Série brillante et clairement marquante. Le scénario impressionne par son niveau de recherche et sa maîtrise du rythme : c’est fluide, haletant, dense en rebondissements, sans jamais perdre le lecteur. Chaque tome s’inscrit naturellement dans une trajectoire globale très lisible, et l’évolution du contexte — avant, pendant et après-guerre — est passionnante à suivre. Les époques changent, les rapports de force aussi, mais certaines logiques humaines demeurent, et c’est précisément là que la série frappe juste.
Le traitement résolument anti-manichéen de la Seconde Guerre mondiale en France est l’un des grands points forts. Ici, pas de confort moral : ni héros idéalisés, ni figures purement démoniaques. Le récit montre des existences faites d’ambition, de survie, de compromissions et d’horreurs bien réelles. Cette approche donne une profondeur rare au propos et rend la lecture à la fois fascinante et dérangeante, sans jamais tomber dans la démonstration lourde.
Graphiquement, le travail est exemplaire. Le dessin, précis et légèrement caricatural, donne une véritable épaisseur aux personnages. Sans fioritures inutiles, il sert parfaitement un scénario très intense et renforce l’impact émotionnel des situations.
Si l’œuvre éclaire avec intelligence une période complexe, elle pourrait aussi, si mal interprétée, par son angle, troubler l’imaginaire collectif sur les Juifs — un point qui interroge sans pour autant remettre en cause la puissance globale de la série.
Œuvre déroutante et paradoxale. Le récit est prenant, parfois même très impliquant émotionnellement, tout en laissant une impression persistante de flou. Le contexte géopolitique, pourtant central, est volontairement évacué : la guerre est là, sans explication, sans cadre clair, avec des situations tantôt proches d’un conflit total, tantôt d’une guérilla diffuse. Cette indétermination crée des incohérences factuelles, notamment dans la gestion des adultes et de la survie des adolescents, qui peuvent désarçonner.
Les thématiques suivent la même logique éclatée : amour impossible, troubles alimentaires, résilience, cellule familiale, survie. Rien n’est réellement hiérarchisé ni approfondi de façon frontale. Ce manque de lisibilité peut frustrer, mais participe aussi à l’identité du récit : une expérience sensorielle et émotionnelle plus qu’un discours construit. Malgré plusieurs choix scénaristiques déstabilisants, l’ensemble fonctionne et laisse une impression globalement positive.
Graphiquement, le contraste est marqué : un dessin simple, coloré, presque naïf, proche de codes adolescents, qui tranche avec la dureté du fond. Ce décalage, loin d’affaiblir l’œuvre, renforce son étrangeté et son impact. Une oeuvre déroutante, peut-être imparfaite mais singulière, qui mérite d’être lue pour se forger un avis personnel.
Œuvre d’aventure nord-américaine maîtrisée, portée avant tout par une proposition graphique remarquable. Le dessin est d’une grande précision, les couleurs sont sublimes et l’atmosphère — nature hostile, immensité, solitude — est immédiatement saisissable. Chaque planche témoigne d’un travail graphique et documentaire approfondi, probablement nourri d’une solide recherche.
Le scénario reste volontairement linéaire et classique, mais assume pleinement cette simplicité. Il correspond exactement à ce que l’on attend d’un récit d’aventure de ce type : progression claire, immersion continue, efficacité narrative sans détours inutiles. Les thèmes de fond sont présents et correctement traités, sans jamais prendre le pas sur l’objectif principal : raconter une belle aventure.
Une bande dessinée de grande qualité, plus contemplative que démonstrative, qui privilégie l’expérience de lecture et l’immersion visuelle à la complexité narrative.
Gros coup de cœur. La série réussit un équilibre rare entre légèreté, humour et propos de fond. Le récit est très rythmé, porté par une toile volontairement loufoque qui rend la lecture fluide et réjouissante. Pour un public jeunesse, mettre en avant l'esprit au dessus de toute autre forme de 'force' est brillant.
L’héroïne est particulièrement réussie : profondément humaine, faillible, mais brillante dans sa manière d’affronter le monde. Les personnages secondaires assument pleinement leur côté cliché, mais de façon intelligente : ils incarnent des archétypes clairs qui servent la lisibilité et l’équilibre du récit plutôt que de l’appauvrir. L’ensemble fonctionne avec une grande justesse.
Graphiquement, le style n’est pas, à titre personnel, celui que je préfère spontanément. Mais objectivement, il est parfaitement en adéquation avec le ton et le contenu. La narration visuelle est limpide, expressive, et l’on se laisse très vite happer malgré toute réticence initiale. Le fait d’oublier complètement ce frein personnel est, en soi, la meilleure preuve de la qualité de l’œuvre.
Série très aboutie, qui déploie son récit de manière progressive et maîtrisée. Le scénario fonctionne clairement en crescendo : il démarre comme une aventure jeunesse assez classique pour révéler, au fil des tomes, une densité narrative et thématique bien plus riche. La lecture offre plusieurs niveaux d’interprétation, ce qui en fait à la fois une excellente BD pour enfants et une œuvre particulièrement pertinente pour un lectorat adulte.
L’univers est solidement construit et cohérent, avec un monde qui se dévoile sans lourdeur explicative. Les personnages gagnent en épaisseur au fil de l’aventure et deviennent progressivement très attachants, grâce à une évolution naturelle et crédible. Le collectif prime sur l’individu, ce qui renforce l’identité du récit et son originalité.
Graphiquement, le dessin adopte un style volontairement naïf et enfantin, parfaitement en adéquation avec l’univers, tout en faisant preuve d’une vraie précision et d’une recherche visuelle soutenue. Les thèmes abordés sont traités avec une réelle subtilité, sans moralisme appuyé, laissant place à une sensibilité sincère et intelligente.
Voila une BD originale dans son histoire et dans son traitement. C'est une satire de la Chine de Mao, celle où les slogans ont pris le pas sur la réalité, tandis que l'asservissement se généralise et que le peuple subit. Mais aussi une BD sur l'adolescence, la jeunesse et l'amour.
Je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre à l'ouverture de la BD, mais très vite j'ai été conquis. Le trait de Alex W. Inker marche très bien avec le ton de la BD, coloré et en même temps massif dans les corps. Les personnages sont très baraqué, avec des traits de visages très marqués, voir durs, qui laissent éclater les émotions lorsqu'elles arrivent. Un trait qui va de paire avec son propos dans toute la BD.
Et l'histoire est franchement amusante. Sous la caricature évidente, la BD est une histoire d'amour adolescente, de celle qui va marquer à vie. Et cet amour simple, léger, qui ne s’embarrasse plus du reste du monde, devient le contrepoint de cette société chinoise. Alors que l'entre-soi et le népotisme s'installe, que le clientélisme et l'endoctrinement prennent toute la place, il y a ce couple réuni pendant une petite période, qui finit par tout rejeter, comprenant que tout cela est vain pour le bonheur. Le récit prend du temps à se développer, mais a des scènes vraiment belle, notamment lorsqu'ils rivalisent pour tout détruire dans la maison. Une belle métaphore de cette fouge qui les anime alors.
Je dois dire que j'ai beaucoup aimé la BD. Elle n'est pas dénuée d'humour, sait se faire sérieuse, joue sur les sentiments et porte un message sympathique. Une histoire que je ne m'attendais pas à lire mais qui est recommandée !
Je suis depuis que je les ai découvertes un gros amateur des publications des éditions Bandes Détournées. En effet, elles allient très bien un humour noir, absurde et corrosif à une critique sociale percutante.
Et c’est avec plaisir que j’ai retrouvé Un Faux Graphiste dans cet album, réalisé avec l’aide de membres du Syndicat des immenses (que je ne connaissais pas, et qui semble être une sorte de D.A.L. belge, dont les propos et actions usent d’un humour noir pour faire avancer leur lutte pour un logement pour tous).
Ici sont réutilisées et totalement détournées des photos issues de magazines ou de vieux romans photos – le plus souvent en Noir et Blanc, souvent avec itération iconique, les textes dans les bulles étant bien évidemment totalement loufoques par rapport au contexte de la photo. En tout cas ils sont toujours politiques. En bas de la plupart des pages, des infos – réelles celles-là – et quelques commentaires, qui orientent le lecteur en lui donnant une idée de l’hypocrisie de pas mal de décideurs politiques et/ou économiques – Macron en tête.
Cet album est une réussite. D’abord parce que je l’ai trouvé très drôle, incisif. Ensuite parce qu’il fait passer pas mal de message et se révèle dans ce domaine aussi incisif. Cette lecture est fortement recommandée, en particulier aux journalistes avant de donner la parole à un politicien sur le droit au logement, une loi contre les squatteurs ou au moment des reportage « marronniers » sur la « trêve hivernale.
Drôle et politiquement engagé, une belle réussite !
Je trouve que ça vaut bien Les passagers du vent : un peu moins long, un peu moins de politique, un peu plus de fantastique et le commencement de l'ère des horloges, du découpage précis du temps et bientôt des lieux. Notre monde, quoi !
Le chevalier plus ou moins désenchanté, la jeune paysanne plus ou moins libérée et le jeune paysan plus ou moins benêt forment un trio équilibré. Le naïf pas très gentil devient plus courageux, la jeune fille maîtrise les pouvoirs qu'elle a reçu pour ne pas attirer le mal sur ceux qui pourtant lui en veulent, car la soupçonnant de ceci ou de cela à cause de son allure libre. Pourquoi ? Elle a le pouvoir de maudire efficacement les foules lyncheuses… Quelle bonté de sa part de ne pas le faire ! Il y a aussi le chevalier, héros tragique qui me semble changer des héros de Bourgeon, même s'il n'est pas tout d'une pièce, coupable et en quête.
Les personnages secondaires secondent bien l'histoire, les dessins ont du style et les couleurs de l'auteur sont comme d'habitude parmi les meilleures de la bande dessinées. On échappe à la récurrence des femmes nues des Passagers du Vent, et surtout de La source et la sonde dont je me rappelle trop peu pour la commenter mais qui m'a bien déçu pour du Bourgeon et de la sf, en un mot comme en cent, quel manque de souffle !
Les forces de l'esprit pour forcer un Président à sortir un peu de son ambiguïté, à se confronter aux questions faute peut-être d'y répondre. A sortir un peu de poses mystérieuses pour se confronter au vrai mystère : a-t-il été fidèle à ses idéaux, existe-t-il quelque chose après la mort ? Que de vastes problèmes… Avec son masque mortuaire avant l'heure, ce n'est pas sur sa face qu'on pourra discerner grand-chose d'autre que de la distance, en restant fidèle au modèle.
En tout cas, il n'y a rien à redire aux dialogues, ni aux dessins d'ailleurs : rester au niveau de telles problématiques n'étant pas facile, on applaudira la performance. Avec la trilogie Nickopol, on voit qu'il est plus facile d'insuffler de l'étrangeté à un récit avec des dieux égyptiens que ceux d'autres panthéons... Certes, il y a aussi les morts, leur apparition est toujours ébranlante, bien sûr. Idée : si l'auteur veut creuser son sujet, il peut faire une suite où Mitterrand, mort, dialogue avec les morts, dans quelque arrière-monde égyptien.
Mélange parfait d'Egypte ancienne, d'antifascisme, d'amour et de… Baudelaire ! Qui n'embarquerait quand la sauce prend ? Et d'autant que Bilal, c'est Bilal, et qu'il se débrouillait alors très bien sans Christin ! Après le sommeil du monstre et compagnie… Question difficile, je me remercie de l'avoir posé. Bref, il n'y a que Bilal pour rendre la décadence des cités et les visages humains ravagés par le pouvoir autant que l'étrangeté divine ! Il y a certes du comique, et pas que dans le duo Nikopol-Horus : les dieux jouent au Monopoli, qui dit mieux ? L'humain est un vrai rebelle, le dieu à tête d'oiseau aussi, dans l'œuvre, mais je pense que l'auteur tord le mythe, comme c'est le droit de tout créateur : Seth me semble mieux convenir à cet office. Mais il est beaucoup moins sympa, moins beau, aussi, je comprends l'auteur.
Bref, les fascistes aussi sont comiques, à force d'avoir évincés les femmes, ils ont des maquillages évoquant celui des femmes, un vrai retour du refoulé. Après qu'on ait fait tomber cette dictature, on bifurque sur une étrange et belle relation entre la femme piège, Nikopol et Horus - avec un dieu inconnu à l'arrière-plan… On a aussi droit à une ville d'Afrique gelée, quel pied, les atmosphère glaciales à la Bilal renouvelées par l'Afrique ! Et que d'inventions, telles un mélange de jeux d'échecs et de boxe, l'obsession de gravir l'échelle de l'excellence par quelques humains obsédés par leur note, satirisant un certain élitisme spectaculaire de notre époque.
Le dessin et les couleurs ne cessent d'évoluer selon l'intrigue, et je trouve, de s'améliorer. Il me semble même que l'auteur parvient à capter le mouvement aussi bien que les atmosphères, ce qui n'est pas peu dire. Il rend les dieux de l'Egypte expressifs, ce qui n'était pas gagné, vu leur face animale, mais je pense qu'il a eu raison de zapper les panthéons à visage humain, parce que l'étrangeté divine aurait été plus difficile à rendre en humain. D'ailleurs on ne voit pas Isis et Osiris, dont la face est aussi belle qu'humaine.
L'humour permet de dissimuler des choses : pourquoi les immortels voyageaient ils dans l'espace ? On peut leur imaginer toutes sortes d'aventures, comme ce sont des dieux bons, on n'hésitera pas à les créditer d'essayer de sauver le monde, les menaces ne manquent pas dans les mythes égyptiens. Cela, tant d'autres pistes… La trilogie Nikopol est d'une richesse infinie.
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Il était une fois en France
Série brillante et clairement marquante. Le scénario impressionne par son niveau de recherche et sa maîtrise du rythme : c’est fluide, haletant, dense en rebondissements, sans jamais perdre le lecteur. Chaque tome s’inscrit naturellement dans une trajectoire globale très lisible, et l’évolution du contexte — avant, pendant et après-guerre — est passionnante à suivre. Les époques changent, les rapports de force aussi, mais certaines logiques humaines demeurent, et c’est précisément là que la série frappe juste. Le traitement résolument anti-manichéen de la Seconde Guerre mondiale en France est l’un des grands points forts. Ici, pas de confort moral : ni héros idéalisés, ni figures purement démoniaques. Le récit montre des existences faites d’ambition, de survie, de compromissions et d’horreurs bien réelles. Cette approche donne une profondeur rare au propos et rend la lecture à la fois fascinante et dérangeante, sans jamais tomber dans la démonstration lourde. Graphiquement, le travail est exemplaire. Le dessin, précis et légèrement caricatural, donne une véritable épaisseur aux personnages. Sans fioritures inutiles, il sert parfaitement un scénario très intense et renforce l’impact émotionnel des situations. Si l’œuvre éclaire avec intelligence une période complexe, elle pourrait aussi, si mal interprétée, par son angle, troubler l’imaginaire collectif sur les Juifs — un point qui interroge sans pour autant remettre en cause la puissance globale de la série.
How I live Now
Œuvre déroutante et paradoxale. Le récit est prenant, parfois même très impliquant émotionnellement, tout en laissant une impression persistante de flou. Le contexte géopolitique, pourtant central, est volontairement évacué : la guerre est là, sans explication, sans cadre clair, avec des situations tantôt proches d’un conflit total, tantôt d’une guérilla diffuse. Cette indétermination crée des incohérences factuelles, notamment dans la gestion des adultes et de la survie des adolescents, qui peuvent désarçonner. Les thématiques suivent la même logique éclatée : amour impossible, troubles alimentaires, résilience, cellule familiale, survie. Rien n’est réellement hiérarchisé ni approfondi de façon frontale. Ce manque de lisibilité peut frustrer, mais participe aussi à l’identité du récit : une expérience sensorielle et émotionnelle plus qu’un discours construit. Malgré plusieurs choix scénaristiques déstabilisants, l’ensemble fonctionne et laisse une impression globalement positive. Graphiquement, le contraste est marqué : un dessin simple, coloré, presque naïf, proche de codes adolescents, qui tranche avec la dureté du fond. Ce décalage, loin d’affaiblir l’œuvre, renforce son étrangeté et son impact. Une oeuvre déroutante, peut-être imparfaite mais singulière, qui mérite d’être lue pour se forger un avis personnel.
Frenchman
Œuvre d’aventure nord-américaine maîtrisée, portée avant tout par une proposition graphique remarquable. Le dessin est d’une grande précision, les couleurs sont sublimes et l’atmosphère — nature hostile, immensité, solitude — est immédiatement saisissable. Chaque planche témoigne d’un travail graphique et documentaire approfondi, probablement nourri d’une solide recherche. Le scénario reste volontairement linéaire et classique, mais assume pleinement cette simplicité. Il correspond exactement à ce que l’on attend d’un récit d’aventure de ce type : progression claire, immersion continue, efficacité narrative sans détours inutiles. Les thèmes de fond sont présents et correctement traités, sans jamais prendre le pas sur l’objectif principal : raconter une belle aventure. Une bande dessinée de grande qualité, plus contemplative que démonstrative, qui privilégie l’expérience de lecture et l’immersion visuelle à la complexité narrative.
De Cape et de Mots
Gros coup de cœur. La série réussit un équilibre rare entre légèreté, humour et propos de fond. Le récit est très rythmé, porté par une toile volontairement loufoque qui rend la lecture fluide et réjouissante. Pour un public jeunesse, mettre en avant l'esprit au dessus de toute autre forme de 'force' est brillant. L’héroïne est particulièrement réussie : profondément humaine, faillible, mais brillante dans sa manière d’affronter le monde. Les personnages secondaires assument pleinement leur côté cliché, mais de façon intelligente : ils incarnent des archétypes clairs qui servent la lisibilité et l’équilibre du récit plutôt que de l’appauvrir. L’ensemble fonctionne avec une grande justesse. Graphiquement, le style n’est pas, à titre personnel, celui que je préfère spontanément. Mais objectivement, il est parfaitement en adéquation avec le ton et le contenu. La narration visuelle est limpide, expressive, et l’on se laisse très vite happer malgré toute réticence initiale. Le fait d’oublier complètement ce frein personnel est, en soi, la meilleure preuve de la qualité de l’œuvre.
Bergères Guerrières
Série très aboutie, qui déploie son récit de manière progressive et maîtrisée. Le scénario fonctionne clairement en crescendo : il démarre comme une aventure jeunesse assez classique pour révéler, au fil des tomes, une densité narrative et thématique bien plus riche. La lecture offre plusieurs niveaux d’interprétation, ce qui en fait à la fois une excellente BD pour enfants et une œuvre particulièrement pertinente pour un lectorat adulte. L’univers est solidement construit et cohérent, avec un monde qui se dévoile sans lourdeur explicative. Les personnages gagnent en épaisseur au fil de l’aventure et deviennent progressivement très attachants, grâce à une évolution naturelle et crédible. Le collectif prime sur l’individu, ce qui renforce l’identité du récit et son originalité. Graphiquement, le dessin adopte un style volontairement naïf et enfantin, parfaitement en adéquation avec l’univers, tout en faisant preuve d’une vraie précision et d’une recherche visuelle soutenue. Les thèmes abordés sont traités avec une réelle subtilité, sans moralisme appuyé, laissant place à une sensibilité sincère et intelligente.
Servir le peuple
Voila une BD originale dans son histoire et dans son traitement. C'est une satire de la Chine de Mao, celle où les slogans ont pris le pas sur la réalité, tandis que l'asservissement se généralise et que le peuple subit. Mais aussi une BD sur l'adolescence, la jeunesse et l'amour. Je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre à l'ouverture de la BD, mais très vite j'ai été conquis. Le trait de Alex W. Inker marche très bien avec le ton de la BD, coloré et en même temps massif dans les corps. Les personnages sont très baraqué, avec des traits de visages très marqués, voir durs, qui laissent éclater les émotions lorsqu'elles arrivent. Un trait qui va de paire avec son propos dans toute la BD. Et l'histoire est franchement amusante. Sous la caricature évidente, la BD est une histoire d'amour adolescente, de celle qui va marquer à vie. Et cet amour simple, léger, qui ne s’embarrasse plus du reste du monde, devient le contrepoint de cette société chinoise. Alors que l'entre-soi et le népotisme s'installe, que le clientélisme et l'endoctrinement prennent toute la place, il y a ce couple réuni pendant une petite période, qui finit par tout rejeter, comprenant que tout cela est vain pour le bonheur. Le récit prend du temps à se développer, mais a des scènes vraiment belle, notamment lorsqu'ils rivalisent pour tout détruire dans la maison. Une belle métaphore de cette fouge qui les anime alors. Je dois dire que j'ai beaucoup aimé la BD. Elle n'est pas dénuée d'humour, sait se faire sérieuse, joue sur les sentiments et porte un message sympathique. Une histoire que je ne m'attendais pas à lire mais qui est recommandée !
Mal se loger en cinq étapes
Je suis depuis que je les ai découvertes un gros amateur des publications des éditions Bandes Détournées. En effet, elles allient très bien un humour noir, absurde et corrosif à une critique sociale percutante. Et c’est avec plaisir que j’ai retrouvé Un Faux Graphiste dans cet album, réalisé avec l’aide de membres du Syndicat des immenses (que je ne connaissais pas, et qui semble être une sorte de D.A.L. belge, dont les propos et actions usent d’un humour noir pour faire avancer leur lutte pour un logement pour tous). Ici sont réutilisées et totalement détournées des photos issues de magazines ou de vieux romans photos – le plus souvent en Noir et Blanc, souvent avec itération iconique, les textes dans les bulles étant bien évidemment totalement loufoques par rapport au contexte de la photo. En tout cas ils sont toujours politiques. En bas de la plupart des pages, des infos – réelles celles-là – et quelques commentaires, qui orientent le lecteur en lui donnant une idée de l’hypocrisie de pas mal de décideurs politiques et/ou économiques – Macron en tête. Cet album est une réussite. D’abord parce que je l’ai trouvé très drôle, incisif. Ensuite parce qu’il fait passer pas mal de message et se révèle dans ce domaine aussi incisif. Cette lecture est fortement recommandée, en particulier aux journalistes avant de donner la parole à un politicien sur le droit au logement, une loi contre les squatteurs ou au moment des reportage « marronniers » sur la « trêve hivernale. Drôle et politiquement engagé, une belle réussite !
Les Compagnons du Crépuscule
Je trouve que ça vaut bien Les passagers du vent : un peu moins long, un peu moins de politique, un peu plus de fantastique et le commencement de l'ère des horloges, du découpage précis du temps et bientôt des lieux. Notre monde, quoi ! Le chevalier plus ou moins désenchanté, la jeune paysanne plus ou moins libérée et le jeune paysan plus ou moins benêt forment un trio équilibré. Le naïf pas très gentil devient plus courageux, la jeune fille maîtrise les pouvoirs qu'elle a reçu pour ne pas attirer le mal sur ceux qui pourtant lui en veulent, car la soupçonnant de ceci ou de cela à cause de son allure libre. Pourquoi ? Elle a le pouvoir de maudire efficacement les foules lyncheuses… Quelle bonté de sa part de ne pas le faire ! Il y a aussi le chevalier, héros tragique qui me semble changer des héros de Bourgeon, même s'il n'est pas tout d'une pièce, coupable et en quête. Les personnages secondaires secondent bien l'histoire, les dessins ont du style et les couleurs de l'auteur sont comme d'habitude parmi les meilleures de la bande dessinées. On échappe à la récurrence des femmes nues des Passagers du Vent, et surtout de La source et la sonde dont je me rappelle trop peu pour la commenter mais qui m'a bien déçu pour du Bourgeon et de la sf, en un mot comme en cent, quel manque de souffle !
Mitterrand Requiem
Les forces de l'esprit pour forcer un Président à sortir un peu de son ambiguïté, à se confronter aux questions faute peut-être d'y répondre. A sortir un peu de poses mystérieuses pour se confronter au vrai mystère : a-t-il été fidèle à ses idéaux, existe-t-il quelque chose après la mort ? Que de vastes problèmes… Avec son masque mortuaire avant l'heure, ce n'est pas sur sa face qu'on pourra discerner grand-chose d'autre que de la distance, en restant fidèle au modèle. En tout cas, il n'y a rien à redire aux dialogues, ni aux dessins d'ailleurs : rester au niveau de telles problématiques n'étant pas facile, on applaudira la performance. Avec la trilogie Nickopol, on voit qu'il est plus facile d'insuffler de l'étrangeté à un récit avec des dieux égyptiens que ceux d'autres panthéons... Certes, il y a aussi les morts, leur apparition est toujours ébranlante, bien sûr. Idée : si l'auteur veut creuser son sujet, il peut faire une suite où Mitterrand, mort, dialogue avec les morts, dans quelque arrière-monde égyptien.
La Trilogie Nikopol
Mélange parfait d'Egypte ancienne, d'antifascisme, d'amour et de… Baudelaire ! Qui n'embarquerait quand la sauce prend ? Et d'autant que Bilal, c'est Bilal, et qu'il se débrouillait alors très bien sans Christin ! Après le sommeil du monstre et compagnie… Question difficile, je me remercie de l'avoir posé. Bref, il n'y a que Bilal pour rendre la décadence des cités et les visages humains ravagés par le pouvoir autant que l'étrangeté divine ! Il y a certes du comique, et pas que dans le duo Nikopol-Horus : les dieux jouent au Monopoli, qui dit mieux ? L'humain est un vrai rebelle, le dieu à tête d'oiseau aussi, dans l'œuvre, mais je pense que l'auteur tord le mythe, comme c'est le droit de tout créateur : Seth me semble mieux convenir à cet office. Mais il est beaucoup moins sympa, moins beau, aussi, je comprends l'auteur. Bref, les fascistes aussi sont comiques, à force d'avoir évincés les femmes, ils ont des maquillages évoquant celui des femmes, un vrai retour du refoulé. Après qu'on ait fait tomber cette dictature, on bifurque sur une étrange et belle relation entre la femme piège, Nikopol et Horus - avec un dieu inconnu à l'arrière-plan… On a aussi droit à une ville d'Afrique gelée, quel pied, les atmosphère glaciales à la Bilal renouvelées par l'Afrique ! Et que d'inventions, telles un mélange de jeux d'échecs et de boxe, l'obsession de gravir l'échelle de l'excellence par quelques humains obsédés par leur note, satirisant un certain élitisme spectaculaire de notre époque. Le dessin et les couleurs ne cessent d'évoluer selon l'intrigue, et je trouve, de s'améliorer. Il me semble même que l'auteur parvient à capter le mouvement aussi bien que les atmosphères, ce qui n'est pas peu dire. Il rend les dieux de l'Egypte expressifs, ce qui n'était pas gagné, vu leur face animale, mais je pense qu'il a eu raison de zapper les panthéons à visage humain, parce que l'étrangeté divine aurait été plus difficile à rendre en humain. D'ailleurs on ne voit pas Isis et Osiris, dont la face est aussi belle qu'humaine. L'humour permet de dissimuler des choses : pourquoi les immortels voyageaient ils dans l'espace ? On peut leur imaginer toutes sortes d'aventures, comme ce sont des dieux bons, on n'hésitera pas à les créditer d'essayer de sauver le monde, les menaces ne manquent pas dans les mythes égyptiens. Cela, tant d'autres pistes… La trilogie Nikopol est d'une richesse infinie.