Mais la tentation était telle qu'elle finit par vaincre toute crainte.
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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il s'agit d'une adaptation en bande dessinée du roman L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde (1886), Robert Louis Stevenson (1850-1894), réalisée par Lorenzo Mattotti, dessins et couleurs, avec l'aide de Jerry Kramsky pour le scénario. Elle comporte soixante-deux pages de BD. L'ouvrage commence par la dédicace de l'artiste à Alberto Breccia (1919-1993). Il se termine avec une postface illustrée, de six pages, écrites par Michel Archimbaud, et cinq pages d'esquisses.
L’ombre déformée et agrandie d’Edward Hyde se projette sur les murs des rues, alors qu’il court dans la nuit. Dans le même temps, Harry Jekyll se dit qu’il ne ressent qu’horreur, horreur pour ce terrible lien, avec cette espèce d’animal. Il les perdra. Ils sont pareils à des bêtes féroces, dans des labyrinthes toujours plus vastes. Alors que Hyde marche d’un bon pas avec sa canne, une jeune femme marche vivement sur le trottoir perpendiculaire, des pas innocents dans le brouillard, un corps plein d’énergie vitale dans un guet-apens. Elle arrive au coin et le corps massif de Hyde lui barre le chemin. Elle lui demande de la laisser passer, car son père ne va pas bien et elle doit aller chercher le docteur. L’autre en profite, voyant qu’on l’a envoyée toute seule. Il la saisit par les cheveux, et commence à lui asséner des coups avec sa canne, puis il la piétine. Des passants voient la scène et le reconnaissent pour un monstre. Hyde prend la fuite, pendant les gens entourent la jeune fille à terre, atterrés par ses blessures, faisant appeler un docteur. Enfin Hyde rejoint la demeure de Jekyll et il s’enferme dans son laboratoire, mais les bruits ont été entendus par Poole, le majordome de Jekyll. Il appelle le notaire Gabriel John Utterson en lui demandant de venir.
C’était un soir glacial et venteux de mars, avec un maigre croissant de Lune couché sur le dos, comme renversé par le vent dans une fuite de nuages effilochés et diaphanes. Utterson ne se rappelait pas avoir jamais vu ce quartier de la ville aussi désert. Mais à cet instant, il eut désiré le contraire. Jamais dans sa vie, il n’avait ressenti un aussi profond besoin de ses semblables, de les avoir visibles et tangibles autour de lui, car malgré tous ses efforts, il ne parvenait pas à se débarrasser d’un accablant pressentiment de malheur. Le notaire arrive au domicile de Harry Jekyll et frappe à la porte. Poole lui ouvre et lui explique qu’il y a quelque chose qui ne va pas, qui ne tourne pas rond. Il pense qu’il y a eu un meurtre. Il prend le manteau d’Utterson et il le prie de le suivre. Ils sortent dans la cour et se rendent au bâtiment abritant le laboratoire du docteur. Poole frappe à la porte annonçant le notaire, et une voix à l’intérieur crie qu’il ne veut voir personne. Utterson trouve la voix du docteur changée. Poole renchérit qu’elle est plus que changée, qu’il n’a pas passé vingt ans dans cette maison pour ne pas savoir la reconnaître, et ce n’est pas celle de son maître. De même il lui demande d’écouter les pas qui se font entendre, et ce ne sont pas ceux de son maître. Utterson en convient : ils sont étrangement agiles et légers. La conclusion s’impose : monsieur Hyde fréquente encore cette maison.
Plusieurs choses ont pu attirer le lecteur : le plaisir de découvrir ce roman classique sous la forme d’une bande dessinée, ou le plaisir de découvrir une interprétation visuelle d’une histoire qui lui tient à cœur s’il la connaît déjà, ou encore un amour de la narration visuelle de l’artiste. Celui-ci a marqué le monde la bande dessinée, avec des ouvrages comme Feux & Murmure , respectivement parus en 1984 et 1989, le second réalisé avec Jerry Kramsky (nom de plume de Fabrizio Ostani). Il a donc choisi d’adapter un célèbre roman avec l’aide d’un coscénariste. En fonction de sa familiarité avec l’œuvre originale, le lecteur peut déceler quelques différences. Le début commence avec Hyde, et non pas avec Utterson et Richard Enfield, suivi par un retour en arrière. Les auteurs rendent plus explicites les relations de Hyde avec les femmes, avec la mise en scène de plusieurs dont Frau Elda, et quelques prostituées. Il y a donc bien adaptation, et le résultat relève de la bande dessinée, et non pas du texte illustré, même s’ils ont conservé une partie du flux de pensée de Jekyll, dans des cartouches apposés dans certaines cases.
Dès la première page, le lecteur retrouve l’usage de couleurs vives par l’artiste, sa marque de fabrique depuis Feux (Mattotti). L’ombre de Hyde, d’un noir dense, est d’autant plus monstrueuse qu’elle contraste fortement avec un rouge intense ou un orange soutenu. Ces teintes vives peuvent se comprendre comme l’expression des émotions qui animent les individus vivant dans la cité, et les plus vives peuvent aussi s’envisager comme étant les émotions paroxystiques bouillonnant au sein d’Edward Hyde, des pulsions d’une force indicible, sans aucune retenue, nullement sublimées, animales. Il se souvient de la déclaration d’intention et du credo de l’artiste exprimé par le personnage d’Absinthe dans Feux. Les couleurs sont autant de feux dans le noir qui échauffent l’esprit, et cette nuit-là il passe de l’autre côté, dans une région où les choses sont comme on les sent. Absinthe avait tué pour défendre ses émotions et il était incapable de distinguer la raison de l’instinct. La nouvelle façon de voir les choses par Absinthe va provoquer la ruine de ses coéquipiers, et les couleurs le brûlent toujours plus. Dans cette adaptation, les couleurs remplissent la même fonction : elles constituent les signes des émotions, de ces forces de vie qui animent littéralement l’être humain. Le lecteur peut voir les couleurs les plus vives comme le reflet de l’intensité terrible des émotions de Hyde. Il peut voir les couleurs un peu moins soutenues comme l’expression des émotions des autres personnages, la façon dont ils projettent leur ressenti sur ce qui les entourent, mais aussi l’émotion qui a animé un créateur pour réaliser une robe, un meuble, de la musique. Le récit déborde alors d’émotions et de sensations.
L’histoire de ce docteur est bien connue et le lecteur peut retrouver dans cette adaptation les principales interprétations comme l’incarnation de la désinhibition de l’individu laissant libre cours à ses bas instincts, comme le sadisme, l’absence d’empathie, le refus de toute limite, de toute contrainte, la schizophrénie, la dépendance. Il retrouve également un récit éminemment moral, avec des caractéristiques manichéennes : au fur et à mesure qu’il cède à ses pulsions, l’apparence d’Edward Hyde devient plus bestiale, plus monstrueuse, plus laide. Le mode de dessin atténue un peu cette dernière caractéristique car les personnages ne correspondent pas aux canons de la beauté, même la séductrice Frau Elda. Les représentations de l’être humain comportent des traces de formes géométriques, sans aller jusqu’au cubisme, et de surréalisme qui déforment discrètement les visages et les silhouettes. Les silhouettes peuvent devenir des formes ondulantes pour accompagner la grâce de la séduction, ou la vivacité d’une attaque physique. Les proportions du corps humains peuvent se trouver altérées, une tête avec une dimension exagérée et de petites mains, pour attirer l’attention sur un individu tout entier dans sa façon de voir les choses, et pas dans l’action ou la réalisation. Les perspectives sont faussées par moment pour attirer l’attention sur l’état d’esprit du personnage qui déforme sa perception de la réalité, qui voit son environnement au travers de ses émotions, et plus au travers d’une analyse rationnelle.
Dans cette adaptation, Edward Jekyll vole la vedette de chaque scène par sa silhouette fluide, ses expressions agressives, fourbes, sadiques, de jouissance, la noirceur de sa veste et de son pantalon qui semble ne laisser filtrer aucune émotion, et son visage blanc qui semble les absorber toutes. En l’observant, le lecteur voit un individu animé d’uniquement deux objectifs : satisfaire ses pulsions, et survivre. Il n’y a pas de plaisir dans son comportement, pas de tranquillité, ni même de réelle satisfaction si ce n’est dans l’instant quand il peut totalement se laisser aller à une pulsion. Par exemple, quand il frappe sans relâche la jeune fille allant chercher un docteur pour son père, quand il peut boire sans modération, danser sans retenue, se livrer à des pratiques sexuelles sadiques, frapper un infirme, tuer un chien, se jeter sur une femme pour une relation allant vers la dévoration, etc. C’est un individu qui est tout entier dans l’instant présent, son instinct lui permettant de fuir à temps, sans aucune velléité de construire, de se projeter dans l’avenir proche ou à plus long terme, dépourvu de toute forme d’empathie à l’exception de la perception du désir sexuel, et de la souffrance d’autrui. Jekyll commente que Hyde buvait, avec une avidité bestiale, à la souffrance des autres. Ses actes sont condamnés par la morale de la société dans laquelle il vit, ce qui apparaît dans les réactions des personnes qui le croisent, et dans les commentaires de Harry Jekyll très conscient de des crimes que commet son alter ego, et ni la satisfaction, ni la satiété ne lui sont accessibles.
L’auteur avec son coscénariste se livre à un véritable travail d’adaptation, aménageant quelques scènes, supprimant quelques personnages et intégrant d’autres non présents dans le roman. La narration graphique de l’artiste reste dans un registre expressionniste, adapté à la bande dessinée, au travers des formes et surtout de l’usage des couleurs. Le récit reste ancré dans une forme moraliste, tout en exprimant les différentes interprétations possibles : sociale ou psychanalytique. L’hypocrisie sociale de la société victorienne, le dédoublement de la personnalité, les phases d’euphorie et d’abattement d’un toxicomane, l’absence de retenue ou de maîtrise de ses émotions qui ne sont plus que des pulsions.
Alors, la composition graphique, franchement, elle est top. Les effets de trame sur ces encres noires, ça donne vraiment de la texture, de la profondeur aux dessins. Et puis les arabesques colorées, c’est pas juste joli, ça rajoute une vraie dimension poétique, une intensité qui te fait ressentir chaque scène. C’est le genre de visuel où tu t’arrêtes sur chaque page juste pour observer, parce que chaque détail te parle d’une manière différente.
Mais au-delà de l’aspect graphique, ce que j’ai trouvé génial, c’est la manière dont l’histoire se déroule. Les deux personnages, au début, ils sont vraiment liés par quelque chose de très pur, presque une sorte de fusion enfantine. On dirait que leur existence dépend d’une symbiose, un peu comme si l’un ne pouvait pas vivre sans l’autre, et ça, c’est beau. C’est ce genre de lien qu’on vit tous à un moment donné, quand on est tout petits ou même dans certaines relations adultes, tu sais, cette dépendance naturelle.
Sauf qu’au fur et à mesure, ça commence à déraper. Ce lien qui semblait invincible devient presque oppressant. Ça glisse doucement vers la folie, puis l’incompréhension. On sent qu’ils ne se comprennent plus, qu’ils se perdent dans leurs propres délires, leurs peurs, et ça devient de plus en plus tendu. C’est là que l’histoire prend une autre direction, avec cette séparation qui arrive comme un coup de tonnerre. On passe d’une sorte d’unité à la plus totale solitude, et c’est ça qui est fort : cette évolution, ce changement radical.
Et au fond, l’histoire c’est ça. C’est une parabole, mais pas une parabole simpliste, hein. C’est vraiment mystique. Ça parle de l’orgueil et de l’humilité, ces deux forces opposées qui façonnent nos vies. L’orgueil, c’est ce qui les pousse à se perdre dans cette quête de pouvoir, de contrôle, de vouloir être plus fort, plus indépendant, à se croire invincibles. Et l’humilité, c’est ce qu’ils perdent en chemin. Ce moment où tu réalises que l’humilité, c’est la clé, mais que parfois, c’est trop tard. Ça te met une claque, parce que tu te dis que c’est exactement ça dans la vie : on se perd souvent dans nos envies, notre égo, et on oublie de rester connecté à ce qui compte vraiment.
Bref, c’est vraiment bien construit, tout ça. L’histoire, les dessins, l’évolution des personnages, ça nous fait réfléchir tout en nous emportant dans un univers qui est à la fois poétique, intense et tragique. C’est le genre d’histoire qui te reste avec toi longtemps après avoir tourné la dernière page.
Un premier tome qui fait bien plus que planter le décor, le XIIe siècle au Proche-Orient, au temps des croisades.
La Chevalerie estoye :
- moult belles paroles
- un brin de bravousre
- et à la fin tu mourroye.
du Guesclin
Séraphine, une femme de caractère, est forgeronne, elle prend la direction de Jérusalem pour recruter des mercenaires afin de protéger son village des croisés. Elle va en recruter sept, évidemment la référence aux Sept Samouraï d'Akira Kurosawa saute aux yeux, ils sont de cultures et d'horizons différents et c'est cette diversité qui apporte du piment au récit. Ce casting aux petits oignons m'a plongé dans une aventure épique et comique tout en mettant un taquet aux religions (elles sont à l'origine de nombreuses atrocités), et particulièrement au catholicisme, extrait : "... le croisé est content de mourir. Que ce soit au combat ou en ayant la chtouille, il aura gagné sa place au paradis. Et tout lui sera pardonné. Absolument tout.".
L'intrigue suit le déroulé du film dont il s'inspire, pas de véritables surprises donc. Séraphine et nos sept mercenaires sont attachants et bien plus complexes qu'on pourrait le croire au premier abord. Un petit zoom sur Galcerand, une sorte de clone de Don Quichotte.
Un récit chevaleresque et captivant qui retranscrit cette période historique sur un ton décalé avec cette ambiance burlesque et sanglante. Le rythme est maîtrisé, équilibré et accompagné de dialogues qui font mouche.
Cet album est une ode à la fraternité et à la diversité.
Un plaisir de lecture qui est accentué par ce visuel stylisé hyper dynamique et rehaussé par un choix judicieux des aplats de couleurs. L'ambiance ainsi créée est en symbiose avec le ton décalé du récit. Une mention spéciale pour la variété des designs des personnages.
Et pour enfoncer le clou, la mise en page et les cadrages spectaculaires en mettent plein la vue.
Superbe !
Bravo monsieur Arthur De Pins.
Vivement le second et dernier tome.
Coup de cœur.
Le photographe est sans conteste l'une des meilleures BD qu'il m'ait été donné de lire à ce jour. Je me suis enquillé les trois tomes tel le goinfre. Pourtant, l'idée de mêler photographies et dessin ne m'enchantait pas plus que ça, mais il y a un vrai jeu avec les clichés. Certains sont biffés, comme recalés, d'autres arrivent comme un contrepoint, ou comme une formidable ouverture. C'est génial.
Le dessin est top. le récit tout autant. On apprend des trucs incroyables qui cassent les clichés et les idées reçues. Et c'est une histoire vraie !
C'est une des rares BD pour laquelle j'ai consenti à faire l'acquisition d'une version luxueuse avec tirages de photos et coffret...
Depuis, Emmanuel Guibert occupe une bonne place dans mon panthéon personnel.
C'est un peu dur pour moi d'écrire un avis positif parce que je ne sais pas quoi ajouter de plus à ce qui a déjà été écrit. Cela va donc être un avis assez court.
Le récit traite de thèmes actuels que j'ai déjà lus au moins une bonne douzaine de fois en BD, mais le traitement est tellement original que cela ne m'a pas gêné. Non seulement le scénario est prenant, mais il est aussi très surprenant. Je ne savais jamais ce qui allait se passer ensuite. La fin est à la fois surprenante et logique. En fait, tout le récit est bien construit du début jusqu'à la fin. Le caractère des personnages est bien défini et ils se complètent bien. Le dessin est pas mal non plus.
J'ai bien hâte de voir les prochaines productions de cet auteur très talentueux !
Une merveille ! Comment le dessin ornemental ne nuit pas à l'action, une unité d'histoire à une page à l'histoire ! Le petit garçon est assez passif au début, de sorte qu'on s'identifie tous à lui, il est Nemo. Mais ensuite, il s'individualise, et rencontre bien des personnages et des lieux inoubliables. Même le lit est un personnage dans la mesure où il marche, vole, est assailli par les flots ! Et quelle bonne idée que la menace d'être réveillée à cause de Flip, le neveu du soleil destructeur de rêve. Et comme la famille de Némo est rassurante. On a des démons, des merveilles, des émotions et une mère pour être rassuré. Une lecture pour tout âge pour prendre le large.
Si je pouvais, je mettrais deux cœurs. Eh oui, pour compenser les avis peu enthousiastes d'autres ! Quand l'art le plus avancé d'hier reste d'avant garde tout en respectant les fondamentaux tels que de trouver le rêveur dans le lecteur, on a un classique qui pétille. A remarquer que la fille du roi Morphée ne manque pas de personnalité, et qu'il arrive que le dessin se dévore lui-même. Bonne lecture, et plus important encore, bons rêves à tous !
Globalement, je suis du même avis que Canarde, sans compter qu'à moi aussi, L'odeur du fer a rappelé bien des références dont Christopher Hittinger et Joe Daly (Dungeon Quest) sont les principales. Mais le charme de cette BD a su produire chez moi un effet narcotique certain. Même ses défauts m'ont séduit, c'est dire...
Tout d'abord, il y a l'édition en elle-même : le format est agréable, tout comme cet effet Grip quand on l'empoigne. M'est avis que ça ne doit pas être super écolo, mais bon, si on compare l'industrie BD à celle de la bagnole, y a point photo !
La couverture est très chouette : effet métallique du titre légèrement gaufré, couleurs chatoyantes.
Et bien entendu, c'est le dessin la raison principale de ma satisfaction. Il est plein de finesse. Le mélange des genres ne m'a absolument pas perturbé, bien au contraire. J'ai trouvé ça vraiment original, ce qui m'a d'ailleurs rappelé une autre BD : Les derniers jours d'un immortel. Oui, ce dessin est plein de charmes avec son petit côté indé : finesse des traits je le disais, mais aussi justesse des pauses, expressions des visages dont les formes sont quelquefois à la limite de l'abstraction, détails des paysages ou des contextes urbains, quand il faut, où il faut, sans écraser les cases, juste ce qu'il faut pour générer une ambiance forte... Bref : c'est frais comme un gardon.
Le scénario est bien et dit quelque chose de notre époque, surtout dans sa conclusion (mais chuuuuutttt). On pourra aisément formuler des griefs concernant les situations qui se dénouent parfois trop rapidement (la rencontre avec le mage), ou bien contre certains événements peu voire pas expliqués du tout, au risque de rendre l'histoire un brin opaque (on ne saura pas grand chose du réveil du fameux démon...). Mais c'est aussi ce qui fait la force de cette histoire : on est avec les protagonistes, on suit leurs aventures qui percutent parfois les événements (la "Grande Histoire" dirait-on d'une BD historique), mais les personnages s'efforcent de tracer leur propre chemin (ce qui est une philosophie de vie à laquelle je suis très sensible).
Enfin, j'aime les personnages Ambre et Elaine, originaux à souhait. J'aime les questionnements d'Elaine, questionnements qui la conduiront à l'émancipation de ses maitres et de la guilde à laquelle elle appartient.
Un coup de cœur n'est pas nécessairement une œuvre parfaite, mais il est coup de cœur parce qu'il sait toucher une part intime en soi. Alors oui, je crois pouvoir dire que L'odeur du fer est un coup de cœur.
Alors là, j'ai été surpris. En feuilletant très rapidement (pour ne pas me spoiler moi-même), j'avais la sensation que c'est un ersatz post-apo de Les Légendaires et de survival façon Seuls : des personnages très sérieux dans un univers enfantin mais avec leurs traits de caractère bien tranchés, dans un univers laissant présagé des surprises régulières.
Alors effectivement les caractères kawai sont stéréotypés et les surprises sont régulières. Mais des stéréotypes plus contemporains: l'otaku, la révoltée, l'influenceuse... et les surprises ne sont pas tant dans les gros changements de direction mais dans la manière : est-ce une oeuvre à destination de jeunes-jeunes ou de jeunes adultes? Car ça défouraille parfois sérieusement! Avec des scènes bien appuyées sur l'addiction, le racisme etc.
Ca défouraille mais parfois dans la bonne humeur, on croit voir des Kenny de South Park partout: il/elle est supposé mourir/être mort? Pouf-pam, le revoilà comme dans un serial de Batman des 60s. Et ces fiches de personnages de début de chapitre, un régal; et intéressantes à relire au fil de l'histoire. Bien que les objectifs des différents personnages peuvent alourdir la compréhension, je trouve que la trame globale reste claire mais si elle est parfois tirée par les cheveux.
De beaux clins d'oeil à de grandes oeuvres comme Akira comme exemple le plus voyant, des petites private jokes casées discrètement entre 2 cases, beaucoup de petites choses incitent à la relecture et rendent le prix d'autant plus attraant.
Pour le dessin dynamique, la colorisation poussée mais évitant le flashy, les décors, les couvertures façon Mutafukaz, je dis oui, c'est pétillant et agréable à lire, on a tous passé de bons moments en compagnie de ces pauvres alevins.
Quand j’ai ouvert le premier tome du Château des Animaux, j’ai senti immédiatement que j’entrais dans une œuvre rare. J’ai acheté les quatre tomes en édition luxe, et dès les premières pages, j’ai compris que j’avais entre les mains quelque chose d’exceptionnel. C’est beau, c’est intelligent, c’est puissant. On sent évidemment l’inspiration de La Ferme des animaux d’Orwell, mais jamais comme une copie : ici, c’est une réinterprétation sensible et moderne, une fable politique qui prend sa propre ampleur.
Ce qui m’a frappé en premier, c’est l’atmosphère. On est plongé dans un château sombre, oppressant, où les animaux sont soumis à un régime brutal mené par un taureau tyrannique. Et pourtant, au milieu de cette noirceur, une petite lueur persiste : celle de l’espoir, fragile mais tenace. J’ai ressenti une empathie immense pour Miss Bengalore et les autres animaux qui rêvent de liberté. Le récit parle de courage, de révolte, mais surtout de résistance non violente. Et ça, je ne m’y attendais pas. Cette approche apporte une profondeur incroyable : on ne suit pas juste une lutte, on suit une philosophie.
Les dessins, eux, m’ont laissé bouche bée. Les planches sont d’une finesse incroyable, chaque animal a une expression presque humaine, un regard chargé d’émotion. Les ambiances sont sublimes : les jeux d’ombre, les lumières, la texture des fourrures, même les silences semblent dessinés. À plusieurs moments, j’ai dû m’arrêter juste pour contempler une page. Félix Delep livre un travail qui, franchement, mérite d’être vu en grand format – d’où mon immense satisfaction d’avoir choisi l’édition luxe.
Et puis, au-delà de l’esthétique, cette BD fait réfléchir. Beaucoup. Elle parle du pouvoir, de la peur, des masses qui se résignent, du courage de quelques-uns qui refusent d’abandonner. Elle m’a rappelé que les révolutions ne commencent pas toujours avec des cris, mais parfois avec un geste simple, un refus, un sourire, une main tendue.
En refermant le quatrième tome, j’ai ressenti un mélange d’admiration et de mélancolie. Cette série, pour moi, c’est un 5/5 impeccable : une œuvre riche, humaine, magnifiquement dessinée et profondément inspirante. Le genre de BD qu’on relit, qu’on montre, qu’on conseille et qu’on garde précieusement dans sa bibliothèque.
J’ai découvert Dans la tête de Sherlock Holmes grâce au coffret qui réunit les deux premiers tomes, accompagné des tickets en version physique. Rien que l’objet en lui-même m’a donné envie de me plonger dans l’univers : le coffret est beau, soigné, et les petits éléments supplémentaires renforcent vraiment l’immersion. Même sans encore avoir lu Le cauchemar du Loch Leathan, j’ai tout de suite senti que j’allais entrer dans un projet éditorial qui ne fait pas les choses à moitié.
Dès les premières pages, j’ai compris que cette série n’avait rien d’une simple adaptation de Sherlock Holmes. Ce que j’ai adoré, c’est la manière dont les auteurs nous font littéralement entrer dans la tête du détective. Je n’ai pas seulement suivi une enquête ; j’ai eu l’impression de visualiser son raisonnement, ses associations d’idées, ses intuitions. Les pages se transforment en espace mental, et j’ai trouvé ça à la fois original, intelligent et terriblement immersif.
Graphiquement, j’ai été bluffé. Les planches sont inventives, parfois foisonnantes, parfois presque labyrinthiques, mais toujours cohérentes avec l’idée de nous montrer le fonctionnement interne de Sherlock. J’aime les BD qui essaient de nouvelles choses, et ici, chaque détail compte. J’ai passé du temps à observer les cases, à revenir en arrière, à apprécier les trouvailles visuelles. On sent un vrai travail artistique derrière chaque page, et ça m’a accroché du début à la fin.
Si je mets 4/5 au lieu de 5/5, c’est parce que parfois, justement, la lecture demande beaucoup d’attention. Ce n’est pas une BD que l’on feuillette distraitement. Certaines pages sont tellement riches que j’ai dû m’arrêter plusieurs fois pour être sûr de ne rien manquer. Ça m’a plu, mais je peux comprendre que ça puisse freiner certains lecteurs. Et même si l’enquête est bien menée, ce n’est pas la partie qui m’a le plus marqué : ce sont vraiment l’ambiance, la créativité et la plongée dans le mental de Sherlock qui font la force de ce diptyque.
Au final, j’ai passé un excellent moment. Ce coffret m’a permis de découvrir une BD à la fois élégante, inventive et intelligente, qui se distingue des autres adaptations du personnage. Je suis vraiment content de m’y être intéressé, et je recommande sans hésiter
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Docteur Jekyll & Mister Hyde
Mais la tentation était telle qu'elle finit par vaincre toute crainte. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il s'agit d'une adaptation en bande dessinée du roman L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde (1886), Robert Louis Stevenson (1850-1894), réalisée par Lorenzo Mattotti, dessins et couleurs, avec l'aide de Jerry Kramsky pour le scénario. Elle comporte soixante-deux pages de BD. L'ouvrage commence par la dédicace de l'artiste à Alberto Breccia (1919-1993). Il se termine avec une postface illustrée, de six pages, écrites par Michel Archimbaud, et cinq pages d'esquisses. L’ombre déformée et agrandie d’Edward Hyde se projette sur les murs des rues, alors qu’il court dans la nuit. Dans le même temps, Harry Jekyll se dit qu’il ne ressent qu’horreur, horreur pour ce terrible lien, avec cette espèce d’animal. Il les perdra. Ils sont pareils à des bêtes féroces, dans des labyrinthes toujours plus vastes. Alors que Hyde marche d’un bon pas avec sa canne, une jeune femme marche vivement sur le trottoir perpendiculaire, des pas innocents dans le brouillard, un corps plein d’énergie vitale dans un guet-apens. Elle arrive au coin et le corps massif de Hyde lui barre le chemin. Elle lui demande de la laisser passer, car son père ne va pas bien et elle doit aller chercher le docteur. L’autre en profite, voyant qu’on l’a envoyée toute seule. Il la saisit par les cheveux, et commence à lui asséner des coups avec sa canne, puis il la piétine. Des passants voient la scène et le reconnaissent pour un monstre. Hyde prend la fuite, pendant les gens entourent la jeune fille à terre, atterrés par ses blessures, faisant appeler un docteur. Enfin Hyde rejoint la demeure de Jekyll et il s’enferme dans son laboratoire, mais les bruits ont été entendus par Poole, le majordome de Jekyll. Il appelle le notaire Gabriel John Utterson en lui demandant de venir. C’était un soir glacial et venteux de mars, avec un maigre croissant de Lune couché sur le dos, comme renversé par le vent dans une fuite de nuages effilochés et diaphanes. Utterson ne se rappelait pas avoir jamais vu ce quartier de la ville aussi désert. Mais à cet instant, il eut désiré le contraire. Jamais dans sa vie, il n’avait ressenti un aussi profond besoin de ses semblables, de les avoir visibles et tangibles autour de lui, car malgré tous ses efforts, il ne parvenait pas à se débarrasser d’un accablant pressentiment de malheur. Le notaire arrive au domicile de Harry Jekyll et frappe à la porte. Poole lui ouvre et lui explique qu’il y a quelque chose qui ne va pas, qui ne tourne pas rond. Il pense qu’il y a eu un meurtre. Il prend le manteau d’Utterson et il le prie de le suivre. Ils sortent dans la cour et se rendent au bâtiment abritant le laboratoire du docteur. Poole frappe à la porte annonçant le notaire, et une voix à l’intérieur crie qu’il ne veut voir personne. Utterson trouve la voix du docteur changée. Poole renchérit qu’elle est plus que changée, qu’il n’a pas passé vingt ans dans cette maison pour ne pas savoir la reconnaître, et ce n’est pas celle de son maître. De même il lui demande d’écouter les pas qui se font entendre, et ce ne sont pas ceux de son maître. Utterson en convient : ils sont étrangement agiles et légers. La conclusion s’impose : monsieur Hyde fréquente encore cette maison. Plusieurs choses ont pu attirer le lecteur : le plaisir de découvrir ce roman classique sous la forme d’une bande dessinée, ou le plaisir de découvrir une interprétation visuelle d’une histoire qui lui tient à cœur s’il la connaît déjà, ou encore un amour de la narration visuelle de l’artiste. Celui-ci a marqué le monde la bande dessinée, avec des ouvrages comme Feux & Murmure , respectivement parus en 1984 et 1989, le second réalisé avec Jerry Kramsky (nom de plume de Fabrizio Ostani). Il a donc choisi d’adapter un célèbre roman avec l’aide d’un coscénariste. En fonction de sa familiarité avec l’œuvre originale, le lecteur peut déceler quelques différences. Le début commence avec Hyde, et non pas avec Utterson et Richard Enfield, suivi par un retour en arrière. Les auteurs rendent plus explicites les relations de Hyde avec les femmes, avec la mise en scène de plusieurs dont Frau Elda, et quelques prostituées. Il y a donc bien adaptation, et le résultat relève de la bande dessinée, et non pas du texte illustré, même s’ils ont conservé une partie du flux de pensée de Jekyll, dans des cartouches apposés dans certaines cases. Dès la première page, le lecteur retrouve l’usage de couleurs vives par l’artiste, sa marque de fabrique depuis Feux (Mattotti). L’ombre de Hyde, d’un noir dense, est d’autant plus monstrueuse qu’elle contraste fortement avec un rouge intense ou un orange soutenu. Ces teintes vives peuvent se comprendre comme l’expression des émotions qui animent les individus vivant dans la cité, et les plus vives peuvent aussi s’envisager comme étant les émotions paroxystiques bouillonnant au sein d’Edward Hyde, des pulsions d’une force indicible, sans aucune retenue, nullement sublimées, animales. Il se souvient de la déclaration d’intention et du credo de l’artiste exprimé par le personnage d’Absinthe dans Feux. Les couleurs sont autant de feux dans le noir qui échauffent l’esprit, et cette nuit-là il passe de l’autre côté, dans une région où les choses sont comme on les sent. Absinthe avait tué pour défendre ses émotions et il était incapable de distinguer la raison de l’instinct. La nouvelle façon de voir les choses par Absinthe va provoquer la ruine de ses coéquipiers, et les couleurs le brûlent toujours plus. Dans cette adaptation, les couleurs remplissent la même fonction : elles constituent les signes des émotions, de ces forces de vie qui animent littéralement l’être humain. Le lecteur peut voir les couleurs les plus vives comme le reflet de l’intensité terrible des émotions de Hyde. Il peut voir les couleurs un peu moins soutenues comme l’expression des émotions des autres personnages, la façon dont ils projettent leur ressenti sur ce qui les entourent, mais aussi l’émotion qui a animé un créateur pour réaliser une robe, un meuble, de la musique. Le récit déborde alors d’émotions et de sensations. L’histoire de ce docteur est bien connue et le lecteur peut retrouver dans cette adaptation les principales interprétations comme l’incarnation de la désinhibition de l’individu laissant libre cours à ses bas instincts, comme le sadisme, l’absence d’empathie, le refus de toute limite, de toute contrainte, la schizophrénie, la dépendance. Il retrouve également un récit éminemment moral, avec des caractéristiques manichéennes : au fur et à mesure qu’il cède à ses pulsions, l’apparence d’Edward Hyde devient plus bestiale, plus monstrueuse, plus laide. Le mode de dessin atténue un peu cette dernière caractéristique car les personnages ne correspondent pas aux canons de la beauté, même la séductrice Frau Elda. Les représentations de l’être humain comportent des traces de formes géométriques, sans aller jusqu’au cubisme, et de surréalisme qui déforment discrètement les visages et les silhouettes. Les silhouettes peuvent devenir des formes ondulantes pour accompagner la grâce de la séduction, ou la vivacité d’une attaque physique. Les proportions du corps humains peuvent se trouver altérées, une tête avec une dimension exagérée et de petites mains, pour attirer l’attention sur un individu tout entier dans sa façon de voir les choses, et pas dans l’action ou la réalisation. Les perspectives sont faussées par moment pour attirer l’attention sur l’état d’esprit du personnage qui déforme sa perception de la réalité, qui voit son environnement au travers de ses émotions, et plus au travers d’une analyse rationnelle. Dans cette adaptation, Edward Jekyll vole la vedette de chaque scène par sa silhouette fluide, ses expressions agressives, fourbes, sadiques, de jouissance, la noirceur de sa veste et de son pantalon qui semble ne laisser filtrer aucune émotion, et son visage blanc qui semble les absorber toutes. En l’observant, le lecteur voit un individu animé d’uniquement deux objectifs : satisfaire ses pulsions, et survivre. Il n’y a pas de plaisir dans son comportement, pas de tranquillité, ni même de réelle satisfaction si ce n’est dans l’instant quand il peut totalement se laisser aller à une pulsion. Par exemple, quand il frappe sans relâche la jeune fille allant chercher un docteur pour son père, quand il peut boire sans modération, danser sans retenue, se livrer à des pratiques sexuelles sadiques, frapper un infirme, tuer un chien, se jeter sur une femme pour une relation allant vers la dévoration, etc. C’est un individu qui est tout entier dans l’instant présent, son instinct lui permettant de fuir à temps, sans aucune velléité de construire, de se projeter dans l’avenir proche ou à plus long terme, dépourvu de toute forme d’empathie à l’exception de la perception du désir sexuel, et de la souffrance d’autrui. Jekyll commente que Hyde buvait, avec une avidité bestiale, à la souffrance des autres. Ses actes sont condamnés par la morale de la société dans laquelle il vit, ce qui apparaît dans les réactions des personnes qui le croisent, et dans les commentaires de Harry Jekyll très conscient de des crimes que commet son alter ego, et ni la satisfaction, ni la satiété ne lui sont accessibles. L’auteur avec son coscénariste se livre à un véritable travail d’adaptation, aménageant quelques scènes, supprimant quelques personnages et intégrant d’autres non présents dans le roman. La narration graphique de l’artiste reste dans un registre expressionniste, adapté à la bande dessinée, au travers des formes et surtout de l’usage des couleurs. Le récit reste ancré dans une forme moraliste, tout en exprimant les différentes interprétations possibles : sociale ou psychanalytique. L’hypocrisie sociale de la société victorienne, le dédoublement de la personnalité, les phases d’euphorie et d’abattement d’un toxicomane, l’absence de retenue ou de maîtrise de ses émotions qui ne sont plus que des pulsions.
Soli Deo Gloria
Alors, la composition graphique, franchement, elle est top. Les effets de trame sur ces encres noires, ça donne vraiment de la texture, de la profondeur aux dessins. Et puis les arabesques colorées, c’est pas juste joli, ça rajoute une vraie dimension poétique, une intensité qui te fait ressentir chaque scène. C’est le genre de visuel où tu t’arrêtes sur chaque page juste pour observer, parce que chaque détail te parle d’une manière différente. Mais au-delà de l’aspect graphique, ce que j’ai trouvé génial, c’est la manière dont l’histoire se déroule. Les deux personnages, au début, ils sont vraiment liés par quelque chose de très pur, presque une sorte de fusion enfantine. On dirait que leur existence dépend d’une symbiose, un peu comme si l’un ne pouvait pas vivre sans l’autre, et ça, c’est beau. C’est ce genre de lien qu’on vit tous à un moment donné, quand on est tout petits ou même dans certaines relations adultes, tu sais, cette dépendance naturelle. Sauf qu’au fur et à mesure, ça commence à déraper. Ce lien qui semblait invincible devient presque oppressant. Ça glisse doucement vers la folie, puis l’incompréhension. On sent qu’ils ne se comprennent plus, qu’ils se perdent dans leurs propres délires, leurs peurs, et ça devient de plus en plus tendu. C’est là que l’histoire prend une autre direction, avec cette séparation qui arrive comme un coup de tonnerre. On passe d’une sorte d’unité à la plus totale solitude, et c’est ça qui est fort : cette évolution, ce changement radical. Et au fond, l’histoire c’est ça. C’est une parabole, mais pas une parabole simpliste, hein. C’est vraiment mystique. Ça parle de l’orgueil et de l’humilité, ces deux forces opposées qui façonnent nos vies. L’orgueil, c’est ce qui les pousse à se perdre dans cette quête de pouvoir, de contrôle, de vouloir être plus fort, plus indépendant, à se croire invincibles. Et l’humilité, c’est ce qu’ils perdent en chemin. Ce moment où tu réalises que l’humilité, c’est la clé, mais que parfois, c’est trop tard. Ça te met une claque, parce que tu te dis que c’est exactement ça dans la vie : on se perd souvent dans nos envies, notre égo, et on oublie de rester connecté à ce qui compte vraiment. Bref, c’est vraiment bien construit, tout ça. L’histoire, les dessins, l’évolution des personnages, ça nous fait réfléchir tout en nous emportant dans un univers qui est à la fois poétique, intense et tragique. C’est le genre d’histoire qui te reste avec toi longtemps après avoir tourné la dernière page.
Knight club
Un premier tome qui fait bien plus que planter le décor, le XIIe siècle au Proche-Orient, au temps des croisades. La Chevalerie estoye : - moult belles paroles - un brin de bravousre - et à la fin tu mourroye. du Guesclin Séraphine, une femme de caractère, est forgeronne, elle prend la direction de Jérusalem pour recruter des mercenaires afin de protéger son village des croisés. Elle va en recruter sept, évidemment la référence aux Sept Samouraï d'Akira Kurosawa saute aux yeux, ils sont de cultures et d'horizons différents et c'est cette diversité qui apporte du piment au récit. Ce casting aux petits oignons m'a plongé dans une aventure épique et comique tout en mettant un taquet aux religions (elles sont à l'origine de nombreuses atrocités), et particulièrement au catholicisme, extrait : "... le croisé est content de mourir. Que ce soit au combat ou en ayant la chtouille, il aura gagné sa place au paradis. Et tout lui sera pardonné. Absolument tout.". L'intrigue suit le déroulé du film dont il s'inspire, pas de véritables surprises donc. Séraphine et nos sept mercenaires sont attachants et bien plus complexes qu'on pourrait le croire au premier abord. Un petit zoom sur Galcerand, une sorte de clone de Don Quichotte. Un récit chevaleresque et captivant qui retranscrit cette période historique sur un ton décalé avec cette ambiance burlesque et sanglante. Le rythme est maîtrisé, équilibré et accompagné de dialogues qui font mouche. Cet album est une ode à la fraternité et à la diversité. Un plaisir de lecture qui est accentué par ce visuel stylisé hyper dynamique et rehaussé par un choix judicieux des aplats de couleurs. L'ambiance ainsi créée est en symbiose avec le ton décalé du récit. Une mention spéciale pour la variété des designs des personnages. Et pour enfoncer le clou, la mise en page et les cadrages spectaculaires en mettent plein la vue. Superbe ! Bravo monsieur Arthur De Pins. Vivement le second et dernier tome. Coup de cœur.
Le Photographe
Le photographe est sans conteste l'une des meilleures BD qu'il m'ait été donné de lire à ce jour. Je me suis enquillé les trois tomes tel le goinfre. Pourtant, l'idée de mêler photographies et dessin ne m'enchantait pas plus que ça, mais il y a un vrai jeu avec les clichés. Certains sont biffés, comme recalés, d'autres arrivent comme un contrepoint, ou comme une formidable ouverture. C'est génial. Le dessin est top. le récit tout autant. On apprend des trucs incroyables qui cassent les clichés et les idées reçues. Et c'est une histoire vraie ! C'est une des rares BD pour laquelle j'ai consenti à faire l'acquisition d'une version luxueuse avec tirages de photos et coffret... Depuis, Emmanuel Guibert occupe une bonne place dans mon panthéon personnel.
L'Héritage fossile
C'est un peu dur pour moi d'écrire un avis positif parce que je ne sais pas quoi ajouter de plus à ce qui a déjà été écrit. Cela va donc être un avis assez court. Le récit traite de thèmes actuels que j'ai déjà lus au moins une bonne douzaine de fois en BD, mais le traitement est tellement original que cela ne m'a pas gêné. Non seulement le scénario est prenant, mais il est aussi très surprenant. Je ne savais jamais ce qui allait se passer ensuite. La fin est à la fois surprenante et logique. En fait, tout le récit est bien construit du début jusqu'à la fin. Le caractère des personnages est bien défini et ils se complètent bien. Le dessin est pas mal non plus. J'ai bien hâte de voir les prochaines productions de cet auteur très talentueux !
Little Nemo in Slumberland
Une merveille ! Comment le dessin ornemental ne nuit pas à l'action, une unité d'histoire à une page à l'histoire ! Le petit garçon est assez passif au début, de sorte qu'on s'identifie tous à lui, il est Nemo. Mais ensuite, il s'individualise, et rencontre bien des personnages et des lieux inoubliables. Même le lit est un personnage dans la mesure où il marche, vole, est assailli par les flots ! Et quelle bonne idée que la menace d'être réveillée à cause de Flip, le neveu du soleil destructeur de rêve. Et comme la famille de Némo est rassurante. On a des démons, des merveilles, des émotions et une mère pour être rassuré. Une lecture pour tout âge pour prendre le large. Si je pouvais, je mettrais deux cœurs. Eh oui, pour compenser les avis peu enthousiastes d'autres ! Quand l'art le plus avancé d'hier reste d'avant garde tout en respectant les fondamentaux tels que de trouver le rêveur dans le lecteur, on a un classique qui pétille. A remarquer que la fille du roi Morphée ne manque pas de personnalité, et qu'il arrive que le dessin se dévore lui-même. Bonne lecture, et plus important encore, bons rêves à tous !
L'Odeur du fer
Globalement, je suis du même avis que Canarde, sans compter qu'à moi aussi, L'odeur du fer a rappelé bien des références dont Christopher Hittinger et Joe Daly (Dungeon Quest) sont les principales. Mais le charme de cette BD a su produire chez moi un effet narcotique certain. Même ses défauts m'ont séduit, c'est dire... Tout d'abord, il y a l'édition en elle-même : le format est agréable, tout comme cet effet Grip quand on l'empoigne. M'est avis que ça ne doit pas être super écolo, mais bon, si on compare l'industrie BD à celle de la bagnole, y a point photo ! La couverture est très chouette : effet métallique du titre légèrement gaufré, couleurs chatoyantes. Et bien entendu, c'est le dessin la raison principale de ma satisfaction. Il est plein de finesse. Le mélange des genres ne m'a absolument pas perturbé, bien au contraire. J'ai trouvé ça vraiment original, ce qui m'a d'ailleurs rappelé une autre BD : Les derniers jours d'un immortel. Oui, ce dessin est plein de charmes avec son petit côté indé : finesse des traits je le disais, mais aussi justesse des pauses, expressions des visages dont les formes sont quelquefois à la limite de l'abstraction, détails des paysages ou des contextes urbains, quand il faut, où il faut, sans écraser les cases, juste ce qu'il faut pour générer une ambiance forte... Bref : c'est frais comme un gardon. Le scénario est bien et dit quelque chose de notre époque, surtout dans sa conclusion (mais chuuuuutttt). On pourra aisément formuler des griefs concernant les situations qui se dénouent parfois trop rapidement (la rencontre avec le mage), ou bien contre certains événements peu voire pas expliqués du tout, au risque de rendre l'histoire un brin opaque (on ne saura pas grand chose du réveil du fameux démon...). Mais c'est aussi ce qui fait la force de cette histoire : on est avec les protagonistes, on suit leurs aventures qui percutent parfois les événements (la "Grande Histoire" dirait-on d'une BD historique), mais les personnages s'efforcent de tracer leur propre chemin (ce qui est une philosophie de vie à laquelle je suis très sensible). Enfin, j'aime les personnages Ambre et Elaine, originaux à souhait. J'aime les questionnements d'Elaine, questionnements qui la conduiront à l'émancipation de ses maitres et de la guilde à laquelle elle appartient. Un coup de cœur n'est pas nécessairement une œuvre parfaite, mais il est coup de cœur parce qu'il sait toucher une part intime en soi. Alors oui, je crois pouvoir dire que L'odeur du fer est un coup de cœur.
Lozère apocalypse
Alors là, j'ai été surpris. En feuilletant très rapidement (pour ne pas me spoiler moi-même), j'avais la sensation que c'est un ersatz post-apo de Les Légendaires et de survival façon Seuls : des personnages très sérieux dans un univers enfantin mais avec leurs traits de caractère bien tranchés, dans un univers laissant présagé des surprises régulières. Alors effectivement les caractères kawai sont stéréotypés et les surprises sont régulières. Mais des stéréotypes plus contemporains: l'otaku, la révoltée, l'influenceuse... et les surprises ne sont pas tant dans les gros changements de direction mais dans la manière : est-ce une oeuvre à destination de jeunes-jeunes ou de jeunes adultes? Car ça défouraille parfois sérieusement! Avec des scènes bien appuyées sur l'addiction, le racisme etc. Ca défouraille mais parfois dans la bonne humeur, on croit voir des Kenny de South Park partout: il/elle est supposé mourir/être mort? Pouf-pam, le revoilà comme dans un serial de Batman des 60s. Et ces fiches de personnages de début de chapitre, un régal; et intéressantes à relire au fil de l'histoire. Bien que les objectifs des différents personnages peuvent alourdir la compréhension, je trouve que la trame globale reste claire mais si elle est parfois tirée par les cheveux. De beaux clins d'oeil à de grandes oeuvres comme Akira comme exemple le plus voyant, des petites private jokes casées discrètement entre 2 cases, beaucoup de petites choses incitent à la relecture et rendent le prix d'autant plus attraant. Pour le dessin dynamique, la colorisation poussée mais évitant le flashy, les décors, les couvertures façon Mutafukaz, je dis oui, c'est pétillant et agréable à lire, on a tous passé de bons moments en compagnie de ces pauvres alevins.
Le Château des Animaux
Quand j’ai ouvert le premier tome du Château des Animaux, j’ai senti immédiatement que j’entrais dans une œuvre rare. J’ai acheté les quatre tomes en édition luxe, et dès les premières pages, j’ai compris que j’avais entre les mains quelque chose d’exceptionnel. C’est beau, c’est intelligent, c’est puissant. On sent évidemment l’inspiration de La Ferme des animaux d’Orwell, mais jamais comme une copie : ici, c’est une réinterprétation sensible et moderne, une fable politique qui prend sa propre ampleur. Ce qui m’a frappé en premier, c’est l’atmosphère. On est plongé dans un château sombre, oppressant, où les animaux sont soumis à un régime brutal mené par un taureau tyrannique. Et pourtant, au milieu de cette noirceur, une petite lueur persiste : celle de l’espoir, fragile mais tenace. J’ai ressenti une empathie immense pour Miss Bengalore et les autres animaux qui rêvent de liberté. Le récit parle de courage, de révolte, mais surtout de résistance non violente. Et ça, je ne m’y attendais pas. Cette approche apporte une profondeur incroyable : on ne suit pas juste une lutte, on suit une philosophie. Les dessins, eux, m’ont laissé bouche bée. Les planches sont d’une finesse incroyable, chaque animal a une expression presque humaine, un regard chargé d’émotion. Les ambiances sont sublimes : les jeux d’ombre, les lumières, la texture des fourrures, même les silences semblent dessinés. À plusieurs moments, j’ai dû m’arrêter juste pour contempler une page. Félix Delep livre un travail qui, franchement, mérite d’être vu en grand format – d’où mon immense satisfaction d’avoir choisi l’édition luxe. Et puis, au-delà de l’esthétique, cette BD fait réfléchir. Beaucoup. Elle parle du pouvoir, de la peur, des masses qui se résignent, du courage de quelques-uns qui refusent d’abandonner. Elle m’a rappelé que les révolutions ne commencent pas toujours avec des cris, mais parfois avec un geste simple, un refus, un sourire, une main tendue. En refermant le quatrième tome, j’ai ressenti un mélange d’admiration et de mélancolie. Cette série, pour moi, c’est un 5/5 impeccable : une œuvre riche, humaine, magnifiquement dessinée et profondément inspirante. Le genre de BD qu’on relit, qu’on montre, qu’on conseille et qu’on garde précieusement dans sa bibliothèque.
Dans la tête de Sherlock Holmes
J’ai découvert Dans la tête de Sherlock Holmes grâce au coffret qui réunit les deux premiers tomes, accompagné des tickets en version physique. Rien que l’objet en lui-même m’a donné envie de me plonger dans l’univers : le coffret est beau, soigné, et les petits éléments supplémentaires renforcent vraiment l’immersion. Même sans encore avoir lu Le cauchemar du Loch Leathan, j’ai tout de suite senti que j’allais entrer dans un projet éditorial qui ne fait pas les choses à moitié. Dès les premières pages, j’ai compris que cette série n’avait rien d’une simple adaptation de Sherlock Holmes. Ce que j’ai adoré, c’est la manière dont les auteurs nous font littéralement entrer dans la tête du détective. Je n’ai pas seulement suivi une enquête ; j’ai eu l’impression de visualiser son raisonnement, ses associations d’idées, ses intuitions. Les pages se transforment en espace mental, et j’ai trouvé ça à la fois original, intelligent et terriblement immersif. Graphiquement, j’ai été bluffé. Les planches sont inventives, parfois foisonnantes, parfois presque labyrinthiques, mais toujours cohérentes avec l’idée de nous montrer le fonctionnement interne de Sherlock. J’aime les BD qui essaient de nouvelles choses, et ici, chaque détail compte. J’ai passé du temps à observer les cases, à revenir en arrière, à apprécier les trouvailles visuelles. On sent un vrai travail artistique derrière chaque page, et ça m’a accroché du début à la fin. Si je mets 4/5 au lieu de 5/5, c’est parce que parfois, justement, la lecture demande beaucoup d’attention. Ce n’est pas une BD que l’on feuillette distraitement. Certaines pages sont tellement riches que j’ai dû m’arrêter plusieurs fois pour être sûr de ne rien manquer. Ça m’a plu, mais je peux comprendre que ça puisse freiner certains lecteurs. Et même si l’enquête est bien menée, ce n’est pas la partie qui m’a le plus marqué : ce sont vraiment l’ambiance, la créativité et la plongée dans le mental de Sherlock qui font la force de ce diptyque. Au final, j’ai passé un excellent moment. Ce coffret m’a permis de découvrir une BD à la fois élégante, inventive et intelligente, qui se distingue des autres adaptations du personnage. Je suis vraiment content de m’y être intéressé, et je recommande sans hésiter