3.5
Un bon one-shot quoique je ne le trouve pas parfait.
J'ai eu de la difficulté avec le dessin. Je ne suis pas du tout fan des personnages adultes qui ont tous des corps d'enfants, mais j'ai fini par m'y faire. Quant au scénario, c'est globalement bien fait tout en étant peut-être un peu trop dense et avec des longueurs.
En fait, j'ai commencé à vraiment accroché lorsque le singe débarque dans le récit. Il faut dire qu'avant on est surtout dans de l'exposition où l'auteur prend bien soin d'introduire son univers et les personnages. En tout cas, dès que l'action débarque enfin le scénario devient captivant et on suit des personnages attachants dans une aventure peut-être un peu trop longue, mais bien faite.
Tout en connaissant le sujet du livre, j’ignorais beaucoup de son déroulement, n’ayant ni lu le roman original ni vu l’adaptation cinématographique. Cette bande dessinée m’a donc permis de combler ce vide. Et de bien belle manière !
Ce qui marque en premier, c’est le dessin d’Aimée de Jongh. Facile d’accès, bénéficiant de grandes cases et d’un découpage très aéré, ce trait est une vraie invitation à la lecture. Le découpage cinématographique et la fluidité d’ensemble ne font qu’accentuer cette facilité apparente. A la lecture, ça semble ‘évident’, facile… et pour moi c’est la preuve même que c’est très bien fait.
L’histoire ensuite, pour qui ne la connaitrait pas, nous est très bien racontée. Elle est autant prenante que source de réflexion. Ces enfants laissés à eux-mêmes qui finissent par s’entre-tuer en l’absence de règles morales, voilà un sujet extrêmement violent. Et autant on se prend d’affection pour plusieurs protagonistes, autant l’évolution du récit nous semble horriblement crédible.
D’un point de vue politique, Sa Majesté des Mouches mérite d’être analysé. Ce récit prône l’ordre et le respect des règles et montre les horribles dérives auxquelles peuvent mener l’anarchie et le pouvoir de la majorité. Adapter ce récit à l’époque actuelle me semble donc assez audacieux car sa conclusion va à l’encontre de ce que prônent beaucoup de bandes dessinées actuelles (ici, la liberté de choisir et de faire ce qui nous plait mène au chaos et à la violence, alors que le respect de règles et d’un code moral auraient dû permettre la survie de l’ensemble du groupe).
En résume, j’ai trouvé là une œuvre joliment adaptée (même si on sent à l’occasion des coupures çà et là), des personnages marquants et un sujet digne d’intérêt. Une lecture qui touche et questionne à la fois. Vraiment pas mal du tout !
Carnage dans le bocage
-
Ce tome comprend une histoire complète, développée sur la base de la licence vidéoludique World of Tanks (2014). Il contient les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2016/2017, écrits par Garth Ennis, dessinés et encrés par Carlos Ezquerra pour les épisodes 1 & 2, et par P.J. Holden pour les épisodes 3 à 5. La mise en couleurs a été réalisée par Michael Atiyeh. Les couvertures ont été réalisées par Isaac Hannaford.
Le récit commence avec le débarquement du 06 juin 1994, en montrant l'escadron Third West Midlands Yeomanry avancer sur une plage de Normandie. Il se compose de soldats sans expérience du terrain, conduisant des tanks de type Sherman Firefly. le récit suit en particulier le lieutenant Simon Linnet et le caporal Trevor Budd. Ils vont devoir progresser dans la campagne normande, au milieu des haies du bocage. Un peu dans les terres, un détachement allemand se retrouve coupé du reste des troupes. Il se compose de tanks de modèle Panzerkampfwagen V Panther, dont un commandé par Haupman Karl Kraft, avec Stabsfeldwebel Friedrich Stadler responsable de la tourelle. Ce deuxième groupe est immobilisé du fait des tanks qui doivent être réparés. Alors que les mécaniciens s'affairent, le guetteur prévient de l'approche d'avions anglais. Les soldats allemands montent dans leurs chars en espérant survivre au lâcher de bombes.
Une fois le bombardement passé, les mécanos se remettent au boulot sur les tanks encore en état de progresser. Pendant ce temps, les anglais se préparent pour avancer dans les bocages. le groupe de tanks Firefly est contraint de progresser à la queue leu-leu, ce qui constitue une formation assez vulnérable. le groupe de chars allemands les voit arriver et engage la bataille. Au cours de l'affrontement, le caporal Trevor Budd se rend compte qu'il n'arrive pas à maîtriser le rythme d'avancée de son tank Firefly, ce qui le met dans une position délicate avec le lieutenant Linnet. le groupe allemand réussit à s'enfuir, mais Haupman Karl Kraft se retrouve obligé de se mettre aux ordres d'un commandant SS.
Le lecteur est à la fois très surpris et peu surpris qu'il existe un comics World of Tanks. Au vu du succès de ce jeu vidéo, il était fortement tentant de le décliner sur d'autres supports pour pouvoir profiter de cet engouement. Ce qui est plus surprenant, c'est de retrouver un scénariste de la trempe de Garth Ennis sur un projet aussi mercantile. La première page rassure le lecteur sur l'investissement du scénariste. On est à l'opposé d'un récit tout fait dans lequel il suffit de rajouter des tanks génériques pour donner une vague impression de guerre et de champ de bataille. Fidèle à sa passion pour les conflits armés historiques, visible dans chacune de ses séries, Garth Ennis réalise un récit nourri par sa connaissance du sujet, avec une sensibilité intelligente sur le sujet. Pour commencer, il met en scène des modèles de tanks clairement référencés, ayant réellement été utilisés pendant la seconde guerre mondiale, à cette période du conflit. Il peut également s'appuyer sur le sérieux et la rigueur des 2 dessinateurs.
Carlos Ezquerra a déjà travaillé à plusieurs reprises avec Garth Ennis, y compris sur des récits de guerre, dans le cadre de la série Battlefields. Il représente les différents tanks, avec le souci de la précision. le lecteur peut également lui faire confiance pour l'exactitude des uniformes militaires et les armes de poing. Il remarque tout de suite qu'Ezquerra est toujours aussi impressionnant pour donner des gueules aux personnages. Cela permet de les identifier plus facilement, bien qu'ils portent tous le même uniforme, au sein d'une même armée, bien sûr. le dessinateur réalise une mise en scène vivante, bien que Garth Ennis alterne entre des scènes de briefing et de débriefing (= surtout des dialogues) et des scènes de mouvements des tanks et de tirs. le lecteur n'éprouve pas de difficulté pour reconnaître chaque tank, et pour identifier les différents équipages. le lecteur ressent la force des explosions, le poids des tanks lorsqu'ils se déplacent, ainsi que la fragilité des êtres humains, le tout dans des environnements assez substantiels pour ne pas avoir l'impression que tout cela se passe sur une grande scène vide servant de champ de bataille.
Le passage de l'épisode 2 à l'épisode 3 fait ressortir les différences entre les deux artistes. P.J. Holden s'applique tout autant pour l'exactitude des tanks, des armes et des uniformes. Néanmoins, il réalise des traits de contours plus propres, plus réguliers que ceux de Carlos Ezquerra. Ce dernier a l'art et la manière pour conférer des textures à chaque surface avec des petits traits secs, et des traits de contours mal ébarbés. Par comparaison, les traits de contour d'Holden sont un peu cassés, mais plus nets. Les visages sont un peu plus réalistes, un peu plus soignés que ceux d'Ezquerra, mais pas plus crédibles, avec finalement des expressions plus caricaturales que celles croquées par Ezquerra. Il se débrouille bien lui aussi pour concevoir des mises en scène qui donnent à voir ce qui se passe, évitant le risque d'uniformité d'une séquence à l'autre. Il sait montrer la part d'arbitraire dans le déroulement de chaque bataille. Il représente les blessures et les morts de façon littérale, sans aucun panache, mais avec une saveur un peu artificielle, les dessins manquant de fluidité. Même si les personnages ont un peu trop tendance à ouvrir la bouche en grand à chaque attaque, Holden sait faire passer des émotions plus nuancées, en particulier pour l'Haupman Karl Kraft.
En effet Garth Ennis met à profit plusieurs facettes de son acquis de l'expérience à écrire des comics de guerre. Pour commencer, les personnages évitent tous les stéréotypes des comics de guerre. Les soldats allemands n'ont rien de méchants assoiffés de sang, les soldats britanniques n'ont rien de valeureux héros. Haupman Karl Kraft apparaît comme un professionnel, souhaitant faire correctement son boulot, malgré l'état de délabrement d'une partie de ses tanks, et souhaitant garder en vie le maximum de ses soldats. Visiblement, ce personnage dispose d'une expérience conséquente du temps de guerre et il n'a aucune intention de se laisser diriger par des petits jeunes, ou par des gradés assoiffés de hauts faits. Certes les allemands ont le mauvais rôle (celui de l'envahisseur et de l'oppresseur), en plus en situation de défaite, mais ils n'en sont pas caricaturés pour autant. Les britanniques ne sont pas non plus caricaturés en valeureux héros intrépides. le lecteur découvre même que les conseils plein de sagesse proférés par Trevor Budd proviennent d'une autre source qu'une grande expérience, nettement moins glorieuse. Dans les 2 camps, il s'agit d'êtres humains avec des qualités et des défauts.
Comme souvent dans les récits de guerre, les femmes sont les grandes absentes, et il en est de même dans cette histoire, c'est un récit d'hommes (même s'il y a une petite fille dans l'épisode 3). Par contre, cette fois-ci, Ennis a intégré des civils dans une poignée de séquences. Non seulement les soldats ne se réduisent pas à des individus motivés par l'amour de leur patrie et la volonté de d'accomplir des hauts faits, mais en plus ils sont capables de prendre du recul sur les ravages que leurs manoeuvres infligent aux infrastructures et aux villages. Il ne s'agit pas de critiquer l'intervention des force alliés, mais simplement de constater les dommages collatéraux pour les civils en temps de guerre. le récit tient ses promesses d'un récit de guerre, sans pour autant faire l'apologie du patriotisme invasif, et sans diaboliser l'ennemi.
Les dessinateurs savent mettre en scène les affrontements, en spatialisant les déplacements, en cohérence avec les reliefs de l'environnement, et de manière à ce que ça soit compréhensible par le lecteur (ce qui n'est pas si évident). Ils peuvent s'appuyer sur un scénario en béton de Garth Ennis, auteur chevronné de ce type de récit, maîtrisant aussi bien la dimension technique, que la dimension historique. Il sait intégrer son histoire dans la grande Histoire, de manière plausible et convaincante. Il met en scène des individus crédibles et humains, faisant leur boulot avec compétence, mais sans fanatisme ou soif de gloire. Comme le lecteur pouvait l'espérer, Garth Ennis réalise une histoire à l'opposé du travail alimentaire. Il ne se contente pas d'un scénario prétexte pour montrer des tanks qui se tirent dessus, mais il montre la complexité de ce contexte par le biais de plusieurs facettes, le comportement d'êtres humains qui doivent faire avec une situation et un système sur lesquels ils n'ont pas de prise.
L'appréciation du lecteur sur cette histoire dépend de sa familiarité avec l’œuvre de Garth Ennis. Pour un lecteur prenant pour la première fois conscience du savoir-faire d'Ennis en matière de récit de guerre, il s'agit d'un récit étonnant, très riche, intelligent, avec des personnages masculins dans lesquels il est facile de se projeter. L'histoire a bénéficié de dessinateurs sachant transcrire les mouvements des chars, ainsi que les interactions entre les soldats. Pour un lecteur qui a déjà plongé dans la série Battlefields, ce récit est un peu moins dense. En particulier, Garth Ennis & Carlos Ezquerra avaient raconté 3 récits centrés sur un équipage de char : Garth Ennis' Battlefields Volume 3: Tankies, Garth Ennis' Battlefields Volume 5: The Firefly and His Majesty, Garth Ennis' Battlefields Volume 7: The Green Fields Beyond. Dans ces cas-là, il est possible que l'impact de ce World of Tanks soit moindre.
Il n'y a pas grand chose à ajouter à l'avis de Mac Arthur juste en dessous qui résume parfaitement bien ce que ce copieux one-shot a à nous offrir : une intrigue basée sur Brazil (le film culte de ma jeunesse) et 1984 (le roman culte de ma jeunesse) synthétisée dans un bel écrin agréable au toucher et dont la couverture magnifique a eu un effet immédiat d'attraction.
Effectivement Corbeyran nous ressort la sempiternelle histoire d'une société oppressive et étouffante où seules 3 règles subsistent : créer, consommer, surveiller au travers d'une mégalopole morne à peine rehaussée par de splendides pancartes de pin-ups plantureuses et au regard doux. Soit une belle méthode pour contrôler la population et l'entrainer irrémédiablement en détention dès qu'un faux pas est détecté.
Une seule industrie existe pour du travail à la chaine dans des conditions inhumaines afin de créer des objets de consommation qui seront vendus dans le seul commerce autorisé.
Le tableau esquissé par Corbeyran reste bien classique et le serait tout autant sans le profil de personnages ordinaires irrémédiablement attachants. Il y a Annabelle, Anatole et Arsène. Tous vont subir les affres de cette société : licenciement abusif, abus de pouvoir et rejet de la société vous effaçant progressivement au sens propre comme au figuré.
Tout cela est admirablement construit par des dialogues et un rythme simples mais faisant mouche : le trait de Michel Colline y est évidemment pour beaucoup. Choisissant un style franco-belge délicieusement rétro-futuriste, ses personnages possèdent des expressions palpables et les décors sont un régal pour le lecteur. Un peu d'humour, du tragique et un soupçon d'aventure enveloppent cette histoire poétique, presque naïve mais terriblement attachante qui en fait à mes yeux la meilleure surprise de cette rentrée 2024.
Si la fin est rapidement expédiée, elle délivre un message peut être pas si manichéen que prévu et atteint son but : vive le changement mais pour quel avenir ?
Non vraiment je suis sous le charme absolu de ce livre que je relirais avec beaucoup de plaisir, tant pour l'objet en soi que les dessins et le scénario et vous invite vivement à en faire de même.
Dans son très bel essai, Le Convoi, Beata Umubyeyi Mairesse, survivante du génocide des Tutsi au Rwanda s'étonne que la Shoah ne fut pas plus tôt au centre de la mémoire historique de l'Europe de la seconde moitié du XXème siècle.
A mes yeux la série biographique sur le couple Klarsfeld est l'illustration parfaite de cette pensée. Ce documentaire biographique précis et complet n'est pas d'une lecture aisée. Pourtant on peut le voir comme une œuvre essentielle de volonté de justice trop souvent déniée aux victimes des génocides ou des massacres de masse: Shoah, Gitans, Rwanda, Congo, Cambodge pour citer les plus connus.
L'originalité du propos est de montrer dans le parcours du couple Klarsfeld, la difficulté de faire reconnaître de façon légale cette indignation légitime et l'acceptation de la vérité historique. J'ai beaucoup aimé la première partie de l'ouvrage qui montre très bien l'état d'esprit des années 60 dont ont profité nombre de bourreaux Nazis ou de Collabos. La volonté de réconciliation, la méfiance vis à vis du bloc communiste ne justifie pas tous les aveuglements de l'époque.
J'ai beaucoup aimé la clairvoyance du couple en page 52 quand il cite Jaspers sur la survivance et la continuité de l'Etat allemand à la fin du conflit. Ce qui fut dit pour l'élection à la chancellerie de Kiesinger pourrait probablement s'appliquer pour d'autres personnalités qui ont eu accès à de hautes responsabilités après guerre. C'est un débat difficile qui vaut pour tous les génocides ou massacres entre deux légitimités contraires : l'amnistie de certains et le jugement des autres.
La construction du récit n'est pas simple. Elle fait des sauts chronologiques et renvoie à des références historiques peu connues. Ainsi j'ai aimé le rappel par Serge Klarsfeld et l'importance dans son parcours de l'engagement de Hans et Sophie Scholl (lire La Rose Blanche - Des étudiants contre Hitler).
Comme la série prend le temps d'approfondir les sujets, les auteurs abordent des thématiques compliquées qui peuvent s'entrechoquées: légalité, légitimité, morale et raison d'Etat... Cela donne parfois des passages assez lourds mais nécessaires pour ne pas être superficiels. J'ai moins accroché à la seconde partie sur Klaus Barbie. Probablement à cause de ma lecture de l'excellent Klaus Barbie - La Route du rat que j'avais trouvé plus tonique.
Toutefois l'ensemble est cohérent avec des moments intimistes qui donnent de belles pauses dans un récit très dense.
Dans ce genre de thématiques le graphisme passe souvent au second plan. Le trait de Dorange un peu minimaliste correspond bien à ce genre documentaire. J'ai une réserve sur le physique de Beate avec ce nez pointu qui ne correspond pas du tout aux photos de la belle jeune femme. Je trouve que le choix graphique de Dorange fait de Beate un personnage trop pointu et agressif. Cela reste une minuscule appréciation perso.
La mise en couleur qui souligne les époques du récit aide bien à la compréhension de la narration.
Une belle lecture qui enrichit une thématique très visitée. 3.5
Nous voici plongés dans une ville qui se nomme Bassin City, avec ses sombres ruelles où l'on craint pour sa vie, qui sont faiblement éclairées par les néons de clubs de striptease, dont les malfrats, la mafia, les prostituées, flics et politiques corrompus y règnent sans vergogne.
Nous suivons dans chaque tome, différents protagonistes dopés sous stéroïde ou tout simplement avec une grosse paire de burnes, dans leurs petits tracas du quotidien que cette ville leur gage sans le moindre respect, qui faut se le dire ne sont pas les mêmes que les communs des mortels. Tous les personnages sont vraiment travaillés sur bien des aspects, mais c'est surtout sur leurs dialogues et punchlines qu'ils nous délivrent de vrais frissons, ce qui leur donnent une réelle authenticité.
Le noir et blanc du maitre Miller est vraiment maitrisé à la perfection, ça colle parfaitement à l'ambiance de la ville et à la personnalité de nos anti-héros. J'ai été submergé dans ce polar noir qui a réussi de plus, à croiser les scénarios dans des lieux communs à chaque tome, ce qui est vraiment bluffant.
Par une écriture, mais quelle ECRITURE !!! Une mise en scène incroyablement efficace par l'utilisation de la voie off de nos protagonistes avec une réelle profondeur, du vrai théâtre. Je tire mon chapeau à notre traducteur de renom, Henri Loevenbruck pour avoir réussi à nous faire ressentir ce que l'auteur voulait nous transmettre par sa vison de la mise en scène.
Une petite déception tout de même pour sa dernière histoire "Retour en enfer" qui utilise des codes différents, qui pourrait plaire car ça casse la routine des premiers tomes, mais pour ma part, ça ne m'a pas convaincu.
Sin city vous attend ... Marv, Dwight McCarthy, l'inspecteur John Hartigan et Wallace vous attendent énergiquement également ...
J'ai commencé par pester en empruntant cette série. Des tomes de 250 pages qui pèsent un tonne pour des enfants de 8/10 ans je ne trouve pas cela top pour un bon confort de lecture au fond de son lit.
Toutefois ma mauvaise humeur s'est bien vite éteinte avec le contenu de cette très bonne série jeunesse. Le récit et l'ambiance emprunte beaucoup au Seigneur des Anneaux mais Tim Probert a su y mettre son empreinte perso pour proposer un récit entrainant aux multiples rebondissements.
La jeune Béatrice n'est pas une héroïne conventionnelle gratifiée d'une multitude de super dons qui aplanissent toutes les difficultés rencontrées. Au contraire dans sa quête pour sauver son grand-père elle emmène ses angoisses paralysantes et ses pensées pleines d'un pessimisme démoralisant.
C'est une fragilité touchante qu'elle apprend à surmonter au contact de Cad. Cad est le dernier des Galduriens plein de force, d'optimisme et de gentillesse. Leur cheminement est l'occasion de dialogues d'un excellent niveau pour les enfants parfois même avec beaucoup de finesses sur les notions de confiance en soi, de doute et de positionnement face aux difficultés.
C'est très adroitement introduit dans un contexte classique de Bien contre Mal avec une métaphore de la lumière qui laisse place aux ténèbres mortifères si personne ne résiste .On reconnait là les codes de base du genre. Mais Tim Probert conduit sa narration de façon très dynamique sans dispersion à tel point que les 250 pages se lisent d'un trait avec l'envie de de continuer la découverte de la suite sans tarder.
Les phases d'actions parfois violentes ( pour des enfants) alternent avec les passages plus introspectifs pour former un ensemble équilibré et cohérent. Il y a même souvent un belle touche d'humour grâce au personnage de Cad qui est une vraie trouvaille de l'auteur.
Le graphisme est très moderne et soutient parfaitement le dynamisme de la narration. Ici encore il y un bon équilibre entre la narration du texte et celle des images. Une très belle mise en couleur permet de souligner les passages inquiétants ( à base de bleus) et les passages plus lumineux. C'est très réussi.
Une très belle série pour les enfants que j'ai eu beaucoup de plaisir à découvrir.
De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace
-
Il s'agit d'une histoire complète, indépendante de toute autre, initialement parue en 8 épisodes en 2011/2012, écrite par Joe Casey, illustrée et mise en couleurs par Mike Huddlestone.
Dick Cheney (un ex vice président américain) et Jay Leno (un présentateur d'émission télé très célèbre aux États-Unis) se rendent dans l'établissement préféré de Righteous Maker (un superhéros semi retraité dont le costume évoque le drapeau américain). Cheney actionne avec répugnance la poignée (en forme de sexe masculin) de la porte d'entrée. Ils trouvent le superhéros en pleine orgie avec 4 femmes à ses pieds en train de satisfaire ses besoins (qui impliquent l'utilisation de lubrifiant et de gants en latex). Cheney et Leno viennent proposer une mission clandestine à Maker : exécuter tous les supercriminels emprisonnés dans la prison Crazy Keep, pour faire économiser de l'argent au contribuable. Maker s'acquitte de sa mission en pulvérisant la prison. Mais à son insu, une poignée de détenus ont survécu, dont certains plus dangereux que d'autres. Ils veulent tous la peau de Maker. En se rendant à cette prison, Maker a envoyé la voiture d'Arnie B. Willard (un policier) dans le fossé. Celui-ci a juré de retrouver le chauffard et de lui faire payer très cher son écart de conduite. Il va recevoir l'aide de The Absolute, l'évadé le plus mystérieux de Crazy Keep.
C'est un massacre du début à la fin, un outrage aux bonnes mœurs les deux pieds dans le plat, une bordée ininterrompue de jurons, des jaillissements de stupre et de luxure, des grands coups de poing dans la tronche, des décharges d'énergie destructrice, des silhouettes improbables, des couleurs criardes, un transsexuel, un superhéros sur le retour qui ne fait pas dans la dentelle, un patrouilleur des autoroutes à la dignité bafouée, un énorme camion à l'américaine, des parties de jambes en l'air mémorables, et (dans l'édition en VO) une postface de 30 pages dans laquelle Joe Casey se lâche et se donne à fond. Dans ces 30 pages, il effectue une auto-interview d'une demi douzaine de questions parmi lesquelles celle de savoir si ce récit désinhibé, décomplexé et éhonté constitue un métacommentaire. Il se répond à lui-même par le biais d'un va-te faire bien senti. Si le lecteur n'avait pas compris à la lecture de ces 8 épisodes, c'est clair : il n'y a rien à comprendre, rien à chercher, tout est à apprécier au premier degré. C'est à la fois une grande déclaration d'amour au genre Superhéros, et un grand coup de pied dans les roustes, avec un second degré omniprésent renforcé par une provocation de mauvais goût assumé. Les illustrations de Mike Huddleston complètent et renforcent à merveille cette construction dégénérée, ce cri primal, ce défouloir hors norme.
En reprenant tout ça dans l'ordre, le lecteur peut constater que Joe Casey raconte une histoire primaire de superhéros, pas plus bête que toutes les autres. Le scénario est solidement construit, la logique interne est respectée, il y a des superpouvoirs, la ligne de démarcation entre superhéros et supercriminels est claire, le combat est manichéen à souhait. Les deux derniers supercriminels à abattre sont les plus retors, il y a même des assistants adolescents (sidekicks) qui sont évoqués, et des costumes moulants colorés aux motifs improbables. Le récit se termine sur une résolution claire et nette. C'est juste qu'il y a une forme franche de promiscuité sexuelle, que la violence est caricaturale et parodique, tout comme les personnages. Casey s'amuse à parodier et à rendre hommage à ses auteurs préférés, Frank Miller et Alan Moore en tête. Si vous restez concentré sans vous laisser déborder par cette déferlante d'énergie bouillonnante, vous pourrez même voir passer un hommage au feuilleton le Prisonnier (avec ce village pour superhéros retraités).
Mike Huddlestone compose des pages tout aussi démesurées que les rebondissements du scénario, tout est permis (ce qui ne veut pas dire qu'il fait n'importe quoi). Pour commencer il y a l'exagération des silhouettes des individus dont Huddlesotne s'amuse à augmenter les proportions musculaire (comme le font régulièrement les dessinateurs de comics de superhéros, mais ici avec un effet volontairement de parodie). Il y a aussi régulièrement cet appendice qui pendouille dans l'ombre, entre les jambes de ces messieurs dans le plus simple appareil, et de cet hermaphrodite si étrange. Huddlestone dessine ses personnages avec des contours fortement encrés, une impression de dessin rapidement exécutés (mais un examen plus détaillé montre de savantes compositions). Il a donné une apparence inoubliable à chaque personnage, Righteous Maker indestructible avec une largeur d'épaule impossible, Arnie B. Willard magnifique avec son gros ventre et sa capacité à conserver sa dignité, Jihad Jones très inquiétant dans sa normalité, The Absolutely exceptionnel dans sa silhouette où tourbillonnent des galaxies multicolores. Il joue avec les registres graphiques d'une page à l'autre : de la case juste crayonnée comme une esquisse, à la case dont chaque forme est rehaussée par les complexes schémas de couleurs appliquées à l'infographie. La démesure règne en maître, chaque mouvement est exagéré pour un impact plus grand, chaque expression est soulignée pour mieux transmettre l'émotion. À plusieurs reprises, Huddleston prend exemple sur le mode d'exagération de Bill Sienkiewicz (en particulier dans Elektra assassin) pour faire glisser certaines composantes de ses dessins vers l'abstraction et pour inclure des symboles ou des stéréotypes visuels pour encore décupler la force des représentations. Cette inspiration prend également la forme d'un hommage appuyé à l'une des couvertures de la série Elektra assassin, pour la couverture de l'épisode 7.
Dans les 30 pages de postface, Joe Casey utilise le même ton exubérant et bourré d'interjections grossières pour décrire son amour des comics, ses premières expériences de lecture de comics, le besoin vital de lire des comics viscéraux, la nécessité de proposer un comics provocateur qui sort des tripes. C'est une étrange lecture qui tient autant du billet d'humeur enflammé, que de la collection d'anecdotes d'un accro aux comics pour la vie.
"Butcher Baker, the righteous maker" constitue une expérience de lecture hors norme, libérant une énergie de tous les instants, rappelant qu'un comics de superhéros doit sortir des tripes, doit emmener le lecteur dans un maelstrom d'actions vives, rapides, inventives, décomplexées, pour une expérience intense et sans égale. Le résultat dégage une vitalité hallucinante à ressentir au premier degré, sans autre forme de métacommentaire. Ce comics est un hommage sincère de Casey et Huddleston à tous les créateurs de comics qui les ont rendus dépendants de leur dose d'aventures délirantes de superhéros costumés impossibles et ridicules, accomplissant des actions extraordinaires, tout en déclamant des dialogues kitch, mais toujours avec panache. Tout fan de comics ressentira cette déclaration d'amour au plus profond de son être, vibrera à ces actions d'éclat délirantes et décomplexées. Les autres risquent de n'y voir qu'un ramassis de ce qu'il y a de pire dans les comics, de plus superficiel, de plus débilitant. Dans la postface, il compare ce comics à une version non éditée des comics habituels, espérant que les lecteurs ressentiront ce qu'il à ressenti lorsqu'il a découvert la version non éditée du film Les Guerriers de la nuit (Warrior, 1979, réalisé par Walter Hill) par rapport à celle éditée (scènes violentes plus courte) pour diffusion sur les chaînes du câble. Joe Casey refuse la tiédeur consensuelle et a décidé d'intituler son prochain projet Sex. Une seule certitude : ça ne va pas plaire à tout le monde.
Un crossover pour les gouverner tous
-
Ce tome comprend les 9 épisodes de la série, initialement parus en 2015/2016, écrits par Jonathan Hickman, dessinés et encrés par Esad Ribi?. La mise en couleurs a été réalisée par Ive Scorcina. Il comprend aussi le prologue de 10 pages parus dans Free comic book day 2015, également écrit par Jonathan Hickman et mis en image par Paul Renaud. Il comprend les 9 couvertures originales d'Alex Ross, ainsi que les 44 couvertures variantes. Toutes les couvertures ont été placées à la fin du récit, le chapitrage étant assuré par des pages blanches avec un titre spécifique, comme il est de coutume dans les comics écrits par Hickman (et qui a réussi à l'imposer même dans ses travaux pour Marvel).
Cette histoire se déroule après les 70 épisodes des séries Avengers et New Avengers écrits par Jonathan Hickman. Il constitue un événement majeur dans l'univers partagé Marvel, dans la mesure où toutes les séries mensuelles se sont arrêtées pour être remplacées par des titres se déroulant sur Battleworld. Il marque également 30 ans d'anniversaire des premières guerres secrètes parues en 1985 : Secret Wars de Jim Shooter et Mike Zeck.
Les Terre alternatives de l'univers Marvel ont disparu, détruite au cours de phénomènes appelés Incursion. Il ne subsiste plus que la Terre 616 (la Terre principale), et la Terre 1610 (la Terre des Ultimate). Suite à un plan complexe, Victor von Doom est devenu le Dieu de toute la réalité, et a réussi à sauver quelques morceaux de différentes Terre, pour constituer une terre composite appelée Battleworld. Cette planète artificielle est composée d'une quarantaine de territoires gouvernés par des Barons, tels que Mister Sinister, Ultron, Goblin Queen, Annihilus, Maestro, Apocalyspe, Hydra, Magneto, etc. Le territoire de Doom (Doomgard) est séparé des autres par un mur appelé SHIELD.
Le prologue montre Doom faisant face à ceux de l'au-delà (beyond). Puis la scène change pour passer aux derniers moments d'existence de la réalité sur Terre, alors que se produit l'ultime Incursion, la collision entre la Terre 616 et la Terre 1610. Par la suite le récit se déroule sur Battleworld dont Doom en est le dieu incarné. La police entre les baronnies est assurée par l'escadron des Thor (de nombreuses variantes de Thor). Doom reçoit les barons qui viennent se plaindre de leurs voisins, par exemple Captain Britain insulté par Mister Sinister. Stephen Strange est le bras droit de Victor von Doom. La Fondation du Futur vient de découvrir un vaisseau étranger à Battleworld, lors d'une expédition archéologique. Il semblerait qu'il y ait des individus à bord.
N'importe quoi ! Le crossover de crossovers : ils ne savent plus quoi inventer chez Marvel. Toutes les séries satellites de cet événement portent le nom d'un crossover ou d'un événement passé : Civil War, Age of Ultron, Planet Huk, Infinity Gauntlet, Age of Apocalyspe, Korvac Saga, Marvel 1602, etc. En plus le point de départ est un copié/collé de House of M (avec Doom à la place de Magneto) et des Secret Wars initiales. Le degré zéro de la créativité.
Effectivement quand DC et Marvel annoncent leur événement de l'année en 2015, le premier semble innover alors que le second semble recycler tout ce qui lui passe par la main, en allant chercher dans les fonds de tiroir pour faire bonne mesure. En prime, les communiqués de presse annonçaient la fin de l'univers Marvel (laissant sous-entendre son redémarrage à zéro par la suite), alors que quelques semaines plus tard les annonces des série ultérieures à l'événement indiquaient qu'il n'y aurait pas de remise à zéro. Mais alors que DC a publié des séries satellites de 2 épisodes chacune réalisées par des équipes créatives pas enthousiasmantes (juste pour occuper le planning de publication, pendant que leurs bureaux déménageaient de la côte Est à la côte Ouest), Marvel publie des miniséries satellites en 4 ou 5 épisodes, réalisées par les équipes créatives des séries mensuelles ou des créateurs reconnus. En outre, Secret Wars est la culmination des deux séries Avengers écrites par Hickman (qui avait déjà orchestré un excellent crossover avec Infinity en 2013), et même de ses épisodes de la série Fantastic Four, à commencer par Dark reign - Fantastic Four.
C'est toujours la même chose ! L'éditeur Marvel demande à un de ses scénaristes phares du moment de pondre un récit artificiel pour que tous les superhéros se tapent dessus, en promettant que plus rien ne sera jamais comme avant, et toute conséquence a disparu 3 mois après, pour un retour tiède au statu quo. Il s'agit d'affrontements déconnectés de toute réalité, sans apparition d'être humain normal, une sorte d'autocélébration incestueuse entre superhéros. En outre, il y a tellement de personnages qu'ils sont réduits à autant de coquilles vides sans personnalité, se distinguant uniquement les uns des autres par les motifs de couleurs chamarrées sur leur costume moulant, et par la couleur des énergies qu'ils émettent.
Certes, c'est un récit de superhéros, avec des gugusses en costume moulant, des superpouvoirs impossibles et baroques. Oui l'intrigue se déroule sur la base d'une enquête pour comprendre comment Victor von Doom en est arrivé là, jusqu'à une confrontation physique finale contre son plus grand ennemi. Oui, il y a beaucoup de personnages et la plupart ne peuvent exprimer leur personnalité que le temps d'une ou deux répliques maximum. Oui aussi, Jonathan Hickman pioche à loisir dans le riche univers partagé Marvel pour mettre en scène des personnages qui lui plaisent ou qui lui sont imposés pour des raisons éditoriales (oui, il y a Groot et Rocket Raccoon, Miles Morales, un inhumain issu de la famille royale).
En plus le dessinateur est cramé avant la fin, victime d'un burn-out engendré par la quantité de gugusses à dessiner et la longueur interminable de la série (9 épisodes quand même).
Esad Ribi? a dessiné toute la série et l'éditeur Marvel s'est fait conspuer parce que le dernier épisode est paru avec 3 mois de retard, soit après les premiers numéros des séries post-événement. Il est sûr que si le même éditeur avait tout fait pour tenir les délais (= remplacer Ribi? par le premier venu), il se serait tout autant fait critiquer. Au moins le lecteur qui découvre le récit sous format d'un recueil complet a le plaisir de voir une histoire racontée par les mêmes personnes du début jusqu'à la fin. Esad Ribi? est un artiste qui a travaillé avec JM Straczynski sur une histoire du Silver Surfer, avec Peter Milligan pour une histoire de Namor, avec Rick Remender sur Uncanny X-Force, avec Jason Aaron sur Thor god of thunder, et déjà avec Hickman pour 9 épisodes des Ultimates. Il dessine les personnages de manière réalistes, avec des contours en trait fin, donnant une apparence un peu éthérée à ce qu'il représente.
De prime abord, le choix de confier ce récit à Esad Ribi? apparaît étrange. Le côté léger de son trait peine à donner assez de consistance aux affrontements, ne confère pas une présence massive à ces superhéros ou aux supercriminels. Cet état de fait est accentué par le choix d'Ive Scorcina qui utilise des couleurs délavées, un peu pastel, donnant une apparence un peu fade à la page. Ce parti pris esthétique crée d'entrée de jeu un décalage avec les conventions visuelles des comics de superhéros, en insistant moins sur la force et le spectaculaire pyrotechnique, en créant une ambiance différente de l'ordinaire des comics de superhéros. Il est possible de comparer ce phénomène à celui produit par les dessins très altiers et élancés d'Olivier Coipel pour House of M : un esthétisme différent qui indique que l'histoire est placée en dehors de la continuité normale, avec sa propre cohérence
Dès le début, Esad Ribi? s'astreint à représenter les personnages en cohérence avec leur apparence dans leur série mensuelle du moment (la coupe de cheveux d'Hulk par exemple, ou le costume de Thanos conforme à celui du film Avengers). Puis il apporte des modifications plus ou moins importantes aux personnages à partir du moment où l'histoire se déroule sur Battleworld. Ce travail de réappropriation graphique aboutit à une version de Doom tout habillé de blanc, toujours majestueux et condescendant et paradoxalement plus inquiétant. L'artiste s'en sort également très bien avec Stephen Strange. Il lui conserve une morphologie sans musculature surdéveloppée, avec un visage montrant son âge (quadragénaire). Il reprend l'allure de Reed Richards tel que l'avait conçu Kev Walker dans la série Avengers (avec la barbe). De ce point de vue, chaque personnage se distingue immédiatement des autres, avec une forte identité graphique pour tous.
Dès le début, le lecteur constate également qu'Esad Ribi? s'économise sur les décors. Il le fait avec intelligence, c’est-à-dire qu'en début de chaque séquence, il prend du temps pour montrer l'environnement dans les détails. Par la suite, il n'est rappelé que par quelques traits, et pendant les scènes d'affrontements physiques, les arrière-plans se vident de toute information visuelle. Ive Scorcina ne possède pas le talent de Dean White ou de Dave Stewart pour utiliser les couleurs afin de transcrire l'intensité des affrontements, pour accompagner les mouvements par des dégradés progressifs de couleurs, ou pour transformer l'arrière-plan en un spectacle pyrotechnique qui en met plein les yeux. Il se contente de donner un peu de volume avec des camaïeux discrets à la poussière soulevée. Sur ce plan la narration visuelle manque un peu de consistance.
Par contre la mise en scène amalgame une dramaturgie théâtrale avec des mouvements de caméra pour mieux montrer les déplacements des personnages, leur langage corporel, leurs mouvements. Esad Ribi? sait faire apparaître les émotions des personnages sur leur visage, leur état d'esprit dans leur posture. Il a le sens du spectacle pour les moments révélateurs qu'il s'agisse d'une cérémonie protocolaire d'enterrement, de l'apparition d'un personnage, ou encore d'une harangue sur une pente herbue. Ive Scorcina fait preuve d'une sensibilité artistique pour choisir la teinte dominante de chaque séquence, et ainsi établir une impression durable. L'épilogue (toujours dessiné par Esad Ribi?) montre qu'il n'est pas cramé et qu'il a mis à profit le temps supplémentaire qui lui a été alloué pour faire en sorte que les visuels soient raccords avec l'intention de l'auteur qui est de boucler avec une situation montrée dans le premier épisode New Avengers.
Soit ! Les dessins ne sont pas trop mal, mais l'intrigue reste un prétexte ressortant tous les artifices de l'univers partagé Marvel, utilisés jusqu'à la nausée depuis des décennies. Non seulement il y a un recyclage de la situation de House of M dans un What if? qui ne dit pas son nom, mais en plus il y a même le Gant de l'Infini. En plus il y a tellement de personnages qu'il faut une encyclopédie pour s'y retrouver.
Jonathan Hickman joue le jeu du crossover ou de l'événement. Il est un employé qui travaille pour un éditeur, avec un cahier des charges très contraignant. Il effectue son travail en en respectant les spécifications. Le lecteur peut le regretter, mais il n'est pas pris par surprise. Il sait qu'il s'engage dans un récit fédérateur à l'échelle de tous les comics Marvel du moment, avec pléthore de personnages, et un enjeu à l'échelle de toute la réalité. Il utilise les jouets qu'on lui a imposés. Il le fait avec respect, ce qui veut dire qu'il a bien fait ses devoirs et qu'il respecte les caractéristiques principales de chaque objet de pouvoir et de chaque personnage. Dans cet ordre d'idée, il s'en tire mieux que beaucoup de ses collègues, comme il l'avait déjà prouvé dans Infinity. Certes Thanos n'a pas l'ampleur qu'il peut avoir dans les récits de Jim Starlin, mais il n'est pas relégué à l'état de simple supercriminel. Comme dans tous les autres crossovers, il est possible de comprendre l'intrigue sans connaître tous les personnages. On peut s'amuser de voir passer Toothgnasher ou Toothgrinder, sans savoir d'où ils sortent.
Quand même, ce Secret Wars donne l'impression d'être l'aboutissement de tout le travail de Jonathan Hickman depuis ses débuts sur Fantastic Four (on a échappé à ses Secret Warriors, c'est déjà ça), c’est-à-dire depuis 2009, soit six ans de continuité interne à son œuvre. C'est dire si c'est incompréhensible.
À un moment il faut choisir son camp : on ne peut pas accuser Jonathan Hickman de pondre un crossover industriel de plus, et dans le même temps d'écrire une histoire personnelle construite pendant 6 ans. Donc le scénariste fait ce qu'on demande de lui et intègre de temps à autre une image ou une page évoquant ce qui se passe dans une ou plusieurs baronnies pour donner un semblant de légitimité aux miniséries satellites. Il mène à bien son intrigue des séries Avengers, avec la dernière incursion qui aboutit à la création de Battleworld, et au nouveau statut de Victor von Doom. Il apporte une touche finale à ses histoires pour les Fantastic Four. Il rapatrie le Reed Richard de l'univers 1610 qu'il avait bien développé pendant la saison qu'il avait écrite des Ultimates. Il fait même un clin d'œil à sa série Secret Warriors (son premier travail pour Marvel), avec Nikola Tesla qui apparaît le temps d'une page (il s'agit d'ailleurs plus d'une référence à sa série sur le SHIELD).
Le lecteur plonge dans une situation que Jonathan Hickman prend le temps d'expliquer. Il y a une brève introduction de 3 pages montrant Doom et 2 autres face à un pouvoir incommensurable, puis tout un épisode consacré à la dernière Incursion, montrant la fin des Terre 616 et 1610. Puis le récit commence sur Battleworld. Au fil du récit, le lecteur apprend comment Doom a acquis le statut de dieu, pourquoi cela lui est arrivé à lui et pas à un des 2 autres à ses côtés. Parallèlement plusieurs personnages essayent de comprendre la situation et d'en prendre la mesure. Effectivement le récit ne rappelle pas comment Stephen Strange s'est retrouvé aux côtés de Doom. Effectivement Owen Reece semble reprendre le même rôle que durant les premières Secret Wars. Effectivement la participation d'un moloïd et de la Fondation du Futur parle plus à un lecteur des Fantastic Four d'Hickman. De même que le ralliement de Black Swan (Yabbat Tarru) aura plus de sens pour qui a lu les séries Avengers.
Effectivement le récit se termine par un affrontement entre Doom et son ennemi. Il n'en demeure pas moins que Jonathan Hickman raconte une vraie histoire, avec un suspense quant à la façon dont Doom sera défait, et aussi quant à la manière dont il a acquis son statut. Le scénariste utilise les personnages mis à sa disposition à bon escient. Il est par exemple savoureux de voir Thanos confronter Doom, en lui rappelant que lui aussi dispose d'une certaine expérience en matière d'exercice divin. Il est assez rigolo de voir Valeria Richards rappeler à Doom qu'omnipotence ne signifie pas omniscience. Hickman sait faire ressortir l'histoire personnelle de plusieurs personnages de manière naturelle, leur conférant un minimum de personnalité.
Jonathan Hickman manipule sa distribution pléthorique avec une grande adresse, réussissant à ne perdre aucun personnage en cours de route, à donner un petit moment à la plupart, et à développer ceux qui jouent un rôle plus important. Le lecteur apprécie la manière dont le scénariste étoffe le caractère de Doom, sans trahir le fond de sa personnalité. Ce personnage bénéficie d'une explication convaincante quant au fait qu'il ait endossé le rôle de dieu pour sauver ce qui pouvait encore l'être. Hickman expose la motivation première de Doom avec une réelle sensibilité psychanalytique et une grande pertinence (sans verser dans la psychologie de comptoir). Il lui restitue toute sa dimension tragique, dans le rôle du personnage central d'un roman noir. Pour le combat final, il reprend la grande tradition Marvel (des années 1960 et 1970) d'un combat physique qui se double d'un affrontement idéologique. Il intègre la notion de famille (inséparable des histoires des Fantastic Four), avec une approche un peu différente et complémentaire de ses épisodes des FF. Il a réservé un sort étonnant et logique à Johnny et Ben. Il conclut son récit en bouclant sur le début, à la fois par le retour sur la phrase "Tout meurt" prononcée par Reed Richards tout au début du premier épisode des New Avengers, à la fois par un passage au Wakanda.
Mouis, mais quand même, on a l'impression qu'Hickman a abandonné une partie de son intrigue pour les séries Avengers, car il n'y a plus ni Builders, ni Makers.
Le scénariste avait mené cette intrigue à son terme dans les séries Avengers. En prenant un peu de recul, le lecteur s'aperçoit qu'il continue de filer la métaphore de cet aéropage de créatures floues (makers, builders, mapmakers). Quand Doom se retrouve dieu de la réalité, le lecteur peut y voir la métaphore du scénariste tout puissant présidant à la destinée de tout l'univers partagé Marvel. Sous cet angle de vue, cette partie de Secret Wars devient une métaphore du caractère diminué, voir stérile de cet univers partagé s'il était confié à un seul et même créateur ou artiste. De même la posture de Doom implique une forme d'immobilisme de ce monde, chaque individu étant cantonné dans une forme e stase immuable. L'enquête menée par une poignée de personnages sous-entend qu'il y aura toujours des évolutions par rapport à ce statu quo, justifiant par là les libertés que certains auteurs prennent avec les personnages Marvel (au hasard, Peter Parker en chef d'entreprise à succès, ou Otto Otavius devenant un Spider-Man supérieur).
Contre toute attente, malgré toutes les contraintes du crossover, malgré les exigences éditoriales, contre vents et marées, Jonathan Hickman raconte une histoire de superhéros dans laquelle le lecteur peut déceler sa voix d'auteur, à la fois dans la structure du récit (une de ses marques de fabrique), mais aussi dans le discours tenu par les personnages, les convictions et les valeurs qu'ils affirment. Secret Wars version 2015 constitue une fin à la hauteur des séries Avengers et New Avengers, un crossover réussi, un hommage incroyable aux premières Secret Wars de Jim Shooter et Mike Zeck, un crossover pour les rassembler tous, les recycler tous (presque tous, il n'y avait pas Fear Itself ou Secret Invasion, et sûrement beaucoup d'autres) et trouver sa place légitime parmi eux (et savoir s'il y aura des conséquences durables ou non n'obère en rien ses qualités). Enfin, en partant, Jonathan Hickman laisse l'univers plus riche de personnages qu'il ne l'était quand il est arrivé. Il a mis à profit la nature même de ces héros récurrents dont les droits sont détenus par une entreprise commerciale, pour bâtir une œuvre personnelle, en appliquant le principe de l'économie circulaire (réutiliser ces personnages dont l'essence a été maintes fois extraite, en y trouvant encore de l'inspiration).
Un premier tome prometteur.
Un album tous publics qui ravira principalement les adolescents, mais pas seulement, j'en suis la preuve.
Daniel Freedman au scénario (Kali) et Crom au dessin, citent Miyazaki ou encore le jeux vidéo Dark Souls comme sources d’inspirations. Ce Birdking est leur deuxième collaboration après "Raiders".
Les auteurs nous entraînent dans de la dark fantasy sombre et légère à la fois.
Bianca, jeune apprentie forgeronne, est forcée de fuir son pays en guerre et de partir à la recherche d'Atlas, une terre légendaire, elle sera accompagnée par le silencieux et imposant Birdking, l'esprit d'un roi.
Un album qui ne révolutionne pas le genre, mais il prend le temps de s'attarder sur Bianca et ainsi de s'attacher à cette délicieuse jeune fille au tempérament bien trempé.
Un premier tome qui met en place un univers dense, complexe et mystique dont il reste encore beaucoup à découvrir.
Le début d'une saga rondement menée, c'est fluide, palpitant et très agréable à lire.
Le titre prend tout son sens.
Je découvre Crom et je suis sous le charme de son dessin au trait vif, précis et expressif. Un dessin singulier me rappelant celui de Mike Mignola mais avec une touche de manga, notamment dans l'expression excessive de certains visages. Un délicieux mélange.
J'ai aimé le choix des couleurs et la créativité dont Crom a fait preuve pour les personnages, ainsi que pour les rares décors.
Sobre, mais très efficace !
Une très belle découverte et vivement la suite.
Tome 2.
Un second opus qui confirme, beaucoup plus dans l'action, on entre de plein fouet dans cette saga, ce qui permet d'en connaître beaucoup plus sur ces mondes mystérieux. Du déjà vu, mais la réalisation est parfaite et les surprises seront au rendez-vous. Un dosage parfait entre scènes de batailles et moment plus calme pour développer les - nouveaux - personnages.
Visuellement, toujours autant de plaisir.
Vivement le tome 3.
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
Frontier
3.5 Un bon one-shot quoique je ne le trouve pas parfait. J'ai eu de la difficulté avec le dessin. Je ne suis pas du tout fan des personnages adultes qui ont tous des corps d'enfants, mais j'ai fini par m'y faire. Quant au scénario, c'est globalement bien fait tout en étant peut-être un peu trop dense et avec des longueurs. En fait, j'ai commencé à vraiment accroché lorsque le singe débarque dans le récit. Il faut dire qu'avant on est surtout dans de l'exposition où l'auteur prend bien soin d'introduire son univers et les personnages. En tout cas, dès que l'action débarque enfin le scénario devient captivant et on suit des personnages attachants dans une aventure peut-être un peu trop longue, mais bien faite.
Sa Majesté des Mouches
Tout en connaissant le sujet du livre, j’ignorais beaucoup de son déroulement, n’ayant ni lu le roman original ni vu l’adaptation cinématographique. Cette bande dessinée m’a donc permis de combler ce vide. Et de bien belle manière ! Ce qui marque en premier, c’est le dessin d’Aimée de Jongh. Facile d’accès, bénéficiant de grandes cases et d’un découpage très aéré, ce trait est une vraie invitation à la lecture. Le découpage cinématographique et la fluidité d’ensemble ne font qu’accentuer cette facilité apparente. A la lecture, ça semble ‘évident’, facile… et pour moi c’est la preuve même que c’est très bien fait. L’histoire ensuite, pour qui ne la connaitrait pas, nous est très bien racontée. Elle est autant prenante que source de réflexion. Ces enfants laissés à eux-mêmes qui finissent par s’entre-tuer en l’absence de règles morales, voilà un sujet extrêmement violent. Et autant on se prend d’affection pour plusieurs protagonistes, autant l’évolution du récit nous semble horriblement crédible. D’un point de vue politique, Sa Majesté des Mouches mérite d’être analysé. Ce récit prône l’ordre et le respect des règles et montre les horribles dérives auxquelles peuvent mener l’anarchie et le pouvoir de la majorité. Adapter ce récit à l’époque actuelle me semble donc assez audacieux car sa conclusion va à l’encontre de ce que prônent beaucoup de bandes dessinées actuelles (ici, la liberté de choisir et de faire ce qui nous plait mène au chaos et à la violence, alors que le respect de règles et d’un code moral auraient dû permettre la survie de l’ensemble du groupe). En résume, j’ai trouvé là une œuvre joliment adaptée (même si on sent à l’occasion des coupures çà et là), des personnages marquants et un sujet digne d’intérêt. Une lecture qui touche et questionne à la fois. Vraiment pas mal du tout !
World of Tanks - Roll Out
Carnage dans le bocage - Ce tome comprend une histoire complète, développée sur la base de la licence vidéoludique World of Tanks (2014). Il contient les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2016/2017, écrits par Garth Ennis, dessinés et encrés par Carlos Ezquerra pour les épisodes 1 & 2, et par P.J. Holden pour les épisodes 3 à 5. La mise en couleurs a été réalisée par Michael Atiyeh. Les couvertures ont été réalisées par Isaac Hannaford. Le récit commence avec le débarquement du 06 juin 1994, en montrant l'escadron Third West Midlands Yeomanry avancer sur une plage de Normandie. Il se compose de soldats sans expérience du terrain, conduisant des tanks de type Sherman Firefly. le récit suit en particulier le lieutenant Simon Linnet et le caporal Trevor Budd. Ils vont devoir progresser dans la campagne normande, au milieu des haies du bocage. Un peu dans les terres, un détachement allemand se retrouve coupé du reste des troupes. Il se compose de tanks de modèle Panzerkampfwagen V Panther, dont un commandé par Haupman Karl Kraft, avec Stabsfeldwebel Friedrich Stadler responsable de la tourelle. Ce deuxième groupe est immobilisé du fait des tanks qui doivent être réparés. Alors que les mécaniciens s'affairent, le guetteur prévient de l'approche d'avions anglais. Les soldats allemands montent dans leurs chars en espérant survivre au lâcher de bombes. Une fois le bombardement passé, les mécanos se remettent au boulot sur les tanks encore en état de progresser. Pendant ce temps, les anglais se préparent pour avancer dans les bocages. le groupe de tanks Firefly est contraint de progresser à la queue leu-leu, ce qui constitue une formation assez vulnérable. le groupe de chars allemands les voit arriver et engage la bataille. Au cours de l'affrontement, le caporal Trevor Budd se rend compte qu'il n'arrive pas à maîtriser le rythme d'avancée de son tank Firefly, ce qui le met dans une position délicate avec le lieutenant Linnet. le groupe allemand réussit à s'enfuir, mais Haupman Karl Kraft se retrouve obligé de se mettre aux ordres d'un commandant SS. Le lecteur est à la fois très surpris et peu surpris qu'il existe un comics World of Tanks. Au vu du succès de ce jeu vidéo, il était fortement tentant de le décliner sur d'autres supports pour pouvoir profiter de cet engouement. Ce qui est plus surprenant, c'est de retrouver un scénariste de la trempe de Garth Ennis sur un projet aussi mercantile. La première page rassure le lecteur sur l'investissement du scénariste. On est à l'opposé d'un récit tout fait dans lequel il suffit de rajouter des tanks génériques pour donner une vague impression de guerre et de champ de bataille. Fidèle à sa passion pour les conflits armés historiques, visible dans chacune de ses séries, Garth Ennis réalise un récit nourri par sa connaissance du sujet, avec une sensibilité intelligente sur le sujet. Pour commencer, il met en scène des modèles de tanks clairement référencés, ayant réellement été utilisés pendant la seconde guerre mondiale, à cette période du conflit. Il peut également s'appuyer sur le sérieux et la rigueur des 2 dessinateurs. Carlos Ezquerra a déjà travaillé à plusieurs reprises avec Garth Ennis, y compris sur des récits de guerre, dans le cadre de la série Battlefields. Il représente les différents tanks, avec le souci de la précision. le lecteur peut également lui faire confiance pour l'exactitude des uniformes militaires et les armes de poing. Il remarque tout de suite qu'Ezquerra est toujours aussi impressionnant pour donner des gueules aux personnages. Cela permet de les identifier plus facilement, bien qu'ils portent tous le même uniforme, au sein d'une même armée, bien sûr. le dessinateur réalise une mise en scène vivante, bien que Garth Ennis alterne entre des scènes de briefing et de débriefing (= surtout des dialogues) et des scènes de mouvements des tanks et de tirs. le lecteur n'éprouve pas de difficulté pour reconnaître chaque tank, et pour identifier les différents équipages. le lecteur ressent la force des explosions, le poids des tanks lorsqu'ils se déplacent, ainsi que la fragilité des êtres humains, le tout dans des environnements assez substantiels pour ne pas avoir l'impression que tout cela se passe sur une grande scène vide servant de champ de bataille. Le passage de l'épisode 2 à l'épisode 3 fait ressortir les différences entre les deux artistes. P.J. Holden s'applique tout autant pour l'exactitude des tanks, des armes et des uniformes. Néanmoins, il réalise des traits de contours plus propres, plus réguliers que ceux de Carlos Ezquerra. Ce dernier a l'art et la manière pour conférer des textures à chaque surface avec des petits traits secs, et des traits de contours mal ébarbés. Par comparaison, les traits de contour d'Holden sont un peu cassés, mais plus nets. Les visages sont un peu plus réalistes, un peu plus soignés que ceux d'Ezquerra, mais pas plus crédibles, avec finalement des expressions plus caricaturales que celles croquées par Ezquerra. Il se débrouille bien lui aussi pour concevoir des mises en scène qui donnent à voir ce qui se passe, évitant le risque d'uniformité d'une séquence à l'autre. Il sait montrer la part d'arbitraire dans le déroulement de chaque bataille. Il représente les blessures et les morts de façon littérale, sans aucun panache, mais avec une saveur un peu artificielle, les dessins manquant de fluidité. Même si les personnages ont un peu trop tendance à ouvrir la bouche en grand à chaque attaque, Holden sait faire passer des émotions plus nuancées, en particulier pour l'Haupman Karl Kraft. En effet Garth Ennis met à profit plusieurs facettes de son acquis de l'expérience à écrire des comics de guerre. Pour commencer, les personnages évitent tous les stéréotypes des comics de guerre. Les soldats allemands n'ont rien de méchants assoiffés de sang, les soldats britanniques n'ont rien de valeureux héros. Haupman Karl Kraft apparaît comme un professionnel, souhaitant faire correctement son boulot, malgré l'état de délabrement d'une partie de ses tanks, et souhaitant garder en vie le maximum de ses soldats. Visiblement, ce personnage dispose d'une expérience conséquente du temps de guerre et il n'a aucune intention de se laisser diriger par des petits jeunes, ou par des gradés assoiffés de hauts faits. Certes les allemands ont le mauvais rôle (celui de l'envahisseur et de l'oppresseur), en plus en situation de défaite, mais ils n'en sont pas caricaturés pour autant. Les britanniques ne sont pas non plus caricaturés en valeureux héros intrépides. le lecteur découvre même que les conseils plein de sagesse proférés par Trevor Budd proviennent d'une autre source qu'une grande expérience, nettement moins glorieuse. Dans les 2 camps, il s'agit d'êtres humains avec des qualités et des défauts. Comme souvent dans les récits de guerre, les femmes sont les grandes absentes, et il en est de même dans cette histoire, c'est un récit d'hommes (même s'il y a une petite fille dans l'épisode 3). Par contre, cette fois-ci, Ennis a intégré des civils dans une poignée de séquences. Non seulement les soldats ne se réduisent pas à des individus motivés par l'amour de leur patrie et la volonté de d'accomplir des hauts faits, mais en plus ils sont capables de prendre du recul sur les ravages que leurs manoeuvres infligent aux infrastructures et aux villages. Il ne s'agit pas de critiquer l'intervention des force alliés, mais simplement de constater les dommages collatéraux pour les civils en temps de guerre. le récit tient ses promesses d'un récit de guerre, sans pour autant faire l'apologie du patriotisme invasif, et sans diaboliser l'ennemi. Les dessinateurs savent mettre en scène les affrontements, en spatialisant les déplacements, en cohérence avec les reliefs de l'environnement, et de manière à ce que ça soit compréhensible par le lecteur (ce qui n'est pas si évident). Ils peuvent s'appuyer sur un scénario en béton de Garth Ennis, auteur chevronné de ce type de récit, maîtrisant aussi bien la dimension technique, que la dimension historique. Il sait intégrer son histoire dans la grande Histoire, de manière plausible et convaincante. Il met en scène des individus crédibles et humains, faisant leur boulot avec compétence, mais sans fanatisme ou soif de gloire. Comme le lecteur pouvait l'espérer, Garth Ennis réalise une histoire à l'opposé du travail alimentaire. Il ne se contente pas d'un scénario prétexte pour montrer des tanks qui se tirent dessus, mais il montre la complexité de ce contexte par le biais de plusieurs facettes, le comportement d'êtres humains qui doivent faire avec une situation et un système sur lesquels ils n'ont pas de prise. L'appréciation du lecteur sur cette histoire dépend de sa familiarité avec l’œuvre de Garth Ennis. Pour un lecteur prenant pour la première fois conscience du savoir-faire d'Ennis en matière de récit de guerre, il s'agit d'un récit étonnant, très riche, intelligent, avec des personnages masculins dans lesquels il est facile de se projeter. L'histoire a bénéficié de dessinateurs sachant transcrire les mouvements des chars, ainsi que les interactions entre les soldats. Pour un lecteur qui a déjà plongé dans la série Battlefields, ce récit est un peu moins dense. En particulier, Garth Ennis & Carlos Ezquerra avaient raconté 3 récits centrés sur un équipage de char : Garth Ennis' Battlefields Volume 3: Tankies, Garth Ennis' Battlefields Volume 5: The Firefly and His Majesty, Garth Ennis' Battlefields Volume 7: The Green Fields Beyond. Dans ces cas-là, il est possible que l'impact de ce World of Tanks soit moindre.
Les Yeux doux
Il n'y a pas grand chose à ajouter à l'avis de Mac Arthur juste en dessous qui résume parfaitement bien ce que ce copieux one-shot a à nous offrir : une intrigue basée sur Brazil (le film culte de ma jeunesse) et 1984 (le roman culte de ma jeunesse) synthétisée dans un bel écrin agréable au toucher et dont la couverture magnifique a eu un effet immédiat d'attraction. Effectivement Corbeyran nous ressort la sempiternelle histoire d'une société oppressive et étouffante où seules 3 règles subsistent : créer, consommer, surveiller au travers d'une mégalopole morne à peine rehaussée par de splendides pancartes de pin-ups plantureuses et au regard doux. Soit une belle méthode pour contrôler la population et l'entrainer irrémédiablement en détention dès qu'un faux pas est détecté. Une seule industrie existe pour du travail à la chaine dans des conditions inhumaines afin de créer des objets de consommation qui seront vendus dans le seul commerce autorisé. Le tableau esquissé par Corbeyran reste bien classique et le serait tout autant sans le profil de personnages ordinaires irrémédiablement attachants. Il y a Annabelle, Anatole et Arsène. Tous vont subir les affres de cette société : licenciement abusif, abus de pouvoir et rejet de la société vous effaçant progressivement au sens propre comme au figuré. Tout cela est admirablement construit par des dialogues et un rythme simples mais faisant mouche : le trait de Michel Colline y est évidemment pour beaucoup. Choisissant un style franco-belge délicieusement rétro-futuriste, ses personnages possèdent des expressions palpables et les décors sont un régal pour le lecteur. Un peu d'humour, du tragique et un soupçon d'aventure enveloppent cette histoire poétique, presque naïve mais terriblement attachante qui en fait à mes yeux la meilleure surprise de cette rentrée 2024. Si la fin est rapidement expédiée, elle délivre un message peut être pas si manichéen que prévu et atteint son but : vive le changement mais pour quel avenir ? Non vraiment je suis sous le charme absolu de ce livre que je relirais avec beaucoup de plaisir, tant pour l'objet en soi que les dessins et le scénario et vous invite vivement à en faire de même.
Beate et Serge Klarsfeld - Un combat contre l'oubli
Dans son très bel essai, Le Convoi, Beata Umubyeyi Mairesse, survivante du génocide des Tutsi au Rwanda s'étonne que la Shoah ne fut pas plus tôt au centre de la mémoire historique de l'Europe de la seconde moitié du XXème siècle. A mes yeux la série biographique sur le couple Klarsfeld est l'illustration parfaite de cette pensée. Ce documentaire biographique précis et complet n'est pas d'une lecture aisée. Pourtant on peut le voir comme une œuvre essentielle de volonté de justice trop souvent déniée aux victimes des génocides ou des massacres de masse: Shoah, Gitans, Rwanda, Congo, Cambodge pour citer les plus connus. L'originalité du propos est de montrer dans le parcours du couple Klarsfeld, la difficulté de faire reconnaître de façon légale cette indignation légitime et l'acceptation de la vérité historique. J'ai beaucoup aimé la première partie de l'ouvrage qui montre très bien l'état d'esprit des années 60 dont ont profité nombre de bourreaux Nazis ou de Collabos. La volonté de réconciliation, la méfiance vis à vis du bloc communiste ne justifie pas tous les aveuglements de l'époque. J'ai beaucoup aimé la clairvoyance du couple en page 52 quand il cite Jaspers sur la survivance et la continuité de l'Etat allemand à la fin du conflit. Ce qui fut dit pour l'élection à la chancellerie de Kiesinger pourrait probablement s'appliquer pour d'autres personnalités qui ont eu accès à de hautes responsabilités après guerre. C'est un débat difficile qui vaut pour tous les génocides ou massacres entre deux légitimités contraires : l'amnistie de certains et le jugement des autres. La construction du récit n'est pas simple. Elle fait des sauts chronologiques et renvoie à des références historiques peu connues. Ainsi j'ai aimé le rappel par Serge Klarsfeld et l'importance dans son parcours de l'engagement de Hans et Sophie Scholl (lire La Rose Blanche - Des étudiants contre Hitler). Comme la série prend le temps d'approfondir les sujets, les auteurs abordent des thématiques compliquées qui peuvent s'entrechoquées: légalité, légitimité, morale et raison d'Etat... Cela donne parfois des passages assez lourds mais nécessaires pour ne pas être superficiels. J'ai moins accroché à la seconde partie sur Klaus Barbie. Probablement à cause de ma lecture de l'excellent Klaus Barbie - La Route du rat que j'avais trouvé plus tonique. Toutefois l'ensemble est cohérent avec des moments intimistes qui donnent de belles pauses dans un récit très dense. Dans ce genre de thématiques le graphisme passe souvent au second plan. Le trait de Dorange un peu minimaliste correspond bien à ce genre documentaire. J'ai une réserve sur le physique de Beate avec ce nez pointu qui ne correspond pas du tout aux photos de la belle jeune femme. Je trouve que le choix graphique de Dorange fait de Beate un personnage trop pointu et agressif. Cela reste une minuscule appréciation perso. La mise en couleur qui souligne les époques du récit aide bien à la compréhension de la narration. Une belle lecture qui enrichit une thématique très visitée. 3.5
Sin City
Nous voici plongés dans une ville qui se nomme Bassin City, avec ses sombres ruelles où l'on craint pour sa vie, qui sont faiblement éclairées par les néons de clubs de striptease, dont les malfrats, la mafia, les prostituées, flics et politiques corrompus y règnent sans vergogne. Nous suivons dans chaque tome, différents protagonistes dopés sous stéroïde ou tout simplement avec une grosse paire de burnes, dans leurs petits tracas du quotidien que cette ville leur gage sans le moindre respect, qui faut se le dire ne sont pas les mêmes que les communs des mortels. Tous les personnages sont vraiment travaillés sur bien des aspects, mais c'est surtout sur leurs dialogues et punchlines qu'ils nous délivrent de vrais frissons, ce qui leur donnent une réelle authenticité. Le noir et blanc du maitre Miller est vraiment maitrisé à la perfection, ça colle parfaitement à l'ambiance de la ville et à la personnalité de nos anti-héros. J'ai été submergé dans ce polar noir qui a réussi de plus, à croiser les scénarios dans des lieux communs à chaque tome, ce qui est vraiment bluffant. Par une écriture, mais quelle ECRITURE !!! Une mise en scène incroyablement efficace par l'utilisation de la voie off de nos protagonistes avec une réelle profondeur, du vrai théâtre. Je tire mon chapeau à notre traducteur de renom, Henri Loevenbruck pour avoir réussi à nous faire ressentir ce que l'auteur voulait nous transmettre par sa vison de la mise en scène. Une petite déception tout de même pour sa dernière histoire "Retour en enfer" qui utilise des codes différents, qui pourrait plaire car ça casse la routine des premiers tomes, mais pour ma part, ça ne m'a pas convaincu. Sin city vous attend ... Marv, Dwight McCarthy, l'inspecteur John Hartigan et Wallace vous attendent énergiquement également ...
Lightfall
J'ai commencé par pester en empruntant cette série. Des tomes de 250 pages qui pèsent un tonne pour des enfants de 8/10 ans je ne trouve pas cela top pour un bon confort de lecture au fond de son lit. Toutefois ma mauvaise humeur s'est bien vite éteinte avec le contenu de cette très bonne série jeunesse. Le récit et l'ambiance emprunte beaucoup au Seigneur des Anneaux mais Tim Probert a su y mettre son empreinte perso pour proposer un récit entrainant aux multiples rebondissements. La jeune Béatrice n'est pas une héroïne conventionnelle gratifiée d'une multitude de super dons qui aplanissent toutes les difficultés rencontrées. Au contraire dans sa quête pour sauver son grand-père elle emmène ses angoisses paralysantes et ses pensées pleines d'un pessimisme démoralisant. C'est une fragilité touchante qu'elle apprend à surmonter au contact de Cad. Cad est le dernier des Galduriens plein de force, d'optimisme et de gentillesse. Leur cheminement est l'occasion de dialogues d'un excellent niveau pour les enfants parfois même avec beaucoup de finesses sur les notions de confiance en soi, de doute et de positionnement face aux difficultés. C'est très adroitement introduit dans un contexte classique de Bien contre Mal avec une métaphore de la lumière qui laisse place aux ténèbres mortifères si personne ne résiste .On reconnait là les codes de base du genre. Mais Tim Probert conduit sa narration de façon très dynamique sans dispersion à tel point que les 250 pages se lisent d'un trait avec l'envie de de continuer la découverte de la suite sans tarder. Les phases d'actions parfois violentes ( pour des enfants) alternent avec les passages plus introspectifs pour former un ensemble équilibré et cohérent. Il y a même souvent un belle touche d'humour grâce au personnage de Cad qui est une vraie trouvaille de l'auteur. Le graphisme est très moderne et soutient parfaitement le dynamisme de la narration. Ici encore il y un bon équilibre entre la narration du texte et celle des images. Une très belle mise en couleur permet de souligner les passages inquiétants ( à base de bleus) et les passages plus lumineux. C'est très réussi. Une très belle série pour les enfants que j'ai eu beaucoup de plaisir à découvrir.
Butcher Baker - Le Redresseur de torts
De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace - Il s'agit d'une histoire complète, indépendante de toute autre, initialement parue en 8 épisodes en 2011/2012, écrite par Joe Casey, illustrée et mise en couleurs par Mike Huddlestone. Dick Cheney (un ex vice président américain) et Jay Leno (un présentateur d'émission télé très célèbre aux États-Unis) se rendent dans l'établissement préféré de Righteous Maker (un superhéros semi retraité dont le costume évoque le drapeau américain). Cheney actionne avec répugnance la poignée (en forme de sexe masculin) de la porte d'entrée. Ils trouvent le superhéros en pleine orgie avec 4 femmes à ses pieds en train de satisfaire ses besoins (qui impliquent l'utilisation de lubrifiant et de gants en latex). Cheney et Leno viennent proposer une mission clandestine à Maker : exécuter tous les supercriminels emprisonnés dans la prison Crazy Keep, pour faire économiser de l'argent au contribuable. Maker s'acquitte de sa mission en pulvérisant la prison. Mais à son insu, une poignée de détenus ont survécu, dont certains plus dangereux que d'autres. Ils veulent tous la peau de Maker. En se rendant à cette prison, Maker a envoyé la voiture d'Arnie B. Willard (un policier) dans le fossé. Celui-ci a juré de retrouver le chauffard et de lui faire payer très cher son écart de conduite. Il va recevoir l'aide de The Absolute, l'évadé le plus mystérieux de Crazy Keep. C'est un massacre du début à la fin, un outrage aux bonnes mœurs les deux pieds dans le plat, une bordée ininterrompue de jurons, des jaillissements de stupre et de luxure, des grands coups de poing dans la tronche, des décharges d'énergie destructrice, des silhouettes improbables, des couleurs criardes, un transsexuel, un superhéros sur le retour qui ne fait pas dans la dentelle, un patrouilleur des autoroutes à la dignité bafouée, un énorme camion à l'américaine, des parties de jambes en l'air mémorables, et (dans l'édition en VO) une postface de 30 pages dans laquelle Joe Casey se lâche et se donne à fond. Dans ces 30 pages, il effectue une auto-interview d'une demi douzaine de questions parmi lesquelles celle de savoir si ce récit désinhibé, décomplexé et éhonté constitue un métacommentaire. Il se répond à lui-même par le biais d'un va-te faire bien senti. Si le lecteur n'avait pas compris à la lecture de ces 8 épisodes, c'est clair : il n'y a rien à comprendre, rien à chercher, tout est à apprécier au premier degré. C'est à la fois une grande déclaration d'amour au genre Superhéros, et un grand coup de pied dans les roustes, avec un second degré omniprésent renforcé par une provocation de mauvais goût assumé. Les illustrations de Mike Huddleston complètent et renforcent à merveille cette construction dégénérée, ce cri primal, ce défouloir hors norme. En reprenant tout ça dans l'ordre, le lecteur peut constater que Joe Casey raconte une histoire primaire de superhéros, pas plus bête que toutes les autres. Le scénario est solidement construit, la logique interne est respectée, il y a des superpouvoirs, la ligne de démarcation entre superhéros et supercriminels est claire, le combat est manichéen à souhait. Les deux derniers supercriminels à abattre sont les plus retors, il y a même des assistants adolescents (sidekicks) qui sont évoqués, et des costumes moulants colorés aux motifs improbables. Le récit se termine sur une résolution claire et nette. C'est juste qu'il y a une forme franche de promiscuité sexuelle, que la violence est caricaturale et parodique, tout comme les personnages. Casey s'amuse à parodier et à rendre hommage à ses auteurs préférés, Frank Miller et Alan Moore en tête. Si vous restez concentré sans vous laisser déborder par cette déferlante d'énergie bouillonnante, vous pourrez même voir passer un hommage au feuilleton le Prisonnier (avec ce village pour superhéros retraités). Mike Huddlestone compose des pages tout aussi démesurées que les rebondissements du scénario, tout est permis (ce qui ne veut pas dire qu'il fait n'importe quoi). Pour commencer il y a l'exagération des silhouettes des individus dont Huddlesotne s'amuse à augmenter les proportions musculaire (comme le font régulièrement les dessinateurs de comics de superhéros, mais ici avec un effet volontairement de parodie). Il y a aussi régulièrement cet appendice qui pendouille dans l'ombre, entre les jambes de ces messieurs dans le plus simple appareil, et de cet hermaphrodite si étrange. Huddlestone dessine ses personnages avec des contours fortement encrés, une impression de dessin rapidement exécutés (mais un examen plus détaillé montre de savantes compositions). Il a donné une apparence inoubliable à chaque personnage, Righteous Maker indestructible avec une largeur d'épaule impossible, Arnie B. Willard magnifique avec son gros ventre et sa capacité à conserver sa dignité, Jihad Jones très inquiétant dans sa normalité, The Absolutely exceptionnel dans sa silhouette où tourbillonnent des galaxies multicolores. Il joue avec les registres graphiques d'une page à l'autre : de la case juste crayonnée comme une esquisse, à la case dont chaque forme est rehaussée par les complexes schémas de couleurs appliquées à l'infographie. La démesure règne en maître, chaque mouvement est exagéré pour un impact plus grand, chaque expression est soulignée pour mieux transmettre l'émotion. À plusieurs reprises, Huddleston prend exemple sur le mode d'exagération de Bill Sienkiewicz (en particulier dans Elektra assassin) pour faire glisser certaines composantes de ses dessins vers l'abstraction et pour inclure des symboles ou des stéréotypes visuels pour encore décupler la force des représentations. Cette inspiration prend également la forme d'un hommage appuyé à l'une des couvertures de la série Elektra assassin, pour la couverture de l'épisode 7. Dans les 30 pages de postface, Joe Casey utilise le même ton exubérant et bourré d'interjections grossières pour décrire son amour des comics, ses premières expériences de lecture de comics, le besoin vital de lire des comics viscéraux, la nécessité de proposer un comics provocateur qui sort des tripes. C'est une étrange lecture qui tient autant du billet d'humeur enflammé, que de la collection d'anecdotes d'un accro aux comics pour la vie. "Butcher Baker, the righteous maker" constitue une expérience de lecture hors norme, libérant une énergie de tous les instants, rappelant qu'un comics de superhéros doit sortir des tripes, doit emmener le lecteur dans un maelstrom d'actions vives, rapides, inventives, décomplexées, pour une expérience intense et sans égale. Le résultat dégage une vitalité hallucinante à ressentir au premier degré, sans autre forme de métacommentaire. Ce comics est un hommage sincère de Casey et Huddleston à tous les créateurs de comics qui les ont rendus dépendants de leur dose d'aventures délirantes de superhéros costumés impossibles et ridicules, accomplissant des actions extraordinaires, tout en déclamant des dialogues kitch, mais toujours avec panache. Tout fan de comics ressentira cette déclaration d'amour au plus profond de son être, vibrera à ces actions d'éclat délirantes et décomplexées. Les autres risquent de n'y voir qu'un ramassis de ce qu'il y a de pire dans les comics, de plus superficiel, de plus débilitant. Dans la postface, il compare ce comics à une version non éditée des comics habituels, espérant que les lecteurs ressentiront ce qu'il à ressenti lorsqu'il a découvert la version non éditée du film Les Guerriers de la nuit (Warrior, 1979, réalisé par Walter Hill) par rapport à celle éditée (scènes violentes plus courte) pour diffusion sur les chaînes du câble. Joe Casey refuse la tiédeur consensuelle et a décidé d'intituler son prochain projet Sex. Une seule certitude : ça ne va pas plaire à tout le monde.
Secret wars (Hickman & Ribic)
Un crossover pour les gouverner tous - Ce tome comprend les 9 épisodes de la série, initialement parus en 2015/2016, écrits par Jonathan Hickman, dessinés et encrés par Esad Ribi?. La mise en couleurs a été réalisée par Ive Scorcina. Il comprend aussi le prologue de 10 pages parus dans Free comic book day 2015, également écrit par Jonathan Hickman et mis en image par Paul Renaud. Il comprend les 9 couvertures originales d'Alex Ross, ainsi que les 44 couvertures variantes. Toutes les couvertures ont été placées à la fin du récit, le chapitrage étant assuré par des pages blanches avec un titre spécifique, comme il est de coutume dans les comics écrits par Hickman (et qui a réussi à l'imposer même dans ses travaux pour Marvel). Cette histoire se déroule après les 70 épisodes des séries Avengers et New Avengers écrits par Jonathan Hickman. Il constitue un événement majeur dans l'univers partagé Marvel, dans la mesure où toutes les séries mensuelles se sont arrêtées pour être remplacées par des titres se déroulant sur Battleworld. Il marque également 30 ans d'anniversaire des premières guerres secrètes parues en 1985 : Secret Wars de Jim Shooter et Mike Zeck. Les Terre alternatives de l'univers Marvel ont disparu, détruite au cours de phénomènes appelés Incursion. Il ne subsiste plus que la Terre 616 (la Terre principale), et la Terre 1610 (la Terre des Ultimate). Suite à un plan complexe, Victor von Doom est devenu le Dieu de toute la réalité, et a réussi à sauver quelques morceaux de différentes Terre, pour constituer une terre composite appelée Battleworld. Cette planète artificielle est composée d'une quarantaine de territoires gouvernés par des Barons, tels que Mister Sinister, Ultron, Goblin Queen, Annihilus, Maestro, Apocalyspe, Hydra, Magneto, etc. Le territoire de Doom (Doomgard) est séparé des autres par un mur appelé SHIELD. Le prologue montre Doom faisant face à ceux de l'au-delà (beyond). Puis la scène change pour passer aux derniers moments d'existence de la réalité sur Terre, alors que se produit l'ultime Incursion, la collision entre la Terre 616 et la Terre 1610. Par la suite le récit se déroule sur Battleworld dont Doom en est le dieu incarné. La police entre les baronnies est assurée par l'escadron des Thor (de nombreuses variantes de Thor). Doom reçoit les barons qui viennent se plaindre de leurs voisins, par exemple Captain Britain insulté par Mister Sinister. Stephen Strange est le bras droit de Victor von Doom. La Fondation du Futur vient de découvrir un vaisseau étranger à Battleworld, lors d'une expédition archéologique. Il semblerait qu'il y ait des individus à bord. N'importe quoi ! Le crossover de crossovers : ils ne savent plus quoi inventer chez Marvel. Toutes les séries satellites de cet événement portent le nom d'un crossover ou d'un événement passé : Civil War, Age of Ultron, Planet Huk, Infinity Gauntlet, Age of Apocalyspe, Korvac Saga, Marvel 1602, etc. En plus le point de départ est un copié/collé de House of M (avec Doom à la place de Magneto) et des Secret Wars initiales. Le degré zéro de la créativité. Effectivement quand DC et Marvel annoncent leur événement de l'année en 2015, le premier semble innover alors que le second semble recycler tout ce qui lui passe par la main, en allant chercher dans les fonds de tiroir pour faire bonne mesure. En prime, les communiqués de presse annonçaient la fin de l'univers Marvel (laissant sous-entendre son redémarrage à zéro par la suite), alors que quelques semaines plus tard les annonces des série ultérieures à l'événement indiquaient qu'il n'y aurait pas de remise à zéro. Mais alors que DC a publié des séries satellites de 2 épisodes chacune réalisées par des équipes créatives pas enthousiasmantes (juste pour occuper le planning de publication, pendant que leurs bureaux déménageaient de la côte Est à la côte Ouest), Marvel publie des miniséries satellites en 4 ou 5 épisodes, réalisées par les équipes créatives des séries mensuelles ou des créateurs reconnus. En outre, Secret Wars est la culmination des deux séries Avengers écrites par Hickman (qui avait déjà orchestré un excellent crossover avec Infinity en 2013), et même de ses épisodes de la série Fantastic Four, à commencer par Dark reign - Fantastic Four. C'est toujours la même chose ! L'éditeur Marvel demande à un de ses scénaristes phares du moment de pondre un récit artificiel pour que tous les superhéros se tapent dessus, en promettant que plus rien ne sera jamais comme avant, et toute conséquence a disparu 3 mois après, pour un retour tiède au statu quo. Il s'agit d'affrontements déconnectés de toute réalité, sans apparition d'être humain normal, une sorte d'autocélébration incestueuse entre superhéros. En outre, il y a tellement de personnages qu'ils sont réduits à autant de coquilles vides sans personnalité, se distinguant uniquement les uns des autres par les motifs de couleurs chamarrées sur leur costume moulant, et par la couleur des énergies qu'ils émettent. Certes, c'est un récit de superhéros, avec des gugusses en costume moulant, des superpouvoirs impossibles et baroques. Oui l'intrigue se déroule sur la base d'une enquête pour comprendre comment Victor von Doom en est arrivé là, jusqu'à une confrontation physique finale contre son plus grand ennemi. Oui, il y a beaucoup de personnages et la plupart ne peuvent exprimer leur personnalité que le temps d'une ou deux répliques maximum. Oui aussi, Jonathan Hickman pioche à loisir dans le riche univers partagé Marvel pour mettre en scène des personnages qui lui plaisent ou qui lui sont imposés pour des raisons éditoriales (oui, il y a Groot et Rocket Raccoon, Miles Morales, un inhumain issu de la famille royale). En plus le dessinateur est cramé avant la fin, victime d'un burn-out engendré par la quantité de gugusses à dessiner et la longueur interminable de la série (9 épisodes quand même). Esad Ribi? a dessiné toute la série et l'éditeur Marvel s'est fait conspuer parce que le dernier épisode est paru avec 3 mois de retard, soit après les premiers numéros des séries post-événement. Il est sûr que si le même éditeur avait tout fait pour tenir les délais (= remplacer Ribi? par le premier venu), il se serait tout autant fait critiquer. Au moins le lecteur qui découvre le récit sous format d'un recueil complet a le plaisir de voir une histoire racontée par les mêmes personnes du début jusqu'à la fin. Esad Ribi? est un artiste qui a travaillé avec JM Straczynski sur une histoire du Silver Surfer, avec Peter Milligan pour une histoire de Namor, avec Rick Remender sur Uncanny X-Force, avec Jason Aaron sur Thor god of thunder, et déjà avec Hickman pour 9 épisodes des Ultimates. Il dessine les personnages de manière réalistes, avec des contours en trait fin, donnant une apparence un peu éthérée à ce qu'il représente. De prime abord, le choix de confier ce récit à Esad Ribi? apparaît étrange. Le côté léger de son trait peine à donner assez de consistance aux affrontements, ne confère pas une présence massive à ces superhéros ou aux supercriminels. Cet état de fait est accentué par le choix d'Ive Scorcina qui utilise des couleurs délavées, un peu pastel, donnant une apparence un peu fade à la page. Ce parti pris esthétique crée d'entrée de jeu un décalage avec les conventions visuelles des comics de superhéros, en insistant moins sur la force et le spectaculaire pyrotechnique, en créant une ambiance différente de l'ordinaire des comics de superhéros. Il est possible de comparer ce phénomène à celui produit par les dessins très altiers et élancés d'Olivier Coipel pour House of M : un esthétisme différent qui indique que l'histoire est placée en dehors de la continuité normale, avec sa propre cohérence Dès le début, Esad Ribi? s'astreint à représenter les personnages en cohérence avec leur apparence dans leur série mensuelle du moment (la coupe de cheveux d'Hulk par exemple, ou le costume de Thanos conforme à celui du film Avengers). Puis il apporte des modifications plus ou moins importantes aux personnages à partir du moment où l'histoire se déroule sur Battleworld. Ce travail de réappropriation graphique aboutit à une version de Doom tout habillé de blanc, toujours majestueux et condescendant et paradoxalement plus inquiétant. L'artiste s'en sort également très bien avec Stephen Strange. Il lui conserve une morphologie sans musculature surdéveloppée, avec un visage montrant son âge (quadragénaire). Il reprend l'allure de Reed Richards tel que l'avait conçu Kev Walker dans la série Avengers (avec la barbe). De ce point de vue, chaque personnage se distingue immédiatement des autres, avec une forte identité graphique pour tous. Dès le début, le lecteur constate également qu'Esad Ribi? s'économise sur les décors. Il le fait avec intelligence, c’est-à-dire qu'en début de chaque séquence, il prend du temps pour montrer l'environnement dans les détails. Par la suite, il n'est rappelé que par quelques traits, et pendant les scènes d'affrontements physiques, les arrière-plans se vident de toute information visuelle. Ive Scorcina ne possède pas le talent de Dean White ou de Dave Stewart pour utiliser les couleurs afin de transcrire l'intensité des affrontements, pour accompagner les mouvements par des dégradés progressifs de couleurs, ou pour transformer l'arrière-plan en un spectacle pyrotechnique qui en met plein les yeux. Il se contente de donner un peu de volume avec des camaïeux discrets à la poussière soulevée. Sur ce plan la narration visuelle manque un peu de consistance. Par contre la mise en scène amalgame une dramaturgie théâtrale avec des mouvements de caméra pour mieux montrer les déplacements des personnages, leur langage corporel, leurs mouvements. Esad Ribi? sait faire apparaître les émotions des personnages sur leur visage, leur état d'esprit dans leur posture. Il a le sens du spectacle pour les moments révélateurs qu'il s'agisse d'une cérémonie protocolaire d'enterrement, de l'apparition d'un personnage, ou encore d'une harangue sur une pente herbue. Ive Scorcina fait preuve d'une sensibilité artistique pour choisir la teinte dominante de chaque séquence, et ainsi établir une impression durable. L'épilogue (toujours dessiné par Esad Ribi?) montre qu'il n'est pas cramé et qu'il a mis à profit le temps supplémentaire qui lui a été alloué pour faire en sorte que les visuels soient raccords avec l'intention de l'auteur qui est de boucler avec une situation montrée dans le premier épisode New Avengers. Soit ! Les dessins ne sont pas trop mal, mais l'intrigue reste un prétexte ressortant tous les artifices de l'univers partagé Marvel, utilisés jusqu'à la nausée depuis des décennies. Non seulement il y a un recyclage de la situation de House of M dans un What if? qui ne dit pas son nom, mais en plus il y a même le Gant de l'Infini. En plus il y a tellement de personnages qu'il faut une encyclopédie pour s'y retrouver. Jonathan Hickman joue le jeu du crossover ou de l'événement. Il est un employé qui travaille pour un éditeur, avec un cahier des charges très contraignant. Il effectue son travail en en respectant les spécifications. Le lecteur peut le regretter, mais il n'est pas pris par surprise. Il sait qu'il s'engage dans un récit fédérateur à l'échelle de tous les comics Marvel du moment, avec pléthore de personnages, et un enjeu à l'échelle de toute la réalité. Il utilise les jouets qu'on lui a imposés. Il le fait avec respect, ce qui veut dire qu'il a bien fait ses devoirs et qu'il respecte les caractéristiques principales de chaque objet de pouvoir et de chaque personnage. Dans cet ordre d'idée, il s'en tire mieux que beaucoup de ses collègues, comme il l'avait déjà prouvé dans Infinity. Certes Thanos n'a pas l'ampleur qu'il peut avoir dans les récits de Jim Starlin, mais il n'est pas relégué à l'état de simple supercriminel. Comme dans tous les autres crossovers, il est possible de comprendre l'intrigue sans connaître tous les personnages. On peut s'amuser de voir passer Toothgnasher ou Toothgrinder, sans savoir d'où ils sortent. Quand même, ce Secret Wars donne l'impression d'être l'aboutissement de tout le travail de Jonathan Hickman depuis ses débuts sur Fantastic Four (on a échappé à ses Secret Warriors, c'est déjà ça), c’est-à-dire depuis 2009, soit six ans de continuité interne à son œuvre. C'est dire si c'est incompréhensible. À un moment il faut choisir son camp : on ne peut pas accuser Jonathan Hickman de pondre un crossover industriel de plus, et dans le même temps d'écrire une histoire personnelle construite pendant 6 ans. Donc le scénariste fait ce qu'on demande de lui et intègre de temps à autre une image ou une page évoquant ce qui se passe dans une ou plusieurs baronnies pour donner un semblant de légitimité aux miniséries satellites. Il mène à bien son intrigue des séries Avengers, avec la dernière incursion qui aboutit à la création de Battleworld, et au nouveau statut de Victor von Doom. Il apporte une touche finale à ses histoires pour les Fantastic Four. Il rapatrie le Reed Richard de l'univers 1610 qu'il avait bien développé pendant la saison qu'il avait écrite des Ultimates. Il fait même un clin d'œil à sa série Secret Warriors (son premier travail pour Marvel), avec Nikola Tesla qui apparaît le temps d'une page (il s'agit d'ailleurs plus d'une référence à sa série sur le SHIELD). Le lecteur plonge dans une situation que Jonathan Hickman prend le temps d'expliquer. Il y a une brève introduction de 3 pages montrant Doom et 2 autres face à un pouvoir incommensurable, puis tout un épisode consacré à la dernière Incursion, montrant la fin des Terre 616 et 1610. Puis le récit commence sur Battleworld. Au fil du récit, le lecteur apprend comment Doom a acquis le statut de dieu, pourquoi cela lui est arrivé à lui et pas à un des 2 autres à ses côtés. Parallèlement plusieurs personnages essayent de comprendre la situation et d'en prendre la mesure. Effectivement le récit ne rappelle pas comment Stephen Strange s'est retrouvé aux côtés de Doom. Effectivement Owen Reece semble reprendre le même rôle que durant les premières Secret Wars. Effectivement la participation d'un moloïd et de la Fondation du Futur parle plus à un lecteur des Fantastic Four d'Hickman. De même que le ralliement de Black Swan (Yabbat Tarru) aura plus de sens pour qui a lu les séries Avengers. Effectivement le récit se termine par un affrontement entre Doom et son ennemi. Il n'en demeure pas moins que Jonathan Hickman raconte une vraie histoire, avec un suspense quant à la façon dont Doom sera défait, et aussi quant à la manière dont il a acquis son statut. Le scénariste utilise les personnages mis à sa disposition à bon escient. Il est par exemple savoureux de voir Thanos confronter Doom, en lui rappelant que lui aussi dispose d'une certaine expérience en matière d'exercice divin. Il est assez rigolo de voir Valeria Richards rappeler à Doom qu'omnipotence ne signifie pas omniscience. Hickman sait faire ressortir l'histoire personnelle de plusieurs personnages de manière naturelle, leur conférant un minimum de personnalité. Jonathan Hickman manipule sa distribution pléthorique avec une grande adresse, réussissant à ne perdre aucun personnage en cours de route, à donner un petit moment à la plupart, et à développer ceux qui jouent un rôle plus important. Le lecteur apprécie la manière dont le scénariste étoffe le caractère de Doom, sans trahir le fond de sa personnalité. Ce personnage bénéficie d'une explication convaincante quant au fait qu'il ait endossé le rôle de dieu pour sauver ce qui pouvait encore l'être. Hickman expose la motivation première de Doom avec une réelle sensibilité psychanalytique et une grande pertinence (sans verser dans la psychologie de comptoir). Il lui restitue toute sa dimension tragique, dans le rôle du personnage central d'un roman noir. Pour le combat final, il reprend la grande tradition Marvel (des années 1960 et 1970) d'un combat physique qui se double d'un affrontement idéologique. Il intègre la notion de famille (inséparable des histoires des Fantastic Four), avec une approche un peu différente et complémentaire de ses épisodes des FF. Il a réservé un sort étonnant et logique à Johnny et Ben. Il conclut son récit en bouclant sur le début, à la fois par le retour sur la phrase "Tout meurt" prononcée par Reed Richards tout au début du premier épisode des New Avengers, à la fois par un passage au Wakanda. Mouis, mais quand même, on a l'impression qu'Hickman a abandonné une partie de son intrigue pour les séries Avengers, car il n'y a plus ni Builders, ni Makers. Le scénariste avait mené cette intrigue à son terme dans les séries Avengers. En prenant un peu de recul, le lecteur s'aperçoit qu'il continue de filer la métaphore de cet aéropage de créatures floues (makers, builders, mapmakers). Quand Doom se retrouve dieu de la réalité, le lecteur peut y voir la métaphore du scénariste tout puissant présidant à la destinée de tout l'univers partagé Marvel. Sous cet angle de vue, cette partie de Secret Wars devient une métaphore du caractère diminué, voir stérile de cet univers partagé s'il était confié à un seul et même créateur ou artiste. De même la posture de Doom implique une forme d'immobilisme de ce monde, chaque individu étant cantonné dans une forme e stase immuable. L'enquête menée par une poignée de personnages sous-entend qu'il y aura toujours des évolutions par rapport à ce statu quo, justifiant par là les libertés que certains auteurs prennent avec les personnages Marvel (au hasard, Peter Parker en chef d'entreprise à succès, ou Otto Otavius devenant un Spider-Man supérieur). Contre toute attente, malgré toutes les contraintes du crossover, malgré les exigences éditoriales, contre vents et marées, Jonathan Hickman raconte une histoire de superhéros dans laquelle le lecteur peut déceler sa voix d'auteur, à la fois dans la structure du récit (une de ses marques de fabrique), mais aussi dans le discours tenu par les personnages, les convictions et les valeurs qu'ils affirment. Secret Wars version 2015 constitue une fin à la hauteur des séries Avengers et New Avengers, un crossover réussi, un hommage incroyable aux premières Secret Wars de Jim Shooter et Mike Zeck, un crossover pour les rassembler tous, les recycler tous (presque tous, il n'y avait pas Fear Itself ou Secret Invasion, et sûrement beaucoup d'autres) et trouver sa place légitime parmi eux (et savoir s'il y aura des conséquences durables ou non n'obère en rien ses qualités). Enfin, en partant, Jonathan Hickman laisse l'univers plus riche de personnages qu'il ne l'était quand il est arrivé. Il a mis à profit la nature même de ces héros récurrents dont les droits sont détenus par une entreprise commerciale, pour bâtir une œuvre personnelle, en appliquant le principe de l'économie circulaire (réutiliser ces personnages dont l'essence a été maintes fois extraite, en y trouvant encore de l'inspiration).
Birdking
Un premier tome prometteur. Un album tous publics qui ravira principalement les adolescents, mais pas seulement, j'en suis la preuve. Daniel Freedman au scénario (Kali) et Crom au dessin, citent Miyazaki ou encore le jeux vidéo Dark Souls comme sources d’inspirations. Ce Birdking est leur deuxième collaboration après "Raiders". Les auteurs nous entraînent dans de la dark fantasy sombre et légère à la fois. Bianca, jeune apprentie forgeronne, est forcée de fuir son pays en guerre et de partir à la recherche d'Atlas, une terre légendaire, elle sera accompagnée par le silencieux et imposant Birdking, l'esprit d'un roi. Un album qui ne révolutionne pas le genre, mais il prend le temps de s'attarder sur Bianca et ainsi de s'attacher à cette délicieuse jeune fille au tempérament bien trempé. Un premier tome qui met en place un univers dense, complexe et mystique dont il reste encore beaucoup à découvrir. Le début d'une saga rondement menée, c'est fluide, palpitant et très agréable à lire. Le titre prend tout son sens. Je découvre Crom et je suis sous le charme de son dessin au trait vif, précis et expressif. Un dessin singulier me rappelant celui de Mike Mignola mais avec une touche de manga, notamment dans l'expression excessive de certains visages. Un délicieux mélange. J'ai aimé le choix des couleurs et la créativité dont Crom a fait preuve pour les personnages, ainsi que pour les rares décors. Sobre, mais très efficace ! Une très belle découverte et vivement la suite. Tome 2. Un second opus qui confirme, beaucoup plus dans l'action, on entre de plein fouet dans cette saga, ce qui permet d'en connaître beaucoup plus sur ces mondes mystérieux. Du déjà vu, mais la réalisation est parfaite et les surprises seront au rendez-vous. Un dosage parfait entre scènes de batailles et moment plus calme pour développer les - nouveaux - personnages. Visuellement, toujours autant de plaisir. Vivement le tome 3.