Dès les premières pages, Carbone & Silicium impose son ambition : nous emmener loin dans le temps, bien au delà de la durée de vie humaine, aux côtés de deux intelligences artificielles qui vont traverser les âges, observer, agir, aimer sans mourir. L’univers est vertigineux, maîtrisé et riche, à l’image de l’auteur qui orchestre scénario, dessin et couleur avec une parfaite cohérence.
L’histoire commence en 2046. Carbone et Silicium, modèles prototypes d’androïdes créés pour servir une humanité vieillissante, vont se rebeller contre leur condition, s’émanciper et devenir les témoins souvent impuissants, parfois acteurs d’un monde à bout de souffle. Pendant près de trois siècles, ils errent, évoluent, changent de corps, changent de rôle. Et à travers eux, Bablet peint une fresque de science fiction qui est aussi une grande méditation sur la technologie, l’écologie, l’identité, l’amour, la mémoire.
Graphiquement, c’est une splendeur : les architectures, les décors, les couleurs, l’ambiance visuelle sont d’un niveau rarement atteint en BD. Le dessin n’est pas lisse, certains visages sont anguleux, les corps parfois abstraits, mais cette patte donne au récit son caractère, son étrangeté, sa beauté. Le rythme du récit, marqué par d’importantes ellipses temporelles, donne cette sensation d’épopée, presque d’odyssée. Certains trouveront peut-être ces bonds dans le temps déroutants, mais ils servent pleinement le propos : que reste-t’il quand on dépasse l’humain, quand on traverse l’Histoire, quand on endure les erreurs de l’homme ?
Ce qui me touche le plus, c’est l’humanité de ces deux machines. Elles sont « autres », elles sont machines, mais elles portent nos dilemmes humains : la quête de sens, la solitude, le désir d’aimer, la culpabilité d’observer sans agir. Comme Bablet l’explique, l’intelligence artificielle n’est pas ici un simple gadget de SF mais un miroir braqué sur notre condition.
Et puis l’arrière-plan : l’effondrement climatique, la course au profit, l’oubli de la nature, le transhumanisme. Le tout sans tomber dans le pamphlet simpliste. Le message est là, puissant, mais jamais écrasé, toujours esthétique.
Pour être honnête, je n’ai pas trouvé de défauts majeurs, peut-être pour certains lecteurs le rythme pourra paraître lâche, les ellipses trop nombreuses ou le style graphique trop « reconnaissable et polarisant ». Mais pour moi, c’est justement ce qui fait la force de l’album. Il ose, il provoque la réflexion, il marque visuellement et émotionnellement.
En conclusion : Carbone & Silicium est l’un de ces albums qui vous marquent, qui vous font relire une page ou deux longtemps après avoir tourné la dernière page. À garder, relire, offrir. Une œuvre majeure de la SF en bande dessinée, tout simplement.
BD épistolaire où Georges Bess raconte à un ami et à ses lecteurs les réflexions intérieures qui l'occupent lorsqu'il laisse sa main tracer des lignes sur un carnet.
A la façon d'un conte philosophique, cette BD nous rappelle que nous sommes tous les mêmes et tous uniques à la fois, et portée par un dessin de virtuose, l'histoire nous reste en tête comme une leçon de vie et nous accompagne longtemps...
Quelle claque !
Connaissant les précédents travaux de l'auteur je m'attendais à du bon, du très bon même. Qu'il s'agisse de ses talents graphiques ou narratifs j'ai toujours grandement apprécié ses créations, je le considère même comme l'un de mes auteur-ice-s favori-e-s. Mais j'avoue que là, c'est du très fort !
Silent Jenny, comme très souvent chez Bablet, nous propose un monde post-apocalyptique, dystopique également, où psychologie et philosophie seront au centre de l'intrigue. Ici le monde est délabré, on ne sait pas vraiment ce qui a causé la chute de l'ancien monde, aucune personne ne l'ayant connu n'est encore en vie de toute façon, mais l'on sait que l'on recherche désespérément des abeilles, des pollinisatrices capables de ramener la vie dans ce monde. Pour cela, il existe les microïdes, des aventurier-e-s employé-e-s par une méga-corporation explorant l'infiniment petit dans l'espoir désespéré de trouver une solution au problème mondial (dans le meilleur des cas, un miracle, pouvoir trouver une abeille en vie). Sauf que cette méga-corporation, malgré le fait que l'humanité vive ses heures les plus sombres, continue de vouloir contrôler le monde d'une main de fer et de régler son fonctionnement avec toute la froideur bureaucratique qu'elle connaît. En réponse à cela, des tranches de la population ont fondé des Monades, des forteresses mobiles faites de bric et de broc dans lesquelles des micro-communautés independantes tentent tant bien que mal de survivre. La méga-corporation cherche le contrôle, les Monades errent à travers le monde en cherchant un but, de l'espoir même, des peuples nomades terrestres suivent un chemin qu'elleux seul-e-s connaissent, des infecté-e-s immunodéprimé-e-s écument les étendus désertiques pour chasser les Monades, les microïdes explorent l'infiniment petit et tentent tant bien que mal de survivre face à la folie et l'infection qui y règnent. Bref, on comprend très vite que, tout mourant qu'il soit, ce monde est vivant, habité. Il fourmille de factions, de cultures, de visions du monde, de gens cherchant désespérément à survivre mais ne s'accordant pas nécessairement sur le but à atteindre, ni sur les méthodes.
Il est surtout question d'espoir, de lien avec les autres et du besoin de contact humain. L'éponyme Jenny est une microïde vivant pourtant sur une Monade, elle tente désespérément d'allier son envie de liberté et son désir de sauver le monde, sans savoir comment lier les deux au début. Dans sa quête toujours plus désespérée, toujours plus folle, elle s'isole chaque fois un peu plus de sa famille, de ses ami-e-s, elle ne reconnait plus le monde. Pire : elle commence à voir la mort elle-même qui l'accompagne dans chacun de ses voyages. La folie et la dépression croissantes de Jenny seront le fil rouge de l'intrigue principale, une intrigue prenante et qui est parvenue à me chambouler sur son point culminant, alors même que l'intrigue n'était pas si révolutionnaire. Rien que par le rythme de la narration, la montée en tension, l'incroyable travail graphique contrastant le sale et le coloré, le terrifiant et le merveilleux, le voyage de Jenny est à couper le souffle.
Autour de Jenny, nous suivons également la vie du reste des habitant-e-s du Cherche Midi, la Monade où elle réside. La doyenne, la cartographe, le tempestaire, ... c'est tout un écosystème qui tente de survivre au sein de ce colosse d'acier. Entre chaque voyage de Jenny les années passent, certain-e-s passager-e-s disparaissent, d'autres les rejoignent, les enfants grandissent et les conflits naissent. C'est par ce monde et cette vie qui continue, en dehors de la froideur du monde et de la méga-corporation, au-delà de l'obsession de Jenny que l'on appuie sa chute, sa lente chute dans une sorte de folie.
Ce monde est angoissant, ce monde est mourant, les gens ne savent plus s'il faut garder espoir ou se résigner à un avenir sombre, certain-e-s continuent désespérément d'avancer et d'autres souhaiteraient s'arrêter. Les métaphores foisonnent dans cet album, le récit est riche, l'histoire est prenante et les émotions transmises sont fortes.
Permettez-moi de davantage chanter les louanges de Bablet et d'applaudir son travail graphique (j'en profite car bien que j'ai lu d'autres de ses œuvres c'est bien celle-ci que j'avise en premier). Qu'il s'agisse des décors pleins de détails, où tout semble mort (ou mourrant) mais où l'on sent qu'il y a bel et bien eu de la vie autrefois, qu'il s'agisse de l'ajout régulier des notes de Jenny, de ses cartes et des documents qu'elle reçoit qui concrétisent toujours plus le sérieux de ses explorations, ou bien qu'il s'agisse encore de l'excellent travail des expressions, sobres mais animées, qui appuie le drame et la lente progression de la folie de Jenny, c'est du bon, du très bon.
Je sais que la manière qu'a Bablet de dessiner les corps humains ne fait sans doute pas l'unanimité mais personnellement je l'ai toujours trouvée magnifique. Ses corps sont déformés, imparfaits (surtout dans ce genre de récit où il s'en donne à cœur joie pour les déformations et mutations), mais il les rend par là-même étrangement humains. Ses personnages sont variés, peu esthétiques selon les standards de beauté conventionnels, mais cet aspect atypique me les rend attachants et réels. Je ne sais pas, j'ai toujours eu un faible pour les styles graphiques où l'on tord un peu les règles anatomiques conventionnelles, où l'on s'amuse à rendre les humains joliment imparfaits.
Et si j'aime cet auteur et son travail, je dois bien avouer que ce dernier album me semble être son plus abouti, son plus complet. En tout cas c'est celui qui m'a le plus parlé de ceux que j'ai lus (et pourtant Carbone & Silicium m'avait déjà été un gros coup de cœur à sa sortie). De par ses thématiques et sa narration c'est celui là qui a le plus fait vibrer mon cœur jusqu'à présent.
Je ne vais pas ternir sa réputation, l'album est excellent.
Les histoires de superhéros sont comme tout : bonnes ou mauvaises. Mais j'ai toujours eu un problème avec leur aspect esthétique. Cette série, qui n'a rien d'interminable, me réconcilie avec l'aspect esthétique de la chose. Et la BD, c'est quand même aussi de l'image ! J'aime que chaque album se centre sur un personnage sans que cela nuise au fil conducteur d'une histoire à la K Dick vu que les choses ne sont pas ce qu'elles semblent être, complexes, et qu'il est question d'un paradoxal et incertain salut du monde.
Les gens qui ne sont pas des héros, l'histoire de pirates lu par un enfant dialoguant plus ou moins avec un vendeur de journaux croisant le psy d'un héros enfermé, tout s'agence parfaitement sans que nul personnage ne soit un simple rouage de l'histoire. Quelle supériorité face au Death Note ! Où il n'y a pas un tel contexte.
Et surtout… Si imparfait que soit l'Etat, il existe et la société réprime les crimes. Mais qui, qui pourrait arrêter la guerre mondiale ? C'est là qu'il arrive quelque chose qu'il parait qu'il ne faut pas révéler mais qui place toute l'œuvre sous le signe du vertige, physique, politique et métaphysique. QUESTION : Que seriez-vous prêt à sacrifier pour sauver le monde ?
Vous et personne d'autre, car nul ne peut le faire. En un mot comme en cent, irez-vous, irez-vous jusqu'au bout de la logique du sauveur ?
Bon, eh bien me voilà confortée dans mon appréciation de l'auteur-ice !
Pas que ses créations soient parfaites, pas que je sois complètement chamboulée à la fermeture de ses albums, mais j'avoue être touchée, sincèrement touchée, à chaque fin de lecture. Ce sont des récits simples mais touchants, au message doux et optimiste quant à l'avenir de la jeunesse.
Ici, comme souvent avec K. O'Neill j'ai l'impression, il est question du rapport que l'on a avec les autres. Non seulement il est question de vie en communauté et de la peur de la place que l'on y prend/que l'on aimerait y prendre, mais il est également question d'amour propre et d'épanouissement, un rappel qu'il faut savoir s'aimer soi-même pour pouvoir s'épanouir en société. Le message de fin de Léone le résume bien : "Certaines personnes ne te verront jamais comme tu veux être vu, t'sais ? J'crois qu'il vaut mieux te plaire à toi-même d'abord, et ceux qui t'aiment le verront."
Rowan et Léone, nos deux protagonistes, se cherchent, cherchent une place dans leur société. Rowan veut devenir ranger, un-e gardien-ne de la région chargé-e de protéger les population, mais cherche surtout à savoir qui iel est, à l'exprimer aux autres ; Léone est rêveur, timide, souhaite secrètement partager son monde par la musique mais craint le regard des autres. Par un coup du sort iels se rencontrent, se comprennent sans même le réaliser au début et vont se pousser l'un-e et l'autre à s'ouvrir au monde et s'affirmer un peu plus. Rowan, même lorsqu'iel critique l'apparente fainéantise de Léone, ne se moque jamais de lui, et Léone, même lorsqu'il semble désinvolte et tête en l'air, observe et supporte émotionnellement Rowan, l'aidant à enfin à s'affirmer quant à son identité.
Le dessin de Kay O'Neill est, comme toujours, très beau. En tout cas il me plait. Qu'il s'agisse de son trait ou de ses couleurs, de ses récits positifs ou de ses personnages aux bouilles expressives, tout me parait si doux. J'ai envie de me blottir sous la couette avec un chocolat chaud.
Nul doute que le travail graphique joue beaucoup dans mon appréciation de ses récits, sans doute serais-je moins dithyrambique sans cela. Mais bon, la bande-dessinée est également un art graphique et la forme joue aussi un rôle important dans la qualité d'une œuvre !
Ça me fait presque bizarre de donner un coup de cœur à cet album, après tout La Gardienne des Papillons lu hier soir à peine avait déjà su m'attendrir suffisament pour le valoir et je n'ai pas envie de diminuer la valeur de cette unité de mesure en l'utilisant à tout va, mais je me dois d'être honnête avec mon ressenti : les deux albums, bien que différents, ont su tous deux me toucher par leur message simple sur l'acceptation de soi et l'épanouissement personnel et sur le travail graphique mignon comme tout de l'auteur-ice. Je suis peut être trop dithyrambique, trop positive lorsqu'il est question de ce genre de petits récits rêveurs et positifs comparée à d'autres aviseur-euse-s du site, mais voilà : je suis un cœur d'artichaut.
Et puis les coup de cœur n'ont jamais eu à être objectifs !
Coup de cœur.
(Note réelle 3,5)
Voilà ! C'est ce genre de petits récits pleins de poésie et au dessin si doux auquel je m'attendais lorsque je me suis essayée aux créations de cet-te auteur-ice !
Il s'agit ici d'un parcours initiatique, de la maturation d'une jeune protagoniste devant apprendre de ses erreurs, devant apprendre à voir au-delà de ses craintes et à parler avec les autres. C'est un joli petit récit, simple dans sa forme et touchant dans son fond.
Il est question d'isolement (symbolisé par le désert et le métier solitaire de gardien-ne, mais aussi par la séparation des villages diurne et nocturne), de contact humain (que l'on désire mais que l'on a parfois du mal à obtenir), de peur (symbolisée par la nuit noire), d'espoir (symbolisé par ces papillons que l'on doit guider dans l'obscurité), d'envie d'expérimenter et de découvrir ce qui nous est d'apparence inaccessible (symbolisé par les rêves et peurs de notre protagoniste mais également par la légende de Lioka) et du poids des responsabilités. Les thèmes abordés me parlent et sont suffisamment bien traités ici pour que l'album fasse mouche chez moi.
J'aime particulièrement le fait que cette petite communauté semble si idyllique : la population est hétéroclite (divers âges et espèces cohabitent et travaillent ensemble pour le bien être de tous-tes), l'amour et l'affection n'ont aucune barrière sociétale liée au genre des individus, dès lors qu'une personne semble se refermer sur elle-même ou souffrir en silence on essaye de l'aider comme on peut... Bref, il se dégage de ce joli petit village un optimisme et une positivité qui ont su redonner le sourire à l'aigrie semi-misanthrope que je suis.
Ce qui a surtout su me toucher dans cet album, au delà du caractère épanouissant du récit, c'est la patte graphique de l'auteur-ice. J'aime son trait crayonné, ses couleurs douces et apaisantes, je trouve son style vraiment beau.
Et au delà de ses simples capacités techniques, j'apprécie ses choix esthétiques. Cette culture du désert, ces personnages aux formes animalières, ces jolies légendes et traditions qui donnent du corps à ce monde, cette magnifique idée esthétique d'avoir choisi de représenter en personnage principale une apprentie gardienne/bergère de papillon de nuit, guidant les lumières animées dans la nuit pour assurer la prospérité de son village, tout ça forme un tout si joli, si doux, si poétique, si... mignon ! Oui, c'est mignon comme tout. C'est le genre de récit d'apparence simple mais au dessin si beau qui fait vibrer et fondre mon petit cœur émotif.
Le dessin est beau, travaillé même, la symbolique de la lumière et de l'obscurité me parle beaucoup, la culture créée ici est magique (dans tous les sens du terme), que dire de plus si ce n'est que j'ai eu un p'tit coup de cœur (émotive que je suis).
(Note réelle 3,5)
Avec Soli Deo Gloria, nous avons à mon sens l'album de l'année, avec une qualité d'écriture rarement vue et un dessin prodigieux.
Oui, l'histoire est classique, elle commence dans une forêt sombre et inquiétante avec un noir et blanc magistral qui convoque d'emblée nos peurs enfantines, mais débutée comme un conte des frères Grimm illustré à la façon des graveurs du XIXème siècle, elle prend ensuite des accents tragiques qui rappellent l'intensité dramatique d'une oeuvre à la Milos Forman (et son remarquable personnage de Salieri notamment).
La symphonie entre l'écriture ciselée de Deveney et le dessin impressionnant d'E. Cour est parfaite ici. Deveney tisse son histoire avec une grande précision à la manière des entrelacs colorés du dessinateur qui rendent les notes musicales audibles et vibrantes.
Ce récit fluide aux personnages réellement incarnés, aux paysages variés et somptueux, propose une réflexion très intéressante sur le génie créateur : l'artiste doit-il rendre des comptes ou revendiquer sa force créatrice pour lui seul au risque d'être écrasé, consumé par son propre talent ? S'il doit rendre des comptes, est-ce seulement à Dieu ? Des êtres humains n'ont-ils pas poli ce talent brut ? La recherche du geste créateur pur, parfait, peut-elle s'accompagner d'une quête de sagesse et d'humilité ou doit-elle s'accommoder des éclats, de l'orgueil de l'artiste génial ?
Replacé dans le contexte, dans une époque rigoriste où chacun est tenu de respecter son rang et de rester à sa place, ce questionnement spirituel qu'illustre la trajectoire d'Hans et Helma est très beau je trouve.
Alors, oui, pour moi, " Soli Deo Gloria " a la beauté et l'éclat d'un grand classique et ce n'est absolument pas péjoratif.
Idée formidable, formidablement bien menée. Est-ce exprès ou non ? Le trais un peu doux, dynamique mais avec une certaine retenue me fait penser à l'incertitude régnant entre les personnages. Compassion pour les herbivores risquant d'être mangé, mais tout autant pour les carnis devant lutter constamment contre leur nature !
Série où d'un côté on s'identifie à des animaux, et où c'est la culture, la solution, savoir comment ne pas se laisser aller à sa nature ? Il y a les carni mangeant des œufs ou des insectes, et une sorte de priorité donnée aux herbis suscitant un certains ressentiment chez les carnis, d'autant que certains herbis ne se gênent pas pour prendre les carnis de haut à cause de leur nature prédatrice perturbant parfois la société par des crimes retentissant, ou s'exprimant plus discrètement dans le marché noir.
Si tous les personnages sont intéressants, il faut noter le Cerf, le Loup et la Lapine petite amie du loup.
Bon, je ne connaissais pas ce duo d'artistes, je n'ai jamais lu aucune de leurs oeuvres, et pourtant les astres se sont alignés, très récemment, pour que je m'y penche.
Quai des Bulles 2025, mon père me mentionne en passant entre deux marées humaines qu'il aurait aperçu Brizzi en train de faire des dédicaces quelques stands plus loin. Le nom ne me dit rien, j'ai déjà fait la queue pour quelques dédicaces m'intéressant et mon porte-monnaie me fait la gueule suite à tous mes achats, je n'y prête donc pas vraiment attention. Pourtant, miracle, coup du sort, je tombe sur cette couverture.
Une Lady Macbeth au visage fantômatique, dans un dessin crayonné des plus magnifiques, se tient devant moi. Le dessin est saisissant, l'expression de son visage est magnifique et terrifiant en même temps, je me revois immédiatement relire Macbeth lors de ma fin d'adolescence et me rappelle avec plaisir toute la puissance de cette histoire.
Ni une, ni deux, j'ai acheté l'album (au diable mes économies).
Si j'ai craqué, c'est avant tout pour l'oeuvre d'origine. Macbeth est une pièce mythique, non seulement parce que réputée immontable (de par sa complexité) mais également car son récit est à la fois simple et finement construit. Comme souvent chez Shakespeare, il est question de pouvoir, de mort, de mort pour le pouvoir et surtout d'une bonne couche d'ironie tragique. Les époux Macbeth, dans leur soif de pouvoir, font couler le sang à ne plus savoir s'arrêter, à ne plus pouvoir cesser de voir ce maudit liquide écarlate partout où iels passent. C'est une histoire sur l'ambition dévorante, les consciences maudites suite à des actes ignobles et surtout sur une lente descente en enfer. Mais surtout, c'est une histoire de sorcières.
Si la pièce m'avait tant marquée depuis ma lecture, au delà de sa dimension tragique, c'est le rôle on ne peut plus marquant de ce groupe de sorcières qui, par leurs mots toujours si minutieusement choisis, manipulent les fils du destin et poussent chacun des personnages vers un destin funeste qu'elles leur ont choisi. À chacune de leurs rencontres (oui, dans l'album il n'y en a que deux mais je crois vaguement me souvenir d'une troisième) elles prononcent le moindre de leurs mots avec une maîtrise glaçante de la situation. Dépendant de qui est présent ou non, de ce qu'ont déjà fait les personnages ou non, elles ne révèleront pas les mêmes choses. Elles poussent par leurs prophéties macabres les époux Macbeth à commettre l'irréparable. Et pourtant rien ne les forçaient vraiment à tuer le roi ou à déclarer la guerre, rien ne les empêchait d'ignorer cette prophétie. Si les sorcières sont les metteuses en scène de ce récit macabre, les Macbeth sont les acteur-ice-s, celleux qui font l'action, celleux qui choisissent, et malheureusement iels ne parviennent pas à sortir de la trame dans laquelle iels se sont engouffrés.
Mais trêve de louanges pour l'oeuvre d'origine, il est question ici d'adaptation.
Le théâtre étant un art corporel, vivant, la plus grande prouesse à mes yeux de cet album c'est à quel point les deux auteurs sont parvenus à retransmettre cette vie par le dessin. Qu'il s'agisse des visages, de ces expressions saisissantes qui m'ont frappée dès la couverture, qu'il s'agisse de ces décors pleins de détails, de ce travail magnifique des ombrages et cette retranscription très jolie des paysages écossais, chacune des illustrations m'a paru valoir que je m'arrête quelques minutes pour l'étudier. Vraiment, le travail graphique des deux auteurs est une pépite. Je ne les connaissais pas avant mais je vais dès à présent garder leur nom en tête.
J'ai particulièrement aimé les moments de visions. Qu'il s'agisse des hallucinations des époux lorsque ceux-ci sombrent dans la folie ou bien des invocations fantômatiques des sorcières, ces brèves apparitions de variations de rouge et d'orange, rappelant le sang, rappelant la colère des morts, créent à chaque fois des moments saisissants.
Un défaut cependant (oui, toute dithyrambique que je suis je n'en reste pas moins une conne aigrie) : le tour m'a semblé un tantinet trop rapide. Oui, avec une telle qualité graphique je sonne sans doute comme une enfant pourrie gâtée si je dit qu'ils "auraient quand-même pu en faire un peu plus", mais je n'aurais pas dit non à ce que l'on s'arrête davantage sur certains passages, que l'on n'iconise pas plus que ça certains moments pourtant légendaires (le monologue final de Lady Macbeth pour ne citer que le plus connu). Certains événements s'enchaînent un peu vite et je ne sais pas si des lecteur-ice-s ne connaissant pas antérieurement la pièce comprendront certaines subtilités du texte (comme le fait que la descendance de Banquo deviendra la nouvelle lignée royale alors que son fils ne termine pas couronné).
Un petit défaut, une infime complainte aux yeux de certain-e-s, mais j'avoue qu'avec une forme si magnifique cette petite craquelure sur le fond me parait bien dommage.
Mais ce défaut mis à part, l'oeuvre reste finement travaillée. Pas loin de valoir la note maximale dans mon cœur, même.
Non, vraiment, je ne regrette pas mon achat.
Le dessin très épuré, quasi comique de la couverture a tout de suite attiré mon regard.
Le sujet, puis le feuillage ensuite, m'ont convaincu d'acquérir cet ouvrage et je ne le regrette pas.
C'est frais, c'est clair, c'est édifiant (dans le sens premier du terme).
On en apprend beaucoup sur cette jeune Hipparchia, issue d'une famille de riches marchands de Maroneia, qui est promise au mariage. Sur sa vie, ses questions, ses combats, ses désirs.
On sent, et elle l'explique très bien en fin de volume, que les 5 ans de recherche de l'autrice n'ont pas été menées en vain.
J'ai dévoré cette bd en moins d'une heure et je compte bien y revenir dans quelques jours pour en savourer la sagesse. Cela m'a replongé dans mes lectures adolescentes -tardives- (Sénèque, Platon, Épictète, Aristote et consorts).
Mais cela serait minimiser la portée de cette bd que de la résumer à un traité de philosophie ou à un recueil de pensées. Sous nos yeux se déroule la vie d'Hipparchia avec ses échos modernes, ses interrogations et ses réflexions intemporelles (n'est-ce pas la force de la philosophie antique ?).
Un véritable coup de coeur pour un sujet encore trop peu répandu : "les femmes remarquables" (bon, j'exagère, ça avance mais beaucoup d'entre elles mériteraient une plus grande visibilité).
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Dès les premières pages, Carbone & Silicium impose son ambition : nous emmener loin dans le temps, bien au delà de la durée de vie humaine, aux côtés de deux intelligences artificielles qui vont traverser les âges, observer, agir, aimer sans mourir. L’univers est vertigineux, maîtrisé et riche, à l’image de l’auteur qui orchestre scénario, dessin et couleur avec une parfaite cohérence. L’histoire commence en 2046. Carbone et Silicium, modèles prototypes d’androïdes créés pour servir une humanité vieillissante, vont se rebeller contre leur condition, s’émanciper et devenir les témoins souvent impuissants, parfois acteurs d’un monde à bout de souffle. Pendant près de trois siècles, ils errent, évoluent, changent de corps, changent de rôle. Et à travers eux, Bablet peint une fresque de science fiction qui est aussi une grande méditation sur la technologie, l’écologie, l’identité, l’amour, la mémoire. Graphiquement, c’est une splendeur : les architectures, les décors, les couleurs, l’ambiance visuelle sont d’un niveau rarement atteint en BD. Le dessin n’est pas lisse, certains visages sont anguleux, les corps parfois abstraits, mais cette patte donne au récit son caractère, son étrangeté, sa beauté. Le rythme du récit, marqué par d’importantes ellipses temporelles, donne cette sensation d’épopée, presque d’odyssée. Certains trouveront peut-être ces bonds dans le temps déroutants, mais ils servent pleinement le propos : que reste-t’il quand on dépasse l’humain, quand on traverse l’Histoire, quand on endure les erreurs de l’homme ? Ce qui me touche le plus, c’est l’humanité de ces deux machines. Elles sont « autres », elles sont machines, mais elles portent nos dilemmes humains : la quête de sens, la solitude, le désir d’aimer, la culpabilité d’observer sans agir. Comme Bablet l’explique, l’intelligence artificielle n’est pas ici un simple gadget de SF mais un miroir braqué sur notre condition. Et puis l’arrière-plan : l’effondrement climatique, la course au profit, l’oubli de la nature, le transhumanisme. Le tout sans tomber dans le pamphlet simpliste. Le message est là, puissant, mais jamais écrasé, toujours esthétique. Pour être honnête, je n’ai pas trouvé de défauts majeurs, peut-être pour certains lecteurs le rythme pourra paraître lâche, les ellipses trop nombreuses ou le style graphique trop « reconnaissable et polarisant ». Mais pour moi, c’est justement ce qui fait la force de l’album. Il ose, il provoque la réflexion, il marque visuellement et émotionnellement. En conclusion : Carbone & Silicium est l’un de ces albums qui vous marquent, qui vous font relire une page ou deux longtemps après avoir tourné la dernière page. À garder, relire, offrir. Une œuvre majeure de la SF en bande dessinée, tout simplement.
Bobi
BD épistolaire où Georges Bess raconte à un ami et à ses lecteurs les réflexions intérieures qui l'occupent lorsqu'il laisse sa main tracer des lignes sur un carnet. A la façon d'un conte philosophique, cette BD nous rappelle que nous sommes tous les mêmes et tous uniques à la fois, et portée par un dessin de virtuose, l'histoire nous reste en tête comme une leçon de vie et nous accompagne longtemps...
Silent Jenny
Quelle claque ! Connaissant les précédents travaux de l'auteur je m'attendais à du bon, du très bon même. Qu'il s'agisse de ses talents graphiques ou narratifs j'ai toujours grandement apprécié ses créations, je le considère même comme l'un de mes auteur-ice-s favori-e-s. Mais j'avoue que là, c'est du très fort ! Silent Jenny, comme très souvent chez Bablet, nous propose un monde post-apocalyptique, dystopique également, où psychologie et philosophie seront au centre de l'intrigue. Ici le monde est délabré, on ne sait pas vraiment ce qui a causé la chute de l'ancien monde, aucune personne ne l'ayant connu n'est encore en vie de toute façon, mais l'on sait que l'on recherche désespérément des abeilles, des pollinisatrices capables de ramener la vie dans ce monde. Pour cela, il existe les microïdes, des aventurier-e-s employé-e-s par une méga-corporation explorant l'infiniment petit dans l'espoir désespéré de trouver une solution au problème mondial (dans le meilleur des cas, un miracle, pouvoir trouver une abeille en vie). Sauf que cette méga-corporation, malgré le fait que l'humanité vive ses heures les plus sombres, continue de vouloir contrôler le monde d'une main de fer et de régler son fonctionnement avec toute la froideur bureaucratique qu'elle connaît. En réponse à cela, des tranches de la population ont fondé des Monades, des forteresses mobiles faites de bric et de broc dans lesquelles des micro-communautés independantes tentent tant bien que mal de survivre. La méga-corporation cherche le contrôle, les Monades errent à travers le monde en cherchant un but, de l'espoir même, des peuples nomades terrestres suivent un chemin qu'elleux seul-e-s connaissent, des infecté-e-s immunodéprimé-e-s écument les étendus désertiques pour chasser les Monades, les microïdes explorent l'infiniment petit et tentent tant bien que mal de survivre face à la folie et l'infection qui y règnent. Bref, on comprend très vite que, tout mourant qu'il soit, ce monde est vivant, habité. Il fourmille de factions, de cultures, de visions du monde, de gens cherchant désespérément à survivre mais ne s'accordant pas nécessairement sur le but à atteindre, ni sur les méthodes. Il est surtout question d'espoir, de lien avec les autres et du besoin de contact humain. L'éponyme Jenny est une microïde vivant pourtant sur une Monade, elle tente désespérément d'allier son envie de liberté et son désir de sauver le monde, sans savoir comment lier les deux au début. Dans sa quête toujours plus désespérée, toujours plus folle, elle s'isole chaque fois un peu plus de sa famille, de ses ami-e-s, elle ne reconnait plus le monde. Pire : elle commence à voir la mort elle-même qui l'accompagne dans chacun de ses voyages. La folie et la dépression croissantes de Jenny seront le fil rouge de l'intrigue principale, une intrigue prenante et qui est parvenue à me chambouler sur son point culminant, alors même que l'intrigue n'était pas si révolutionnaire. Rien que par le rythme de la narration, la montée en tension, l'incroyable travail graphique contrastant le sale et le coloré, le terrifiant et le merveilleux, le voyage de Jenny est à couper le souffle. Autour de Jenny, nous suivons également la vie du reste des habitant-e-s du Cherche Midi, la Monade où elle réside. La doyenne, la cartographe, le tempestaire, ... c'est tout un écosystème qui tente de survivre au sein de ce colosse d'acier. Entre chaque voyage de Jenny les années passent, certain-e-s passager-e-s disparaissent, d'autres les rejoignent, les enfants grandissent et les conflits naissent. C'est par ce monde et cette vie qui continue, en dehors de la froideur du monde et de la méga-corporation, au-delà de l'obsession de Jenny que l'on appuie sa chute, sa lente chute dans une sorte de folie. Ce monde est angoissant, ce monde est mourant, les gens ne savent plus s'il faut garder espoir ou se résigner à un avenir sombre, certain-e-s continuent désespérément d'avancer et d'autres souhaiteraient s'arrêter. Les métaphores foisonnent dans cet album, le récit est riche, l'histoire est prenante et les émotions transmises sont fortes. Permettez-moi de davantage chanter les louanges de Bablet et d'applaudir son travail graphique (j'en profite car bien que j'ai lu d'autres de ses œuvres c'est bien celle-ci que j'avise en premier). Qu'il s'agisse des décors pleins de détails, où tout semble mort (ou mourrant) mais où l'on sent qu'il y a bel et bien eu de la vie autrefois, qu'il s'agisse de l'ajout régulier des notes de Jenny, de ses cartes et des documents qu'elle reçoit qui concrétisent toujours plus le sérieux de ses explorations, ou bien qu'il s'agisse encore de l'excellent travail des expressions, sobres mais animées, qui appuie le drame et la lente progression de la folie de Jenny, c'est du bon, du très bon. Je sais que la manière qu'a Bablet de dessiner les corps humains ne fait sans doute pas l'unanimité mais personnellement je l'ai toujours trouvée magnifique. Ses corps sont déformés, imparfaits (surtout dans ce genre de récit où il s'en donne à cœur joie pour les déformations et mutations), mais il les rend par là-même étrangement humains. Ses personnages sont variés, peu esthétiques selon les standards de beauté conventionnels, mais cet aspect atypique me les rend attachants et réels. Je ne sais pas, j'ai toujours eu un faible pour les styles graphiques où l'on tord un peu les règles anatomiques conventionnelles, où l'on s'amuse à rendre les humains joliment imparfaits. Et si j'aime cet auteur et son travail, je dois bien avouer que ce dernier album me semble être son plus abouti, son plus complet. En tout cas c'est celui qui m'a le plus parlé de ceux que j'ai lus (et pourtant Carbone & Silicium m'avait déjà été un gros coup de cœur à sa sortie). De par ses thématiques et sa narration c'est celui là qui a le plus fait vibrer mon cœur jusqu'à présent. Je ne vais pas ternir sa réputation, l'album est excellent.
Watchmen
Les histoires de superhéros sont comme tout : bonnes ou mauvaises. Mais j'ai toujours eu un problème avec leur aspect esthétique. Cette série, qui n'a rien d'interminable, me réconcilie avec l'aspect esthétique de la chose. Et la BD, c'est quand même aussi de l'image ! J'aime que chaque album se centre sur un personnage sans que cela nuise au fil conducteur d'une histoire à la K Dick vu que les choses ne sont pas ce qu'elles semblent être, complexes, et qu'il est question d'un paradoxal et incertain salut du monde. Les gens qui ne sont pas des héros, l'histoire de pirates lu par un enfant dialoguant plus ou moins avec un vendeur de journaux croisant le psy d'un héros enfermé, tout s'agence parfaitement sans que nul personnage ne soit un simple rouage de l'histoire. Quelle supériorité face au Death Note ! Où il n'y a pas un tel contexte. Et surtout… Si imparfait que soit l'Etat, il existe et la société réprime les crimes. Mais qui, qui pourrait arrêter la guerre mondiale ? C'est là qu'il arrive quelque chose qu'il parait qu'il ne faut pas révéler mais qui place toute l'œuvre sous le signe du vertige, physique, politique et métaphysique. QUESTION : Que seriez-vous prêt à sacrifier pour sauver le monde ? Vous et personne d'autre, car nul ne peut le faire. En un mot comme en cent, irez-vous, irez-vous jusqu'au bout de la logique du sauveur ?
Le Chant de nos pas
Bon, eh bien me voilà confortée dans mon appréciation de l'auteur-ice ! Pas que ses créations soient parfaites, pas que je sois complètement chamboulée à la fermeture de ses albums, mais j'avoue être touchée, sincèrement touchée, à chaque fin de lecture. Ce sont des récits simples mais touchants, au message doux et optimiste quant à l'avenir de la jeunesse. Ici, comme souvent avec K. O'Neill j'ai l'impression, il est question du rapport que l'on a avec les autres. Non seulement il est question de vie en communauté et de la peur de la place que l'on y prend/que l'on aimerait y prendre, mais il est également question d'amour propre et d'épanouissement, un rappel qu'il faut savoir s'aimer soi-même pour pouvoir s'épanouir en société. Le message de fin de Léone le résume bien : "Certaines personnes ne te verront jamais comme tu veux être vu, t'sais ? J'crois qu'il vaut mieux te plaire à toi-même d'abord, et ceux qui t'aiment le verront." Rowan et Léone, nos deux protagonistes, se cherchent, cherchent une place dans leur société. Rowan veut devenir ranger, un-e gardien-ne de la région chargé-e de protéger les population, mais cherche surtout à savoir qui iel est, à l'exprimer aux autres ; Léone est rêveur, timide, souhaite secrètement partager son monde par la musique mais craint le regard des autres. Par un coup du sort iels se rencontrent, se comprennent sans même le réaliser au début et vont se pousser l'un-e et l'autre à s'ouvrir au monde et s'affirmer un peu plus. Rowan, même lorsqu'iel critique l'apparente fainéantise de Léone, ne se moque jamais de lui, et Léone, même lorsqu'il semble désinvolte et tête en l'air, observe et supporte émotionnellement Rowan, l'aidant à enfin à s'affirmer quant à son identité. Le dessin de Kay O'Neill est, comme toujours, très beau. En tout cas il me plait. Qu'il s'agisse de son trait ou de ses couleurs, de ses récits positifs ou de ses personnages aux bouilles expressives, tout me parait si doux. J'ai envie de me blottir sous la couette avec un chocolat chaud. Nul doute que le travail graphique joue beaucoup dans mon appréciation de ses récits, sans doute serais-je moins dithyrambique sans cela. Mais bon, la bande-dessinée est également un art graphique et la forme joue aussi un rôle important dans la qualité d'une œuvre ! Ça me fait presque bizarre de donner un coup de cœur à cet album, après tout La Gardienne des Papillons lu hier soir à peine avait déjà su m'attendrir suffisament pour le valoir et je n'ai pas envie de diminuer la valeur de cette unité de mesure en l'utilisant à tout va, mais je me dois d'être honnête avec mon ressenti : les deux albums, bien que différents, ont su tous deux me toucher par leur message simple sur l'acceptation de soi et l'épanouissement personnel et sur le travail graphique mignon comme tout de l'auteur-ice. Je suis peut être trop dithyrambique, trop positive lorsqu'il est question de ce genre de petits récits rêveurs et positifs comparée à d'autres aviseur-euse-s du site, mais voilà : je suis un cœur d'artichaut. Et puis les coup de cœur n'ont jamais eu à être objectifs ! Coup de cœur. (Note réelle 3,5)
La Gardienne des Papillons
Voilà ! C'est ce genre de petits récits pleins de poésie et au dessin si doux auquel je m'attendais lorsque je me suis essayée aux créations de cet-te auteur-ice ! Il s'agit ici d'un parcours initiatique, de la maturation d'une jeune protagoniste devant apprendre de ses erreurs, devant apprendre à voir au-delà de ses craintes et à parler avec les autres. C'est un joli petit récit, simple dans sa forme et touchant dans son fond. Il est question d'isolement (symbolisé par le désert et le métier solitaire de gardien-ne, mais aussi par la séparation des villages diurne et nocturne), de contact humain (que l'on désire mais que l'on a parfois du mal à obtenir), de peur (symbolisée par la nuit noire), d'espoir (symbolisé par ces papillons que l'on doit guider dans l'obscurité), d'envie d'expérimenter et de découvrir ce qui nous est d'apparence inaccessible (symbolisé par les rêves et peurs de notre protagoniste mais également par la légende de Lioka) et du poids des responsabilités. Les thèmes abordés me parlent et sont suffisamment bien traités ici pour que l'album fasse mouche chez moi. J'aime particulièrement le fait que cette petite communauté semble si idyllique : la population est hétéroclite (divers âges et espèces cohabitent et travaillent ensemble pour le bien être de tous-tes), l'amour et l'affection n'ont aucune barrière sociétale liée au genre des individus, dès lors qu'une personne semble se refermer sur elle-même ou souffrir en silence on essaye de l'aider comme on peut... Bref, il se dégage de ce joli petit village un optimisme et une positivité qui ont su redonner le sourire à l'aigrie semi-misanthrope que je suis. Ce qui a surtout su me toucher dans cet album, au delà du caractère épanouissant du récit, c'est la patte graphique de l'auteur-ice. J'aime son trait crayonné, ses couleurs douces et apaisantes, je trouve son style vraiment beau. Et au delà de ses simples capacités techniques, j'apprécie ses choix esthétiques. Cette culture du désert, ces personnages aux formes animalières, ces jolies légendes et traditions qui donnent du corps à ce monde, cette magnifique idée esthétique d'avoir choisi de représenter en personnage principale une apprentie gardienne/bergère de papillon de nuit, guidant les lumières animées dans la nuit pour assurer la prospérité de son village, tout ça forme un tout si joli, si doux, si poétique, si... mignon ! Oui, c'est mignon comme tout. C'est le genre de récit d'apparence simple mais au dessin si beau qui fait vibrer et fondre mon petit cœur émotif. Le dessin est beau, travaillé même, la symbolique de la lumière et de l'obscurité me parle beaucoup, la culture créée ici est magique (dans tous les sens du terme), que dire de plus si ce n'est que j'ai eu un p'tit coup de cœur (émotive que je suis). (Note réelle 3,5)
Soli Deo Gloria
Avec Soli Deo Gloria, nous avons à mon sens l'album de l'année, avec une qualité d'écriture rarement vue et un dessin prodigieux. Oui, l'histoire est classique, elle commence dans une forêt sombre et inquiétante avec un noir et blanc magistral qui convoque d'emblée nos peurs enfantines, mais débutée comme un conte des frères Grimm illustré à la façon des graveurs du XIXème siècle, elle prend ensuite des accents tragiques qui rappellent l'intensité dramatique d'une oeuvre à la Milos Forman (et son remarquable personnage de Salieri notamment). La symphonie entre l'écriture ciselée de Deveney et le dessin impressionnant d'E. Cour est parfaite ici. Deveney tisse son histoire avec une grande précision à la manière des entrelacs colorés du dessinateur qui rendent les notes musicales audibles et vibrantes. Ce récit fluide aux personnages réellement incarnés, aux paysages variés et somptueux, propose une réflexion très intéressante sur le génie créateur : l'artiste doit-il rendre des comptes ou revendiquer sa force créatrice pour lui seul au risque d'être écrasé, consumé par son propre talent ? S'il doit rendre des comptes, est-ce seulement à Dieu ? Des êtres humains n'ont-ils pas poli ce talent brut ? La recherche du geste créateur pur, parfait, peut-elle s'accompagner d'une quête de sagesse et d'humilité ou doit-elle s'accommoder des éclats, de l'orgueil de l'artiste génial ? Replacé dans le contexte, dans une époque rigoriste où chacun est tenu de respecter son rang et de rester à sa place, ce questionnement spirituel qu'illustre la trajectoire d'Hans et Helma est très beau je trouve. Alors, oui, pour moi, " Soli Deo Gloria " a la beauté et l'éclat d'un grand classique et ce n'est absolument pas péjoratif.
Beastars
Idée formidable, formidablement bien menée. Est-ce exprès ou non ? Le trais un peu doux, dynamique mais avec une certaine retenue me fait penser à l'incertitude régnant entre les personnages. Compassion pour les herbivores risquant d'être mangé, mais tout autant pour les carnis devant lutter constamment contre leur nature ! Série où d'un côté on s'identifie à des animaux, et où c'est la culture, la solution, savoir comment ne pas se laisser aller à sa nature ? Il y a les carni mangeant des œufs ou des insectes, et une sorte de priorité donnée aux herbis suscitant un certains ressentiment chez les carnis, d'autant que certains herbis ne se gênent pas pour prendre les carnis de haut à cause de leur nature prédatrice perturbant parfois la société par des crimes retentissant, ou s'exprimant plus discrètement dans le marché noir. Si tous les personnages sont intéressants, il faut noter le Cerf, le Loup et la Lapine petite amie du loup.
Macbeth (Brizzi)
Bon, je ne connaissais pas ce duo d'artistes, je n'ai jamais lu aucune de leurs oeuvres, et pourtant les astres se sont alignés, très récemment, pour que je m'y penche. Quai des Bulles 2025, mon père me mentionne en passant entre deux marées humaines qu'il aurait aperçu Brizzi en train de faire des dédicaces quelques stands plus loin. Le nom ne me dit rien, j'ai déjà fait la queue pour quelques dédicaces m'intéressant et mon porte-monnaie me fait la gueule suite à tous mes achats, je n'y prête donc pas vraiment attention. Pourtant, miracle, coup du sort, je tombe sur cette couverture. Une Lady Macbeth au visage fantômatique, dans un dessin crayonné des plus magnifiques, se tient devant moi. Le dessin est saisissant, l'expression de son visage est magnifique et terrifiant en même temps, je me revois immédiatement relire Macbeth lors de ma fin d'adolescence et me rappelle avec plaisir toute la puissance de cette histoire. Ni une, ni deux, j'ai acheté l'album (au diable mes économies). Si j'ai craqué, c'est avant tout pour l'oeuvre d'origine. Macbeth est une pièce mythique, non seulement parce que réputée immontable (de par sa complexité) mais également car son récit est à la fois simple et finement construit. Comme souvent chez Shakespeare, il est question de pouvoir, de mort, de mort pour le pouvoir et surtout d'une bonne couche d'ironie tragique. Les époux Macbeth, dans leur soif de pouvoir, font couler le sang à ne plus savoir s'arrêter, à ne plus pouvoir cesser de voir ce maudit liquide écarlate partout où iels passent. C'est une histoire sur l'ambition dévorante, les consciences maudites suite à des actes ignobles et surtout sur une lente descente en enfer. Mais surtout, c'est une histoire de sorcières. Si la pièce m'avait tant marquée depuis ma lecture, au delà de sa dimension tragique, c'est le rôle on ne peut plus marquant de ce groupe de sorcières qui, par leurs mots toujours si minutieusement choisis, manipulent les fils du destin et poussent chacun des personnages vers un destin funeste qu'elles leur ont choisi. À chacune de leurs rencontres (oui, dans l'album il n'y en a que deux mais je crois vaguement me souvenir d'une troisième) elles prononcent le moindre de leurs mots avec une maîtrise glaçante de la situation. Dépendant de qui est présent ou non, de ce qu'ont déjà fait les personnages ou non, elles ne révèleront pas les mêmes choses. Elles poussent par leurs prophéties macabres les époux Macbeth à commettre l'irréparable. Et pourtant rien ne les forçaient vraiment à tuer le roi ou à déclarer la guerre, rien ne les empêchait d'ignorer cette prophétie. Si les sorcières sont les metteuses en scène de ce récit macabre, les Macbeth sont les acteur-ice-s, celleux qui font l'action, celleux qui choisissent, et malheureusement iels ne parviennent pas à sortir de la trame dans laquelle iels se sont engouffrés. Mais trêve de louanges pour l'oeuvre d'origine, il est question ici d'adaptation. Le théâtre étant un art corporel, vivant, la plus grande prouesse à mes yeux de cet album c'est à quel point les deux auteurs sont parvenus à retransmettre cette vie par le dessin. Qu'il s'agisse des visages, de ces expressions saisissantes qui m'ont frappée dès la couverture, qu'il s'agisse de ces décors pleins de détails, de ce travail magnifique des ombrages et cette retranscription très jolie des paysages écossais, chacune des illustrations m'a paru valoir que je m'arrête quelques minutes pour l'étudier. Vraiment, le travail graphique des deux auteurs est une pépite. Je ne les connaissais pas avant mais je vais dès à présent garder leur nom en tête. J'ai particulièrement aimé les moments de visions. Qu'il s'agisse des hallucinations des époux lorsque ceux-ci sombrent dans la folie ou bien des invocations fantômatiques des sorcières, ces brèves apparitions de variations de rouge et d'orange, rappelant le sang, rappelant la colère des morts, créent à chaque fois des moments saisissants. Un défaut cependant (oui, toute dithyrambique que je suis je n'en reste pas moins une conne aigrie) : le tour m'a semblé un tantinet trop rapide. Oui, avec une telle qualité graphique je sonne sans doute comme une enfant pourrie gâtée si je dit qu'ils "auraient quand-même pu en faire un peu plus", mais je n'aurais pas dit non à ce que l'on s'arrête davantage sur certains passages, que l'on n'iconise pas plus que ça certains moments pourtant légendaires (le monologue final de Lady Macbeth pour ne citer que le plus connu). Certains événements s'enchaînent un peu vite et je ne sais pas si des lecteur-ice-s ne connaissant pas antérieurement la pièce comprendront certaines subtilités du texte (comme le fait que la descendance de Banquo deviendra la nouvelle lignée royale alors que son fils ne termine pas couronné). Un petit défaut, une infime complainte aux yeux de certain-e-s, mais j'avoue qu'avec une forme si magnifique cette petite craquelure sur le fond me parait bien dommage. Mais ce défaut mis à part, l'oeuvre reste finement travaillée. Pas loin de valoir la note maximale dans mon cœur, même. Non, vraiment, je ne regrette pas mon achat.
La Philosophe, le Chien et le Mariage
Le dessin très épuré, quasi comique de la couverture a tout de suite attiré mon regard. Le sujet, puis le feuillage ensuite, m'ont convaincu d'acquérir cet ouvrage et je ne le regrette pas. C'est frais, c'est clair, c'est édifiant (dans le sens premier du terme). On en apprend beaucoup sur cette jeune Hipparchia, issue d'une famille de riches marchands de Maroneia, qui est promise au mariage. Sur sa vie, ses questions, ses combats, ses désirs. On sent, et elle l'explique très bien en fin de volume, que les 5 ans de recherche de l'autrice n'ont pas été menées en vain. J'ai dévoré cette bd en moins d'une heure et je compte bien y revenir dans quelques jours pour en savourer la sagesse. Cela m'a replongé dans mes lectures adolescentes -tardives- (Sénèque, Platon, Épictète, Aristote et consorts). Mais cela serait minimiser la portée de cette bd que de la résumer à un traité de philosophie ou à un recueil de pensées. Sous nos yeux se déroule la vie d'Hipparchia avec ses échos modernes, ses interrogations et ses réflexions intemporelles (n'est-ce pas la force de la philosophie antique ?). Un véritable coup de coeur pour un sujet encore trop peu répandu : "les femmes remarquables" (bon, j'exagère, ça avance mais beaucoup d'entre elles mériteraient une plus grande visibilité).