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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Femme rebelle - L'histoire de Margaret Sanger
Femme rebelle - L'histoire de Margaret Sanger

Rebelle pour une cause - Il s'agit d'un récit complet, indépendant de tout autre, publié sans sérialisation. Sa première édition date de 2013. Il est écrit, dessiné, encré et mis en couleurs par Peter Bagge (plus connu pour sa série sur Buddy Bradley, voir Buddy Bradley, Tome 1 : En route pour Seattle). Il commence par une introduction de 2 pages rédigée par Tom Spurgeon, un spécialiste des comics. Il se termine par un texte de 2 pages dans lequel Bagge explique ce qui l'a motivé à réaliser une bande dessinée sur Margaret Sanger. Suivent 18 pages de texte en petits caractères, dans lesquelles il précise le contexte des événements évoqués dans cette biographie, ainsi que l'identité des différentes célébrités apparaissant. Il termine avec une brève biographie, précisant les textes à parti desquels il a conçu son ouvrage. Cette histoire constitue une biographie de la vie de Margaret Sanger, en 72 pages de bandes dessinées. La première séquence se déroule dans les années 1880, alors que la jeune Margaret (née en 1879) va chercher son père en ville, en compagnie de ses frères, car un client le réclame à la maison, pour tailler une pierre tombale. Dans la séquence suivante, Margaret accompagne l'un de ses frères (d'une famille de 18 enfants) pour aller déterrer le cadavre d'un de leur frère mort jeune. Dans les pages suivantes, le lecteur suit ainsi la vie de Margaret Sanger, jusqu'en septembre 1966. Chaque séquence est assez courte (entre 1 et 3 pages) et revient sur une anecdote ou un événement dans la vie exceptionnelle de cette femme. Elle a consacré sa vie à la promotion des moyens contraceptifs aux États-Unis, allant du lobbying pour leur légalisation, à l'aide au développement de nouveaux moyens. Elle a croisé la route de personnages célèbres comme Herbert George Wells, John D. Rockefeller, Pearl Buck, et des hommes d'état éminents comme le Mahatma Mohandas Karamchand Gandhi. Lorsque que le lecteur découvre cet ouvrage, il s'interroge sur le bienfondé d'une biographie réalisée par Peter Bagge. Cet artiste réalise des dessins incluant une forte dimension caricaturale qui ne semble pas adaptée à une évocation historique. Dans la postface, il évoque ses difficultés à trouver des références photographiques pour que ses personnages soient ressemblants. le lecteur est en droit de s'interroger sur la nature de cette ressemblance. Bagge ne dessine pas du tout de manière photographique ou même réaliste. Bagge dessine les décors et les environnements de manière simplifiée, comme dans un dessin animé pour enfants. Il s'inscrit dans un registre qui tire les objets vers des épures, à l'opposé d'une forme descriptive souhaitant recréer l'objet en question. Il suffit de regarder comment il représente un lit ou un bat-flanc dans une cellule de prison : les traits sont droits et assurés, mais il délimite la forme de manière générique, sans se préoccuper des détails du modèle représenté. Il serait vain de tenter d'identifier une façade ou un détail architectural dans la représentation des immeubles d'un quartier défavorisé de New York en 1912 (page 13). Cela ne veut pas dire que ses dessins sont banals ou insipides. L'artiste les épure pour les rendre le plus facilement lisibles. Toutefois, le lecteur peut aussi constater que les tenues vestimentaires évoluent au fil des années qui passent, par exemple les robes laissant par la place aux pantalons pour les femmes, ou le port des chapeaux venant à disparaître. le lecteur peut donc regretter que les images ne transmettent pas plus d'informations visuelles sur l'époque et les lieux. La façon dont Peter Bagge dessine les personnages est beaucoup plus remarquable. Il exagère de manière prononcée les arrondis pour certaines parties du corps (surtout les bras) et pour les visages. Majoritairement Bagge représente les bras sous forme d'arc de cercle, sans marquer l'angle que fait le coude. Cela confère une apparence de bras en caoutchouc, une modélisation de l'anatomie qui fait penser à l'enfance, alors qu'il l'applique à tous les âges. Les visages présentent une apparence tout aussi remarquable, avec des formes de bouche très exagérées, des dents représentées comme des rectangles plats et blancs de taille uniforme. Les yeux ont souvent la forme de cercle, et régulièrement la forme d'amande. Contre toute attente les personnages arborent des expressions très parlantes, car ces représentations ont pour effet de les exagérer plutôt que de les affadir. L'artiste n'hésite à emprunter des codes visuels appartenant au registre de l'enfance, tel un adulte qui tire la langue quand il s'applique. Peter Bagge utilise donc son mode de représentation habituel, dans l'exagération comique, avec un effet étrange sur la narration de cette biographie. Ce registre graphique lui permet de représenter les événements les plus atroces, sans donner l'impression de voyeurisme ou de dramatisation sensationnaliste (même quand il s'agit d'une femme perdant son foetus au cours d'une manifestation où elle a été rouée de coups par les forces de l'ordre). Il a aussi pour effet de focaliser l'attention du lecteur plus sur le ressenti des personnages (exprimé par ses visages aux traits exagérés) que sur le fond de ce qui est en train de se jouer (la cause de la contraception). Le choix du découpage en courte séquence éloigne encore plus cette BD d'une biographie académique. de temps à autre, le lecteur éprouve l'impression que Bagge conçoit une séquence (de 1 à 3 pages) comme une forme de tranche de vie, avec une chute en fin de séquence. Cela insiste sur le caractère immédiat de la scène, en la détachant artificiellement de son contexte, c'est-à-dire la vie de Margaret Sanger. Le lecteur plonge donc dans une narration très personnelle au service d'une personnalité très controversée. Dans la postface, Peter Bagge explique qu'à ses yeux Margaret Sanger est la personne grâce à qui la contraception a été légalisée aux États-Unis, et qui a permis aux recherches sur la pilule d'aboutir. Il la voit donc comme la femme ayant permis le contrôle des naissances, ayant permis aux femmes de s'émanciper de leur rôle de reproductrice, et d'avoir un choix. En bon américain, il estime que ses actions ont eu un retentissement à l'échelle de la planète. Pourtant à lire cette biographie, le lecteur ne ressent pas ce parti pris de manière si affirmée. Bagge explique qu'il a dû choisir parmi les moments incroyables qui abondent dans la vie de cette dame exceptionnelle, qu'il a dû transiger sur la vérité historique à quelques reprises pour que cette BD conserve une taille raisonnable et qu'il s'est attaché à donner des éléments de contexte. Le lecteur peut effectivement suivre le parcours de vie de Margaret Sanger au travers d'épisodes sortant tous de l'ordinaire sans exception. Il se fait une idée approximative des difficultés auxquelles elles se heurtent (procès, exil loin de ses enfants, instrumentalisation, etc., un vrai roman). Il comprend dans les grandes lignes comment elle-même se révèle excellente manipulatrice des médias, et pour quelles raison elle acquiert une mauvaise réputation (même au-delà des ligues de vertus opposées à la contraception). Peter Bagge réussit à faire ressortir à la fois la raison pour laquelle Margaret Sanger prend des décisions équivoques, comment elle les justifie, et pour quelles raison elles apparaissent contre-productives. Ainsi il décrit une intervention de Sanger devant une assemblée féminine du Ku Klux Klan où elle a été invitée. Il souligne que déjà à l'époque (1926) cette organisation était plus que tendancieuse, pourquoi Sanger estime qu'elle doit faire son discours, et comment il est récupéré par la suite. Au final, le lecteur ressort très satisfait d'avoir découvert la vie (en accéléré) de cette militante pour la contraception, sous une forme divertissante (les dessins, les émotions) qui s'avère pédagogique sans être académique. Il attaque donc les 18 pages de la postface en souhaitant en apprendre plus. Il s'agit d'annotations explicatives de chaque séquence, un peu indigestes, oscillant entre justification de l'auteur et anecdotes pas toujours judicieuses.

21/04/2024 (modifier)
Par pol
Note: 4/5
Couverture de la série Mahar le lionceau ou l'enfance perdue des jeunes soldats de Daech
Mahar le lionceau ou l'enfance perdue des jeunes soldats de Daech

Il y aurait tellement à dire sur cet album qui rapporte un témoignage extraordinaire. Celui de Mahar un jeune enfant enlevé par Daech à l'âge de 10 ans pour l'enrôler bien malgré lui. La scénariste, une journaliste, à réussi à l'interviewer à plusieurs reprises après la chute de l'organisation islamique. Il est alors âgé d'une vingtaine d'années et livre avec un peu de recul un témoignage sur ce qu'il a vécu. L'actualité des dernières années est fortement marquée par ces conflits, on est abreuvé d'infos et d'images sur Daech, le terrorisme est malheureusement d'une récurrence quasi quotidienne dans les JT. Ces infos et ces images ont de quoi saper le moral. Mais là on est encore un cran au dessus. Des enfants... des enfants de 10 ans ! Kidnappés, arrachés à leur famille, endoctrinés, des privations de nourriture, des bourrages de crâne à coup de propagande nauséabonde, rabâchée encore et encore. Des enfances volées pour fabriquer des soldats de 13 ans prêts à tirer à la kalachnikov et même à commettre des attentats suicide. Voilà la triste réalité du monde qui nous entoure. Honnêtement on n'a pas envie d'y croire tellement c'est révoltant. Que certains adultes, aux nom d'idéaux discutables, se fassent la guerre c'est une chose, mais arracher des gosses insouciants et innocents à leur famille pour s'en servir comme soldats, c'est monstrueux. Cet album met en lumière cette facette de Daech. Les différents chapitres relatent les grandes étapes de l'histoire de Mahar : son enlèvement, son endoctrinement, sa formation de soldat, et sa contribution à la guerre. Mahar ne parait même pas forcément sympathique ou attachant. Mais c'est même pas la peine, c'est raconté avec les mots justes et c'est ça qui en fait un album "désagréable" à lire. Un album qui file un mauvais gout dans la bouche. Au final, j'aurais très vite oublié le nom des villages syriens attaqués, le nom de telle ou telle bataille en Irak, mais peu importe, l'important du propos n'est pas là. En fin de compte le seul reproche qu'on peut faire à ce récit c'est qu'il n'est peut être pas suffisamment poignant. Il manque un petit quelque chose, peut être parce que Mahar est anonymisé et qu'il n'est pas attachant ? Mais ce livre n'est pas vraiment émouvant malgré la dureté du propos, non il est plutôt effrayant et révoltant.

21/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Le Gant de l'Infini - Le Défi de Thanos
Le Gant de l'Infini - Le Défi de Thanos

Un nouveau dieu omnipotent est né ! - Dans Rebirth of Thanos (épisodes 34 à 38 de la série Silver Surfer & les 2 épisodes Thanos quest), Thanos a acquis les 6 gemmes de l'infini. Il dispose maintenant d'un pouvoir qui fait de lui l'égal d'un dieu. Pas un dieu à la sauce Marvel, un dieu qui a tout pouvoir sur les composantes de l'univers : le temps, l'espace, le pouvoir, l'esprit, la réalité et l'âme. Il a aussi bien le pouvoir d'anéantir l'univers entier que de créer tout et n'importe quoi (même la vie) à son bon vouloir. Thanos est Dieu dans l'acceptation pleine et entière du terme, il est omnipotent dans le sens littéral du terme. Et il est amoureux de la personnification de la Mort. Quelque part dans l'espace, il réfléchit à ses actions. Mephisto (le Satan de l'univers Marvel, celui qui collecte les âmes des pêcheurs) est aux cotés de Thanos. Mais ses premiers jours en tant qu'être suprême commencent mal : la Mort le repousse pour différentes raisons. Il faut qu'il crée une action à la mesure de son amour. D'un simple claquement de doigt il met fin à la vie de la moitié des êtres vivants de l'univers. L'instant d'avant il y a avait 40 personnes devant vous sur le trottoir, l'instant d'après il n'y en a plus que 20 (si vous faîtes partie des survivants). Il en est de même partout dans l'univers, quelle que soit la planète considérée. Il s'occupe également de manière créative de Nebula, celle qui prétend être sa petite fille. Sur Terre les superhéros ne peuvent que constater bêtement la disparition de la moitié de la population humaine. Dans une chambre d'hôtel minable, 3 défunts se métamorphosent petit à petit en troll, en femme à la peau verte et en cocon. Jim Starlin revient chez Marvel, il prend les mêmes et il recommence. C'est le premier constat du fan qui ne peut être que déçu de la solution de facilité choisie : ramener à la vie Thanos, Adam Warlock, Pip et Gamora. Mais bon, tous les lecteurs ne sont pas forcément bloqués comme moi sur les travaux précédents et Starlin déroule une drôle d'histoire. Avec un tel ennemi, il est évident que les superhéros de la Terre ne font pas le poids. Thanos n'est pas le premier maître du monde venu. Il a déjà eu un avant goût de cette omnipotence en mettant une première fois la main sur un cube cosmique, et une deuxième fois en parasitant la gemme de l'âme de Warlock. En plus, c'est un stratège exceptionnel comme il l'a prouvé en récupérant les 6 gemmes en dépit de la volonté de leurs propriétaires. Un seul espoir : le plan indéchiffrable de Warlock, personnage inconnu des superhéros terriens. Du début jusqu'à la fin, Warlock manipule les interventions des superhéros dans l'ombre. du début jusqu'à la fin les superhéros vont au casse-pipe sans presqu'aucun espoir. Assaut après assaut, Thor, Namor, Iron Man, Firelord, Wolverine, Scarlet Witch, Drax, Hulk, Cloak, Quasar et Captain America se font massacrer. Et pourtant, Starlin renouvelle chaque combat pour des enjeux toujours plus colossaux, avec des tactiques échevelées. Malgré l'omnipotence de Thanos, Starlin arrive à faire croire au lecteur que les superhéros ont une infime chance de gagner. Il glisse un clin d'oeil à Les guerres secrètes avec le rôle de Doctor Doom. Il varie les stratégies et il varie la configuration des attaquants en convoquant les personnages les plus puissants de l'univers Marvel (oui il y a Galactus, mais pas seulement). On reconnaît là tout le savoir faire de Starlin qui réussit une fois encore à montrer la cohérence entre toutes ces entités nées de créateurs différentes dans des séries différentes. En termes de destruction, Starlin ne fait pas les choses à moitié car Thanos ne s'arrête pas à supprimer la moitié des êtres vivants, il a encore d'autres actions de destructions massives en réserve. Thanos est un nihiliste assez primaire : il aime la Mort donc il n'hésite pas à détruire la vie pour offrir à l'élue de son coeur un cadeau somptueux. Coté illustrations, les dessinateurs suivent tant bien que mal. George Perez dessine trois épisodes et demi, puis quitte le navire. Il déclarera plus tard qu'il n'avait pas réussi à s'investir dans un scénario qu'il trouvait trop mécanique. Cela ne l'empêche pas de réaliser un travail très professionnel avec une mise en page toujours aussi claire quel que soit le nombre de personnages. Perez a une vision vraiment intelligente de la mise en scène des combats et du choix des angles de vue. Tout est lisible, l'impact des coups est ressenti par le lecteur, ainsi que le sentiment d'impuissance et de désespoir grandissant des superhéros. Thanos est massif et majestueux de bout en bout. Warlock est mystérieux et indéchiffrable. Mephisto est ambigu et retors. Les scènes de destruction massive sont très impressionnantes qu'elles soient en sous-entendu (Thor qui survole les flots là où il y avait avant le Japon), ou explicites (Black Widow à bout de forces, témoin du décès d'une femme dans l'effondrement d'un immeuble). À partir de l'épisode 4, Ron Lim vient en renfort et il dessine tout seul les 2 derniers épisodes. Les illustrations perdent en détails et en réalisme (en particulier les visages manquent de finesse), mais elles gagnent en impact visuel brut. L'équipe de créateurs proposent une fin du monde inéluctable au cours de laquelle les superhéros déploient des trésors de ressource et d'inventivité en pure perte. Tout leur courage ne sert à rien. Mais ce récit laisse un goût étrange dans l'esprit. Arrivé au deuxième épisode, le lecteur chevronné sait pertinemment que le statu quo sera rétabli en fin d'histoire car les bouleversements sont trop importants. Malgré tout la mécanique implacable du scénario empêche de se désintéresser des péripéties. Mais quand même cette structure est vraiment déconcertante, toute l'intrigue repose sur la rouerie de Thanos et sur la variable inconnue que représente Warlock. Il tire les ficelles en coulisse du début jusqu'à la fin sans rien révéler. Il mène la danse, il programme les combats, il joue une partie d'échecs avec plusieurs coups d'avance, contre Thanos. le lecteur est simple spectateur et déchiffre la stratégie au fur et à mesure. Finalement Warlock écrit l'histoire que lit le lecteur, il est le scénariste. Et c'est là la plus déstabilisante des prises de position de Jim Starlin. Warlock est un deux ex machina du début à la fin, il est la matérialisation du scénariste au sein de l'histoire. Finalement, le vrai nihiliste n'est pas Thanos aveuglé par ses sentiments pour la mort, mais bel et bien Starlin qui n'a aucune illusion sur ce qu'il peut changer dans cet univers partagé, aucune illusion sur l'impermanence de l'impact de son récit. Pour Starlin, ce combat est dénué de toute signification, de tout but, de toute vérité compréhensible ou encore de toutes valeurs ; il n'est vraiment qu'un simple divertissement du moment, une illusion du changement, un frisson gratuit, mais en même temps un hymne à la création. Jim Starlin se joue du lecteur, aussi bien que Warlock se joue de Thanos. le vrai malaise nait de cette manipulation effectuée au grand jour avec la complicité du lecteur, une prise de position vraiment nihiliste. Jim Starlin a donné 2 suites à ce récit sous forme de crossovers de plus en plus démesurés : d'abord La guerre de l'infini, puis La croisade de l'infini.

21/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Louise Michel - La Vierge Rouge
Louise Michel - La Vierge Rouge

De rouges œillets tout en fleur - Ce tome content une histoire complète indépendante de toute autre. Sa parution initiale en version originale date de 2016. Il a été réalisé par Mary M. Talbot (scénario) et Bryan Talbot (narration & dessins). Il s'agit d'une bande dessinée majoritairement en noir & blanc avec des nuances de gris, avec une utilisation ponctuelle de la couleur rouge, et parfois des lavis d'une autre couleur. Les époux Talbot ont réalisé trois autres ouvrages ensemble : Dotter of her Father's Eyes (2012), une biographie de de Lucia Joyce, la fille de James Joyce, Sally Heathcote: Suffragette (2014) sur le mouvement des suffragettes, et Rain (2019) sur la préservation d'une nappe tourbeuse dans le Yorkshire. le tome se termine avec 14 pages d'annotation rédigées par Mary M. Talbot, détaillant les sources historiques qu'elle a utilisées, en référençant chaque page. Trois phrases sont mises en exergue du récit : la définition du mot Utopie, une citation d'Oscar Wilde sur l'Utopie (une carte du monde qui ne comprend pas Utopie ne vaut pas la peine d'être regardée), et une citation de Samuel Beckett (A toujours essayé. A toujours échoué. Peu importe. Essayer encore. Échouer encore. Échouer mieux). À Calais en 1909, Franz Reichelt assiste au vol d'un avion à hélice, le pilote devant tenter la traverser de la Manche deux jours plus tard. Il pense à une panne d'avion, et a l'idée d'inventer une toile de tissu qui permettrait au pilote de ralentir sa chute. À 10h00 à la Gare de Lyon à Paris, le 22 janvier 1905, Charlotte Perkins Gilman descend du train alors que s'ébranle le cortège funéraire de Louise Michel. Monique, une jeune femme, l'attend avec une pancarte à son nom pour l'accueillir. Elle lui explique qu'il vaut mieux qu'elles aillent prendre un café en attendant que le cortège soit passé, et elle précise qu'il s'agit de celui de la vierge rouge de Montmartre. Charlotte se rend compte qu'elle a rencontré Michel à une occasion : à Londres, avec un centre d'intérêt commun la fiction utopique. Les deux femmes continuent d'évoquer la mémoire de Louise Michel, une anarchiste, sa place au cimetière de Levallois Perret, son idéal de vie sans rien posséder, sa dévotion aux autres, et bien sûr son rôle durant la Commune de Paris. En décembre 1870, elle parcourait Paris pour mendier de la nourriture pour les enfants pauvres de Montmartre. Lors de ce siège de Paris par les prussiens, elle était en colère contre les autorités publiques inefficaces et même incompétentes, et contre les profiteurs spéculant sur les denrées de première nécessité. Monique évoque les queues devant les magasins, la viande de chat et de rat pour les démunis, la viande exotique des animaux du zoo de Vincennes servie dans les restaurants de luxe, le rêve de révolution sociale dans les quartiers pauvres de Paris, les familles mettant en gage leurs biens y compris leurs outils de travail, et les violences faites aux plus faibles comme les enfants et les femmes. Dans l'auberge qu'elle fréquente, Louise Michel échange avec les habitants et les gardes nationaux, se met à rêver des applications pratiques de la science, de l'amélioration de la qualité de vie grâce aux découvertes scientifiques, et leurs applications. Elle est suivie dans son imagination par Albert Robidal un illustrateur qui dessine son idée de tuyaux distribuant la nourriture dans tous les foyers grâce à un réseau de canalisations reliées à une cuisine centrale. Le lecteur peut aussi bien être attiré par les auteurs s'il a déjà lu d'autres de leurs œuvres que par une biographie de Louise Michel et la couverture qui semble promettre une large place consacrée à la Commune de Paris (du 18 mars au 28 mai 1871). Il est un peu décontenancé par les deux pages d'introduction consacrée à Henry François Reichelt (1878-1912) inventeur d'un proto parachute. Les deux dernières pages du récit lui sont également consacrées. Ensuite, il découvre que le récit commence le jour de l'enterrement de Louise Michel, dont la vie va être commentée et retracée par Charlotte Perkins Gilman (1860-1935), une sociologue et écrivaine américaine, ayant eu une grande influence sur le féminisme. Elle va discuter tout d'abord avec Monique, puis avec sa mère et encore avec une autre femme. L'autrice a décidé de dérouler la biographie dans un ordre légèrement réarrangé, commençant par la Commune (1871), allant jusqu'à sa déportation et son arrivée en Nouvelle Calédonie en 1873, pour sauter en 1889 au pied de la Tour Eiffel, pour revenir à son enfance au cours des années 1830, pour reprendre un fil chronologique en retournant en Nouvelle Calédonie. le lecteur comprend bien l'intérêt d'un tel réarrangement pour éviter un effet de lecture trop linéaire, mais il n'est pas forcément entièrement convaincu de son intérêt, car un tel ordre recomposé ne fait pas apparaître de constat particulier par le biais de rapprochements. La première moitié de l'ouvrage est consacrée au rôle de Louise Michel pendant la Commune de Paris, son jugement étant évoqué en une page, la deuxième moitié couvrant le reste de sa vie. Mary M. Talbot à fort à faire car elle s'adresse à un lectorat anglo-saxon pas forcément familier de la Commune de Paris. Elle se sert du personnage de Monique pour exposer le contexte de cet épisode de l'Histoire de France, à gros traits car elle ne dispose pas d'une grande pagination. Il ne s'agit donc pas d'un ouvrage sur la Commune, comme peuvent l'être Les Damnés de la Commune de Raphaël Meyssan, ou le Cri du Peuple de Jean Vautrin & Jacques Tardi. Cette partie-là sert à montrer l'engagement de Michel pour le peuple, ainsi que certains de ses traits de caractère, à commencer par un fort altruisme et une forme de témérité assumée. le lecteur est vite entraîné dans cette période car les textes de phagocytent pas les images, et Bryan Talbot est un bédéaste accompli. La narration visuelle est prenante, à la fois pour la qualité de la reconstitution historique, à la fois grâce aux personnages vivants, animés par des émotions. Dès la première page, le lecteur peut apprécier la justesse de la représentation de l'avion. Les quais de la Gare de Lyon sont représentés de manière un peu simplifiée, mais le lecteur retrouve bien la verrière et l'architecture si caractéristique ; en revanche il est très étonné que le corbillard tiré par les chevaux défile sur le quai de la gare. Par la suite, il regarde avec curiosité la vue extérieure de la Gare de Lyon avec sa tour si reconnaissable, la montgolfière au-dessus de Paris, les moulins, le défilé sur les Champs Élysées, l'Hôtel de Ville de Paris, une galerie du Louvres reconverti en atelier pour artisans, la chaire de Saint Sulpice, le trois-mâts Virginie qui emmène Louise Michel en Calédonie, la basilique du Sacré Cœur en construction, la Tour Eiffel également en construction. L'artiste se montre out aussi précis pour dessiner des tenues vestimentaires authentiques aux différentes époques, que ce soient les robes des interlocutrices en train d'évoquer la mémoire de Louise Michel, ou les uniformes militaires. Il adopte une direction d'acteur de type naturaliste insufflant de la vie dans chaque personnage, qu'il soit en train de parler, en train d'agir, en train de se battre aux barricades, en train de se faire rouer de coup. Alors que le format est plus petit que celui d'un comics, la lecture des pages est fluide le dessinateur ayant adapté ses prises de vue, sans rien sacrifier en densité narrative. Il utilise aussi bien des cases avec bordures que sans bordure, une suite de case pour décrire une action, qu'un dessin en pleine page pour un moment particulièrement mémorable (ou atroce, comme les doubles pages consacrées aux morts lors de la semaine sanglante, du 21 au 28 mai 1871). le lecteur lit donc une vraie bande dessinée, et pas un texte académique illustré. Une fois passée l'étonnement que les auteurs ne respectent pas l'ordre chronologique, le lecteur apprécie le dispositif qui consiste à raconter la vie de Louise Michel, commentée par d'autres femmes ce qui permet d'apporter naturellement des éléments de contexte, des jugements de valeur, ainsi qu'une mise en perspective car les discussions se passent après sa mort. Par la force des choses (la pagination), la Commune de Paris n'est vue qu'au travers des actions de Louise Michel, avec quelques éléments de contexte, ce qui peut s'avérer frustrant à certains moments. D'un autre côté, cela permet au lecteur de découvrir deux autres phases de la vie de cette femme, sa déportation en Nouvelle Calédonie, ses activités après son retour en métropole. Les commentaires de Charlotte Perkins Gilman et des autres font ressortir en quoi son engagement et son comportement étaient similaires à celui des autres communards, et tranchaient avec la place réservée à la femme dans la société de l'époque. Il apparaît ainsi une fibre féministe. le titre complet de l'ouvrage mentionne la vision d'une utopie. Cela commence avec la conviction de Louise Michel que les découvertes scientifiques ne peuvent qu'apporter un progrès social. Les auteurs mentionnent Jules Verne, mais surtout Mary Shelley (1797-1851), Herbert George Wells (1866-1946), Edward Bellamy (1850-1898), et Albert Robidal (1848-1926) illustrateur, caricaturiste, graveur, journaliste et romancier français. Il y a donc en filigrane une évocation des romanciers ayant fantasmé un monde meilleur au travers de leurs écrits d'anticipation ou de leurs essais, tout comme la Commune de Pais était fondée sur une vision utopique de la société. Arrivé à la fin du récit, il ne reste plus au lecteur qu'à s'interroger sur le lien qui unit la vie de Louise Michel à cette étrange introduction et conclusion mettant en scène Henry François Reichelt, lui aussi le concepteur d'une invention révolutionnaire qui l'a testé sans filet, comme la Commune était sans filet. Les époux Talbot évoquent la vie de Louise Michel dans un bande dessinée dense, tout en étant très facile à lire. La narration visuelle est impeccable pour reconstituer les différentes époques et les différents lieux (de Paris à la Nouvelle Calédonie), pour une vraie bande dessinée, et pas un texte illustré. le lecteur sortira forcément frustré de sa lecture, que ce soit sur le déroulement de la Commune de Paris, ou sur la vie même de cette femme car il y a trop à dire pour la pagination.

20/04/2024 (modifier)
Par Bruno :)
Note: 4/5
Couverture de la série Sandman
Sandman

Rarement un Super-Héros a bénéficié d'une aussi radicale -et réussie- refonte de la part d'un auteur qui, non content de s'être débarrassé d'un historique peu stimulant quant au personnage dont il a la charge, lui a également (et très efficacement) consacré soixante-quinze épisodes à la suite sans jamais véritablement échouer à relancer l'intérêt de sa re-création. Définitivement projeté hors du contexte Super-Héroïque de son prédécesseur (car ce Sandman-là est d'un calibre tout autre...), Neil Gaiman balade ce maitre des rêves (infiniment plus riche de potentialités créatrices) de mythologies (classiques ou inventées) en aventures plus prosaïques, au contact de mortels malencontreusement (souvent !) partie-prenante des intrigues le concernant. Pour un novice dans l'exploration de ces univers féériques, diaboliques et magiques, j'ai vraiment eu très peu d'impressions de "redites" ; et, malgré mes à-priori de vieux paresseux, j'ai été ravi par nombre d'histoires plutôt prenantes grâce -et surtout !- à leurs mises en place systématiquement originales (et encore d'avantage par les personnages si attachants autour de qui elles sont développées.). Un travail d'écrivain, véritablement. ...Hélas ! Mark Dringenberg, irréprochable qu'il est dans sa maitrise graphique figurative -et plutôt à l'aise quant à certaines cases plus caricaturales- ne donne à aucun moment dans l'esthétique ; et c'est avec un sentiment de frustration grandissant qu'on accompagne le héros taciturne au long de ses aléas oniriques tant, quel que soit le royaume visité, l'artiste échoue à en rendre toutes les séductions. Au mieux, une certaine rigueur "réaliste" persiste qui, tout en nous permettant peut-être une meilleure appréhension du contexte, en balaie inévitablement l'atmosphère Fantastique suggérée au travers des mots. Certains encreurs, parfaitement à l'unisson, vont encore d'avantage alourdir les planches ; annihilant du coup l'effet de rupture qui aurait pu mettre en valeur et mieux séparer ce qui arrive sur notre bonne vieille planète et ce qu'il se passe "ailleurs". Kelley Jones, Chris Bachalo et quelques autres définissent encore plus l'atmosphère sombre de la BD, avec le même résultat, à peu de choses près ; même si leurs planches semblent moins "brouillonnes". Une seule véritable rupture, plutôt extrême dans ce sens, quand P.Craig Russell, au scénario comme aux pinceaux, magnifie un conte d'une tristesse indicible ; offrant un aperçu de ce qu'aurait pu (du ?!) être l'ensemble de l'oeuvre. Peu de pages me sont restées en mémoire, du coup ; ce qui est bien dommage étant données la variété et la profondeur des dilemmes où se débattent tous ces intervenants, si riches de personnalité. J'ai beaucoup aimé l'arc consacré au frère ainé "démissionnaire" et, paradoxalement, je pense que l'apparente simplicité du trait de Jill Thompson rend la lecture des paragraphes plus facile ; même si elle aussi découpe ses planches aussi platement que possible... Enfin, quelques épisodes bénéficient d'un Charles Vess bien plus à son aise que sur certains albums de Super-Héros (!) ; et la fin de cette véritable épopée se déroule très bellement sous les traits inspirés de Michael Zulli : Matthew est absolument irrésistible ! Pas évident de donner des expressions à un corbeau. Une grande œuvre littéraire, assurément ; à défaut d'un grand Comic -mais cela n'enlève rien à ses intérêts : son originalité et sa poésie.

20/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Au Ritz des Fritz
Au Ritz des Fritz

C'est vraiment une excellente surprise que cette lecture originale du documentaire romancé proposé par Nathalie Bodin. Dès la première case j'ai eu la même réaction que Ro et Alix : au fait comment ont été gérés les centaines de milliers de PW allemand par les autorités américaines. Le récit autour de Dan prisonnier de la campagne de Normandie, anti nazisme depuis toujours mais patriote malgré tout est très intéressant de bout en bout. L'auteure réussit à articuler son scénario autour de trois phases distinctes qui s'enchaînent parfaitement. La vie dans un camp dominé par les ex nazis puis dans un camp sans nazi, un passage éclair dans la communauté allemande expatriée à NY au moment du 8 mai 45 et enfin le retour à la maison dans une Allemagne dévastée. Chaque épisode conduit à des thématiques précises et surprenantes. Par exemple comment les américains ont suivi scrupuleusement la convention de Genève jusqu'au 8 mai. Comment la communauté allemande a été perçue en comparaison de la communauté japonaise. Enfin les difficultés du vivre ensemble et de la dénazification dans la partie ouest allemande. C'est donc une partie historique très peu développée que l'auteure nous livre à travers un récit fluide qui laisse la place à une fiction romancée crédible . Le graphisme N&B de l'auteure accompagne parfaitement l'histoire. Les personnages sont un peu figés et les visages se ressemblent un peu trop mais c'est agréable à lire dans la mesure où le didactique prime sur l'esthétique. Une lecture vraiment intéressante pour les lecteurs (rices) avides d'Histoire non conventionnelle.

20/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Patrick Dewaere - A part ça la vie est belle
Patrick Dewaere - A part ça la vie est belle

J'aime bien Patrick Dewaere sans être un grand fan. Son jeu est trop sombre pour moi, même si il correspond bien à une époque de remise en cause sociale très marquée. Comme le montre le documentaire il y a probablement eu fit entre la personnalité de Patrick Dewaere et les recherches innovantes de nombreux metteurs en scène à cette époque. LF Bollée construit la biographie de l'acteur autour de deux grands axes : son enfance douloureuse qui lui donnera ce vécu de mal aimé, et une rivalité/amitié avec Gérard Depardieu à la suite des " Valseuses". En choisissant de faire parler l'acteur suite à son suicide, Bollée appuie sur l'intériorité psychologique de l'homme. Instabilité familiale, sentimentale , amicale entre autres. Cela fera de Patrick Dewaere un acteur hors norme, touchant et qui fera modèle. Le final un peu fantastique qui met Dewaere en face d'un Depardieu contemporain souligne le gâchis du geste de 1982. Avec un soupçon de sagesse ou de recul Dewaere pouvait aspirer aux plus grands rôles classiques. Le graphisme de Maran Hrachyan met très bien l'accent sur les expressions souvent tristes et sombres de l'acteur. Ce spleen qui transparaît à chacune de ses répliques est si naturel qu'il est difficile de faire la différence entre l'homme et l'acteur. L'auteure réussit très bien à transmettre ce sentiment. Une bonne lecture qui rend un tableau très crédible des années 70 dans le cinéma.

20/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Le Mahâbhârata
Le Mahâbhârata

Il te faut agir sans réfléchir aux fruits de ton acte, agir dans le détachement. - Ce tome constitue une adaptation du roman du Mahâbhârata effectuée par Jean-Claude Carrière et paru en 1989. Il peut donc se lire indépendamment de tout autre histoire, sans connaissance préalable. L'adaptation en bande dessinée a été réalisée par Jean-Marie Michaud, bédéaste, auteur entre autres de la saison de la Couloeuvre, sur un scénario de Serge Lehman. le tome commence avec une introduction d'une page évoquant quelques caractéristiques du Mahâbhârata (poème épique composé en sanskrit au quatrième siècle avant notre ère, quinze fois plus long que la Bible), du Chant du Bienheureux (la Bâghavad Gîta), et le roman de Jean-Claude Carrière. La bande dessinée commence avec un trombinoscope des personnages. Ils sont au nombre d'une quarantaine, dont les Fondateurs, les 5 Pandavas les dieux, les 100 Kauravas. Elle comporte 6 chapitres : (1) le brouillard des origines, (2) de l'enfance des princes au royaumes en héritage, (3) L'exil, (4) le choix des armes, (5) Amère victoire, (6) Épilogue. Trois mille ans avant notre ère, Vyasa, un vieil homme en pagne et à la longue chevelure blanche, arrive dans une clairière et s'approche d'un jeune garçon assis au bord du fleuve. Il lui demande s'il sait écrire, car il a composé un poème et il lui faut quelqu'un pour l'écrire. Vyasa explique que ce poème parle de l'histoire de la race du garçon, et d'une vaste guerre. Ils entendent quelqu'un siffloter, et Ganesha arrive dans la clairière en portant un livre vierge car il a entendu que quelqu'un cherche un scribe. Il s'installe en tailleur, s'arrache une défense et la trempe dans un pot d'encre de Chine. En réponse à la demande de Krishna, Vyasa commence par raconter sa naissance : comment sa mère est née du sperme d'un roi tombé dans le ventre d'un poisson, et sa rencontre avec un pêcheur. le règne du roi Santanu avait installé un âge d'or. Un jour qu'il se baigne dans le fleuve, la divinité Ganga lui offre un fils : Bhishma. Vingt ans plus tard, Santanu retourne au fleuve et il voit Satyavati (la mère de Vyasa) en train de se baigner. Il lui fait une demande en mariage, et elle lui indique qu'il doit la faire devant son père le pêcheur. Ce dernier n'accepte de donner la main de sa fille qu'à la condition que le fils né de cette union ne devienne roi. Santanu oppose le fait qu'il a déjà un fils. le pêcheur est inflexible. Bhishma lui-même (le fils de Santanu) va à son tour trouver le pêcheur pour lui demander de changer d'avis. Devant son insistance, Bhishma promet de renoncer à la royauté, et, suprême assurance, il promet également de renoncer à connaître l'amour d'une femme, pour assurer l'absence de risque de conflit entre descendants. Des voix célestes s'élèvent alors pour répéter le vœu de Bishma : Jamais l'amour d'une femme. En récompense de son voeu, il reçoit le pouvoir de mourir le jour de son choix, c'est-à-dire de devenir immortel s'il le souhaite. Santanu et Satyavati ont un fils qui grandit chétif. Bhishma se charge de lui trouver trois épouses, mais Amba (l'une des trois) demande à retourner chez le roi qui s'apprêtait à l'épouser. Quand elle arrive chez lui, il la renvoie estimant qu'elle est souillée. Bhishma refuse de la prendre comme épouse, pour honorer son vœu. Amba promet de se venger et de trouver quelqu'un qui tuera Bhishma. Santanu finit par décéder, mais son fils meurt enfant le jour de ses noces. Vyasa, le jeune garçon et Krishna constatent que le récit s'arrête là. Vyasa propose que ce soit lui-même qui féconde les princesses afin que la lignée royale se perpétue. Les enfants de ces unions sont Dhritarashtra et Pandu. L'introduction explicite que le Mahâbhârata est quinze fois plus long que la Bible : une bande dessinée de 438 pages ne peut donc pas reprendre l'intégralité de son contenu. Elle indique également que cette version du Mahâbhârata correspond à une version épurée et reprise pour en faire un roman avec une forme plus facile d'accès pour le lecteur européen, celle de Jean-Claude Carrière. L'objectif des auteurs est donc de présenter l'intrigue principale du poème épique, sans les digressions, avec quelques transitions pour rendre la narration plus fluide. Toutefois, le lecteur sait qu'il ne s'apprête pas à plonger dans un récit comme les autres. Sa motivation pour se plonger dans cette bande dessinée relève vraisemblablement de l'intention de découvrir cet ouvrage essentiel de la culture indienne, par un biais accessible. Il se doute donc qu'il va se trouver dans des histoires où les divinités interviennent, avec des événements semblants arbitraires, et des lois d'une autre époque, et dans le cas présent d'une autre culture. Premier constat : la lecture de cette bande dessinée s'avère facile et agréable. Jean-Marie Michaud crée une personnalité visuelle distincte pour chacun des nombreux personnages, le rendant identifiable au premier coup d'oeil, sans effort pour le lecteur. Karna se reconnait facilement grâce à sa chevelure rousse, caractéristique flagrante. Pour les autres personnages, l'artiste joue sur les formes du visage, sur la morphologie, sur la coupe de cheveux, les tenues vestimentaires, etc. Il n'use pas de caricature, restant dans un registre naturaliste (sauf pour les divinités), sans exagérer les traits distinctifs des êtres humains de cette région du monde. Sa direction d'acteurs s'inscrit également dans un registre naturaliste, sauf quand un personnage se lance dans un soliloque emphatique, ou se trouve sous le coup d'une émotion intense, auquel cas son visage et ses gestes sont plus marqués. En près de 440 pages, l'auteur doit délivrer un volume conséquent d'informations : il a opté pour des scènes de dialogue régulières sans être lourdes et des passages espacés portés par des cellules de texte brèves. Dans le premier cas, il a régulièrement recours à des plans poitrine ou des gros plans, mais sans en abuser, sans se limiter à des alternances de champ et contre-champ en guise de seule mise en scène. Il en découle une lecture fluide et légère, sans impression de devoir subir un gavage d'informations. L'artiste sait ménager des pages silencieuses (dès la première page en fait), des dessins en pleine page et une séquence inoubliable en double page quand Dushassana enlève sa robe à Daupana. Il s'amuse également à introduire une ou deux références d'art, comme une construction impossible (pages 108 & 109) empruntée à Maurits Cornelis Escher (1898-1972). En termes de narration graphique, Jean-Marie Michaud a fort à faire : il doit montrer les tenues vestimentaires d'époque, ainsi que les constructions d'époque à commencer par les palais. le lecteur peut voir qu'il s'est inspiré de représentations anciennes pour concevoir une palette de garde-robes qui aille du pagne le plus simple, à la robe ouvragée de cérémonie, en passant par les tenues de combat. Pour un lecteur néophyte, il réussit très bien à créer une impression hindoue., à la fois pour les étoffes, pour les motifs des tissus et leur coupe. le lecteur garde à l'esprit qu'il s'agit plus d'un conte que d'un reportage, et que le dessinateur est tout à fait légitime à faire usage de licence artistique dans un récit où apparaissent des divinités à l'allure baroque pour un européen. Krishna est vraiment représenté comme un individu avec un corps de jeune enfant et une tête d'éléphant. Là encore, Michaud adopte un compromis visuel entre des représentations hindoues traditionnelles, et une représentation plus européenne, par exemple pour les portraits en pleine page de Brahmâ, Shiva et Vishnu (pages 90, 91, 92). Il agit de même en ce qui concerne les bâtiments, entre palais dont il reste possible de voir les vestiges et licence artistique. Il réalise des dessins descriptifs parfois très détaillés, pour un palais, pour des bas-reliefs, des sculptures, des trônes. Au fil des séquences, le lecteur fait le constat de villes cités isolés les unes des autres, avec une forte importance des paysages naturels. Il s'interroge sur l'endroit où peuvent se trouver les fermes, les champs et les élevages. Mais il est vrai que le récit ne s'attarde pas sur ces éléments. Il constate que l'artiste fait un effort pour montrer une végétation plausible, mais sans qu'il soit possible de pouvoir identifier les essences, et pour les peupler avec une faune cohérente. En fonction des séquences, Jean-Marie Michaud gère la densité d'informations visuelles. La longue séquence de bataille (de la page 263 à la page 420) se déroule sur une plaine désolée, sans beaucoup de relief si ce n'est trois touffes d'herbe. Dans d'autres séquences au contraire, l'artiste investit beaucoup de temps pour réaliser des cases pleines de détails. En particulier dans cette même séquence, le lecteur croit pouvoir entendre le fracas des armes dans un dessin en double page (264 & 265) alors que se produit le choc des deux armées gigantesques. Régulièrement, il tombe en arrêt devant un spectacle impressionnant : Kunti sur le toit du monde invoquant Dharma, puis Vayu et enfin Indra, l'immolation de Madri, une vue du ciel des préparatifs du grand tournoi organisé à Hastinapura, les différentes vues du palais d'Hastinapura, le moment de folie de Duryodhana, la naissance des 100, l'assassinat du général Kitchaka, l'utilisation du disque de guerre (page 294), etc. Il remarque en souriant que Michaud se montre facétieux en intégrant des anachronismes, avec parcimonie, pour un effet souvent réussi, qui ne neutralise pas la tension dramatique. Enfin s'il connaît un ou deux événements marquants du Mahâbhârata, le lecteur apprécie mieux de voir la reine Gandhari se bander les yeux, Karna viser un oiseau en se guidant sur son reflet dans une pièce d'eau, l'instigation et le déroulement de la partie de dé, l'irruption des créatures infernales (les Rakshashas), la naissance de Ghatotkatcha, etc. À la fin de l'ouvrage, le lecteur s'est fait une idée claire de l'intrigue principale du Mahâbhârata : l'adaptateur Jean-Marie Michaud a atteint son objectif de présenter l'oeuvre en bande dessinée, pour une lecture agréable et facile d'accès. Il a même consacré 4 pages à la Bhagavad-Vitâ, signalant ainsi son existence, même si c'est un peu court. En fonction de son degré de curiosité, le lecteur peut ensuite se diriger vers le Mahabharata (1989) par Jean-Claude Carrière, le Mahâbârata (2 tomes, traduit du sanskrit et condensé par Jean Michel Péterfalvi), ou encore le Mahâbhârata: Conté selon la tradition orale (2006, Serge Demetrian), ou des traductions en ligne. Il est possible également de trouver des traductions complète du Chant du bienheureux : La Bhagavadgita. En revanche, il ne s'agit en aucun cas d'un ouvrage critique, ce qui fait que le néophyte n'est pas en mesure de distinguer les principaux thèmes, ou la portée spirituelle et culturelle de l'œuvre.

20/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Baker Street
Baker Street

J'ai beaucoup aimé cette adaptation humoristique du célèbre détective. Le pari des auteurs était hasardeux. En effet Sherlock Holmes est une valeur sûre qui attire le public. Encore ne faut il pas galvauder l'image du personnage et lui proposer des intrigues à sa mesure. Le choix de Pierre Veys de proposer une série résolument humoristique avec un Sherlock par moment à la ramasse, un Lestrade clownesque, une miss Hudson pocharde et un Watson vindicatif est vraiment audacieux. Je suis un fan de Sherlock et j'ai trouvé que les auteurs avaient bien réussis leur travail. Veys proposent plusieurs scénarii qui restent dans l'esprit des enquêtes de Sherlock. La structure du récit est souvent la même avec un Sherlock à côté de ses pompes au début pour finir de façon brillante. Ensuite les auteurs proposent des ambiances différentes , originales et dépaysantes (Ecosse, Inde, Londres) dans des situations souvent loufoques mais amusantes. En effet l'humour s'appuie sur des dialogues légers et vifs ainsi que sur un comique de répétitions où Lestrade sert de défouloir. Ce n'est jamais méchant ni vulgaire et j'ai souvent souri aux gags proposés. Le rythme est soutenu et les rebondissements sont suffisamment bien construits pour rendre le scénario cohérent. Le dessin de Nicolas Barral va dans le même sens d'un humour léger et intelligent. Son trait rond travaille beaucoup sur les expressions comiques des visages. Certains personnages sont moins travaillés mais les détails des décors extérieurs sont agréable et proposent une ambiance qui accompagne très bien les histoires. Une très agréable lecture divertissante pour un large public.

19/04/2024 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5
Couverture de la série Solo camping for two
Solo camping for two

J'avoue que le pitch romance humoristique sur le thème du camping me laissait songeur, mais plutôt adepte du camping, je me suis laissé tenter. Et bien m'en a pris car ce premier tome à réussi à me surprendre et à me séduire. Gen Kinokura, 34 ans, est un adepte du camping de longue date. Mais ce qu'il aime par dessus tout c'est de profiter de ses joies en SOLO. C'est donc de la plus mauvaise des manières qu'il va prendre l'arrivée de la belle Shizuku Kusano sur SON campement. Elle n'y connait rien, se tape l'incrust', bavarde à tout va : un cauchemar vivant pour Gen ! Mais la belle sait merveilleusement cuisiner... Si la rencontre de deux personnages que tout oppose n'est pas là pour révolutionner le monde de la BD, le cadre du camping est plutôt original. La série se la joue même un peu "guide du parfait campeur", introduisant des conseils pour faire le feu, positionner au mieux son couchage, ou en nous proposant les recettes des délicieux repas que concocte Shizuku. C'est plutôt bien fait et le très bon dessin de l'auteur facilite notre immersion au sein de ce "couple" de solitaires en mode camping. Que ce soit dans les décors ou les personnages, les cadrages ou les angles de vue, Yuudai Debata est d'une redoutable efficacité dans son style très réaliste. Ajoutez à cela une petite touche d'humour qui va tourner autour de cette relation improbable entre un ours solitaire mal lèché et une petite pin-up citadine qui n'a pas la langue dans sa poche, et on se régale de leurs dialogues et des situations cocasses qui vont s'enchaîner. Bref, une série qui commence plutôt très bien et qui donne très envie de planter sa tente près de ce couple de campeurs pas banals.

19/04/2024 (modifier)