Une histoire qui se révèle plus originale qu’il n’y paraissait de prime abord. En effet, je pensais, au vu des premières pages, lire un récit autour de la conquête du Pôle Nord par Peary. Mais Peary lui-même et cet aspect n’occupent finalement que peu de places (quelques planches en début des deux premiers tomes, et certaines vers la fin du troisième).
En fait, l’intrigue bascule assez rapidement vers quelque chose de très différent, où le fantastique joue à plein. Une sorte de récit des origines, utilisant univers et mythologie esquimaude, rapidement mélangée avec des aspects vikings. La création des vastes étendues glacées de l’inlandsis, les liens entre hommes et animaux, mais aussi entre les humains, tout ceci nourrit ce récit un peu étrange.
L’intrigue et la narration m’ont paru un peu décousues, et il y a quelques longueurs. Disons que tout aurait sans doute pu être traité en deux tomes de 56 pages je pense.
Le dessin est plutôt agréable. Et, fait notable, pas si monotone que ça, le blanc étant loin de monopoliser la colorisation.
Un triptyque à découvrir.
Coup sur coup, voici le deuxième manfra dont l’éditeur (Kana) décide d’arrêter la publication après seulement trois tomes. Car soyons clairs et bien plus encore que pour « La Boutique d'Artefacts », il s’agit purement et simplement d’une série abandonnée, l’auteure ne parvenant pas à clore ce troisième tome sur une fin un tant soit peu satisfaisante. On peut même dire dans le cas présent qu’elle nous laisse en plan au beau milieu du gué.
Sans atteindre des hauts sommets, la série disposait tout de même de suffisamment d’atouts pour convaincre un public adolescent. Un univers médiéval fantastique classique, une héroïne à laquelle les lectrices pouvaient s’identifier et les lecteurs s’attacher, les seconds rôles habituels qui ne demandaient qu’à grandir (un des frères de l’héroïne commençait à présenter une image plus intéressante que de prime abord, par exemple), un concept de résurrection original, un peu d’humour (sans doute en aurait-il fallu un peu plus pour vraiment me séduire), un dessin soigné (malgré quelques problèmes épisodiques de proportions et de lisibilité (pour les monstres, notamment)) : le potentiel était là… la super-bonne idée capable d’extraire la série de la masse, par contre, manquait très certainement. Surtout (et c’est une vraie question que je me pose), je me demande dans quelle mesure il n’est pas extrêmement difficile pour un auteur européen de manga de réussir à imposer sa série face à la concurrence asiatique. Quel est le coût de revient d’un manga original face à un manga dont on a racheté les droits ? Et par conséquent combien d’exemplaires doit-il vendre pour devenir aussi rentable auprès d'un éditeur que dans le cas d’une série simplement traduite ?
Quoiqu’il en soit, cette série a été abandonnée et je déconseille son achat sur cette seule base. L’histoire demeure toutefois plaisante à suivre et on découvre au fur et à mesure toute la richesse de cet univers. J’ai quand même eu l’impression que l’auteure ne savait pas très clairement elle-même comment elle allait développer son récit. Pour preuve le titre de la série dont le choix demeure très nébuleux après trois tomes. Il y a aussi d’autres éléments moins convaincants, dont la transformation en monstres de certains ressuscités ou (phénomène récurrent dans le manga) la lisibilité de certaines scènes d’action. En clair, c’est une série qui n’a rien de honteux. Son auteure y montre un réel potentiel mais sans doute doit elle encore progresser avant de réussir à publier une série au long cours. Kana a justement lancé un magazine en compagnie d’autres éditeurs européens (Manga Issho, publié conjointement avec Altraverse (Allemagne), Planeta Cómic (Espagne) et Star Comics (Italie)), ce qui est à mes yeux une excellente initiative et devrait permettre à ces jeunes auteurices de faire leurs armes avant de se lancer dans une longue série (à l’image de ce que les magazines de ma jeunesse ont permis de faire pour une kyrielle d’auteurs dans les années 1960 à 1980). Mais je m’égare… On est là pour parler des Héritiers d’Agïone et en l’état, la série ayant été abandonnée sans fin conclusive et n’étant pas exempte de défauts malgré d’évidentes qualités, j’en déconseille l’achat. Cependant, la lire vous permettra de vous faire une idée du potentiel de son auteure.
Une petite famille relativement riche, deux frères et leur mère, émigrent vers une ville sordide de prospecteurs pour y établir leur entreprise et tenter de faire fortune. Tout le monde les prévient que c'est une ville dangereuse, pleine d'arnaqueurs et de maladies, et que la majorité des gens en reviennent ruinés ou handicapés, mais qu'à cela ne tienne : c'est l'occasion pour les deux jeunes de prouver leur valeur.
D'ordinaire, j'aime bien ce genre de récit dans des univers imaginaires, un peu SF, un peu post-apo. J'aime ces voyages dépaysants dans des contrées originales, avec un esprit d'aventure et de pionniers à la façon western. Et même si je n'en suis pas un grand fan, j'apprécie ce style graphique simple, entre cartoon et underground, notamment grâce à son travail sur la couleur qui lui donne à la fois une certaine légèreté et aussi une vraie élégance, en particulier avec ces tons bruns rappelant la boue des marécages qui imprègne ces lieux.
Mais cette fois, le scénario ne m'a vraiment pas convaincu. Dès le départ, je comprenais mal les motivations des personnages : on les avertit de tous les dangers, qu'ils vont se faire arnaquer, qu'ils seront ruinés, et malgré tout ils y vont comme des gros naïfs, alors que leur mère est censée être une vétéran des affaires, donc capable d'évaluer les risques. Tout au long de l'histoire, je les ai vus agir comme des idiots, ignorant des avertissements tellement flagrants. Tout m'a semblé tellement prévisible que je m'attendais à un retournement, un twist où l'auteur tirerait quelque chose de surprenant de la situation... mais non. Tout s'est déroulé comme prévu. Et je me suis retrouvé frustré par une fin qui ne développait rien de plus, comme une morale convenue, tirée d'une fable sans surprise. Bref, une fin amère pour une lecture qui ne m'a pas captivé.
Du célèbre personnage éponyme cette série ne garde que quelques références, principalement en ce qui concerne la personnalité flamboyante et charmeuse du protagoniste, le propos sur l'hybris qui mène à sa perte et l'esthétique de cape et d'épée. Mis à part ça, ici, pas d'amourette (tout du moins ce n'est pas le sujet central), il est surtout question de fantastique, d'une mystérieuse disparition et d'une histoire sur le libre arbitre.
A Flot, ville isolée au milieu d'un océan tempétueux empêchant quiconque de partir, tout se paie. Toutes les folies, tous les impossibles sont à portée de main à condition d'en payé le prix fort auprès du dirigeant immortel de l'île.
Qu'y a-t-il au delà des murs et de la tempête ? Est-il nécessaire que la magie demande à tous-te de payer un prix si lourd ? Est-il possible d'améliorer la vie des pauvres gens vivant ici ? Qu'est-il advenu du Comendador, mystérieusement disparu il y a peu ? Ces questions brûlent les lèvres de Doña Laura, une soigneuse à la tête d'un petit groupe de parias cherchant à changer les choses. Alors quand un certain Don Juan, sauveur de la veuve et de l'orphelin et visiblement doté d'un grand pouvoir sans contrepartie, commence à faire parler de lui, un projet d'alliance voit le jour.
C'est un récit fantastique classique, centré sur une ville mystérieuse, une magie au fonctionnement d'apparence simple mais aux possibilités complexes et des personnages ayant visiblement soif de justice et de liberté. Pas révolutionnaire mais bien mené : les scènes d'actions sont entraînantes, les échanges font mouches, l'histoire parvient à nous donner envie d'en savoir plus sur toute cette histoire (particulièrement avec son final qui en promet beaucoup).
Je n'en attendais pas grand chose, n'étant pas très fan du personnage éponyme de Molière (n'aimant pas vraiment la pièce, même si les archétypes de beaux-parleurs/charmeurs/flamboyants me plaisent généralement), mais j'avoue être ressortie satisfaite et intriguée à la fin de ma lecture de ce premier tome.
Le véritable défi de cet ouvrage, qui aborde le thème de la décroissance, autre défi sociétal voire utopie irréalisable avec nos yeux de 2025, consistait à produire un documentaire pédagogique allié à une fiction crédible, se situant dans un avenir proche et avec des personnages consistants.
Mathieu Burniat n’a donc pas ménagé sa peine, et qui plus est, il lui fallait éviter de tomber dans la facilité en recourant par exemple au registre post-apocalyptique. Alors bien sûr, l’idée, si originale soit-elle, d’avoir choisie l’île de la Cité, en plein cœur de Paris, pour évoquer l'expérience grandeur nature d’une société décroissante, n’en est pas moins saugrenue. Mais il faut voir cela comme un parti pris, non dépourvu d’humour au demeurant, que le lecteur se doit d’accepter afin d’entrer pleinement dans la narration.
Bien sûr, il sera très facile d’en critiquer le pitch (on ne sait d’ailleurs pas vraiment si on a demandé l’avis des habitants de la micro-île pour participer à l’expérience, ni celui de ceux qui occupaient l’île avant sa mise en place et comment on les a relogés). Bref, il faudra accepter cette dinguerie idyllique en faisant un petit effort d’imagination. Certes, on peut déjà deviner les sourires moqueurs en voyant ce quartier typiquement parisien garnis de jardins potagers, à deux pas de Notre-Dame, désormais utilisée pour les assemblées générales de la communauté, ou en découvrant le Tribunal de commerce transformé en atelier de réparation et de recyclage d’objets divers.
Mathieu Burniat s’est efforcé d’anticiper les moqueries prévisibles en prenant le contre-pied. Tout d’abord, celui qui est vraisemblablement son double dans le récit (Carl Mermot, dessinateur-reporter en mission commandée sur l'île de la Cité), est confronté à l’angoisse de la page blanche et n’a pas été fichu de produire quelque chose de valable en l’espace de six ans, alors que l’échéance du projet approche… parce que oui, le sujet n’est pas forcément enthousiasmant pour tout le monde et qu’il ne faut pas ennuyer les gens ! De plus, pour que l’expérience soit concluante, toutes les sensibilités politiques doivent cohabiter, y compris ces « Cornucopiens » qui s’accrochent au mythe de la croissance éternelle ! Ceux-ci fournissent à Burniat l’occasion d’exposer les arguments des uns et des autres, ne se limitant pas au simple exercice pédagogique à sens unique, et en cela, l’ouvrage est plutôt pertinent. De plus, il sait faire preuve d’une certaine (auto-)dérision en exposant les petites contradictions de ceux qui prêchent la bonne parole, Carl Mermot compris, victime d’une rechute coca-colaesque.
L’ouvrage, tout en déconstruisant le mirage de la « corne d’abondance » chère au capitalisme toujours en vigueur et plus agressif que jamais, fournit un argumentaire plausible et propose des pistes à ceux qui envisagent de tourner le dos à leurs habitudes consuméristes pour adopter un mode de vie décroissant.
Le dessin à l’aquarelle de Dominique Mermoux, proche de l’esquisse et sans effets de manche, colle plutôt bien au propos. La mise en page est dynamique, à l’image de la narration portant la patte de Burniat, lequel nous a habitués à des ouvrages très énergiques.
« Et soudain le futur », en évitant l’écueil du pensum écolo assommant, livre un plaidoyer pour un monde viable pour les générations futures, en évitant culpabilité et anxiété. Sur un mode non dénué d’humour, il fournit les arguments pour permettre à chacun de se responsabiliser, pour faire en sorte que la décroissance infuse les consciences — et pas seulement celles de « bobos parisiens déconnectés » —, soit acceptée par l’ensemble des citoyens. Pour cela, les auteurs ont tenté de montrer, sans pour autant idéaliser le concept à outrance — lequel n’est pas forcément exempt de failles, mais pour le savoir, il faudrait peut-être essayer, alors qu’en revanche on connaît les dégâts terribles engendrés par le capitalisme —, qu’elle pouvait être conduite de manière positive et sereine, que nous avions certainement beaucoup plus à y gagner : une décroissance choisie est largement préférable à une récession subie. Telle était la mission communicationnelle de leur confrère imaginaire, Carl, dont la « mission était de réenchanter le futur ».
Bien sûr, ceux qui sont totalement accros au consumérisme (par exemple, en changeant de smartphone tous les trois mois) risquent de souffrir en lisant cette bande dessinée, mais ils seront peut-être un peu mieux préparés à l’« effondrement » d’un système (avec toutes les nuances que comporte cette expression), désormais devenu inéluctable.
Avant toute chose, je vous conseille de replonger dans The Nice House on the lake pour ne pas perdre pied avec ce second cycle "The Nice House by the Sea" par les mêmes auteurs.
Dans ce premier tome, on a un copier-coller du cycle un, avec la présentation des dix personnes dans le premier chapitre, sauf qu'ici il n'y a pas de Walter, celui-ci est remplacé par un autre extraterrestre caché sous l'enveloppe humaine de Max. Alors que Walter avait fait le choix de regrouper les personnes auxquels il tenait énormément, Max, elle, a suivi le cahier des charges, c'est à dire choisir des pontes de chaque discipline humaine.
Dès le second chapitre on va passer à la vitesse supérieure, une narration qui nous balade de la maison au bord de mer à celle au bord du lac et du présent au passé, et découvrir que Max n'est pas une inconnue pour les occupants de la maison du lac, qu'il existe une passerelle entre les deux maisons, mais surtout qu'il y a compétition entre les maisons. A la fin, il n'en restera qu'une pour représenter l'humanité.
Une intrigue palpitante centrée sur les rapports humains. Un huis-clos qui fait monter la tension au fil des planches, qui ne sera pas avare de surprises et qui donne une nouvelle dimension à cet univers post-apocalyptique où les spéculations vont animer ce récit plus gore que le précédent.
Je mets en garde, c'est aussi verbeux que sur l'arc précédent.
Je suis toujours sous le charme du dessin d'Alvaro Martinez et des couleurs de Jordie Bellaire. C'est sombre et les contours peu nets apportent un plus indéniable à ce récit fantastique. Et la mise en page non académique enfonce le clou.
Du très bon boulot.
Hâte de lire la suite.
Lison, ce sont des albums au format à l'italienne qu'on range facilement parmi les livres illustrés jeunesse, notamment grâce à un dessin très simple, en ligne claire avec de grands aplats de couleur. Pourtant, ce sont bel et bien des BD. Mieux encore, il s'agit de strips comiques : des gags en 4 cases, une par page dans les albums originaux, puis réunis chacun sur une seule page dans l'intégrale sortie en 2021.
Lison est une petite fille de 3 ou 4 ans, l'âge de la maternelle, où l'on commence à être un enfant et plus un bébé. Elle adopte parfois un ton étonnamment mature, presque blasé, mais ses réactions trahissent régulièrement sa condition de toute petite fille. C'est ce léger décalage, à la fois drôle et fidèle aux comportements classiques des enfants de son âge, qui rend les scènes savoureuses.
Tout repose sur la simplicité, l'épure du texte, ce qui rend la lecture parfaitement accessible aux jeunes, voire très jeunes lecteurs, accompagnés de leurs parents ou pas. Et en même temps, l'humour fonctionne très bien : en tant qu'adulte, j'ai souvent ri. C'est fin, bien vu, moquant gentiment aussi bien les attitudes des enfants que les réactions des adultes, avec un regard tendre et amusé sur le monde tel que le perçoivent les petits. Ce n'est pas toujours hilarant, mais ça l'est souvent, et ce fut pour moi une excellente surprise.
Une très bonne série pour les tout-petits, que leurs parents prendront plaisir à leur faire découvrir.
C’est la lecture récente de la dernière publication du duo Charles, Au coeur du désert, qui m’a fait penser à aviser cette série, que j’avais lue plutôt avec grand plaisir pour les premiers albums, pour m’en détacher un peu par la suite vers la fin des années 1990.
Après le premier cycle de six albums, le récit m’avait moins intéressé. Le fil rouge de la guerre disparu, des passages en Europe moins intéressants, des histoires d’amours et des relations entre multiples personnages qui s’étirent. Et un dessin qui change quelque peu : j’y avais trouvé moins d’intérêt (alors que les lieux et la période m’intéressent a priori).
Reste donc ce premier cycle, qui est plutôt une réussite. Commencé chez Deligne, il prend par la suite tout naturellement sa place dans la collection Vécu de Glénat. En effet, il colle parfaitement à son « cahier des charges » : le travail de recherche est visible, et personnages et événements historiques sont très bien utilisés. La guerre de sept ans sert de décor et ravive continuellement les tensions. Le sort des Acadiens déportés est lui aussi bien conté. Enfin, la vie des coureurs des bois et les relations avec les diverses tribus indiennes (qui m’avaient passionné sur une période légèrement postérieure dans les romans de Fenimore Cooper), même si elle n’est ici pas au centre, sont aussi un plus pour le récit. Décors (sous-bois, forts, villes, vêtements) sont bien restitués, et permettent de crédibiliser l’intrigue.
Le récit est relativement rythmé donc, et s’articule autour de plusieurs personnages qui se croisent, s’aiment, se haïssent. Toute cette partie (y compris le complot liant nos héros au sort de Québec), inventée par Jean-François Charles, s’imbrique bien dans la grande Histoire. Surtout, il a su nous proposer des personnages attachants, crédibles, qui ne sont jamais des super héros ni des personnages monolithiques. Voir Benjamin, le héros principal, loin d’être un modèle, et souvent ballotté par les événements.
Certes, il y a bien quelques facilités (les principaux personnages sont increvables), mais on les accepte facilement ici. Marie Schirley fait une bien belle méchante (elle est un peu plus consistante que Louise, même si cette dernière montre aussi un fort caractère), et elle attise pas mal de flammes (à l’image de sa chevelure rousse). Mais je n’ai pas été convaincu par son revirement, elle qui paraissait ne jurer que par les mondanités et les salons, la voir devenir une aventurière, sans arrêt sur les routes, fait un peu artificiel.
Dessin et colorisation sont flamboyants, mais trop brouillons sur le premier tome. Mais ils deviennent plus nets et précis par la suite. Un trait agréable, dans la lignée là aussi de ce que proposaient les auteurs de la collection Vécu. J’avais par contre été décontenancé par le changement après le premier cycle.
Un premier cycle très recommandable, la suite s’étirant trop et perdant un peu de son unité. Mais ça reste quand même une des belles séries de la collection Vécu.
Note réelle 3,5/5.
Pro et pas foncièrement désagréable cet album cependant je le trouve un peu vain.
Je ne trouve pas ce que j’attends de ce type de collection (principalement de l’audace et de la surprise). D’ailleurs à mes yeux, c’est même le tome le plus faible, bien trop linéaire et fidèle à la mythologie « Thorgalienne », ça manque d’appétence.
Ici une aventure plutôt lambda de notre héros, ça explore un peu l’univers des différents mondes autour de Midgard mais sans emporter véritablement. Ça se traîne et en manque de péripéties pour le nombre de pages, la fin n’est pas folle …
Heureusement les auteurs déploient un certain savoir faire pour ne pas rendre la lecture totalement ennuyante. J’ai juste eu l’impression de lire le tome 43 où est la plus-value de la collection ??
Je suis un peu dur dans mes propos (que ma note viendra un peu contrebalancer) mais hormis avec la vision de R. Recht, les nouvelles versions par … ont de plus en plus de mal à me convaincre.
Je veux de la parodie, de l’innovation ou simplement sortir des pas de notre héros et explorer d’autres sentiers, pourquoi pas lorgner vers la sf avec ses ancêtres ou approfondir le Jolan adulte de la couronne d’Ogotaï ?
Bon.
Bon bon.
Je suis mitigée.
D'un côté, je trouve l'idée de base simple mais intelligente : Dieu se remet à communiquer avec les humains mais se révèle être un être abject et profondément misanthrope. Il y a là un potentiel énorme, pour un propos sur le libre arbitre et l'utilisation de la figure divine et des religions dans les pires actes humains, mais également pour des échanges pleins de sarcasmes, d'humour noir (voire cynique) et des punchlines à la chaîne. Et le résultat est... bon.
Il est bon car l'on retrouve effectivement le développement d'une pensée autour de la figure divine, la foi et le libre arbitre (surtout dans le deuxième tome centré sur la psychologie de Dieu), mais malheureusement l'humour noir est ici en dent de scie.
Je me sens obligée de préciser que je suis friande d'humour noir et de punchline cinglantes, mais là tout ne m'a pas paru être vraiment de l'humour noir. Rire sur des sujets graves ou polémiques est possible, je ne pense sincèrement pas qu'il existe un seul sujet qui serait tabou, mais ce que beaucoup de gens semblent oublier, c'est qu'il y a une question très importante qu'il faut toujours garder dans la fiction (particulièrement humoristique) : qu'est-ce qui différencie ce que disent les personnages de ce que pense (et véhicule par son œuvre) l'auteur-ice ? Que Dieu soit ici un connard absolu, que toutes les hypocrisies de l'humanité soient pointées du doigt, que les personnages disent des horreurs n'est pas un problème, du tout, mais qu'est-ce que l'auteur veut nous dire par-là ? Il m'est apparu clair que plusieurs pensées... limites, dirons-nous, étaient défendues dans cette série. La misogynie, par exemple, mentionnée directement dans l'album, n'est jamais remise en question. Dieu lâche des horreurs sur les femmes (horreurs classiques du style "elles sont vénales", "elles sont connes et faibles" et "vas-y comme c'est dur d'en trouver une vierge de nos jours") mais jamais la moindre de ses remarques n'est remise en cause. Pire, quand l'homme avec qui il tape la réplique pointe du doigt ce défaut l'autre grand-barbu lui assène une réponse cinglante et il se retrouve alors à devoir valider la pensée arrieriste tout penaud. J'ai pris le sexisme pour exemple mais il y a eu la même chose lors de deux/trois échanges sur d'autres minorités classiques du genre, comme la communauté juive ou la communauté homosexuelle.
Et c'est bien con parce que des bons exemples d'humour noir sont bien présents ici, soit en pointant effectivement du doigt l'horreur derrière certaines pensées (ou leurs réponses), soit en offrant de vraies perles de réflexion au détour d'une rhétorique cruelle.
Du coup je sors mitigée de ma lecture.
Il y a du bon là-dedans, vraiment. Il y a notamment des répliques très marquantes qu'il m'arrive de ressortir. Pourtant j'ai tout de même du mal à apprécier ces bons passages quand le reste autour est en réalité bien négligé, cherche vraisemblablement plus à insulter/railler qu'à vraiment faire de l'humour qui tape là où ça fait mal et/ou pousse à la réflexion. La nuance peut être subtile, je sais, mais je maintiens tout de même qu'il y a tout un monde entre l'humour qui remet en cause l'ordre établi et les convictions populaires et "l’humour" qui ne cherche qu'à prendre de haut et rire de ce que l'on juge comme inférieur (ce qui est particulièrement con quand on aborde comme ici le sujet d'un créateur divin et de sa relation avec ses créations).
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Inlandsis
Une histoire qui se révèle plus originale qu’il n’y paraissait de prime abord. En effet, je pensais, au vu des premières pages, lire un récit autour de la conquête du Pôle Nord par Peary. Mais Peary lui-même et cet aspect n’occupent finalement que peu de places (quelques planches en début des deux premiers tomes, et certaines vers la fin du troisième). En fait, l’intrigue bascule assez rapidement vers quelque chose de très différent, où le fantastique joue à plein. Une sorte de récit des origines, utilisant univers et mythologie esquimaude, rapidement mélangée avec des aspects vikings. La création des vastes étendues glacées de l’inlandsis, les liens entre hommes et animaux, mais aussi entre les humains, tout ceci nourrit ce récit un peu étrange. L’intrigue et la narration m’ont paru un peu décousues, et il y a quelques longueurs. Disons que tout aurait sans doute pu être traité en deux tomes de 56 pages je pense. Le dessin est plutôt agréable. Et, fait notable, pas si monotone que ça, le blanc étant loin de monopoliser la colorisation. Un triptyque à découvrir.
Les Héritiers d'Agïone
Coup sur coup, voici le deuxième manfra dont l’éditeur (Kana) décide d’arrêter la publication après seulement trois tomes. Car soyons clairs et bien plus encore que pour « La Boutique d'Artefacts », il s’agit purement et simplement d’une série abandonnée, l’auteure ne parvenant pas à clore ce troisième tome sur une fin un tant soit peu satisfaisante. On peut même dire dans le cas présent qu’elle nous laisse en plan au beau milieu du gué. Sans atteindre des hauts sommets, la série disposait tout de même de suffisamment d’atouts pour convaincre un public adolescent. Un univers médiéval fantastique classique, une héroïne à laquelle les lectrices pouvaient s’identifier et les lecteurs s’attacher, les seconds rôles habituels qui ne demandaient qu’à grandir (un des frères de l’héroïne commençait à présenter une image plus intéressante que de prime abord, par exemple), un concept de résurrection original, un peu d’humour (sans doute en aurait-il fallu un peu plus pour vraiment me séduire), un dessin soigné (malgré quelques problèmes épisodiques de proportions et de lisibilité (pour les monstres, notamment)) : le potentiel était là… la super-bonne idée capable d’extraire la série de la masse, par contre, manquait très certainement. Surtout (et c’est une vraie question que je me pose), je me demande dans quelle mesure il n’est pas extrêmement difficile pour un auteur européen de manga de réussir à imposer sa série face à la concurrence asiatique. Quel est le coût de revient d’un manga original face à un manga dont on a racheté les droits ? Et par conséquent combien d’exemplaires doit-il vendre pour devenir aussi rentable auprès d'un éditeur que dans le cas d’une série simplement traduite ? Quoiqu’il en soit, cette série a été abandonnée et je déconseille son achat sur cette seule base. L’histoire demeure toutefois plaisante à suivre et on découvre au fur et à mesure toute la richesse de cet univers. J’ai quand même eu l’impression que l’auteure ne savait pas très clairement elle-même comment elle allait développer son récit. Pour preuve le titre de la série dont le choix demeure très nébuleux après trois tomes. Il y a aussi d’autres éléments moins convaincants, dont la transformation en monstres de certains ressuscités ou (phénomène récurrent dans le manga) la lisibilité de certaines scènes d’action. En clair, c’est une série qui n’a rien de honteux. Son auteure y montre un réel potentiel mais sans doute doit elle encore progresser avant de réussir à publier une série au long cours. Kana a justement lancé un magazine en compagnie d’autres éditeurs européens (Manga Issho, publié conjointement avec Altraverse (Allemagne), Planeta Cómic (Espagne) et Star Comics (Italie)), ce qui est à mes yeux une excellente initiative et devrait permettre à ces jeunes auteurices de faire leurs armes avant de se lancer dans une longue série (à l’image de ce que les magazines de ma jeunesse ont permis de faire pour une kyrielle d’auteurs dans les années 1960 à 1980). Mais je m’égare… On est là pour parler des Héritiers d’Agïone et en l’état, la série ayant été abandonnée sans fin conclusive et n’étant pas exempte de défauts malgré d’évidentes qualités, j’en déconseille l’achat. Cependant, la lire vous permettra de vous faire une idée du potentiel de son auteure.
La Fange
Une petite famille relativement riche, deux frères et leur mère, émigrent vers une ville sordide de prospecteurs pour y établir leur entreprise et tenter de faire fortune. Tout le monde les prévient que c'est une ville dangereuse, pleine d'arnaqueurs et de maladies, et que la majorité des gens en reviennent ruinés ou handicapés, mais qu'à cela ne tienne : c'est l'occasion pour les deux jeunes de prouver leur valeur. D'ordinaire, j'aime bien ce genre de récit dans des univers imaginaires, un peu SF, un peu post-apo. J'aime ces voyages dépaysants dans des contrées originales, avec un esprit d'aventure et de pionniers à la façon western. Et même si je n'en suis pas un grand fan, j'apprécie ce style graphique simple, entre cartoon et underground, notamment grâce à son travail sur la couleur qui lui donne à la fois une certaine légèreté et aussi une vraie élégance, en particulier avec ces tons bruns rappelant la boue des marécages qui imprègne ces lieux. Mais cette fois, le scénario ne m'a vraiment pas convaincu. Dès le départ, je comprenais mal les motivations des personnages : on les avertit de tous les dangers, qu'ils vont se faire arnaquer, qu'ils seront ruinés, et malgré tout ils y vont comme des gros naïfs, alors que leur mère est censée être une vétéran des affaires, donc capable d'évaluer les risques. Tout au long de l'histoire, je les ai vus agir comme des idiots, ignorant des avertissements tellement flagrants. Tout m'a semblé tellement prévisible que je m'attendais à un retournement, un twist où l'auteur tirerait quelque chose de surprenant de la situation... mais non. Tout s'est déroulé comme prévu. Et je me suis retrouvé frustré par une fin qui ne développait rien de plus, comme une morale convenue, tirée d'une fable sans surprise. Bref, une fin amère pour une lecture qui ne m'a pas captivé.
Don Juan des Flots
Du célèbre personnage éponyme cette série ne garde que quelques références, principalement en ce qui concerne la personnalité flamboyante et charmeuse du protagoniste, le propos sur l'hybris qui mène à sa perte et l'esthétique de cape et d'épée. Mis à part ça, ici, pas d'amourette (tout du moins ce n'est pas le sujet central), il est surtout question de fantastique, d'une mystérieuse disparition et d'une histoire sur le libre arbitre. A Flot, ville isolée au milieu d'un océan tempétueux empêchant quiconque de partir, tout se paie. Toutes les folies, tous les impossibles sont à portée de main à condition d'en payé le prix fort auprès du dirigeant immortel de l'île. Qu'y a-t-il au delà des murs et de la tempête ? Est-il nécessaire que la magie demande à tous-te de payer un prix si lourd ? Est-il possible d'améliorer la vie des pauvres gens vivant ici ? Qu'est-il advenu du Comendador, mystérieusement disparu il y a peu ? Ces questions brûlent les lèvres de Doña Laura, une soigneuse à la tête d'un petit groupe de parias cherchant à changer les choses. Alors quand un certain Don Juan, sauveur de la veuve et de l'orphelin et visiblement doté d'un grand pouvoir sans contrepartie, commence à faire parler de lui, un projet d'alliance voit le jour. C'est un récit fantastique classique, centré sur une ville mystérieuse, une magie au fonctionnement d'apparence simple mais aux possibilités complexes et des personnages ayant visiblement soif de justice et de liberté. Pas révolutionnaire mais bien mené : les scènes d'actions sont entraînantes, les échanges font mouches, l'histoire parvient à nous donner envie d'en savoir plus sur toute cette histoire (particulièrement avec son final qui en promet beaucoup). Je n'en attendais pas grand chose, n'étant pas très fan du personnage éponyme de Molière (n'aimant pas vraiment la pièce, même si les archétypes de beaux-parleurs/charmeurs/flamboyants me plaisent généralement), mais j'avoue être ressortie satisfaite et intriguée à la fin de ma lecture de ce premier tome.
Et soudain le futur
Le véritable défi de cet ouvrage, qui aborde le thème de la décroissance, autre défi sociétal voire utopie irréalisable avec nos yeux de 2025, consistait à produire un documentaire pédagogique allié à une fiction crédible, se situant dans un avenir proche et avec des personnages consistants. Mathieu Burniat n’a donc pas ménagé sa peine, et qui plus est, il lui fallait éviter de tomber dans la facilité en recourant par exemple au registre post-apocalyptique. Alors bien sûr, l’idée, si originale soit-elle, d’avoir choisie l’île de la Cité, en plein cœur de Paris, pour évoquer l'expérience grandeur nature d’une société décroissante, n’en est pas moins saugrenue. Mais il faut voir cela comme un parti pris, non dépourvu d’humour au demeurant, que le lecteur se doit d’accepter afin d’entrer pleinement dans la narration. Bien sûr, il sera très facile d’en critiquer le pitch (on ne sait d’ailleurs pas vraiment si on a demandé l’avis des habitants de la micro-île pour participer à l’expérience, ni celui de ceux qui occupaient l’île avant sa mise en place et comment on les a relogés). Bref, il faudra accepter cette dinguerie idyllique en faisant un petit effort d’imagination. Certes, on peut déjà deviner les sourires moqueurs en voyant ce quartier typiquement parisien garnis de jardins potagers, à deux pas de Notre-Dame, désormais utilisée pour les assemblées générales de la communauté, ou en découvrant le Tribunal de commerce transformé en atelier de réparation et de recyclage d’objets divers. Mathieu Burniat s’est efforcé d’anticiper les moqueries prévisibles en prenant le contre-pied. Tout d’abord, celui qui est vraisemblablement son double dans le récit (Carl Mermot, dessinateur-reporter en mission commandée sur l'île de la Cité), est confronté à l’angoisse de la page blanche et n’a pas été fichu de produire quelque chose de valable en l’espace de six ans, alors que l’échéance du projet approche… parce que oui, le sujet n’est pas forcément enthousiasmant pour tout le monde et qu’il ne faut pas ennuyer les gens ! De plus, pour que l’expérience soit concluante, toutes les sensibilités politiques doivent cohabiter, y compris ces « Cornucopiens » qui s’accrochent au mythe de la croissance éternelle ! Ceux-ci fournissent à Burniat l’occasion d’exposer les arguments des uns et des autres, ne se limitant pas au simple exercice pédagogique à sens unique, et en cela, l’ouvrage est plutôt pertinent. De plus, il sait faire preuve d’une certaine (auto-)dérision en exposant les petites contradictions de ceux qui prêchent la bonne parole, Carl Mermot compris, victime d’une rechute coca-colaesque. L’ouvrage, tout en déconstruisant le mirage de la « corne d’abondance » chère au capitalisme toujours en vigueur et plus agressif que jamais, fournit un argumentaire plausible et propose des pistes à ceux qui envisagent de tourner le dos à leurs habitudes consuméristes pour adopter un mode de vie décroissant. Le dessin à l’aquarelle de Dominique Mermoux, proche de l’esquisse et sans effets de manche, colle plutôt bien au propos. La mise en page est dynamique, à l’image de la narration portant la patte de Burniat, lequel nous a habitués à des ouvrages très énergiques. « Et soudain le futur », en évitant l’écueil du pensum écolo assommant, livre un plaidoyer pour un monde viable pour les générations futures, en évitant culpabilité et anxiété. Sur un mode non dénué d’humour, il fournit les arguments pour permettre à chacun de se responsabiliser, pour faire en sorte que la décroissance infuse les consciences — et pas seulement celles de « bobos parisiens déconnectés » —, soit acceptée par l’ensemble des citoyens. Pour cela, les auteurs ont tenté de montrer, sans pour autant idéaliser le concept à outrance — lequel n’est pas forcément exempt de failles, mais pour le savoir, il faudrait peut-être essayer, alors qu’en revanche on connaît les dégâts terribles engendrés par le capitalisme —, qu’elle pouvait être conduite de manière positive et sereine, que nous avions certainement beaucoup plus à y gagner : une décroissance choisie est largement préférable à une récession subie. Telle était la mission communicationnelle de leur confrère imaginaire, Carl, dont la « mission était de réenchanter le futur ». Bien sûr, ceux qui sont totalement accros au consumérisme (par exemple, en changeant de smartphone tous les trois mois) risquent de souffrir en lisant cette bande dessinée, mais ils seront peut-être un peu mieux préparés à l’« effondrement » d’un système (avec toutes les nuances que comporte cette expression), désormais devenu inéluctable.
The Nice House by the Sea
Avant toute chose, je vous conseille de replonger dans The Nice House on the lake pour ne pas perdre pied avec ce second cycle "The Nice House by the Sea" par les mêmes auteurs. Dans ce premier tome, on a un copier-coller du cycle un, avec la présentation des dix personnes dans le premier chapitre, sauf qu'ici il n'y a pas de Walter, celui-ci est remplacé par un autre extraterrestre caché sous l'enveloppe humaine de Max. Alors que Walter avait fait le choix de regrouper les personnes auxquels il tenait énormément, Max, elle, a suivi le cahier des charges, c'est à dire choisir des pontes de chaque discipline humaine. Dès le second chapitre on va passer à la vitesse supérieure, une narration qui nous balade de la maison au bord de mer à celle au bord du lac et du présent au passé, et découvrir que Max n'est pas une inconnue pour les occupants de la maison du lac, qu'il existe une passerelle entre les deux maisons, mais surtout qu'il y a compétition entre les maisons. A la fin, il n'en restera qu'une pour représenter l'humanité. Une intrigue palpitante centrée sur les rapports humains. Un huis-clos qui fait monter la tension au fil des planches, qui ne sera pas avare de surprises et qui donne une nouvelle dimension à cet univers post-apocalyptique où les spéculations vont animer ce récit plus gore que le précédent. Je mets en garde, c'est aussi verbeux que sur l'arc précédent. Je suis toujours sous le charme du dessin d'Alvaro Martinez et des couleurs de Jordie Bellaire. C'est sombre et les contours peu nets apportent un plus indéniable à ce récit fantastique. Et la mise en page non académique enfonce le clou. Du très bon boulot. Hâte de lire la suite.
Lison
Lison, ce sont des albums au format à l'italienne qu'on range facilement parmi les livres illustrés jeunesse, notamment grâce à un dessin très simple, en ligne claire avec de grands aplats de couleur. Pourtant, ce sont bel et bien des BD. Mieux encore, il s'agit de strips comiques : des gags en 4 cases, une par page dans les albums originaux, puis réunis chacun sur une seule page dans l'intégrale sortie en 2021. Lison est une petite fille de 3 ou 4 ans, l'âge de la maternelle, où l'on commence à être un enfant et plus un bébé. Elle adopte parfois un ton étonnamment mature, presque blasé, mais ses réactions trahissent régulièrement sa condition de toute petite fille. C'est ce léger décalage, à la fois drôle et fidèle aux comportements classiques des enfants de son âge, qui rend les scènes savoureuses. Tout repose sur la simplicité, l'épure du texte, ce qui rend la lecture parfaitement accessible aux jeunes, voire très jeunes lecteurs, accompagnés de leurs parents ou pas. Et en même temps, l'humour fonctionne très bien : en tant qu'adulte, j'ai souvent ri. C'est fin, bien vu, moquant gentiment aussi bien les attitudes des enfants que les réactions des adultes, avec un regard tendre et amusé sur le monde tel que le perçoivent les petits. Ce n'est pas toujours hilarant, mais ça l'est souvent, et ce fut pour moi une excellente surprise. Une très bonne série pour les tout-petits, que leurs parents prendront plaisir à leur faire découvrir.
Les Pionniers du Nouveau Monde
C’est la lecture récente de la dernière publication du duo Charles, Au coeur du désert, qui m’a fait penser à aviser cette série, que j’avais lue plutôt avec grand plaisir pour les premiers albums, pour m’en détacher un peu par la suite vers la fin des années 1990. Après le premier cycle de six albums, le récit m’avait moins intéressé. Le fil rouge de la guerre disparu, des passages en Europe moins intéressants, des histoires d’amours et des relations entre multiples personnages qui s’étirent. Et un dessin qui change quelque peu : j’y avais trouvé moins d’intérêt (alors que les lieux et la période m’intéressent a priori). Reste donc ce premier cycle, qui est plutôt une réussite. Commencé chez Deligne, il prend par la suite tout naturellement sa place dans la collection Vécu de Glénat. En effet, il colle parfaitement à son « cahier des charges » : le travail de recherche est visible, et personnages et événements historiques sont très bien utilisés. La guerre de sept ans sert de décor et ravive continuellement les tensions. Le sort des Acadiens déportés est lui aussi bien conté. Enfin, la vie des coureurs des bois et les relations avec les diverses tribus indiennes (qui m’avaient passionné sur une période légèrement postérieure dans les romans de Fenimore Cooper), même si elle n’est ici pas au centre, sont aussi un plus pour le récit. Décors (sous-bois, forts, villes, vêtements) sont bien restitués, et permettent de crédibiliser l’intrigue. Le récit est relativement rythmé donc, et s’articule autour de plusieurs personnages qui se croisent, s’aiment, se haïssent. Toute cette partie (y compris le complot liant nos héros au sort de Québec), inventée par Jean-François Charles, s’imbrique bien dans la grande Histoire. Surtout, il a su nous proposer des personnages attachants, crédibles, qui ne sont jamais des super héros ni des personnages monolithiques. Voir Benjamin, le héros principal, loin d’être un modèle, et souvent ballotté par les événements. Certes, il y a bien quelques facilités (les principaux personnages sont increvables), mais on les accepte facilement ici. Marie Schirley fait une bien belle méchante (elle est un peu plus consistante que Louise, même si cette dernière montre aussi un fort caractère), et elle attise pas mal de flammes (à l’image de sa chevelure rousse). Mais je n’ai pas été convaincu par son revirement, elle qui paraissait ne jurer que par les mondanités et les salons, la voir devenir une aventurière, sans arrêt sur les routes, fait un peu artificiel. Dessin et colorisation sont flamboyants, mais trop brouillons sur le premier tome. Mais ils deviennent plus nets et précis par la suite. Un trait agréable, dans la lignée là aussi de ce que proposaient les auteurs de la collection Vécu. J’avais par contre été décontenancé par le changement après le premier cycle. Un premier cycle très recommandable, la suite s’étirant trop et perdant un peu de son unité. Mais ça reste quand même une des belles séries de la collection Vécu. Note réelle 3,5/5.
Thorgal Saga - De givre et de feu
Pro et pas foncièrement désagréable cet album cependant je le trouve un peu vain. Je ne trouve pas ce que j’attends de ce type de collection (principalement de l’audace et de la surprise). D’ailleurs à mes yeux, c’est même le tome le plus faible, bien trop linéaire et fidèle à la mythologie « Thorgalienne », ça manque d’appétence. Ici une aventure plutôt lambda de notre héros, ça explore un peu l’univers des différents mondes autour de Midgard mais sans emporter véritablement. Ça se traîne et en manque de péripéties pour le nombre de pages, la fin n’est pas folle … Heureusement les auteurs déploient un certain savoir faire pour ne pas rendre la lecture totalement ennuyante. J’ai juste eu l’impression de lire le tome 43 où est la plus-value de la collection ?? Je suis un peu dur dans mes propos (que ma note viendra un peu contrebalancer) mais hormis avec la vision de R. Recht, les nouvelles versions par … ont de plus en plus de mal à me convaincre. Je veux de la parodie, de l’innovation ou simplement sortir des pas de notre héros et explorer d’autres sentiers, pourquoi pas lorgner vers la sf avec ses ancêtres ou approfondir le Jolan adulte de la couronne d’Ogotaï ?
La Nostalgie de Dieu
Bon. Bon bon. Je suis mitigée. D'un côté, je trouve l'idée de base simple mais intelligente : Dieu se remet à communiquer avec les humains mais se révèle être un être abject et profondément misanthrope. Il y a là un potentiel énorme, pour un propos sur le libre arbitre et l'utilisation de la figure divine et des religions dans les pires actes humains, mais également pour des échanges pleins de sarcasmes, d'humour noir (voire cynique) et des punchlines à la chaîne. Et le résultat est... bon. Il est bon car l'on retrouve effectivement le développement d'une pensée autour de la figure divine, la foi et le libre arbitre (surtout dans le deuxième tome centré sur la psychologie de Dieu), mais malheureusement l'humour noir est ici en dent de scie. Je me sens obligée de préciser que je suis friande d'humour noir et de punchline cinglantes, mais là tout ne m'a pas paru être vraiment de l'humour noir. Rire sur des sujets graves ou polémiques est possible, je ne pense sincèrement pas qu'il existe un seul sujet qui serait tabou, mais ce que beaucoup de gens semblent oublier, c'est qu'il y a une question très importante qu'il faut toujours garder dans la fiction (particulièrement humoristique) : qu'est-ce qui différencie ce que disent les personnages de ce que pense (et véhicule par son œuvre) l'auteur-ice ? Que Dieu soit ici un connard absolu, que toutes les hypocrisies de l'humanité soient pointées du doigt, que les personnages disent des horreurs n'est pas un problème, du tout, mais qu'est-ce que l'auteur veut nous dire par-là ? Il m'est apparu clair que plusieurs pensées... limites, dirons-nous, étaient défendues dans cette série. La misogynie, par exemple, mentionnée directement dans l'album, n'est jamais remise en question. Dieu lâche des horreurs sur les femmes (horreurs classiques du style "elles sont vénales", "elles sont connes et faibles" et "vas-y comme c'est dur d'en trouver une vierge de nos jours") mais jamais la moindre de ses remarques n'est remise en cause. Pire, quand l'homme avec qui il tape la réplique pointe du doigt ce défaut l'autre grand-barbu lui assène une réponse cinglante et il se retrouve alors à devoir valider la pensée arrieriste tout penaud. J'ai pris le sexisme pour exemple mais il y a eu la même chose lors de deux/trois échanges sur d'autres minorités classiques du genre, comme la communauté juive ou la communauté homosexuelle. Et c'est bien con parce que des bons exemples d'humour noir sont bien présents ici, soit en pointant effectivement du doigt l'horreur derrière certaines pensées (ou leurs réponses), soit en offrant de vraies perles de réflexion au détour d'une rhétorique cruelle. Du coup je sors mitigée de ma lecture. Il y a du bon là-dedans, vraiment. Il y a notamment des répliques très marquantes qu'il m'arrive de ressortir. Pourtant j'ai tout de même du mal à apprécier ces bons passages quand le reste autour est en réalité bien négligé, cherche vraisemblablement plus à insulter/railler qu'à vraiment faire de l'humour qui tape là où ça fait mal et/ou pousse à la réflexion. La nuance peut être subtile, je sais, mais je maintiens tout de même qu'il y a tout un monde entre l'humour qui remet en cause l'ordre établi et les convictions populaires et "l’humour" qui ne cherche qu'à prendre de haut et rire de ce que l'on juge comme inférieur (ce qui est particulièrement con quand on aborde comme ici le sujet d'un créateur divin et de sa relation avec ses créations).