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Couverture de la série L'Hermione
L'Hermione

Je suis ressortie de cette lecture assez frustrée : le titre, la couverture et le format très généreux me laissaient espérer de longues scènes maritimes dans lesquelles j’avais hâte de me plonger, d’autant plus que je connais la capacité de Jean-Yves Delitte à réaliser des planches très immersives. Malheureusement, l’essentiel de l’intrigue ne se situant pas en mer, je suis restée sur ma faim. Il faut dire aussi que l’histoire en elle-même ne m’a pas vraiment captivée, mais c’est un ressenti personnel car je n’ai objectivement pas grand-chose à lui reprocher ; les lecteurs plus intéressés par l’histoire y trouveront sûrement d’avantage leur compte. Graphiquement c’est très réussi, il y a de très belles planches bien mises en valeur par le format, et les bateaux et décors sont magnifiques ; les personnages sont quelque peu figés, mais ça ne m’a pas dérangée plus que ça. En résumé, ne vous lancez pas dans cette lecture si vous cherchez à vous évader dans un récit maritime épique, mais c’est un album de bonne facture.

13/07/2025 (modifier)
Couverture de la série Mission in the apocalypse
Mission in the apocalypse

Si les séries basées sur un monde post-apocalyptique suite à la survenue d'un virus ayant décimé l'humanité sont légions, ce manga se démarque nettement par sa narration relativement lente et les thèmes originaux traités. Nous suivons dans ce manga Saya Ushimitsu, sorte d'androïde de dernière génération, dont la mission est d'éradiquer le mal cristallin, maladie ayant décimé les humains, et de secourir d'éventuels survivants. Si le thème principal a un goût de déjà vu, l'originalité de ce manga réside dans la poésie qui se dégage de l'histoire et dans les nombreux thèmes originaux abordés par l'auteur, Haruo Iwamune. Au fil des pages et des lieux visités, l'auteur amène le lecteur à se questionner sur le lien qui existe entre les machines et leur maîtres, ces dernières allant jusqu'à les servir après leur décès. J'ai particulièrement aimé le passage dans la bibliothèque où l'héroïne se questionne sur l'intérêt de conserver la connaissance de l'humanité au travers des écrits, alors même que cette dernière semble quasi-éteinte (tome 2) ou encore le passage dans la serre où l'auteur évoque le cycle de la matière et la terramation, ce sujet faisant récemment l'actualité, des tests étant en cours sur des animaux (tome 3). Malgré les 3 tomes parus au moment de l'écriture de cet avis, on sent que la série a encore du potentiel et que notre héroïne ne nous a pas encore révélé tous ses secrets : qui sont ces créatures de différents types façonnées par le mal cristallin ? Quel est l'objectif de l'institut de recherche technologique qui emploie notre héroïne ? Et est-elle réellement la seule enfant éternelle ? Autant de questions qui trouveront probablement leur réponse dans les prochains tomes de cette série qui, je l'espère, conservera la qualité de ses trois premiers tomes. Au niveau du dessin, Haruo Iwamune nous livre des planches de toute beauté d'un monde dévasté par l'épidémie. Le trait est fin et le découpage des scène très dynamique. Un seul petit bémol concerne certaines planches un peu sombres nécessitant de lire sous une lumière assez vive si on souhaite en percevoir tous les détails. Un très bon début pour cette série qui mérite d'être lue. SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 8/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 8/10 NOTE GLOBALE : 16/20

13/07/2025 (modifier)
Couverture de la série Pain d'Alouette
Pain d'Alouette

Avec ce diptyque, Lax poursuit un récit commencé avec L'Aigle sans orteils (même si ces deux diptyques peuvent se lire indépendamment). Mais l’essentiel se déroule ici dans le Nord de la France. Cela permet à Lax de faire un parallèle entre les mineurs de fond et les cyclistes, dans l’immédiat après Première Guerre mondiale, Lax mettant en avant deux types de forçats – qui sont souvent les mêmes d’ailleurs. Car pour le cyclisme, on se concentre ici sur l’ascension des cols pyrénéens, et surtout sur une cours e déjà mythique pour sa difficulté, et qui n’est pas encore « L’enfer du Nord », surnommée à l’époque « La Pascale », à savoir Paris-Roubaix. L’âpreté de Paris-Roubaix (les passages sur les pavais et la boue surtout), mais aussi certaines magouilles (vers la fin) encouragées par journalistes et fabricants de cycles (comme quoi les scandales contemporains n’ont rien de nouveau), tout ça est assez bien rendu, et on voit bien que Lax rend hommage à ces pionniers des courses cyclistes. J’ai moins été convaincu par les passages dans le Sud-Ouest et le personnage de Reine, qui fait basculer l’intrigue sur autre chose, et qui donne parfois des scènes un peu artificielles (et la fin du récit m’est apparu trop abrupte). Une lecture pas désagréable, mais que j’ai un peu moins appréciée que L'Aigle sans orteils.

13/07/2025 (modifier)
Couverture de la série Les Artilleuses
Les Artilleuses

Une histoire globalement plaisante à lire, même si elle est bourrée de clichés et de facilités, et si l’intrigue est finalement plus légère et convenue que je ne l’avais pensé au départ. Je découvre cet univers du Paris des Merveilles avec ce triptyque. Il y a quelque chose de relativement original, avec ce Paris de la belle époque, dans lequel sont insufflés une imagerie steampunk, et des êtres peu souvent placés dans ce type de récit (fées, elfes, gnomes, etc.). Un décor intéressant donc, et une intrigue très rythmée, parfois survitaminée même, dans laquelle on ne s’ennuie pas trop. Quelques bémols toutefois. D’abord tout l’apport fantasy reste au final sous-employé, n’intervient que comme petite touche exotique (à part peut-être certains pouvoirs employés par Lady Remington). La fin, un peu expédiée, laisse entrevoir un autre cycle employant davantage cet aspect ? Sinon, les auteurs abusent des courses-poursuites, des méga fusillades, dans lesquelles nos trois pétroleuses s’en sortent miraculeusement, échappant à des nuées de projectiles, alors qu’elles font mouche à chaque fois et dézinguent des dizaines de cibles. Une fois passe encore, mais ça se reproduit à plusieurs reprises. Finalement, l’action prime largement sur tout le reste, et on reste à la surface des choses pour l’univers, et pour certains personnages. Une série qui passe la barrière de l’âge, mais à réserver en priorité à des adolescents je pense.

13/07/2025 (modifier)
Couverture de la série Les Mémoires de la Shoah
Les Mémoires de la Shoah

C’est le deuxième album que je lis dans cette sous-collection « prix Albert Londres » après Sur le front de Corée. Si les reportages sont ici très différents (on est loin du reporter de guerre ici), j’ai davantage apprécié cette enquête sur les « mémoires de la Shoah. L’album reprend en les illustrant (très bien au passage) plusieurs articles publiés par Annick Cojean dans Le Monde pour le cinquantenaire de la libération des camps d’extermination. Elle a pour cela interviewé des survivants, des enfants de survivants, des Nazis, et a ensuite rencontré des participants à un projet original faisant dialoguer enfants de victimes et enfants de bourreaux. Si ça n’est pas une étude approfondie d’historien, l’ensemble de ces témoignages sont intéressants, et le travail de mémoire mis à nu l’est tout autant, à l’heure où les témoins directs disparaissent, et où certains révisionnismes ont le vent en poupe. En tout cas, sur un sujet douloureux et déjà pas mal traité, cet album offre un point de vue original et souvent occulté (j’ai à plusieurs reprises discuté avec des survivants des camps de ce sujet de la transmission ou de l’oubli, c’est quelque chose d’important). Le dessin de Tamia Baudouin est assez statique, mais j’ai globalement bien aimé le rendu, et certains passages presque oniriques. Une lecture intéressante en tout cas.

13/07/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Fumée
Fumée

Renoncer aux choses qui l’ont rendu malade. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2022. Il a été réalisé par Chadia Loueslati pour le scénario et par Nina Jacqumin pour des dessins. Il comprend cent-trente-sept pages de bande dessinée, en bichromie, avec quelques touches parcimonieuses de couleur rouge, de ci, de çà. Le tome se termine avec un texte sous forme d’un paragraphe d’une douzaine de lignes, émanant de La ligue contre le cancer. Puis vient la page de remerciements des deux autrices. Cette bande dessinée présente la particularité d’être dépourvue de dialogues et de textes, à l’exception de l’onomatopée Kof, indiquant qu’un personnage est en train de tousser. Les personnages ne sont pas nommés dans le récit ; ils seront appelés Lui & Elle pour le couple principal. En pleine nuit noire : un raclement de gorge se fait entendre, puis une petite toux, puis d’énormes toussotements inextinguibles. Elle allume la lampe de chevet et se tourne vers Lui, en lui tendant un verre d’eau. Il le prend alors qu’elle se sert contre lui. Il se retourne sur son oreiller, et Elle éteint la lumière. Au matin, Elle est déjà sous la douche lorsqu’il se réveille. Il se lève, marche jusqu’à la cuisine, se retrouve plié en deux par une quinte de toux. Une fois qu’elle est passée, il se redresse et prend une cigarette dans le paquet. Il s’installe à la table pour fumer tranquille, avec sa tasse de café. Elle lui demande d’aller sur la terrasse, ce qu’il fait bien volontiers en savourant chaque inspiration. Il finit par écraser son mégot dans un cendrier qui déborde déjà. Il va ensuite prendre sa douche. Alors que l’eau coule, il se racle la gorge ce qui déclenche une nouvelle quinte de toux qui l’oblige à s’assoir dans le bac à douche. Elle est prête et elle passe la tête par la porte pour lui dire au revoir. Lui sort à son tour, et il fume une nouvelle cigarette en se rendant jusqu’à l’abribus. En attendant, il en profite pour s’en allumer une petite, avec deux petits toussements. Le bus arrive. Il monte à bord, et se tient debout. Il tousse un peu, ça passe vite. Il arrive au boulot, et il voit deux trois personnes en train de s’en griller une devant l’entrée : il se joint à eux et fait de même. Une fois sa cigarette terminée, il pénètre dans l’immeuble et prend l’ascenseur. Il est pris d’une quinte de toux inextinguible dans la cabine. Arrivé à son étage, il se dirige rapidement vers les toilettes, pour prendre un peu d’eau. Puis il rejoint son poste informatique pour travailler. Au bout d’un certain temps, un collègue vient lui taper sur l’épaule pour lui proposer d’aller en fumer une. Il l’accompagne, et ils papotent avec deux autres déjà en train de fumer. Le midi, il va s’assoir sur un banc au soleil et reprend une cigarette qu’il fume tranquillement. Il repart en oubliant son sandwich intact sur le banc. Il fait quelques pas et est saisi d’une nouvelle quinte de toux de faible intensité. Il se rend à la pharmacie pour acheter des pastilles, et il en prend une en sortant. Il retourne pour son après-midi de travail. Un peu après quinze heures, il sort fumer une cigarette, retrouvant son collègue fumeur dehors. Le texte de la quatrième de couverture promet : Une histoire sans parole, d’un amour puissant et addictif, où les souvenirs et les cauchemars s’entremêlent et finissent pas partir en fumée. Le lecteur commence par découvrir l’illustration de couverture qui semble promettre que le personnage principal peut être la fumée, ou bien la cigarette elle-même. La première planche est composée uniquement de deux cases de même taille, avec les onomatopées. Le lecteur tourne la page et il découvre les deux personnages principaux : représentés dans une veine réaliste avec un degré de simplification dans les contours, complétés par les nuances de gris. Lui : un monsieur dans la trentaine, peut-être plus proche de la quarantaine, une silhouette longiligne, un peu plus grand que la normale, une barbe fournie, des vêtements passepartouts, un boulot pas désagréable vraisemblablement avec une forte composante alimentaire. Autant d’éléments visuels qui définissent sa personnalité : calme, gentil, sans histoire, aimant, facilement dans l’acceptation, c’est-à-dire sans colère ou agressivité. Elle : une jeune femme discrète, aimante également, attentionnée et inquiète pour son conjoint, une silhouette banale et des tenues vestimentaires sans éclats, une gentillesse spontanée. Le lecteur a l’occasion de les voir adolescents : tout aussi normaux et agréables. L’absence de mots rend les autres personnages un peu effacés, et tout aussi normaux et a priori sympathiques. Faute de mots, toute la narration de l’histoire repose sur l’artiste. Outre l’apparence des personnages, le lecteur se rend compte qu’il ressent de l’empathie pour eux. La direction d’acteurs appartient au registre naturaliste, avec des touches parcimonieuses d’accentuation de type pantomime pour rendre plus apparent un état d’esprit ou un ressenti physique. La dessinatrice sait faire passer les émotions avec sensibilité et justesse : l’inquiétude pleine de sollicitude d’Elle alors que lui se retourne pour dormir, le moment de plaisir tranquille alors que lui savoure une inspiration de fumée sur le balcon, son acceptation de tousser régulièrement sans inquiétude particulière d’habitude et la démarche toute simple d’aller acheter une pastille pour la toux. Son début d’inquiétude lorsqu’il se rend compte qu’il y a un peu de sang dans sa main après avoir toussé, etc. La justesse des acteurs prend encore de l’ampleur lors du retour en arrière à l’adolescence : Lui essaye sa première cigarette, puis recommence pour des raisons sociales d’appartenance et de séduction. La mise en scène le comportement des personnages expriment à la perfection ces enjeux, les élans et les hésitations du cœur, le comportement social qui en découle. De la même manière, la dessinatrice fournit un travail impressionnant et juste pour donner à voir les différents environnements, et activités des uns et des autres. Ainsi le lecteur peut voir la chambre d’Elle & Lui avec sa décoration intérieure, l’aménagement de leur cuisine et de leur salon, les rues de la banlieue assez propre, le poste de travail très impersonnel de Lui au bureau, l’importance des jardinières et de la végétalisation dans cette ville, le caractère spacieux de la salle d’attente aux urgences, l’aire de jeux squattée par les adolescentes, un lycée très banal, le pavillon des parents, la chambre d’hôpital, etc. Certaines représentations peuvent apparaître un peu simplifiées, pour autant chaque décor est présent tout le temps, et chaque endroit présente des particularités qui attestent de sa fonction et de sa personnalité. Le récit comprend également trois séquences oniriques également muettes, tout aussi parlantes. La première montre Lui en train de se débattre dans des volutes de fumée envahissantes sur fond noir, une très belle expression de son inconscient. La seconde se déroule également sur fond noir, une métaphore formidable de l’angoisse générée par le rapport de Lui aux autres, dans la vie en société. La dernière montre la réalité de la consommation cumulée de cigarettes au fils des années, peut-être des décennies : une visualisation saisissante. Au vu du ton dans l’acceptation, des crises de toux de plus en plus rapprochées, du résultat de la première consultation chez le médecin, le lecteur finit par être plus réceptif aux nuances de gris et de sépia, qu’aux zones de blanc qui vont d’ailleurs en s’amenuisant. Il prend conscience qu’il est très réceptif à la banalité du quotidien mis en scène : pas de dramatisation versant dans la tragédie, pas de pathos, juste les petits faits de tous les jours. Il en sait relativement peu sur le personnage principal, encore moins sur sa compagne, si ce n'est qu’ils ne semblent pas mariés car ils ne portent pas d’alliance. Dans le même temps, il se retrouve dans les petits gestes de la vie : prendre son petit-déjeuner, se laver, travailler au bureau devant un ordinateur, prendre les transports en commun, conduire, s’assoir sur un banc dans un parc, etc. Inconsciemment, il a déjà intégré quelle serait l’issue inéluctable du récit, ce qui le rend peut-être encore plus réceptif aux émotions éprouvées par Elle et Lui. De manière tout aussi inconsciente, l’image de couverture s’est imprimée dans son esprit : le rôle principal est bien tenu par la cigarette omniprésente, ou plutôt la succession incessante de cigarettes jusqu’à cette image en pleine page où Lui se tient sur un monticule de cigarettes, avec quelques briquets jetables venant apporter une touche de couleur. Deux des séquences oniriques mettent en évidence cette compagne de tous les jours depuis l’adolescence : la cigarette. S’il a déjà eu l’occasion de lire une description d’un comportement obsessionnel, le lecteur en retrouve des symptômes de ci de là. Il apparaît que la journée de Lui s’articule autour des moments pour fumer : c’est un premier symptôme. Lorsque Lui oublie son sandwich sur un banc, c’est un autre symptôme attestant que fumer est devenu plus important que se nourrir, faisant même oublier cet acte vital. Lui passe également par une phase, assez courte, de déni quant à la gravité de sa maladie qui en est déjà à un stade avancé. La troisième séquence onirique, très émouvante, met en lumière rétrospectivement que le déni s’est installé insensiblement et qu’il était présent depuis des décennies : il y a longtemps que Lui a dépassé le stade de perte de contrôle sur la quantité de cigarettes. D’un autre côté, il a conservé son aptitude à en apprécier certaines. Les séquences viennent également montrer comment la dépendance au produit s’est installée, par quel phénomène émotionnel, et que déjà les signes étaient présents dès les premiers temps avec l’accident. Un récit sans parole pour montrer un fumeur rattrapé par la maladie. Une narration visuelle qui raconte toute l’histoire, avec sensibilité et finesse. Une mise en scène sans pathos, dans un registre factuel, générant une douce empathie, et une tristesse qui monte au fur et à mesure que le lecteur accompagne cet être humain aussi normal qu’attachant. Triste.

13/07/2025 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Un père
Un père

Après « Le Petit Frère », où il évoquait l’accident tragique qui avait emporté son jeune frère dans les années 70, Jean-Louis Tripp s’attaque à un autre (gros) morceau de son passé familial. Cette fois-ci, c’est son « papa », Francis, qui est au cœur de ce très beau roman graphique. Et vu la taille du livre (350 pages), on se dit qu’il y avait un besoin impérieux de la part du « fiston » de raconter l’histoire de ce personnage haut en couleurs, avec ses failles et ses contradictions. C’est ainsi que l’auteur va partir de sa propre enfance pour dresser le portrait de son père. Le livre commence par un rêve perturbant où il s’imagine en train de l’ensevelir sous la terre après l’avoir étranglé… une scène qui pose la tonalité du récit, résumant les sentiments ambivalents qui pouvaient parfois l’assaillir lorsque le paternel s’opposait à ses choix, comme par exemple lorsque le vélo de course dont il rêvait à Noël avait été remplacé par le modèle le plus ringard… Grâce à un dessin très détaillé, ce portrait ambitieux nous emmène dans ces années 60-70 où tous les ressorts d’une nostalgie sans trace de mièvrerie sont activés, et cela ne manque pas de charme. Tripp nous détaille notamment plusieurs anecdotes assez croustillantes où l’on découvre un Francis très énergique, par exemple lors des vacances à la mer où, suite à une panne ayant immobilisé la Dauphine toute neuve, ce roi du système D réussit à ressusciter une vieille 4CV de substitution (une vraie ruine !), pour le plus grand bonheur des enfants. Celui-ci, par ailleurs communiste revendiqué (à une époque où le PC avait encore le vent en poupe), montre un visage émerveillé durant une escapade en RDA, à la limite du déni malgré les lourdeurs administratives aux frontières ou les queues devant les magasins sous-approvisionnés. Ce fils d’enseignants qui fut aussi l’élève de son père en 6ème, ne cherche pas à enjoliver le personnage lorsqu’il le montre en proie à de terribles sautes d’humeur, ou qu’il relate ces engueulades magistrales avec son épouse, qui ne manquait pas de lui tenir tête. Mais Jean-Louis ne fait ici qu’évoquer le plus objectivement et le plus sincèrement possible l’image qu’il a conservé de son géniteur, et même s’il avait des choses à lui reprocher, cette bio ne comporte aucune acrimonie. La tendresse qu’il laisse émerger envers cette « statue du commandeur », avec toutes ses fissures, révèle que ce livre n’est en fin de compte qu’un exutoire menant au pardon et à la reconnaissance vis-à-vis d’un homme qui malgré ses maladresses ne voulait que le bien de ses enfants. D’ailleurs, lui-même ne cherche pas non plus à se mettre en valeur et ne nie pas sa part de responsabilité dans l’éloignement qui s’était accentué au fil des années (« Depuis toujours, je suis celui qui part », p.322), mais se pose plutôt des questions à l’égard de celui qu’il confessait ne plus reconnaître vers la fin de ses jours, notamment à cause de la maladie. Ce père, à qui il avait pu faire quelques aveux quelques années avant sa mort et qui s’était dit prêt à consulter un psy, même s’il savait qu'il ne le ferait jamais, ce père, à l’image de cette génération d’hommes « qui gardaient pour eux leurs blessures profondes et leurs espoirs perdus ». Grâce à un dessin d’un réalisme étourdissant, très fouillé, à la tonalité très chaleureuse — l’auteur de « Magasin général » n’a plus grand-chose à prouver quant à son talent —, « Un père » est non seulement un très bel hommage mais aussi un étonnant témoignage historique (oui !), très immersif et captivant à la fois, où les personnages y sont dépeints de façon très expressive. La mise en page demeure quant à elle toujours maîtrisée. Tripp a opté globalement pour le noir et blanc, ne recourant à la couleur que pour certains éléments d’une case ou certains passages, d’une portée toujours signifiante. « Un père », C’est une tranche de vie ordinaire devenue un portrait passionnant, authentique et très vivant, sous l’œil d’un fils réconcilié non seulement avec son paternel mais aussi avec lui-même. Une histoire à la fois joyeuse et tragique, pleine de tendresse, où l’humour n’est pas en reste. La fin de l’album se conclut sur cette photo qui résume plutôt bien le personnage. Et, si l’on n’oublie pas de déplier le rabat de quatrième de couverture, on pourrait bien tomber en extase devant la photo du magnifique slip de bain très vintage de Francis, celui-là même qu’il portait lors de l’édifiante séquence suisse (mais je n’en dirai pas plus !).

12/07/2025 (modifier)
Par Cacal69
Note: 2/5
Couverture de la série L'Homme en noir
L'Homme en noir

Je vais me démarquer de mes petits camarades avec ma mauvaise note. Une BD qui traite d'un sujet dérangeant, la pédophilie, au travers les yeux d'un petit garçon qui s'est créé un monde imaginaire pour se protéger. Un récit qui explique très bien les rouages que met en place Mattéo pour continuer à vivre un tant soit peu normalement. Un récit qui tient la route, puisque le coupable de ces actes abjects est très souvent un proche (ami ou famille). Un récit qui ne fait pas dans le racolage puisque les moments d'abus ne sont que suggérés. Mais la lecture en mode LGV (Lecture à Grande Vitesse) est frustrante et ne m'a pas permis de m'attacher à ce petit bonhomme. Mais aussi du fait qu'il n'y a pas de surprises, le récit est trop simpliste et prévisible. Un album qui cible toutes les catégories de lecteurs et justement, je trouve que cela le dessert. Je ne suis pas non plus convaincu par le dessin et la colorisation de Panaccione. Je n'aime pas son trait sale proche du crayonné et ses couleurs ternes. Par contre, je reconnais qu'il est très expressif et les passages avec le prédateur sexuel sont réussis. Une lecture qui ne me restera pas en mémoire. Note réelle : 2,5.

12/07/2025 (modifier)
Par Blue boy
Note: 3/5
Couverture de la série Avaler la lune
Avaler la lune

Premier volet d’une trilogie de science-fiction, cette bande dessinée constitue une bonne surprise. Très en phase avec notre réalité terrestre actuelle, elle a pour thème central l’extinction de la vie sur notre planète bleue. A l’heure où une poignée de milliardaires à la tête de multinationales sont en train de s’accaparer les ressources et décider du sort de l’humanité, sans concertation et sans égard pour les populations, le sujet du livre, qui évoque cette question, est donc plus que sérieux. Pour concevoir ce récit, Grégory Jarry s’est inspiré notamment d’un projet évoqué à maintes reprises par les plus rêveurs des scientifiques : un ascenseur spatial entre la Terre et la Lune. Un projet fou repris par la NASA mais dont on ne sait vraiment s’il verra le jour ni sous quelle forme. Quant aux circonstances de sa construction dans le récit, elles étaient liées au projet dément de provoquer l’effondrement de la vie terrestre, prix à payer pour implanter un puissant générateur d’énergie propre et infinie sur la surface lunaire. C’est ainsi que l’on va suivre la jeune Agafia dans sa mission consistant à terminer ce que son père, décédé accidentellement, avait entrepris : rejoindre la Lune à l’aide de l’ascenseur spatial. Seule sur une terre rongée par les pluies acides, elle communique avec sa mère immergée dans un plasma qui la maintient en vie depuis 500 ans, et on va la voir se déplacer dans un exotérus, un drôle d’engin insectoïde. C'est dans celui-ci qu'elle a retrouvé la dépouille de son père et qu'elle utilise désormais pour sa mission. Quelque peu complexe, le scénario est toutefois intrigant, oscillant à coup de flashbacks entre deux temporalités différentes, ce qui ne fera que renforcer le mystère : mais pour quelle raison les instigateurs du projet (à l’exception de la mère d’Agafia) semblent-ils quasiment tous avoir disparu dans des conditions obscures ? Jarry a développé un univers cohérent en extrapolant les technologies actuelles, avec des personnages bien structurés, même si ce tome ne permet pas d’être encore totalement familiarisé avec eux. Le trait nerveux et minimaliste de Lucie Castel, plaisant par son côté peu académique, est rehaussé par le travail sur la couleur de Robin Cousin. Les choix chromatiques permettent de poser des ambiances variées. Plus sombres, un rien fluo ou désaturées selon les passages, les tonalités suggèrent une atmosphère artificielle voire menaçante dans ce contexte où la biodiversité a totalement disparu de la planète. Pour se faire une idée définitive, il faudra sans doute attendre de découvrir la suite (le tome 2 doit paraître fin août), mais force est de reconnaître que les auteurs sont parvenus à nous mettre en appétit et à susciter notre curiosité avec ce premier tome.

12/07/2025 (modifier)
Couverture de la série Aventurières de la mer
Aventurières de la mer

Le premier témoignage, celui de Caroline reprend un voyage aux Kerguelen sur le Marion Dufresne (qu’elle a effectué en même temps qu’Emmanuel Lepage – qui en a tiré le très bel album « Voyage aux îles de la Désolation »). Elle en a tiré ensuite un livre sur le Marion Dufresne, et son court témoignage peu compléter celui de Lepage. Viennent ensuite les récits de Julie (qui a convoyé un navire sur les mers du sud), de Marion (expérience de dérive sur la banquise), Sarah (biologiste ayant travaillé sur un navire de recherches), Maud (embarqué sur un navire de sauvetage de migrants en détresse L’Aquarius – voir à ce sujet À bord de l'Aquarius de Rizzo), Marie-Pierre (archéologue ayant travaillé sur un navire de recherches en Méditerranée), Céline (officier sur un navire militaire français brise-glace) et enfin Charlène (mécano pour la marine marchande, ayant travaillé en Terre Adélie). En fin d’album, chacune a droit à une photo et une courte biographie. La lecture de cet ensemble n’est pas inintéressante. Mais c’est assez fourre-tout, hétéroclite, et parfois le caractère « féminin » de celle qui témoigne n’est pas forcément primordial, le côté « pionnières » qui semble à la base de l’album est parfois artificiel. Autre écueil, chaque témoignage est forcément assez court, et donc on reste parfois sur notre faim concernant le sujet abordé. Le dessin est plutôt joli, agréable. Mais, là aussi, pointilliste. Ça ressemble plus à des carnets illustrés qu’à de la BD. Un album qui se laisse lire, à emprunter à l’occasion, mais le « concept » m’a laissé sur ma faim.

12/07/2025 (modifier)