Les derniers avis (14 avis)

Par Cacal69
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Knight club
Knight club

Un premier tome qui fait bien plus que planter le décor, le XIIe siècle au Proche-Orient, au temps des croisades. La Chevalerie estoye : - moult belles paroles - un brin de bravousre - et à la fin tu mourroye. du Guesclin Séraphine, une femme de caractère, est forgeronne, elle prend la direction de Jérusalem pour recruter des mercenaires afin de protéger son village des croisés. Elle va en recruter sept, évidemment la référence aux Sept Samouraï d'Akira Kurosawa saute aux yeux, ils sont de cultures et d'horizons différents et c'est cette diversité qui apporte du piment au récit. Ce casting aux petits oignons m'a plongé dans une aventure épique et comique tout en mettant un taquet aux religions (elles sont à l'origine de nombreuses atrocités), et particulièrement au catholicisme, extrait : "... le croisé est content de mourir. Que ce soit au combat ou en ayant la chtouille, il aura gagné sa place au paradis. Et tout lui sera pardonné. Absolument tout.". L'intrigue suit le déroulé du film dont il s'inspire, pas de véritables surprises donc. Séraphine et nos sept mercenaires sont attachants et bien plus complexes qu'on pourrait le croire. Un petit zoom sur Galcerand, une sorte de clone de Don Quichotte. Un récit chevaleresque et captivant qui retranscrit cette période historique sur un ton décalé avec cette ambiance burlesque et sanglante. Le rythme est maîtrisé, équilibré et accompagné de dialogues qui font mouche. Cet album est une ode à la fraternité et à la diversité. Un plaisir de lecture qui est accentué par ce visuel stylisé hyper dynamique et rehaussé par un choix judicieux des aplats de couleurs. L'ambiance ainsi créée est en symbiose avec le ton décalé du récit. Une mention spéciale pour la variété des designs des personnages. Et pour enfoncer le clou, la mise en page et les cadrages spectaculaires en mettent plein la vue. Superbe ! Bravo monsieur Arthur De Pins. Vivement le second et dernier tome. Coup de cœur.

11/12/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Le Photographe
Le Photographe

Le photographe est sans conteste l'une des meilleures BD qu'il m'ait été donné de lire à ce jour. Je me suis enquillé les trois tomes tel le goinfre. Pourtant, l'idée de mêler photographies et dessin ne m'enchantait pas plus que ça, mais il y a un vrai jeu avec les clichés. Certains sont biffés, comme recalés, d'autres arrivent comme un contrepoint, ou comme une formidable ouverture. C'est génial. Le dessin est top. le récit tout autant. On apprend des trucs incroyables qui cassent les clichés et les idées reçues. Et c'est une histoire vraie ! C'est une des rares BD pour laquelle j'ai consenti à faire l'acquisition d'une version luxueuse avec tirages de photos et coffret... Depuis, Emmanuel Guibert occupe une bonne place dans mon panthéon personnel.

11/12/2025 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série L'Héritage fossile
L'Héritage fossile

C'est un peu dur pour moi d'écrire un avis positif parce que je ne sais pas quoi ajouter de plus à ce qui a déjà été écrit. Cela va donc être un avis assez court. Le récit traite de thèmes actuels que j'ai déjà lus au moins une bonne douzaine de fois en BD, mais le traitement est tellement original que cela ne m'a pas gêné. Non seulement le scénario est prenant, mais il est aussi très surprenant. Je ne savais jamais ce qui allait se passer ensuite. La fin est à la fois surprenante et logique. En fait, tout le récit est bien construit du début jusqu'à la fin. Le caractère des personnages est bien défini et ils se complètent bien. Le dessin est pas mal non plus. J'ai bien hâte de voir les prochaines productions de cet auteur très talentueux !

11/12/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Little Nemo in Slumberland
Little Nemo in Slumberland

Une merveille ! Comment le dessin ornemental ne nuit pas à l'action, une unité d'histoire à une page à l'histoire ! Le petit garçon est assez passif au début, de sorte qu'on s'identifie tous à lui, il est Nemo. Mais ensuite, il s'individualise, et rencontre bien des personnages et des lieux inoubliables. Même le lit est un personnage dans la mesure où il marche, vole, est assailli par les flots ! Et quelle bonne idée que la menace d'être réveillée à cause de Flip, le neveu du soleil destructeur de rêve. Et comme la famille de Némo est rassurante. On a des démons, des merveilles, des émotions et une mère pour être rassuré. Une lecture pour tout âge pour prendre le large. Si je pouvais, je mettrais deux cœurs. Eh oui, pour compenser les avis peu enthousiastes d'autres ! Quand l'art le plus avancé d'hier reste d'avant garde tout en respectant les fondamentaux tels que de trouver le rêveur dans le lecteur, on a un classique qui pétille. A remarquer que la fille du roi Morphée ne manque pas de personnalité, et qu'il arrive que le dessin se dévore lui-même. Bonne lecture, et plus important encore, bons rêves à tous !

10/12/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série L'Odeur du fer
L'Odeur du fer

Globalement, je suis du même avis que Canarde, sans compter qu'à moi aussi, L'odeur du fer a rappelé bien des références dont Christopher Hittinger et Joe Daly (Dungeon Quest) sont les principales. Mais le charme de cette BD a su produire chez moi un effet narcotique certain. Même ses défauts m'ont séduit, c'est dire... Tout d'abord, il y a l'édition en elle-même : le format est agréable, tout comme cet effet Grip quand on l'empoigne. M'est avis que ça ne doit pas être super écolo, mais bon, si on compare l'industrie BD à celle de la bagnole, y a point photo ! La couverture est très chouette : effet métallique du titre légèrement gaufré, couleurs chatoyantes. Et bien entendu, c'est le dessin la raison principale de ma satisfaction. Il est plein de finesse. Le mélange des genres ne m'a absolument pas perturbé, bien au contraire. J'ai trouvé ça vraiment original, ce qui m'a d'ailleurs rappelé une autre BD : Les derniers jours d'un immortel. Oui, ce dessin est plein de charmes avec son petit côté indé : finesse des traits je le disais, mais aussi justesse des pauses, expressions des visages dont les formes sont quelquefois à la limite de l'abstraction, détails des paysages ou des contextes urbains, quand il faut, où il faut, sans écraser les cases, juste ce qu'il faut pour générer une ambiance forte... Bref : c'est frais comme un gardon. Le scénario est bien et dit quelque chose de notre époque, surtout dans sa conclusion (mais chuuuuutttt). On pourra aisément formuler des griefs concernant les situations qui se dénouent parfois trop rapidement (la rencontre avec le mage), ou bien contre certains événements peu voire pas expliqués du tout, au risque de rendre l'histoire un brin opaque (on ne saura pas grand chose du réveil du fameux démon...). Mais c'est aussi ce qui fait la force de cette histoire : on est avec les protagonistes, on suit leurs aventures qui percutent parfois les événements (la "Grande Histoire" dirait-on d'une BD historique), mais les personnages s'efforcent de tracer leur propre chemin (ce qui est une philosophie de vie à laquelle je suis très sensible). Enfin, j'aime les personnages Ambre et Elaine, originaux à souhait. J'aime les questionnements d'Elaine, questionnements qui la conduiront à l'émancipation de ses maitres et de la guilde à laquelle elle appartient. Un coup de cœur n'est pas nécessairement une œuvre parfaite, mais il est coup de cœur parce qu'il sait toucher une part intime en soi. Alors oui, je crois pouvoir dire que L'odeur du fer est un coup de cœur.

10/12/2025 (modifier)
Par karibou79
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Lozère apocalypse
Lozère apocalypse

Alors là, j'ai été surpris. En feuilletant très rapidement (pour ne pas me spoiler moi-même), j'avais la sensation que c'est un ersatz post-apo de Les Légendaires et de survival façon Seuls : des personnages très sérieux dans un univers enfantin mais avec leurs traits de caractère bien tranchés, dans un univers laissant présagé des surprises régulières. Alors effectivement les caractères kawai sont stéréotypés et les surprises sont régulières. Mais des stéréotypes plus contemporains: l'otaku, la révoltée, l'influenceuse... et les surprises ne sont pas tant dans les gros changements de direction mais dans la manière : est-ce une oeuvre à destination de jeunes-jeunes ou de jeunes adultes? Car ça défouraille parfois sérieusement! Avec des scènes bien appuyées sur l'addiction, le racisme etc. Ca défouraille mais parfois dans la bonne humeur, on croit voir des Kenny de South Park partout: il/elle est supposé mourir/être mort? Pouf-pam, le revoilà comme dans un serial de Batman des 60s. Et ces fiches de personnages de début de chapitre, un régal; et intéressantes à relire au fil de l'histoire. Bien que les objectifs des différents personnages peuvent alourdir la compréhension, je trouve que la trame globale reste claire mais si elle est parfois tirée par les cheveux. De beaux clins d'oeil à de grandes oeuvres comme Akira comme exemple le plus voyant, des petites private jokes casées discrètement entre 2 cases, beaucoup de petites choses incitent à la relecture et rendent le prix d'autant plus attraant. Pour le dessin dynamique, la colorisation poussée mais évitant le flashy, les décors, les couvertures façon Mutafukaz, je dis oui, c'est pétillant et agréable à lire, on a tous passé de bons moments en compagnie de ces pauvres alevins.

08/12/2025 (modifier)
Couverture de la série Le Château des Animaux
Le Château des Animaux

Quand j’ai ouvert le premier tome du Château des Animaux, j’ai senti immédiatement que j’entrais dans une œuvre rare. J’ai acheté les quatre tomes en édition luxe, et dès les premières pages, j’ai compris que j’avais entre les mains quelque chose d’exceptionnel. C’est beau, c’est intelligent, c’est puissant. On sent évidemment l’inspiration de La Ferme des animaux d’Orwell, mais jamais comme une copie : ici, c’est une réinterprétation sensible et moderne, une fable politique qui prend sa propre ampleur. Ce qui m’a frappé en premier, c’est l’atmosphère. On est plongé dans un château sombre, oppressant, où les animaux sont soumis à un régime brutal mené par un taureau tyrannique. Et pourtant, au milieu de cette noirceur, une petite lueur persiste : celle de l’espoir, fragile mais tenace. J’ai ressenti une empathie immense pour Miss Bengalore et les autres animaux qui rêvent de liberté. Le récit parle de courage, de révolte, mais surtout de résistance non violente. Et ça, je ne m’y attendais pas. Cette approche apporte une profondeur incroyable : on ne suit pas juste une lutte, on suit une philosophie. Les dessins, eux, m’ont laissé bouche bée. Les planches sont d’une finesse incroyable, chaque animal a une expression presque humaine, un regard chargé d’émotion. Les ambiances sont sublimes : les jeux d’ombre, les lumières, la texture des fourrures, même les silences semblent dessinés. À plusieurs moments, j’ai dû m’arrêter juste pour contempler une page. Félix Delep livre un travail qui, franchement, mérite d’être vu en grand format – d’où mon immense satisfaction d’avoir choisi l’édition luxe. Et puis, au-delà de l’esthétique, cette BD fait réfléchir. Beaucoup. Elle parle du pouvoir, de la peur, des masses qui se résignent, du courage de quelques-uns qui refusent d’abandonner. Elle m’a rappelé que les révolutions ne commencent pas toujours avec des cris, mais parfois avec un geste simple, un refus, un sourire, une main tendue. En refermant le quatrième tome, j’ai ressenti un mélange d’admiration et de mélancolie. Cette série, pour moi, c’est un 5/5 impeccable : une œuvre riche, humaine, magnifiquement dessinée et profondément inspirante. Le genre de BD qu’on relit, qu’on montre, qu’on conseille et qu’on garde précieusement dans sa bibliothèque.

07/12/2025 (modifier)
Couverture de la série Dans la tête de Sherlock Holmes
Dans la tête de Sherlock Holmes

J’ai découvert Dans la tête de Sherlock Holmes grâce au coffret qui réunit les deux premiers tomes, accompagné des tickets en version physique. Rien que l’objet en lui-même m’a donné envie de me plonger dans l’univers : le coffret est beau, soigné, et les petits éléments supplémentaires renforcent vraiment l’immersion. Même sans encore avoir lu Le cauchemar du Loch Leathan, j’ai tout de suite senti que j’allais entrer dans un projet éditorial qui ne fait pas les choses à moitié. Dès les premières pages, j’ai compris que cette série n’avait rien d’une simple adaptation de Sherlock Holmes. Ce que j’ai adoré, c’est la manière dont les auteurs nous font littéralement entrer dans la tête du détective. Je n’ai pas seulement suivi une enquête ; j’ai eu l’impression de visualiser son raisonnement, ses associations d’idées, ses intuitions. Les pages se transforment en espace mental, et j’ai trouvé ça à la fois original, intelligent et terriblement immersif. Graphiquement, j’ai été bluffé. Les planches sont inventives, parfois foisonnantes, parfois presque labyrinthiques, mais toujours cohérentes avec l’idée de nous montrer le fonctionnement interne de Sherlock. J’aime les BD qui essaient de nouvelles choses, et ici, chaque détail compte. J’ai passé du temps à observer les cases, à revenir en arrière, à apprécier les trouvailles visuelles. On sent un vrai travail artistique derrière chaque page, et ça m’a accroché du début à la fin. Si je mets 4/5 au lieu de 5/5, c’est parce que parfois, justement, la lecture demande beaucoup d’attention. Ce n’est pas une BD que l’on feuillette distraitement. Certaines pages sont tellement riches que j’ai dû m’arrêter plusieurs fois pour être sûr de ne rien manquer. Ça m’a plu, mais je peux comprendre que ça puisse freiner certains lecteurs. Et même si l’enquête est bien menée, ce n’est pas la partie qui m’a le plus marqué : ce sont vraiment l’ambiance, la créativité et la plongée dans le mental de Sherlock qui font la force de ce diptyque. Au final, j’ai passé un excellent moment. Ce coffret m’a permis de découvrir une BD à la fois élégante, inventive et intelligente, qui se distingue des autres adaptations du personnage. Je suis vraiment content de m’y être intéressé, et je recommande sans hésiter

06/12/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Mediator - Un crime chimiquement pur
Mediator - Un crime chimiquement pur

Depuis 1987, ils voient arriver un nombre croissant d’HTAP qui ont toutes pris le comprimé miracle. - Ce tome constitue une histoire indépendante de toute autre qui ne nécessite pas de connaissance préalable. Son édition originale date de 2023. Il a été réalisé par Éric Giacometti & Irène Frachon pour le scénario, et par François Duprat pour les dessins, par Paul Bona pour les couleurs. Il comporte cent-quatre-vingt-six pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec un texte introductif de deux pages, rédigé par les scénaristes, évoquant leur rôle dans cette affaire, et leurs objectifs : Témoigner de la souffrance indicible des victimes, mettre en lumière le rôle de Jacques Servier, le poids de ses réseaux, de son entregent, de sa gestion paranoïaque et mégalomane de sa maison. Ils expliquent que toutes leurs sources sont vérifiables, les milliers de pages des actes du procès au pénal, ainsi que les récits précis des victimes et d’Irène, les ouvrages écrits par Servier lui-même, etc. L’ouvrage se termine avec la liste des victimes et malades de la norenfluramine, la présentation de la pétition pour retirer à Jacques Servier et à titre posthume la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur. Puis viennent un schéma présentant la chronologie d’un scandale sanitaire qui dure depuis soixante ans, la copie de l’ordre écrit de dissimuler, la formule de la molécule tueuse, quelques chiffres à propos des victimes du Mediator, ainsi que le destin des autres médicaments de Servier. Histoire de Pascale : une mort d’apparence inexpliquée. Lisa est réveillée en pleine par un cri de sa mère Pascale à l’étage. Son père lui dit qu’il est en train d’appeler les secours. La jeune femme décède avant l’arrivée des pompiers qui ne peuvent la réanimer. Certificat du médecin légiste : Pascale, 51 ans, est décédée d’une insuffisance cardiaque aiguë, cause inconnue. Sur sa table de chevet : une boîte de Mediator. Partie un : alerte à Brest ! Corsen, dans le pays de Brest, en février 2007, la famille Frachon se détend sur une plage. Irène lit un ouvrage intitulé : Maigrir, l’arme absolue. Elle estime qu’elle a cinq kilos de trop. Elle ajoute à destination de son mari, que le lendemain elle voit une patiente qui en pèse cent-trente. Le lendemain à l’hôpital de la Cavale Blanche à Brest, la docteure indique à une infirmière qu’elle monte voir une patiente HTAP envoyée par les collègues de Saint-Brieu. Depuis qu’ils sont labellisés Centre de compétence régional, les autres hôpitaux les leur adressent. L’avatar d’Hippocrate intervient pour expliciter l’appellation HTAP : C’est un acronyme qui désigne une sale maladie. HTAP veut dire HyperTension Artérielle Pulmonaire. En clair, le calibre des artères pulmonaires se rétrécit. Le cœur pousse plus fort et augment la pression pulmonaire. Une maladie rare, quelques cas par million d’habitants, mais mortelle par épuisement du cœur. Irène rentre dans la chambre de Joëlle, 52 ans, hospitalisée en pneumologie. Elle lui demande si elle suit un traitement particulier. La patiente désigne de l’index sa table de chevet : elle a un tas de médicaments, elle les a apportés avec elle. Irène remarque immédiatement une boîte de Mediator. Joëlle lui explique qu’elle le prend pour son diabète. Irène lui indique de le mettre de côté. Un ouvrage sérieux et crédible : Irène Frachon, la coscénariste, est la lanceuse d’alerte dont les actions ont initié le scandale du Mediator. Il s’agit d’une affaire sanitaire et judiciaire ayant causé la mort de 1.500 à 2.100 personnes en France suite à la prise de ce médicament, concernant les personnes victimes de la prise de benfluorex, commercialisé sous le nom de Mediator par les laboratoires Servier de 1976 à 2009, sans compter celles qui souffrent des conséquences des effets secondaires. Elle est également docteure en médecine, spécialisée en pneumologie. Le lecteur sait donc qu’il s’agit d’un ouvrage à charge, d’autant plus que les laboratoires Servier ont été condamnés en appel en décembre 2023 à une amende de 8,75 millions d’euros, et condamnés en plus pour escroquerie, raison pour laquelle ils doivent rembourser aux organismes sociaux et mutuelles 415 millions d'euros. Éric Giacometti avait travaillé sur l’affaire de santé publique concernant l’Isoméride quelques années plus tôt quand il était journaliste au Parisien. En outre, les auteurs mettent en scène un avatar d’Hippocrate qui vient exposer des éléments d’information nécessaires : sur les laboratoires Servier, sur Jacques Servier (1922-2014) lui-même, sur la valvulopathie, les amphétamines, le Redux, l’Afssaps, l’étude cas-témoin, etc. Rapidement, les inquiétudes du lecteur disparaissent : la lecture s’avère facile et agréable, sans rien sacrifier à la rigueur et à la précision. Tout en ayant conscience de connaître la fin de l’histoire, il éprouve de l’admiration pour la lanceuse d’alerte, s’inquiète pour elle, prend les revers de plein fouet comme elle (quand elle se heurte à la puissance des laboratoires Servier représentés par des avocats compétents à leur solde), et s’indigne, voire s’insurge, devant les différentes formes d’injustice. Les victimes de ces deux médicaments bien sûr (Isomérie, Mediator), la manipulation orientée des faits par les laboratoires Servier, la faiblesse des pouvoirs publics face à la puissance économique de cette firme, l’efficacité du lobbying favorisant la collusion d’intérêts entre les laboratoires et quelques politiques dont un président de la République très reconnaissant. Le récit prend la forme d’une véritable aventure d’un individu contre une puissance écrasante, un combat disproportionné pour, littéralement, sauver des vies humaines, pour faire cesser la diffusion d’un poison (Norfenfluramine, nom de code S585) trouvant sa source au XIXe siècle et largement employé par les gouvernements durant la seconde guerre mondiale. Malheureusement, cela ne relève pas d’une fumeuse théorie du complot créée pour son potentiel divertissant. Dès le début, cet ouvrage se lit comme une vraie bande dessinée : les quatre pages montrant la mort inexpliquée de Pascale avec le présage de la présence de cette boîte de Mediator. Puis la docteure Frachon se rend au chevet d’une de ses patientes et la questionne sur ses différents traitements. Les auteurs ont bien pris soin d’écrire pour ce média, par opposition à un texte tout prêt confié à un dessinateur, avec bonne chance à lui pour imaginer des dessins qui ne soient pas redondants avec le texte. Ainsi le lecteur découvre des séquences sur plusieurs cases ou plusieurs pages : outre la visite à la malade Joëlle, un cambriolage nocturne dans le Montreal Jewish General Hospital, une scène de réception dans l’hôtel particulier de Servier à Neuilly, la première présentation, très décevante, de la docteure devant un petit groupe de travail de l’AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé), un atroce face à face entre la docteure et ses compagnons d’alerte devant l’équipe de pharmacovigilance de Servier avec les avocats de la firme, le malaise de Cathy lors de l’ascension du mont Sinaï, etc. Les dessins appartiennent à un registre réaliste et descriptif, avec un degré de simplification significatif, qui les rend immédiatement lisible. La majorité des personnages apparaissent sympathiques, et normaux, à quelques exceptions près comme Jacques Servier lui-même, ou l’avocate maître Nathalie Carrère. Le lecteur se rend compte de la qualité de la narration visuelle en constatant que l’artiste sait rendre visuellement intéressant la docteure en train de faire des recherches sur ordinateur, action pourtant peu dynamique. Tout du long de l’ouvrage, le dessinateur met en œuvre des constructions et des outils graphiques très diversifiés, s’adaptant à chaque propos. Il sait utiliser des représentations anatomiques en les simplifiant sans les dénaturer (par exemple pour expliquer l’HTAP). Il s’amuse avec Hippocrate qui ouvre un livre duquel sort une licorne et une sorcière. Parmi les multiples idées visuelles : les différents sites de Servier comme des cartes postales (Tiansin, Maroc, Jacarepagua, Sopayno), Éric Giacometti faisant son entrée en scène en ouvrant un rideau de théâtre, la représentation spatiale de la molécule d’amphétamine, le médecin de la Sécu au milieu d’une pièce dont les murs sont tapissés d’écrans d’ordinateur, sans parler des accessoires de Jacques Servier en fonction de la situation comme un casque militaire ou une batte de baseball. La lecture s’avère donc facile et agréable, souvent ludique, les auteurs suivant une narration chronologique, avec des apartés ou des développements en fonction des informations nécessaires. Le lecteur revit le parcours de la lanceuse d’alerte avec le bénéfice de la connaissance de l’issue de l’affaire. Il peut ainsi mieux mesurer le rapport de force disproportionné entre elle et la firme Servier, les risques pris et les doutes tout naturels, l’inertie des structures, que ce soit du fait de leur faible effectif, des doutes et des précautions légitimes ou non, des enjeux économiques, de l’efficacité professionnelle des équipes des laboratoires Servier qui allouent un budget et des moyens à la hauteur des enjeux financiers pour eux. Il se retrouve partagé entre l’admiration pour les médecins compétents, les journalistes efficaces, et l’horreur du peu de cas qui est fait des vies humaines en jeu dans l’inertie des réactions. Ce témoignage de première main est aussi admirable pour l’engagement des personnes concernées, qu’édifiant quant au parcours du combattant à traverser, et une démonstration exemplaire de ce que valent les vies humaines face au profit. L’affaire du Mediator : le lecteur peut appréhender un ouvrage aride et compliqué, il découvre une histoire prenante et passionnante, facile d’accès. Il sait qu’il bénéficie d’un témoignage de première main, celui de la lanceuse d’alerte elle-même. La narration visuelle s’avère inventive et au service du récit, efficace et diversifiée. Les auteurs présentent clairement l’ampleur de l’escroquerie criminelle perpétrée par les laboratoires Servier et son propriétaire. Éclairant.

06/12/2025 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Criminal
Criminal

Je viens de relire les 7 tomes de cette série, 18 ans après l’avoir découverte… 18 ans durant lesquels j’ai lu bon nombre de polars, sans jamais trouver mieux dans le genre. Le duo Brubaker / Phillips nous propose une série dans la pure tradition des polars noirs américains. Des flics pourris, des trafiquants de drogue tarés, des fusillades… et au milieu de tout ça, des personnages attachants à la personnalité bien développée, comme on en voit rarement dans la BD franco-belge. Les intrigues sont prenantes, bien construites et parfaitement narrées, et varient suffisamment d’un tome à l’autre pour éviter la monotonie. Après, c’est sûr, il faut se faire au dessin typé comics, ce n’est pas du Blacksad… je note d’ailleurs que les 2 seuls posteurs ayant mis 3/5 à ce jour ont eu un blocage à ce niveau-là, ce que je comprends tout à fait. Moi, je trouve le dessin super efficace, et parfait pour représenter la noirceur de l’univers de Crminal. Une superbe série, sans doute la meilleure dans le genre « polar noir ». Je vous conseille aussi tous les spin-off – voir notre thème. Vivement la série télévisée !

29/02/2008 (MAJ le 05/12/2025) (modifier)