J’ai emprunté cet album, attiré par le sujet, aux airs de légende urbaine plus ou moins fantasmatique. Et le fait est que j’ai appris des choses, sociologiquement c’est intéressant : le fait que les femmes soient socialement encouragées – donc souvent forcées – à subir une sorte de torture pour contraindre leurs pieds – mais aussi pour aplatir leur seins (ceci est évoqué à plusieurs reprises, mais tout est centré sur les pieds bandés pour être « rapetissés ») est hallucinant. Et évidemment seules les femmes subissent ces contraintes, présentées par les hommes qui en parlent comme une manière de les séduire.
Mais, si le sujet m’a intéressé au début, j’ai aussi été rebuté par une narration un peu insipide, et un dessin inégal, et loin d’être exempt de défauts (en particulier les visages, changeants et semblant eux-aussi subir une déformation !).
Il n’y a que vers la fin, lorsque les changements sociétaux et l’agitation révolutionnaire vont donner du rythme, que le récit retrouve un semblant d’intérêt. C’est alors, tout au long du reste du siècle, que nous suivons la « libération » des masses et de la femme, qui coïncident ironiquement avec la déchéance de la femme que nous avons suivi toute sa vie, elle qui, devenue anachronique avec ses pieds, naguère signes de beauté, devenus ridicules et handicapants. Quelques critiques pointent aussi concernant les revirements de la politique maoïste.
Mais ce regain d’intérêt tardif n’a pas compensé une lecture que j’ai globalement trouvée ennuyeuse.
Commençons par ce qui peut légitimement gêner les lecteurs (ça a semble-t-il été le cas pour mes prédécesseurs, ça a aussi été le cas pour moi, à un degré moindre toutefois). D’abord un dessin parfois difficile à déchiffrer (pourtant très bon techniquement), avec un rendu pas toujours heureux de photos retouchées et/ou complétées par le dessin.
Ensuite une narration clinique, ne cherchant pas vraiment dynamisme et à-côtés captivants.
C’est sûr, ça n’est pas une lecture détente et/ou déconne. Mais, si la lecture a été parfois laborieuse, elle a été toujours intéressante. Les auteurs se sont amplement documentés. Et le côté « clinique » évoqué plus haut est aussi un atout. C’est froid, mais le mécanisme des attentats, ainsi que des surveillances de la part des services de renseignements est très bien rendu.
Les auteurs n’ont rien montré des attentats eux-mêmes et c’est très bien, pas de sensationnalisme ici déplacé. C’est une enquête rigoureuse, bien sûr à réserver à ceux que le sujet intéresse. Mais dans le genre c’est du très bon travail. Et donc, malgré les bémols évoqués au départ de mon avis, c’est une lecture que j’ai bien appréciée.
Elle fait froid dans le dos. Ne reste plus ensuite qu’à compléter ça avec des documentaires expliquant le chaos et les renoncements qui ont permis à DAECH de s’épanouir. Mais ça n’est pas ici le sujet.
Note réelle 3,5/5.
L'histoire de l'automobile... Vaste sujet, auquel s'est attaqué Laurent-Frédéric Bollée, scénariste chevronné, pour adapter au média BD la connaissance encyclopédique et les réflexions de l'historien Jean-Louis Loubet. De ses débuts à l'avènement annoncé du tout-électrique, cette histoire longue de plus de 200 ans nous est donc contée dans cet album de 400 pages très dense, un peu trop parfois, dans un souci d'exhaustivité ou presque qui force le respect.
Car c'est une histoire pleine de rebondissements, depuis le Fardier de Cugnot, premier transport à s'affranchir de la traction animale et à être autoporté, c'est à dire se propulsant lui-même. Les débuts de l'automobile sont timides, marqués par de nombreux accidents, des innovations qui marqueront toute son histoire, des hommes (et quelques femmes, mais beaucoup trop peu). La moitié de l'album tient sur la période 1769-1950, et les trois derniers quarts de siècle sur la deuxième moitié. Découpé en une vingtaine de chapitres passe en revue les techniques, la dimension sociale (forcément très importante, la possession puis la taille de l'automobile étant un marqueur fort, surtout dans la société américaine), la dimension politique aussi. Les histoires des hommes forts du secteur (Henry Ford, Gianni Agnelli...) sont aussi présentes. La course automobile, la course aux usines géantes l'arrivée, puis le départ et le retour de la propulsion électrique... Le rôle des taxis de la Marne, les Tesla d'Elon Musk, la Renault, tout y est. C'est très dense, comme je le disais, presque indigeste tellement il y a d'informations. Mais c'est tout de même très intéressant, même si on n'est pas passionné par les voitures.
Le côté graphique est assuré par Christophe Merlin, qui se débrouille très bien pour dessiner des voitures de toutes les époques et des bâtiments, mais qui semble moins à l'aise dans le dessin des personnages, qui sont assez figés. Autre petit souci, la colorisation, réalisée en aplats simples, qui donne souvent un sentiment de froideur, particulièrement sur les tons sombres et noirs, donnant l'impression de masses un peu informes.
Madame Bovary, le roman original, m’était resté en travers quand je l’avais abordé au lycée : trop long, trop peu passionnant à mes yeux. Reste que c’est un monument de la littérature, et j’ai voulu lui redonner une chance à travers cette adaptation en BD.
Le résultat est très académique. Le dessin, propre et maîtrisé, ne m’a pas particulièrement séduit mais il fait le travail. La mise en scène est claire, même si certains dialogues alourdissent un peu l’ensemble, contrainte du vocabulaire du XIXe siècle oblige. Ce qui m’a surtout frappé, c’est la rapidité de l’introduction : là où je gardais le souvenir d’une longue montée de l’ennui d’Emma, ici, quelques pages suffisent pour qu’elle se lasse de son mari puis s’engage sans détour dans l’adultère. J’avais aussi oublié à quel point elle trompait ouvertement son mari et dilapidait sans vergogne un argent qu’elle n’avait pas. Difficile de lui trouver des excuses dans cette version, même si le roman me semblait insister davantage sur sa légitime frustration. En revanche, la médiocrité des petits notables et de la bourgeoisie rurale est bien rendue, au point de rendre tout ce petit monde assez détestable.
En définitive, une adaptation correcte, servie par un dessin solide, mais dont le résultat reste assez tiède.
Note : 2,5/5
Spirou et Fantasio partent pour un village isolé au cœur du désert d'Amérique centrale afin d'enquêter sur un mystérieux squelette découvert sur place. Mais entre la présence envahissante de Seccotine, bien décidée à décrocher son propre scoop, et les étranges révélations que réserve ce coin reculé, leur reportage ne sera pas de tout repos.
Avec Trondheim et Tarrin aux commandes, l'album suscite forcément de grandes attentes.
Fabrice Tarrin avait déjà démontré son talent pour retrouver l'esprit de Franquin dans Le Tombeau des Champignac et Spirou chez les Soviets. Ici, son trait paraît plus paresseux sur les décors, mais cela tient sans doute au cadre désertique de San Inferno. Les personnages, eux, gagnent un côté légèrement plus cartoonesque qui colle à l'ambiance légère du récit, même si l'on perd un peu de la finesse propre à Franquin.
Lewis Trondheim lui, en est à son troisième scénario de Spirou si on compte Panique en Atlantique et L'Accélérateur atomique, son Spirou dans l'univers de Lapinot. C'est toutefois la première fois qu'il se rapproche autant d'un véritable scénario classique à la Franquin. On pense à une aventure en Palombie, ou encore au Gorille a bonne mine avec son expédition loin de la civilisation pour un bon reportage. Le ton est toutefois davantage à l'humour comme souvent avec Trondheim qui renonce rarement à la tentation du second degré. L'intrigue fonctionne, avec des trouvailles amusantes, mais elle manque d'ampleur : le huis clos désertique finit par être étouffant, et certains éléments paraissent artificiels, comme l'attitude exagérée de Rodrigo au début, en décalage avec son calme ultérieur.
Au final, la lecture reste agréable, souriante et divertissante, mais l'ensemble manque de souffle et d'ambition pour s'imposer comme une grande aventure de Spirou.
Cette production m'apparait bien dans la ligne de Hugo Pratt de cette époque. On y retrouve son vif intérêt pour la défense des peuples opprimés ainsi qu'un goût prononcé pour les croyances surnaturelles. Ici l'auteur ne fait pas dans la dentelle, viols, meurtres et vengeances parcourent le récit comme si Pratt voulait nous affranchir d'une vision romantique des luttes de libération populaire. La lecture est prenante même si il est parfois difficile d'identifier les différents personnages à l'exception de la pauvre Sataniah.
Le dessin est centré sur l'expressivité des personnages presque sans extérieurs avec des fonds de cases uniformes. Cela me donne l'impression d'une tragédie théâtrale grecque.
Une lecture pour les fans de Pratt afin d'approfondir la connaissance de son œuvre.
Je n'ai pas lu le roman de Charlotte Brontë et ce manga m'a permis de combler en partie cette lacune. En effet j'ai découvert un récit très plaisant à travers un texte riche. Depuis que je lis cette collection je m'aperçois que les auteurs adaptent les œuvres d'une façon convaincante en respectant souvent bien l'esprit du roman. Ici encore les auteurs nous proposent une vraie lecture avec un texte au vocabulaire recherché qui met en valeur la richesse et la modernité du roman de Charlotte Brontë. J'ai été très touché par le personnage de Jane Eyre et sa pensée sur l'indépendance de la femme à contre courant d'une époque victorienne bien rigide dans ce domaine.
Le rythme n'est pas rapide mais sans ennui. L'adaptation prend le temps d'approfondir la psychologie de Jane et de Rochester au sein d'une société aux conventions immobiles.
Ma seule réserve tient au graphisme des deux principaux personnages. Jane est dessinée à la mode manga comme une gamine de douze ans voire moins parfois. Rochester est lui dessiné comme un BG de 25 ans ce qui est tout le contraire du personnage laid et plus âgé dans la version originale. C'est dommage parce que le reste du graphisme est assez séduisant dans les extérieurs.
Je garde une note élevée malgré cette forte réserve graphique à cause de la qualité de la lecture texte que j'y ai trouvée.
Je ne connaissais pas du tout cet épisode de la Seconde Guerre mondiale. Pourtant l'historique de cette guerre a été visitée de fond en comble. Ainsi Céline Pieters et Célia Ducajou ont su trouver un sujet original sur la fabrication et l'envoi de 2500 Steinway pour soutenir le moral des GI's sur les différents fronts. Au sein d'une fiction qu'elles situent dans les durs combats Ardennais les autrices abordent plusieurs thématiques parfois douloureuses comme la réalité de la sexualité des soldats "amis" et les nombreux viols commis. Les deux autrices interrogent sur une question qui fut première lors du confinement à savoir si une activité non vitale peut être essentielle ou pas pour les hommes. Le récit est fluide et la lecture est ouverte à un large public dès le collège.
Le dossier en fin d'ouvrage enrichit et crédibilise la fiction grâce à de belles photos d'archives et un texte explicatif très accessible.
Le graphisme propose une narration visuelle simple, fluide et dynamique. La mise en couleur différencie les temps de guerre avec l'utilisation d'un vert olive froid qui contraste avec les couleurs chaudes liées aux épisodes musicaux.
Une belle lecture pour tous sur un sujet original.
Une série policière pour les jeunes sympathique à défaut d'être mémorable.
En effet, si comme moi on a déjà lu des mangas avec des jeunes enquêteurs, on est en terrain connu : des meurtres bien planifiés avec des coupables qui semblent avoir des alibis en béton, parfois le coupable a une bonne raison de faire ce qu'il a fait pour ajouter du drame, les personnages principaux sont jeunes pour plaire aux lecteurs (et ici en plus ce sont deux beaux garçons vu que c'est un shojo et il faut plaire aux lectrices)... La grosse nouveauté est qu'un des protagonistes a un pouvoir surnaturel qui lui permet de découvrir qui est le coupable. De fait, on sait souvent qui est le coupable d'avance et on voit surtout comment les deux enquêteurs trouvent des preuves pour épingler le coupable. Le gars avec ce pouvoir a aussi un passé trouble, ce qui donne une trame narrative qui court sur plusieurs volumes afin de fidéliser un lectorat qui voudrait savoir le fin mot de cette histoire.
En gros, c'est un peu cliché, mais c'est bien fait et j'ai trouvé que c'était divertissant. Le dessin est agréable.
La comparaison avec Lou Lubie est justifiée car cela se ressemble à la fois sur la façon de raconter son sujet saupoudrée d'humour et sur le dessin pas tape à l'oeil et efficace. Et de sujet il s'agit ici de virginité, féminine principalement. On apprend des choses intéressantes sur les hymens, mais j'ai trouvé le fait de voir des vulves un peu partout dans notre société un poquito capillo-tractée. Dans la Vierge et son étole, vraiment ? Bien que la religion régisse une bonne part de la sexualité au fil des siècles. Une bande dessinée documentaire et documentée qu'il convient de lire néanmoins.
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Les Pieds bandés
J’ai emprunté cet album, attiré par le sujet, aux airs de légende urbaine plus ou moins fantasmatique. Et le fait est que j’ai appris des choses, sociologiquement c’est intéressant : le fait que les femmes soient socialement encouragées – donc souvent forcées – à subir une sorte de torture pour contraindre leurs pieds – mais aussi pour aplatir leur seins (ceci est évoqué à plusieurs reprises, mais tout est centré sur les pieds bandés pour être « rapetissés ») est hallucinant. Et évidemment seules les femmes subissent ces contraintes, présentées par les hommes qui en parlent comme une manière de les séduire. Mais, si le sujet m’a intéressé au début, j’ai aussi été rebuté par une narration un peu insipide, et un dessin inégal, et loin d’être exempt de défauts (en particulier les visages, changeants et semblant eux-aussi subir une déformation !). Il n’y a que vers la fin, lorsque les changements sociétaux et l’agitation révolutionnaire vont donner du rythme, que le récit retrouve un semblant d’intérêt. C’est alors, tout au long du reste du siècle, que nous suivons la « libération » des masses et de la femme, qui coïncident ironiquement avec la déchéance de la femme que nous avons suivi toute sa vie, elle qui, devenue anachronique avec ses pieds, naguère signes de beauté, devenus ridicules et handicapants. Quelques critiques pointent aussi concernant les revirements de la politique maoïste. Mais ce regain d’intérêt tardif n’a pas compensé une lecture que j’ai globalement trouvée ennuyeuse.
La Cellule - Enquête sur les attentats du 13 novembre 2015
Commençons par ce qui peut légitimement gêner les lecteurs (ça a semble-t-il été le cas pour mes prédécesseurs, ça a aussi été le cas pour moi, à un degré moindre toutefois). D’abord un dessin parfois difficile à déchiffrer (pourtant très bon techniquement), avec un rendu pas toujours heureux de photos retouchées et/ou complétées par le dessin. Ensuite une narration clinique, ne cherchant pas vraiment dynamisme et à-côtés captivants. C’est sûr, ça n’est pas une lecture détente et/ou déconne. Mais, si la lecture a été parfois laborieuse, elle a été toujours intéressante. Les auteurs se sont amplement documentés. Et le côté « clinique » évoqué plus haut est aussi un atout. C’est froid, mais le mécanisme des attentats, ainsi que des surveillances de la part des services de renseignements est très bien rendu. Les auteurs n’ont rien montré des attentats eux-mêmes et c’est très bien, pas de sensationnalisme ici déplacé. C’est une enquête rigoureuse, bien sûr à réserver à ceux que le sujet intéresse. Mais dans le genre c’est du très bon travail. Et donc, malgré les bémols évoqués au départ de mon avis, c’est une lecture que j’ai bien appréciée. Elle fait froid dans le dos. Ne reste plus ensuite qu’à compléter ça avec des documentaires expliquant le chaos et les renoncements qui ont permis à DAECH de s’épanouir. Mais ça n’est pas ici le sujet. Note réelle 3,5/5.
L'Incroyable histoire de l'automobile
L'histoire de l'automobile... Vaste sujet, auquel s'est attaqué Laurent-Frédéric Bollée, scénariste chevronné, pour adapter au média BD la connaissance encyclopédique et les réflexions de l'historien Jean-Louis Loubet. De ses débuts à l'avènement annoncé du tout-électrique, cette histoire longue de plus de 200 ans nous est donc contée dans cet album de 400 pages très dense, un peu trop parfois, dans un souci d'exhaustivité ou presque qui force le respect. Car c'est une histoire pleine de rebondissements, depuis le Fardier de Cugnot, premier transport à s'affranchir de la traction animale et à être autoporté, c'est à dire se propulsant lui-même. Les débuts de l'automobile sont timides, marqués par de nombreux accidents, des innovations qui marqueront toute son histoire, des hommes (et quelques femmes, mais beaucoup trop peu). La moitié de l'album tient sur la période 1769-1950, et les trois derniers quarts de siècle sur la deuxième moitié. Découpé en une vingtaine de chapitres passe en revue les techniques, la dimension sociale (forcément très importante, la possession puis la taille de l'automobile étant un marqueur fort, surtout dans la société américaine), la dimension politique aussi. Les histoires des hommes forts du secteur (Henry Ford, Gianni Agnelli...) sont aussi présentes. La course automobile, la course aux usines géantes l'arrivée, puis le départ et le retour de la propulsion électrique... Le rôle des taxis de la Marne, les Tesla d'Elon Musk, la Renault, tout y est. C'est très dense, comme je le disais, presque indigeste tellement il y a d'informations. Mais c'est tout de même très intéressant, même si on n'est pas passionné par les voitures. Le côté graphique est assuré par Christophe Merlin, qui se débrouille très bien pour dessiner des voitures de toutes les époques et des bâtiments, mais qui semble moins à l'aise dans le dessin des personnages, qui sont assez figés. Autre petit souci, la colorisation, réalisée en aplats simples, qui donne souvent un sentiment de froideur, particulièrement sur les tons sombres et noirs, donnant l'impression de masses un peu informes.
Madame Bovary
Madame Bovary, le roman original, m’était resté en travers quand je l’avais abordé au lycée : trop long, trop peu passionnant à mes yeux. Reste que c’est un monument de la littérature, et j’ai voulu lui redonner une chance à travers cette adaptation en BD. Le résultat est très académique. Le dessin, propre et maîtrisé, ne m’a pas particulièrement séduit mais il fait le travail. La mise en scène est claire, même si certains dialogues alourdissent un peu l’ensemble, contrainte du vocabulaire du XIXe siècle oblige. Ce qui m’a surtout frappé, c’est la rapidité de l’introduction : là où je gardais le souvenir d’une longue montée de l’ennui d’Emma, ici, quelques pages suffisent pour qu’elle se lasse de son mari puis s’engage sans détour dans l’adultère. J’avais aussi oublié à quel point elle trompait ouvertement son mari et dilapidait sans vergogne un argent qu’elle n’avait pas. Difficile de lui trouver des excuses dans cette version, même si le roman me semblait insister davantage sur sa légitime frustration. En revanche, la médiocrité des petits notables et de la bourgeoisie rurale est bien rendue, au point de rendre tout ce petit monde assez détestable. En définitive, une adaptation correcte, servie par un dessin solide, mais dont le résultat reste assez tiède. Note : 2,5/5
Spirou et Fantasio Classique - Le Trésor de San Inferno
Spirou et Fantasio partent pour un village isolé au cœur du désert d'Amérique centrale afin d'enquêter sur un mystérieux squelette découvert sur place. Mais entre la présence envahissante de Seccotine, bien décidée à décrocher son propre scoop, et les étranges révélations que réserve ce coin reculé, leur reportage ne sera pas de tout repos. Avec Trondheim et Tarrin aux commandes, l'album suscite forcément de grandes attentes. Fabrice Tarrin avait déjà démontré son talent pour retrouver l'esprit de Franquin dans Le Tombeau des Champignac et Spirou chez les Soviets. Ici, son trait paraît plus paresseux sur les décors, mais cela tient sans doute au cadre désertique de San Inferno. Les personnages, eux, gagnent un côté légèrement plus cartoonesque qui colle à l'ambiance légère du récit, même si l'on perd un peu de la finesse propre à Franquin. Lewis Trondheim lui, en est à son troisième scénario de Spirou si on compte Panique en Atlantique et L'Accélérateur atomique, son Spirou dans l'univers de Lapinot. C'est toutefois la première fois qu'il se rapproche autant d'un véritable scénario classique à la Franquin. On pense à une aventure en Palombie, ou encore au Gorille a bonne mine avec son expédition loin de la civilisation pour un bon reportage. Le ton est toutefois davantage à l'humour comme souvent avec Trondheim qui renonce rarement à la tentation du second degré. L'intrigue fonctionne, avec des trouvailles amusantes, mais elle manque d'ampleur : le huis clos désertique finit par être étouffant, et certains éléments paraissent artificiels, comme l'attitude exagérée de Rodrigo au début, en décalage avec son calme ultérieur. Au final, la lecture reste agréable, souriante et divertissante, mais l'ensemble manque de souffle et d'ambition pour s'imposer comme une grande aventure de Spirou.
L'Homme du Sertão (La Macumba du Gringo)
Cette production m'apparait bien dans la ligne de Hugo Pratt de cette époque. On y retrouve son vif intérêt pour la défense des peuples opprimés ainsi qu'un goût prononcé pour les croyances surnaturelles. Ici l'auteur ne fait pas dans la dentelle, viols, meurtres et vengeances parcourent le récit comme si Pratt voulait nous affranchir d'une vision romantique des luttes de libération populaire. La lecture est prenante même si il est parfois difficile d'identifier les différents personnages à l'exception de la pauvre Sataniah. Le dessin est centré sur l'expressivité des personnages presque sans extérieurs avec des fonds de cases uniformes. Cela me donne l'impression d'une tragédie théâtrale grecque. Une lecture pour les fans de Pratt afin d'approfondir la connaissance de son œuvre.
Jane Eyre
Je n'ai pas lu le roman de Charlotte Brontë et ce manga m'a permis de combler en partie cette lacune. En effet j'ai découvert un récit très plaisant à travers un texte riche. Depuis que je lis cette collection je m'aperçois que les auteurs adaptent les œuvres d'une façon convaincante en respectant souvent bien l'esprit du roman. Ici encore les auteurs nous proposent une vraie lecture avec un texte au vocabulaire recherché qui met en valeur la richesse et la modernité du roman de Charlotte Brontë. J'ai été très touché par le personnage de Jane Eyre et sa pensée sur l'indépendance de la femme à contre courant d'une époque victorienne bien rigide dans ce domaine. Le rythme n'est pas rapide mais sans ennui. L'adaptation prend le temps d'approfondir la psychologie de Jane et de Rochester au sein d'une société aux conventions immobiles. Ma seule réserve tient au graphisme des deux principaux personnages. Jane est dessinée à la mode manga comme une gamine de douze ans voire moins parfois. Rochester est lui dessiné comme un BG de 25 ans ce qui est tout le contraire du personnage laid et plus âgé dans la version originale. C'est dommage parce que le reste du graphisme est assez séduisant dans les extérieurs. Je garde une note élevée malgré cette forte réserve graphique à cause de la qualité de la lecture texte que j'y ai trouvée.
Interlude
Je ne connaissais pas du tout cet épisode de la Seconde Guerre mondiale. Pourtant l'historique de cette guerre a été visitée de fond en comble. Ainsi Céline Pieters et Célia Ducajou ont su trouver un sujet original sur la fabrication et l'envoi de 2500 Steinway pour soutenir le moral des GI's sur les différents fronts. Au sein d'une fiction qu'elles situent dans les durs combats Ardennais les autrices abordent plusieurs thématiques parfois douloureuses comme la réalité de la sexualité des soldats "amis" et les nombreux viols commis. Les deux autrices interrogent sur une question qui fut première lors du confinement à savoir si une activité non vitale peut être essentielle ou pas pour les hommes. Le récit est fluide et la lecture est ouverte à un large public dès le collège. Le dossier en fin d'ouvrage enrichit et crédibilise la fiction grâce à de belles photos d'archives et un texte explicatif très accessible. Le graphisme propose une narration visuelle simple, fluide et dynamique. La mise en couleur différencie les temps de guerre avec l'utilisation d'un vert olive froid qui contraste avec les couleurs chaudes liées aux épisodes musicaux. Une belle lecture pour tous sur un sujet original.
Gifted
Une série policière pour les jeunes sympathique à défaut d'être mémorable. En effet, si comme moi on a déjà lu des mangas avec des jeunes enquêteurs, on est en terrain connu : des meurtres bien planifiés avec des coupables qui semblent avoir des alibis en béton, parfois le coupable a une bonne raison de faire ce qu'il a fait pour ajouter du drame, les personnages principaux sont jeunes pour plaire aux lecteurs (et ici en plus ce sont deux beaux garçons vu que c'est un shojo et il faut plaire aux lectrices)... La grosse nouveauté est qu'un des protagonistes a un pouvoir surnaturel qui lui permet de découvrir qui est le coupable. De fait, on sait souvent qui est le coupable d'avance et on voit surtout comment les deux enquêteurs trouvent des preuves pour épingler le coupable. Le gars avec ce pouvoir a aussi un passé trouble, ce qui donne une trame narrative qui court sur plusieurs volumes afin de fidéliser un lectorat qui voudrait savoir le fin mot de cette histoire. En gros, c'est un peu cliché, mais c'est bien fait et j'ai trouvé que c'était divertissant. Le dessin est agréable.
Vierges - La folle histoire de la virginité
La comparaison avec Lou Lubie est justifiée car cela se ressemble à la fois sur la façon de raconter son sujet saupoudrée d'humour et sur le dessin pas tape à l'oeil et efficace. Et de sujet il s'agit ici de virginité, féminine principalement. On apprend des choses intéressantes sur les hymens, mais j'ai trouvé le fait de voir des vulves un peu partout dans notre société un poquito capillo-tractée. Dans la Vierge et son étole, vraiment ? Bien que la religion régisse une bonne part de la sexualité au fil des siècles. Une bande dessinée documentaire et documentée qu'il convient de lire néanmoins.