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Couverture de la série Wolverine - Arme X
Wolverine - Arme X

L’Arme X est une lecture incontournable pour tout fan de Wolverine. Barry Windsor-Smith signe à la fois le scénario et le dessin, et réussit à livrer un récit glaçant sur les origines du mutant canadien. On est plongé dans un laboratoire froid et déshumanisé, où Logan est réduit à l’état de cobaye, torturé physiquement et psychologiquement, jusqu’à devenir l’arme vivante que l’on connaît. Ce qui frappe, c’est l’ambiance oppressante : peu de dialogues, beaucoup de narration intérieure, et un rythme qui reflète parfaitement l’horreur du conditionnement. Le style graphique, à la fois détaillé et cru, accentue la brutalité et la souffrance qui transpirent à chaque page. C’est un récit dur, violent, parfois dérangeant, mais d’une puissance incroyable. Plus qu’une simple “origin story”, c’est une plongée dans la perte d’humanité et la transformation forcée en machine à tuer. L’Arme X est un classique sombre et essentiel de l’univers X-Men, qui reste aujourd’hui encore l’un des portraits les plus marquants de Wolverine.

25/09/2025 (modifier)
Par Cleck
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Des filles normales
Des filles normales

Je n'ai jusqu'alors pas eu la chance de lire La Falaise, premier roman graphique a priori fort réussi mais déstabilisant, de Manon Debaye. Cette seconde œuvre retint néanmoins fortement mon attention : le style visuel m'attirait assez (un trait fin, précis et pourtant peu assuré, associé à de délicates couleurs crayonnées), la thématique musicale me réjouissait évidemment (des ados fans d'un musicien rock, composant elles-mêmes de la musique), le sujet féministe (le regard des hommes sur les corps féminins, ici adolescents), brûlant en cette rentrée littéraire, réclamait idéologiquement et professionnellement mon attention. Ce fut un choc ! De ces BD qui, une fois refermées, vous laissent coi quelques instants, les yeux possiblement humides de colère, l'esprit et les idées s'agitant frénétiquement, pour recréer du lien avec les thématiques sociétales contemporaines et les combats à mener, avec des souvenirs de lectures, films ou chansons ravivés. Manon Debaye est parvenue en quelques situations, à dresser un portrait assez juste de trois amies dissemblables et longtemps inséparables. Ce qu'elles se confient, ce qu'elles cachent, les personnalités des unes et des autres via les ascendances, décisions et prises de parole. Mais ici, contrairement à la merveille de Vanyda Celle que..., la cruauté affleure de toute part installant un malaise jusque dans des situations espérées rêvées (comme celle de la rencontre avec leur idole). Le véritable sujet s'impose alors : comment le regard des hommes sur les femmes façonne le monde, les corps, les attitudes... influençant sournoisement jusqu'au regard des mères ou celui des meilleures amies, atteignant naturellement l'estime de soi. La BD choisit d'aller vers le terrible drame, sans spectaculaire, ni panache, en demeurant dans un effroi glacial et contenu. La seconde partie évoquera l'après, la culpabilité, la reconstruction, la résilience, l'impossible oubli. Mini faiblesse du récit et des illustrations, ces destins brisés ne nous apparaitront pas avec clarté, les nouveaux visages entraperçus (ou vieillis ou appartenant à de nouveaux personnages), pas toujours aisément identifiables, créeront un doute et une distance, pas inintéressants d'ailleurs car renforçant l'impact du retournement de situation final. Et permettant furieusement d'insister sur les déterminismes sociaux engendrant honte et silence plutôt que colère et combat, sur l'affreuse réalité de ces situations tristement communes, peu perceptibles pour un œil extérieur même bienveillant. BD féministe importante, qui s'inscrit dans une urgence (au même titre que Notre affaire, Les Yeux d'Alex, Rouge signal, "Une obsession", "Ces lignes qui tracent mon corps"...), une dynamique sociétale contemporaine chamboulant enfin le petit monde de la BD, longtemps demeuré en retrait sur ces sujets.

24/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Wolverine - Old Man Logan
Wolverine - Old Man Logan

Old Man Logan est une histoire marquante de l’univers Marvel, qui ose sortir des sentiers battus. Mark Millar et Steve McNiven livrent un récit post-apocalyptique où Logan n’est plus le X-Men invincible qu’on connaît, mais un vieil homme brisé, hanté par son passé. Le ton est sombre, violent et parfois cruel, ce qui donne un souffle inédit au personnage. Le scénario joue habilement avec l’univers Marvel en montrant un futur où les héros ont disparu et où les méchants règnent. La découverte progressive des événements qui ont poussé Logan à renoncer à la violence est captivante et poignante. Quant aux dessins de McNiven, ils sont d’une puissance incroyable : les paysages désolés et les scènes d’action sanglantes marquent durablement. C’est une lecture incontournable pour ceux qui apprécient les récits plus matures et désespérés, proches d’un western crépusculaire.

22/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Locke & Key
Locke & Key

J’ai découvert Locke & Key par l’adaptation Netflix et, même si j’avais trouvé la série sympa, elle ne m’avait pas complètement marqué. Du coup, j’ai décidé de tenter l’œuvre originale en comics… et franchement, je ne regrette pas une seconde ! Le contraste m’a bluffé : le scénario est beaucoup plus sombre, plus intense et bien mieux ficelé que celui de la série. Les personnages gagnent en profondeur, leurs blessures et leurs évolutions m’ont beaucoup plus touché. On ressent vraiment le poids du drame familial et le côté horrifique est nettement plus glaçant. Les dessins de Gabriel Rodríguez sont incroyables : précis, expressifs et inventifs, ils donnent vie à Keyhouse et aux clés d’une façon que la série n’a jamais réussi à égaler. Chaque planche a une atmosphère qui te plonge directement dans l’histoire. En bref, si vous avez aimé la série, foncez sur les comics : c’est un tout autre niveau. Locke & Key en version originale est sombre, captivant et bien meilleur que son adaptation.

22/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Mégalo Poupos dans La Quête du gras
Mégalo Poupos dans La Quête du gras

La Quête du Gras est une véritable pépite. Roland Theimer réussit à livrer une bande dessinée à la fois hilarante et brillante, où l’absurde côtoie le raffiné. Les personnages sont démesurés mais étrangement familiers, et chaque page regorge de détails savoureux qui font sourire autant les lecteurs pressés que ceux qui aiment s’attarder sur chaque case. Mais ce qui frappe le plus, c’est que l’ouvrage dépasse largement sa nature culinaire : il flirte avec le phénomène de pop culture, au point qu’on en vient à en parler comme d’un univers à part entière. On rit, on s’étonne, on s’attache — et on ne peut qu’avoir envie d’y retourner. Bref, c’est original, inventif et terriblement addictif. J’ai hâte de découvrir la suite !

21/09/2025 (modifier)
Par Ryle
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série La Légende des Stryges
La Légende des Stryges

1997. Mon pote me traine à une séance de dédicace : le Chant des Stryges. Jamais entendu parler, mais à l'époque je suis déjà fan de bandes dessinées et fan de X Files, série que j'ai découvert un ou deux ans auparavant quand elle passait en troisième partie de soirée. Je dévore l'album dans la file d'attente et j'arrive devant un certain Richard Guérineau qui me demande ce qui me ferait plaisir, mais refuse quand je lui demande de dessiner ces fameux stryges qu'on ne fait qu'apercevoir dans ce premier tome. Va pour les héros. On discute, on sympathise et puisqu'il n'y en a pas, je me lance dans la création d'un site dédié à ces mystérieuses créatures - et à la promotion de la série (au passage, c'est comme ça que quelques années plus tard je découvrais BDThèque, le webmaster m'invitant à y partager les avis relatifs à la série). 2025. 28 ans après avoir plongé dans l'univers des stryges, exploré les spins off (Maitre de Jeu, Clan des Chimères, Siècle des Ombres et Hydres d'Arès dont on ne sait jamais vraiment s'ils font partie ou non de cet univers) et les cross-over (Asphodèle), et sept ans après la conclusion épique de la série originale, c'est forcément avec plaisir que je replonge dans la légende créée par Corbeyran. Vous l'avez donc compris, je suis mordu depuis presque 30 ans et je vous laisserais donc modérer ma note et mon avis en conséquence (ou pas). Les premières planches nous plongent en Egypte, avec la découverte d'un tombeau contenant les corps de créatures antiques (et comme depuis le début, je vous raconte ma vie au lieu de vous parler de la série, une dernière parenthèse quant au fait que l'Egypte antique est une autre thématique dont j'étais fan à l'époque. A bien y réfléchir, je le suis toujours). Bon aller, ce coup-ci je parle de l'album ! Diptyque indépendant des autres séries, ce premier tome parvient à être à la fois fidèle à l'ADN de la série originale et à mon sens parfaitement accessible aux nouveaux lecteurs. On retrouve l'ambiance sombre, le mélange de fantastique et d'enquête qui fait le charme des Stryges. Mais la véritable révélation est pour moi l'arrivée de Nicolas Bègue au dessin. Son trait fin et précis permet de créer des atmosphères prenantes et donne vie à chaque personnage avec une impressionnante minutie. Chaque décor est tout simplement remarquable. Les scènes d'action sont dynamiques, et il excelle à faire ressurgir la menace et la beauté inquiétante des créatures. Je pense que l'album ravira les fans de la première heure (ce fut mon cas) et qu'il saura sans aucun doute conquérir une nouvelle génération de lecteurs. Lecture plus que recommandée pour quiconque aime les récits fantastiques bien construits et portés par un dessin de haut vol.

19/09/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Sous les écorces
Sous les écorces

Rêver de l’horizon, observer, étudier… et ne pas cesser de s’émerveiller. - Ce tome contient un récit complet, une forme de correspondance dessinée entre un homme et une femme, tous les deux artistes. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé à quatre mains pour le scénario et les dessins, par Edmond Baudoin & Aurore Bize. Il comporte quatre-vingt-deux pages de bande dessinée, en noir & blanc. Un dessin d’arbre, puis un dessin avec un plus grand angle, et les mots d’Aurore Bize : Te souviens-tu de ce dessin ? Nous l’avions fait à deux, la première fois où tu étais venu marcher dans ces chemins qui n’étaient pas encore les miens. Je les découvrais avec toi. Tes traits et mes traits s’y mêlent et pourtant je peux voir clairement lesquels sont les tiens et lesquels sont les miens. Tu m’apprenais à regarder, à choisir. Je sens encore le soleil de cette fin d’hiver. Je sens encore ton odeur et ta veste chaude contre moi. J’ai commencé à tracer maladroitement. Tu as pris la feuille et tu as fait pousser le dessin. Juste comme ça, quelques souffles, quelques coups de pinceau. L’essentiel. La vie. Je vois comme mes branches étaient encore rigides, comme les tiennes dansaient dans le vent. C’est cette liberté du geste, cette sensualité, que j’admirais, que je cherchais. Un dessin d’arbres et de sous-bois, puis des arbres sans végétation au pied, puis une zone naturelle sans arbre, et les mots d’Edmond Baudoin : Il y a en toi Aurore, un devenir avec les arbres. Le dialogue qui se crée avec eux quand tu les dessines s’entend. Je l’écoute quand je regarde tes dessins. Tu me dis ne pas être satisfaite de ce que tu fais, comme pour le paysage ci-dessus, tu ne le seras jamais. Pour moi c’est pareil. Pourtant on va continuer tous les deux dans ce livre, continuer de nous approcher au plus près de l’impossible. Approcher l’impossible. Dessiner, peindre, écrire, danser, c’est comme s’aimer avec les bouches, les peaux, les sexes. C’est toucher à la seconde qui contient tout, et tout perdre l’instant d’après, par la faute d’un trait de trop, d’une note de musique qui grince, d’un geste inopportun. C’est notre condition, notre humanité. C’est pour ça que les Grecs ont inventé les dieux et demi-dieux. Pour y arriver à travers eux. Aurore reprend : Oui, Edmond, nous allons essayer à tous les deux de nous approcher de cet impossible. Il y a longtemps que nous voulions travailler ensemble, mais la distance et nos vies si remplies nous ont obligés à laisser mûrir nos idées et m’ont permis de continuer à faire pousser mon dessin. Et maintenant, je te retrouve dans notre chemin. Dessins de feuilles et un chemin. Aurore continue : Je marche seule dans les collines. Je m’arrête parfois pour dessiner un peu. Garder une trace. Travailler mon geste. Avec la contrainte du temps, je vais à l’essentiel. La présence du paysage, le vent, les nuages, le soleil, libèrent ma pensée et mes sens. Dans ces moments de solitude choisie, je suis libre d’écrire et dessiner dans ma tête. Les caresses du soleil et du vent sont comme les baisers de mes amants. Tout mon corps est éveil. Comme je suis bien là-haut dans le vent. C’est grisant. Le vent me lave. De temps à autre, Edmond Baudoin réalise une bande dessinée en collaboration avec un autre artiste : quatre albums avec Jean-Marc Troubet, dit Troubs (Viva la vida - Los Sueños de Ciudad Juàrez en 2011, Le goût de la terre en 2013, Humains - La Roya est un fleuve en 2018, Inuit en 2023), La Diagonale des jours (1992) avec Tanguy Dohollau, Les Yeux dans le mur (2003) avec Céline Wagner, La Traverse avec Mariette Nodet en 2019, Au pied des étoiles (2024) avec Emmanuel Lepage. Comme d’habitude, sa conception de la bande dessinée induit une grande liberté dans la forme, en l’occurrence, une alternance d’illustrations réalisées soit par lui, soit par Aurore, le plus souvent une par page, parfois deux, parfois une illustration s’étalant sur une double page, et pourtant une sensation de bande dessinée. À la lecture, il est possible parfois de déceler l’influence d’Edmond dans un dessin d’Aurore et réciproquement, la dessinatrice indiquant au début qu’il a pu en être ainsi ponctuellement. Cet ouvrage reprend l’habitude établie dans les précédentes collaborations : Baudoin utilise des lettres capitales manuscrites pour ses textes, Bize écrit en minuscules, avec une police de caractère de type informatique. La narration alterne les dessins et les textes de l’un avec ceux de l’autre. Il s’établit un véritable dialogue, l’un répondant à l’autre, et réciproquement tout du long de la bande dessinée. Le lecteur ressent une progression narrative, qui va au-delà d’une discussion informelle. Conscient de la nature de l’ouvrage, le lecteur se laisse porter par le flux de la discussion, tout en admirant les dessins. Baudoin indique que leur objectif est de dessiner des arbres. En effet, les différents dessins ont pour objet la nature, le plus souvent avec des arbres. Très peu de dessins comportent un être humain : la silhouette de Baudoin, la silhouette d’Eustacia Vye (un personnage du roman Le Retour au pays natal, 1878, de Thomas Hardy, 1840-1928), la silhouette de Louison (le fils d’Aurore), le corps d’Aurore elle-même. Alors le lecteur admire le paysage, ou plutôt les paysages successifs. Des arbres, des montagnes, des prairies, encore des arbres. S’il a déjà lu certaines BD de Baudoin, il en reconnaît immédiatement le trait de pinceau : gras épais, parfois complété par des traits fins, un assemblage d’une justesse épatante, surnaturelle même. Des représentations souvent épurées, transcrivant la vie de l’arbre dans sa silhouette, dans certaines textures, dans le déploiement de ses formes, de ses branches, une capacité extraordinaire à rendre justice à ces organismes vivants, à leur histoire personnelle qui a façonné leur développement. Par comparaison, les dessins d’Aurore Bize semblent s’inscrire dans un registre plus descriptif, plus proche de la réalité physique de ce que voit l’œil. Le lecteur perçoit qu’elle progresse dans son art au fil des séquences, s’éloignant un peu des apparences pour saisir la vie dans les arbres. Accolés à ces dessins qui donnent à voir les arbres dans la manifestation de leur vie, se trouvent de courts textes, dans lesquels les auteurs développent leurs réflexions, leurs échanges. Le lecteur apprécie de suivre un dialogue construit : une suite d’anecdotes et d’idées. De manière organique et élégante, Aurore et Edmond évoquent la nature de leur projet, leur envie de collaborer de longue date, leur relation. Le lecteur se sent invité et accepté dans l’intimité de leur relation, évoquée avec pudeur. Il ressent le fait qu’ils aient probablement été amants, même si cela n’est pas dit de manière explicite. Leur bienveillance réciproque rayonne littéralement de leurs échanges, ainsi que leur profonde humanité, leur amour et leur respect de l’être humain. Ainsi, ce qui apparaît tout d’abord comme une discussion entre deux artistes, avec des collaborations discrètes de l’un sur les dessins de l’autre, acquiert une dimension narrative pour ce qui est de l’histoire passée de leur relation, et une dimension réflexive, dénuée d’aigreur ou de la forme de conservatisme que l’on pourrait attendre du fait de leur âge. Ils expriment leur inquiétude pour l’avenir de l’humanité, sans cynisme ou résignation, sans se targuer d’avoir vu les choses empirer. Tout de même, voilà un projet singulier de dessiner des arbres pour parler de leur pratique de l’art du dessin, de leur impossibilité d’être satisfait de leur dessin tout en continuant d’essayer de s’approcher de cet impossible, d’évoquer également la manière dont s’exprime leur amour, leurs démarches pour comprendre l’autre sexe, ou encore ce monde mortifère qui pèse dans leurs têtes et dans leurs corps. Tout en découvrant les pages, le lecteur garde le titre en mémoire : Sous les écorces. C’est Baudoin qui l’écrit : alors j’ai de la haine à mon égard, parce que je ne sais pas descendre dans ses racines (celles de l’arbre), passer derrière son écorce. Dessiner les arbres va plus loin qu’un exercice complexe de transcription de l’histoire vécue par un être vivant dans un simple dessin. L’une et l’autre ont pour ambition de transcrire l’enchevêtrement des possibles, une quête di vivant par le dessin. Charge au lecteur de lire les dessins et d’établir un ou plusieurs liens avec ce que dit le texte. Aurore Bize écrit : Un même dessin peut raconter plusieurs histoires. Baudoin se demande : Une même image peut être lue de combien de façons ? L’un et l’autre font le constat de l’ambivalence des textes et des images, concepts développés dans les théories de la réception et de la lecture, par exemple par l’école de Constance. Au fil de la discussion, les autres envies de ces créateurs s’égrènent : garder une trace, répandre son émotion. Le sujet de l’arbre incarne en fait une recherche de la vie en l’autre, y compris les êtres humains, que Baudoin dessine régulièrement au travers de portraits pendant ses voyages, et que Bize dessine également. Cette recherche constitue également l’expression de leur amour : chercher la vie en l’autre, aimer en témoin non en maîtrise, comprendre l’autre. D’un côté l’un et l’autre ont conscience qu’il leur est de plus en plus difficile de se vider la tête ; de l’autre côté, ils conçoivent que le temps du dessin est comme une danse, une forme de résistance contre un monde mortifère. Cette pratique leur permet de rejeter toute catégorisation qui étouffe l’être, de témoigner de la vie, de chanter l’humanité Une discussion entre deux créateurs, sous la forme d’une bande dessinée, ou tout du moins d’une succession de dessins avec la voix intérieure de l’un et de l’autre qui court en alternance. Une bande dessinée, ou une succession d’illustrations associées à des réflexions en réponse à celles précédant ? En filigrane, il apparaît bien une trame narrative, celle qui évoque avec discrétion l’histoire de la relation, et celle qui évoque le développement de leurs réflexions. Le lecteur se prend rapidement d’amitié pour ces deux auteurs, pour leur chaleur humaine authentique. Il tombe sous le charme de l’incroyable densité de ce qu’expriment leurs représentations d’arbres. Il les écoute avidement parler de l’art du dessin de la rencontre et de l’altérité, de l’expression de leur amour, du sens qu’il donne à leur art, de leur espoir en la vie. Comme le conclut Edmond Baudoin : Les paysages se déconstruisent et reconstruisent eux aussi. Rien n’est immuable, même pas l’éternité. C’est notre chance. Nous pouvons ainsi continuer à rêver de l’horizon.

17/09/2025 (modifier)
Couverture de la série L'Abîme de l'oubli
L'Abîme de l'oubli

J'ai vraiment été touché par cette magnifique série . Paco Roca et Rodrigo Terresa reviennent avec une grande sensibilité sur deux épisodes sombres de l'histoire moderne espagnole. Les auteurs nous plongent dans l'histoire exemplaire de Pepica Celda octogénaire des environs de Valence qui brave toutes les épreuves bureaucratiques pour récupérer les ossements de son père exécuté par les militaires franquistes une fois la guerre civile terminée. Les auteurs construisent un magnifique récit sur deux époques qui s'équilibrent parfaitement pour éclairer les souffrances de milliers de familles. Le sujet est encore très sensible en Espagne et j'ai senti les auteurs conscient de ne pas envenimer un débat difficile. Il y a donc une grande intelligence dans le récit en restant centrer sur le sujet principal : le devoir ancestral des hommes à honorer leurs morts par des funérailles dignes. Roca et Terresa citent la mort d'Hector comme référence à l'inhumanité d'Achille et positionnent la réflexion à un autre niveau. Si les exécutions sommaires, les épurations, les massacres sont le lot commun de la tragique histoire humaine ,le respect du deuil devrait conduire à une trêve de la barbarie. Ainsi la sublime personne de Badia, le fossoyeur, m'a fait penser à Antigone dans sa volonté de braver l'ordre franquiste pour assurer une sépulture digne à ces hommes et femmes injustement exécutés . Les deux temps du récit, les exécutions puis la lenteur pour ouvrir les fosses communes à quatre-vingts ans de distance donnent une amertume tragique à la narration. La lecture est très fluide et cela se lit d'un trait tel un documentaire historique et/ou sociétal bien maitrisé. J'ai aimé le graphisme simple et précis de Paco Roca. Le lecteur passe d'une époque à l'autre avec une grande facilité sans jamais perdre le fil du récit. J'ai senti la volonté des auteurs de respecter la pudeur et la mémoire des familles impliquées. Il y a beaucoup de sobriété dans les expressions et le traitement des couleurs. Une très belle série qui m' a beaucoup remué.

15/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Why don't you love me?
Why don't you love me?

Attention : Chef D'œuvre. La description de l'ouvrage proposé par l'éditeur Atrabile est quasiment parfaite même si elle dévoile un peu trop à mon goût les rebondissements de l'histoire. Eh oui, à l'image d'un "Sixième sens" ou "Usual suspect", "Why don't you love me ?" fait partie de ces œuvres qui méritent qu'on s'y frotte sans rien en savoir.  Difficile donc d'attirer votre attention sans trop en dire. Je vais donc miser sur la confiance aveugle que vous accordez à ce fameux Paul le Poulpe et à ses prédictions infaillibles. Si vous êtes familier et appréciez la série "Severance" mais aussi "Nowhere Man" (parlera probablement qu'aux plus vieux d'entre vous et qui possédaient Canal à l'époque !!), si vous aimez l'humour noir et corrosif, le sordide, le caustique, la dérision mais qu'au final vous vous révélez être un vrai cœur d'artichaut, alors jetez-vous sur ce bouquin. D'apparence, vous pourriez en effet aisément passer à côté, mais sous des aspects plutôt anodins (couverture lambda, maquette à l'italienne, un titre anglais !, graphisme ordinaire, strip=classique, un éditeur indépendant= une distribution ciblée/limitée), cette BD renferme un récit fort et puissant. Un de ces récits qui vous marque durablement et en fait un des MUST de cette année 2025. La BD se présente donc sous la forme d'une succession de Strips qui mis bout à bout déroulent une histoire, celle d'une famille dysfonctionnelle dans sa première partie, une mère alcoolique, un père pathétique, tous deux profondément dépressifs genre "qu'est-ce qu'ils ont fait au bon dieu" pour être là et mériter ça !, des enfants laissés de ce fait à l'abandon. Les strips ne se veulent pas foncièrement drôles même s'ils prêtent régulièrement à sourire et désamorcent le malaise ambiant. Et puis, on bascule dans autre chose... On nous présente Paul B. Rainey comme un auteur aguerri, mais à vrai dire, je ne le connaissais pas avant d'ouvrir l'ouvrage. Les recherches sur internet n'en disent pas beaucoup plus mais j'ai hâte de découvrir une œuvre antérieure intitulée "There’s No Time Like the Present" qui vient de re-sortir en 2025 en Angleterre suite au succès du présent livre. Que dire de plus si ce n'est que j'ai trouvé cette BD par moment lumineuse et que la fin, lumineuse elle aussi, m'a profondément émue et donne à réfléchir : pour faire simple et direct, "qu'est-ce qu'on attend de la vie ?" J'en ai probablement trop écrit malgré mon souhait initial mais je reste tiraillé entre partager une expérience de lecture génialissime et rare, ou assurer le service minimum pour ne pas nuire à votre propre découverte. Un des TOP 2025 garanti !

14/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Les Carnets de Cerise
Les Carnets de Cerise

L'une de mes séries "Jeunesse" préférée que j'ai lue et relue le soir avec ma fille et mon fils avant de s'endormir. Un succès ô combien mérité. Je suis d'ailleurs surpris de n'être que le 10ème avis du site. Les carnets de Cerise, c'est tout d'abord une esthétique très léchée et proche de la perfection pour le public cible. Des couvertures magnifiques en vernis différencié et un dessin très expressif et dynamique avec des couleurs chatoyantes. Une mise en page ingénieuse et permettant de casser la linéarité du récit associant planches classiques et extraits des carnets de Cerise (sortes de journaux intimes) mêlant textes, dessins, photos, recettes, etc. L'histoire de départ fait écho à pas mal d'entre nous je pense. Motivés par le journal de Mickey et autres Mickey détective, je me rappelle quand plus jeune, avec mes copains d'enfance, je tentais de percer les mystères de la vieille dame de mon village que l'on soupçonnait d'être une sorcière ! On suit donc ici Cerise, une écolière de CM2 passionnée de livres, et ses deux amies Line et Erika, qui mènent différentes enquêtes sur des personnes de son village. Si chaque tome fait l'objet d'une enquête à part entière et donc d'une histoire indépendante des autres, on en apprend un peu plus sur le passé de Cerise au fil des tomes et certains personnages rencontrés se retrouvent également dans les tomes suivants. Le tome 1 introduit le personnage de Cerise, de sa maman et de ses amies. L'histoire, centrée sur un vieil homme énigmatique recouvert de peinture s'enfonçant dans la forêt, est l'une des plus originale de la série selon moi. Le deuxième tome est quant à lui consacré au mystère d'une vieille dame empruntant le même livre à la bibliothèque municipale chaque mois depuis des décennies. Le troisième tome marque l'entrée de Cerise au collège et est centrée sur l'histoire d'une nouvelle amie dont le métier est restauratrice de livre et dont le passé va faire écho à celui de Cerise. Le quatrième tome est peut-être celui qui m'a le moins plus du premier cycle, avec une enquête estivale moins captivante, basée sur un jeu d'énigmes dans un manoir. Enfin, le cinquième tome constitue le dénouement final du premier cycle permettant d'en savoir plus sur le passé de Cerise et de mieux comprendre les réactions qu'elle a eues dans les tomes précédents. Bien que quelques ficelles de scénarios soient un peu grossières et parfois peu crédibles (la découverte des trésors qui n'ont pas bougé depuis des décennies dans des maisons ou locaux habités par exemple) et les histoires pleines de bons sentiments, cette série est une franche réussite pour le public visé (enfants et jeunes ados) et permet d'aborder certains sujets avec ses enfants tels que l'amitié, le mensonge, les relations mère-fille, l'absence d'un être cher,... Elle aura même réussi a extirper une larmounette à notre famille dans le tome 5. Le véritable amour que voue l'auteur pour les livres se ressent à chaque tome, passion que l'on retrouve d'ailleurs chez Cerise qui veut devenir romancière. Durant la plupart des tomes, les auteurs glissent également de manière ingénieuse quelques messages à destination du jeune public : constitution d'un livre, protection de l'environnement, etc. Suite à la décision des auteurs de relancer la série en 2024 après 7 années sans parution, un 6ème tome a vu le jour marquant une petite rupture avec le principe initial des enquêtes de Cerise. Le tome 6 constitue ainsi une sorte de carnet de voyage relatant les péripéties de Cerise et de sa nouvelle famille recomposée lors de son tour du monde annoncé en fin de tome 5. Je ne spolierai toutefois pas la fin de ce dernier tome mais il est fort probable que la série va se poursuivre au vu de la fin... Après sa lecture, bien que toujours agréable, je regrette tout de même que les auteurs ne se soient pas arrêtés à la fin du cinquième tome car la série prend une tournure un peu plus banale sur la vie d'une famille recomposée (plus d'enquête de Cerise). Un 5* tout de même, rien que pour le premier cycle, que je trouve magnifique et très cohérent. SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 8,5/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation, mise en page) : 9,5/10 NOTE GLOBALE : 18/20

12/09/2025 (modifier)