Ce n’est certes pas avec cet ouvrage qu’Hugo Clément va se faire de nouveaux amis à la FNSEA et chez les lobbyistes de l’agro-industrie. Il n’a pourtant pas vocation à créer la polémique mais à exposer une situation de manière très factuelle, mais qui ne convient pas à ceux pour qui la priorité est de faire passer leurs bénéfices au mépris de la santé du consommateur.
Le paradoxe de l’abondance, comme le dit lui-même le journaliste et militant écologiste, c’est qu’ « on produit énormément de nourriture, ce qui est très bien parce qu’on a beaucoup de gens à nourrir, mais on la produit d’une manière qui n’est pas durable », selon « un modèle agricole qui n’est pas orienté vers les bonnes productions ». Surexploités, les sols sont de moins en moins fertiles et la biomasse (masse totale d'organismes vivants) se dégrade de façon inquiétante, concernant 89% des terres agricoles ! Et comme si cela ne suffisait pas, les pesticides et les engrais chimiques comme les nitrates se diffusent dans l’air et dans les nappes phréatiques, augmentant les risques de cancer.
Pour mieux nous faire comprendre ce qui a créé cette situation, l’ouvrage remonte aux origines de l’agriculture, à partir du moment où les sociétés nomades de chasseurs-cueilleurs ont commencé à se sédentariser, puis aborde la question de l’eau, qui selon un rapport de la commission européenne, est contaminée à hauteur de 60 % dans les pays européens. Autre donnée inquiétante, même la filière bio est menacée par l’absence de volonté politique.
Dans ce contexte où la rentabilité prime, nos laitages et nos fromages tendent à l’uniformisation des goûts, tandis que la vache de race Prim’Holstein (celle que l’on voit en couverture avec ses pis surdimensionnés) remplace peu à peu toutes les espèces régionales, dont certaines sont même en voie de disparition. Est également abordé la question de la souffrance animale liée à ce type de production, autre cheval de bataille d’Hugo Clément.
Le livre se conclut sur du positif même si le combat est loin d’être gagné. Sont évoquées quelques initiatives porteuses notamment la réussite (encore trop rare) d’un maraîcher bio ou l’introduction du bio dans des cantines. Les auteurs nous livrent également des pistes pour nous permettre d’agir à notre niveau, car en tant que consommateur, nous avons aussi ce pouvoir d’infléchir les décisions politiques en privilégiant par exemple la production locale.
« Le Paradoxe de l’abondance » est loin d’être un ouvrage déprimant, bien au contraire. Le dessin à l’aquarelle de Dominique Mermoux, qui a mis en image une autre BD parue récemment sur un thème très proche, « Et soudain le futur », est très appréciable et accompagne parfaitement ce type de contenu.
Ce livre, porté par un des journalistes les plus populaires dont on ne peut mettre en cause le sérieux des enquêtes, a également le mérite d’être très accessible. Bénéficiant d’une narration bien structurée et extrêmement fluide, il ne fera que renforcer la conviction de ceux depuis longtemps sensibilisés par le sujet et pourrait toucher également un public habituellement moins concerné… On aimerait aussi qu’il puisse surtout réveiller les consciences de nos dirigeants, encore largement soumis aux diktats imposés par l’industrie agro-alimentaire et certains syndicats qui n’existent que pour défendre les intérêts de l’agriculture industrielle, au mépris des petits paysans qui s’efforcent de respecter la nature et l’assiette du consommateur.
Sous réserve que Fool Night n'est pas fini, je la note comme une série culte. A elle seule, elle démontrerait que l'inventivité des auteurs de manga reste intacte. Et je trouve le dessin bien plus fin que dans Parasite et l'Attaque des Titans ! J'aime le côté contemplatif qui s'accorde à l'histoire… Dans un monde triste, où des humains doivent se transformer en végétaux, soit à cause de problèmes de santé, soit à cause de leur extrême pauvreté, on contemple ce qui existe encore sous l'ombre dépressive d'un nuage dérobant le soleil à la vue. Le héros veut trouver un assassin, et n'abdique pas de développer sa richesse intérieure avant de devenir une plante. Horreur de voir des humains ravalés à cela même s'ils l'ont voulu et qu'ils permettent la survie et à terme la dépollution des autres, traque et mélancolie, découverte des ressorts de ce monde. Mélancolie sans ennui, philosophie sans lourdeur, héros naïf sans être bête, autres personnages dont on sent le potentiel, ne manquez pas Fool Night !
A titre personnel, j’avais adoré La Bibliomule de Cordoue, et même si j’ai freiné ma consommation de bandes dessinées, je ne pouvais pas passer à côté de ce nouvel opus du duo d’auteurs responsables de l’œuvre susnommée. D’autant plus qu’ils travaillent dans la continuité en nous proposant à nouveau une fable historique sur un sujet oublié.
Dès l’introduction, j’ai été intrigué, me demandant quel lien il allait y avoir entre cet incident à Cap Canaveral et une couverture digne d’un récit de piraterie. Ce lien porte un nom, celui de Joseph Dombey, obscur savant français oublié de l’Histoire, poissard multirécidiviste, qu’un destin malicieux chargea jadis de transmettre le système métrique aux Américains. Le navire sur lequel il se trouvait fut la victime de pirates et lui-même se retrouva séquestré sur une île des Caraïbes.
Le récit tangue constamment entre la farce absurde et l'évocation historique car, si beaucoup d’informations sont véridiques et nous permettent d’en apprendre pas mal sur divers sujets, les évènements nous sont racontés avec beaucoup d’humour et, à l’occasion, une pointe très pertinente de philosophie.
Vous l’aurez compris : une fois de plus, j’ai adoré ma lecture. J’en ressors amusé et un peu plus instruit et c’est vraiment ce que je demande à ce type d’œuvre.
Coté dessin, Léonard Chemineau va à l’essentiel, avec un trait épuré et dynamique et des compositions simples en apparence mais qui permettent d’encore mieux faire ressortir les dialogues de Wilfrid Lupano, ici par la forme d’un phylactère, là par la manière dont ceux-ci sont reliés. Le résultat, très franco-belge de la grande époque, est encore rehaussé par la mise en couleurs de Christophe Bouchard qui permet justement de rester dans cet esprit « BD tout public classique ».
Franchement bien ! Un achat que je ne regrette pas et la découverte d’une page d’Histoire dont j’ignorais tout.
Difficile à noter, et j'aurais le même problème avec L'Attaque des Titans. Le scénario est formidable, et le dessin… nettement moins. Par contre, les animes sont bons, surtout pour Parasite, ou bien est-ce un goût personnel ? A un moment, je le regardais sans cesse en boucle. Qu'est-ce que l'être humain, sa place, celle des parasites ? Les scènes de combat, originales, par la tête ! Le parasite du héros et les deux filles qu'il tente de protéger sans parler de ses parents, tout est parfait. Et la petite musique nostalgique.
Il est normal que :
- La romance entre le héros et celle qu'il aime paraisse "niaise" car ils sont bien jeunes, et au Japon, les gens ne disent pas directement leurs sentiments, ce qui fait que même des œuvres occidentales ne nous paraissant pas romantiques leur semble romantiques, à eux ! Se dire je t'aime est déjà quelque chose, alors….
- Que les parasites s'opposent est bien : cela montre qu'ils évoluent vers plus d'individualité, ce qui semble normal pour des êtres vivants, pensants, et de plus insérés dans une culture humaine !
- Que la série soit courte est… anormal, et positif ! De longues séries type Attaque des Titans, les Gouttes de Dieu et dans le style franco-belge comme les eaux de Mortelune, peuvent être formidables. Mais il est bon de s'arrêter s'il se trouve qu'on ne trouve plus rien à dire, et c'est ce qui a eu lieu dans Parasite. Bravo !
Dommage, le dessin, sans me déplaire, ne m'enthousiasme pas. Mais quel anime ! Sinon, il parait qu'il y a un spin off d'un autre auteur ne serait pas sans mérite mais je ne l'ai pas lu, alors…
Ce week-end petite balade au salon de St Herblain, herbulles. J’y allais sans trop connaitre la liste des dessinateurs invités. Après le passage obligé à la librairie qui propose les albums des auteurs présents, je suis subjugué par ceux de Benoît Springer. Je me procure 3 de ses albums. C’est du lourd ! je sens que je vais me régaler !
Voici donc mon premier avis. Je commence par Claude Gueux, d’après la nouvelle éponyme de Victor Hugo. Un coup au foie ! Voilà une Bd percutante qui revisite ce classique du XIXe siècle avec un regard moderne et un style graphique saisissant.
Benoît Springer impose un trait puissant et sombre, où les ombres et les contrastes dominent pour traduire l’oppression du système carcéral. Son style nerveux et expressif donne une intensité visuelle rare, renforçant l’émotion et la tension du récit. Séverine Lambour, au scénario, signe une adaptation fidèle et épurée, respectueuse de l’esprit critique et humaniste de Victor Hugo. Les dialogues, minimalistes mais percutants, laissent une large place à l’expression graphique, créant un équilibre parfait entre texte et image. Vos pupilles vont se dilater de plaisirs.
Le découpage dynamique et les cadrages audacieux donnent un rythme soutenu à la lecture, tandis que les silences amplifient l’impact dramatique. Les éclairages, souvent réduits à des lueurs dans la pénombre, guident le regard et soulignent les moments clés du récit. Cette maîtrise génialissime de la lumière et de l’ombre renforce l’atmosphère oppressante et tragique de l’histoire.
L’album aborde des thèmes universels : la justice sociale, la révolte face à l’injustice, et la quête de dignité dans un monde impitoyable. L’œuvre résonne avec une actualité frappante, rappelant que les combats de Victor Hugo pour l’égalité et la fraternité sont toujours d’une brûlante nécessité.
Cette bande dessinée est une expérience de lecture intense accessible à tous, des amateurs de littérature aux passionnés de BD. Elle ne pourra que vous séduire par sa profondeur thématique, son dessin expressif, et sa capacité à émouvoir sans jamais tomber dans le pathos. Seul petit bémol, ça se lit d’une traite et assez rapidement mais que c’est bon !
Je ne peux finir mon avis sans souligner la gentillesse de Benoît qui prend du temps pour répondre aux questions concernant son travail et qui vous fait une dédicace « de la fin du monde » juste incroyable !
Grâce à Grogro, je me lance dans la défense des Gouttes de Dieu. Vous savez le point commun entre Proust et cette œuvre ? Eh bien, les deux sont très poétique, et on ne le dit pas beaucoup !
A la perfection des étiquettes en dessin, répond l'égale qualité de la représentation graphique des description des vin déjà fort bien menée avec des mots. Et qu'est-ce que j'ai lu, que ce manga serait snob ? Eh bien non, les apôtres et tant d'autres vins délicieux ne coûtent pas grand-chose. Parfois même un vin estimé plus simple est considéré comme se mariant mieux qu'un plus cher et complexe comme dans le cas du chablis dont le restaurateur s'est entiché, incapable de suivre les enseignements de sa femme sommelière ! Aux Etats-Unis, un escroc veut dépouiller des gens, surtout Japonais, adorateurs des étiquettes et incapables se former un goût, et même les héros japonais luttant contre lui ne nient pas ce travers national.
Dans les gouttes de Dieu, tout en rendant à la France la place qui lui est due, on montre aussi l'Italie moins chère et plus accessible à comprendre, notamment en cours de repas. Les gouttes de Dieu d'ailleurs dans un Goutte de Dieu mariage des plus logiques, un vin se buvant dans l'idéal dans un repas où je ne saurais dire si ce sont les plats qui doivent accompagner le jus de la treille ou bien l'inverse. L'idéal, je pense, serait une symbiose si parfaite que chacun serait accompagné et accompagnateur de l'autre à égalité. Me ravit que tant de volumes tiennent si parfaitement la route ! Mais je n'ai pas supporté longtemps le feuilleton télé, au large, donc.
Et à présent, je vais lire d'autres critiques de mes collègues commentateurs !
Un bijou absolu, à la fois graphique et éditorial.
Cette édition Marvel Prestige de Silver Surfer : L’obscure clarté des étoiles est une redécouverte magistrale du one-shot culte de 1996 (Silver Surfer: Dangerous Artifacts) signé Ron Marz et Claudio Castellini.
Dès les premières pages, on est happé par la beauté du dessin. Castellini livre ici un travail d’une précision incroyable : anatomies parfaites, perspectives vertigineuses, planètes et galaxies rendues avec un sens du détail presque baroque. Chaque case est pensée comme une composition complète, et le grand format choisi par Panini met parfaitement en valeur cette dimension presque “monumentale” de son art.
Mais ce qui rend cette édition exceptionnelle, c’est son choix du noir et blanc. À l’origine, la version américaine était sortie en couleur, dans un format plus standard. Or, Castellini lui-même avait conçu son travail pour être vu en noir et blanc, en jouant sur les ombres, les contrastes et la lumière. La colorisation d’époque avait littéralement étouffé son trait — à tel point que la première édition avait été très critiquée pour ça.
Ici, Panini a corrigé le tir en proposant une édition restaurée et supervisée par l’auteur lui-même, qui a nettoyé ses planches originales pour leur redonner l’intensité et la clarté qu’il voulait à l’origine. Le résultat est bluffant : la finesse du trait, la puissance des noirs, la lumière qui se dégage de certaines pages… tout est sublimé.
C’est une œuvre qui se lit presque comme un artbook narratif, où le scénario de Marz — simple mais efficace — sert surtout de cadre pour admirer le talent graphique de Castellini. Certains pourront trouver l’histoire un peu convenue, mais franchement, devant une telle maîtrise visuelle, on pardonne tout.
Un mot aussi sur la fabrication : papier épais (170g), grand format, impression soignée, dos toilé noir… c’est une édition qui respire le respect du travail original.
L’obscure clarté des étoiles dans ce format noir et blanc, c’est le Silver Surfer dans toute sa splendeur cosmique, vu à travers les yeux d’un artiste qui a enfin pu montrer son œuvre telle qu’il l’avait imaginée.
Un coup de cœur pour cet excellent western.
Un western très classique, mais n'est-ce pas avec les vieilles recettes que l'on fait les meilleures histoires ?
Les 160 pages se dévorent rapidement.
En 1874, le Far West est encore sauvage dans cette contrée désertique des États-Unis. Des bandits attaquent régulièrement la diligence qui transporte les fonds nécessaires à la petite ville de Flagstaff. Le propriétaire de la banque cherche un moyen pour stopper ces attaques, et il croit l'avoir trouvé avec ce nouveau coffre piégé d'explosifs.
La particularité de ce western c'est qu'il va mettre en avant trois femmes, la Jeune Elfie qui vient d'avoir 18 ans et sa grand-mère Marian, elles tiennent un relais de diligences en plein désert. La troisième, la jolie Mattie, est une prostituée qui veut changer de vie. Dans les personnages masculins, un mystérieux cow-boy solitaire tiendra un rôle important, ce qui sera moins le cas de Mad Wolf, un indien navajo qui travaille lui aussi au relais de diligences.
Un récit très bien construit, le suspense est présent du début à la fin et les rebondissements sont bien amenés, mais c'est surtout la psychologie très bien travaillée des protagonistes, même des rôles moins importants, qui rend ce récit accrocheur. Certains sont attachants, malgré leurs défauts, et d'autres sont plus que détestables.
La violence est omniprésente, je ne compte plus le nombre de balles dans la tête (ou de hache) et ces dames ne seront pas à la noce, tentatives de viol et viols sont malheureusement fréquents dans cette partie du Far West.
Une histoire qui se termine sur une note optimiste.
J'ai beaucoup aimé le dessin de Christophe Regnault (il va vraiment falloir que je lise son Jesse James). Un style dans la pure tradition du western mais avec une belle expressivité, de la lisibilité et une grande diversité dans les trognes des personnages (elle reflète parfaitement leur personnalité). La mise en scène joue sur les gros plans et ceux plus larges pour profiter des magnifiques paysages. De superbes pleines pages pour le plaisir de nos rétines
Du très bon boulot.
Un western à découvrir, sans le moindre doute.
Tous les tomes, toutes les cases, tout est absolument parfait. Histoire, psychologie, dessin, couleur, dialogue, rythme.
Je m'en vais défendre la seconde partie, tant incomprise !
Elle est le reflet inversé de la première, tout simplement, où l'implacable réalité cauchemardesque dévorait le reste, à commencer par le rêve. Passeur entre les deux monde, qui peut déconcerter, mais est-il de meilleur passeur ? Lovecraft, dont les créatures de rêves-cauchemar sont adaptés à l'impuissance à rêver, et surtout à rêver de façon non destructive, des personnages. Eh oui, même de Nicolas, qui ressuscite le duc Malik, soit un des méchants les plus intéressants de la fiction. Et les bons, dans tout ça ? Aux abonnés absents, mais plus intéressant, il y a un cheminement vers la bonté de certains protagonistes. Et vers le… présent. Voyage spatial et temporel sont discrètement là, et on comprend certaines images du début à la fin. L'origine de tout, par Thomas, est bien venue, l'émancipation des personnages aussi.
Cruauté sans complaisance, morale sans fadaise, cauchemar sans ressassement, rêves entravés, tout pour moi célèbre les noces de la forme et du fond : perfection.
Grand amateur de Christophe Bec, je trouve chez lui autant de séries que j’admire que de séries qui me laissent sur ma faim. Toutefois, je ne m'étais jamais attaqué à ses séries les plus longues, par crainte de m'embarquer dans une trop longue saga dont je ne saurais pas me dépêtrer. Et pourtant, j'ai toujours aimé les premiers tomes de Carthago que j'ai lus il y a maintenant quelques années.
Je viens enfin de découvrir la saga au complet et malgré quelques divagations passagères, qu'est-ce que c'est bon ! Il est vrai que le long récit suivi qui va du tome 1 au tome 10 s'égare régulièrement. A force de multiplier les personnages, les créatures, les lieux, les époques, on perd parfois quelques repères. A ce titre, je regrette un peu que la série ne soit pas restée focalisée sur les mégalodons... Mais une fois accepté que le postulat réel de la série ne se limite pas à la résurgence du mégalodon, mais à quelque chose de beaucoup plus ancré dans le registre de la science-fiction, Carthago fonctionne très bien. On sent que Bec sait (à peu près) où il va, et son histoire se déroule d'une manière assez cohérente. Surtout, passé le tome 10, on sent que Bec a trouvé le moyen de recentrer son histoire et de fluidifier sa narration.
Après un premier diptyque "flashback" sur le père de son héroïne, il emmène enfin à partir du tome 13 sa saga dans des eaux parfaitement inexplorées et inattendues. J'ai l'impression que beaucoup de lecteurs ont lâché la saga avant, et je les comprends un peu, mais s'ils savaient ce qu'ils ratent... En choisissant d'orienter soudain sa saga vers du post-apocalyptique, Christophe Bec lâche enfin les chiens (enfin, les requins) et nous offre un diptyque presque parfait avec les géniaux Abzu est notre seul dieu/Courbée, je me redresse ! Un monde ruiné par l'apocalypse nucléaire, des moines fanatiques qui s'affrontent sur une plateforme pétrolière abandonnée, un mégalodon devenu divinité païenne... Débarrassé de sa multiplicité de lieux et d'époque (ou presque) le récit de ces deux tomes constitue l'apothéose d'une saga qui a enfin trouvé la bonne direction, et qui n'oublie pas de répondre à plusieurs questions qu'on craignait de voir laissées en suspens (même s'il faut aussi faire un détour par le tome 6 de Carthago Adventures pour certaines réponses primordiales).
Alors comment continuer Carthago après ce diptyque aussi réussi ? N'était-ce pas du suicide de lui offrir un dernier diptyque (le tome 16 étant encore à paraître) ? Non, car Christophe Bec a, là encore, trouvé la formule parfaite. On reste dans le post-apocalyptique, mais plus intime, avec un aspect survival, cette fois. Et on sait que Bec excelle dans ce registre... Il nous offre ainsi une bande dessinée de très haut vol avec Au Cœur des ténèbres (et pitié, fais revenir le zmeu dans le tome suivant !!). Ne reste plus qu'à espérer que le 16e (et normalement dernier) tome ne vienne pas briser cet état de grâce !
En tous cas, au gré des divagations de la saga, je craignais de devoir plafonner à 3 étoiles, mais quel plaisir de constater que Christophe Bec a su faire muter sa saga exactement de la bonne manière pour rendre son évolution satisfaisante et l'amener là où on ne l'attendait pas ! Sans compter qu'avec l'excellent Ennio Buffi au dessin, il laisse enfin à son dessinateur quartier libre dans les tomes 13 et 14 pour nous offrir de grandes images (parfois pleine page) qui illustrent enfin la présence des mégalodons avec toute leur puissance.
Bref, voilà indéniablement une saga qui n'aura pas toujours su aller droit au but, mais qui semble achever sa carrière d'une manière presque parfaite. On croise les doigts pour la fin !
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Le Paradoxe de l'abondance
Ce n’est certes pas avec cet ouvrage qu’Hugo Clément va se faire de nouveaux amis à la FNSEA et chez les lobbyistes de l’agro-industrie. Il n’a pourtant pas vocation à créer la polémique mais à exposer une situation de manière très factuelle, mais qui ne convient pas à ceux pour qui la priorité est de faire passer leurs bénéfices au mépris de la santé du consommateur. Le paradoxe de l’abondance, comme le dit lui-même le journaliste et militant écologiste, c’est qu’ « on produit énormément de nourriture, ce qui est très bien parce qu’on a beaucoup de gens à nourrir, mais on la produit d’une manière qui n’est pas durable », selon « un modèle agricole qui n’est pas orienté vers les bonnes productions ». Surexploités, les sols sont de moins en moins fertiles et la biomasse (masse totale d'organismes vivants) se dégrade de façon inquiétante, concernant 89% des terres agricoles ! Et comme si cela ne suffisait pas, les pesticides et les engrais chimiques comme les nitrates se diffusent dans l’air et dans les nappes phréatiques, augmentant les risques de cancer. Pour mieux nous faire comprendre ce qui a créé cette situation, l’ouvrage remonte aux origines de l’agriculture, à partir du moment où les sociétés nomades de chasseurs-cueilleurs ont commencé à se sédentariser, puis aborde la question de l’eau, qui selon un rapport de la commission européenne, est contaminée à hauteur de 60 % dans les pays européens. Autre donnée inquiétante, même la filière bio est menacée par l’absence de volonté politique. Dans ce contexte où la rentabilité prime, nos laitages et nos fromages tendent à l’uniformisation des goûts, tandis que la vache de race Prim’Holstein (celle que l’on voit en couverture avec ses pis surdimensionnés) remplace peu à peu toutes les espèces régionales, dont certaines sont même en voie de disparition. Est également abordé la question de la souffrance animale liée à ce type de production, autre cheval de bataille d’Hugo Clément. Le livre se conclut sur du positif même si le combat est loin d’être gagné. Sont évoquées quelques initiatives porteuses notamment la réussite (encore trop rare) d’un maraîcher bio ou l’introduction du bio dans des cantines. Les auteurs nous livrent également des pistes pour nous permettre d’agir à notre niveau, car en tant que consommateur, nous avons aussi ce pouvoir d’infléchir les décisions politiques en privilégiant par exemple la production locale. « Le Paradoxe de l’abondance » est loin d’être un ouvrage déprimant, bien au contraire. Le dessin à l’aquarelle de Dominique Mermoux, qui a mis en image une autre BD parue récemment sur un thème très proche, « Et soudain le futur », est très appréciable et accompagne parfaitement ce type de contenu. Ce livre, porté par un des journalistes les plus populaires dont on ne peut mettre en cause le sérieux des enquêtes, a également le mérite d’être très accessible. Bénéficiant d’une narration bien structurée et extrêmement fluide, il ne fera que renforcer la conviction de ceux depuis longtemps sensibilisés par le sujet et pourrait toucher également un public habituellement moins concerné… On aimerait aussi qu’il puisse surtout réveiller les consciences de nos dirigeants, encore largement soumis aux diktats imposés par l’industrie agro-alimentaire et certains syndicats qui n’existent que pour défendre les intérêts de l’agriculture industrielle, au mépris des petits paysans qui s’efforcent de respecter la nature et l’assiette du consommateur.
Fool Night
Sous réserve que Fool Night n'est pas fini, je la note comme une série culte. A elle seule, elle démontrerait que l'inventivité des auteurs de manga reste intacte. Et je trouve le dessin bien plus fin que dans Parasite et l'Attaque des Titans ! J'aime le côté contemplatif qui s'accorde à l'histoire… Dans un monde triste, où des humains doivent se transformer en végétaux, soit à cause de problèmes de santé, soit à cause de leur extrême pauvreté, on contemple ce qui existe encore sous l'ombre dépressive d'un nuage dérobant le soleil à la vue. Le héros veut trouver un assassin, et n'abdique pas de développer sa richesse intérieure avant de devenir une plante. Horreur de voir des humains ravalés à cela même s'ils l'ont voulu et qu'ils permettent la survie et à terme la dépollution des autres, traque et mélancolie, découverte des ressorts de ce monde. Mélancolie sans ennui, philosophie sans lourdeur, héros naïf sans être bête, autres personnages dont on sent le potentiel, ne manquez pas Fool Night !
Le Mètre des Caraïbes
A titre personnel, j’avais adoré La Bibliomule de Cordoue, et même si j’ai freiné ma consommation de bandes dessinées, je ne pouvais pas passer à côté de ce nouvel opus du duo d’auteurs responsables de l’œuvre susnommée. D’autant plus qu’ils travaillent dans la continuité en nous proposant à nouveau une fable historique sur un sujet oublié. Dès l’introduction, j’ai été intrigué, me demandant quel lien il allait y avoir entre cet incident à Cap Canaveral et une couverture digne d’un récit de piraterie. Ce lien porte un nom, celui de Joseph Dombey, obscur savant français oublié de l’Histoire, poissard multirécidiviste, qu’un destin malicieux chargea jadis de transmettre le système métrique aux Américains. Le navire sur lequel il se trouvait fut la victime de pirates et lui-même se retrouva séquestré sur une île des Caraïbes. Le récit tangue constamment entre la farce absurde et l'évocation historique car, si beaucoup d’informations sont véridiques et nous permettent d’en apprendre pas mal sur divers sujets, les évènements nous sont racontés avec beaucoup d’humour et, à l’occasion, une pointe très pertinente de philosophie. Vous l’aurez compris : une fois de plus, j’ai adoré ma lecture. J’en ressors amusé et un peu plus instruit et c’est vraiment ce que je demande à ce type d’œuvre. Coté dessin, Léonard Chemineau va à l’essentiel, avec un trait épuré et dynamique et des compositions simples en apparence mais qui permettent d’encore mieux faire ressortir les dialogues de Wilfrid Lupano, ici par la forme d’un phylactère, là par la manière dont ceux-ci sont reliés. Le résultat, très franco-belge de la grande époque, est encore rehaussé par la mise en couleurs de Christophe Bouchard qui permet justement de rester dans cet esprit « BD tout public classique ». Franchement bien ! Un achat que je ne regrette pas et la découverte d’une page d’Histoire dont j’ignorais tout.
Parasite
Difficile à noter, et j'aurais le même problème avec L'Attaque des Titans. Le scénario est formidable, et le dessin… nettement moins. Par contre, les animes sont bons, surtout pour Parasite, ou bien est-ce un goût personnel ? A un moment, je le regardais sans cesse en boucle. Qu'est-ce que l'être humain, sa place, celle des parasites ? Les scènes de combat, originales, par la tête ! Le parasite du héros et les deux filles qu'il tente de protéger sans parler de ses parents, tout est parfait. Et la petite musique nostalgique. Il est normal que : - La romance entre le héros et celle qu'il aime paraisse "niaise" car ils sont bien jeunes, et au Japon, les gens ne disent pas directement leurs sentiments, ce qui fait que même des œuvres occidentales ne nous paraissant pas romantiques leur semble romantiques, à eux ! Se dire je t'aime est déjà quelque chose, alors…. - Que les parasites s'opposent est bien : cela montre qu'ils évoluent vers plus d'individualité, ce qui semble normal pour des êtres vivants, pensants, et de plus insérés dans une culture humaine ! - Que la série soit courte est… anormal, et positif ! De longues séries type Attaque des Titans, les Gouttes de Dieu et dans le style franco-belge comme les eaux de Mortelune, peuvent être formidables. Mais il est bon de s'arrêter s'il se trouve qu'on ne trouve plus rien à dire, et c'est ce qui a eu lieu dans Parasite. Bravo ! Dommage, le dessin, sans me déplaire, ne m'enthousiasme pas. Mais quel anime ! Sinon, il parait qu'il y a un spin off d'un autre auteur ne serait pas sans mérite mais je ne l'ai pas lu, alors…
Claude Gueux
Ce week-end petite balade au salon de St Herblain, herbulles. J’y allais sans trop connaitre la liste des dessinateurs invités. Après le passage obligé à la librairie qui propose les albums des auteurs présents, je suis subjugué par ceux de Benoît Springer. Je me procure 3 de ses albums. C’est du lourd ! je sens que je vais me régaler ! Voici donc mon premier avis. Je commence par Claude Gueux, d’après la nouvelle éponyme de Victor Hugo. Un coup au foie ! Voilà une Bd percutante qui revisite ce classique du XIXe siècle avec un regard moderne et un style graphique saisissant. Benoît Springer impose un trait puissant et sombre, où les ombres et les contrastes dominent pour traduire l’oppression du système carcéral. Son style nerveux et expressif donne une intensité visuelle rare, renforçant l’émotion et la tension du récit. Séverine Lambour, au scénario, signe une adaptation fidèle et épurée, respectueuse de l’esprit critique et humaniste de Victor Hugo. Les dialogues, minimalistes mais percutants, laissent une large place à l’expression graphique, créant un équilibre parfait entre texte et image. Vos pupilles vont se dilater de plaisirs. Le découpage dynamique et les cadrages audacieux donnent un rythme soutenu à la lecture, tandis que les silences amplifient l’impact dramatique. Les éclairages, souvent réduits à des lueurs dans la pénombre, guident le regard et soulignent les moments clés du récit. Cette maîtrise génialissime de la lumière et de l’ombre renforce l’atmosphère oppressante et tragique de l’histoire. L’album aborde des thèmes universels : la justice sociale, la révolte face à l’injustice, et la quête de dignité dans un monde impitoyable. L’œuvre résonne avec une actualité frappante, rappelant que les combats de Victor Hugo pour l’égalité et la fraternité sont toujours d’une brûlante nécessité. Cette bande dessinée est une expérience de lecture intense accessible à tous, des amateurs de littérature aux passionnés de BD. Elle ne pourra que vous séduire par sa profondeur thématique, son dessin expressif, et sa capacité à émouvoir sans jamais tomber dans le pathos. Seul petit bémol, ça se lit d’une traite et assez rapidement mais que c’est bon ! Je ne peux finir mon avis sans souligner la gentillesse de Benoît qui prend du temps pour répondre aux questions concernant son travail et qui vous fait une dédicace « de la fin du monde » juste incroyable !
Les Gouttes de Dieu
Grâce à Grogro, je me lance dans la défense des Gouttes de Dieu. Vous savez le point commun entre Proust et cette œuvre ? Eh bien, les deux sont très poétique, et on ne le dit pas beaucoup ! A la perfection des étiquettes en dessin, répond l'égale qualité de la représentation graphique des description des vin déjà fort bien menée avec des mots. Et qu'est-ce que j'ai lu, que ce manga serait snob ? Eh bien non, les apôtres et tant d'autres vins délicieux ne coûtent pas grand-chose. Parfois même un vin estimé plus simple est considéré comme se mariant mieux qu'un plus cher et complexe comme dans le cas du chablis dont le restaurateur s'est entiché, incapable de suivre les enseignements de sa femme sommelière ! Aux Etats-Unis, un escroc veut dépouiller des gens, surtout Japonais, adorateurs des étiquettes et incapables se former un goût, et même les héros japonais luttant contre lui ne nient pas ce travers national. Dans les gouttes de Dieu, tout en rendant à la France la place qui lui est due, on montre aussi l'Italie moins chère et plus accessible à comprendre, notamment en cours de repas. Les gouttes de Dieu d'ailleurs dans un Goutte de Dieu mariage des plus logiques, un vin se buvant dans l'idéal dans un repas où je ne saurais dire si ce sont les plats qui doivent accompagner le jus de la treille ou bien l'inverse. L'idéal, je pense, serait une symbiose si parfaite que chacun serait accompagné et accompagnateur de l'autre à égalité. Me ravit que tant de volumes tiennent si parfaitement la route ! Mais je n'ai pas supporté longtemps le feuilleton télé, au large, donc. Et à présent, je vais lire d'autres critiques de mes collègues commentateurs !
Silver Surfer - L'Obscure Clarté des étoiles
Un bijou absolu, à la fois graphique et éditorial. Cette édition Marvel Prestige de Silver Surfer : L’obscure clarté des étoiles est une redécouverte magistrale du one-shot culte de 1996 (Silver Surfer: Dangerous Artifacts) signé Ron Marz et Claudio Castellini. Dès les premières pages, on est happé par la beauté du dessin. Castellini livre ici un travail d’une précision incroyable : anatomies parfaites, perspectives vertigineuses, planètes et galaxies rendues avec un sens du détail presque baroque. Chaque case est pensée comme une composition complète, et le grand format choisi par Panini met parfaitement en valeur cette dimension presque “monumentale” de son art. Mais ce qui rend cette édition exceptionnelle, c’est son choix du noir et blanc. À l’origine, la version américaine était sortie en couleur, dans un format plus standard. Or, Castellini lui-même avait conçu son travail pour être vu en noir et blanc, en jouant sur les ombres, les contrastes et la lumière. La colorisation d’époque avait littéralement étouffé son trait — à tel point que la première édition avait été très critiquée pour ça. Ici, Panini a corrigé le tir en proposant une édition restaurée et supervisée par l’auteur lui-même, qui a nettoyé ses planches originales pour leur redonner l’intensité et la clarté qu’il voulait à l’origine. Le résultat est bluffant : la finesse du trait, la puissance des noirs, la lumière qui se dégage de certaines pages… tout est sublimé. C’est une œuvre qui se lit presque comme un artbook narratif, où le scénario de Marz — simple mais efficace — sert surtout de cadre pour admirer le talent graphique de Castellini. Certains pourront trouver l’histoire un peu convenue, mais franchement, devant une telle maîtrise visuelle, on pardonne tout. Un mot aussi sur la fabrication : papier épais (170g), grand format, impression soignée, dos toilé noir… c’est une édition qui respire le respect du travail original. L’obscure clarté des étoiles dans ce format noir et blanc, c’est le Silver Surfer dans toute sa splendeur cosmique, vu à travers les yeux d’un artiste qui a enfin pu montrer son œuvre telle qu’il l’avait imaginée.
Leave them alone
Un coup de cœur pour cet excellent western. Un western très classique, mais n'est-ce pas avec les vieilles recettes que l'on fait les meilleures histoires ? Les 160 pages se dévorent rapidement. En 1874, le Far West est encore sauvage dans cette contrée désertique des États-Unis. Des bandits attaquent régulièrement la diligence qui transporte les fonds nécessaires à la petite ville de Flagstaff. Le propriétaire de la banque cherche un moyen pour stopper ces attaques, et il croit l'avoir trouvé avec ce nouveau coffre piégé d'explosifs. La particularité de ce western c'est qu'il va mettre en avant trois femmes, la Jeune Elfie qui vient d'avoir 18 ans et sa grand-mère Marian, elles tiennent un relais de diligences en plein désert. La troisième, la jolie Mattie, est une prostituée qui veut changer de vie. Dans les personnages masculins, un mystérieux cow-boy solitaire tiendra un rôle important, ce qui sera moins le cas de Mad Wolf, un indien navajo qui travaille lui aussi au relais de diligences. Un récit très bien construit, le suspense est présent du début à la fin et les rebondissements sont bien amenés, mais c'est surtout la psychologie très bien travaillée des protagonistes, même des rôles moins importants, qui rend ce récit accrocheur. Certains sont attachants, malgré leurs défauts, et d'autres sont plus que détestables. La violence est omniprésente, je ne compte plus le nombre de balles dans la tête (ou de hache) et ces dames ne seront pas à la noce, tentatives de viol et viols sont malheureusement fréquents dans cette partie du Far West. Une histoire qui se termine sur une note optimiste. J'ai beaucoup aimé le dessin de Christophe Regnault (il va vraiment falloir que je lise son Jesse James). Un style dans la pure tradition du western mais avec une belle expressivité, de la lisibilité et une grande diversité dans les trognes des personnages (elle reflète parfaitement leur personnalité). La mise en scène joue sur les gros plans et ceux plus larges pour profiter des magnifiques paysages. De superbes pleines pages pour le plaisir de nos rétines Du très bon boulot. Un western à découvrir, sans le moindre doute.
Les Eaux de Mortelune
Tous les tomes, toutes les cases, tout est absolument parfait. Histoire, psychologie, dessin, couleur, dialogue, rythme. Je m'en vais défendre la seconde partie, tant incomprise ! Elle est le reflet inversé de la première, tout simplement, où l'implacable réalité cauchemardesque dévorait le reste, à commencer par le rêve. Passeur entre les deux monde, qui peut déconcerter, mais est-il de meilleur passeur ? Lovecraft, dont les créatures de rêves-cauchemar sont adaptés à l'impuissance à rêver, et surtout à rêver de façon non destructive, des personnages. Eh oui, même de Nicolas, qui ressuscite le duc Malik, soit un des méchants les plus intéressants de la fiction. Et les bons, dans tout ça ? Aux abonnés absents, mais plus intéressant, il y a un cheminement vers la bonté de certains protagonistes. Et vers le… présent. Voyage spatial et temporel sont discrètement là, et on comprend certaines images du début à la fin. L'origine de tout, par Thomas, est bien venue, l'émancipation des personnages aussi. Cruauté sans complaisance, morale sans fadaise, cauchemar sans ressassement, rêves entravés, tout pour moi célèbre les noces de la forme et du fond : perfection.
Carthago
Grand amateur de Christophe Bec, je trouve chez lui autant de séries que j’admire que de séries qui me laissent sur ma faim. Toutefois, je ne m'étais jamais attaqué à ses séries les plus longues, par crainte de m'embarquer dans une trop longue saga dont je ne saurais pas me dépêtrer. Et pourtant, j'ai toujours aimé les premiers tomes de Carthago que j'ai lus il y a maintenant quelques années. Je viens enfin de découvrir la saga au complet et malgré quelques divagations passagères, qu'est-ce que c'est bon ! Il est vrai que le long récit suivi qui va du tome 1 au tome 10 s'égare régulièrement. A force de multiplier les personnages, les créatures, les lieux, les époques, on perd parfois quelques repères. A ce titre, je regrette un peu que la série ne soit pas restée focalisée sur les mégalodons... Mais une fois accepté que le postulat réel de la série ne se limite pas à la résurgence du mégalodon, mais à quelque chose de beaucoup plus ancré dans le registre de la science-fiction, Carthago fonctionne très bien. On sent que Bec sait (à peu près) où il va, et son histoire se déroule d'une manière assez cohérente. Surtout, passé le tome 10, on sent que Bec a trouvé le moyen de recentrer son histoire et de fluidifier sa narration. Après un premier diptyque "flashback" sur le père de son héroïne, il emmène enfin à partir du tome 13 sa saga dans des eaux parfaitement inexplorées et inattendues. J'ai l'impression que beaucoup de lecteurs ont lâché la saga avant, et je les comprends un peu, mais s'ils savaient ce qu'ils ratent... En choisissant d'orienter soudain sa saga vers du post-apocalyptique, Christophe Bec lâche enfin les chiens (enfin, les requins) et nous offre un diptyque presque parfait avec les géniaux Abzu est notre seul dieu/Courbée, je me redresse ! Un monde ruiné par l'apocalypse nucléaire, des moines fanatiques qui s'affrontent sur une plateforme pétrolière abandonnée, un mégalodon devenu divinité païenne... Débarrassé de sa multiplicité de lieux et d'époque (ou presque) le récit de ces deux tomes constitue l'apothéose d'une saga qui a enfin trouvé la bonne direction, et qui n'oublie pas de répondre à plusieurs questions qu'on craignait de voir laissées en suspens (même s'il faut aussi faire un détour par le tome 6 de Carthago Adventures pour certaines réponses primordiales). Alors comment continuer Carthago après ce diptyque aussi réussi ? N'était-ce pas du suicide de lui offrir un dernier diptyque (le tome 16 étant encore à paraître) ? Non, car Christophe Bec a, là encore, trouvé la formule parfaite. On reste dans le post-apocalyptique, mais plus intime, avec un aspect survival, cette fois. Et on sait que Bec excelle dans ce registre... Il nous offre ainsi une bande dessinée de très haut vol avec Au Cœur des ténèbres (et pitié, fais revenir le zmeu dans le tome suivant !!). Ne reste plus qu'à espérer que le 16e (et normalement dernier) tome ne vienne pas briser cet état de grâce ! En tous cas, au gré des divagations de la saga, je craignais de devoir plafonner à 3 étoiles, mais quel plaisir de constater que Christophe Bec a su faire muter sa saga exactement de la bonne manière pour rendre son évolution satisfaisante et l'amener là où on ne l'attendait pas ! Sans compter qu'avec l'excellent Ennio Buffi au dessin, il laisse enfin à son dessinateur quartier libre dans les tomes 13 et 14 pour nous offrir de grandes images (parfois pleine page) qui illustrent enfin la présence des mégalodons avec toute leur puissance. Bref, voilà indéniablement une saga qui n'aura pas toujours su aller droit au but, mais qui semble achever sa carrière d'une manière presque parfaite. On croise les doigts pour la fin !