Léonarde, fille du chef des armées du roi, rêve depuis longtemps que les humains, les leus et les goupils puissent enfin vivre en paix.
Les trois peuples se disputent le territoire depuis longtemps, semblent incapables de s'entendre et risquent à tout moment de réveiller le Houéran, l'entité protectrice de la forêt empêchant jusque là les conflits de prendre une tournure trop violente par peur d'une annihilation absolue et totale des trois partis aux mains dudit Houéran. Léonarde, désireuse de continuer le projet de sa mère d'un jour obtenir la paix entre les trois peuples, décide de voler un parchemin au prince qui lui permettrait, elle l'espère, de pouvoir communiquer avec les bêtes. Problème, plutôt que de lui permettre de parler aux bêtes le rituel lié au parchemin l'a directement mise dans la peau d'une bête, plus précisément dans la peau d'une goupile. Pensant d'abord avoir trouver un moyen parfait pour ouvrir des discussion entre les trois peuples, Léonarde va malheureusement constater par elle-même ce que la peur des autres inspire chez chacune des espèces, à commencer par ses anciens camarades les humains.
Un récit sur la peur et la haine des autres, sur les barrières du langage, une tension de guerre imminente, un cadre médiéval fantastique teinté de légendes bien franchouillardes, un dessin vif, simple et expressif, … Il n'y a pas à dire, ce ne sont pas les qualités qui manquent dans cette œuvre !
C'est typiquement le genre d'histoire que j'adorais dans ma jeunesse et mon enfance, mêlant aventure, situation socio-politique un minimum complexe et un propos sur l'humanité et la paix. Je dis que j'adorais ça avant mais j'apprécie toujours énormément ces récits, je veux dire par là que je suis persuadée que si j'avais eu cette BD entre les mains plus tôt j'aurais facilement pu en garder un souvenir impérissable pour de nombreuses décennies.
Je suis sans doute hyperbolique dans mon appréciation, mais ce genre de récit simple mais plus complexe qu'en apparence, mêlant action vive et propos réfléchis et surtout maîtrisant une forme fluide et un rythme entraînant, ce sont toujours des histoires qui me plaisent énormément. Je suis une grande-enfant et je n'ai pas honte de le dire !
Un très bon récit pouvant plaire à tout âge je pense !
PS : le petit 1 sur la tranche me laisse penser qu'il y aura peut-être une suite, si c'est bien le cas je l'attend avec impatience (surtout si elle se montre de la même qualité que cet album-ci).
Comment redessine-t-il le corps de la femme dans cette nouvelle collection ?
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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, s’attachant au Smoking et aux contextes de sa création. Son édition originale date de 2024 Il a été réalisé par Loo Hui Phang pour le scénario, et par Benjamin Bachelier pour les dessins et les couleurs. Il comprend environ cent-quarante pages de bande dessinée. Il se termine avec huit pages présentant de manière synthétique trente-quatre personnalités historiques croisées au cours de l’ouvrage, d’Anne-Marie Muñoz (1933-2020) à Marcel Proust (1871-1922), puis par une chronologie reprenant vingt-deux dates de la vie de Saint Laurent, et quatorze dates d’événements choisis dans l’évolution de la condition sociale de la femme en France.
Prologue en mouvement. En 1966, à sa table de travail, Yves Saint Laurent est en train de réaliser le croquis d’une nouvelle création. Anne-Marie, une assistante entre dans la pièce et lui indique que les premiers et les premières d’atelier attendent ses croquis. Il lui remet son dernier croquis, elle commente : un nouveau défi pour l’atelier. Il explique : un Smoking, comme celui des hommes, mais adapté à la femme. Le vestiaire masculin est une pyramide et le smoking en est le sommet. Elle répond qu’il fait un vrai hold-up : ce sera une révolution. Il corrige : non, juste une évolution. – Avancer. New York en 1967, Betty Catroux retrouve Yves Saint Laurent au pied d‘un immeuble. Il lui demande ce qu’elle a fait à ses cheveux. Il trouve que c’est sauvage, c’est chic. Quand elle lui dit qu’elle ne les a pas lavés depuis cinq jours, il s’exclame : Quelle horreur ! Et il lui demande d’aller les laver, ce qu’elle refuse. Il continue ses observations : parfum d’homme et cigarette, il ne lui demande pas ce qu’elle a fait cette nuit. Elle répond qu’elle a passé la nuit dans un bouge et qu’elle ne s’est pas changée.
Yves Saint Laurent constate que Betty Catroux porte un Smoking de la dernière collection, et rien en dessous, et les mains dans les poches en petite allumeuse. Il conclut qu’elle est son héroïne. Le grand couturier se lance dans un développement sur le pouvoir diabolique des poches. Il lui indique deux femmes devant qui demandent une table pour déjeuner dans un grand restaurant. La première sans poches se présente devant l’hôte d’accueil du Hilton qui lui demande si elle a réservé : Saint Laurent estime qu’elle a l’air d’une idiote et en effet elle n'obtient pas l’accès. La seconde se présente les mains dans les poches affichant une grande confidence et le majordome la prie de le suivre à l’intérieur. Le grand couturier explique : Les vêtements induisent des gestes, et ces gestes sont des signes. Il poursuit : en l’occurrence, les mains dans les poches sont l’attitude du dominant, celui-ci a le pouvoir en toute décontraction. À leur tour, ils s’approchent de l’entrée, et la femme sans poche reconnaît le créateur. Le maître d’hôtel répond qu’il ne peut pas les laisser entrer. Alors que Saint Laurent fait observer que le restaurant n’a pas l’air bondé, l’hôte explique que les femmes en pantalon ne sont pas admises dans l’établissement.
Le titre indique explicitement le sujet de l’ouvrage : en quoi le Smoking féminin créé par Yves Saint Laurent a constitué une révolution. Dans un premier temps, l’ouvrage peut apparaître déconcertant. Yves Saint Laurent (1936-2008) a remis le croquis fatidique : celui du premier Smoking pour femme, avec un S majuscule pour désigner cette variation sur un vêtement masculin. Puis, le lecteur le suit accompagné par le mannequin français Betty Catroux (1945-) qui fut également sa muse. Pour une question d’accès à un grand restaurant newyorkais, puis un autre, ils rencontrent différentes personnalités historiques, et ils évoquent leur parcours personnel, ainsi que des faits historiques comme la création du modèle initial du smoking (pour homme, sans majuscule). La narration visuelle présente elle aussi des particularités marquées. Elle commence avec des dessins réalisés au crayon sur une feuille de papier blanc cassé de jaune, dont l’artiste semble avoir découpé les contours pour les coller ensuite sur la page blanche, comme s’il avait lui-même réalisé des croquis, une mise en abîme de ceux réalisés par le grand couturier. Pour la première page du chapitre Avancer : une illustration en pleine page mêlant décors à la peinture, et Betty encrée en noir & blanc sur un trottoir blanc immaculé. Le reste de la bande dessinée va ainsi mêler ces trois modes graphiques : croquis sur papier jaune, noir & blanc, couleur directe.
Autre caractéristique très forte du récit : l’intervention de personnages historiques. Saint Laurent fait rapidement mention de Coco Chanel (1883-1971, Gabrielle Chasnel), puis il évoque Pélagie d’Antioche (Ve siècle), et il rentre dans le détail : Marguerite était une comédienne belle et frivole, elle voulait faire pénitence en se retirant dans un couvent de moines basiliens, sous le nom de frère Pélage. Elle voua son existence à Dieu, recluse dans une petite cellule. Son dévouement forgea son extraordinaire réputation. À sa mort, les moines et le clergé découvrirent que frère Pélage était une femme. Remplis d’admiration, ils rendirent grâce à Dieu. Cette femme est donc citée pour avoir porté le pantalon. Puis Betty & Yves rencontrent Julien Joseph Virex (1775-1846, naturaliste et anthropologue) : celui-ci affirme que le pantalon est l’attribut de l’homme et que Betty n’a pas le droit de l’usurper, jugement qu’il fonde sur ses études qui établissent que la nature a conçu l’homme pour penser, la femme pour enfanter. Mais voilà qu’intervient Madeleine Pelletier (1874-1939) habillée en costume masculin, première femme médecin diplômée en psychiatrie en France, accompagnée de Rrose Sélavy (c’est-à-dire Marcel Duchamp, 1887-1968, travesti en femme) et Candy Darling (1944-1974, née James Lawrence Slaterry) qui attestent qu’il existe des exemples de porosité entre les deux genres. Apparaissent ainsi une trentaine de personnes certaines connues comme Andy Warhol (1928-1987), Alexandra David-Néel (1868-1969, exploratrice, première femme occidentale à atteindre Lhassa), Yoko Ono (1933-, artiste), George Sand (1804-1876, écrivaine), jusqu’à Michel Butor (1926-2016, écrivain), Simone de Beauvoir (1908-1986, philosophe et féministe), Marcel Proust (1871-1922) et bien d’autres. Ainsi que certains moins connus du grand public comme Sophie Foucauld (années 19830, typote, surnommée la femme-culotte), Marie Marvingt (1875-1963, cycliste, soldat, infirmière de l’air) ou encore le grand couturier Paul Poiret (1879-1944).
Et d’ailleurs, le principe de couper puis de coller des dessins sur la page rappelle la manière de faire de Philippe Dupuis qui a consacré une bande dessinée à Paul Poiret : Peindre ou ne pas peindre (2019). Quoi qu’il en soit, celle-ci commence avec des dessins sans bordures, pour le prologue, puis avec une illustration en pleine page pour l’ouverture du premier chapitre, avec ensuite des cases alignées en bande, sans gouttière pour les séparer dans une même bande. Parfois un personnage ou un objet (comme une cravate découpée) peut dépasser de la bordure d’une case, sur la bande inférieure. À d’autres moments, l’artiste peut revenir à des images sans bordure, juxtaposées, ou comme en insert les unes à côté des autres. Une juxtaposition d’images par exemple pour les différents stades d’évolution des braies au pantalon des sans-culotte. Il continue de d’entremêler des passages en noir & blanc, avec des passages en couleurs, parfois au sein d’une même case. Lorsqu’il s’agit d’évoquer le noir du Smoking, le grand renoncement à la couleur, les fonds de page deviennent noirs. Puis les dessins se font plus conceptuels, se rapprochant de l’abstraction. Le lecteur a tôt fait de s’adapter à cette apparence sortant de l’ordinaire, pour apprécier la liberté qu’elle apporte, ainsi que son élégance, et sa capacité à aborder des thèmes et des idées très variées, autour du port du pantalon et du geste politique que constitue la conception de tenues pour les femmes.
De la même manière, la construction de la balade de Betty & Yves marie élégamment une approche chronologique sur le port du pantalon à travers différentes civilisations, des éléments techniques sur la haute couture et des informations personnelles sur ces deux personnages. Sans être de nature biographique, le récit évoque les origines de Betty et celles d’Yves ainsi que leur parcours professionnel, sans s’appesantir sur leur vie affective et amoureuse ou sur les polémiques de leur vie (par exemple les sources d’inspiration de La vilaine Lulu, 1967). Le lecteur découvre également le rôle des premiers d’atelier, avec Jean-Pierre Derbord et Alain Marchais premiers d’atelier pour Yves Saint Laurent, l’origine du smoking pour homme grâce aux goûts d’Édouard VII (1841-1910), l’importance des tenues militaires dans la création de Saint Laurent (le caban, la saharienne, le trench) le symbolisme du noir dans les vêtements, etc. Tout du long, la question du port du pantalon occupe également une place importante : en particulier la franche opposition des hommes à ce que les femmes puissent en porter, dans la société occidentale, avec de nombreuses références culturelles et historiques mettant en évidence que cette transgression relève d’une construction artificielle, qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Même si Yves Saint Laurent répond à Betty qu’il s’agit d’une évolution, le lecteur comprend en quoi le Smoking féminin a constitué une révolution, comme l’annonce le titre.
En effet, le Smoking (le modèle féminin créé par Yves Saint Laurent) est bien au centre de cet ouvrage qui le contextualise dans l’époque où il a vu le jour, aussi bien socialement que culturellement. Scénario et narration visuelle sont en phase : faisant usage d’une liberté de créer, de jouer sur les formes, aussi bien celle de la balade du couturier et de son modèle à New York qu’esthétiques entre couleurs et noir & blanc, représentations figuratives et croquis, pour mettre en scène une phase significative de la modernité, provoquée par cette création haute couture. Plus que la mode, une libération.
Ouh, voilà un album avec une base classique mais une exécution efficace !
J'ai décidé de lire cet album sur un coup de tête, la couverture m'avait attiré l'œil et les quelques pages mises à disposition sur le site m'avaient donné envie de lire l'histoire.
C'est un genre de récit qui marche beaucoup sur moi, mêlant réflexions profondes sur la vie et l'humain et une forme fantasque. Ici, il est question de mort, de suicide, d'erreurs, de choix, de l'importance de chaque actions et décisions que l'on prend.
Catalina est seule, Catalina est amoureuse d'un homme qui la trompe avec sa propre colocataire, Catalina ne sait plus quoi faire, Catalina se tranche les veines sur un coup de tête. Sauf qu'au lieu de mourir, Catalina reçoit la visite d'une étrange jeune femme du nom de Karmen, dont le nom va très rapidement nous faire comprendre le rôle qu'elle va jouer dans cette histoire : celui du juge karmique.
L'histoire est efficace, en tout cas c'est le genre d'histoire qui me parle énormément. J'aime les récits où les fonctionnements naturels de l'univers sont régis par des êtres parfaitement humains (en tout cas humanoïdes), influençant personnellement le fonctionnement des choses. J'aime aussi les récits où un élément fantastique vient chambouler le quotidien, où une vie tout ce qu'il y a de plus banale change du jour au lendemain à cause d'un évènement paranormal, où la vie quotidienne d'antan prend toute sa saveur face aux conséquences du fantastique. J'aime enfin le sujet de la mort, son inéluctabilité, ses symboliques, la valeur qu'elle donne à la vie par contraste, et aussi ses conséquences pour les vivant-e-s. Comme beaucoup, malheureusement, je suis familière avec le sujet du suicide, l'isolement, le poids de l'idée, le risque parfois de passer à l'acte sur un coup de tête. Peut-être est-ce pour cela, d'ailleurs, que l'album m'a autant touché. En tout cas, j'ai pleuré à chaudes larmes.
Je ne peux que conseiller cet album, cela a été une excellente surprise pour moi.
(Et je vais de ce pas rappeler les personnes que j'aime).
C'est une histoire somme toute classique d'amour, de secrets, de tromperies, de passés troubles et de rebondissements abracadabrantesques.
Sandrine tombe un beau jour éperdument amoureuse du beau Michel, le musicien engagé au visage angélique arrondissant ses fins de mois en livrant des macédoines. Mais Sandrine est mariée à Henry, un brillant homme d'affaire avec qui elle vivait jusque là le parfait amour (en tout cas, la vie était une suite de surprises sans cesse renouvelées).
Leur idylle parviendra-t-elle à embarquer vers les horizons majestueux de l'amour véritable, ou bien les vents de la destiné feront-ils couler leur relation avant-même de quitter port ? Mari, amant, ancien amant, ancien amant bis, ami jaloux (mais ça n'a rien a voir avec le fait qu'il n'a jamais connu son père), devront tous se montrer rusés afin de pouvoir parvenir à leur fins.
Ici, comme souvent avec Fabcaro, c'est un délire absurde jouant sur le contraste d'une forme pseudo-sérieuse et d'un fond profondément débile. C'est une histoire d'amour façon telenovela, jouant sur les codes-même du genre, notamment en parodiant des moments clés de ce genre d'intrigues comme les scènes d'expositions bateaux, les passés troubles, les métaphores verbeuses et les révélations miraculeuses de fin d'histoire.
Tout cet amoncellement de blagues de connivences, de personnages archétypaux profondément idiots et d'envolées lyriques qui feraient pâlir une certaine grande reporter (et future femme de médecin), ça me fait personnellement rire aux éclats à chaque relecture.
Vraiment, même si je reconnais à Zaï Zaï Zaï Zaï d'être la plus aboutie des créations de Fabcaro, c'est bien cet album qui m'apparaît comme son meilleur, et de loin. Sans doute suis-je plus sensible à l'humour parodique et con typique des pastiches de telenovela.
Bon, l'album a reçu tant de louanges, je ne saurais pas vraiment quoi ajouter.
C'est sans doute l'album le plus abouti de son auteur, celui où il a perfectionné son humour, sa forme narrative, où il s'est même essayé à un nouveau style graphique qu'il réutilisera beaucoup par la suite.
C'est l'histoire d'un type lambda (l'auteur lui-même, comme toujours) qui oublie sa carte de fidélité à la caisse et va donc décider de fuir. De cet évènement tout ce qu'il y a de plus banal va se lancer une intrigue rocambolesque, parodiant road movie et thriller, jouant sur une forme sérieuse et un fond absurde, et mêlant humour con et critique social (notamment envers les médias qui enveniment les situations en brassant du vent, les artistes bourgeois profitant des drames sociaux pour faire parler d'elleux, ou encore les débats publiques qui se contentent plus souvent d'enchaîner les mots clés plutôt que de vraiment apporter des propos réfléchis).
Comme dit plus haut, Fabcaro perfectionne ici ses rengaines habituelles : le regard que les autres portent sur sa profession de bédéiste, ses angoisses, ses craintes sur le monde qui l'entoure, sa vision pessimiste mais comique des comportements humains traités sous l'angle de l'absurde, des dialogues volontairement ampoulés, ...
S'il faut faire découvrir l'auteur à quelqu'un, c'est sans doute l'album a conseillé (avec l'un de ces romans et l'une de ses premières BD d'anecdotes absurdes comme Le Steak Haché de Damoclès pour également voir ses autres types de créations).
C'est con, c'est drôle, ça parvient à être plus qu'un simple délire absurde, ça a reçu un succès mérité, …
Vraiment, que dire qui n'a pas déjà été dit ?
Depuis quelques années, J'ai pour habitude d'acheter la version noir et blanc, et la version couleur à chaque sortie d'un album signé Nury et Brüno. Avec cet album, je n'ai pas dérogé à cette habitude, aussi j'ai été surpris de découvrir une version n&b d'une grande qualité éditoriale : un grand format avec dos toilé. Le dessin de Brüno y prend toute son importance car, il faut le dire, son style inimitable et simple à la fois fait beaucoup dans le succès de ses albums signés avec Fabien Nury.
Pourtant à la lecture de cet album, dans les deux versions, je dois dire que ma préférence va, pour une fois, vers la version courante, les couleurs de Laurence Croix, apportant au récit une touche des années 40 qui n'est pas pour me déplaire.
Le duo d'auteurs n'ayant pas signé un one shot ici, cet album se présente comme une longue introduction qui oscille entre récit de Charles Burns et le réel avec l'histoire romancée de Ronald Hubbard, créateur de la scientologie.
Car, je crois que cette histoire, dont nous ne connaissons pas encore le nombre de volumes qui la composera, s'achemine sans nul doute vers cette "découverte révolutionnaire" dont il est fait mention sur le quatrième de couverture.
Mais cet album ne se limite pas à cela, l'auteur distille sa vision du monde éditorial de l'Amérique des années 40, dominé par le polar et la science fiction, comme le prouvent les couvertures des revues présentes dans le dossier en fin d'album.
Même si le lecteur peut sembler rester sur sa faim, j'ai beaucoup aimé ce premier album, et j'ai hâte de découvrir la suite.
J'ai une relation particulière avec le premier roman de William Golding. Comme certains ici et comme l'autrice, je l'ai découvert en cours d'anglais, vers l'âge de 13 à 15 ans. Ce fut immédiatement un choc. Dans un récit d'une puissance, d'une fulgurance que j'ai rarement rencontrées depuis, l'auteur britannique a su saisir la substantifique moëlle de deux aspects de l'Homme : le délicat passage de l'enfance à l'adolescence, avec une autonomie renforcée mais parfois chaotique, et d'autre part la frontière fragile entre la civilisation et la barbarie. Un roman court, tétanisant, que j'ai dévoré à l'époque en VO, et relu dans la langue d'origine et en français depuis.
Une histoire qui m'a hanté pendant une trentaine d'années, au point de vouloir moi-même l'adapter en bande dessinée. Mais les éventuels problèmes liés aux droits d'auteur (Golding étant mort en 1993) et peut-être une immaturité dans le projet l'ont bien vite fait capoter; Je referme là la parenthèse personnelle pour revenir à l'album d'Aimée de Jongh.
Lorsque j'ai vu la sortie de cet album, j'ai eu un petit pincement au cœur, et n'ai pas hésité longtemps avant de l'acquérir (après l'avoir bien sûr feuilleté pour m'assurer qu'au moins mes yeux se régaleraient). J'ai mis un peu plus de temps avant de le lire, souhaitant bien sûr m'entourer des meilleurs conditions pour lire cet album que, quelque part, j'attendais impatiemment. Et le résultat ne m'a déçu. Sur le plan graphique tout d'abord. Il fallait un(e) artiste au style à la fois anguleux et au trait bien affirmé pour adapter cette histoire, qui s'adresse autant aux jeunes ados qu'aux adultes. Aimée de Jongh requiert en effet ces qualités, avec une mise en couleurs qui insiste sur les verts et les nuances de feu, des nuances qui ont toute leur importance dans le récit. J'ai beaucoup aimé également son traitement des moments-clés, tels l'acharnement des enfants sur Simon, la chute de Piggy, ou encore la découverte de la conque et les premiers échanges entre les enfants. J'ai beaucoup aimé ses choix de cadrages, sur les visages ou sur d'autres parties du corps, que ce soit pendant les scènes d'action ou plus contemplatives. Pour moi on n'est pas loin de l'adaptation que j'aurais aimé voir.
Je recommande donc cette lecture à toute personne de plus de 12 ans si elle ne connaît pas le roman, car c'est pour moi, tout simplement, une excellente adaptation d'un roman majeur du XXème siècle.
J'ai dévoré avec avidité cette adaptation d'un roman noir de Marcus Malte. Je ne connais pas l'œuvre d'origine mais Gomont lui fait honneur de brillante façon. J'ai été happé dès les premières planches par cette ambiance glauque que le graphisme de l'auteur retranscrit à merveille. Il y a beaucoup d'inventivité dans la poursuite de ces deux récits en parallèle des couples Clovis/ Nathalie et Clovis/Cesaria. Les sauts temporels soulignés par une très légère différence de couleurs sont introduits de manière si ingénieuse que la fluidité du récit reste parfaite. Gomont s'arrange à créer un équilibre qui fait monter l'intensité dramatique de façon similaire dans chacune des deux histoires. J'ai donc autant été passionné par l'histoire Brigade Rouge que par le road trip avec Césaria. Si Clovis est un personnage classique et attachant même dans ses actions troubles, j'ai beaucoup aimé l'opposition des personnages Nathalie/Césaria.
Ces deux personnages s'inscrivent parfaitement dans les époques décrites, les années de plomb puis les années SIDA. Au milieu de ces ambiances mortifères il y a ces deux histoires d'amours improbables et inabouties car secondaires pour un Clovis aveugle.
Le graphisme de Gomont est entièrement synchrone avec l'esprit du roman. Les expressions sont très bien travaillées avec un Clovis taiseux, une Nathalie fofolle et une Césaria profonde.
Le final m'a bouleversé pour conclure une lecture qui m'a séduit de bout en bout.
Un top pour ce genre.
C'est vraiment un super livre !! Je le conseille vraiment aux gens intéressés par la Guerre mondiale. C'est le seul livre que j'ai lu avec Irena qui m'a vraiment fait prendre conscience de ce qu'ont subi les gens pendant la guerre, à quel point ils souffraient, à quel point c'était grave. Je le déconseille au moins de 12ans car c'est violent et très triste, mais ça reste incroyable !
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Léonarde, fille du chef des armées du roi, rêve depuis longtemps que les humains, les leus et les goupils puissent enfin vivre en paix. Les trois peuples se disputent le territoire depuis longtemps, semblent incapables de s'entendre et risquent à tout moment de réveiller le Houéran, l'entité protectrice de la forêt empêchant jusque là les conflits de prendre une tournure trop violente par peur d'une annihilation absolue et totale des trois partis aux mains dudit Houéran. Léonarde, désireuse de continuer le projet de sa mère d'un jour obtenir la paix entre les trois peuples, décide de voler un parchemin au prince qui lui permettrait, elle l'espère, de pouvoir communiquer avec les bêtes. Problème, plutôt que de lui permettre de parler aux bêtes le rituel lié au parchemin l'a directement mise dans la peau d'une bête, plus précisément dans la peau d'une goupile. Pensant d'abord avoir trouver un moyen parfait pour ouvrir des discussion entre les trois peuples, Léonarde va malheureusement constater par elle-même ce que la peur des autres inspire chez chacune des espèces, à commencer par ses anciens camarades les humains. Un récit sur la peur et la haine des autres, sur les barrières du langage, une tension de guerre imminente, un cadre médiéval fantastique teinté de légendes bien franchouillardes, un dessin vif, simple et expressif, … Il n'y a pas à dire, ce ne sont pas les qualités qui manquent dans cette œuvre ! C'est typiquement le genre d'histoire que j'adorais dans ma jeunesse et mon enfance, mêlant aventure, situation socio-politique un minimum complexe et un propos sur l'humanité et la paix. Je dis que j'adorais ça avant mais j'apprécie toujours énormément ces récits, je veux dire par là que je suis persuadée que si j'avais eu cette BD entre les mains plus tôt j'aurais facilement pu en garder un souvenir impérissable pour de nombreuses décennies. Je suis sans doute hyperbolique dans mon appréciation, mais ce genre de récit simple mais plus complexe qu'en apparence, mêlant action vive et propos réfléchis et surtout maîtrisant une forme fluide et un rythme entraînant, ce sont toujours des histoires qui me plaisent énormément. Je suis une grande-enfant et je n'ai pas honte de le dire ! Un très bon récit pouvant plaire à tout âge je pense ! PS : le petit 1 sur la tranche me laisse penser qu'il y aura peut-être une suite, si c'est bien le cas je l'attend avec impatience (surtout si elle se montre de la même qualité que cet album-ci).
Dantès
Je ne pouvais pas attendre de lire le prochain tome, l'histoire était très intéressante et prenante. Une série vraiment géniale. À lire !
Smoking - La Révolution Yves Saint Laurent
Comment redessine-t-il le corps de la femme dans cette nouvelle collection ? - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, s’attachant au Smoking et aux contextes de sa création. Son édition originale date de 2024 Il a été réalisé par Loo Hui Phang pour le scénario, et par Benjamin Bachelier pour les dessins et les couleurs. Il comprend environ cent-quarante pages de bande dessinée. Il se termine avec huit pages présentant de manière synthétique trente-quatre personnalités historiques croisées au cours de l’ouvrage, d’Anne-Marie Muñoz (1933-2020) à Marcel Proust (1871-1922), puis par une chronologie reprenant vingt-deux dates de la vie de Saint Laurent, et quatorze dates d’événements choisis dans l’évolution de la condition sociale de la femme en France. Prologue en mouvement. En 1966, à sa table de travail, Yves Saint Laurent est en train de réaliser le croquis d’une nouvelle création. Anne-Marie, une assistante entre dans la pièce et lui indique que les premiers et les premières d’atelier attendent ses croquis. Il lui remet son dernier croquis, elle commente : un nouveau défi pour l’atelier. Il explique : un Smoking, comme celui des hommes, mais adapté à la femme. Le vestiaire masculin est une pyramide et le smoking en est le sommet. Elle répond qu’il fait un vrai hold-up : ce sera une révolution. Il corrige : non, juste une évolution. – Avancer. New York en 1967, Betty Catroux retrouve Yves Saint Laurent au pied d‘un immeuble. Il lui demande ce qu’elle a fait à ses cheveux. Il trouve que c’est sauvage, c’est chic. Quand elle lui dit qu’elle ne les a pas lavés depuis cinq jours, il s’exclame : Quelle horreur ! Et il lui demande d’aller les laver, ce qu’elle refuse. Il continue ses observations : parfum d’homme et cigarette, il ne lui demande pas ce qu’elle a fait cette nuit. Elle répond qu’elle a passé la nuit dans un bouge et qu’elle ne s’est pas changée. Yves Saint Laurent constate que Betty Catroux porte un Smoking de la dernière collection, et rien en dessous, et les mains dans les poches en petite allumeuse. Il conclut qu’elle est son héroïne. Le grand couturier se lance dans un développement sur le pouvoir diabolique des poches. Il lui indique deux femmes devant qui demandent une table pour déjeuner dans un grand restaurant. La première sans poches se présente devant l’hôte d’accueil du Hilton qui lui demande si elle a réservé : Saint Laurent estime qu’elle a l’air d’une idiote et en effet elle n'obtient pas l’accès. La seconde se présente les mains dans les poches affichant une grande confidence et le majordome la prie de le suivre à l’intérieur. Le grand couturier explique : Les vêtements induisent des gestes, et ces gestes sont des signes. Il poursuit : en l’occurrence, les mains dans les poches sont l’attitude du dominant, celui-ci a le pouvoir en toute décontraction. À leur tour, ils s’approchent de l’entrée, et la femme sans poche reconnaît le créateur. Le maître d’hôtel répond qu’il ne peut pas les laisser entrer. Alors que Saint Laurent fait observer que le restaurant n’a pas l’air bondé, l’hôte explique que les femmes en pantalon ne sont pas admises dans l’établissement. Le titre indique explicitement le sujet de l’ouvrage : en quoi le Smoking féminin créé par Yves Saint Laurent a constitué une révolution. Dans un premier temps, l’ouvrage peut apparaître déconcertant. Yves Saint Laurent (1936-2008) a remis le croquis fatidique : celui du premier Smoking pour femme, avec un S majuscule pour désigner cette variation sur un vêtement masculin. Puis, le lecteur le suit accompagné par le mannequin français Betty Catroux (1945-) qui fut également sa muse. Pour une question d’accès à un grand restaurant newyorkais, puis un autre, ils rencontrent différentes personnalités historiques, et ils évoquent leur parcours personnel, ainsi que des faits historiques comme la création du modèle initial du smoking (pour homme, sans majuscule). La narration visuelle présente elle aussi des particularités marquées. Elle commence avec des dessins réalisés au crayon sur une feuille de papier blanc cassé de jaune, dont l’artiste semble avoir découpé les contours pour les coller ensuite sur la page blanche, comme s’il avait lui-même réalisé des croquis, une mise en abîme de ceux réalisés par le grand couturier. Pour la première page du chapitre Avancer : une illustration en pleine page mêlant décors à la peinture, et Betty encrée en noir & blanc sur un trottoir blanc immaculé. Le reste de la bande dessinée va ainsi mêler ces trois modes graphiques : croquis sur papier jaune, noir & blanc, couleur directe. Autre caractéristique très forte du récit : l’intervention de personnages historiques. Saint Laurent fait rapidement mention de Coco Chanel (1883-1971, Gabrielle Chasnel), puis il évoque Pélagie d’Antioche (Ve siècle), et il rentre dans le détail : Marguerite était une comédienne belle et frivole, elle voulait faire pénitence en se retirant dans un couvent de moines basiliens, sous le nom de frère Pélage. Elle voua son existence à Dieu, recluse dans une petite cellule. Son dévouement forgea son extraordinaire réputation. À sa mort, les moines et le clergé découvrirent que frère Pélage était une femme. Remplis d’admiration, ils rendirent grâce à Dieu. Cette femme est donc citée pour avoir porté le pantalon. Puis Betty & Yves rencontrent Julien Joseph Virex (1775-1846, naturaliste et anthropologue) : celui-ci affirme que le pantalon est l’attribut de l’homme et que Betty n’a pas le droit de l’usurper, jugement qu’il fonde sur ses études qui établissent que la nature a conçu l’homme pour penser, la femme pour enfanter. Mais voilà qu’intervient Madeleine Pelletier (1874-1939) habillée en costume masculin, première femme médecin diplômée en psychiatrie en France, accompagnée de Rrose Sélavy (c’est-à-dire Marcel Duchamp, 1887-1968, travesti en femme) et Candy Darling (1944-1974, née James Lawrence Slaterry) qui attestent qu’il existe des exemples de porosité entre les deux genres. Apparaissent ainsi une trentaine de personnes certaines connues comme Andy Warhol (1928-1987), Alexandra David-Néel (1868-1969, exploratrice, première femme occidentale à atteindre Lhassa), Yoko Ono (1933-, artiste), George Sand (1804-1876, écrivaine), jusqu’à Michel Butor (1926-2016, écrivain), Simone de Beauvoir (1908-1986, philosophe et féministe), Marcel Proust (1871-1922) et bien d’autres. Ainsi que certains moins connus du grand public comme Sophie Foucauld (années 19830, typote, surnommée la femme-culotte), Marie Marvingt (1875-1963, cycliste, soldat, infirmière de l’air) ou encore le grand couturier Paul Poiret (1879-1944). Et d’ailleurs, le principe de couper puis de coller des dessins sur la page rappelle la manière de faire de Philippe Dupuis qui a consacré une bande dessinée à Paul Poiret : Peindre ou ne pas peindre (2019). Quoi qu’il en soit, celle-ci commence avec des dessins sans bordures, pour le prologue, puis avec une illustration en pleine page pour l’ouverture du premier chapitre, avec ensuite des cases alignées en bande, sans gouttière pour les séparer dans une même bande. Parfois un personnage ou un objet (comme une cravate découpée) peut dépasser de la bordure d’une case, sur la bande inférieure. À d’autres moments, l’artiste peut revenir à des images sans bordure, juxtaposées, ou comme en insert les unes à côté des autres. Une juxtaposition d’images par exemple pour les différents stades d’évolution des braies au pantalon des sans-culotte. Il continue de d’entremêler des passages en noir & blanc, avec des passages en couleurs, parfois au sein d’une même case. Lorsqu’il s’agit d’évoquer le noir du Smoking, le grand renoncement à la couleur, les fonds de page deviennent noirs. Puis les dessins se font plus conceptuels, se rapprochant de l’abstraction. Le lecteur a tôt fait de s’adapter à cette apparence sortant de l’ordinaire, pour apprécier la liberté qu’elle apporte, ainsi que son élégance, et sa capacité à aborder des thèmes et des idées très variées, autour du port du pantalon et du geste politique que constitue la conception de tenues pour les femmes. De la même manière, la construction de la balade de Betty & Yves marie élégamment une approche chronologique sur le port du pantalon à travers différentes civilisations, des éléments techniques sur la haute couture et des informations personnelles sur ces deux personnages. Sans être de nature biographique, le récit évoque les origines de Betty et celles d’Yves ainsi que leur parcours professionnel, sans s’appesantir sur leur vie affective et amoureuse ou sur les polémiques de leur vie (par exemple les sources d’inspiration de La vilaine Lulu, 1967). Le lecteur découvre également le rôle des premiers d’atelier, avec Jean-Pierre Derbord et Alain Marchais premiers d’atelier pour Yves Saint Laurent, l’origine du smoking pour homme grâce aux goûts d’Édouard VII (1841-1910), l’importance des tenues militaires dans la création de Saint Laurent (le caban, la saharienne, le trench) le symbolisme du noir dans les vêtements, etc. Tout du long, la question du port du pantalon occupe également une place importante : en particulier la franche opposition des hommes à ce que les femmes puissent en porter, dans la société occidentale, avec de nombreuses références culturelles et historiques mettant en évidence que cette transgression relève d’une construction artificielle, qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Même si Yves Saint Laurent répond à Betty qu’il s’agit d’une évolution, le lecteur comprend en quoi le Smoking féminin a constitué une révolution, comme l’annonce le titre. En effet, le Smoking (le modèle féminin créé par Yves Saint Laurent) est bien au centre de cet ouvrage qui le contextualise dans l’époque où il a vu le jour, aussi bien socialement que culturellement. Scénario et narration visuelle sont en phase : faisant usage d’une liberté de créer, de jouer sur les formes, aussi bien celle de la balade du couturier et de son modèle à New York qu’esthétiques entre couleurs et noir & blanc, représentations figuratives et croquis, pour mettre en scène une phase significative de la modernité, provoquée par cette création haute couture. Plus que la mode, une libération.
Karmen
Ouh, voilà un album avec une base classique mais une exécution efficace ! J'ai décidé de lire cet album sur un coup de tête, la couverture m'avait attiré l'œil et les quelques pages mises à disposition sur le site m'avaient donné envie de lire l'histoire. C'est un genre de récit qui marche beaucoup sur moi, mêlant réflexions profondes sur la vie et l'humain et une forme fantasque. Ici, il est question de mort, de suicide, d'erreurs, de choix, de l'importance de chaque actions et décisions que l'on prend. Catalina est seule, Catalina est amoureuse d'un homme qui la trompe avec sa propre colocataire, Catalina ne sait plus quoi faire, Catalina se tranche les veines sur un coup de tête. Sauf qu'au lieu de mourir, Catalina reçoit la visite d'une étrange jeune femme du nom de Karmen, dont le nom va très rapidement nous faire comprendre le rôle qu'elle va jouer dans cette histoire : celui du juge karmique. L'histoire est efficace, en tout cas c'est le genre d'histoire qui me parle énormément. J'aime les récits où les fonctionnements naturels de l'univers sont régis par des êtres parfaitement humains (en tout cas humanoïdes), influençant personnellement le fonctionnement des choses. J'aime aussi les récits où un élément fantastique vient chambouler le quotidien, où une vie tout ce qu'il y a de plus banale change du jour au lendemain à cause d'un évènement paranormal, où la vie quotidienne d'antan prend toute sa saveur face aux conséquences du fantastique. J'aime enfin le sujet de la mort, son inéluctabilité, ses symboliques, la valeur qu'elle donne à la vie par contraste, et aussi ses conséquences pour les vivant-e-s. Comme beaucoup, malheureusement, je suis familière avec le sujet du suicide, l'isolement, le poids de l'idée, le risque parfois de passer à l'acte sur un coup de tête. Peut-être est-ce pour cela, d'ailleurs, que l'album m'a autant touché. En tout cas, j'ai pleuré à chaudes larmes. Je ne peux que conseiller cet album, cela a été une excellente surprise pour moi. (Et je vais de ce pas rappeler les personnes que j'aime).
Et si l'amour c'était aimer ?
C'est une histoire somme toute classique d'amour, de secrets, de tromperies, de passés troubles et de rebondissements abracadabrantesques. Sandrine tombe un beau jour éperdument amoureuse du beau Michel, le musicien engagé au visage angélique arrondissant ses fins de mois en livrant des macédoines. Mais Sandrine est mariée à Henry, un brillant homme d'affaire avec qui elle vivait jusque là le parfait amour (en tout cas, la vie était une suite de surprises sans cesse renouvelées). Leur idylle parviendra-t-elle à embarquer vers les horizons majestueux de l'amour véritable, ou bien les vents de la destiné feront-ils couler leur relation avant-même de quitter port ? Mari, amant, ancien amant, ancien amant bis, ami jaloux (mais ça n'a rien a voir avec le fait qu'il n'a jamais connu son père), devront tous se montrer rusés afin de pouvoir parvenir à leur fins. Ici, comme souvent avec Fabcaro, c'est un délire absurde jouant sur le contraste d'une forme pseudo-sérieuse et d'un fond profondément débile. C'est une histoire d'amour façon telenovela, jouant sur les codes-même du genre, notamment en parodiant des moments clés de ce genre d'intrigues comme les scènes d'expositions bateaux, les passés troubles, les métaphores verbeuses et les révélations miraculeuses de fin d'histoire. Tout cet amoncellement de blagues de connivences, de personnages archétypaux profondément idiots et d'envolées lyriques qui feraient pâlir une certaine grande reporter (et future femme de médecin), ça me fait personnellement rire aux éclats à chaque relecture. Vraiment, même si je reconnais à Zaï Zaï Zaï Zaï d'être la plus aboutie des créations de Fabcaro, c'est bien cet album qui m'apparaît comme son meilleur, et de loin. Sans doute suis-je plus sensible à l'humour parodique et con typique des pastiches de telenovela.
Zaï Zaï Zaï Zaï
Bon, l'album a reçu tant de louanges, je ne saurais pas vraiment quoi ajouter. C'est sans doute l'album le plus abouti de son auteur, celui où il a perfectionné son humour, sa forme narrative, où il s'est même essayé à un nouveau style graphique qu'il réutilisera beaucoup par la suite. C'est l'histoire d'un type lambda (l'auteur lui-même, comme toujours) qui oublie sa carte de fidélité à la caisse et va donc décider de fuir. De cet évènement tout ce qu'il y a de plus banal va se lancer une intrigue rocambolesque, parodiant road movie et thriller, jouant sur une forme sérieuse et un fond absurde, et mêlant humour con et critique social (notamment envers les médias qui enveniment les situations en brassant du vent, les artistes bourgeois profitant des drames sociaux pour faire parler d'elleux, ou encore les débats publiques qui se contentent plus souvent d'enchaîner les mots clés plutôt que de vraiment apporter des propos réfléchis). Comme dit plus haut, Fabcaro perfectionne ici ses rengaines habituelles : le regard que les autres portent sur sa profession de bédéiste, ses angoisses, ses craintes sur le monde qui l'entoure, sa vision pessimiste mais comique des comportements humains traités sous l'angle de l'absurde, des dialogues volontairement ampoulés, ... S'il faut faire découvrir l'auteur à quelqu'un, c'est sans doute l'album a conseillé (avec l'un de ces romans et l'une de ses premières BD d'anecdotes absurdes comme Le Steak Haché de Damoclès pour également voir ses autres types de créations). C'est con, c'est drôle, ça parvient à être plus qu'un simple délire absurde, ça a reçu un succès mérité, … Vraiment, que dire qui n'a pas déjà été dit ?
Electric Miles
Depuis quelques années, J'ai pour habitude d'acheter la version noir et blanc, et la version couleur à chaque sortie d'un album signé Nury et Brüno. Avec cet album, je n'ai pas dérogé à cette habitude, aussi j'ai été surpris de découvrir une version n&b d'une grande qualité éditoriale : un grand format avec dos toilé. Le dessin de Brüno y prend toute son importance car, il faut le dire, son style inimitable et simple à la fois fait beaucoup dans le succès de ses albums signés avec Fabien Nury. Pourtant à la lecture de cet album, dans les deux versions, je dois dire que ma préférence va, pour une fois, vers la version courante, les couleurs de Laurence Croix, apportant au récit une touche des années 40 qui n'est pas pour me déplaire. Le duo d'auteurs n'ayant pas signé un one shot ici, cet album se présente comme une longue introduction qui oscille entre récit de Charles Burns et le réel avec l'histoire romancée de Ronald Hubbard, créateur de la scientologie. Car, je crois que cette histoire, dont nous ne connaissons pas encore le nombre de volumes qui la composera, s'achemine sans nul doute vers cette "découverte révolutionnaire" dont il est fait mention sur le quatrième de couverture. Mais cet album ne se limite pas à cela, l'auteur distille sa vision du monde éditorial de l'Amérique des années 40, dominé par le polar et la science fiction, comme le prouvent les couvertures des revues présentes dans le dossier en fin d'album. Même si le lecteur peut sembler rester sur sa faim, j'ai beaucoup aimé ce premier album, et j'ai hâte de découvrir la suite.
Sa Majesté des Mouches
J'ai une relation particulière avec le premier roman de William Golding. Comme certains ici et comme l'autrice, je l'ai découvert en cours d'anglais, vers l'âge de 13 à 15 ans. Ce fut immédiatement un choc. Dans un récit d'une puissance, d'une fulgurance que j'ai rarement rencontrées depuis, l'auteur britannique a su saisir la substantifique moëlle de deux aspects de l'Homme : le délicat passage de l'enfance à l'adolescence, avec une autonomie renforcée mais parfois chaotique, et d'autre part la frontière fragile entre la civilisation et la barbarie. Un roman court, tétanisant, que j'ai dévoré à l'époque en VO, et relu dans la langue d'origine et en français depuis. Une histoire qui m'a hanté pendant une trentaine d'années, au point de vouloir moi-même l'adapter en bande dessinée. Mais les éventuels problèmes liés aux droits d'auteur (Golding étant mort en 1993) et peut-être une immaturité dans le projet l'ont bien vite fait capoter; Je referme là la parenthèse personnelle pour revenir à l'album d'Aimée de Jongh. Lorsque j'ai vu la sortie de cet album, j'ai eu un petit pincement au cœur, et n'ai pas hésité longtemps avant de l'acquérir (après l'avoir bien sûr feuilleté pour m'assurer qu'au moins mes yeux se régaleraient). J'ai mis un peu plus de temps avant de le lire, souhaitant bien sûr m'entourer des meilleurs conditions pour lire cet album que, quelque part, j'attendais impatiemment. Et le résultat ne m'a déçu. Sur le plan graphique tout d'abord. Il fallait un(e) artiste au style à la fois anguleux et au trait bien affirmé pour adapter cette histoire, qui s'adresse autant aux jeunes ados qu'aux adultes. Aimée de Jongh requiert en effet ces qualités, avec une mise en couleurs qui insiste sur les verts et les nuances de feu, des nuances qui ont toute leur importance dans le récit. J'ai beaucoup aimé également son traitement des moments-clés, tels l'acharnement des enfants sur Simon, la chute de Piggy, ou encore la découverte de la conque et les premiers échanges entre les enfants. J'ai beaucoup aimé ses choix de cadrages, sur les visages ou sur d'autres parties du corps, que ce soit pendant les scènes d'action ou plus contemplatives. Pour moi on n'est pas loin de l'adaptation que j'aurais aimé voir. Je recommande donc cette lecture à toute personne de plus de 12 ans si elle ne connaît pas le roman, car c'est pour moi, tout simplement, une excellente adaptation d'un roman majeur du XXème siècle.
Les Nuits de Saturne
J'ai dévoré avec avidité cette adaptation d'un roman noir de Marcus Malte. Je ne connais pas l'œuvre d'origine mais Gomont lui fait honneur de brillante façon. J'ai été happé dès les premières planches par cette ambiance glauque que le graphisme de l'auteur retranscrit à merveille. Il y a beaucoup d'inventivité dans la poursuite de ces deux récits en parallèle des couples Clovis/ Nathalie et Clovis/Cesaria. Les sauts temporels soulignés par une très légère différence de couleurs sont introduits de manière si ingénieuse que la fluidité du récit reste parfaite. Gomont s'arrange à créer un équilibre qui fait monter l'intensité dramatique de façon similaire dans chacune des deux histoires. J'ai donc autant été passionné par l'histoire Brigade Rouge que par le road trip avec Césaria. Si Clovis est un personnage classique et attachant même dans ses actions troubles, j'ai beaucoup aimé l'opposition des personnages Nathalie/Césaria. Ces deux personnages s'inscrivent parfaitement dans les époques décrites, les années de plomb puis les années SIDA. Au milieu de ces ambiances mortifères il y a ces deux histoires d'amours improbables et inabouties car secondaires pour un Clovis aveugle. Le graphisme de Gomont est entièrement synchrone avec l'esprit du roman. Les expressions sont très bien travaillées avec un Clovis taiseux, une Nathalie fofolle et une Césaria profonde. Le final m'a bouleversé pour conclure une lecture qui m'a séduit de bout en bout. Un top pour ce genre.
Simone
C'est vraiment un super livre !! Je le conseille vraiment aux gens intéressés par la Guerre mondiale. C'est le seul livre que j'ai lu avec Irena qui m'a vraiment fait prendre conscience de ce qu'ont subi les gens pendant la guerre, à quel point ils souffraient, à quel point c'était grave. Je le déconseille au moins de 12ans car c'est violent et très triste, mais ça reste incroyable !