La Tête de mort venue de Suède
Après Le Bestiaire du crépuscule, Daria Schmitt prolonge son exploration des grands mythes et livre avec La tête de mort venue de Suède une nouvelle œuvre puissante et magistrale pour la très prestigieuse collection « Aire Libre ».
Aire Libre La BD au féminin
Notre histoire débute dans les années 1930, période de crise et de « vaches maigres », lorsque le crâne de René Descartes, trésor de la collection de Georges Cuvier, déambule parmi les squelettes de la galerie d'Anatomie comparée au Jardin des Plantes, en attendant son transfert au musée de l'Homme. Mais après sa trop longue histoire, il est en proie à une grave crise d'identité : le doute dont il avait fait un outil infaillible le ronge, et il n'est même plus sûr d'être qui il est. Autour de lui, les reliques animales s'animent elles aussi et, pour solder un contentieux vieux de trois siècles, entrent en dialogue avec le théoricien de l'« animal-machine », chacune selon sa personnalité. C'est donc une enquête qui commence, ou plutôt une maïeutique conduite de main de maître par la grande baleine bleue. Il faut aider le crâne à y voir clair, reconstruire son passé et, pourquoi pas, le faire revenir sur certaines théories erronées !
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| Date de parution | 29 Août 2025 |
| Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Qu’est-ce donc, jusqu’à maintenant, que j’ai cru être ? - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, qui ne nécessite pas de connaissance préalable pour pouvoir l’apprécier. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Daria Schmitt pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il se termine par dix-huit pages d’annexes. Une présentation de René Descartes, deux pages par Denis Kambouchner. Une présentation des onze scientifiques apparaissant dans l’ouvrage. Un texte expliquant ce qu’est donc devenue la grande baleine bleue échouée sur la plage d’Ostende le cinq novembre 1827. Une explication sur le crâne dénommé René Descartes, portant le numéro d’inventaire MNHN-HA-19220, au sein des collections d’anthropologie du Muséum national d’Histoire naturelle, par Ronan Allain. Un texte sur l’apport de Descartes pour les scientifiques, par Guillaume Lecointre. Le même auteur a également rédigé le texte suivant intitulé : À quoi sert l’anatomie comparée ? Et le suivant aussi : Une controverse célèbre, l’animal-machine contre l’animal-canevas. Et enfin une copieuse page de remerciements. René Descartes chemine difficilement dans une forêt suédoise, sous les flocons qui virevoltent. Un peu plus tard des individus commentent : ne pas faire de bruit car il se repose, il n’y aurait pas de bien à lui tirer le sang. Le philosophe lui-même a ajouté que s’il devait mourir il le ferait avec plus de contentement s’il ne les voyait pas. Dans la forêt, Descartes tombe et il voit une apparition dans le ciel nocturne, un immense cétacé. Celui-ci s’adresse à lui. La baleine lui dit qu’on raconte que Descartes aurait trouvé l’art de vivre plusieurs siècles. C’est vrai que le philosophe est une tête. Ce dernier répond que ça fait longtemps qu’il a perdu sa tête, sinon il ne serait pas là. Partout ailleurs les langues progressent, et lui il est coincé comme un âne dans la neige et le froid. Il a toujours su que ce voyage ne lui réussirait pas. En substance, il a loupé une belle occasion d’écouter son intuition. Qu’est-ce donc, jusqu’à maintenant, que Descartes a cru être ? Un homme, sans doute, mais qu’est-ce qu’un homme ? Va-t-il dire un animal raisonnable ? Non, parce qu’il faudrait après chercher ce qu’est qu’animal, et que raisonnable, et ainsi d’une seule question, il tomberait en plusieurs autres et plus difficiles… Mais il se rendrait plutôt attentif ici à ce qui jusqu’à maintenant, se présentait à sa pensée spontanément et tout naturellement, chaque fois qu’il considérait ce qu’il était… Ce qui se présentait d’abord, c’est bien qu’il avait un visage, des mains, des bras… Et toute cette machine d’organes telle qu’on l’observe aussi dans un cadavre qu’il désignait du nom de corps. Ce qui se présentait en outre, c’est qu’il se nourrissait, marchait, sentait, pensait. Actions qu’il rapportait sans doute à une âme. Mais cette âme, qu’est-ce que c’était ? On bien il ne s’y arrêtait pas ou bien il imaginait un minuscule je ne sais quoi sur le modèle d’un vent, d’un feu ou de l’éther, qui aurait été répandu dans les parties les plus grossières de son être. Après avoir rendu hommage à Howard Philips Lovecraft (1890-1937) dans Le Bestiaire du crépuscule (2022), la créatrice réalise une bande dessinée évoquant René Descartes (1596-1650), une nouvelle fois à sa manière très personnelle. Le fil conducteur suit le sort du crâne du philosophe, bien sûr après sa mort. En fonction de sa familiarité avec ce grand homme passé à la postérité, le lecteur découvre les circonstances de sa mort en Suède, et l’incroyable histoire de cet os, idée qui est venue à la scénariste après avoir lu un petit livre qui racontait des histoires de reliques célèbres, celles de Richelieu, Charlotte Corday et René Descartes. Ainsi ladite relique passe successivement entre les mains de Dalibert trésorier de France, puis Alexandre Lenoir pendant la révolution française, Jöns Jacob Berzelius, Jean-Baptiste Joseph Delambre, Georges Cuvier, Franz Joseph Gall, Paul Richer, la plupart d’entre eux ayant la charge de prouver à nouveau son authenticité, c’est-à-dire qu’il s’agit bien du crâne du grand homme. Dans le dossier de fin d’ouvrage, l’autrice liste les scientifiques qui apparaissent au fil des pages : Georges Cuvier (1769-1832) anatomiste et paléontologue, Jean-Baptiste Joseph Delambre (1749-1822) astronome et mathématicien français, Charles-Léopold Laurillard (1783-1853) dessinateur naturaliste, anatomiste, paléontologue, Jean-Baptiste Monet chevalier de Lamarck (1744-1829) naturaliste français, professeur du Muséum national d’Histoire naturelle, Jöns Jacob Berzelius (1779-1848) chimiste, minéralogiste, médecin, Marie Alexandre Lenoir (1761-1838), peintre, écrivain, médiéviste, Franz Joseph Gall (1758-1828) médecin, neuroanatomiste, Paul Broca (1824-1880) médecin neuroanatomiste, anthropologue, chirurgien, Pierre-Louis Gratiolet (1815-1865) zoologiste, anthropologue, neuroanatomiste, Edmond Perrier (1844-1921), zoologiste, Paul Richer (1849-1933) neuroanatomiste, historien de la médecine, illustrateur et sculpteur scientifique. Cette autrice joue avec les couleurs pour rendre compte de temporalités différentes, et de niveaux de réalité distincts. La bande dessinée commence dans des tons bleus pour la tempête de neige dans la forêt, avec des cartouches en fond bleu pour les commentaires des individus qui découvriront Descartes proche de rendre son dernier souffle, et des phylactères sur fond blanc pour le dialogue entre le philosophe et le cétacé céleste. Puis la bande dessinée passe progressivement au noir & blanc dans les pages dix et onze, avec une discrète rémanence de bleu dans le halo irradiant du crâne de Descartes. Le fond des cartouches devient plus gris que bleu, et les phylactères de dialogue conserve un fond blanc. Puis la couleur reprend le premier plan dans les pages trente-huit et trente-neuf, pour une séquence fantasmagorique, évoquant un plan spirituel. Le noir & blanc reprend, et la couleur revient dix pages plus loin, toujours dans une palette restreinte. L’histoire de la baleine échouée à Ostende se déroule en sépia. Ainsi le lecteur distingue bien le monde réel tangible, et celui plus onirique des esprits, le crâne irradiant de bleu indiquant qu’il participe de ces deux réalités. Le lecteur retrouve les cases réalisées à la plume, avec une apparence de forte densité, du fait d’aplats de noir ou de hachurages serrés. Certaines pages contiennent également des dialogues copieux ce qui donne une sensation de lecture posée, parfois un peu lente, du fait du nombre d’informations visuelles et textuelles, sans pour autant être pesante. Le lecteur commence par ressentir cette atmosphère onirique et froide de la forêt enneigée, en pleine nature. Il trouve un écho lors des séquences spirituelles sur fond de végétaux ou d’animaux, ou de globules, ou encore de ciel étoilé, une forme de mise en scène du lien du vivant avec la nature et le cosmos. Il constate rapidement la créativité de la dessinatrice dans sa capacité à concevoir des plans de prises de vue variés pour les discussions entre le crâne et les ossements des animaux soigneusement conservés dans le Muséum nationale d’Histoire naturelle. La méticulosité de leur représentation leur apporte une tangibilité et une présence remarquable, aboutissant à des personnages consistants, alors même qu’elle respecte l’anatomie et la représentation exacte des squelettes. Les séquences historiques à Paris ou ailleurs bénéficient du même investissement et de la même rigueur : des décors reconstitués avec soin et exactitude, des personnages historiques fidèles aux représentations connues, des accessoires authentiques. Et les galeries du Muséum reproduites avec minutie et précision. Le lecteur se laisse bien volontiers embarquer par cette histoire rocambolesque de crâne vadrouilleur. Il remarque vite qu’elle charrie d’autres éléments comme la notion d’anatomie comparée, les collections du Muséum nationale d’Histoire naturelle, les jeux de mots avec Os, l’enjeu d’établir avec certitude s’il s’agit bien du crâne de René Descartes, le concept d’animal-machine, la Restauration, les tableaux représentant le philosophe, l’histoire de la baleine échouée à Ostende le cinq novembre 1827, la phrénologie, l’estimation du degré d’intelligence en fonction de la taille du cerveau ou de son nombre de plis, l’extinction du dronte de Maurice, la crue de la Seine de 1910, la petite Francine (1365-1640), etc. Entremêlé à tous ces événements et thèmes, il perçoit également des bribes de la pensée de René Descartes, soit explicites, soit implicites. Pour écrire cette bande dessinée, l’autrice a relu ou lu de grands pans de son œuvre. Il est donc question de l’animal-machine et aussi de la méthode scientifique, ainsi que de la postérité de sa philosophie, et des personnes qui se réclament de sa pensée. C’est également l’occasion pour ce spectre habitant un crâne de prendre du recul sur son œuvre et sur sa vie. Et peut-être de faire amende honorable quant à la place du règne animal vis-à-vis de l’être humain. Un titre énigmatique qui fait référence au crâne de René Descartes, séparé du reste de ses ossements et des tribulations qui l’ont mené dans les collections du Muséum national d’Histoire naturelle, sous le numéro d’inventaire MNHN-HA 19220. Une bande dessinée à la narration visuelle solide, soignée et riche, entremêlant reconstitution historique et spectres oniriques, engendrant une réflexion sur l’œuvre du philosophe et son héritage, ainsi que l’enjeu autour de l’authenticité d’un crâne. Remarquable.
Une BD sur René Descartes qui n'a rien de cartésienne, un comble ! René Descartes meurt en 1650 à Stockholm où il sera enterré. On va suivre le périple de son squelette à partir de 1666 jusqu'à 1937 à la galerie d'anatomie comparée au musée national d'histoire naturelle. Un périple qui sera raconté par le crâne de Descartes à ses voisins, des animaux tout en os, avec pour question centrale : est-ce bien le véritable crâne de Descartes ? Je connaissais les grandes lignes de cette incroyable aventure post mortem. Daria Schmitt a réalisé un formidable travail de documentation sur ce parcours incroyable et sur l'homme, l'un des fondateurs de la philosophie moderne et le père de la Méthode. Il n'est pas forcément des plus attachant, mais après il a des circonstances atténuantes, puisqu'il sera enterré/déterré plusieurs fois et va perdre au fil des déplacements ses os pour ne rester qu'une tête incomplète (il manque la mâchoire inférieure). Un récit qui demande de la concentration, c'est dense, érudit mais avec une touche d'humour, sa théorie de l'animal-machine ne plaît pas à son auditoire animal. J'ai un petit faible pour cette baleine bleue échouée à Ostende en 1827. Des échanges qui vont faire vaciller notre philosophe. C'est aussi un récit historique, il permet de traverser les rebondissements de l'Histoire sur 300 ans. Une lecture instructive, mystérieuse et onirique. J'ai été conquis par la patte graphique de Daria Schmitt avec son trait hachuré. La plus grande partie de l'album est dans un superbe noir et blanc détaillé, expressif et immersif avec des touches de bleu mer, en particulier pour le halo autour du crâne de Descartes, n'est-il pas une source de lumière ? Quelques planches magnifiquement colorées pour les passages fantasmagoriques. Je tiens à souligner le travail sur la représentation des personnages historiques qui jalonnent ce récit, elles sont réalisées à partir de portraits d'époque. Un gros dossier en fin d'album avec de nombreuses annexes pour y voir plus clair. Très instructif. Je conseille des petites recherches sur le philosophe avant d'entamer ta lecture, pour mieux l'apprécier (ce que j'ai fait).
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