exprimant un grand respect, une volonté de se montrer fidèle aux propos tenus, sans s’imposer, sans être intrusif. Le lecteur absorbe inconsciemment des particularités diverses : la grande place laissée au blanc comme si l’artiste ne souhaitait pas encombrer ces moments, le passage de noir& blanc (avec des nuances de gris) de la télévision quand il était jeune, à un monde avec des touches de couleurs, pas forcément gaies, mais bien présentes, comme si le travail rendait de la consistance, ramenait des couleurs dans la vie de ces êtres humains. Il note de ci de là quelques silhouettes uniquement à l’aquarelle sans trait de contour. Il ralentit sa lecture pour apprécier le portrait de plusieurs travailleurs sociaux (pages quatre-vingt-dix et quatre-vingt-onze), à l’encre. Puis le recours à une famille de Playmobil le temps d’une case dans le contexte de la ressourcerie de jouets. Ou encore la représentation de branches d’arbres, pour un effet métaphorique, digne d’Edmond Baudoin lui-même.
La narration visuelle s’émancipe donc d’une illustration la plus réaliste possible d’un reportage, ou de la mise en scène de l’auteur sous un format humoristique, pour transcrire le respect et la délicatesse de l’auteur vis-à-vis de ses différents interlocuteurs. Ce n’est pas tant qu’il se montre précautionneux comme si ces futurs ex-chômeurs pouvaient être fragiles ou susceptibles ; il les aborde avec prévenance et même timidité conscient d’être dans une position plus privilégiée que la leur. D’un côté, le lecteur voit bien que certaines mises en page sont aérées jusqu’à l’économie, ou que la mise en scène consiste d’un plan taille et d’une personne parlant pour exposer son rôle ou son histoire, ou expliquer un dispositif. Dans le même temps, ces prises de vue correspondent parfaitement au moment, à la démarche de l’auteur, à l’objet de la rencontre et des questions posées. En outre, la narration visuelle s’avère diversifiée et variée, sans lassitude du lecteur du fait d’une narration qui serait trop aride ou trop minimaliste. Une fois l’ouvrage terminé, il conserve de nombreux visuels en tête : la sensation accablante des chiffres du chômage énoncés par les présentateurs télé, la magnifique fleur en origami, les branches d’arbre dénudées, le drapeau planté au sommet d’un pic de montagne, le ciel étoilé, la combinaison de ski de très grande taille, la cartographie des différentes entreprises publiques et privées participant à la réinsertion, le groupe de punk dont a fait partie Mathieu, les champs cultivés. Et surtout les différentes personnes rencontrées.
Le lecteur suit littéralement l’auteur allant à la découverte de l’entreprise Papiole, rencontrant ses responsables, ses bénévoles, et ses ex-chômeurs de longue durée ayant signé un contrat. Gwen lui explique le principe de l’entreprise créée dans le cadre de l'expérimentation nationale Territoire Zéro Chômage Longue Durée (TZCLD). Elle vise à lutter contre le chômage de longue durée en créant des emplois durables dans les secteurs utiles au territoire. Il fait le tour des locaux, rencontre un encadrant, assiste à la signature des premiers contrats, voit l’émotion de ces nouveaux employés réintégrant une forme considérée comme normale de citoyenneté. Impossible de résister à l’émotion organique et sincère de voir des personnes qui peuvent se remettre à un envisager un avenir. La compréhension de cette initiative se trouve augmentée par la présentation de l’écosystème des autres dispositifs tels que les ACI (Ateliers et Chantiers d’Insertion), les ESAT (Établissements et Service d’Accompagnement par le Travail), ou les ETTI (Entreprises de Travail Temporaire et d’Insertion). Et après, l’île d’EBE. L’île d’Entreprises à But d’Emploi. Par la suite, Mathieu retrace sa discussion avec Claudy, bénévole de l’épicerie sociale Pom Cassis, qui dit si bien la fragilité économique des personnes venant acheter des fruits et légumes, et aussi la fragilité économique de l’épicerie elle-même, et celle tout aussi terrible des employés de Papiole qui y travaillent. Le lecteur se trouve intimement touché par les différents témoignages : la terrible possibilité que l’État se désengage de ce dispositif, les espoirs régénérés par la signature d’un contrat, le souvenir de ceux qui ont succombé aux conséquences de la désocialisation, encore plus qu’à celles de l’absence de salaire ou de revenus financiers, l’importance à la fois démesurée et insoupçonnée, aussi bien financière que sociale, d’avoir un emploi. Il fait l’expérience indicible de la solidarité dans ce qu’elle a de plus pragmatique.
Le texte de la quatrième de couverture annonce : Face aux réalités de la vie économique et à l'augmentation du chômage, Mathieu Siam s'intéresse à la naissance d'une expérience territoriale près de chez lui : Territoires zéro chômeur longue durée (TZCLD). Un programme pas forcément enthousiasmant. Au contraire, le lecteur découvre une narration visuelle personnelle, aussi respectueuse que curieuse, timide et constructive. L’auteur présente avec une clarté simple et limpide ce qu’il découvre, à la fois l’expérience des encadrants, des employés, des bénévoles de Papiole, à la fois l’écosystème dans lequel cette entreprise évolue. Son empathie irradie littéralement le portrait qu’il dresse des individus qu’il rencontre, une chaleur humaine peu commune. Essentiel.
Tout m'attirait dans cette BD, et je n’ai pas su y résister.
Le décor fascinant du New York des années 50, dessiné avec élégance et minutie, ce cadre historique évoquant l'apogée des États-Unis en pleine Guerre froide, une trame de départ mêlant voyage temporel, possible histoire de fantômes et quelques références à la culture pop, comme cette Tabatha au minois d'Audrey Hepburn qui joue le rôle d'une jolie sorcière qu'on imagine facilement bien aimée… Tout semblait réuni pour me plaire. Sans oublier Trondheim au scénario, gage d’une intrigue dense, intelligente et souvent drôle. Même si je suis d'ordinaire peu friand des récits d’espionnage, tout le reste m'a conquis.
Graphiquement, j'ai été séduit dès les premières pages, puis franchement impressionné en découvrant le dossier graphique en fin d'album. J'aimais déjà la finesse du trait, le sens du détail, la mise en scène claire et soignée. Les couleurs, sobres et volontairement classiques, jouent sur des aplats sans dégradés, avec parfois des teintes inattendues (notamment ces violets qui rappellent par instants l'ambiance d'un Watchmen). Mais apprendre que chaque planche avait été pensée pour pouvoir être découpée en strips indépendants, avec une grande vignette d'ouverture et une chute à la fin, m'a encore plus bluffé : cette contrainte, pourtant lourde, ne se ressent jamais à la lecture puisque je ne m'en étais même pas rendu compte. La fluidité narrative reste totale.
L'album se révèle en fait un hommage aux comics hebdomadaires américains des années 50. Ce format feuilletonesque donne à l'ensemble un charme rétro et une énergie singulière. L'histoire, à la fois légère et mystérieuse, combine des thématiques très diverses, enquête, fantastique et espionnage dans une harmonie étonnante. Entre le secret du voyage temporel, la présence du fantôme et la menace d'un possible attentat nucléaire, les fils narratifs s'entrecroisent habilement sans jamais se perdre. Le tout est porté par une héroïne vive et moderne, dont le féminisme avant l'heure vient heurter une Amérique encore très patriarcale. Son esprit, son humour et son aplomb en font un personnage immédiatement attachant.
J'ai passé un excellent moment avec cet album dense, intelligent et visuellement superbe. À la fois hommage et réinvention, il réussit le rare équilibre entre divertissement et profondeur. C'est une œuvre complète, maîtrisée dans ses moindres détails, et dont la lecture laisse un vrai sentiment de satisfaction, comme si l'on avait retrouvé un classique oublié.
La French Theory, c’est quoi ? C’est un courant de pensée initié par des philosophes français dans les années 60 où le concept de déconstruction tenait une place centrale. Le fait que l’appellation soit en anglais démontre à lui seul l’importance de ce mouvement et l’engouement qu’il suscita aux États-Unis, bien plus qu’en France, même si cela se limitait aux universités et que seuls les initiés en maîtrisait le concept. Pourtant, ces textes philosophiques, si puissants dans leurs contenus, ont fini par déborder des bibliothèques et des conférences universitaires, se propageant dans le reste de la société et infusant les mœurs et la culture…
Pour faire simple, c’est ce mouvement qui a inspiré la lutte des minorités, qui recouvre un vaste champ thématique, de la question coloniale aux combats féministes, en passant par la notion d’identité et de genre, la contestation sociale, la conquête de nouveaux droits…dans un contexte où le capitalisme, moins menacé à l’époque, n’avait pas encore révélé toute la férocité dont il est capable… Une férocité qui s’exprime à travers le « backlash » auquel on assiste depuis quelques années, « le retour de bâton après des progrès et des avancées », en somme une attaque en règle contre le fameux « wokisme » qui, aux yeux de ses adversaires, est devenu l’insulte ultime évitant toute justification… et pour cela, la fin justifie les moyens : répression violente, privatisation tous azimuts, individualisme, technologies de contrôle… et désormais tentatives de miner la liberté d’expression, comme on peut le voir avec Trump n°2, qui ne ménage pas ses efforts pour remettre en cause le premier amendement de la constitution US !
Face aux slogans simplistes assénés par les réactionnaires de tout poil pour toucher les foules qu’ils préfèrent déculturées, on serait tentés de croire que la pensée déconstructiviste ne fait guère le poids. En effet, peut-on envisager une seule seconde de s’appuyer sur un ouvrage au contenu ardu d’un Foucault ou d’un Deleuze pour répondre à un interlocuteur qui clamera, en se contrefoutant éperdument de vos arguments, sa détestation des intellos woke-islamo-gaucho-bobos ?
Et c’est bien en cela que « French Theory » coche toutes les cases. C’est une synthèse parfaite et rafraichissante d’une pensée parfois complexe, et qui incitera les plus motivés — les plus « rebelles » aussi — à creuser le sujet, grâce à la bibliographie en fin d’ouvrage. La narration fluide rend le concept de déconstruction accessible – y compris pour moi qui je le confesse n’ai lu aucun ouvrage de ces philosophes. Plutôt que de développer en détail cette théorie (ce qui est fait sur un seul chapitre), les auteurs ont choisi de privilégier l’histoire du mouvement, ses implications hors du cadre universitaire, à l’échelle internationale, ses influences à travers la peinture, l’architecture, le cinéma, la musique, la littérature, sans oublier… la bande dessinée. De même, les autres protagonistes du mouvement sont évoqués — et il n’y avait pas seulement les cinq représentés en couverture (Michel Foucault, Jacques Derrida, Gilles Deleuze, Félix Guattari, Jean Baudrillard), loin de là. Bon nombre d’entre eux n’étaient pas français, beaucoup étaient évidemment étatsuniens, et parmi eux : Bernard Said, Homi Bhabhaj et G.C. Spivak (tous deux nés en Inde), Judith Butler, Eve Kosofsky Sedgwick…
Pour accompagner le texte, Thomas Daquin nous propose une ligne claire pop et colorée, aux accents parfois psychédéliques, reflétant bien l’atmosphère de l’époque. Ce dernier sait faire preuve d’inventivité et de fantaisie pour mettre en images des concepts pouvant paraître abstraits, conférant au livre un côté très ludique.
Si l’ouvrage décrit un monde en décomposition où les mouvements progressistes se voient férocement attaqués de toute part par les politiques autoritaires voire fascisantes, il permet aussi de prendre du recul et fait appel à notre aptitude à l’analyse. Il nous oblige à faire un pas de côté, nous conduit à voir les choses sous une perspective nouvelle, moins désespérante. Car en effet, la French Theory se veut aussi « une boîte à outils politique, qui inclut sa propre critique, mais pas vraiment de notice d’utilisation ». En suscitant ainsi la réflexion, il poussera peut-être les plus révoltés et/ou démoralisés par le contexte actuel à être créatifs en inventant de nouvelles formes d’action. La bonne nouvelle, nous dit François Cusset, c’est que l’œuvre de ces philosophes est redevenue vivante en France, au grand dam des propagandistes anti-woke.
Cette bande dessinée, qui dérive de l’essai éponyme de François Cusset, demeurant ici co-auteur, est donc une réussite totale en termes de vulgarisation, prouvant s’il était besoin la capacité du neuvième art à attirer un lectorat pas forcément porté sur ce type d’ouvrages, et à lui faire découvrir des écrits théoriques souffrant — quoi qu’on en dise — d’une image rébarbative pour le commun des mortels. Évoquer sur 144 pages seulement un mouvement philosophique réunissant autant d’acteurs, et par ailleurs assez disparate — certains d’entre eux étaient même en opposition sur certains sujets —, relevait incontestablement du challenge. Les auteurs ont parfaitement relevé le défi, qui fait de « French Theory » un vrai coup de cœur et l’une des lectures indispensables de l’année.
En guise de conclusion à cet avis, n’oublions pas cette puissante citation de Gilles Deleuze mentionnée en fin d’ouvrage : « LE POUVOIR NOUS VEUT TRISTES ». En espérant que ça vous donne la patate et le smile ;-)
Après avoir fait de Shiro Kuroi un de ses auteurs coups de coeur (Leviathan, Dragon Hunt Tribe), la maison Ki-oon nous propose un recueil de ses histoires de jeunesse, jusque-là inédites en "vraie" publication. Leur point commun est l'évocation d'une maison située dans les Limbes, au sein de laquelle les morts peuvent prendre un peu de repos avant de traverser la rivière qui les sépare de la mort. L'occasion pour eux de s'y arrêter, de réfléchir (à revenir, qui sait ?) ou de faire des rencontres parfois inattendues.
Comme l'indique l'auteur en postface, c'étaient des récits de jeunesse, sans véritable ambition, et d'une qualité peut-être un peu basse. On a un peu l'impression que certains sont inachevés, inaboutis, qu'ils manquent un peu d'écriture parfois. Mais il s'en dégage néanmoins une atmosphère un peu particulière, pas du tout éthérée, mais tout de même suspendue, hors du temps, comme on peut s'imaginer que sont les Limbes, quand on y croit ou qu'on les évoque. Cette atmosphère est renforcée par le traitement en couleurs, avec des tons doux, qui imprègnent fortement les histoires.
Graphiquement Kuroi avait déjà un sacré niveau, un style assez réaliste et pas du tout figé. Par la suite il s'est éloigné de ce style natif, mais je pense que s'il y revenait dans de futurs projets, ce serait vraiment beau.
Bref, un bon moment de lecture, assez émouvant au final.
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Loin de Paris
Loin de Paris est une œuvre incroyable mais avec un Côté très personnel et très intimiste, c'est tous à fait le principe même de l'œuvre. Ça ne cherche pas à embarquer le lecteur mais à témoigner aux lecteurs d'une époque certe révolue mais pas totalement désuet, il faut aussi derrière avoir une grille de lecture différente cette situation est encore actuel dans pas mal de pays, contexte historique différents. On retrace cette jeune femme aimé de son marié mais qui se sent prisonnière de sa vie, à cause de son propre pays et des communistes de l'est. Et qui n'a que pour s'évader de sa vie maurose du communisme polonais, les lettres de sa sœurs vivant à Paris, lui envoyant des ouvrages, des disques. Pouvoir aussi ressentir du point de vue des habitants du blocs de l'est cette relation étrange presque bizarre d'avoir une mère en état de choque devant un vinyle en mode oh que c'est beau, C'est la que le bouquin nous rappelle par quelques petites finesses l'écart presque multidimensionnelle entre le blocs de l'ouest, et le bloc de l'est, comme deux monde parallèle qui se côtoies. Chose qu'aujourd'hui on a plus tellement, et qu'on oublie trop souvent ça. Le livre est aussi profondément triste dans son approche mais arrive avec certaines fulgurances à rendre le tous léger avec une finesses d'as l'écriture par certains trait humoristiques allegeant bien l'œuvre, ça rend plus de légèreté et c'est plutôt bien dosé. Apres, la direction artistique est celons moi fabuleuse et une prise de risque assez phénoménal, et très atypique et expérimental dans un certains sens, c'est peut être un bon roman graphique qu'on pourrait lire en complément de la couleur des choses, flatland par exemple, dans cette continuité de roman graphique expérimentale ou délirante. C'est un roman graphique fait sous logiciel d'architecture, et il faut pas que ce soit rédhibitoire, c'est un ptit chef d'œuvre qui justement le rend unique et marquant, c'est mon ultra coups de cœur cette année avec Flat Land.
Daredevil / Echo - Quête de Vision (Daredevil - Echo)
Pour moi, Daredevil / Echo – Quête de Vision n’est pas un simple comics, c’est une œuvre d’art totale. David Mack signe ici à la fois le scénario et les illustrations, et le résultat est incroyable. On est très loin du schéma classique du super-héros : c’est une expérience visuelle, poétique et spirituelle qui se vit plus qu’elle ne se lit. Mack mêle aquarelles, collages et symboles mystiques pour raconter une histoire sur la foi, la douleur, la rédemption et la recherche de sens. Daredevil et Echo y apparaissent comme deux âmes blessées en quête de lumière. Chaque page est un tableau à part entière — parfois même une méditation. J’ai eu l’impression de lire un roman graphique sur l’humanité, plus qu’une aventure de super-héros. Ce qui m’a le plus marqué, c’est à quel point le récit est sincère et émotionnel. Il y a une vraie beauté dans la manière dont Mack aborde les croyances amérindiennes, la spiritualité et la compassion. C’est une œuvre exigeante, parfois abstraite, mais d’une puissance rare. En refermant le livre, j’ai eu le sentiment d’avoir contemplé quelque chose d’unique, de profondément humain et artistique.
La Maison du canal
Quand j'ai vu la couverture de cette BD dans la liste des ouvrages à paraitre, mon sang n'a fait qu'un tour. J'ai immédiatement reconnu le style inimitable d'Edith dont le dessin me charme au plus haut point. Bon, certes, il s'agissait d'une adaptation de Simenon, or je ne suis pas du tout amateur de polar, mais pour le seul plaisir des yeux, j'ai couru chez le libraire pour pécho le livre. Et je ne l'ai pas regretté, d'abord parce que l'histoire est vraiment bien. Ce n'est pas une histoire policière, plutôt un roman noir, un roman "dur" selon les propres termes de l'auteur pour qualifier ses romans dans lesquels le personnage du commissaire Maigret n'apparait pas. Ben oui, suis-je bête, c'est la collection "Simenon, les romans durs". Bon sang de bois, en voilà une qui porte bien son nom... Oui, cette histoire est sombre et morne. On sent les personnages empêtrés dans leur solitude. On ressent leur détresse profonde chevillée au corps. Dès les premières pages, il devient évident que tout cela va très mal finir. Une menace sourde plane sur leur tête. La question qui trotte dans la tête du lecteur est comment va débouler l'accident ? Quel personnage va perdre la tête ? Qui va mourir ? Comment... Tout cela est très tendu, donc très réussi. Et il faut dire qu'Edith habille l'ensemble de la meilleure manière possible. Son dessin imprime une marque très forte avec ses personnages aux visages souvent inquiets et inquiétants, ses paysages désespérément clos où la pluie dispute au brouillard la charge de barrer l'horizon... Elle s'appuie en outre sur une gamme chromatique parfaitement choisie. C'est un travail admirable, splendide s'il est permis de parler de splendeur au sujet d'une histoire aussi tragique. Un vrai travail de dessinateur où il ne s'agit pas seulement d'illustrer, de mettre en image un récit. Certes, ça ne donne pas nécessairement envie de visiter la Belgique (je plaisante parce que les belges sont sympas, même s'ils ne sont pas tous routiers), en revanche, on a grave envie de se plonger dans l'œuvre dure de Simenon. A chaque fois que j'ouvre une BD d'Edith, je trouve son trait encore plus fin et précis. Rares sont les dessinateurs-trices à susciter ce genre d'impression chez moi. Bref ! C'est un excellent récit, très ramassé qui offre toute la place au dessin et à la psychologie. Mais j'ai presque envie de dire que je le savais avant de le lire. Tellement chouette de voire ses attentes pleinement comblées. Ce n'est pas si fréquent.
Soli Deo Gloria
Cette BD est une longue mélopée de 280 pages. J'aime écrire mes avis sous le coup de l'émotion et là, j'ai la tête toute chamboulée après ma lecture. Je ne savais pas par où commencer. Par le début évidemment. La couverture est magnifique et la qualité de l’édition est superbe. J'attendais impatiemment le nouvel album d'Édouard Cour après son superbe ReV. Trois ans d'attente, mais ça en valait la peine. Je n'ai retrouvé les couleurs psychédéliques de ReV que sur quelques cases, elles ne sont présentes que pour exprimer la musicalité du récit. Le reste est en noir et blanc dans la même veine que son O Senseï, mais d'un autre niveau dans l'expressivité et la texture. Toujours ce mélange de charbonneux et de finesse. Le charbonneux, volontairement brouillon par moment, pour retranscrire l'âpreté de cette période historique et la finesse du trait pour nos deux jumeaux, pour exprimer une certaine innocence. Le grand soin apporté aux décors nous plonge de plein pied au début du XVIIIe siècle. Des doubles pages d'une beauté à vous écarquiller les yeux des heures durant. Édouard Cour va même jusqu'à dessiner une portée musicale sur le bord extérieur de chaque page, le nombre de notes correspond au numéro du chapitre. Le résultat est une tuerie ! De Jean-Christophe Deveney je n'ai lu que le très peu avisé Empire falls building, un excellent souvenir. On va suivre le parcours de vie des jumeaux Hans et Helma, très tôt orphelins, de leur campagne natale du Saint-Empire germanique à la puritaine Amsterdam, puis direction l'Italie (la carnavalesque Venise, la bouillonnante Naples et l'éternelle Rome). En n'oubliant pas Leipzig pour y rencontrer ce célèbre compositeur qui signait ses partitions Soli Deo Gloria (vous le connaissez tous). Deux enfants touchés par la grâce de dieu (et il va en être souvent question de religion), ils ont chacun un don. Elle, une voix en or et lui, l'instinct de pouvoir jouer de tous les instruments de musique et de la composition. C'est bien l'art, et sa place dans nos sociétés, qui sera le fil conducteur de ce récit, et principalement la musique, le troisième "personnage" central de cette histoire. Un parcours, après l'orphelinat, fait de rencontres qui vont leur permettre de progresser dans leur art et de s'extirper de leur misérable condition. Un récit dur et triste, heureusement entrecoupé de moments de joie et de grâce. La connexion qui lie nos jumeaux depuis leur vécu intra-utérin va être mise à mal, des divergences vont voir le jour. Faut-il vivre que pour son art ? Deveney introduit des personnages illustres (sous d'autres noms) à sa fiction pour lui donner une légitimité et un poids historique. Et ça fonctionne à merveille, la chronologie des faits est respectée. Une narration mélancolique qui s'attarde sur le développement des personnages, sur le processus de création et qui met l'action de côté. Je tiens à souligner la qualité des textes, on est transporté au siècle des Lumières. Pour finir, j'ai ressenti toute la passion que les auteurs ont mis dans cet ouvrage. Beau, émouvant et passionnant. Ma BD 2025 sans aucun doute. Culte et gros coup de cœur.
Les Guerres de Lucas
Ce n’est pas moi qui vais faire baisser la note de cette superbe série, et pourtant je ne suis pas spécialement fan de Star Wars. Etonnement, je n’ai vu la trilogie originale que récemment, en tant qu’adulte. Si j’ai beaucoup aimé, je n’ai aucun attachement émotionnel, aucune nostalgie envers cet univers, contrairement à Indiana Jones par exemple. J’ai malgré tout été fasciné par ce récit, qui absorbe et synthétise une quantité incroyable d’informations (la bibliographie en fin d’album est impressionnante) et propose une histoire entrainante et diablement intéressante. On y découvre un projet pour le moins mouvementé, en lequel personne ne croyait, à part George Lucas et quelques proches, qui a failli capoter un nombre incalculable de fois… un vrai miracle qu’il ait fini par sortir en salles. J’ai vibré avec George, et ressenti un gros soulagement quand le film finit par sortir et rencontre un succès phénoménal, alors que je connaissais déjà ce dénouement heureux, m’enfin ! MAJ pour le tome 2 : Le tome 2 s’intéresse à la réalisation du deuxième film, pas aussi paisible qu’on pourrait le penser malgré le succès du premier, notamment parce que George Lucas tente de s’affranchir pour de bon de la dictature des studios hollywoodiens, et de financer le film lui-même… un pari audacieux et lourd de conséquence ! Les auteurs réappliquent la même formule, à savoir une quantité incroyable d’information transmises via une histoire enjouée, prenante et très facile à lire. Une série passionnante, que vous soyez fan de Star Wars ou pas... Vivement le troisième et dernier tome ! Un grand bravo aux auteurs.
Les Guerres de Lucas
Avis modifié après lecture de l'inattendu tome 2 : Rhaaaaa ! Allez ! Je lui mets un coup de cœur ! Difficile de faire autrement, eu égard à mes souvenirs de gosse. J'avais quatre ans, donc bien trop jeune à la sortie du premier volet de la saga Star Wars. En revanche, je me souviens parfaitement du choc qu'a été la découverte des premières images de L'Empire contre attaque. A l'époque, mes parents possédaient une télévision en noir et blanc, et malgré cela, l'extrait diffusé pendant la Séquence du spectateur a eu sur moi un tel impact que j'ai tanné mon père, d'abord réticent, pour qu'il m'emmène voir le film au cinéma, ce qu'il a finalement consenti à faire. L'extrait en question se déroulait pendant l'attaque de l'armée impériale sur Hoth, donc dans la neige. Mais (et c'est le fait du noir et blanc) j'étais alors persuadé que la scène avait lieu dans un désert de sable. Or quelle ne fut pas ma surprise de découvrir sous mes yeux ébahis la réalité soudain colorisée ! Je me souviens également avoir prolongé l'envoutement pendant des mois, recréant sans cesse les vaisseaux avec mes legos. Bref ! Tout cela pour dire que j'ai abordé cette BD avec un intérêt tout particulier. Comme Lucas lui-même, je recherchais sans doute en partie la magie de mon enfance. Gagné ! Les guerres de Lucas, ça a d'abord été cette belle couverture, très poétique, que les auteurs ont eu raison de préférer à celle envisagée au départ. Tout cela est très bien expliqué dans le petit portofolio final. Bien que nourrissant quelques réserves au sujet du dessin, que je trouvais un peu trop anguleux à mon goût, j'ai fini par me rendre à l'évidence : il est très maîtrisé, surtout en ce qui concerne les visages et expressions. On reconnait immédiatement chacun des protagonistes. George Lucas lui-même, mais également Harrison Ford, Carrie Fisher, Mark Hamill, Coppola, Spielberg ou bien encore Alec Guinness. En outre, tout cela est très dynamique, ce qui fait que rapidement, on se trouve complètement embarqué dans "l'aventure de l'aventure". Je ne vais pas dévoiler tout ce que l'on y apprend, mais juste à titre d'exemple, je me contenterai de cette petite anecdote : le sachiez-tu ? C'est Christopher Walken qui avait initialement été pressenti pour incarner Ian Solo, et ce dernier devait donner la réplique à Jodie Foster dans le rôle de la princesse Leia ! Inimaginable ! Extrêmement documentée (il faut voir la double page consacrée à la bibliographie pour le croire), cette BD montre l'obstination d'un homme visionnaire d'une créativité folle (aux traits neuro-atypiques probables), et les mégatonnes d'obstacles qu'il a dû affronter jusqu'au bout, c'est à dire jusqu'à la veille de la sortie en salle. La réalisation du film a nécessité des innovations techniques démentes, ainsi qu'une bonne dose de bricolage et d'improvisation. D'où ce titre, parfaitement adapté. On découvre que ce film a bien failli ne jamais voir le jour, qu'il s'en est fallu d'un cheveu pour que tout s'effondre. Au sein même de l'équipe constituée par Lucas, personne n'y croyait réellement, au point que beaucoup méprisaient le réalisateur, ne lui accordant aucun crédit, défiant constamment son autorité. Voilà ! Voilà le menu de cette copieuse BD qui s'adresse peut-être avant tout aux fans de la première heure, mais qu'il serait dommage de cantonner à cela. Franchement, c'est un petit morceau de cinoche qui est dévoilé ici. On pense ce que l'on veut de cette saga (les trois premiers, hein ? Parce qu'on oublie les autres, on est bien d'accord ?), mais qu'on le veuille ou non, son empreinte a définitivement changé le visage du cinéma, et notamment de science-fiction. Demandez à Ridley Scott ou James Cameron ce qu'ils en pensent, eux qui ont eu la révélation de leur vie devant Star Wars, ou même à Spielberg, l'une des rares personnes a avoir soutenu inconditionnellement Lucas, Spielberg qui a d'ailleurs fait une mini dépression lors de la sortie du film, au point que, par crainte d'un échec commercial, il choisit de décaler la date de sortie de son Rencontre du 3e type... Merci à nos deux auteurs pour ce très bon scénar, et ce dessin épatant qui, sans en mettre plein la poire, emporte l'adhésion du lecteur. Le charme opère d'abord et avant tout parce que tout est solide. To be continued ?... Et le tome 2 alors ? Ben oui, the show goes on : et j'en suis très heureux puisque c'est avec cet épisode (l'Empire contre-attaque) que j'ai découvert l'univers de Star Wars étant gamin. Le moins que l'on puisse dire est que cette suite est à la hauteur du premier tome que je pensais voir demeurer fils unique. C'est aussi bon, fourmillant d'anecdotes et très bien rythmé, avec ce chouette dessin à la fois précis et sans chichi. Franchement, on se prend à rêver d'un troisième (et ultime) tome. Je réalise (il n'est jamais trop tard) que le titre Les guerres de Lucas fait également référence au titre original de la saga qui devrait être traduit par Les guerres de l'Etoile. Du coup, c'est doublement bien trouvé. J'en profite enfin pour remonter ma note.
L'Effet papillon - Carnet en territoire zéro chômeur longue durée
Personne n’est inemployable, ce n’est pas le travail qui manque, ni l’argent. - Ce tome contient un reportage complet, qui ne nécessite pas de connaissance préalable. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Mathieu Siam pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend cent-quarante-sept pages de bande dessinées. Il se termine avec deux pages comprenant six photographies au total des locaux de l’association Papiole ainsi que quelques-unes de ses activités, un texte de deux pages de Laurent Grandguillaume (président de TZCLD), et une page de chronologie sur le droit à l’emploi, commençant avec les années 1830 (Louis Blanc, utopiste, propose de créer des ateliers sociaux pour les personnes sans travail et pour un travail qui permette de vivre dignement) à l’année 2024 (dix-sept structures nationales engagées pour l’emploi et la solidarité lance une Concertation nationale pour une loi du droit à l’emploi pour toutes et tous.). L’ouvrage s’achève avec une page de remerciements. D’aussi loin qu’il se souvienne, Mathieu revoit les visages fermés des journalistes annonçant les chiffres du chômage. Les chiffres viennent de tomber. Les chiffres tombent. La classe politique chargée de résoudre ce fléau peine à trouver les mots. Certains dans le déni : Je traverse la rue et je vous trouve un travail. D’autres dans la résignation : Sur le chômage on a tout essayé. Le fléau continue de remplir les écrans avec des usines qui ferment et des familles qui se brisent. Et avec eux, une population qui craint le déclassement. Je fais comment pour trouver du boulot ? Y a rien dans la région. J’ai déjà été au chômage. Le chômage, c’est passer de la vie à la survie. Puis la télé se tait. Et après ? Que se passe-t-il loin des caméras ? Que deviennent ces femmes ? Que deviennent ces hommes ? Ceux qui ne retrouvent pas d’emploi durant des mois ? Ceux qui ont un corps trop usé ? Ou une valise trop lourde à porter ? Avons-nous définitivement accepté l’obscurité ? Non loin de chez Mathieu, des habitants ont décidé de ne pas se résigner. Ils ont rallumé une étincelle d’espoir. Il se sent attiré vers cette lueur naissante, comme un papillon dans la nuit. Il veut s’enivrer et témoigner de cette chaleur sociale. Si rare, si précieuse. Cette étincelle vient d’une expérimentation de lutte contre le chômage durable. Elle va naître aujourd’hui sous la forme d’un territoire. Il a acheté un carnet. Couverture moleskine. Format 18x25cm, 220g, 150 feuilles. 150 feuilles pour tourner une page. L’expérimentation se nomme Territoires Zéro Chômeur Longue Durée dont l’acronyme est TZCLD. TZCLD, Mathieu aime bien. On dirait le nom d’un vaisseau spatial. En route vers un nouveau monde dans une BD de science-fiction. Pourtant, le lieu n’a rien de surnaturel. Il se situe entre la campagne et la ville, juste à côté d’une zone commerciale. Un territoire comme il en existe partout en France. D’ailleurs il a rendez-vous place de France. Une femme traverse la place avec un caddie. Un homme promène son meilleur ami, son chien. Il est neuf heures et demie. L’auteur pénètre dans les locaux de l’association TZCLD et il est accueilli par Gwen, président de l’entreprise Papiole, qui lui explique la nature du projet et sa genèse. Le sous-titre explicite la nature de cette bande dessinée : Carnet en territoire zéro chômeur longue durée. Dans la première séquence, l’auteur évoque son rapport au chômage : les annonces perçues comme catastrophiques par un enfant regardant les journaux télévisés à l’époque, assimilant plus leur tonalité que leur réalité : entre une fatalité inéluctable et une condamnation. Le temps est venu pour lui de découvrir ce qui peut se passer après que cette terrible sentence se soit abattue sur un individu. Il effectue cette démarche de manière positive : aller à la découverte d’un dispositif de réinsertion dans le monde du travail, entre le retour à une vie normale et le miracle d’une grâce ou d’un pardon. L’ouvrage est divisé en quatre chapitres : la signature (du contrat des employés de l’entreprise Papiole), les clés (de fonctionnement de l’entreprise Papiole), les super-héros (assimilés aux Quatre Fantastiques /Fantastic Four), les activités (c’est-à-dire la production professionnelle de l’entreprise Papiole), Le vent. À chaque fois, Mathieu rencontre les personnes directement concernées, et il retranscrit leur parole. Pour les novices, le premier présente l’entreprise Papiole, ses débuts et ses premiers recrutements. Dans le troisième chapitre, Catherine (responsable du centre de ressources et de développement) présente les différentes institutions parties prenantes. Le lecteur habitué à la bande dessinée de reportage se prépare à découvrir soit des dessins très minutieux et descriptifs dans une veine réaliste, soit des dessins dans une veine plus épurée avec une touche d’exagération comique pour les avatars des individus. Il découvre une approche plus originale : des dessins avec des traits de contour fins et un peu irréguliers, comme réalisés sur le vif, sans phase de repassage pour les peaufiner, de nature réaliste, avec un niveau de détails assez épuré, et une mise en couleurs légère, comme réalisée à l’aquarelle, jouant beaucoup sur des formes de bichromie. Ces choix graphiques apportent une identité visuelle très personnelle à l’ouvrage, mariant à la fois le concret et la banalité des personnes rencontrées, des lieux très ordinaires, et une sensibilité exprimant un grand respect, une volonté de se montrer fidèle aux propos tenus, sans s’imposer, sans être intrusif. Le lecteur absorbe inconsciemment des particularités diverses : la grande place laissée au blanc comme si l’artiste ne souhaitait pas encombrer ces moments, le passage de noir& blanc (avec des nuances de gris) de la télévision quand il était jeune, à un monde avec des touches de couleurs, pas forcément gaies, mais bien présentes, comme si le travail rendait de la consistance, ramenait des couleurs dans la vie de ces êtres humains. Il note de ci de là quelques silhouettes uniquement à l’aquarelle sans trait de contour. Il ralentit sa lecture pour apprécier le portrait de plusieurs travailleurs sociaux (pages quatre-vingt-dix et quatre-vingt-onze), à l’encre. Puis le recours à une famille de Playmobil le temps d’une case dans le contexte de la ressourcerie de jouets. Ou encore la représentation de branches d’arbres, pour un effet métaphorique, digne d’Edmond Baudoin lui-même. La narration visuelle s’émancipe donc d’une illustration la plus réaliste possible d’un reportage, ou de la mise en scène de l’auteur sous un format humoristique, pour transcrire le respect et la délicatesse de l’auteur vis-à-vis de ses différents interlocuteurs. Ce n’est pas tant qu’il se montre précautionneux comme si ces futurs ex-chômeurs pouvaient être fragiles ou susceptibles ; il les aborde avec prévenance et même timidité conscient d’être dans une position plus privilégiée que la leur. D’un côté, le lecteur voit bien que certaines mises en page sont aérées jusqu’à l’économie, ou que la mise en scène consiste d’un plan taille et d’une personne parlant pour exposer son rôle ou son histoire, ou expliquer un dispositif. Dans le même temps, ces prises de vue correspondent parfaitement au moment, à la démarche de l’auteur, à l’objet de la rencontre et des questions posées. En outre, la narration visuelle s’avère diversifiée et variée, sans lassitude du lecteur du fait d’une narration qui serait trop aride ou trop minimaliste. Une fois l’ouvrage terminé, il conserve de nombreux visuels en tête : la sensation accablante des chiffres du chômage énoncés par les présentateurs télé, la magnifique fleur en origami, les branches d’arbre dénudées, le drapeau planté au sommet d’un pic de montagne, le ciel étoilé, la combinaison de ski de très grande taille, la cartographie des différentes entreprises publiques et privées participant à la réinsertion, le groupe de punk dont a fait partie Mathieu, les champs cultivés. Et surtout les différentes personnes rencontrées. Le lecteur suit littéralement l’auteur allant à la découverte de l’entreprise Papiole, rencontrant ses responsables, ses bénévoles, et ses ex-chômeurs de longue durée ayant signé un contrat. Gwen lui explique le principe de l’entreprise créée dans le cadre de l'expérimentation nationale Territoire Zéro Chômage Longue Durée (TZCLD). Elle vise à lutter contre le chômage de longue durée en créant des emplois durables dans les secteurs utiles au territoire. Il fait le tour des locaux, rencontre un encadrant, assiste à la signature des premiers contrats, voit l’émotion de ces nouveaux employés réintégrant une forme considérée comme normale de citoyenneté. Impossible de résister à l’émotion organique et sincère de voir des personnes qui peuvent se remettre à un envisager un avenir. La compréhension de cette initiative se trouve augmentée par la présentation de l’écosystème des autres dispositifs tels que les ACI (Ateliers et Chantiers d’Insertion), les ESAT (Établissements et Service d’Accompagnement par le Travail), ou les ETTI (Entreprises de Travail Temporaire et d’Insertion). Et après, l’île d’EBE. L’île d’Entreprises à But d’Emploi. Par la suite, Mathieu retrace sa discussion avec Claudy, bénévole de l’épicerie sociale Pom Cassis, qui dit si bien la fragilité économique des personnes venant acheter des fruits et légumes, et aussi la fragilité économique de l’épicerie elle-même, et celle tout aussi terrible des employés de Papiole qui y travaillent. Le lecteur se trouve intimement touché par les différents témoignages : la terrible possibilité que l’État se désengage de ce dispositif, les espoirs régénérés par la signature d’un contrat, le souvenir de ceux qui ont succombé aux conséquences de la désocialisation, encore plus qu’à celles de l’absence de salaire ou de revenus financiers, l’importance à la fois démesurée et insoupçonnée, aussi bien financière que sociale, d’avoir un emploi. Il fait l’expérience indicible de la solidarité dans ce qu’elle a de plus pragmatique. Le texte de la quatrième de couverture annonce : Face aux réalités de la vie économique et à l'augmentation du chômage, Mathieu Siam s'intéresse à la naissance d'une expérience territoriale près de chez lui : Territoires zéro chômeur longue durée (TZCLD). Un programme pas forcément enthousiasmant. Au contraire, le lecteur découvre une narration visuelle personnelle, aussi respectueuse que curieuse, timide et constructive. L’auteur présente avec une clarté simple et limpide ce qu’il découvre, à la fois l’expérience des encadrants, des employés, des bénévoles de Papiole, à la fois l’écosystème dans lequel cette entreprise évolue. Son empathie irradie littéralement le portrait qu’il dresse des individus qu’il rencontre, une chaleur humaine peu commune. Essentiel.
Green Witch Village
Tout m'attirait dans cette BD, et je n’ai pas su y résister. Le décor fascinant du New York des années 50, dessiné avec élégance et minutie, ce cadre historique évoquant l'apogée des États-Unis en pleine Guerre froide, une trame de départ mêlant voyage temporel, possible histoire de fantômes et quelques références à la culture pop, comme cette Tabatha au minois d'Audrey Hepburn qui joue le rôle d'une jolie sorcière qu'on imagine facilement bien aimée… Tout semblait réuni pour me plaire. Sans oublier Trondheim au scénario, gage d’une intrigue dense, intelligente et souvent drôle. Même si je suis d'ordinaire peu friand des récits d’espionnage, tout le reste m'a conquis. Graphiquement, j'ai été séduit dès les premières pages, puis franchement impressionné en découvrant le dossier graphique en fin d'album. J'aimais déjà la finesse du trait, le sens du détail, la mise en scène claire et soignée. Les couleurs, sobres et volontairement classiques, jouent sur des aplats sans dégradés, avec parfois des teintes inattendues (notamment ces violets qui rappellent par instants l'ambiance d'un Watchmen). Mais apprendre que chaque planche avait été pensée pour pouvoir être découpée en strips indépendants, avec une grande vignette d'ouverture et une chute à la fin, m'a encore plus bluffé : cette contrainte, pourtant lourde, ne se ressent jamais à la lecture puisque je ne m'en étais même pas rendu compte. La fluidité narrative reste totale. L'album se révèle en fait un hommage aux comics hebdomadaires américains des années 50. Ce format feuilletonesque donne à l'ensemble un charme rétro et une énergie singulière. L'histoire, à la fois légère et mystérieuse, combine des thématiques très diverses, enquête, fantastique et espionnage dans une harmonie étonnante. Entre le secret du voyage temporel, la présence du fantôme et la menace d'un possible attentat nucléaire, les fils narratifs s'entrecroisent habilement sans jamais se perdre. Le tout est porté par une héroïne vive et moderne, dont le féminisme avant l'heure vient heurter une Amérique encore très patriarcale. Son esprit, son humour et son aplomb en font un personnage immédiatement attachant. J'ai passé un excellent moment avec cet album dense, intelligent et visuellement superbe. À la fois hommage et réinvention, il réussit le rare équilibre entre divertissement et profondeur. C'est une œuvre complète, maîtrisée dans ses moindres détails, et dont la lecture laisse un vrai sentiment de satisfaction, comme si l'on avait retrouvé un classique oublié.
French Theory
La French Theory, c’est quoi ? C’est un courant de pensée initié par des philosophes français dans les années 60 où le concept de déconstruction tenait une place centrale. Le fait que l’appellation soit en anglais démontre à lui seul l’importance de ce mouvement et l’engouement qu’il suscita aux États-Unis, bien plus qu’en France, même si cela se limitait aux universités et que seuls les initiés en maîtrisait le concept. Pourtant, ces textes philosophiques, si puissants dans leurs contenus, ont fini par déborder des bibliothèques et des conférences universitaires, se propageant dans le reste de la société et infusant les mœurs et la culture… Pour faire simple, c’est ce mouvement qui a inspiré la lutte des minorités, qui recouvre un vaste champ thématique, de la question coloniale aux combats féministes, en passant par la notion d’identité et de genre, la contestation sociale, la conquête de nouveaux droits…dans un contexte où le capitalisme, moins menacé à l’époque, n’avait pas encore révélé toute la férocité dont il est capable… Une férocité qui s’exprime à travers le « backlash » auquel on assiste depuis quelques années, « le retour de bâton après des progrès et des avancées », en somme une attaque en règle contre le fameux « wokisme » qui, aux yeux de ses adversaires, est devenu l’insulte ultime évitant toute justification… et pour cela, la fin justifie les moyens : répression violente, privatisation tous azimuts, individualisme, technologies de contrôle… et désormais tentatives de miner la liberté d’expression, comme on peut le voir avec Trump n°2, qui ne ménage pas ses efforts pour remettre en cause le premier amendement de la constitution US ! Face aux slogans simplistes assénés par les réactionnaires de tout poil pour toucher les foules qu’ils préfèrent déculturées, on serait tentés de croire que la pensée déconstructiviste ne fait guère le poids. En effet, peut-on envisager une seule seconde de s’appuyer sur un ouvrage au contenu ardu d’un Foucault ou d’un Deleuze pour répondre à un interlocuteur qui clamera, en se contrefoutant éperdument de vos arguments, sa détestation des intellos woke-islamo-gaucho-bobos ? Et c’est bien en cela que « French Theory » coche toutes les cases. C’est une synthèse parfaite et rafraichissante d’une pensée parfois complexe, et qui incitera les plus motivés — les plus « rebelles » aussi — à creuser le sujet, grâce à la bibliographie en fin d’ouvrage. La narration fluide rend le concept de déconstruction accessible – y compris pour moi qui je le confesse n’ai lu aucun ouvrage de ces philosophes. Plutôt que de développer en détail cette théorie (ce qui est fait sur un seul chapitre), les auteurs ont choisi de privilégier l’histoire du mouvement, ses implications hors du cadre universitaire, à l’échelle internationale, ses influences à travers la peinture, l’architecture, le cinéma, la musique, la littérature, sans oublier… la bande dessinée. De même, les autres protagonistes du mouvement sont évoqués — et il n’y avait pas seulement les cinq représentés en couverture (Michel Foucault, Jacques Derrida, Gilles Deleuze, Félix Guattari, Jean Baudrillard), loin de là. Bon nombre d’entre eux n’étaient pas français, beaucoup étaient évidemment étatsuniens, et parmi eux : Bernard Said, Homi Bhabhaj et G.C. Spivak (tous deux nés en Inde), Judith Butler, Eve Kosofsky Sedgwick… Pour accompagner le texte, Thomas Daquin nous propose une ligne claire pop et colorée, aux accents parfois psychédéliques, reflétant bien l’atmosphère de l’époque. Ce dernier sait faire preuve d’inventivité et de fantaisie pour mettre en images des concepts pouvant paraître abstraits, conférant au livre un côté très ludique. Si l’ouvrage décrit un monde en décomposition où les mouvements progressistes se voient férocement attaqués de toute part par les politiques autoritaires voire fascisantes, il permet aussi de prendre du recul et fait appel à notre aptitude à l’analyse. Il nous oblige à faire un pas de côté, nous conduit à voir les choses sous une perspective nouvelle, moins désespérante. Car en effet, la French Theory se veut aussi « une boîte à outils politique, qui inclut sa propre critique, mais pas vraiment de notice d’utilisation ». En suscitant ainsi la réflexion, il poussera peut-être les plus révoltés et/ou démoralisés par le contexte actuel à être créatifs en inventant de nouvelles formes d’action. La bonne nouvelle, nous dit François Cusset, c’est que l’œuvre de ces philosophes est redevenue vivante en France, au grand dam des propagandistes anti-woke. Cette bande dessinée, qui dérive de l’essai éponyme de François Cusset, demeurant ici co-auteur, est donc une réussite totale en termes de vulgarisation, prouvant s’il était besoin la capacité du neuvième art à attirer un lectorat pas forcément porté sur ce type d’ouvrages, et à lui faire découvrir des écrits théoriques souffrant — quoi qu’on en dise — d’une image rébarbative pour le commun des mortels. Évoquer sur 144 pages seulement un mouvement philosophique réunissant autant d’acteurs, et par ailleurs assez disparate — certains d’entre eux étaient même en opposition sur certains sujets —, relevait incontestablement du challenge. Les auteurs ont parfaitement relevé le défi, qui fait de « French Theory » un vrai coup de cœur et l’une des lectures indispensables de l’année. En guise de conclusion à cet avis, n’oublions pas cette puissante citation de Gilles Deleuze mentionnée en fin d’ouvrage : « LE POUVOIR NOUS VEUT TRISTES ». En espérant que ça vous donne la patate et le smile ;-)
L'Hôtel de l'autre monde
Après avoir fait de Shiro Kuroi un de ses auteurs coups de coeur (Leviathan, Dragon Hunt Tribe), la maison Ki-oon nous propose un recueil de ses histoires de jeunesse, jusque-là inédites en "vraie" publication. Leur point commun est l'évocation d'une maison située dans les Limbes, au sein de laquelle les morts peuvent prendre un peu de repos avant de traverser la rivière qui les sépare de la mort. L'occasion pour eux de s'y arrêter, de réfléchir (à revenir, qui sait ?) ou de faire des rencontres parfois inattendues. Comme l'indique l'auteur en postface, c'étaient des récits de jeunesse, sans véritable ambition, et d'une qualité peut-être un peu basse. On a un peu l'impression que certains sont inachevés, inaboutis, qu'ils manquent un peu d'écriture parfois. Mais il s'en dégage néanmoins une atmosphère un peu particulière, pas du tout éthérée, mais tout de même suspendue, hors du temps, comme on peut s'imaginer que sont les Limbes, quand on y croit ou qu'on les évoque. Cette atmosphère est renforcée par le traitement en couleurs, avec des tons doux, qui imprègnent fortement les histoires. Graphiquement Kuroi avait déjà un sacré niveau, un style assez réaliste et pas du tout figé. Par la suite il s'est éloigné de ce style natif, mais je pense que s'il y revenait dans de futurs projets, ce serait vraiment beau. Bref, un bon moment de lecture, assez émouvant au final.