L’art inuit explore la magie originelle. Les limites. La transcendance.
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Ce tome contient un récit complet, indépendant de tout autre, dont la lecture peut être complétée par Nunavut (2024) des mêmes auteurs. Son édition originale date de 2023. Il a été réalisé par Edmond Baudoin et Troubs (Jean-Marc Troubet), pour le scénario et les dessins. Il compte cent-soixante-douze pages de bande dessinée en noir & blanc. Ces deux auteurs ont précédemment réalisé ensemble : Viva la vida - Los Sueños de Ciudad Juàrez (2011), Le Goût de la Terre (2013), Humains - La Roya est un fleuve (2018).
Entre 2001 et 2003, Edmond Baudoin est professeur à l’université de Hull, devenue Gatineau, au Québec. Ottawa est de l’autre côté de la rivière Outaouais. Dans son musée, il découvre l’art inuit. C’est pour lui une révélation. Il se promet de travailler un jour avec des artistes inuits. C’est Vincent Marie qui lui en donne la possibilité la première fois. Avec Andrew Qappik, il illustre un conte inuit sur la naissance du narval, pour son film : Les harmonies invisibles. En illustrant ce conte il réalise ce désir né dans un musée en 2002, il travaille avec un artiste inuit. Mais avec Jean-Marc Troubs, ils veulent maintenant aller dans son pays. Voici le conte du Narval. Il y a bien longtemps, Taqqiq, un jeune garçon aveugle, vivait en compagnie de sa petite sœur Siqiniq chez leur grand-mère, une femme colérique et méchante. Aux yeux de cette grand-mère, Taqqiq était une bouche inutile à nourrir. C’était difficile pour les deux enfants, mais ils étaient orphelins de leurs parents. Une nuit, ils furent réveillés par un ours approchant leur habitation. La grand-mère prit l’arc et la flèches et les donna à Taqqiq, jeune mais robuste. Elle dirigea le tir. La flèche atteignit l’ours qui tomba raide mort. Mais la grand-mère mentit, en le traitant d’idiot et lui faisant croire qu’il avait tué leur meilleur chien. La nuit suivante, Siqiniq mit en cachette de la viande d’ours dans l’assiette de Taqqiq qui compris le mensonge et décida de se venger. […]
Le plongeon arctique se joue des frontières. Il nage comme il vole dans la mer ou dans le ciel. Pour de nombreux groupes inuits, il symbolise la recherche de la vérité dans les profondeurs. Voilà deux ans que Troubs devait se rendre au Nunavut avec Edmond… Mais il y a eu la pandémie. Alors il a commencé le voyage dans les livres et la recherche d’images. Il s’est plongé dans les mythes, les récits et la vérité historique, qui souvent dans l’Arctique s’entremêlent magnifiquement. Cet été 2022, ils allaient voir, voir ce qui s’y raconte aujourd’hui. L’art ancien des peuples polaires est peuplé de petites statuettes. Elles ont souvent une fonction magique. Et une présence telle qu’on les dirait vivantes. Qu’elles soient de magie noire ou blanche, les statuettes sont longtemps restées petites. Parce que les matériaux étaient rares. Et qu’il fallait les transporter. Les Inuits avaient encore la liberté d’être nomades. Mais aujourd’hui, les temps ont changé, les statuettes ont pris du poids, et sont parfois devenues géantes. Elles ont toujours cette présence fascinante. Elles pratiquent maintenant la magie moderne du marché de l’art.
S’il s’agit de sa première œuvre de ces artistes, le lecteur peut se trouver un temps déconcerté, à la fois par la liberté des formes, à la fois par l’importance donnée à la parole. En toute simplicité, le tome s’ouvre avec une carte sommaire réalisée par Troubs permettant de situer le Groenland, le Labrador, le Nunavut, le cercle arctique, la ville de North West River, et d’autres repères géographiques. Puis la première planche comprend deux cases de la largeur de la page : la première une photographie d’une rue de Gatineau avec la silhouette de Baudoin sur le toit d’un immeuble à étage unique, la seconde une chimère intégrant le visage de l’artiste à des éléments animaux et une représentation inuite dans un amalgame harmonieux. Dès la troisième planche, il s’agit d’illustrations évoquant l’art inuit, dans une diversité d’approches graphiques, et un texte qui court au-dessus ou au-dessous. Puis sans aucune indication, Troubs réalise les planches suivantes : à nouveau des illustrations de conte, mêlant les représentations d’un oiseau à l’encre, au bleu peint de la mer ou du ciel. Puis des représentations naïves d’Inuits, avec un glissement progressif vers des personnages et des animaux mythologiques à l’apparence naïve. Le récit du voyage commence alors avec les cases aux dessins réalisés au pinceau de Troubs, puis les images plus libres de Baudoin, également au pinceau, puis des portraits, des reproductions d’autres artistes. Parfois des pages en couleurs. Parfois un paysage sur une double page. Parfois des cases à l’encre. Une alternance toute naturelle entre des cases disposées en bande, des dessins accolées, des portraits d’habitants interrogés, d’autres paysages, des scènes urbaines, des hommages à des œuvres d’artistes inuits ou innus, etc.
S’il en éprouve la curiosité, le lecteur peut aisément identifier les pages réalisées par l’un ou l’autre des deux artistes : Troubs effectue un lettrage en minuscules, et Baudoin en majuscules. Dans un passage, ils se représentent en train de travailler à leur bande dessinée : ils sont tous les deux assis à la même table, et ils composent et réalisent leurs pages ensemble. Le lecteur le ressent à la lecture car il n’éprouve aucune sensation de solution de continuité : les pages forment un tout harmonieux comme si une unique intelligence créative avait présidé tout du long. La bande dessinée suit l’ordre chronologique du voyage, à commencer par les prémices évoquées par Baudoin, puis le voyage en avion, l’arrivée à Montréal, le trajet vers North West River, et encore plus au Nord. La narration visuelle est conçue en fonction de chaque séquence pour mettre en valeur un lieu, des personnes, une longue route en vue du ciel dans une case de la hauteur de la page, des cases sans bordure pour laisser de l’espace à un Inuit en train de manier le harpon, un dessin à l’encre effectué dans l’inspiration du moment, une autre carte simplifiée, des illustrations en couleurs… un petit visage avec un long discours en texte…
Les deux auteurs ont repris le dispositif qu’ils avaient utilisé dans leurs précédents ouvrages en commun : proposer de réaliser le portrait de leur interlocuteur et lui offrir en échange d’une réponse à une question, sur l’avenir des Inuits et Innus ou sur l’avenir de la culture inuite. Il est possible de voir cet ouvrage comme la suite de ces entretiens, entrecoupés de réflexion sur la culture inuite, sur son art, sur l’histoire de ce peuple premier. Le lecteur se rend compte qu’il éprouve une forte curiosité pour ces déclarations, totalement oublieux de leur forme de texte, ce qui pourtant constitue souvent un repoussoir dans les bandes dessinées traditionnelles. Son attention est tout entière consacrée à ces témoignages fort variés. Estelle évoque la dépendance de la communauté de North West River aux services publics et au gouvernement. Billy dit sa crainte que leur culture disparaisse. Mitzi, la mère de Billy, évoque le temps où le gouvernement avait interdit la langue inuktitut. Mina, conservatrice au Labrador Heritage Museum, parle de la disparition des attelages de chiens, et des croyances spirituelles qui font le chamanisme. La grand-mère Ataomie estime que la culture se renforce depuis qu’ils ont leur propre gouvernement et qu’il est possible d’apprendre la langue. Elisabeth constate que la chasse va en décroissant. Ernie, ancien maire de North West River pendant des décennies voit que l’électronique rendra le monde complètement dépendant des machines et qu’il sera complètement impossible de vivre dans la nature d’ici cinquante ans du fait de l’évolution du climat. Au fil de ces rencontres, d’autres facettes de la vie locale sont abordées : l’art bien sûr, le rôle des jeunes et leurs aspirations, la pêche et son industrialisation, les services publics, l’histoire de chaque groupe qui a habité la région et la difficulté de l’établir du fait de leur nomadisme, la nécessité d’une représentation pour éviter de se faire piller, pour résister aux prédateurs capitalistes, etc.
En creux se dessine également l’histoire des Innus, celle des Inuits, et la manière dont le gouvernement a traité les peuples autochtones, a mis en œuvre des actions visant à détruire leur culture. Par exemple le placement de petites filles dans des pensionnats dans le Sud, et les sévices fréquents. Les discussions entraînent des réflexions chez les auteurs. Il apparaît qu’ils sont fascinés par la forme de pureté de l’art inuit, sa qualité primordiale, sa charge mythologique et la part de vérité qu’elle contient quant au rapport entre l’être humain et son environnement, par le rôle de l’art comme outil de préservation et transmission d’une culture. Par la sauvegarde d’une langue et ce qu’elle porte en elle de culture à nouveau, mais aussi de rapport à la réalité. Un habitant leur indique que : En inuktitut il y a environ cinquante mots pour dire Neige, pas un seul pour dire police. Par l’évolution du climat, ainsi que par le paradoxe à leurs yeux d’être à la fois chasseurs et agents de préservation de la nature. Par un autre paradoxe : celui de vouloir préserver sa culture et ses traditions, alors que la pureté d’un groupe est une chimère, ce que les auteurs expriment par : Tout le monde est métissé, les races pures c’est un fantasme de totalitaire. Et aussi par : Rien, et tout, plus la complexité, la pureté n’existe pas, sa recherche est vaine et dangereuse, la vie se tient dans le chaos. D’une manière aussi organique que habile, ils brossent progressivement un portrait d’une communauté, à la fois dans le temps long de l’histoire, dans l’existence et l’évolution d’une culture, dans les aspects pragmatiques de la vie de tous les jours, dans les traumatismes qui se transmettent de génération en génération, dans sa dimension mythologique.
Quel voyage, quelles rencontres, quelle expérience d’une autre culture. Les deux auteurs effectuent un séjour au Labrador. Comme à leur habitude, ils proposent de réaliser un portrait à leur interlocuteur en l’échange de la réponse à une question. Dans une forme graphique aussi libre qu’intelligente et sensible, ils racontent leur voyage et leurs rencontres, abordant aussi bien la vie quotidienne, la culture, l’histoire, l’évolution des valeurs d’un peuple et sa résilience. Un récit d’une richesse inépuisable et d’une humanité peu commune. Merveilleux.
Un roman graphique qui m'a laissé indifférent.
Le seul truc que j'ai aimé est le dessin qui est dynamique et bien mis en scène. Le problème vient plus du scénario qui ne m'a pas du tout captivé. Il faut dire que l'album n'a pas de résumé et que ce n'est que lorsque j'ai lu le résumé sur internet que j'ai commencé à comprendre un peu où l'autrice voulait en venir.
Ça commence quand même de manière bizarre avec une petite fille et deux femmes adultes qui ont des visages de monstres pourchasser dans la nature un chien errant avec je pense l'intention de le tuer. Puis elles reprennent forme humaine et on comprend qu'une des adultes est la tante de la petite fille et qu'elle est en couple avec une autre femme. Vu que le résumé parle de l'émancipation des femmes, j'imagine que les scènes avec des personnages féminins qui agissent en monstres ça doit représenter le fait que la société patriarcale fait en sorte qu'elles sont uniquement totalement libres transformées en monstres et en attaquant des êtres vivants plus faibles qu'elles ou un truc comme ça.
Puis après un certain nombre de pages, le couple de lesbiennes se sépare et cela les rend bien tristes. On parle beaucoup et je me souviens plus trop de quoi alors que j'ai lu l'album ce matin ! Je suis passé à coté du récit, j'ai eu l'impression de voir un de ces films intellos dont je ne comprends rien. J'ai rien contre le contemplatif si je m'attache aux personnages, mais ici aucun ne m'a intéressé. Peut-être que d'autres lecteurs vont plus accrocher que moi, surtout les gros fans de roman graphique. Si vous aimez la fiction avec de l'action, vous allez vous ennuyer ferme ici.
Allez hop 5/5! Même pas peur de mettre la note maximale pour ce très beau one shot qu'on se prend dans la tronche sans le voir venir.
Le dessin est tout simplement magnifique, avec un gros travail sur les personnages et leurs expressions. Les contours marqués en noir renforcent le sentiment d'isolement et de solitude des personnages. Les couleurs ensuite avec des ambiances quasi monochromatiques pour mettre l'emphase justement sur ce que ressentent les personnages. Ca aide à structurer le récit en une multitude de séquences cohérentes. Et ça rajoute énormément à l'ambiance banale et bizarrement angoissante de la routine du héros, son travail aux abattoirs, sa vie de famille le soir...
Le récit est comment dire... impossible à décrire sans spoiler cette histoire que j'ai trouvée très originale. Donc sans en dire davantage disons que l'histoire assez classique au début bascule rapidement et oscille entre rêve et cauchemar. C'est justement une histoire que le papa raconte à sa fille pour l'endormir qui fait office d'élément déclencheur et se trouve être le point de bascule. Il y a aussi de vrais moments surreéls comme on en croise que dans les rêves. Ca m'a fait souvent pensé à du David Lynch par exemple pour l'aspect onirique et parfois loufoque. Ce qui n'est pas une maigre référence.
L'ensemble est très cohérent et se rélève être une refléxion puissante non seulement sur l'aliénation au travail, à la société de consommation et notre rapport au vivant, mais aussi sur la poésie et l'art. Un très beau livre.
Une BD qui invite au voyage, à la contemplation.
Un voyage en train sur l'une des plus belles lignes ferroviaires d'Europe : la ligue de Béziers à Neussargues longue de 277 kms. C'est sur ce parcours que se trouve le magnifique viaduc de Garabit qui enjambe les gorges de la Truyère. Un ouvrage métallique réalisé par Gustave Eiffel.
Un voyage qui commence mal puisque la ligne est fermée pour cause de travaux pour plusieurs mois. On parle même d'une fermeture définitive.
Cela n'empêche pas Alain Bujak de faire le trajet en automobile en longeant la ligne de chemin de fer et d'y faire des rencontres : maires, associations, cheminots... Des gens qui se battent pour garder le train sur leurs communes. Un besoin essentiel pour ce territoire rural.
Une lecture instructive qui fait un petit cours d'histoire sur la ligne en question et sur la SNCF, de sa création en 1938 à son changement de statut en 1983 (EPIC) qui va l'amener progressivement à mettre de côté son rôle de service public (avec l'accord de nos politiques) pour ne voir que la rentabilité. On va aussi y rencontrer un ancien ministre des transports : Jean-Claude Gayssot, un enfant du pays.
Une BD qui questionne sur la société que l'on souhaite transmettre à nos enfants et les combats qui en découlent, dommage qu'elle ne développe pas davantage le sujet.
On finira en fin d'album par faire ce trajet en train
Le dessin n'est pas sans défauts, quelques problèmes de proportions et de perspectives. Un trait fébrile par moment. Mais il dégage une ambiance surannée qui convient très bien à ce documentaire.
Je dois souligner le soin apporté aux détails, la locomotive BB 9424, sur la seconde image de la galerie faisait bien la liaison entre Béziers et Neussargues.
Une lecture agréable pour le cheminot que je suis.
Corbeyran se lance dans une reprise – l’idée est à la mode chez les grands éditeurs – d’une vieille série de Vance. Et le titre en lui-même fait à la fois le lien et vieillot. Comme la couverture de Surzhenko, avec une colorisation dont le rendu rappelle quelques vieux westerns.
Mais dans l’album la colorisation de Surzhenko est plus moderne – presque trop lumineuse parfois. Mais son talent graphique ne souffre pas trop de contestation. Il s’est déjà frotté au western dans un prequel de Durango, et ici son trait réaliste (dans la lignée de celui de Meyer) est franchement bon. Fluide, dynamique, c’est un réel plus pour le lecteur.
Quant à l’intrigue de Corbeyran, je l’ai trouvé pour le moment lisible, dynamique – très rythmée en tout cas – mais globalement décevante.
On peine à s’attacher aux personnages, tant Corbeyran privilégie l’action à la psychologie. Et les dialogues comme les situations sont parfois ampoulées, téléphonées. Des facilités (Ringo est trop infaillible, à la manière de Tex – qui a sans doute influencé Corbeyran – et c’est incroyable comme tout le monde se croise sur une faible étendue du vaste Far-West dans cette histoire ! A vouloir raconter plein de choses et présenter trop de personnages rapidement, Corbeyran présente une intrigue un peu bâclée, qui a des relents elle aussi un peu vieillots dans son déroulé.
Le très beau dessin de Surzhenko aide à passer un moment pas désagréable, mais pour le moment cette histoire ne m’a pas enthousiasmé.
Note réelle 2,5/5.
Je vous le dis d’emblée, le graphisme de Lucien Rollin … j’adore. Je me suis donc procuré l’intégrale d’Ombres sans me préoccuper des avis sur cette série. J’aurais dû car au final c’est une petite déception !
Dès les premières planches je retrouve le trait élégant et précis de mon Lulu. Mes petites pupilles se dilatent de plaisir. Nous sommes à St Malo. Les décors sont détaillés avec des jeux d’ombre et de lumière maîtrisés, et les personnages sont expressifs. Chaque case est soignée, et on sent une recherche esthétique qui force l’admiration. Pour les amateurs de dessin réaliste et atmosphérique, cette série a de quoi séduire mais il y a un mais ! un gros mais d’ailleurs !
Le beau dessin de Lucien ne suffit pas à porter cette série. Si le visuel captive, l’histoire, elle, peine à convaincre. Le scénario de Jean Dufaux, volontairement mystérieux, bascule parfois dans la confusion. Les ellipses narratives sont nombreuses, et les transitions entre les scènes manquent souvent de fluidité. Je me suis surpris à relire certaines pages, cherchant en vain le fil conducteur ou la logique des enchaînements. Les personnages, bien que stylisés avec brio, restent parfois énigmatiques au mauvais sens du terme : leurs motivations sont floues, leurs arcs narratifs peu développés. J’avoue avoir été frustré car je cherchais une intrigue solide qui tienne la route. Ce n’est pas le cas.
Certains passages brillent par leur originalité, notamment les séquences oniriques ou les moments où le dessin et le récit semblent fusionner. Mais ces fulgurances sont trop rares pour compenser les longueurs. Le rythme est inégal, alternant entre des phases captivantes et des moments où l’on se sent perdu. J’ai eu du mal dans la lecture de cette série. Pas possible de lire tout d’une traite et j’ai par moment eu envie de fermer l’album définitivement.
Pour résumer, visuellement c’est bien mais le scénario est trop nébuleux. Pour le dessin 4 étoiles – pour l histoire 1,5 étoile. Nous sommes à la limite de la correctionnelle !
Je vais être partial sur ce coup-là, parce que le sujet est selon moi bien trop capital pour qu'on brocarde cette BD.
Je n'ai pas trouvé le dessin très super, et je ne partage pas toujours l'humour distillé dans ces pages. Mais ! Mais cette BD permet de parler du seul sujet qui sans doute nous concerne toutes et tous : la fin de la vie, la mort de la planète Terre, l'extinction de l'espèce humaine. L'écologie n'est plus une option.
Après avoir lu cette BD, j'ai lu le rapport du GIEC (la version condensée), j'ai suivi certaines personnalités interviewées ici. Et mine de rien, autant le sujet est tragique et urgent, autant ça m'a mis un sacré coup de pied au cul, tout en me redonnant un peu d'espoir. Je ne sais plus quelle scientifique évoque cette question, mais le fait d'entendre des hommes et femmes de Science outrepasser le principe de neutralité en raison précisément de l'urgence imposée par la situation est extrêmement porteur. Nous n'avons plus d'autre choix que de tourner le dos au capitalisme !
Féru-e-s d'énigmes et fanas de chiffre, attention : cet album saura faire vibrer les zones érogènes de votre boîte crânienne et exciter les cellules grises de votre entrejambe (ça ne veut rien dire).
Trois temporalités, trois groupes d'individus tentant de résoudre le mystère des moines de l'ordre des Bouzouki, afin de pouvoir accéder au légendaire ouvrage capable de faire don du pouvoir suprême, d'apporter la connaissance absolue. Ce n'est pas révolutionnaire mais cela reste bien trouvé.
J'avoue tout de même que, l'album étant écrit par Lécroart et puisqu'il s'agit d'une histoire d'énigme et de réflexion, je m'attendais à ce qu'il y ai finalement un secret également caché au delà de cette simple histoire, mais il n'en est rien. J'en suis un tantinet déçue.
Bon, si cet album brille ce n'est pas pour son scénario. Il est assez accessoire et, pour tout dire, franchement nunuche. Une tranche de vie de couple, deux individus qui se parlent et se disent des mots doux, des mots sensuels aussi. Pas de quoi casser trois pattes à un canard.
Non, si cet album brille c'est surtout pour la petite surprise, typique de Lécroart : il y a une seconde histoire cachée dans la première. Pliez les pages comme indiqué au début de l'album et, surprise, la charmante soirée en amoureux se transforme en terrifiante et sordide engueulade à deux doigts du futur fait divers.
Pas le meilleur de l'auteur à mes yeux mais tout de même admirable d'un simple point de vue technique. Disons que si on le lit, encore une fois, ce n'est pas pour l'histoire ou les dialogues en eux-même.
Je crois qu'il s'agit de l'un de mes préférés de la collection.
La narration pleine de poésie, le contraste entre le monde froid de l'entreprise et le côté très humain de l'individu qu'il se redécouvre au crépuscule de sa vie, la jolie métaphore sur le changement, sur la vieillesse traitée comme une dégénérescence, … C'est surprenamment beau.
Peu de choses à dire finalement, c'est sans doute l'un des albums les plus verbeux de la collection et, paradoxalement, l'un des plus courts en matière de ressenti.
Je ne connais pas les autres créations de Marc-Antoine Mathieu (si ce n'est, de nom, Julius Corentin Acquefacques car mon père aime beaucoup) mais j'avoue qu'ayant pas mal apprécié cette lecture je m'y essaierai bien un jour. Ne serait-ce que par curiosité.
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Inuit
L’art inuit explore la magie originelle. Les limites. La transcendance. - Ce tome contient un récit complet, indépendant de tout autre, dont la lecture peut être complétée par Nunavut (2024) des mêmes auteurs. Son édition originale date de 2023. Il a été réalisé par Edmond Baudoin et Troubs (Jean-Marc Troubet), pour le scénario et les dessins. Il compte cent-soixante-douze pages de bande dessinée en noir & blanc. Ces deux auteurs ont précédemment réalisé ensemble : Viva la vida - Los Sueños de Ciudad Juàrez (2011), Le Goût de la Terre (2013), Humains - La Roya est un fleuve (2018). Entre 2001 et 2003, Edmond Baudoin est professeur à l’université de Hull, devenue Gatineau, au Québec. Ottawa est de l’autre côté de la rivière Outaouais. Dans son musée, il découvre l’art inuit. C’est pour lui une révélation. Il se promet de travailler un jour avec des artistes inuits. C’est Vincent Marie qui lui en donne la possibilité la première fois. Avec Andrew Qappik, il illustre un conte inuit sur la naissance du narval, pour son film : Les harmonies invisibles. En illustrant ce conte il réalise ce désir né dans un musée en 2002, il travaille avec un artiste inuit. Mais avec Jean-Marc Troubs, ils veulent maintenant aller dans son pays. Voici le conte du Narval. Il y a bien longtemps, Taqqiq, un jeune garçon aveugle, vivait en compagnie de sa petite sœur Siqiniq chez leur grand-mère, une femme colérique et méchante. Aux yeux de cette grand-mère, Taqqiq était une bouche inutile à nourrir. C’était difficile pour les deux enfants, mais ils étaient orphelins de leurs parents. Une nuit, ils furent réveillés par un ours approchant leur habitation. La grand-mère prit l’arc et la flèches et les donna à Taqqiq, jeune mais robuste. Elle dirigea le tir. La flèche atteignit l’ours qui tomba raide mort. Mais la grand-mère mentit, en le traitant d’idiot et lui faisant croire qu’il avait tué leur meilleur chien. La nuit suivante, Siqiniq mit en cachette de la viande d’ours dans l’assiette de Taqqiq qui compris le mensonge et décida de se venger. […] Le plongeon arctique se joue des frontières. Il nage comme il vole dans la mer ou dans le ciel. Pour de nombreux groupes inuits, il symbolise la recherche de la vérité dans les profondeurs. Voilà deux ans que Troubs devait se rendre au Nunavut avec Edmond… Mais il y a eu la pandémie. Alors il a commencé le voyage dans les livres et la recherche d’images. Il s’est plongé dans les mythes, les récits et la vérité historique, qui souvent dans l’Arctique s’entremêlent magnifiquement. Cet été 2022, ils allaient voir, voir ce qui s’y raconte aujourd’hui. L’art ancien des peuples polaires est peuplé de petites statuettes. Elles ont souvent une fonction magique. Et une présence telle qu’on les dirait vivantes. Qu’elles soient de magie noire ou blanche, les statuettes sont longtemps restées petites. Parce que les matériaux étaient rares. Et qu’il fallait les transporter. Les Inuits avaient encore la liberté d’être nomades. Mais aujourd’hui, les temps ont changé, les statuettes ont pris du poids, et sont parfois devenues géantes. Elles ont toujours cette présence fascinante. Elles pratiquent maintenant la magie moderne du marché de l’art. S’il s’agit de sa première œuvre de ces artistes, le lecteur peut se trouver un temps déconcerté, à la fois par la liberté des formes, à la fois par l’importance donnée à la parole. En toute simplicité, le tome s’ouvre avec une carte sommaire réalisée par Troubs permettant de situer le Groenland, le Labrador, le Nunavut, le cercle arctique, la ville de North West River, et d’autres repères géographiques. Puis la première planche comprend deux cases de la largeur de la page : la première une photographie d’une rue de Gatineau avec la silhouette de Baudoin sur le toit d’un immeuble à étage unique, la seconde une chimère intégrant le visage de l’artiste à des éléments animaux et une représentation inuite dans un amalgame harmonieux. Dès la troisième planche, il s’agit d’illustrations évoquant l’art inuit, dans une diversité d’approches graphiques, et un texte qui court au-dessus ou au-dessous. Puis sans aucune indication, Troubs réalise les planches suivantes : à nouveau des illustrations de conte, mêlant les représentations d’un oiseau à l’encre, au bleu peint de la mer ou du ciel. Puis des représentations naïves d’Inuits, avec un glissement progressif vers des personnages et des animaux mythologiques à l’apparence naïve. Le récit du voyage commence alors avec les cases aux dessins réalisés au pinceau de Troubs, puis les images plus libres de Baudoin, également au pinceau, puis des portraits, des reproductions d’autres artistes. Parfois des pages en couleurs. Parfois un paysage sur une double page. Parfois des cases à l’encre. Une alternance toute naturelle entre des cases disposées en bande, des dessins accolées, des portraits d’habitants interrogés, d’autres paysages, des scènes urbaines, des hommages à des œuvres d’artistes inuits ou innus, etc. S’il en éprouve la curiosité, le lecteur peut aisément identifier les pages réalisées par l’un ou l’autre des deux artistes : Troubs effectue un lettrage en minuscules, et Baudoin en majuscules. Dans un passage, ils se représentent en train de travailler à leur bande dessinée : ils sont tous les deux assis à la même table, et ils composent et réalisent leurs pages ensemble. Le lecteur le ressent à la lecture car il n’éprouve aucune sensation de solution de continuité : les pages forment un tout harmonieux comme si une unique intelligence créative avait présidé tout du long. La bande dessinée suit l’ordre chronologique du voyage, à commencer par les prémices évoquées par Baudoin, puis le voyage en avion, l’arrivée à Montréal, le trajet vers North West River, et encore plus au Nord. La narration visuelle est conçue en fonction de chaque séquence pour mettre en valeur un lieu, des personnes, une longue route en vue du ciel dans une case de la hauteur de la page, des cases sans bordure pour laisser de l’espace à un Inuit en train de manier le harpon, un dessin à l’encre effectué dans l’inspiration du moment, une autre carte simplifiée, des illustrations en couleurs… un petit visage avec un long discours en texte… Les deux auteurs ont repris le dispositif qu’ils avaient utilisé dans leurs précédents ouvrages en commun : proposer de réaliser le portrait de leur interlocuteur et lui offrir en échange d’une réponse à une question, sur l’avenir des Inuits et Innus ou sur l’avenir de la culture inuite. Il est possible de voir cet ouvrage comme la suite de ces entretiens, entrecoupés de réflexion sur la culture inuite, sur son art, sur l’histoire de ce peuple premier. Le lecteur se rend compte qu’il éprouve une forte curiosité pour ces déclarations, totalement oublieux de leur forme de texte, ce qui pourtant constitue souvent un repoussoir dans les bandes dessinées traditionnelles. Son attention est tout entière consacrée à ces témoignages fort variés. Estelle évoque la dépendance de la communauté de North West River aux services publics et au gouvernement. Billy dit sa crainte que leur culture disparaisse. Mitzi, la mère de Billy, évoque le temps où le gouvernement avait interdit la langue inuktitut. Mina, conservatrice au Labrador Heritage Museum, parle de la disparition des attelages de chiens, et des croyances spirituelles qui font le chamanisme. La grand-mère Ataomie estime que la culture se renforce depuis qu’ils ont leur propre gouvernement et qu’il est possible d’apprendre la langue. Elisabeth constate que la chasse va en décroissant. Ernie, ancien maire de North West River pendant des décennies voit que l’électronique rendra le monde complètement dépendant des machines et qu’il sera complètement impossible de vivre dans la nature d’ici cinquante ans du fait de l’évolution du climat. Au fil de ces rencontres, d’autres facettes de la vie locale sont abordées : l’art bien sûr, le rôle des jeunes et leurs aspirations, la pêche et son industrialisation, les services publics, l’histoire de chaque groupe qui a habité la région et la difficulté de l’établir du fait de leur nomadisme, la nécessité d’une représentation pour éviter de se faire piller, pour résister aux prédateurs capitalistes, etc. En creux se dessine également l’histoire des Innus, celle des Inuits, et la manière dont le gouvernement a traité les peuples autochtones, a mis en œuvre des actions visant à détruire leur culture. Par exemple le placement de petites filles dans des pensionnats dans le Sud, et les sévices fréquents. Les discussions entraînent des réflexions chez les auteurs. Il apparaît qu’ils sont fascinés par la forme de pureté de l’art inuit, sa qualité primordiale, sa charge mythologique et la part de vérité qu’elle contient quant au rapport entre l’être humain et son environnement, par le rôle de l’art comme outil de préservation et transmission d’une culture. Par la sauvegarde d’une langue et ce qu’elle porte en elle de culture à nouveau, mais aussi de rapport à la réalité. Un habitant leur indique que : En inuktitut il y a environ cinquante mots pour dire Neige, pas un seul pour dire police. Par l’évolution du climat, ainsi que par le paradoxe à leurs yeux d’être à la fois chasseurs et agents de préservation de la nature. Par un autre paradoxe : celui de vouloir préserver sa culture et ses traditions, alors que la pureté d’un groupe est une chimère, ce que les auteurs expriment par : Tout le monde est métissé, les races pures c’est un fantasme de totalitaire. Et aussi par : Rien, et tout, plus la complexité, la pureté n’existe pas, sa recherche est vaine et dangereuse, la vie se tient dans le chaos. D’une manière aussi organique que habile, ils brossent progressivement un portrait d’une communauté, à la fois dans le temps long de l’histoire, dans l’existence et l’évolution d’une culture, dans les aspects pragmatiques de la vie de tous les jours, dans les traumatismes qui se transmettent de génération en génération, dans sa dimension mythologique. Quel voyage, quelles rencontres, quelle expérience d’une autre culture. Les deux auteurs effectuent un séjour au Labrador. Comme à leur habitude, ils proposent de réaliser un portrait à leur interlocuteur en l’échange de la réponse à une question. Dans une forme graphique aussi libre qu’intelligente et sensible, ils racontent leur voyage et leurs rencontres, abordant aussi bien la vie quotidienne, la culture, l’histoire, l’évolution des valeurs d’un peuple et sa résilience. Un récit d’une richesse inépuisable et d’une humanité peu commune. Merveilleux.
Le Goût de la nectarine
Un roman graphique qui m'a laissé indifférent. Le seul truc que j'ai aimé est le dessin qui est dynamique et bien mis en scène. Le problème vient plus du scénario qui ne m'a pas du tout captivé. Il faut dire que l'album n'a pas de résumé et que ce n'est que lorsque j'ai lu le résumé sur internet que j'ai commencé à comprendre un peu où l'autrice voulait en venir. Ça commence quand même de manière bizarre avec une petite fille et deux femmes adultes qui ont des visages de monstres pourchasser dans la nature un chien errant avec je pense l'intention de le tuer. Puis elles reprennent forme humaine et on comprend qu'une des adultes est la tante de la petite fille et qu'elle est en couple avec une autre femme. Vu que le résumé parle de l'émancipation des femmes, j'imagine que les scènes avec des personnages féminins qui agissent en monstres ça doit représenter le fait que la société patriarcale fait en sorte qu'elles sont uniquement totalement libres transformées en monstres et en attaquant des êtres vivants plus faibles qu'elles ou un truc comme ça. Puis après un certain nombre de pages, le couple de lesbiennes se sépare et cela les rend bien tristes. On parle beaucoup et je me souviens plus trop de quoi alors que j'ai lu l'album ce matin ! Je suis passé à coté du récit, j'ai eu l'impression de voir un de ces films intellos dont je ne comprends rien. J'ai rien contre le contemplatif si je m'attache aux personnages, mais ici aucun ne m'a intéressé. Peut-être que d'autres lecteurs vont plus accrocher que moi, surtout les gros fans de roman graphique. Si vous aimez la fiction avec de l'action, vous allez vous ennuyer ferme ici.
Ceux qui me touchent
Allez hop 5/5! Même pas peur de mettre la note maximale pour ce très beau one shot qu'on se prend dans la tronche sans le voir venir. Le dessin est tout simplement magnifique, avec un gros travail sur les personnages et leurs expressions. Les contours marqués en noir renforcent le sentiment d'isolement et de solitude des personnages. Les couleurs ensuite avec des ambiances quasi monochromatiques pour mettre l'emphase justement sur ce que ressentent les personnages. Ca aide à structurer le récit en une multitude de séquences cohérentes. Et ça rajoute énormément à l'ambiance banale et bizarrement angoissante de la routine du héros, son travail aux abattoirs, sa vie de famille le soir... Le récit est comment dire... impossible à décrire sans spoiler cette histoire que j'ai trouvée très originale. Donc sans en dire davantage disons que l'histoire assez classique au début bascule rapidement et oscille entre rêve et cauchemar. C'est justement une histoire que le papa raconte à sa fille pour l'endormir qui fait office d'élément déclencheur et se trouve être le point de bascule. Il y a aussi de vrais moments surreéls comme on en croise que dans les rêves. Ca m'a fait souvent pensé à du David Lynch par exemple pour l'aspect onirique et parfois loufoque. Ce qui n'est pas une maigre référence. L'ensemble est très cohérent et se rélève être une refléxion puissante non seulement sur l'aliénation au travail, à la société de consommation et notre rapport au vivant, mais aussi sur la poésie et l'art. Un très beau livre.
Silence sur le quai
Une BD qui invite au voyage, à la contemplation. Un voyage en train sur l'une des plus belles lignes ferroviaires d'Europe : la ligue de Béziers à Neussargues longue de 277 kms. C'est sur ce parcours que se trouve le magnifique viaduc de Garabit qui enjambe les gorges de la Truyère. Un ouvrage métallique réalisé par Gustave Eiffel. Un voyage qui commence mal puisque la ligne est fermée pour cause de travaux pour plusieurs mois. On parle même d'une fermeture définitive. Cela n'empêche pas Alain Bujak de faire le trajet en automobile en longeant la ligne de chemin de fer et d'y faire des rencontres : maires, associations, cheminots... Des gens qui se battent pour garder le train sur leurs communes. Un besoin essentiel pour ce territoire rural. Une lecture instructive qui fait un petit cours d'histoire sur la ligne en question et sur la SNCF, de sa création en 1938 à son changement de statut en 1983 (EPIC) qui va l'amener progressivement à mettre de côté son rôle de service public (avec l'accord de nos politiques) pour ne voir que la rentabilité. On va aussi y rencontrer un ancien ministre des transports : Jean-Claude Gayssot, un enfant du pays. Une BD qui questionne sur la société que l'on souhaite transmettre à nos enfants et les combats qui en découlent, dommage qu'elle ne développe pas davantage le sujet. On finira en fin d'album par faire ce trajet en train Le dessin n'est pas sans défauts, quelques problèmes de proportions et de perspectives. Un trait fébrile par moment. Mais il dégage une ambiance surannée qui convient très bien à ce documentaire. Je dois souligner le soin apporté aux détails, la locomotive BB 9424, sur la seconde image de la galerie faisait bien la liaison entre Béziers et Neussargues. Une lecture agréable pour le cheminot que je suis.
Ray Ringo
Corbeyran se lance dans une reprise – l’idée est à la mode chez les grands éditeurs – d’une vieille série de Vance. Et le titre en lui-même fait à la fois le lien et vieillot. Comme la couverture de Surzhenko, avec une colorisation dont le rendu rappelle quelques vieux westerns. Mais dans l’album la colorisation de Surzhenko est plus moderne – presque trop lumineuse parfois. Mais son talent graphique ne souffre pas trop de contestation. Il s’est déjà frotté au western dans un prequel de Durango, et ici son trait réaliste (dans la lignée de celui de Meyer) est franchement bon. Fluide, dynamique, c’est un réel plus pour le lecteur. Quant à l’intrigue de Corbeyran, je l’ai trouvé pour le moment lisible, dynamique – très rythmée en tout cas – mais globalement décevante. On peine à s’attacher aux personnages, tant Corbeyran privilégie l’action à la psychologie. Et les dialogues comme les situations sont parfois ampoulées, téléphonées. Des facilités (Ringo est trop infaillible, à la manière de Tex – qui a sans doute influencé Corbeyran – et c’est incroyable comme tout le monde se croise sur une faible étendue du vaste Far-West dans cette histoire ! A vouloir raconter plein de choses et présenter trop de personnages rapidement, Corbeyran présente une intrigue un peu bâclée, qui a des relents elle aussi un peu vieillots dans son déroulé. Le très beau dessin de Surzhenko aide à passer un moment pas désagréable, mais pour le moment cette histoire ne m’a pas enthousiasmé. Note réelle 2,5/5.
Ombres
Je vous le dis d’emblée, le graphisme de Lucien Rollin … j’adore. Je me suis donc procuré l’intégrale d’Ombres sans me préoccuper des avis sur cette série. J’aurais dû car au final c’est une petite déception ! Dès les premières planches je retrouve le trait élégant et précis de mon Lulu. Mes petites pupilles se dilatent de plaisir. Nous sommes à St Malo. Les décors sont détaillés avec des jeux d’ombre et de lumière maîtrisés, et les personnages sont expressifs. Chaque case est soignée, et on sent une recherche esthétique qui force l’admiration. Pour les amateurs de dessin réaliste et atmosphérique, cette série a de quoi séduire mais il y a un mais ! un gros mais d’ailleurs ! Le beau dessin de Lucien ne suffit pas à porter cette série. Si le visuel captive, l’histoire, elle, peine à convaincre. Le scénario de Jean Dufaux, volontairement mystérieux, bascule parfois dans la confusion. Les ellipses narratives sont nombreuses, et les transitions entre les scènes manquent souvent de fluidité. Je me suis surpris à relire certaines pages, cherchant en vain le fil conducteur ou la logique des enchaînements. Les personnages, bien que stylisés avec brio, restent parfois énigmatiques au mauvais sens du terme : leurs motivations sont floues, leurs arcs narratifs peu développés. J’avoue avoir été frustré car je cherchais une intrigue solide qui tienne la route. Ce n’est pas le cas. Certains passages brillent par leur originalité, notamment les séquences oniriques ou les moments où le dessin et le récit semblent fusionner. Mais ces fulgurances sont trop rares pour compenser les longueurs. Le rythme est inégal, alternant entre des phases captivantes et des moments où l’on se sent perdu. J’ai eu du mal dans la lecture de cette série. Pas possible de lire tout d’une traite et j’ai par moment eu envie de fermer l’album définitivement. Pour résumer, visuellement c’est bien mais le scénario est trop nébuleux. Pour le dessin 4 étoiles – pour l histoire 1,5 étoile. Nous sommes à la limite de la correctionnelle !
Horizons climatiques - Rencontre avec neuf scientifiques du G.I.E.C.
Je vais être partial sur ce coup-là, parce que le sujet est selon moi bien trop capital pour qu'on brocarde cette BD. Je n'ai pas trouvé le dessin très super, et je ne partage pas toujours l'humour distillé dans ces pages. Mais ! Mais cette BD permet de parler du seul sujet qui sans doute nous concerne toutes et tous : la fin de la vie, la mort de la planète Terre, l'extinction de l'espèce humaine. L'écologie n'est plus une option. Après avoir lu cette BD, j'ai lu le rapport du GIEC (la version condensée), j'ai suivi certaines personnalités interviewées ici. Et mine de rien, autant le sujet est tragique et urgent, autant ça m'a mis un sacré coup de pied au cul, tout en me redonnant un peu d'espoir. Je ne sais plus quelle scientifique évoque cette question, mais le fait d'entendre des hommes et femmes de Science outrepasser le principe de neutralité en raison précisément de l'urgence imposée par la situation est extrêmement porteur. Nous n'avons plus d'autre choix que de tourner le dos au capitalisme !
La Page de tous les désirs
Féru-e-s d'énigmes et fanas de chiffre, attention : cet album saura faire vibrer les zones érogènes de votre boîte crânienne et exciter les cellules grises de votre entrejambe (ça ne veut rien dire). Trois temporalités, trois groupes d'individus tentant de résoudre le mystère des moines de l'ordre des Bouzouki, afin de pouvoir accéder au légendaire ouvrage capable de faire don du pouvoir suprême, d'apporter la connaissance absolue. Ce n'est pas révolutionnaire mais cela reste bien trouvé. J'avoue tout de même que, l'album étant écrit par Lécroart et puisqu'il s'agit d'une histoire d'énigme et de réflexion, je m'attendais à ce qu'il y ai finalement un secret également caché au delà de cette simple histoire, mais il n'en est rien. J'en suis un tantinet déçue.
Pervenche & Victor
Bon, si cet album brille ce n'est pas pour son scénario. Il est assez accessoire et, pour tout dire, franchement nunuche. Une tranche de vie de couple, deux individus qui se parlent et se disent des mots doux, des mots sensuels aussi. Pas de quoi casser trois pattes à un canard. Non, si cet album brille c'est surtout pour la petite surprise, typique de Lécroart : il y a une seconde histoire cachée dans la première. Pliez les pages comme indiqué au début de l'album et, surprise, la charmante soirée en amoureux se transforme en terrifiante et sordide engueulade à deux doigts du futur fait divers. Pas le meilleur de l'auteur à mes yeux mais tout de même admirable d'un simple point de vue technique. Disons que si on le lit, encore une fois, ce n'est pas pour l'histoire ou les dialogues en eux-même.
La Mutation
Je crois qu'il s'agit de l'un de mes préférés de la collection. La narration pleine de poésie, le contraste entre le monde froid de l'entreprise et le côté très humain de l'individu qu'il se redécouvre au crépuscule de sa vie, la jolie métaphore sur le changement, sur la vieillesse traitée comme une dégénérescence, … C'est surprenamment beau. Peu de choses à dire finalement, c'est sans doute l'un des albums les plus verbeux de la collection et, paradoxalement, l'un des plus courts en matière de ressenti. Je ne connais pas les autres créations de Marc-Antoine Mathieu (si ce n'est, de nom, Julius Corentin Acquefacques car mon père aime beaucoup) mais j'avoue qu'ayant pas mal apprécié cette lecture je m'y essaierai bien un jour. Ne serait-ce que par curiosité.