J'ai découvert William Lapoire, contrairement à beaucoup ici, vers la fin de la série, qui coïncide avec la fin du Journal Tintin.
Après la disparition de Tintin, Lapoire cessera d'exister, son format habituel ne l'autorisant pas autre chose qu'une publication dans un hebdomadaire ou un mensuel.
Mais je m'avance...Venons-en au point de départ: William Lapoire nait effectivement en 1978 dans le Journal Tintin. C'est un personnage du Moyen-Âge, plus lâche que fourbe, qui avait profité du départ de son Roi pour les croisades pour prendre sa place. Hélas pour lui, comme le dit le monarque, il n'avait oublié qu'une chose: que le roi puisse revenir ^^. Le roi décide donc de jeter Lapoire dans une oubliette, et le Diable intervient pour lui sauver la vie...Sous condition: la mission de Lapoire (ou plutôt son double envoyé par le Diable, le corps de Lapoire restant aux enfers, pour éviter qu'il s'enfuie), c'est d'aller à la rencontre de diverses célébrités à toutes les époques (Godefroy de Bouillon, Napoléon, le monstre du Loch Ness, King Kong...), afin de les pousser au bord de la mort et les convaincre de signer un contrat vendant leur âme contre une quelconque sécurité.
Sauf que Lapoire, anti-héros attachant de par sa nullité toute humaine, est vous l'aurez déjà compris, davantage du côté de Gaston Lagaffe que Machiavel, et chacune de ses missions (publiées dans un court format de 5 à 6 pages) finit inévitablement en catastrophe, avant tout parce que Lapoire est lâche et idiot/naïf, quand il n'est pas tout simplement affublé de malchance.
Le dessin initial est volontairement naïf, très rond, mais va s'affermir avec le temps.
Graphiquement, la comparaison entre la première et la dernière aventure de Lapoire est comme le jour et la nuit. En 10 ans, le design évoluera radicalement pour devenir aussi mature que sérieux. Les personnages évoluent également dans leur physionomie pour accentuer ce point. Petit détail amusant: l'habit typiquement moyenâgeux de Lapoire devient presque contemporain à la fin.
La dernière aventure de Lapoire, publiée par Tintin en 1988, sera par ailleurs la seconde histoire complète (après "Dégelées par moins quarante" publiée en 1987), "le Big Bagne". Ce qui rompait avec les habitudes précédentes de courts récits. Ce sera aussi le dernier récit complet jamais réalisé par l'auteur, qui se cantonnera aux gags sur une page par la suite, avec de nouveaux personnages.
Produit de son époque, Lapoire n'est pas hilarant, mais arrache un petit sourire, et pour beaucoup fera revenir de joyeux souvenirs d'enfance. C'est ce qui compte, non? :-)
Jean-Marie Michaud adapte le roman de John G. Neihardt "Black Elk parle" publié en 1932. C'est l'histoire d'une vision d'un Indien Lakota de 9 ans, Black Elk.
Black Elk (1863-1950) est un chef de la tribu des Indiens Oglalas (Sioux). Il fut un petit cousin du célèbre chef indien Crazy Horse. Il participa à l’âge de 13 ans à la bataille de Little Bighorn en 1876 et fut blessé en 1890 lors du massacre de Wounded Knee. Il fera même parti du spectacle de Buffalo Bill lors de sa tournée européenne. Il va aussi rejoindre l'Église épiscopale. Un parcours hors norme.
L'écrivain John G. Neihardt en 1930, puis en 1931, va à la rencontre de Black Elk écouter le récit des coutumes de son peuple, de sa vie et de sa vision qu'il a eu enfant.
Je vais être moins dithyrambique que pour La Reine de Saba, pour plusieurs raisons.
Ici, nous n'aurons pas droit à une biographie, mais juste à la vision de Black Elk et c'est bien dommage, il y avait vraiment matière à faire mieux.
Seulement 40 pages de BD...
De plus, la narration mystique et onirique est quelque peu absconse, elle ne m'a jamais transporté dans cet autre monde.
Chacun interprétera les symboliques de cette vision. Je pense qu'il me faudra plusieurs lectures pour tout assimiler.
Mais cela a permis de sauvegarder un pan de l'histoire des sioux, d'ailleurs cette vision est devenue la bible moderne des Indiens des pleines d'Amérique du nord.
Quant au dessin de Jean-Marie Michaud il est toujours aussi merveilleux et les couleurs directes donnent cette ambiance spirituelle. Disposant de photos, Michaud reproduit le vrai visage de Black Elk, voir la première planche de la galerie.
Une technique différente dans un style moyenâgeux/pariétal pour la présentation des six grands-pères.
Très beau.
Une postface de Bernard Chevillant très instructive.
Pour les amoureux de la culture amérindienne, dont je fais partie.
Tiens ? J'ai des goûts d'ordinaire assez proches de ceux de Mac Arthur et je suis surpris de le voir aussi réticent à cette série que moi j'ai bien appréciée. J'aurais presque pu mettre une meilleure note s'il n'y avait pas quelques aspects immatures qui m'ont un peu déçu.
L'immaturité, je l'ai ressentie dans le graphisme d'abord. Et pourtant je le trouve très joli dans son esthétique et ses choix de couleurs. Mais on sent un manque d'aisance technique dans la représentation des personnages et surtout dans les perspectives : outre certaines vraies erreurs techniques, trop de scènes paraissent applaties, sans profondeur, ce qui crée un peu de confusion visuelle. De même, nombre de scènes d'action voire même de simples tentatives de gags visuels sont ratées et difficiles à déchiffrer. En définitive, ce type de graphisme me rappelle davantage de l'illustration jeunesse que de la BD.
A côté de cela, le titre m'a fait sourire puisqu'il m'apparait comme la synthèse de W.I.T.C.H. et de leur série rivale le Winx Club auquel j'imagine que les auteurs font un clin d'oeil appuyé. Nous y sommes dans un univers fantasy de magie avec pas mal d'inspiration de Harry Potter, où les sorcières se regroupent en communauté et où elles invoquent de vrais démons qui ont leur propre communauté infernale. On y suit un jeune apprentie sorcière sans pouvoir qui part à la recherche de sa tante, une puissante sorcière qui a disparu, et qui sera accompagnée du Diable lui-même dans sa quête.
J'ai trouvé la série sympa et divertissante. J'ai en particulier apprécié les interactions entre l'héroïne et le Diable, ce dernier étant mon personnage préféré au final. Mais il faut avouer à nouveau qu'on trouve quelques immaturités dans le déroulement de l'intrigue, des passages un peu cucul trop destinés à des pré-adolescents et qui empêchent de vraiment se plonger totalement dans l'histoire. Les motivations des personnages sont aussi difficiles à suivre et elles paraissent parfois incohérentes ou du moins inconstantes, avec quelques passages où on se dit que les auteurs les font réagir de telle manière juste pour rajouter un peu de péripéties sans vraie logique derrière.
Bref, j'ai bien aimé mais c'est loin d'être parfait.
Je ne connaissais pas bien les cosaques, hormis les quelques clichés à leur sujet, et j'ai apprécié de suivre des aventures à leur côté, d'autant plus que le contexte est l'époque de la République des Deux Nations (Pologne-Lithuanie) que je ne connaissais que de nom et de taille.
Premier constat, si la BD est réaliste, beaucoup des clichés sont vrais : cavaliers d'élite, rebelles à toute autorité, combattants, pillards, hableurs et grands buveurs : il faut dire qu'une extension de Witcher 3 m'avait fait cotoyer leurs équivalents de cet univers. Deuxième constat, leur situation géopolitique à l'époque était nettement plus compliquée que je l'imaginais, pris entre les Deux Nations et l'Empire Ottoman.
Au delà de ces découvertes instructives, nous sommes face à une série d'aventure historique et d'action. Elle présente quelques facilités manifestes, notamment plusieurs fois où les héros semblent postés comme des spectateurs idéalement placés pour regarder de haut des guerriers adverses et leur bataille, comme s'ils pouvaient apparaitre où ça les arrange et quand ça les arrange, même quand ils suivent des cavaliers en pleine course poursuite depuis des jours comme au tout début de la série. Et globalement, il y a relativement peu de surprise, mais c'est divertissant et sympathique. Pas une série indispensable, mais elle et bien faite, joliment dessinée, intéressante et bien rythmée.
J'hésite encore sur ma note au moment où j'écris ces mots, puisque la série finie dans son ensemble est remarquable mais je n'arrive pas à me décider à quel point.
Shuzo Oshimi est un auteur que je trouve incroyable. Son Dans l'intimité de Marie était déjà une des plus grosses claque que j'ai pris en manga, tandis que ses autres séries ("Les liens de sang", Les Fleurs du mal, "Happiness") semblent toutes traiter de sujets violents, durs, tristes, mais avec un réel intérêt derrière. Loin du voyeurisme qu'on en attendrait, les séries de Oshimi posent de vraies questions, l'auteur interrogeant beaucoup d'aspects sombres de l'humain, mais aussi ses tabous et ses limites.
Et si je suis si enthousiaste (je suis déjà en train de commander toutes les autres séries), c'est parce qu'il pose des questions que j'ai souvent eu aussi. "Welcome back, Alice" en est le parfait exemple. Lorsque l'histoire commence, tout les éléments sont présent pour une comédie romantique de base, ou encore une pure comédie décalée où le garçon se fait draguer par le transsexuel. Mais Shuzo Oshimi traite très sérieusement ses sujets, et nous avons une œuvre bien plus complexe et bien plus dense.
Déjà, alors que le sujet semble être la transidentité, il s'avère que c'est bien plus des questionnements de genre qui arrivent. Kei s'habille en femme, mais ne se considère pas comme tel. C'est plus des questions de gender fluide et de queer. Si ces termes vous dépassent, c'est que vous ne vous êtes probablement jamais posés des questions comme celle présentes dans cette BD. Personnellement, ça m'est souvent arrivé. Parce que j'ai un parcours de vie spécifique, qui m'a conduit par exemple à faire croire à mon entourage que j'étais gay parce que c'était plus simple que d'assumer simplement que j'étais un garçon pas dans la norme. Aujourd'hui je viens bien ces questions, mais elles m'ont amenés à questionner notre perception sociétale des hommes et des femmes. Si je ne peux pas m'identifier à ce que la société considère comme un homme, que suis-je ?
C'est cette question que la BD pose, d'une bonne façon d'ailleurs. Et les 7 volumes vont explorer trois personnages comme trois façons d'être : Yui qui est une femme et qui s'y conforme, sans trouver le bonheur ; Yôhei est un homme et qui s'y conforme, en souffrant de cette condition ; Kei ne veut plus être ni l'un ni l'autre, sans pour autant arriver à trouver son bonheur.
Le manga est une œuvre très personnelle pour l'auteur, qui ne s'en cache pas par des textes en fin de volumes très clairs sur son rapport au corps, à l'identité de genre et à la sexualité. Sexualité très présente dans l'histoire d'ailleurs, et pas forcément d'une façon saine et agréable. Et je trouve que c'est une bonne chose aussi de rappeler qu'avoir une sexualité "normale" peut parfaitement nous faire du mal, et que nos pulsions peuvent être dicté par des conditions sociales.
Je suis vraiment surpris par le ton de cette série et son déroulé. Le côté malsain dans le rapport au corps est toujours présent mais ce n'est jamais une volonté de faire dans le voyeurisme et le glauque. Le récit est articulé autour de la question du genre et la façon dont les représentations de L'Homme et La Femme peuvent faire naitre la souffrance chez des gens qui se sentent en décalage avec ces conceptions. Et je trouve extrêmement sain que des BD rappellent qu'une femme n'a pas a exister en tant que "copine de ..." ni à littéralement tenir son mec par le sexe qu'elle l'autorise à avoir avec elle, se posant en pur objet de fantasme uniquement. De même, les hommes n'ont pas à exister comme un sexe ambulant cherchant à se décharger. Il reste de la place pour des femmes qui s'accomplissent en tant que tel, indépendament des hommes, des hommes qui ont le droit d'être sensible, introverti ...
Mine de rien, sous couvert d'un manga aux faux airs de comédie romantique glauque, c'est bien une histoire de genre qui questionne nos perceptions de celui-ci. Les personnages sont en souffrance, mais aussi en questionnements sur leur vie, et je trouve ces questions pertinentes. Diablement pertinentes même. Il y a une histoire qui reste optimiste, même si l'auteur précise que sa réalité ne l'est pas autant, et la fin peut sembler idéale mais c'est surtout une manière de faire comprendre la voie que l'auteur choisit. Une voie loin des représentations d'une société sexiste qui fait autant de mal aux hommes qu'aux femmes, une voie pour s'émanciper et vivre heureux loin des impératifs de représentations de genre.
Pour finir, je dirais juste que cette BD me fait poser repenser à mon neveu de deux ans, que ma sœur habille volontiers en rose parce qu'il aime ça, qui a les cheveux longs et que beaucoup de gens confondent avec une petite fille. Et je me dis que notre société qui te catégorie à deux ans dans un genre avec des codes et des attentes spécifiques n'est peut-être pas une société si idéale que ça ...
Je ne connaissais pas l’œuvre d’origine adaptée ici, un « roman socialiste » relativement classique, mais intéressant.
En effet, au travers des ouvriers et des quelques « bourgeois » (patrons) que nous suivons, c’est une mise à nue des inégalités, de la lutte des classes, auxquelles nous sommes confrontés.
Des ouvriers plus ou moins « éveillés » en matière politique, plus ou moins revendicateurs, face à des patrons souvent cyniques, exploitant jusqu’à la trogne leurs employés, pour maximiser leurs bénéfices.
Au travers de pas mal de situations, et du discours de certains ouvriers, c’est une illustration par le verbe et le fait de certaines théories marxistes, et l’on n’a aucun doute sur le camp pour lequel penchent les auteurs.
Le propos est clair, c’est une œuvre intéressante. Quelques détails m’ont toutefois empêché de mieux l’apprécier. D’abord un dessin que j’ai trouvé un peu statique, avec une mise en page qui renforce cette impression. Un format, en tout cas des cases un peu trop petites (du coup le texte est parfois difficile à lire – et il est parfois abondant).
D’autre part, le rythme est peu lent. Il n’y a pas vraiment d’action, tout se passe presque à l’intérieur des lieux de travail, avec débats d’idées et présentations des malheurs des ouvriers et de leur famille (voir les dialogues au sein d’un couple sur l’impossibilité de tenir un budget minable, du fait des salaires très bas).
Mais ça reste quand même un album à découvrir, pour ceux qui voudraient se remettre en mémoire les énormes inégalités sur lesquelles le capitalisme s’est développé (toute ressemblance avec la réalité actuelle n’est pas fortuite !).
Note réelle 3,5/5.
J'ai mis un bon bout de temps à pouvoir écrire un avis sur cette BD, parce que j'ai hésité sur mon ressenti en sortie de lecture. C'est une œuvre violente et sans concession (en même temps de la part du type qui a fait la trilogie du moi ...), qui veut nous présenter les maux d'une Afrique par un personnage qui finira par échouer en Europe et être un de ces jeunes délinquants sur lequel le RN a construit son discours.
C'est ambitieux comme lecture, et franchement je ne savais pas trop à quoi m'attendre mais je trouve que l'auteur évite l'écueil d'un récit personnel, dépassant celui-ci pour parler plus largement de politique. Et Altarriba tape à boulet rouge, à la fois sur les seigneurs de guerres locaux prêt à toutes les atrocités pour gagner de l'argent, mais aussi aux profiteurs de toute sorte (chinois, européens ...) qui font s'affronter les armées d'enfants pour le contrôle des mines de la région, précieuses ressources dans la compétition technologique. Il y aura le passage dans les pays arabe, où la traite humaine ne s'est jamais complètement arrêté, la violence sexuelle (et sexiste), la violence tout court. Le parcours complet brosse un portrait d'un monde où l'homme né noir semble devoir se battre pour survivre dans tout les endroits qu'il traverse. C'est une triste vie, mais une vie dictée par des politiques menées localement, échappant à ces personnes, simples citoyens d'un monde qui les dépasse. L'auteur est clairement altermondialiste et plutôt à gauche de la gauche !
Je trouve que la BD arrive à conjuguer son dessin très typé mais précis et efficace (Sergio García Sánchez n'est clairement pas un manchot) et son histoire sombre pour dresser un portrait de migrant cruellement tragique. Celui qu'on voit comme un délinquant, un parasite, un danger, c'est celui qui aura vécu parfois l'enfer dans un monde profondément injuste. Et la fin, tragique et sans concession, est un message directement adressé à chaque lecteur : rappelle-toi que tout le monde n'a pas eu ta chance. Intéressante BD, brutale et engagée.
Un album plaisant, sympathique. Perrodeau nous propose un univers cohérent, une histoire prenante, sans pour autant nous livrer toutes les clés.
En effet, c’est un peu le reproche que l’on pourrait lui faire : on sort de cette lecture en ne connaissant pas grand-chose de l’Empire d’où vient le personnage principal. Et on reste sur notre imagination concernant le personnage qu’il rencontre sur la fin.
Mais après tout, malgré quelques petites frustrations, on a quand même droit à une intrigue où l’on ne s’ennuie jamais, où l’on découvre par bribes le fonctionnement et les « origines » (même si, là aussi, ça reste succinct).
Perrodeau prend le temps de développer la vie dans ce petit village, avec le héros comme guide. On est plongé dans une ambiance SF douce, dans laquelle finalement il n’y a pas énormément de choses « modernes » (c’est même parfois un peu rétro).
Quant au dessin, il est parfois hésitant, mais je l’ai globalement bien aimé. J’ai aussi apprécié la colorisation. Et la maquette (couverture, papier, mise en page) des éditions 2024 est, comme à l’accoutumée, très bonne.
Note réelle 3,5/5.
L'histoire est très intéressante mais j'avoue y être restée relativement hermétique. J'ai bien aimé le drame autour de la mère de la protagoniste, l'histoire de la pauvre jeune fille traitée comme une salope par les jeunes de son âge et la façon de dépeindre l'amitié (parfois tendue) des deux jeunes amies. J'ai trouvé la représentation des sentiments, des ressentiments même, très justement retranscrite d'un point de vue de jeune adolescente. L'aspect contemplatif, presque mélancolique par moment, et la justesse de ton dans la représentation des comportements adolescents (les premiers émois amoureux, la recherche de sensations fortes, l'envie d'être cool et les première désillusions) marchent bien. Malheureusement, l'histoire ne m'a pas plus parler que ça, je ne saurais pas vraiment dire pourquoi.
Voilà, c'est finalement comme ça que je sors de cette lecture : c'était bien mais pas parfait. J'aime beaucoup sur le papier et j'apprécie relativement l'exécution, mais je ne suis pas convaincue plus que ça (affaire de goûts, je suppose).
Encore une fois, l'album reste bon, je conseille volontiers la lecture. Personnellement ça ne va pas plus loin qu'un bien sans plus.
Mes lectures des histoires imaginées par Marc-Antoine Mathieu sont rares, mais je dois dire qu'à chaque fois c'est une merveille.
Ici, dans cet album en marge de sa série-culte, il nous propose une utopie qui devient très vite une dystopie. Dans une cité dont on ne connaît pas les limites, des hommes (aucune femme, bizarrement) ont leur vie ultra-réglée par les écrans, et des rituels immuables. Sauf qu'un jour un mur, puis un deuxième, puis des milliers, vient contrarier cette routine. Tout déraille petit à petit, y compris la mémoire, qu'elle soit individuelle ou collective, et les conséquences sont vertigineuses, effrayantes, et totalement crédible même si nous sommes là dans une parabole de notre société actuelle. Le risque est en effet de devenir des légumes sans aucune réflexion, dont la civilisation s'effondrerait en cas de perte de mémoire.
Dans un noir et blanc toujours aussi efficace, MAM nous propose donc un récit tétanisant, à découvrir de toute urgence si ce n'est déjà fait.
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William Lapoire
J'ai découvert William Lapoire, contrairement à beaucoup ici, vers la fin de la série, qui coïncide avec la fin du Journal Tintin. Après la disparition de Tintin, Lapoire cessera d'exister, son format habituel ne l'autorisant pas autre chose qu'une publication dans un hebdomadaire ou un mensuel. Mais je m'avance...Venons-en au point de départ: William Lapoire nait effectivement en 1978 dans le Journal Tintin. C'est un personnage du Moyen-Âge, plus lâche que fourbe, qui avait profité du départ de son Roi pour les croisades pour prendre sa place. Hélas pour lui, comme le dit le monarque, il n'avait oublié qu'une chose: que le roi puisse revenir ^^. Le roi décide donc de jeter Lapoire dans une oubliette, et le Diable intervient pour lui sauver la vie...Sous condition: la mission de Lapoire (ou plutôt son double envoyé par le Diable, le corps de Lapoire restant aux enfers, pour éviter qu'il s'enfuie), c'est d'aller à la rencontre de diverses célébrités à toutes les époques (Godefroy de Bouillon, Napoléon, le monstre du Loch Ness, King Kong...), afin de les pousser au bord de la mort et les convaincre de signer un contrat vendant leur âme contre une quelconque sécurité. Sauf que Lapoire, anti-héros attachant de par sa nullité toute humaine, est vous l'aurez déjà compris, davantage du côté de Gaston Lagaffe que Machiavel, et chacune de ses missions (publiées dans un court format de 5 à 6 pages) finit inévitablement en catastrophe, avant tout parce que Lapoire est lâche et idiot/naïf, quand il n'est pas tout simplement affublé de malchance. Le dessin initial est volontairement naïf, très rond, mais va s'affermir avec le temps. Graphiquement, la comparaison entre la première et la dernière aventure de Lapoire est comme le jour et la nuit. En 10 ans, le design évoluera radicalement pour devenir aussi mature que sérieux. Les personnages évoluent également dans leur physionomie pour accentuer ce point. Petit détail amusant: l'habit typiquement moyenâgeux de Lapoire devient presque contemporain à la fin. La dernière aventure de Lapoire, publiée par Tintin en 1988, sera par ailleurs la seconde histoire complète (après "Dégelées par moins quarante" publiée en 1987), "le Big Bagne". Ce qui rompait avec les habitudes précédentes de courts récits. Ce sera aussi le dernier récit complet jamais réalisé par l'auteur, qui se cantonnera aux gags sur une page par la suite, avec de nouveaux personnages. Produit de son époque, Lapoire n'est pas hilarant, mais arrache un petit sourire, et pour beaucoup fera revenir de joyeux souvenirs d'enfance. C'est ce qui compte, non? :-)
La Grande Vision de Black Elk
Jean-Marie Michaud adapte le roman de John G. Neihardt "Black Elk parle" publié en 1932. C'est l'histoire d'une vision d'un Indien Lakota de 9 ans, Black Elk. Black Elk (1863-1950) est un chef de la tribu des Indiens Oglalas (Sioux). Il fut un petit cousin du célèbre chef indien Crazy Horse. Il participa à l’âge de 13 ans à la bataille de Little Bighorn en 1876 et fut blessé en 1890 lors du massacre de Wounded Knee. Il fera même parti du spectacle de Buffalo Bill lors de sa tournée européenne. Il va aussi rejoindre l'Église épiscopale. Un parcours hors norme. L'écrivain John G. Neihardt en 1930, puis en 1931, va à la rencontre de Black Elk écouter le récit des coutumes de son peuple, de sa vie et de sa vision qu'il a eu enfant. Je vais être moins dithyrambique que pour La Reine de Saba, pour plusieurs raisons. Ici, nous n'aurons pas droit à une biographie, mais juste à la vision de Black Elk et c'est bien dommage, il y avait vraiment matière à faire mieux. Seulement 40 pages de BD... De plus, la narration mystique et onirique est quelque peu absconse, elle ne m'a jamais transporté dans cet autre monde. Chacun interprétera les symboliques de cette vision. Je pense qu'il me faudra plusieurs lectures pour tout assimiler. Mais cela a permis de sauvegarder un pan de l'histoire des sioux, d'ailleurs cette vision est devenue la bible moderne des Indiens des pleines d'Amérique du nord. Quant au dessin de Jean-Marie Michaud il est toujours aussi merveilleux et les couleurs directes donnent cette ambiance spirituelle. Disposant de photos, Michaud reproduit le vrai visage de Black Elk, voir la première planche de la galerie. Une technique différente dans un style moyenâgeux/pariétal pour la présentation des six grands-pères. Très beau. Une postface de Bernard Chevillant très instructive. Pour les amoureux de la culture amérindienne, dont je fais partie.
Witch club
Tiens ? J'ai des goûts d'ordinaire assez proches de ceux de Mac Arthur et je suis surpris de le voir aussi réticent à cette série que moi j'ai bien appréciée. J'aurais presque pu mettre une meilleure note s'il n'y avait pas quelques aspects immatures qui m'ont un peu déçu. L'immaturité, je l'ai ressentie dans le graphisme d'abord. Et pourtant je le trouve très joli dans son esthétique et ses choix de couleurs. Mais on sent un manque d'aisance technique dans la représentation des personnages et surtout dans les perspectives : outre certaines vraies erreurs techniques, trop de scènes paraissent applaties, sans profondeur, ce qui crée un peu de confusion visuelle. De même, nombre de scènes d'action voire même de simples tentatives de gags visuels sont ratées et difficiles à déchiffrer. En définitive, ce type de graphisme me rappelle davantage de l'illustration jeunesse que de la BD. A côté de cela, le titre m'a fait sourire puisqu'il m'apparait comme la synthèse de W.I.T.C.H. et de leur série rivale le Winx Club auquel j'imagine que les auteurs font un clin d'oeil appuyé. Nous y sommes dans un univers fantasy de magie avec pas mal d'inspiration de Harry Potter, où les sorcières se regroupent en communauté et où elles invoquent de vrais démons qui ont leur propre communauté infernale. On y suit un jeune apprentie sorcière sans pouvoir qui part à la recherche de sa tante, une puissante sorcière qui a disparu, et qui sera accompagnée du Diable lui-même dans sa quête. J'ai trouvé la série sympa et divertissante. J'ai en particulier apprécié les interactions entre l'héroïne et le Diable, ce dernier étant mon personnage préféré au final. Mais il faut avouer à nouveau qu'on trouve quelques immaturités dans le déroulement de l'intrigue, des passages un peu cucul trop destinés à des pré-adolescents et qui empêchent de vraiment se plonger totalement dans l'histoire. Les motivations des personnages sont aussi difficiles à suivre et elles paraissent parfois incohérentes ou du moins inconstantes, avec quelques passages où on se dit que les auteurs les font réagir de telle manière juste pour rajouter un peu de péripéties sans vraie logique derrière. Bref, j'ai bien aimé mais c'est loin d'être parfait.
Cosaques
Je ne connaissais pas bien les cosaques, hormis les quelques clichés à leur sujet, et j'ai apprécié de suivre des aventures à leur côté, d'autant plus que le contexte est l'époque de la République des Deux Nations (Pologne-Lithuanie) que je ne connaissais que de nom et de taille. Premier constat, si la BD est réaliste, beaucoup des clichés sont vrais : cavaliers d'élite, rebelles à toute autorité, combattants, pillards, hableurs et grands buveurs : il faut dire qu'une extension de Witcher 3 m'avait fait cotoyer leurs équivalents de cet univers. Deuxième constat, leur situation géopolitique à l'époque était nettement plus compliquée que je l'imaginais, pris entre les Deux Nations et l'Empire Ottoman. Au delà de ces découvertes instructives, nous sommes face à une série d'aventure historique et d'action. Elle présente quelques facilités manifestes, notamment plusieurs fois où les héros semblent postés comme des spectateurs idéalement placés pour regarder de haut des guerriers adverses et leur bataille, comme s'ils pouvaient apparaitre où ça les arrange et quand ça les arrange, même quand ils suivent des cavaliers en pleine course poursuite depuis des jours comme au tout début de la série. Et globalement, il y a relativement peu de surprise, mais c'est divertissant et sympathique. Pas une série indispensable, mais elle et bien faite, joliment dessinée, intéressante et bien rythmée.
Welcome back, Alice
J'hésite encore sur ma note au moment où j'écris ces mots, puisque la série finie dans son ensemble est remarquable mais je n'arrive pas à me décider à quel point. Shuzo Oshimi est un auteur que je trouve incroyable. Son Dans l'intimité de Marie était déjà une des plus grosses claque que j'ai pris en manga, tandis que ses autres séries ("Les liens de sang", Les Fleurs du mal, "Happiness") semblent toutes traiter de sujets violents, durs, tristes, mais avec un réel intérêt derrière. Loin du voyeurisme qu'on en attendrait, les séries de Oshimi posent de vraies questions, l'auteur interrogeant beaucoup d'aspects sombres de l'humain, mais aussi ses tabous et ses limites. Et si je suis si enthousiaste (je suis déjà en train de commander toutes les autres séries), c'est parce qu'il pose des questions que j'ai souvent eu aussi. "Welcome back, Alice" en est le parfait exemple. Lorsque l'histoire commence, tout les éléments sont présent pour une comédie romantique de base, ou encore une pure comédie décalée où le garçon se fait draguer par le transsexuel. Mais Shuzo Oshimi traite très sérieusement ses sujets, et nous avons une œuvre bien plus complexe et bien plus dense. Déjà, alors que le sujet semble être la transidentité, il s'avère que c'est bien plus des questionnements de genre qui arrivent. Kei s'habille en femme, mais ne se considère pas comme tel. C'est plus des questions de gender fluide et de queer. Si ces termes vous dépassent, c'est que vous ne vous êtes probablement jamais posés des questions comme celle présentes dans cette BD. Personnellement, ça m'est souvent arrivé. Parce que j'ai un parcours de vie spécifique, qui m'a conduit par exemple à faire croire à mon entourage que j'étais gay parce que c'était plus simple que d'assumer simplement que j'étais un garçon pas dans la norme. Aujourd'hui je viens bien ces questions, mais elles m'ont amenés à questionner notre perception sociétale des hommes et des femmes. Si je ne peux pas m'identifier à ce que la société considère comme un homme, que suis-je ? C'est cette question que la BD pose, d'une bonne façon d'ailleurs. Et les 7 volumes vont explorer trois personnages comme trois façons d'être : Yui qui est une femme et qui s'y conforme, sans trouver le bonheur ; Yôhei est un homme et qui s'y conforme, en souffrant de cette condition ; Kei ne veut plus être ni l'un ni l'autre, sans pour autant arriver à trouver son bonheur. Le manga est une œuvre très personnelle pour l'auteur, qui ne s'en cache pas par des textes en fin de volumes très clairs sur son rapport au corps, à l'identité de genre et à la sexualité. Sexualité très présente dans l'histoire d'ailleurs, et pas forcément d'une façon saine et agréable. Et je trouve que c'est une bonne chose aussi de rappeler qu'avoir une sexualité "normale" peut parfaitement nous faire du mal, et que nos pulsions peuvent être dicté par des conditions sociales. Je suis vraiment surpris par le ton de cette série et son déroulé. Le côté malsain dans le rapport au corps est toujours présent mais ce n'est jamais une volonté de faire dans le voyeurisme et le glauque. Le récit est articulé autour de la question du genre et la façon dont les représentations de L'Homme et La Femme peuvent faire naitre la souffrance chez des gens qui se sentent en décalage avec ces conceptions. Et je trouve extrêmement sain que des BD rappellent qu'une femme n'a pas a exister en tant que "copine de ..." ni à littéralement tenir son mec par le sexe qu'elle l'autorise à avoir avec elle, se posant en pur objet de fantasme uniquement. De même, les hommes n'ont pas à exister comme un sexe ambulant cherchant à se décharger. Il reste de la place pour des femmes qui s'accomplissent en tant que tel, indépendament des hommes, des hommes qui ont le droit d'être sensible, introverti ... Mine de rien, sous couvert d'un manga aux faux airs de comédie romantique glauque, c'est bien une histoire de genre qui questionne nos perceptions de celui-ci. Les personnages sont en souffrance, mais aussi en questionnements sur leur vie, et je trouve ces questions pertinentes. Diablement pertinentes même. Il y a une histoire qui reste optimiste, même si l'auteur précise que sa réalité ne l'est pas autant, et la fin peut sembler idéale mais c'est surtout une manière de faire comprendre la voie que l'auteur choisit. Une voie loin des représentations d'une société sexiste qui fait autant de mal aux hommes qu'aux femmes, une voie pour s'émanciper et vivre heureux loin des impératifs de représentations de genre. Pour finir, je dirais juste que cette BD me fait poser repenser à mon neveu de deux ans, que ma sœur habille volontiers en rose parce qu'il aime ça, qui a les cheveux longs et que beaucoup de gens confondent avec une petite fille. Et je me dis que notre société qui te catégorie à deux ans dans un genre avec des codes et des attentes spécifiques n'est peut-être pas une société si idéale que ça ...
Les Philanthropes aux poches percées
Je ne connaissais pas l’œuvre d’origine adaptée ici, un « roman socialiste » relativement classique, mais intéressant. En effet, au travers des ouvriers et des quelques « bourgeois » (patrons) que nous suivons, c’est une mise à nue des inégalités, de la lutte des classes, auxquelles nous sommes confrontés. Des ouvriers plus ou moins « éveillés » en matière politique, plus ou moins revendicateurs, face à des patrons souvent cyniques, exploitant jusqu’à la trogne leurs employés, pour maximiser leurs bénéfices. Au travers de pas mal de situations, et du discours de certains ouvriers, c’est une illustration par le verbe et le fait de certaines théories marxistes, et l’on n’a aucun doute sur le camp pour lequel penchent les auteurs. Le propos est clair, c’est une œuvre intéressante. Quelques détails m’ont toutefois empêché de mieux l’apprécier. D’abord un dessin que j’ai trouvé un peu statique, avec une mise en page qui renforce cette impression. Un format, en tout cas des cases un peu trop petites (du coup le texte est parfois difficile à lire – et il est parfois abondant). D’autre part, le rythme est peu lent. Il n’y a pas vraiment d’action, tout se passe presque à l’intérieur des lieux de travail, avec débats d’idées et présentations des malheurs des ouvriers et de leur famille (voir les dialogues au sein d’un couple sur l’impossibilité de tenir un budget minable, du fait des salaires très bas). Mais ça reste quand même un album à découvrir, pour ceux qui voudraient se remettre en mémoire les énormes inégalités sur lesquelles le capitalisme s’est développé (toute ressemblance avec la réalité actuelle n’est pas fortuite !). Note réelle 3,5/5.
Le Ciel dans la tête
J'ai mis un bon bout de temps à pouvoir écrire un avis sur cette BD, parce que j'ai hésité sur mon ressenti en sortie de lecture. C'est une œuvre violente et sans concession (en même temps de la part du type qui a fait la trilogie du moi ...), qui veut nous présenter les maux d'une Afrique par un personnage qui finira par échouer en Europe et être un de ces jeunes délinquants sur lequel le RN a construit son discours. C'est ambitieux comme lecture, et franchement je ne savais pas trop à quoi m'attendre mais je trouve que l'auteur évite l'écueil d'un récit personnel, dépassant celui-ci pour parler plus largement de politique. Et Altarriba tape à boulet rouge, à la fois sur les seigneurs de guerres locaux prêt à toutes les atrocités pour gagner de l'argent, mais aussi aux profiteurs de toute sorte (chinois, européens ...) qui font s'affronter les armées d'enfants pour le contrôle des mines de la région, précieuses ressources dans la compétition technologique. Il y aura le passage dans les pays arabe, où la traite humaine ne s'est jamais complètement arrêté, la violence sexuelle (et sexiste), la violence tout court. Le parcours complet brosse un portrait d'un monde où l'homme né noir semble devoir se battre pour survivre dans tout les endroits qu'il traverse. C'est une triste vie, mais une vie dictée par des politiques menées localement, échappant à ces personnes, simples citoyens d'un monde qui les dépasse. L'auteur est clairement altermondialiste et plutôt à gauche de la gauche ! Je trouve que la BD arrive à conjuguer son dessin très typé mais précis et efficace (Sergio García Sánchez n'est clairement pas un manchot) et son histoire sombre pour dresser un portrait de migrant cruellement tragique. Celui qu'on voit comme un délinquant, un parasite, un danger, c'est celui qui aura vécu parfois l'enfer dans un monde profondément injuste. Et la fin, tragique et sans concession, est un message directement adressé à chaque lecteur : rappelle-toi que tout le monde n'a pas eu ta chance. Intéressante BD, brutale et engagée.
Le Visage de Pavil
Un album plaisant, sympathique. Perrodeau nous propose un univers cohérent, une histoire prenante, sans pour autant nous livrer toutes les clés. En effet, c’est un peu le reproche que l’on pourrait lui faire : on sort de cette lecture en ne connaissant pas grand-chose de l’Empire d’où vient le personnage principal. Et on reste sur notre imagination concernant le personnage qu’il rencontre sur la fin. Mais après tout, malgré quelques petites frustrations, on a quand même droit à une intrigue où l’on ne s’ennuie jamais, où l’on découvre par bribes le fonctionnement et les « origines » (même si, là aussi, ça reste succinct). Perrodeau prend le temps de développer la vie dans ce petit village, avec le héros comme guide. On est plongé dans une ambiance SF douce, dans laquelle finalement il n’y a pas énormément de choses « modernes » (c’est même parfois un peu rétro). Quant au dessin, il est parfois hésitant, mais je l’ai globalement bien aimé. J’ai aussi apprécié la colorisation. Et la maquette (couverture, papier, mise en page) des éditions 2024 est, comme à l’accoutumée, très bonne. Note réelle 3,5/5.
Cet été-là
L'histoire est très intéressante mais j'avoue y être restée relativement hermétique. J'ai bien aimé le drame autour de la mère de la protagoniste, l'histoire de la pauvre jeune fille traitée comme une salope par les jeunes de son âge et la façon de dépeindre l'amitié (parfois tendue) des deux jeunes amies. J'ai trouvé la représentation des sentiments, des ressentiments même, très justement retranscrite d'un point de vue de jeune adolescente. L'aspect contemplatif, presque mélancolique par moment, et la justesse de ton dans la représentation des comportements adolescents (les premiers émois amoureux, la recherche de sensations fortes, l'envie d'être cool et les première désillusions) marchent bien. Malheureusement, l'histoire ne m'a pas plus parler que ça, je ne saurais pas vraiment dire pourquoi. Voilà, c'est finalement comme ça que je sors de cette lecture : c'était bien mais pas parfait. J'aime beaucoup sur le papier et j'apprécie relativement l'exécution, mais je ne suis pas convaincue plus que ça (affaire de goûts, je suppose). Encore une fois, l'album reste bon, je conseille volontiers la lecture. Personnellement ça ne va pas plus loin qu'un bien sans plus.
Mémoire morte
Mes lectures des histoires imaginées par Marc-Antoine Mathieu sont rares, mais je dois dire qu'à chaque fois c'est une merveille. Ici, dans cet album en marge de sa série-culte, il nous propose une utopie qui devient très vite une dystopie. Dans une cité dont on ne connaît pas les limites, des hommes (aucune femme, bizarrement) ont leur vie ultra-réglée par les écrans, et des rituels immuables. Sauf qu'un jour un mur, puis un deuxième, puis des milliers, vient contrarier cette routine. Tout déraille petit à petit, y compris la mémoire, qu'elle soit individuelle ou collective, et les conséquences sont vertigineuses, effrayantes, et totalement crédible même si nous sommes là dans une parabole de notre société actuelle. Le risque est en effet de devenir des légumes sans aucune réflexion, dont la civilisation s'effondrerait en cas de perte de mémoire. Dans un noir et blanc toujours aussi efficace, MAM nous propose donc un récit tétanisant, à découvrir de toute urgence si ce n'est déjà fait.