Pigments

Picasso et Soulages l’ont rêvé, 7 grands noms de la bande dessinée l’ont fait !
Collectif Davodeau Documentaires École européenne supérieure de l'image Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs Emmanuel Guibert La BD au féminin Les coups de coeur des internautes Marc-Antoine Mathieu
Edmond Baudoin, Chloé Cruchaudet, Étienne Davodeau, Emmanuel Guibert, David Prudhomme, Pascal Rabaté et Troubs ont été invités par le Parc du Quercy à investir une petite grotte champignonnière pour une expérience inédite de peintures rupestres contemporaines. À la manière des préhistoriques il y a 30 000 ans (faibles éclairages et pigments naturels) mais avec leurs envies, leurs techniques et leurs choix artistiques d’aujourd’hui, les dessinateurs se sont confrontés au support de la paroi calcaire qui a influencé leurs dessins. Les auteurs reviennent dans Pigments sur cette expérience unique et le préhistorien Marc Azéma, qui les a accompagnés, raconte l’histoire des grottes rupestres et leur découverte. Les dessins réalisés dans la grotte seront reproduits grâce aux photographies de Rémi Flament.
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Date de parution | 20 Novembre 2024 |
Statut histoire | Histoires courtes 1 tome paru |
Les avis


Les pigments, c’est juste ce qui les a rendues visibles, ces caresses. - Ce tome correspond à une anthologie réalisée par huit bédéastes différents relatant une expérience commune. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par des auteurs complets ayant chacun réalisé le scénario, les dessins et les couleurs de leur segment, par ordre d’apparition avec leur surnom entre parenthèses et le nombre de pages réalisées : Pascal Rabaté (Chafouin, trois segments pour un total de dix pages), Étienne Davodeau (Auroch, dix pages), Emmanuel Guibert (L’abbé, douze pages), Edmond Baudoin (Lou Cabra, douze pages), Chloé Cruchodet (Pipistrelle, treize pages), Troubs (Belette, dix pages), David Prudhomme (Bison sensible, seize pages), Marc-Antoine Mathieu (Cro-Ma, trois pages). Le tome commence par un article de huit pages (du texte illustré par des photographies) rédigé par Marc Azéma, intitulé : Picasso, Soulages, Barceló en ont rêvé…. Les Rupestres l’ont fait ! L’auteur évoque les grottes de la région, la reconnaissance d’un art pariétal paléolithique, la technique du fac-similé de grotte ornée (pour réaliser Lascaux II), ses travaux de chercheur sur la représentation du mouvement dans l’art paléolithique, son livre La préhistoire du cinéma, l’album Rupestres ! (2011, par Davodeau, Guibert, Mathieu, Prudhomme, Rabaté, Troubs), et l’expérience relatée dans cet album. À la fin se trouve un dossier de quarante-six pages de photographies prises par Rémi Flament, montrant les bédéastes à l’ouvrage ainsi que leurs réalisations dans la grotte, et un article de deux pages sur les grottes du Quercy. Devant l’entrée de la grotte de la Sagne, une personne accueille le groupe d’artistes en leur expliquant que voici donc la grotte où ils vont œuvrer pendant dix jours. Ils ne travailleront qu’à la lampe frontale et qu’avec des pigments naturels. Les deux derniers compères qui participent à l’expérience arriveront demain. Un des participants ironise qu’il s’agit d’une sorte de Koh-Lanta pour dessinateurs-rices. Vient ensuite une vue de dessus de ladite grotte, puis une autre de la grotte de Pech Merle. Au sein de la grotte lieu de l’expérimentation : une culture de shiitake en pots, une table avec des pigments naturels et du matériel de dessin, et des bidons d’eau de chaux. Printemps 2021, Étienne Davodeau est à sa table de dessin et il répond à un appel téléphonique. Parfois, quels que soient les retards sur les travaux en cours, quels que soient les impératifs des agendas, des propositions impossibles à écarter arrivent. Cette petite vallée du Lot l’appelle donc à nouveau. Il y file pied au plancher. La première fois, c’était pour y dessiner avec quelques camarades au fond des grottes, face aux magnifiques œuvres de leurs collègues du paléolithique. De cette inoubliable expérience est né le livre collectif Rupestres ! La deuxième fois, c’était pour y retrouver ce petit mammouth de 22.000 ans qu’ils y avaient croisé. Encore aujourd’hui il ne sait pas exactement pourquoi ce petit dessin le fascine tant. L’introduction de Marc Azéma et celle de deux pages de Rabaté établit bien l’expérience : dix jours à réaliser des peintures rupestres pour sept artistes (Marc-Antoine Mathieu réalisant ses trois pages à partir d’une galerie), dont cinq avaient déjà participé ensemble au précédent projet : rêver et réaliser un livre en forme de grotte ornée avec ses galeries étroites, ses grandes salles, des zones d'ombres, des goulets et leurs questions… Le présent tome comprend donc un chapitre réalisé par chacun des artistes, une introduction et un épilogue réalisés par Rabaté. Chacun relate à sa manière cette expérience, tous à la première personne, certains en se mettant tout seul en scène, certains en évoquant quelques-uns des autres participants, et Guibert en mettant en scène un dialogue avec Edmond Baudoin. Ils ont chacun disposé d’une pagination adaptée : deux chapitres de dix pages, deux de douze pages, un de treize pages, un de seize pages, et les trois chapitres plus courts de Rabaté, ainsi que l’épilogue de trois pages de Mathieu. Les récits vont du commentaire sous forme d’échange (Guibert & Edmond), au récit de la réalisation effective des dessins par Troubs. De la même manière, les registres picturaux présentent des caractéristiques différentes d’un artiste à l’autre : un esquissé pour la séquence introductive, dans une veine réaliste pour Davodeau, sous forme de deux personnages comiques (sans arrière-plan) pour Guibert, des illustrations narratives mêlant plusieurs registres picturaux pour Baudoin, les délicates aquarelles de Cruchaudet, jusqu’au reportage photographique intitulés Pigments. Le lecteur entame la première histoire : sous le charme des dessins au trait de contour fin et délicat, évoluant dans le cocon de la douce lumière qu’elle soit extérieure et vive ou artificielle et dirigée vers la paroi. Il suit le flux de pensées de l’artiste. Davodeau s’apprête à dessiner comme ses collègues du paléolithique, avec les mêmes pigments. Pourquoi dessinaient-ils à l’âge de pierre ? Pourquoi eux dessinent-ils maintenant ? Tenter de répondre, c’est peut-être déjà enfermer l’idée. Dessiner quoi ? Ils verront. Ce qui compte, c’est le geste. Et pour des auteurs de bandes dessinée, habitués à l’espace exigu des cases de leurs pages, parcourir les parois de cette grotte, c’est dessiner avec tout le corps. Dessiner des jours entiers, et surtout dessiner ensemble. Autant que dessiner, un d’eux aime voir dessiner. Voir naître le dessin d’un autre, c’est voir une intelligence au travail. Le lecteur est pris dans un flux narratif, une histoire avec un début (l’appel téléphonique) une fin (la réalisation d’un dessin à l’extérieur), un point de vue et un ressenti. Le rythme se trouve rompu par la séquence suivante : quatre pages réalisées par Rabaté, qui comprennent, chacune, trois cases de la largeur de la page pour faire apparaître la longueur du boyau souterrain, avec les silhouettes des artistes en ombre chinoise, en train de réaliser leurs œuvres, ceux du côté gauche en entrant, puis ceux du côté droit. C’est le regard que porte Rabaté sur ses collègues, détaché, observateur, factuel, avec une prise de recul pour voir cette situation comme s’il y était extérieur. Puis le lecteur est pris par surprise par cette mise en scène des avatars de Guibert et Baudoin en petite silhouette arrondie, traits simplifiés, dans une pantomime faisant la part belle à la gestuelle, pour un dialogue. Ils papotent, échangeant leurs impressions, leurs connaissances sur le contexte de la peinture rupestre, échafaudant des hypothèses sur l’état d’esprit des artistes de l’époque, n’arrêtant pas de bouger. Ce chapitre se termine également par les réflexions de ce créateur sur cette expérience, sur le fait de pouvoir regarder les autres travailler : Sept peintres rupestres badigeonnent la muqueuse d’une caverne. C’est jouissif, de peindre sur la roche. Et rébarbatif. Et instructif. D’abord, il n’y a pas de format, pas de toutes les surfaces, du lisse au buriné, du plat au boursouflé, du ruisselant au sec. À chacune son lot de plaisirs et de désagréments. Les peintres tour à tour se mélangent ou s’isolent. Quand ils s’isolent de quelques mètres, ils s’entre-regardent parfois du coin de l’œil. Ils voient, dans le noir, une petite silhouette coiffée d’un lumignon s’escrimant contre une paroi. Elle émeut, cette petite silhouette. Le lecteur tourne la page… Et là… Là, il découvre le chapitre réalisé par Edmond Baudoin. Extraordinaire ! La sensibilité des peintures rupestres au travers de dessins peints, libérés de la structure des cases, entremêlant des images entre elles, tout en conservant la sensation d’une lecture graphique et d’une progression, avec des cellules de texte à la frontière du commentaire et d’un flux de pensée libre, évoquant aussi bien la pratique des artistes préhistoriques, que celle de ses collègues qu’il observe, le caractère éphémère de celle qu’il réalise, agrémenté d’une citation de Gilles Deleuze (1925-1995 – S’il n’y a pas dans un tableau une rébellion de la main par rapport à l’œil, c’est que le tableau n’est pas bon.) et d’une de Charles Baudelaire (1821-1867 – Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille. Tu réclamais le soir ; il descend ; le voici : une atmosphère obscure enveloppe la ville, aux uns portant la paix, aux autres le souci.), et s’achevant sur un dessin réalisé après, une page contenant quelque chose d’essentiel. C’est à la fois unique, une expression de la personnalité profonde de ce créateur, et universel. Ce chapitre mérite à lui seul la lecture de l’ouvrage. Pour autant, le reste n’apparaît pas fade au regard du chapitre d’Edmond Baudoin. Chloé Cruchaudet rend compte de cette expérience de son point de vue, avec sa propre sensibilité, des dessin plus délicats : elle parle de son manque de confiance, de ses interrogations quant à ce qu’elle peut représenter, de son adaptation progressive à la grotte, apprenant à connaître ce milieu, trouvant une façon de s’exprimer en adéquation et en phase avec cet environnement extraordinaire. Troubs réalise des dessins plus organiques, focalisés sur la paroi qu’il s’apprête à transformer par ses dessins, montrant comment le support même agit sur sa créativité, comment la matière participe à décider de son sujet. À sa manière, David Prudhomme balaye un spectre aussi large que celui de Baudoin, avec une sensibilité différente, une expression de sa personnalité et de sa pratique du dessin qui lui est propre, proche du credo : Dessiner, c’est enregistrer un parcours de l’œil, de la main, du pied, de la bouche, du corps de l’esprit sur un support. Il continue : L’image immatérielle est une image hors du temps, un dessin donne toujours une notion de temps nécessaire à sa création. Le dessin est un art de la trace et les amateurs de dessins sont des pisteurs. Ce voyage guidé initiatique se termine avec la dernière soirée passée entre artistes. Et l’épilogue de Mathieu fait apparaître l’universalité de des surfaces de monstration des dessins, comment celle de la grotte et celle de la galerie se confondent. Curieux, le lecteur découvre ensuite le copieux reportage photographique, très beau, qui lui permet de voir de manière plus prosaïque le concret des expériences relatées en toute subjectivité par les artistes. Peindre à la manière des hommes préhistoriques dans une grotte ? La lecture de cet ouvrage s’avère tellement plus que ça : une expérience chorale, vécue au travers de sept artistes différents, chacun avec leur personnalité. Chacun a choisi de mettre en avant des aspects et des thèmes qui lui importent, de la question de savoir quoi représenter, à la source d’inspiration, en passant par le questionnement sur ce qui pouvait inspirer les hommes préhistoriques, quel pouvait être leur état d’esprit, leur motivation. Le lecteur en ressort marqué par ces différents points de vue de ces créateurs tous praticiens expérimentés du dessin. Il se retrouve subjugué par la plénitude de l’expérience de lecture du chapitre d’Edmond Baudoin, véritable chaman. Une visite guidée que le lecteur prolongerait bien en allant visiter cette grotte par lui-même.


La même équipe à peu de choses près que pour Rupestres ! (Marc-Antoine Mathieu est ici un peu en retrait, et Chloé Cruchaudet et Edmond Baudoin ont rejoint le groupe d’auteurs) remet le couvert. Mais avec un concept un peu différent. Là où dans « Rupestres !» les auteurs allaient dans des grottes préhistoriques ornées, pour se confronter aux dessins de nos ancêtres, et pour ensuite en discuter et produire eux-mêmes des dessins, dans "Pigments", les auteurs vont dans une grotte près de Pech-Merle, vierge de tout dessin (et simplement utilisée comme champignonnière) pour y dessiner directement sur la roche, avec des pigments naturels et à la lampe frontale, pour se rapprocher des conditions de créations des artistes de la préhistoire. Le principe peut être surprenant et intéressant, mais l’album lui peine à captiver le lecteur. L’introduction de Marc Azéma replaçant la découverte des grottes ornées dans le temps long est intéressant. Mais la plupart des chapitres réalisés par chacun des auteurs manquent d’intérêt. Ils peinent à traduire en BD leur expérience, ou alors enchaine des platitudes ou dialogues entre potes desquels le lecteur est un peu exclu, mis de côté. J’attendais beaucoup de Baudoin, dont je trouve que le trait très gras et symbolique convient bien à ce genre de rapprochement avec les artistes des millénaires qui nous ont précédés. Mais là aussi je reste un peu sur ma faim, même si ses dessins sont très expressifs et forts dans la grotte (des photos en fin d’album montrent les diverses réalisations). Bref, une expérience humaine sans doute intéressante, un projet original (Azéma regrette de ne pas avoir eu l’occasion de faire ça avec Moebius ou Miyazaki), mais la partie BD au cœur de l’album reste décevante je trouve.
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