J’attendais quelque chose de plus fouillé et dynamique, mais cet album reste quand même bien fichu, pour nous présenter la vie et « l’œuvre » d’un des pires dirigeants de la mafia, Salvatore « Toto » Riina, devenu tristement célèbre lors de l’assassinat spectaculaire du juge Falcone, qu’il avait commandité.
C’est un récit « clinique », sans trop de fioriture ni de parties « romancées », qui présente rapidement les conditions dans lesquelles le jeune Toto a basculé dans la violence extrême, pour ensuite gravir tous les échelons le menant au « sommet » d’une des grandes familles mafieuses.
Le récit est forcément construit autour d’une accumulation d’assassinats, mais je trouve que si le mafieux est mis à jour, le personnage lui-même – et le système mafieux aussi en fait – reste un peu trop à mon goût en retrait.
Reste que Morvan montre bien la froideur absolue de ces hommes qui tuent sans scrupules et pratiquent la politique la plus violente pour se maintenir au sommet, éliminant collègues frileux ou critiques, policiers, journaliste et magistrats trop intègres ou fouineurs. La complicité de milieux politiques et policiers est un peu laissé de côté ici, ce qui explique, en plus du côté un peu « sec » du récit, mon petit bémol.
Le dessin et la colorisation de Percio accompagne bien ce récit. Un trait épais, gras, charbonneux, raccord avec une biographie noire d’un sale type, duquel ne sort aucun des aspects héroïques qui parfois permettent à un salaud d’avoir une belle face à montrer.
Anne-Sophie Servantie (que je découvre avec cet album) nous propose quelque chose – hélas – déjà pas mal traité, en BD entre autres, à savoir le viol et ses conséquences. En effet, elle a été violée à plusieurs reprises par un oncle (à partir de l’âge de quatre ans), ce qui l’a bien sûr fortement traumatisée, alors que certains membres de sa famille à qui elle s’était ouverte (sa grand-mère en particulier) n’ont pas eu la réaction attendue et souhaitée.
L’album se présente formellement comme une psychanalyse dont nous serions témoins, ce qui renforce le caractère cathartique de ce témoignage. Témoignage dans lequel l’auteure évoque la longue amnésie « de défense » qui a suivi les violences subies, mais aussi d’autres chocs consécutifs aux réactions de sa famille lorsque beaucoup plus tard elle essaye de dire ce qui s’est passé.
Si la première couleur fut le noir, d’autres se sont ajoutées : la guérison par l’art, mais aussi les couleurs qui apparaissent vers la fin, alors que l’auteure rencontre l’amour, le vrai, et sort de l’enfermement protecteur dans lequel elle cherchait à se cloîtrer.
Le dessin est assez simple, mais je l’ai trouvé très agréable à l’œil, fluide. Et l’utilisation parcimonieuse des couleurs est elle aussi plaisante.
Sur un sujet douloureux, on a là un album qui ne surjoue pas le pathos, et qui, en sus de permettre à l’auteure/victime d’exorciser la douleur, propose un récit que j’ai apprécié.
Elle occupe une place singulière dans mon cœur cette bd.
À chaque fois que je la parcours, j’ai l’impression d’avoir un storyboard sous les yeux avant qu’il ne se transforme en film d’animation. C’est un style de dessin qui foisonne et qui vit par ces paysages forestiers omniprésents et ces couleurs à la fois douces et vibrantes. J’aime également le trait, avec ces détails fins et cette attention si minutieuse sur certains visages. Je pense ne surprendre personne ayant commenté ici en disant que j’aime particulièrement le visage de Viviana avec ces coulées de larmes noires comme de la suie. C’est une femme qui a subi des violences et qui a perdu l’amour de sa vie, Beldie. Au delà de la douleur de lui avoir survécu et d’être désormais seule, elle portera les traces de son deuil sur son visage, une marque qui ne pourra jamais s’effacer, même après l’arrivée de Martino dans sa vie.
Dès le début de l’histoire, nous sommes happés par la composition qui se jouera en miroir via des notions au premier abord contraires mais qui se révèlent en réalité complémentaires (naissance/mort, rejet/renaissance, perte/transmission, communauté/émancipation, masculin/féminin). La figure de la sorcière jouit aussi de cette symétrie très contemporaine (femme diabolique/femme émancipée, libre). En cela, elle n’est pas aussi caricaturale qu’on pourrait le penser puisqu’elle a l’avantage de poser un cadre reconnaissable et universel (d’un point de vu occidental tout du moins), marquant une rupture forte dans notre façon de penser l’autre, ici notamment la femme et la place qu’on lui attribue. Viviana et Beldie ne sont pas punies pour être des sorcières, elle sont punies pour avoir transgressé leur place, d’avoir voulu s’exercer à la libre-pensée, loin des dogmes religieux et des injonctions de leur communauté. Elles ont voulu être des femmes plus libres, on les a enchaîné à l’image de sorcière afin de susciter la peur et le rejet.
C’est aussi une bd qui aborde la question du genre sous un angle différent, à savoir la manière dont nous façonnent les personnes importantes pour nous. En fait, la question qu’aborde cette bd serait celle-ci : quelles sont les personnes qui nous aident à nous définir ?
C’est à travers les yeux de Martino que nous aurons une réponse à cette question. Si ce petit garçon est rejeté pour ce qu’il n’a pas choisi d’être, à savoir albinos, il va alors décider de devenir une personne nouvelle auprès des personnes qui l’acceptent et le soutiennent. Pour cela, il va se reconstruire à travers les yeux bienveillants de Viviana. Cette reconstruction sera double, puisqu’elle aidera Viviana à apaiser son deuil : « On peut s’aider à vivre » lui dit-elle. C’est ainsi qu’il va aspirer à vivre comme une femme, plus précisément comme ces femmes, ces sorcières, sa nouvelle famille. Il adopte leur mode de vie, apprend d’elles l’herbologie pour se soigner, à cultiver et cuisiner pour être auto-suffisant, à s’habiller comme elles, à aimer comme elles.
Vous l’aurez compris, tout au long de l’histoire, Martino qui deviendra Rebis, n’aura pour modèle bienveillant que des femmes. Sa mère et ses sœurs tout d’abord, puis Viviana et les amies de celle-ci, mais aussi le souvenir de Beldie, personnage à part entière dont l’aura s’incarnera à travers Rebis. Comme une touche d’espoir, la perpétuation d’un cycle de tolérance et de liberté.
À me lire, on pourrait croire que la bd raconte avec un fort parti pris et sans subtilités que les femmes sont les seuls bons exemples à suivre. Je ne pense pas que le message soit aussi tranché. Si la question du genre est diluée dans le récit, c’est pour montrer que la façon dont on se définit si l’on est entouré par de bonnes personnes se fait naturellement. Face à son mal-être, Martino aspire a devenir un être au féminin, Rebis, parce que les seuls exemples aimants et bienveillants qu’il ait jamais connu sont des femmes, tout simplement. Rebis choisit cet espace de sororité avant tout parce qu’iel si sent bien. On pourrait donc reprocher au récit de ne pas introduire un personnage masculin plus empathique et compréhensif dans la balance. Pourtant ce serait oublier que parfois nous n’avons pas toujours la possibilité d’élargir nos relations, que nous sommes longtemps confrontés aux mêmes schémas néfastes (familiaux notamment) avant de pouvoir s’en extraire en allant vers ceux qui leur sont opposés.
Pour conclure, Rebis, au delà de son terme latin signifiant littéralement « chose double », désigne également un processus alchimique de transformation qui vise à unifier deux choses, autrement dit le masculin et le féminin. Comme si l’idée était de créer un parfait équilibre, se sentir en phase avec soi, avec tout ce qui nous définit en tant que femme et en tant qu’homme. En bref, posséder une juste part des deux côtés pour mieux s’accepter, se comprendre et comprendre les autres. Comme quoi, la bd ne rejette pas le masculin finalement ! :p
2.5
Un album qui m'a déçu. J'avais été attiré par la couverture et un rapide coup d'œil sur bdthèque me donnait une seule bonne note et un résumé qui laissait présager une bd historique intéressante. J'aurais peut-être dû au moins ouvrir l'album et le feuilleter un peu avant de l'emprunter parce que je pense que je ne l'aurais pas fait si j'avais vu la mise en page.
En effet, si je trouve que le dessin n’est pas trop mal, je ne suis pas du tout fan de la mise en page de l'auteur. Je n'ai rien contre les présentations originales, mais je n'aime pas quand dans une BD le texte est séparé du dessin. Surtout qu'en plus parfois on a droit à des pages avec une petite case dessin et plein de cases textes, c'est vraiment lourd à lire.
Dommage parce que je ne connaissais pas l'histoire de ce camp de concentration et il y a des moments forts éparpillés dans le récit. Sauf que je mentirais si je ne dis pas que je me suis quand même un peu ennuyé et que cela m'a tout de même pris deux jours pour venir à bout d'un album qui me semblait un peu impossible à finir.
J’ai l’impression de commencer mes avis sur les collaborations d’Hermann père et fils de la même façon. En me plaignant de la faiblesse du scénario du fils, que ne compense qu’à grande peine le dessin du père. Mais là, je pense que c’est encore plus décevant – malgré certaines qualités réelles – qu’à l’habitude.
Généralement le dessin d’Hermann sauve les productions du duo. Mais là, peu de choses m’ont satisfait. Hermann a quand même su rendre une atmosphère où les brumes dominent sur les landes écossaises. Mais pour le reste, la colorisation fait le minimum, souvent négligée, avec un rendu parfois vraiment laid.
Et le dessin d’Hermann me fait penser qu’il serait temps d’arrêter. On est loin ici de ce qu’il a pu faire ailleurs ! Les visages sont souvent ressemblants (difficile de distinguer certains personnages), parfois franchement ratés (sur des vues de profil surtout), avec des proportions aléatoires. Si j’insiste sur ces détails, c’est que justement Hermann a été capable de produire de très belles planches sur plusieurs séries. Ici, j’ai eu l’impression de lire quelque chose de négligé, bâclé.
Et du coup le scénario d’Yves H. passe encore moins. Rien d’ignoble, mais un sentiment de vacuité, de vide. Les deux tomes sont très très vite lus, car il n’y a pas beaucoup de texte, et l’intrigue elle-même s’étale inutilement alors même qu’elle tient en quelques lignes (un seul album de 56 pages aurait été suffisant). Un conflit entre des Romains et des Pictes, duquel seuls deux personnages sortent du lot : un sous-officier romain hâbleur et lâche, et Brigantus, le « Picte », sans doute le seul personnage un peu intrigant, mais sur lequel on n’apprend au final pas grand-chose – ultime frustration d’une lecture qui me laisse très largement sur ma faim.
Un gros bof donc.
La forme est assez aride, et peut au départ rebuter certains lecteurs. En effet, il n’y a pas vraiment de construction romanesque, et l’album se présente formellement comme une enquête, posant des questions, et présentant quelques protagonistes, témoignages et hypothèses. Il y a très peu de décor, les pages sont souvent occupées – au milieu d’un grand blanc – par des personnages (parfois seulement leur visage). Mais voilà, j’encourage les lecteurs à dépasser ces quelques freins potentiels, car cette enquête est vraiment intéressante.
Elle s’attaque à l’un des nombreux scandales des années De Gaulle, à savoir l’enlèvement en plein Paris – et le meurtre – de l’opposant marocain Ben Barka, homme engagé auprès des mouvements indépendantistes, révolutionnaires et tiers-mondistes. C’est dire si, au milieu des années 1960, il s’était fait des ennemis partout dans le monde. En commençant par certains milieux en France, et bien sûr l’autocrate marocain (« ami de la France » Hassan II), qui a commandité l’opération. Tout cet arrière-plan, bien rappelé, est intéressant, et donne du relief à cette affaire, qui aurait pu n’être « que » sordide ».
Malgré l’acharnement et la volonté de la famille de Ben Barka et de quelques juges intègres, les auteurs – qui se sont très solidement documentés – ne peuvent avancer que des hypothèses (très crédibles), sur le déroulement des faits, et sur l’action de tous les intervenants.
Mais les policiers et autres proches des services secrets français ayant participé de près ou de loin à cette « disparition » n’ont jamais été réellement inquiétés, comme les commanditaires marocains. Et les Présidents de la République qui se sont succédé depuis De Gaulle n’ont montré aucun zèle pour faire avancer l’enquête (voir l’exemple donné par l’action d’un juge au moment d’une visite au Maroc de Sarkozy et Dati).
Il est intéressant de voir qu’autour de cette affaire tournent beaucoup de barbouzes, de policiers, mais aussi d’États différents (Maroc, CIA, mais aussi Mossad israélien). C’est aussi l’occasion de rappeler quelques à-côtés de la collaboration entre le Maroc et le Mossad (voir l’épisode que je ne connaissais pas de l’espionnage au profit d’Israël mené par le Maroc peu avant cette affaire : le Maroc a ainsi pu bénéficier de l’aide logistique du Mossad, Israël obtenant des informations cruciales lui permettant de prendre le dessus deux ans plus tard lors de la guerre des Six-Jours).
On l’a compris, sous ses dehors un peu secs, ce documentaire se révèle très riche, et donne une image peu reluisante du fonctionnement des États – les « démocraties » ne se démarquant ici pas du tout des dictatures – cela a-t-il changé ?).
Une lecture vraiment très recommandable.
Une histoire qui se révèle plus originale qu’il n’y paraissait de prime abord. En effet, je pensais, au vu des premières pages, lire un récit autour de la conquête du Pôle Nord par Peary. Mais Peary lui-même et cet aspect n’occupent finalement que peu de places (quelques planches en début des deux premiers tomes, et certaines vers la fin du troisième).
En fait, l’intrigue bascule assez rapidement vers quelque chose de très différent, où le fantastique joue à plein. Une sorte de récit des origines, utilisant univers et mythologie esquimaude, rapidement mélangée avec des aspects vikings. La création des vastes étendues glacées de l’inlandsis, les liens entre hommes et animaux, mais aussi entre les humains, tout ceci nourrit ce récit un peu étrange.
L’intrigue et la narration m’ont paru un peu décousues, et il y a quelques longueurs. Disons que tout aurait sans doute pu être traité en deux tomes de 56 pages je pense.
Le dessin est plutôt agréable. Et, fait notable, pas si monotone que ça, le blanc étant loin de monopoliser la colorisation.
Un triptyque à découvrir.
Coup sur coup, voici le deuxième manfra dont l’éditeur (Kana) décide d’arrêter la publication après seulement trois tomes. Car soyons clairs et bien plus encore que pour « La Boutique d'Artefacts », il s’agit purement et simplement d’une série abandonnée, l’auteure ne parvenant pas à clore ce troisième tome sur une fin un tant soit peu satisfaisante. On peut même dire dans le cas présent qu’elle nous laisse en plan au beau milieu du gué.
Sans atteindre des hauts sommets, la série disposait tout de même de suffisamment d’atouts pour convaincre un public adolescent. Un univers médiéval fantastique classique, une héroïne à laquelle les lectrices pouvaient s’identifier et les lecteurs s’attacher, les seconds rôles habituels qui ne demandaient qu’à grandir (un des frères de l’héroïne commençait à présenter une image plus intéressante que de prime abord, par exemple), un concept de résurrection original, un peu d’humour (sans doute en aurait-il fallu un peu plus pour vraiment me séduire), un dessin soigné (malgré quelques problèmes épisodiques de proportions et de lisibilité (pour les monstres, notamment)) : le potentiel était là… la super-bonne idée capable d’extraire la série de la masse, par contre, manquait très certainement. Surtout (et c’est une vraie question que je me pose), je me demande dans quelle mesure il n’est pas extrêmement difficile pour un auteur européen de manga de réussir à imposer sa série face à la concurrence asiatique. Quel est le coût de revient d’un manga original face à un manga dont on a racheté les droits ? Et par conséquent combien d’exemplaires doit-il vendre pour devenir aussi rentable auprès d'un éditeur que dans le cas d’une série simplement traduite ?
Quoiqu’il en soit, cette série a été abandonnée et je déconseille son achat sur cette seule base. L’histoire demeure toutefois plaisante à suivre et on découvre au fur et à mesure toute la richesse de cet univers. J’ai quand même eu l’impression que l’auteure ne savait pas très clairement elle-même comment elle allait développer son récit. Pour preuve le titre de la série dont le choix demeure très nébuleux après trois tomes. Il y a aussi d’autres éléments moins convaincants, dont la transformation en monstres de certains ressuscités ou (phénomène récurrent dans le manga) la lisibilité de certaines scènes d’action. En clair, c’est une série qui n’a rien de honteux. Son auteure y montre un réel potentiel mais sans doute doit elle encore progresser avant de réussir à publier une série au long cours. Kana a justement lancé un magazine en compagnie d’autres éditeurs européens (Manga Issho, publié conjointement avec Altraverse (Allemagne), Planeta Cómic (Espagne) et Star Comics (Italie)), ce qui est à mes yeux une excellente initiative et devrait permettre à ces jeunes auteurices de faire leurs armes avant de se lancer dans une longue série (à l’image de ce que les magazines de ma jeunesse ont permis de faire pour une kyrielle d’auteurs dans les années 1960 à 1980). Mais je m’égare… On est là pour parler des Héritiers d’Agïone et en l’état, la série ayant été abandonnée sans fin conclusive et n’étant pas exempte de défauts malgré d’évidentes qualités, j’en déconseille l’achat. Cependant, la lire vous permettra de vous faire une idée du potentiel de son auteure.
Une petite famille relativement riche, deux frères et leur mère, émigrent vers une ville sordide de prospecteurs pour y établir leur entreprise et tenter de faire fortune. Tout le monde les prévient que c'est une ville dangereuse, pleine d'arnaqueurs et de maladies, et que la majorité des gens en reviennent ruinés ou handicapés, mais qu'à cela ne tienne : c'est l'occasion pour les deux jeunes de prouver leur valeur.
D'ordinaire, j'aime bien ce genre de récit dans des univers imaginaires, un peu SF, un peu post-apo. J'aime ces voyages dépaysants dans des contrées originales, avec un esprit d'aventure et de pionniers à la façon western. Et même si je n'en suis pas un grand fan, j'apprécie ce style graphique simple, entre cartoon et underground, notamment grâce à son travail sur la couleur qui lui donne à la fois une certaine légèreté et aussi une vraie élégance, en particulier avec ces tons bruns rappelant la boue des marécages qui imprègne ces lieux.
Mais cette fois, le scénario ne m'a vraiment pas convaincu. Dès le départ, je comprenais mal les motivations des personnages : on les avertit de tous les dangers, qu'ils vont se faire arnaquer, qu'ils seront ruinés, et malgré tout ils y vont comme des gros naïfs, alors que leur mère est censée être une vétéran des affaires, donc capable d'évaluer les risques. Tout au long de l'histoire, je les ai vus agir comme des idiots, ignorant des avertissements tellement flagrants. Tout m'a semblé tellement prévisible que je m'attendais à un retournement, un twist où l'auteur tirerait quelque chose de surprenant de la situation... mais non. Tout s'est déroulé comme prévu. Et je me suis retrouvé frustré par une fin qui ne développait rien de plus, comme une morale convenue, tirée d'une fable sans surprise. Bref, une fin amère pour une lecture qui ne m'a pas captivé.
Du célèbre personnage éponyme cette série ne garde que quelques références, principalement en ce qui concerne la personnalité flamboyante et charmeuse du protagoniste, le propos sur l'hybris qui mène à sa perte et l'esthétique de cape et d'épée. Mis à part ça, ici, pas d'amourette (tout du moins ce n'est pas le sujet central), il est surtout question de fantastique, d'une mystérieuse disparition et d'une histoire sur le libre arbitre.
A Flot, ville isolée au milieu d'un océan tempétueux empêchant quiconque de partir, tout se paie. Toutes les folies, tous les impossibles sont à portée de main à condition d'en payé le prix fort auprès du dirigeant immortel de l'île.
Qu'y a-t-il au delà des murs et de la tempête ? Est-il nécessaire que la magie demande à tous-te de payer un prix si lourd ? Est-il possible d'améliorer la vie des pauvres gens vivant ici ? Qu'est-il advenu du Comendador, mystérieusement disparu il y a peu ? Ces questions brûlent les lèvres de Doña Laura, une soigneuse à la tête d'un petit groupe de parias cherchant à changer les choses. Alors quand un certain Don Juan, sauveur de la veuve et de l'orphelin et visiblement doté d'un grand pouvoir sans contrepartie, commence à faire parler de lui, un projet d'alliance voit le jour.
C'est un récit fantastique classique, centré sur une ville mystérieuse, une magie au fonctionnement d'apparence simple mais aux possibilités complexes et des personnages ayant visiblement soif de justice et de liberté. Pas révolutionnaire mais bien mené : les scènes d'actions sont entraînantes, les échanges font mouches, l'histoire parvient à nous donner envie d'en savoir plus sur toute cette histoire (particulièrement avec son final qui en promet beaucoup).
Je n'en attendais pas grand chose, n'étant pas très fan du personnage éponyme de Molière (n'aimant pas vraiment la pièce, même si les archétypes de beaux-parleurs/charmeurs/flamboyants me plaisent généralement), mais j'avoue être ressortie satisfaite et intriguée à la fin de ma lecture de ce premier tome.
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Le Fauve de Corleone
J’attendais quelque chose de plus fouillé et dynamique, mais cet album reste quand même bien fichu, pour nous présenter la vie et « l’œuvre » d’un des pires dirigeants de la mafia, Salvatore « Toto » Riina, devenu tristement célèbre lors de l’assassinat spectaculaire du juge Falcone, qu’il avait commandité. C’est un récit « clinique », sans trop de fioriture ni de parties « romancées », qui présente rapidement les conditions dans lesquelles le jeune Toto a basculé dans la violence extrême, pour ensuite gravir tous les échelons le menant au « sommet » d’une des grandes familles mafieuses. Le récit est forcément construit autour d’une accumulation d’assassinats, mais je trouve que si le mafieux est mis à jour, le personnage lui-même – et le système mafieux aussi en fait – reste un peu trop à mon goût en retrait. Reste que Morvan montre bien la froideur absolue de ces hommes qui tuent sans scrupules et pratiquent la politique la plus violente pour se maintenir au sommet, éliminant collègues frileux ou critiques, policiers, journaliste et magistrats trop intègres ou fouineurs. La complicité de milieux politiques et policiers est un peu laissé de côté ici, ce qui explique, en plus du côté un peu « sec » du récit, mon petit bémol. Le dessin et la colorisation de Percio accompagne bien ce récit. Un trait épais, gras, charbonneux, raccord avec une biographie noire d’un sale type, duquel ne sort aucun des aspects héroïques qui parfois permettent à un salaud d’avoir une belle face à montrer.
La Première Couleur fut le Noir
Anne-Sophie Servantie (que je découvre avec cet album) nous propose quelque chose – hélas – déjà pas mal traité, en BD entre autres, à savoir le viol et ses conséquences. En effet, elle a été violée à plusieurs reprises par un oncle (à partir de l’âge de quatre ans), ce qui l’a bien sûr fortement traumatisée, alors que certains membres de sa famille à qui elle s’était ouverte (sa grand-mère en particulier) n’ont pas eu la réaction attendue et souhaitée. L’album se présente formellement comme une psychanalyse dont nous serions témoins, ce qui renforce le caractère cathartique de ce témoignage. Témoignage dans lequel l’auteure évoque la longue amnésie « de défense » qui a suivi les violences subies, mais aussi d’autres chocs consécutifs aux réactions de sa famille lorsque beaucoup plus tard elle essaye de dire ce qui s’est passé. Si la première couleur fut le noir, d’autres se sont ajoutées : la guérison par l’art, mais aussi les couleurs qui apparaissent vers la fin, alors que l’auteure rencontre l’amour, le vrai, et sort de l’enfermement protecteur dans lequel elle cherchait à se cloîtrer. Le dessin est assez simple, mais je l’ai trouvé très agréable à l’œil, fluide. Et l’utilisation parcimonieuse des couleurs est elle aussi plaisante. Sur un sujet douloureux, on a là un album qui ne surjoue pas le pathos, et qui, en sus de permettre à l’auteure/victime d’exorciser la douleur, propose un récit que j’ai apprécié.
Rebis
Elle occupe une place singulière dans mon cœur cette bd. À chaque fois que je la parcours, j’ai l’impression d’avoir un storyboard sous les yeux avant qu’il ne se transforme en film d’animation. C’est un style de dessin qui foisonne et qui vit par ces paysages forestiers omniprésents et ces couleurs à la fois douces et vibrantes. J’aime également le trait, avec ces détails fins et cette attention si minutieuse sur certains visages. Je pense ne surprendre personne ayant commenté ici en disant que j’aime particulièrement le visage de Viviana avec ces coulées de larmes noires comme de la suie. C’est une femme qui a subi des violences et qui a perdu l’amour de sa vie, Beldie. Au delà de la douleur de lui avoir survécu et d’être désormais seule, elle portera les traces de son deuil sur son visage, une marque qui ne pourra jamais s’effacer, même après l’arrivée de Martino dans sa vie. Dès le début de l’histoire, nous sommes happés par la composition qui se jouera en miroir via des notions au premier abord contraires mais qui se révèlent en réalité complémentaires (naissance/mort, rejet/renaissance, perte/transmission, communauté/émancipation, masculin/féminin). La figure de la sorcière jouit aussi de cette symétrie très contemporaine (femme diabolique/femme émancipée, libre). En cela, elle n’est pas aussi caricaturale qu’on pourrait le penser puisqu’elle a l’avantage de poser un cadre reconnaissable et universel (d’un point de vu occidental tout du moins), marquant une rupture forte dans notre façon de penser l’autre, ici notamment la femme et la place qu’on lui attribue. Viviana et Beldie ne sont pas punies pour être des sorcières, elle sont punies pour avoir transgressé leur place, d’avoir voulu s’exercer à la libre-pensée, loin des dogmes religieux et des injonctions de leur communauté. Elles ont voulu être des femmes plus libres, on les a enchaîné à l’image de sorcière afin de susciter la peur et le rejet. C’est aussi une bd qui aborde la question du genre sous un angle différent, à savoir la manière dont nous façonnent les personnes importantes pour nous. En fait, la question qu’aborde cette bd serait celle-ci : quelles sont les personnes qui nous aident à nous définir ? C’est à travers les yeux de Martino que nous aurons une réponse à cette question. Si ce petit garçon est rejeté pour ce qu’il n’a pas choisi d’être, à savoir albinos, il va alors décider de devenir une personne nouvelle auprès des personnes qui l’acceptent et le soutiennent. Pour cela, il va se reconstruire à travers les yeux bienveillants de Viviana. Cette reconstruction sera double, puisqu’elle aidera Viviana à apaiser son deuil : « On peut s’aider à vivre » lui dit-elle. C’est ainsi qu’il va aspirer à vivre comme une femme, plus précisément comme ces femmes, ces sorcières, sa nouvelle famille. Il adopte leur mode de vie, apprend d’elles l’herbologie pour se soigner, à cultiver et cuisiner pour être auto-suffisant, à s’habiller comme elles, à aimer comme elles. Vous l’aurez compris, tout au long de l’histoire, Martino qui deviendra Rebis, n’aura pour modèle bienveillant que des femmes. Sa mère et ses sœurs tout d’abord, puis Viviana et les amies de celle-ci, mais aussi le souvenir de Beldie, personnage à part entière dont l’aura s’incarnera à travers Rebis. Comme une touche d’espoir, la perpétuation d’un cycle de tolérance et de liberté. À me lire, on pourrait croire que la bd raconte avec un fort parti pris et sans subtilités que les femmes sont les seuls bons exemples à suivre. Je ne pense pas que le message soit aussi tranché. Si la question du genre est diluée dans le récit, c’est pour montrer que la façon dont on se définit si l’on est entouré par de bonnes personnes se fait naturellement. Face à son mal-être, Martino aspire a devenir un être au féminin, Rebis, parce que les seuls exemples aimants et bienveillants qu’il ait jamais connu sont des femmes, tout simplement. Rebis choisit cet espace de sororité avant tout parce qu’iel si sent bien. On pourrait donc reprocher au récit de ne pas introduire un personnage masculin plus empathique et compréhensif dans la balance. Pourtant ce serait oublier que parfois nous n’avons pas toujours la possibilité d’élargir nos relations, que nous sommes longtemps confrontés aux mêmes schémas néfastes (familiaux notamment) avant de pouvoir s’en extraire en allant vers ceux qui leur sont opposés. Pour conclure, Rebis, au delà de son terme latin signifiant littéralement « chose double », désigne également un processus alchimique de transformation qui vise à unifier deux choses, autrement dit le masculin et le féminin. Comme si l’idée était de créer un parfait équilibre, se sentir en phase avec soi, avec tout ce qui nous définit en tant que femme et en tant qu’homme. En bref, posséder une juste part des deux côtés pour mieux s’accepter, se comprendre et comprendre les autres. Comme quoi, la bd ne rejette pas le masculin finalement ! :p
Kinderzimmer
2.5 Un album qui m'a déçu. J'avais été attiré par la couverture et un rapide coup d'œil sur bdthèque me donnait une seule bonne note et un résumé qui laissait présager une bd historique intéressante. J'aurais peut-être dû au moins ouvrir l'album et le feuilleter un peu avant de l'emprunter parce que je pense que je ne l'aurais pas fait si j'avais vu la mise en page. En effet, si je trouve que le dessin n’est pas trop mal, je ne suis pas du tout fan de la mise en page de l'auteur. Je n'ai rien contre les présentations originales, mais je n'aime pas quand dans une BD le texte est séparé du dessin. Surtout qu'en plus parfois on a droit à des pages avec une petite case dessin et plein de cases textes, c'est vraiment lourd à lire. Dommage parce que je ne connaissais pas l'histoire de ce camp de concentration et il y a des moments forts éparpillés dans le récit. Sauf que je mentirais si je ne dis pas que je me suis quand même un peu ennuyé et que cela m'a tout de même pris deux jours pour venir à bout d'un album qui me semblait un peu impossible à finir.
Brigantus
J’ai l’impression de commencer mes avis sur les collaborations d’Hermann père et fils de la même façon. En me plaignant de la faiblesse du scénario du fils, que ne compense qu’à grande peine le dessin du père. Mais là, je pense que c’est encore plus décevant – malgré certaines qualités réelles – qu’à l’habitude. Généralement le dessin d’Hermann sauve les productions du duo. Mais là, peu de choses m’ont satisfait. Hermann a quand même su rendre une atmosphère où les brumes dominent sur les landes écossaises. Mais pour le reste, la colorisation fait le minimum, souvent négligée, avec un rendu parfois vraiment laid. Et le dessin d’Hermann me fait penser qu’il serait temps d’arrêter. On est loin ici de ce qu’il a pu faire ailleurs ! Les visages sont souvent ressemblants (difficile de distinguer certains personnages), parfois franchement ratés (sur des vues de profil surtout), avec des proportions aléatoires. Si j’insiste sur ces détails, c’est que justement Hermann a été capable de produire de très belles planches sur plusieurs séries. Ici, j’ai eu l’impression de lire quelque chose de négligé, bâclé. Et du coup le scénario d’Yves H. passe encore moins. Rien d’ignoble, mais un sentiment de vacuité, de vide. Les deux tomes sont très très vite lus, car il n’y a pas beaucoup de texte, et l’intrigue elle-même s’étale inutilement alors même qu’elle tient en quelques lignes (un seul album de 56 pages aurait été suffisant). Un conflit entre des Romains et des Pictes, duquel seuls deux personnages sortent du lot : un sous-officier romain hâbleur et lâche, et Brigantus, le « Picte », sans doute le seul personnage un peu intrigant, mais sur lequel on n’apprend au final pas grand-chose – ultime frustration d’une lecture qui me laisse très largement sur ma faim. Un gros bof donc.
Ben Barka - La disparition
La forme est assez aride, et peut au départ rebuter certains lecteurs. En effet, il n’y a pas vraiment de construction romanesque, et l’album se présente formellement comme une enquête, posant des questions, et présentant quelques protagonistes, témoignages et hypothèses. Il y a très peu de décor, les pages sont souvent occupées – au milieu d’un grand blanc – par des personnages (parfois seulement leur visage). Mais voilà, j’encourage les lecteurs à dépasser ces quelques freins potentiels, car cette enquête est vraiment intéressante. Elle s’attaque à l’un des nombreux scandales des années De Gaulle, à savoir l’enlèvement en plein Paris – et le meurtre – de l’opposant marocain Ben Barka, homme engagé auprès des mouvements indépendantistes, révolutionnaires et tiers-mondistes. C’est dire si, au milieu des années 1960, il s’était fait des ennemis partout dans le monde. En commençant par certains milieux en France, et bien sûr l’autocrate marocain (« ami de la France » Hassan II), qui a commandité l’opération. Tout cet arrière-plan, bien rappelé, est intéressant, et donne du relief à cette affaire, qui aurait pu n’être « que » sordide ». Malgré l’acharnement et la volonté de la famille de Ben Barka et de quelques juges intègres, les auteurs – qui se sont très solidement documentés – ne peuvent avancer que des hypothèses (très crédibles), sur le déroulement des faits, et sur l’action de tous les intervenants. Mais les policiers et autres proches des services secrets français ayant participé de près ou de loin à cette « disparition » n’ont jamais été réellement inquiétés, comme les commanditaires marocains. Et les Présidents de la République qui se sont succédé depuis De Gaulle n’ont montré aucun zèle pour faire avancer l’enquête (voir l’exemple donné par l’action d’un juge au moment d’une visite au Maroc de Sarkozy et Dati). Il est intéressant de voir qu’autour de cette affaire tournent beaucoup de barbouzes, de policiers, mais aussi d’États différents (Maroc, CIA, mais aussi Mossad israélien). C’est aussi l’occasion de rappeler quelques à-côtés de la collaboration entre le Maroc et le Mossad (voir l’épisode que je ne connaissais pas de l’espionnage au profit d’Israël mené par le Maroc peu avant cette affaire : le Maroc a ainsi pu bénéficier de l’aide logistique du Mossad, Israël obtenant des informations cruciales lui permettant de prendre le dessus deux ans plus tard lors de la guerre des Six-Jours). On l’a compris, sous ses dehors un peu secs, ce documentaire se révèle très riche, et donne une image peu reluisante du fonctionnement des États – les « démocraties » ne se démarquant ici pas du tout des dictatures – cela a-t-il changé ?). Une lecture vraiment très recommandable.
Inlandsis
Une histoire qui se révèle plus originale qu’il n’y paraissait de prime abord. En effet, je pensais, au vu des premières pages, lire un récit autour de la conquête du Pôle Nord par Peary. Mais Peary lui-même et cet aspect n’occupent finalement que peu de places (quelques planches en début des deux premiers tomes, et certaines vers la fin du troisième). En fait, l’intrigue bascule assez rapidement vers quelque chose de très différent, où le fantastique joue à plein. Une sorte de récit des origines, utilisant univers et mythologie esquimaude, rapidement mélangée avec des aspects vikings. La création des vastes étendues glacées de l’inlandsis, les liens entre hommes et animaux, mais aussi entre les humains, tout ceci nourrit ce récit un peu étrange. L’intrigue et la narration m’ont paru un peu décousues, et il y a quelques longueurs. Disons que tout aurait sans doute pu être traité en deux tomes de 56 pages je pense. Le dessin est plutôt agréable. Et, fait notable, pas si monotone que ça, le blanc étant loin de monopoliser la colorisation. Un triptyque à découvrir.
Les Héritiers d'Agïone
Coup sur coup, voici le deuxième manfra dont l’éditeur (Kana) décide d’arrêter la publication après seulement trois tomes. Car soyons clairs et bien plus encore que pour « La Boutique d'Artefacts », il s’agit purement et simplement d’une série abandonnée, l’auteure ne parvenant pas à clore ce troisième tome sur une fin un tant soit peu satisfaisante. On peut même dire dans le cas présent qu’elle nous laisse en plan au beau milieu du gué. Sans atteindre des hauts sommets, la série disposait tout de même de suffisamment d’atouts pour convaincre un public adolescent. Un univers médiéval fantastique classique, une héroïne à laquelle les lectrices pouvaient s’identifier et les lecteurs s’attacher, les seconds rôles habituels qui ne demandaient qu’à grandir (un des frères de l’héroïne commençait à présenter une image plus intéressante que de prime abord, par exemple), un concept de résurrection original, un peu d’humour (sans doute en aurait-il fallu un peu plus pour vraiment me séduire), un dessin soigné (malgré quelques problèmes épisodiques de proportions et de lisibilité (pour les monstres, notamment)) : le potentiel était là… la super-bonne idée capable d’extraire la série de la masse, par contre, manquait très certainement. Surtout (et c’est une vraie question que je me pose), je me demande dans quelle mesure il n’est pas extrêmement difficile pour un auteur européen de manga de réussir à imposer sa série face à la concurrence asiatique. Quel est le coût de revient d’un manga original face à un manga dont on a racheté les droits ? Et par conséquent combien d’exemplaires doit-il vendre pour devenir aussi rentable auprès d'un éditeur que dans le cas d’une série simplement traduite ? Quoiqu’il en soit, cette série a été abandonnée et je déconseille son achat sur cette seule base. L’histoire demeure toutefois plaisante à suivre et on découvre au fur et à mesure toute la richesse de cet univers. J’ai quand même eu l’impression que l’auteure ne savait pas très clairement elle-même comment elle allait développer son récit. Pour preuve le titre de la série dont le choix demeure très nébuleux après trois tomes. Il y a aussi d’autres éléments moins convaincants, dont la transformation en monstres de certains ressuscités ou (phénomène récurrent dans le manga) la lisibilité de certaines scènes d’action. En clair, c’est une série qui n’a rien de honteux. Son auteure y montre un réel potentiel mais sans doute doit elle encore progresser avant de réussir à publier une série au long cours. Kana a justement lancé un magazine en compagnie d’autres éditeurs européens (Manga Issho, publié conjointement avec Altraverse (Allemagne), Planeta Cómic (Espagne) et Star Comics (Italie)), ce qui est à mes yeux une excellente initiative et devrait permettre à ces jeunes auteurices de faire leurs armes avant de se lancer dans une longue série (à l’image de ce que les magazines de ma jeunesse ont permis de faire pour une kyrielle d’auteurs dans les années 1960 à 1980). Mais je m’égare… On est là pour parler des Héritiers d’Agïone et en l’état, la série ayant été abandonnée sans fin conclusive et n’étant pas exempte de défauts malgré d’évidentes qualités, j’en déconseille l’achat. Cependant, la lire vous permettra de vous faire une idée du potentiel de son auteure.
La Fange
Une petite famille relativement riche, deux frères et leur mère, émigrent vers une ville sordide de prospecteurs pour y établir leur entreprise et tenter de faire fortune. Tout le monde les prévient que c'est une ville dangereuse, pleine d'arnaqueurs et de maladies, et que la majorité des gens en reviennent ruinés ou handicapés, mais qu'à cela ne tienne : c'est l'occasion pour les deux jeunes de prouver leur valeur. D'ordinaire, j'aime bien ce genre de récit dans des univers imaginaires, un peu SF, un peu post-apo. J'aime ces voyages dépaysants dans des contrées originales, avec un esprit d'aventure et de pionniers à la façon western. Et même si je n'en suis pas un grand fan, j'apprécie ce style graphique simple, entre cartoon et underground, notamment grâce à son travail sur la couleur qui lui donne à la fois une certaine légèreté et aussi une vraie élégance, en particulier avec ces tons bruns rappelant la boue des marécages qui imprègne ces lieux. Mais cette fois, le scénario ne m'a vraiment pas convaincu. Dès le départ, je comprenais mal les motivations des personnages : on les avertit de tous les dangers, qu'ils vont se faire arnaquer, qu'ils seront ruinés, et malgré tout ils y vont comme des gros naïfs, alors que leur mère est censée être une vétéran des affaires, donc capable d'évaluer les risques. Tout au long de l'histoire, je les ai vus agir comme des idiots, ignorant des avertissements tellement flagrants. Tout m'a semblé tellement prévisible que je m'attendais à un retournement, un twist où l'auteur tirerait quelque chose de surprenant de la situation... mais non. Tout s'est déroulé comme prévu. Et je me suis retrouvé frustré par une fin qui ne développait rien de plus, comme une morale convenue, tirée d'une fable sans surprise. Bref, une fin amère pour une lecture qui ne m'a pas captivé.
Don Juan des Flots
Du célèbre personnage éponyme cette série ne garde que quelques références, principalement en ce qui concerne la personnalité flamboyante et charmeuse du protagoniste, le propos sur l'hybris qui mène à sa perte et l'esthétique de cape et d'épée. Mis à part ça, ici, pas d'amourette (tout du moins ce n'est pas le sujet central), il est surtout question de fantastique, d'une mystérieuse disparition et d'une histoire sur le libre arbitre. A Flot, ville isolée au milieu d'un océan tempétueux empêchant quiconque de partir, tout se paie. Toutes les folies, tous les impossibles sont à portée de main à condition d'en payé le prix fort auprès du dirigeant immortel de l'île. Qu'y a-t-il au delà des murs et de la tempête ? Est-il nécessaire que la magie demande à tous-te de payer un prix si lourd ? Est-il possible d'améliorer la vie des pauvres gens vivant ici ? Qu'est-il advenu du Comendador, mystérieusement disparu il y a peu ? Ces questions brûlent les lèvres de Doña Laura, une soigneuse à la tête d'un petit groupe de parias cherchant à changer les choses. Alors quand un certain Don Juan, sauveur de la veuve et de l'orphelin et visiblement doté d'un grand pouvoir sans contrepartie, commence à faire parler de lui, un projet d'alliance voit le jour. C'est un récit fantastique classique, centré sur une ville mystérieuse, une magie au fonctionnement d'apparence simple mais aux possibilités complexes et des personnages ayant visiblement soif de justice et de liberté. Pas révolutionnaire mais bien mené : les scènes d'actions sont entraînantes, les échanges font mouches, l'histoire parvient à nous donner envie d'en savoir plus sur toute cette histoire (particulièrement avec son final qui en promet beaucoup). Je n'en attendais pas grand chose, n'étant pas très fan du personnage éponyme de Molière (n'aimant pas vraiment la pièce, même si les archétypes de beaux-parleurs/charmeurs/flamboyants me plaisent généralement), mais j'avoue être ressortie satisfaite et intriguée à la fin de ma lecture de ce premier tome.