J’ai découvert The Private Eye grâce à la nouvelle édition sortie le 17 octobre 2025, accompagnée d’un fourreau. C’est une superbe occasion de plonger dans ce classique de Brian K. Vaughan et Marcos Martín.
L’univers est fascinant : un futur où Internet a disparu, et où la vie privée est devenue une obsession. Dans ce monde post-numérique, tout le monde porte un masque pour cacher son identité, ce qui donne un ton à la fois ironique et inquiétant au récit.
Le format à l’italienne est un vrai plus : il met en valeur la mise en page audacieuse et les couleurs éclatantes de Marcos Martín, tout en donnant une sensation de fluidité et de cinéma. C’est rare dans les comics, et ça rend la lecture encore plus immersive.
En résumé : un polar de science-fiction brillant, au propos visionnaire et à la direction artistique exceptionnelle
Idée formidable, formidablement bien menée. Est-ce exprès ou non ? Le trais un peu doux, dynamique mais avec une certaine retenue me fait penser à l'incertitude régnant entre les personnages. Compassion pour les herbivores risquant d'être mangé, mais tout autant pour les carnis devant lutter constamment contre leur nature !
Série où d'un côté on s'identifie à des animaux, et où c'est la culture, la solution, savoir comment ne pas se laisser aller à sa nature ? Il y a les carni mangeant des œufs ou des insectes, et une sorte de priorité donnée aux herbis suscitant un certains ressentiment chez les carnis, d'autant que certains herbis ne se gênent pas pour prendre les carnis de haut à cause de leur nature prédatrice perturbant parfois la société par des crimes retentissant, ou s'exprimant plus discrètement dans le marché noir.
Si tous les personnages sont intéressants, il faut noter le Cerf, le Loup et la Lapine petite amie du loup.
Bon, je ne connaissais pas ce duo d'artistes, je n'ai jamais lu aucune de leurs oeuvres, et pourtant les astres se sont alignés, très récemment, pour que je m'y penche.
Quai des Bulles 2025, mon père me mentionne en passant entre deux marées humaines qu'il aurait aperçu Brizzi en train de faire des dédicaces quelques stands plus loin. Le nom ne me dit rien, j'ai déjà fait la queue pour quelques dédicaces m'intéressant et mon porte-monnaie me fait la gueule suite à tous mes achats, je n'y prête donc pas vraiment attention. Pourtant, miracle, coup du sort, je tombe sur cette couverture.
Une Lady Macbeth au visage fantômatique, dans un dessin crayonné des plus magnifiques, se tient devant moi. Le dessin est saisissant, l'expression de son visage est magnifique et terrifiant en même temps, je me revois immédiatement relire Macbeth lors de ma fin d'adolescence et me rappelle avec plaisir toute la puissance de cette histoire.
Ni une, ni deux, j'ai acheté l'album (au diable mes économies).
Si j'ai craqué, c'est avant tout pour l'oeuvre d'origine. Macbeth est une pièce mythique, non seulement parce que réputée immontable (de par sa complexité) mais également car son récit est à la fois simple et finement construit. Comme souvent chez Shakespeare, il est question de pouvoir, de mort, de mort pour le pouvoir et surtout d'une bonne couche d'ironie tragique. Les époux Macbeth, dans leur soif de pouvoir, font couler le sang à ne plus savoir s'arrêter, à ne plus pouvoir cesser de voir ce maudit liquide écarlate partout où iels passent. C'est une histoire sur l'ambition dévorante, les consciences maudites suite à des actes ignobles et surtout sur une lente descente en enfer. Mais surtout, c'est une histoire de sorcières.
Si la pièce m'avait tant marquée depuis ma lecture, au delà de sa dimension tragique, c'est le rôle on ne peut plus marquant de ce groupe de sorcières qui, par leurs mots toujours si minutieusement choisis, manipulent les fils du destin et poussent chacun des personnages vers un destin funeste qu'elles leur ont choisi. À chacune de leurs rencontres (oui, dans l'album il n'y en a que deux mais je crois vaguement me souvenir d'une troisième) elles prononcent le moindre de leurs mots avec une maîtrise glaçante de la situation. Dépendant de qui est présent ou non, de ce qu'ont déjà fait les personnages ou non, elles ne révèleront pas les mêmes choses. Elles poussent par leurs prophéties macabres les époux Macbeth à commettre l'irréparable. Et pourtant rien ne les forçaient vraiment à tuer le roi ou à déclarer la guerre, rien ne les empêchait d'ignorer cette prophétie. Si les sorcières sont les metteuses en scène de ce récit macabre, les Macbeth sont les acteur-ice-s, celleux qui font l'action, celleux qui choisissent, et malheureusement iels ne parviennent pas à sortir de la trame dans laquelle iels se sont engouffrés.
Mais trêve de louanges pour l'oeuvre d'origine, il est question ici d'adaptation.
Le théâtre étant un art corporel, vivant, la plus grande prouesse à mes yeux de cet album c'est à quel point les deux auteurs sont parvenus à retransmettre cette vie par le dessin. Qu'il s'agisse des visages, de ces expressions saisissantes qui m'ont frappée dès la couverture, qu'il s'agisse de ces décors pleins de détails, de ce travail magnifique des ombrages et cette retranscription très jolie des paysages écossais, chacune des illustrations m'a paru valoir que je m'arrête quelques minutes pour l'étudier. Vraiment, le travail graphique des deux auteurs est une pépite. Je ne les connaissais pas avant mais je vais dès à présent garder leur nom en tête.
J'ai particulièrement aimé les moments de visions. Qu'il s'agisse des hallucinations des époux lorsque ceux-ci sombrent dans la folie ou bien des invocations fantômatiques des sorcières, ces brèves apparitions de variations de rouge et d'orange, rappelant le sang, rappelant la colère des morts, créent à chaque fois des moments saisissants.
Un défaut cependant (oui, toute dithyrambique que je suis je n'en reste pas moins une conne aigrie) : le tour m'a semblé un tantinet trop rapide. Oui, avec une telle qualité graphique je sonne sans doute comme une enfant pourrie gâtée si je dit qu'ils "auraient quand-même pu en faire un peu plus", mais je n'aurais pas dit non à ce que l'on s'arrête davantage sur certains passages, que l'on n'iconise pas plus que ça certains moments pourtant légendaires (le monologue final de Lady Macbeth pour ne citer que le plus connu). Certains événements s'enchaînent un peu vite et je ne sais pas si des lecteur-ice-s ne connaissant pas antérieurement la pièce comprendront certaines subtilités du texte (comme le fait que la descendance de Banquo deviendra la nouvelle lignée royale alors que son fils ne termine pas couronné).
Un petit défaut, une infime complainte aux yeux de certain-e-s, mais j'avoue qu'avec une forme si magnifique cette petite craquelure sur le fond me parait bien dommage.
Mais ce défaut mis à part, l'oeuvre reste finement travaillée. Pas loin de valoir la note maximale dans mon cœur, même.
Non, vraiment, je ne regrette pas mon achat.
Le dessin très épuré, quasi comique de la couverture a tout de suite attiré mon regard.
Le sujet, puis le feuillage ensuite, m'ont convaincu d'acquérir cet ouvrage et je ne le regrette pas.
C'est frais, c'est clair, c'est édifiant (dans le sens premier du terme).
On en apprend beaucoup sur cette jeune Hipparchia, issue d'une famille de riches marchands de Maroneia, qui est promise au mariage. Sur sa vie, ses questions, ses combats, ses désirs.
On sent, et elle l'explique très bien en fin de volume, que les 5 ans de recherche de l'autrice n'ont pas été menées en vain.
J'ai dévoré cette bd en moins d'une heure et je compte bien y revenir dans quelques jours pour en savourer la sagesse. Cela m'a replongé dans mes lectures adolescentes -tardives- (Sénèque, Platon, Épictète, Aristote et consorts).
Mais cela serait minimiser la portée de cette bd que de la résumer à un traité de philosophie ou à un recueil de pensées. Sous nos yeux se déroule la vie d'Hipparchia avec ses échos modernes, ses interrogations et ses réflexions intemporelles (n'est-ce pas la force de la philosophie antique ?).
Un véritable coup de coeur pour un sujet encore trop peu répandu : "les femmes remarquables" (bon, j'exagère, ça avance mais beaucoup d'entre elles mériteraient une plus grande visibilité).
Voilà un des derniers nés de la collection KBooks de chez Delcourt, et ma foi, c'est une très bonne surprise !
Je ne m'attendais en effet pas du tout à ça ! Mais la surprise va dans le bon sens. En effet, on a ici un thriller qui oscille entre fantastique et science-fiction pour un public plus adulte qu'ado. J'ai même pensé en recevant l'album qu'il s'agissait d'un comics ; d'une part par son format (172 x 224) et sa pagination (487 pages !) mais également par son graphisme, complètement inattendu pour une oeuvre coréenne (tout du moins ce que j'en connais).
Ce "petit pavé" réalisé par Jacga Hong tant pour le dessin que pour le scénario, nous raconte le récit du jeune Sewon. Élevé par sa mère, le jeune garçon développe des troubles qui conduisent sa mère à l'emmener faire des examens ; c'est en sortant de ces derniers que la mère meurt et que le destin de Sewon bascule... Il va alors tout faire pour devenir neurochirurgien. Et c'est 20 ans plus tard que son diplôme en poche, il mène ses recherches pour réussir à lire les souvenirs des morts grâce à une de ses inventions. Le récit commence vraiment et nous plonge dans un thriller haletant où se mêlent et se perdent rêve et réalité.
Découpé en 31 chapitres, les presque 500 pages de cet album se lisent sans aucun mal ; on est vite captivé par l'histoire et les mystères qui jalonnent ce thriller. Le dessin très contrasté et minimaliste de Jacga Hong surprend au début mais colle parfaitement à la personnalité assez rigide de notre personnage principal. Les planches sont juste rehaussées de couleurs franches que l'auteur travaille en dégradés. Chaque planche se retrouve ainsi épurée et donne à l'ensemble une narration fluide et addictive.
Une très bonne surprise que cet album, qui me confirme qu'on trouve toujours quelques belles pépites pas forcément attendues dans certaines collections !
*** Tome 2 ***
Après la très bonne surprise du premier tome, j'étais curieux de voir comment allait repartir cette série. Et j'avoue que notre auteur, Jacga Hong est loin de manquer de ressources !
Avec cette "saison 2", nous voilà embarqué dans une scénario un brin alambiqué mais pour le coup original. Comme nos protagonistes, on se fait balader de chapitre en chapitre pour identifier le "chef" de cette mystérieuse organisation criminelle. On retrouve Sewon au centre de cette enquête complexe et dangereuse ; personnellement impliqué, il ne va pas s'en sortir indemne, son entourage non plus.
C'est rude, les personnages sont intéressants et bien campés, tissant ce scénario qui nous mène par le bout du nez de bout en bout : une saison 2 qui décoiffe.
Le dessin n'est pas beau sans être laid, mais on s'y fait, comme on s'habitue à des gens dont le physique n'a rien de transcendant mais qu'on apprécie. Parce qu'à l'inverse du Gourmet solitaire, on est dans le partage, la communion ! Cependant, mieux vaut un trait basique mais qui permet de bien différencier tout le monde que le contraire !
Plus que les recettes et la vie des gens qui se retrouvent ici, c'est à mon avis leur rencontre l'essentiel de cette œuvre. A la fin d'Astérix, j'adorais le banquet final ! Ici, sans aventure mais sans un barde ligoté*, on se retrouve entre gens devenant peu à peu des amis. La découverte de nouveaux plats correspondant aux attentes des clients ou à l'inventivité du patron sont l'aventure, et l'écho assourdi de ce qui se arrive dehors. Le fait que tout se passe la nuit offre un léger et poétique décalage.
* Humour des artistes, l'artiste est catastrophique et se retrouve maltraité !
Presl est un auteur original, sans doute très éloigné des productions main stream. Mais les plus curieux d’entre nous peuvent y trouver matière à rêverie, et surtout un plaisir de lecture.
Ici, il fait preuve d’une grande maîtrise, pour développer son histoire muette, avec un dessin qui m’a fait penser au travail de Vanoli, avec ces corps bizarres, ces perspectives chamboulées, et ce Noir et Blanc assez tranché – même s’il est plus charbonneux chez Vanoli.
Le récit est à la fois simple et riche, et fait immanquablement penser à certaines tragédies antiques, avec ce destin, qu’on ne peut fuir. Il y a aussi des questionnements sur le regard de l’autre, l’acceptation des différences (ici un être hybride, mi-ours mi-humain qui, bien que brillant, sera rejeté de la plupart sur son apparence.
Un sujet hélas contemporain. Même si rien ne permet réellement de situer dans l’espace et le temps cette histoire (des aspects contemporains, d’autres intemporels, voire « anciens » - comme le métier de montreur d’ours dans les villages).
Même s’il a été publié après quelques productions chez Atrabile, cet album a été conçu antérieurement. Il confirme aussi l’attrait de l’auteur pour la peinture : le personnage principal, « le fils » devient peintre autodidacte, et en retire une fonction cathartique évidente.
Un album étonnant, mais que j’ai apprécié.
J’ai découvert Silence un peu par hasard, en parcourant les notes et critiques sur BDthèque — et je dois dire que c’est grâce à sa très bonne notation que j’ai eu envie de m’y plonger. Et quelle découverte !
Comès signe ici une œuvre profondément marquante, à la fois poétique, sombre et d’une grande humanité. L’histoire de Silence, ce jeune homme simple d’esprit manipulé par les habitants d’un village rongé par la cruauté et l’hypocrisie, m’a touché bien plus que je ne m’y attendais. Sous ses allures de conte rural, la bande dessinée dépeint une société où la différence dérange, où le pouvoir corrompt, et où la pureté de cœur devient presque un fardeau.
Le dessin en noir et blanc, d’une précision incroyable, accentue l’atmosphère pesante et tragique du récit. Chaque case semble pensée comme une gravure, avec une force visuelle rare. Le contraste entre la beauté du trait et la dureté de ce qu’il raconte renforce l’émotion ressentie tout au long de la lecture.
Ce qui m’a surtout marqué, c’est la profondeur du message : derrière la fable, Comès nous parle d’exclusion, de solitude et d’innocence dans un monde qui ne laisse pas de place à la différence. Le personnage de Silence, à la fois victime et miroir de la cruauté humaine, reste longtemps en mémoire après avoir refermé l’album.
En résumé, Silence est une œuvre magistrale, à lire absolument pour quiconque aime les bandes dessinées à la fois fortes, sensibles et intelligentes. Merci à la communauté de BDthèque de m’avoir fait découvrir ce récit : sans sa réputation sur le site, je serais sans doute passé à côté d’un grand moment de bande dessinée.
Le Jeu du Hasard est truqué.
-
Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par l’artiste se faisant appeler emg, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comporte quatre-vingt-huit pages de bande dessinée. Il se compose d’une histoire courte intitulée Trinitrate glycérol z7 de sept pages, puis de l’histoire principale Adoremus christum in aeternum z79.
Trinitrate glycérol z7, sept pages. Une molécule flotte sur un fond uni, elle est composée de trois atomes de carbone, trois d’oxygène et huit d’hydrogène. Plus loin flotte une molécule composé d’un atome d’hydrogène, un d’azote et trois d’oxygène.
Un court récit dans lequel l’auteur montre des molécules en train de dériver dans un milieu qui n’est pas précisé, jusqu’à se combiner entre elles. Le titre donne une signification très particulière à ces pages, indiquant qu’il s’agit du processus de combination de la nitroglycérine, c’est-à-dire la réaction de nitration du glycérol avec l'acide nitrique. Ainsi il représente un ballet chimique doux et coloré d’entités se combinant entre elles, ce qui l’oppose à la nature même du produit ainsi formé, à son utilisation destructrice par l’homme qui a imaginé ce processus.
Adoremus Christum In Æternum z79, soixante-dix-neuf pages. Dans un champ, un homme dans une tenue habillée tient un panier avec des fruits à la main. À côté, une jeune fille d’une dizaine d’années pousse une brouette légèrement chargée. L’oncle indique à sa nièce Marta que c’est peut-être écrit dans la Bible, et il lui demande si après y avoir réfléchi, elle y croit. Elle s’écrie qu’une goutte de pluie lui est rentrée dans l’œil. De nuit, au même endroit, se détache la silhouette d’une femme tenant une grande crosse avec une roue à son extrémité, s’exclamant : Lilith ! Dans les salons du palais de l’empereur, des nobles en habits discutent. L’une de ces dames en robe s’adresse à son interlocuteur en lui disant qu’elle le pensait plus patient, elle devrait leur présenter Maximilien. Il répond qu’il ne lui sera d’aucune utilité dans son entreprise, et regrette que von Tiesenhausen ne revienne pas. Une autre s’adresse à un officiel, en le mettant au défi d’évoquer le sujet au Conseil, et devant sa propre épouse de surcroît ! Un homme en uniforme explique à un autre qu’ils craignent que le mal ne s’étende aux Deux-Provinces. Les discussions continuent alors que les serviteurs présentent des plateaux avec des boissons. Dans une chapelle, un noble prie et s’adresse au Seigneur. Il lui dit qu’il L’a fait veuf, cujus regnis non erit finis, et maintenant la misère s’enracine dans le domaine qu’Il lui a confié. Puissent ses prières arriver jusqu’à Lui, et sauver les récoltes. Dans le palais, les invités sortent à l’extérieur, et ils se dirigent vers la terrasse avec une vue sur le magnifique jardin à la française. Ils continuent à parler de choses et d’autres.
Dire que la narration est singulière est un euphémisme. S’il n’a jamais lu d’œuvre de cet auteur, le lecteur se demande dans quoi il est tombé. Première évidence : le parti pris graphique hors du commun. L’artiste utilise un outil infographique, et représente aussi bien les personnages que les décors et les accessoires par un assemblage de formes géométriques simples : cercle, cylindre, sphère, parallélépipèdes, cônes, trapèzes et autres, en leur appliquant les lois de la perspective. Les personnages présentent des singularités telles que l’absence de traits de visages, l’absence de coudes, de genoux, de chevilles, les différentes parties du corps humains n’étant pas reliées entre elles. Pour autant il est possible d’identifier certains personnages d’une séquence à l’autre par leur taille et leur tenue vestimentaire. Deuxième particularité narrative : un dessin par page, il n’y a donc pas d’action décomposée en suite de cases, ni de cases disposées en bandes, ou reliées entre elles sur une même page. Troisième particularité : la forme des phylactères qui sont des parallélépipèdes rectangles, c’est-à-dire avec un volume, plutôt que des bulles en deux dimensions. L’auteur joue avec cette forme en trois dimensions, les propos d’un personnage pouvant se trouver sur deux faces contigües d’un tel phylactère. Autre particularité déstabilisante : la numérotation des pages. Déconcerté par l’apparente absence de continuité d’une page à la suivante, le lecteur regarde la numérotation des premières : 01, suivie par 66, puis par 02 à 09, puis 11, puis 10, puis 12 à 16, puis 18…
Il faut donc un temps d’adaptation au lecteur pour choisir comment lire cette bande dessinée. Le réflexe naturel est de de se focaliser dans l’intrigue, en relevant les ressemblances entre les assemblages de formes géométriques 3D pour identifier des personnages, pour s’accrocher à la récurrence de leurs apparitions, afin de déterminer les rôles principaux. Il repère également les événements évoqués par les personnages, et l’incidence qu’ils peuvent avoir. Il laisse de côté les informations qui lui semblent sans signification sur le moment, telle cette silhouette en ombre chinoise qui en appelle à Lilith dans la deuxième planche, qui est numérotée soixante-six, au lieu de deux. Il faut relativement peu de temps et peu d’effort pour situer les deux personnages principaux : le veuf Flavius et sa fille Marta. Le premier s’en va chercher du travail ce qui l’éloigne durablement de sa famille, la seconde éprouve une passion pour la lecture, ce qui l’incite à se tenir autant à l’écart qu’elle le peut de la vie mondaine et de la cour de l’empereur. Elle est élevée par son oncle et l’épouse de celui-ci. À part une ou deux bizarreries chronologiques en cours de route, l’intrigue s’avère facile à suivre jusqu’à son dénouement qui clôt effectivement le récit.
Comme en atteste la couverture, la narration visuelle apparaît très personnelle, au-delà même des caractéristiques déjà évoquées. L’auteur opte donc pour une composition immuable d’une unique image par page, sans jamais que deux cases à suivre, ou deux pages à suivre, ne se déroulent au même endroit ou ne concernent le même personnage. Une fois acclimaté aux caractéristiques graphiques à base de formes géométriques en trois dimensions, le lecteur ressent que chaque case est composée comme un dessin traditionnel avec une bonne densité d’informations visuelles. Dans la première, il peut voir l’oncle et la nièce, un arbre au premier plan deux paniers, une brouette, et en arrière-plan l’ondulation du terrain et le cône de plusieurs arbres qui dépassent. Dans la suivante, il y a l’ombre chinoise de la jeune fille, la crosse, deux arbres, les ondulations de terrain, la silhouette d’autres arbres, la pluie, un croissant de Lune, avec un bel usage des couleurs sombres. Le mode de dessin ne constitue pas une excuse pour des compositions simplistes. Dans la page suivante, une quinzaine de personnages interagissent dans une réception mondaine, avec en plus les tableaux accrochés au mur, un grand tapis, et les phylactères massifs. Nonobstant des couleurs parfois acidulées, le lecteur se rend compte que l’immersion fait son effet : il peut se projeter aussi bien dans cette cour inspirée de l’Europe centrale du début du XIXe siècle, que dans une chapelle, une zone naturelle boisée, la modeste demeure de l’oncle, le labyrinthe des jardins à la française, une forêt épineuse, un champ de bataille à côté des servants d’un canon, une cité fortifiée en bord de mer, à bord d’un navire traversant l’océan par une mer houleuse, au beau milieu d’une cérémonie religieuse dans une église, sur une route enneigée, etc.
La tête des personnages se limitant à une sphère à laquelle peuvent être accolés une poignée de cylindre figurant la coiffure, sans aucune marque pour la bouche, les yeux, les oreilles ou le nez, elle s’avère inexpressive au possible. De la même manière les postures des personnages s’inscrivent dans un registre fonctionnel, sans participer d’un langage corporel. Ainsi l’état d’esprit d’un personnage n’est accessible au lecteur que par ce qu’il dit, dans des phrases courtes et peu nombreuses, c’est-à-dire de façon très concise et limitée. D’un autre côté, ces dessins à base de formes minimaliste aboutissent parfois à des images saisissantes. Il en va ainsi de celle retenue pour la couverture, presque identique à celle se trouvant en page numérotée 63, située entre les pages numérotées 28 et 30. Outre cette composition quasi abstraite, le lecteur s’amuse du jeu avec la forme des phylactères qui peuvent être cylindriques, ou comme pliés sur eux-mêmes, masquant ainsi une partie de leur contenu. Il voit les notes de musiques flotter dans l’air du salon, un trait pointillé qui est désigné comme une colonne de fourmis par Marta, des formes de labyrinthe à bille pour le dessin des jardins à la française, une série de disques disposés en arc de cercle pour figurer la course du soleil dans le ciel, des feuillages d’arbres qui semblent flotter au-dessus du sol car ils sont dépourvus de tronc, un nuage qui pleut sur un phylactère pour indiquer que le personnage pleure, un oiseau qui profite d’une ouverture dans un phylactère comme dans un nichoir, et un grand nombre de chats.
Finalement une histoire sympathique et intelligible malgré les bizarreries. Certes… Pour autant ces dernières sont bien présentes et intentionnelles, une construction à la chronologie sciemment déconstruite par l’auteur. Premier effet : une mise en évidence de l’arbitraire de la construction d’un récit par un auteur, puisque celui-ci décide de l’ordre des pages comme bon lui semble, il est le maître du temps de cet assemblage. Deuxième effet : rapprocher des moments temporellement éloignés dans le récit, ce qui casse la causalité d’une page à l’autre. Troisième effet : faire constater au lecteur que ce dernier établit lui-même des liens de cause à effet, par pur automatisme de pensée, en lui indiquant a postériori que la cause de l’action d’un personnage était bien différente de celle qu’il avait subodorée. Il se produit également une mise en abîme de l’acte de lecture puisque Marta elle-même s’y adonne avec passion et qu’elle explicite la nature de son plaisir. Elle dit que : il y a du soleil dans ces livres, et toutes les saisons de tous les pays, et puis les sentiments y sont plus forts, et elle peut sauter les passages qui ne lui plaisent pas… Un peu comme le désordre des pages fait sauter des passages au lecteur, et l’auteur lui fait y revenir après, plusieurs pages plus loin. Plus loin Marta explique également que : Ce qu’elle aime avec les Évangiles, c’est qu’ils parlent d’un pays lointain où elle n’ira jamais. Et encore : L’année dernière, sa tante l’a invitée à venir voir les Danses de mars, au Palais ; Marta a refusé car elle avait lu un très beau poème à propos de ces danses, et elle a eu peur d’être déçue, que la réalité efface l’idée. Le lecteur préfère retenir cette explication pour le choix d’un fil narratif restructuré, plutôt que celle des fourmis qui se suivent à la queue-leu-leu : il ne souhaite pas être une de ces fourmis suivant un chemin bien balisé, ou pire celles qu’un cousin tue si elles empruntent le chemin qu’il ne veut pas.
Un nouvel ouvrage de l’auteur, une nouvelle expérience de lecture hors du commun. Il recompose son récit dans un savant désordre chronologique se traduisant par un mélange des pages pour une numérotation non linéaire. Une fois passé le moment d’adaptation nécessaire à l’apparence des dessins réalisés à partir d’assemblage de formes géométriques simples, le lecteur se laisse porter par les dessins et les dialogues, estimant qu’il finira bien par s’y retrouver. En effet, il capte sans trop d’effort la dynamique et l’enjeu de l’intrigue, et comprend aisément sa résolution. Il vit également de vivre une expérience de lecture entre déconstruction et mise en lumière de l’arbitraire, rupture de la causalité linéaire, et mise à nu de la causalité à plus ou moins long terme. Expérience unique.
2021 était vraiment une belle année pour le milieu de la BD francophone. Et c’est notamment Une Vie d’huissier qui me fait penser cela.
Dev Guedin retrace ici l’histoire dun lointain cousin maintenant décédé. Il lui rend hommage en dessinant sa biographie, ses moments de jeunesse et les difficultés du métier d’huissier.
L’histoire, vraie, de cette huissier est triste voire misérable. Il y a la tristesse de voir cette homme subir une vie sans autre issues et avec les déboires qui s’enchaînent. Mais également la tristesse qui l’entoure, la pauvreté des beaux et des moins beaux quartiers. Voir la désespérance des gens auxquels l’huissier vient donner un dernier coup. C’est assez frappant ! Au final c’est plus que la vie de cette huissier à laquelle on assiste mais également le portrait de la société française des années 80 avec toute sa violence et toute sa saleté, une vision sans filtre des classes rurales et peu aisés des grandes villes. Je pense que c’est ce que j’ai le plus aimé dans cette oeuvre.
Le style graphique m’a également beaucoup convaincu. J’ai aimé la noirceur de certaines scènes, le côté quasi cartoonesque de certaines situations mais également un style de manière générale auquel je ne suis pas habitué.
Une de mes BDs favorite.
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
Indépendante depuis sa création en 1998, Cultura se donne pour mission de faire vivre et aimer la culture.
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
The Private Eye
J’ai découvert The Private Eye grâce à la nouvelle édition sortie le 17 octobre 2025, accompagnée d’un fourreau. C’est une superbe occasion de plonger dans ce classique de Brian K. Vaughan et Marcos Martín. L’univers est fascinant : un futur où Internet a disparu, et où la vie privée est devenue une obsession. Dans ce monde post-numérique, tout le monde porte un masque pour cacher son identité, ce qui donne un ton à la fois ironique et inquiétant au récit. Le format à l’italienne est un vrai plus : il met en valeur la mise en page audacieuse et les couleurs éclatantes de Marcos Martín, tout en donnant une sensation de fluidité et de cinéma. C’est rare dans les comics, et ça rend la lecture encore plus immersive. En résumé : un polar de science-fiction brillant, au propos visionnaire et à la direction artistique exceptionnelle
Beastars
Idée formidable, formidablement bien menée. Est-ce exprès ou non ? Le trais un peu doux, dynamique mais avec une certaine retenue me fait penser à l'incertitude régnant entre les personnages. Compassion pour les herbivores risquant d'être mangé, mais tout autant pour les carnis devant lutter constamment contre leur nature ! Série où d'un côté on s'identifie à des animaux, et où c'est la culture, la solution, savoir comment ne pas se laisser aller à sa nature ? Il y a les carni mangeant des œufs ou des insectes, et une sorte de priorité donnée aux herbis suscitant un certains ressentiment chez les carnis, d'autant que certains herbis ne se gênent pas pour prendre les carnis de haut à cause de leur nature prédatrice perturbant parfois la société par des crimes retentissant, ou s'exprimant plus discrètement dans le marché noir. Si tous les personnages sont intéressants, il faut noter le Cerf, le Loup et la Lapine petite amie du loup.
Macbeth (Brizzi)
Bon, je ne connaissais pas ce duo d'artistes, je n'ai jamais lu aucune de leurs oeuvres, et pourtant les astres se sont alignés, très récemment, pour que je m'y penche. Quai des Bulles 2025, mon père me mentionne en passant entre deux marées humaines qu'il aurait aperçu Brizzi en train de faire des dédicaces quelques stands plus loin. Le nom ne me dit rien, j'ai déjà fait la queue pour quelques dédicaces m'intéressant et mon porte-monnaie me fait la gueule suite à tous mes achats, je n'y prête donc pas vraiment attention. Pourtant, miracle, coup du sort, je tombe sur cette couverture. Une Lady Macbeth au visage fantômatique, dans un dessin crayonné des plus magnifiques, se tient devant moi. Le dessin est saisissant, l'expression de son visage est magnifique et terrifiant en même temps, je me revois immédiatement relire Macbeth lors de ma fin d'adolescence et me rappelle avec plaisir toute la puissance de cette histoire. Ni une, ni deux, j'ai acheté l'album (au diable mes économies). Si j'ai craqué, c'est avant tout pour l'oeuvre d'origine. Macbeth est une pièce mythique, non seulement parce que réputée immontable (de par sa complexité) mais également car son récit est à la fois simple et finement construit. Comme souvent chez Shakespeare, il est question de pouvoir, de mort, de mort pour le pouvoir et surtout d'une bonne couche d'ironie tragique. Les époux Macbeth, dans leur soif de pouvoir, font couler le sang à ne plus savoir s'arrêter, à ne plus pouvoir cesser de voir ce maudit liquide écarlate partout où iels passent. C'est une histoire sur l'ambition dévorante, les consciences maudites suite à des actes ignobles et surtout sur une lente descente en enfer. Mais surtout, c'est une histoire de sorcières. Si la pièce m'avait tant marquée depuis ma lecture, au delà de sa dimension tragique, c'est le rôle on ne peut plus marquant de ce groupe de sorcières qui, par leurs mots toujours si minutieusement choisis, manipulent les fils du destin et poussent chacun des personnages vers un destin funeste qu'elles leur ont choisi. À chacune de leurs rencontres (oui, dans l'album il n'y en a que deux mais je crois vaguement me souvenir d'une troisième) elles prononcent le moindre de leurs mots avec une maîtrise glaçante de la situation. Dépendant de qui est présent ou non, de ce qu'ont déjà fait les personnages ou non, elles ne révèleront pas les mêmes choses. Elles poussent par leurs prophéties macabres les époux Macbeth à commettre l'irréparable. Et pourtant rien ne les forçaient vraiment à tuer le roi ou à déclarer la guerre, rien ne les empêchait d'ignorer cette prophétie. Si les sorcières sont les metteuses en scène de ce récit macabre, les Macbeth sont les acteur-ice-s, celleux qui font l'action, celleux qui choisissent, et malheureusement iels ne parviennent pas à sortir de la trame dans laquelle iels se sont engouffrés. Mais trêve de louanges pour l'oeuvre d'origine, il est question ici d'adaptation. Le théâtre étant un art corporel, vivant, la plus grande prouesse à mes yeux de cet album c'est à quel point les deux auteurs sont parvenus à retransmettre cette vie par le dessin. Qu'il s'agisse des visages, de ces expressions saisissantes qui m'ont frappée dès la couverture, qu'il s'agisse de ces décors pleins de détails, de ce travail magnifique des ombrages et cette retranscription très jolie des paysages écossais, chacune des illustrations m'a paru valoir que je m'arrête quelques minutes pour l'étudier. Vraiment, le travail graphique des deux auteurs est une pépite. Je ne les connaissais pas avant mais je vais dès à présent garder leur nom en tête. J'ai particulièrement aimé les moments de visions. Qu'il s'agisse des hallucinations des époux lorsque ceux-ci sombrent dans la folie ou bien des invocations fantômatiques des sorcières, ces brèves apparitions de variations de rouge et d'orange, rappelant le sang, rappelant la colère des morts, créent à chaque fois des moments saisissants. Un défaut cependant (oui, toute dithyrambique que je suis je n'en reste pas moins une conne aigrie) : le tour m'a semblé un tantinet trop rapide. Oui, avec une telle qualité graphique je sonne sans doute comme une enfant pourrie gâtée si je dit qu'ils "auraient quand-même pu en faire un peu plus", mais je n'aurais pas dit non à ce que l'on s'arrête davantage sur certains passages, que l'on n'iconise pas plus que ça certains moments pourtant légendaires (le monologue final de Lady Macbeth pour ne citer que le plus connu). Certains événements s'enchaînent un peu vite et je ne sais pas si des lecteur-ice-s ne connaissant pas antérieurement la pièce comprendront certaines subtilités du texte (comme le fait que la descendance de Banquo deviendra la nouvelle lignée royale alors que son fils ne termine pas couronné). Un petit défaut, une infime complainte aux yeux de certain-e-s, mais j'avoue qu'avec une forme si magnifique cette petite craquelure sur le fond me parait bien dommage. Mais ce défaut mis à part, l'oeuvre reste finement travaillée. Pas loin de valoir la note maximale dans mon cœur, même. Non, vraiment, je ne regrette pas mon achat.
La Philosophe, le Chien et le Mariage
Le dessin très épuré, quasi comique de la couverture a tout de suite attiré mon regard. Le sujet, puis le feuillage ensuite, m'ont convaincu d'acquérir cet ouvrage et je ne le regrette pas. C'est frais, c'est clair, c'est édifiant (dans le sens premier du terme). On en apprend beaucoup sur cette jeune Hipparchia, issue d'une famille de riches marchands de Maroneia, qui est promise au mariage. Sur sa vie, ses questions, ses combats, ses désirs. On sent, et elle l'explique très bien en fin de volume, que les 5 ans de recherche de l'autrice n'ont pas été menées en vain. J'ai dévoré cette bd en moins d'une heure et je compte bien y revenir dans quelques jours pour en savourer la sagesse. Cela m'a replongé dans mes lectures adolescentes -tardives- (Sénèque, Platon, Épictète, Aristote et consorts). Mais cela serait minimiser la portée de cette bd que de la résumer à un traité de philosophie ou à un recueil de pensées. Sous nos yeux se déroule la vie d'Hipparchia avec ses échos modernes, ses interrogations et ses réflexions intemporelles (n'est-ce pas la force de la philosophie antique ?). Un véritable coup de coeur pour un sujet encore trop peu répandu : "les femmes remarquables" (bon, j'exagère, ça avance mais beaucoup d'entre elles mériteraient une plus grande visibilité).
Dr. Brain
Voilà un des derniers nés de la collection KBooks de chez Delcourt, et ma foi, c'est une très bonne surprise ! Je ne m'attendais en effet pas du tout à ça ! Mais la surprise va dans le bon sens. En effet, on a ici un thriller qui oscille entre fantastique et science-fiction pour un public plus adulte qu'ado. J'ai même pensé en recevant l'album qu'il s'agissait d'un comics ; d'une part par son format (172 x 224) et sa pagination (487 pages !) mais également par son graphisme, complètement inattendu pour une oeuvre coréenne (tout du moins ce que j'en connais). Ce "petit pavé" réalisé par Jacga Hong tant pour le dessin que pour le scénario, nous raconte le récit du jeune Sewon. Élevé par sa mère, le jeune garçon développe des troubles qui conduisent sa mère à l'emmener faire des examens ; c'est en sortant de ces derniers que la mère meurt et que le destin de Sewon bascule... Il va alors tout faire pour devenir neurochirurgien. Et c'est 20 ans plus tard que son diplôme en poche, il mène ses recherches pour réussir à lire les souvenirs des morts grâce à une de ses inventions. Le récit commence vraiment et nous plonge dans un thriller haletant où se mêlent et se perdent rêve et réalité. Découpé en 31 chapitres, les presque 500 pages de cet album se lisent sans aucun mal ; on est vite captivé par l'histoire et les mystères qui jalonnent ce thriller. Le dessin très contrasté et minimaliste de Jacga Hong surprend au début mais colle parfaitement à la personnalité assez rigide de notre personnage principal. Les planches sont juste rehaussées de couleurs franches que l'auteur travaille en dégradés. Chaque planche se retrouve ainsi épurée et donne à l'ensemble une narration fluide et addictive. Une très bonne surprise que cet album, qui me confirme qu'on trouve toujours quelques belles pépites pas forcément attendues dans certaines collections ! *** Tome 2 *** Après la très bonne surprise du premier tome, j'étais curieux de voir comment allait repartir cette série. Et j'avoue que notre auteur, Jacga Hong est loin de manquer de ressources ! Avec cette "saison 2", nous voilà embarqué dans une scénario un brin alambiqué mais pour le coup original. Comme nos protagonistes, on se fait balader de chapitre en chapitre pour identifier le "chef" de cette mystérieuse organisation criminelle. On retrouve Sewon au centre de cette enquête complexe et dangereuse ; personnellement impliqué, il ne va pas s'en sortir indemne, son entourage non plus. C'est rude, les personnages sont intéressants et bien campés, tissant ce scénario qui nous mène par le bout du nez de bout en bout : une saison 2 qui décoiffe.
La Cantine de Minuit
Le dessin n'est pas beau sans être laid, mais on s'y fait, comme on s'habitue à des gens dont le physique n'a rien de transcendant mais qu'on apprécie. Parce qu'à l'inverse du Gourmet solitaire, on est dans le partage, la communion ! Cependant, mieux vaut un trait basique mais qui permet de bien différencier tout le monde que le contraire ! Plus que les recettes et la vie des gens qui se retrouvent ici, c'est à mon avis leur rencontre l'essentiel de cette œuvre. A la fin d'Astérix, j'adorais le banquet final ! Ici, sans aventure mais sans un barde ligoté*, on se retrouve entre gens devenant peu à peu des amis. La découverte de nouveaux plats correspondant aux attentes des clients ou à l'inventivité du patron sont l'aventure, et l'écho assourdi de ce qui se arrive dehors. Le fait que tout se passe la nuit offre un léger et poétique décalage. * Humour des artistes, l'artiste est catastrophique et se retrouve maltraité !
Le Fils de l'ours père
Presl est un auteur original, sans doute très éloigné des productions main stream. Mais les plus curieux d’entre nous peuvent y trouver matière à rêverie, et surtout un plaisir de lecture. Ici, il fait preuve d’une grande maîtrise, pour développer son histoire muette, avec un dessin qui m’a fait penser au travail de Vanoli, avec ces corps bizarres, ces perspectives chamboulées, et ce Noir et Blanc assez tranché – même s’il est plus charbonneux chez Vanoli. Le récit est à la fois simple et riche, et fait immanquablement penser à certaines tragédies antiques, avec ce destin, qu’on ne peut fuir. Il y a aussi des questionnements sur le regard de l’autre, l’acceptation des différences (ici un être hybride, mi-ours mi-humain qui, bien que brillant, sera rejeté de la plupart sur son apparence. Un sujet hélas contemporain. Même si rien ne permet réellement de situer dans l’espace et le temps cette histoire (des aspects contemporains, d’autres intemporels, voire « anciens » - comme le métier de montreur d’ours dans les villages). Même s’il a été publié après quelques productions chez Atrabile, cet album a été conçu antérieurement. Il confirme aussi l’attrait de l’auteur pour la peinture : le personnage principal, « le fils » devient peintre autodidacte, et en retire une fonction cathartique évidente. Un album étonnant, mais que j’ai apprécié.
Silence
J’ai découvert Silence un peu par hasard, en parcourant les notes et critiques sur BDthèque — et je dois dire que c’est grâce à sa très bonne notation que j’ai eu envie de m’y plonger. Et quelle découverte ! Comès signe ici une œuvre profondément marquante, à la fois poétique, sombre et d’une grande humanité. L’histoire de Silence, ce jeune homme simple d’esprit manipulé par les habitants d’un village rongé par la cruauté et l’hypocrisie, m’a touché bien plus que je ne m’y attendais. Sous ses allures de conte rural, la bande dessinée dépeint une société où la différence dérange, où le pouvoir corrompt, et où la pureté de cœur devient presque un fardeau. Le dessin en noir et blanc, d’une précision incroyable, accentue l’atmosphère pesante et tragique du récit. Chaque case semble pensée comme une gravure, avec une force visuelle rare. Le contraste entre la beauté du trait et la dureté de ce qu’il raconte renforce l’émotion ressentie tout au long de la lecture. Ce qui m’a surtout marqué, c’est la profondeur du message : derrière la fable, Comès nous parle d’exclusion, de solitude et d’innocence dans un monde qui ne laisse pas de place à la différence. Le personnage de Silence, à la fois victime et miroir de la cruauté humaine, reste longtemps en mémoire après avoir refermé l’album. En résumé, Silence est une œuvre magistrale, à lire absolument pour quiconque aime les bandes dessinées à la fois fortes, sensibles et intelligentes. Merci à la communauté de BDthèque de m’avoir fait découvrir ce récit : sans sa réputation sur le site, je serais sans doute passé à côté d’un grand moment de bande dessinée.
Aciae z79
Le Jeu du Hasard est truqué. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par l’artiste se faisant appeler emg, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comporte quatre-vingt-huit pages de bande dessinée. Il se compose d’une histoire courte intitulée Trinitrate glycérol z7 de sept pages, puis de l’histoire principale Adoremus christum in aeternum z79. Trinitrate glycérol z7, sept pages. Une molécule flotte sur un fond uni, elle est composée de trois atomes de carbone, trois d’oxygène et huit d’hydrogène. Plus loin flotte une molécule composé d’un atome d’hydrogène, un d’azote et trois d’oxygène. Un court récit dans lequel l’auteur montre des molécules en train de dériver dans un milieu qui n’est pas précisé, jusqu’à se combiner entre elles. Le titre donne une signification très particulière à ces pages, indiquant qu’il s’agit du processus de combination de la nitroglycérine, c’est-à-dire la réaction de nitration du glycérol avec l'acide nitrique. Ainsi il représente un ballet chimique doux et coloré d’entités se combinant entre elles, ce qui l’oppose à la nature même du produit ainsi formé, à son utilisation destructrice par l’homme qui a imaginé ce processus. Adoremus Christum In Æternum z79, soixante-dix-neuf pages. Dans un champ, un homme dans une tenue habillée tient un panier avec des fruits à la main. À côté, une jeune fille d’une dizaine d’années pousse une brouette légèrement chargée. L’oncle indique à sa nièce Marta que c’est peut-être écrit dans la Bible, et il lui demande si après y avoir réfléchi, elle y croit. Elle s’écrie qu’une goutte de pluie lui est rentrée dans l’œil. De nuit, au même endroit, se détache la silhouette d’une femme tenant une grande crosse avec une roue à son extrémité, s’exclamant : Lilith ! Dans les salons du palais de l’empereur, des nobles en habits discutent. L’une de ces dames en robe s’adresse à son interlocuteur en lui disant qu’elle le pensait plus patient, elle devrait leur présenter Maximilien. Il répond qu’il ne lui sera d’aucune utilité dans son entreprise, et regrette que von Tiesenhausen ne revienne pas. Une autre s’adresse à un officiel, en le mettant au défi d’évoquer le sujet au Conseil, et devant sa propre épouse de surcroît ! Un homme en uniforme explique à un autre qu’ils craignent que le mal ne s’étende aux Deux-Provinces. Les discussions continuent alors que les serviteurs présentent des plateaux avec des boissons. Dans une chapelle, un noble prie et s’adresse au Seigneur. Il lui dit qu’il L’a fait veuf, cujus regnis non erit finis, et maintenant la misère s’enracine dans le domaine qu’Il lui a confié. Puissent ses prières arriver jusqu’à Lui, et sauver les récoltes. Dans le palais, les invités sortent à l’extérieur, et ils se dirigent vers la terrasse avec une vue sur le magnifique jardin à la française. Ils continuent à parler de choses et d’autres. Dire que la narration est singulière est un euphémisme. S’il n’a jamais lu d’œuvre de cet auteur, le lecteur se demande dans quoi il est tombé. Première évidence : le parti pris graphique hors du commun. L’artiste utilise un outil infographique, et représente aussi bien les personnages que les décors et les accessoires par un assemblage de formes géométriques simples : cercle, cylindre, sphère, parallélépipèdes, cônes, trapèzes et autres, en leur appliquant les lois de la perspective. Les personnages présentent des singularités telles que l’absence de traits de visages, l’absence de coudes, de genoux, de chevilles, les différentes parties du corps humains n’étant pas reliées entre elles. Pour autant il est possible d’identifier certains personnages d’une séquence à l’autre par leur taille et leur tenue vestimentaire. Deuxième particularité narrative : un dessin par page, il n’y a donc pas d’action décomposée en suite de cases, ni de cases disposées en bandes, ou reliées entre elles sur une même page. Troisième particularité : la forme des phylactères qui sont des parallélépipèdes rectangles, c’est-à-dire avec un volume, plutôt que des bulles en deux dimensions. L’auteur joue avec cette forme en trois dimensions, les propos d’un personnage pouvant se trouver sur deux faces contigües d’un tel phylactère. Autre particularité déstabilisante : la numérotation des pages. Déconcerté par l’apparente absence de continuité d’une page à la suivante, le lecteur regarde la numérotation des premières : 01, suivie par 66, puis par 02 à 09, puis 11, puis 10, puis 12 à 16, puis 18… Il faut donc un temps d’adaptation au lecteur pour choisir comment lire cette bande dessinée. Le réflexe naturel est de de se focaliser dans l’intrigue, en relevant les ressemblances entre les assemblages de formes géométriques 3D pour identifier des personnages, pour s’accrocher à la récurrence de leurs apparitions, afin de déterminer les rôles principaux. Il repère également les événements évoqués par les personnages, et l’incidence qu’ils peuvent avoir. Il laisse de côté les informations qui lui semblent sans signification sur le moment, telle cette silhouette en ombre chinoise qui en appelle à Lilith dans la deuxième planche, qui est numérotée soixante-six, au lieu de deux. Il faut relativement peu de temps et peu d’effort pour situer les deux personnages principaux : le veuf Flavius et sa fille Marta. Le premier s’en va chercher du travail ce qui l’éloigne durablement de sa famille, la seconde éprouve une passion pour la lecture, ce qui l’incite à se tenir autant à l’écart qu’elle le peut de la vie mondaine et de la cour de l’empereur. Elle est élevée par son oncle et l’épouse de celui-ci. À part une ou deux bizarreries chronologiques en cours de route, l’intrigue s’avère facile à suivre jusqu’à son dénouement qui clôt effectivement le récit. Comme en atteste la couverture, la narration visuelle apparaît très personnelle, au-delà même des caractéristiques déjà évoquées. L’auteur opte donc pour une composition immuable d’une unique image par page, sans jamais que deux cases à suivre, ou deux pages à suivre, ne se déroulent au même endroit ou ne concernent le même personnage. Une fois acclimaté aux caractéristiques graphiques à base de formes géométriques en trois dimensions, le lecteur ressent que chaque case est composée comme un dessin traditionnel avec une bonne densité d’informations visuelles. Dans la première, il peut voir l’oncle et la nièce, un arbre au premier plan deux paniers, une brouette, et en arrière-plan l’ondulation du terrain et le cône de plusieurs arbres qui dépassent. Dans la suivante, il y a l’ombre chinoise de la jeune fille, la crosse, deux arbres, les ondulations de terrain, la silhouette d’autres arbres, la pluie, un croissant de Lune, avec un bel usage des couleurs sombres. Le mode de dessin ne constitue pas une excuse pour des compositions simplistes. Dans la page suivante, une quinzaine de personnages interagissent dans une réception mondaine, avec en plus les tableaux accrochés au mur, un grand tapis, et les phylactères massifs. Nonobstant des couleurs parfois acidulées, le lecteur se rend compte que l’immersion fait son effet : il peut se projeter aussi bien dans cette cour inspirée de l’Europe centrale du début du XIXe siècle, que dans une chapelle, une zone naturelle boisée, la modeste demeure de l’oncle, le labyrinthe des jardins à la française, une forêt épineuse, un champ de bataille à côté des servants d’un canon, une cité fortifiée en bord de mer, à bord d’un navire traversant l’océan par une mer houleuse, au beau milieu d’une cérémonie religieuse dans une église, sur une route enneigée, etc. La tête des personnages se limitant à une sphère à laquelle peuvent être accolés une poignée de cylindre figurant la coiffure, sans aucune marque pour la bouche, les yeux, les oreilles ou le nez, elle s’avère inexpressive au possible. De la même manière les postures des personnages s’inscrivent dans un registre fonctionnel, sans participer d’un langage corporel. Ainsi l’état d’esprit d’un personnage n’est accessible au lecteur que par ce qu’il dit, dans des phrases courtes et peu nombreuses, c’est-à-dire de façon très concise et limitée. D’un autre côté, ces dessins à base de formes minimaliste aboutissent parfois à des images saisissantes. Il en va ainsi de celle retenue pour la couverture, presque identique à celle se trouvant en page numérotée 63, située entre les pages numérotées 28 et 30. Outre cette composition quasi abstraite, le lecteur s’amuse du jeu avec la forme des phylactères qui peuvent être cylindriques, ou comme pliés sur eux-mêmes, masquant ainsi une partie de leur contenu. Il voit les notes de musiques flotter dans l’air du salon, un trait pointillé qui est désigné comme une colonne de fourmis par Marta, des formes de labyrinthe à bille pour le dessin des jardins à la française, une série de disques disposés en arc de cercle pour figurer la course du soleil dans le ciel, des feuillages d’arbres qui semblent flotter au-dessus du sol car ils sont dépourvus de tronc, un nuage qui pleut sur un phylactère pour indiquer que le personnage pleure, un oiseau qui profite d’une ouverture dans un phylactère comme dans un nichoir, et un grand nombre de chats. Finalement une histoire sympathique et intelligible malgré les bizarreries. Certes… Pour autant ces dernières sont bien présentes et intentionnelles, une construction à la chronologie sciemment déconstruite par l’auteur. Premier effet : une mise en évidence de l’arbitraire de la construction d’un récit par un auteur, puisque celui-ci décide de l’ordre des pages comme bon lui semble, il est le maître du temps de cet assemblage. Deuxième effet : rapprocher des moments temporellement éloignés dans le récit, ce qui casse la causalité d’une page à l’autre. Troisième effet : faire constater au lecteur que ce dernier établit lui-même des liens de cause à effet, par pur automatisme de pensée, en lui indiquant a postériori que la cause de l’action d’un personnage était bien différente de celle qu’il avait subodorée. Il se produit également une mise en abîme de l’acte de lecture puisque Marta elle-même s’y adonne avec passion et qu’elle explicite la nature de son plaisir. Elle dit que : il y a du soleil dans ces livres, et toutes les saisons de tous les pays, et puis les sentiments y sont plus forts, et elle peut sauter les passages qui ne lui plaisent pas… Un peu comme le désordre des pages fait sauter des passages au lecteur, et l’auteur lui fait y revenir après, plusieurs pages plus loin. Plus loin Marta explique également que : Ce qu’elle aime avec les Évangiles, c’est qu’ils parlent d’un pays lointain où elle n’ira jamais. Et encore : L’année dernière, sa tante l’a invitée à venir voir les Danses de mars, au Palais ; Marta a refusé car elle avait lu un très beau poème à propos de ces danses, et elle a eu peur d’être déçue, que la réalité efface l’idée. Le lecteur préfère retenir cette explication pour le choix d’un fil narratif restructuré, plutôt que celle des fourmis qui se suivent à la queue-leu-leu : il ne souhaite pas être une de ces fourmis suivant un chemin bien balisé, ou pire celles qu’un cousin tue si elles empruntent le chemin qu’il ne veut pas. Un nouvel ouvrage de l’auteur, une nouvelle expérience de lecture hors du commun. Il recompose son récit dans un savant désordre chronologique se traduisant par un mélange des pages pour une numérotation non linéaire. Une fois passé le moment d’adaptation nécessaire à l’apparence des dessins réalisés à partir d’assemblage de formes géométriques simples, le lecteur se laisse porter par les dessins et les dialogues, estimant qu’il finira bien par s’y retrouver. En effet, il capte sans trop d’effort la dynamique et l’enjeu de l’intrigue, et comprend aisément sa résolution. Il vit également de vivre une expérience de lecture entre déconstruction et mise en lumière de l’arbitraire, rupture de la causalité linéaire, et mise à nu de la causalité à plus ou moins long terme. Expérience unique.
Une vie d'huissier
2021 était vraiment une belle année pour le milieu de la BD francophone. Et c’est notamment Une Vie d’huissier qui me fait penser cela. Dev Guedin retrace ici l’histoire dun lointain cousin maintenant décédé. Il lui rend hommage en dessinant sa biographie, ses moments de jeunesse et les difficultés du métier d’huissier. L’histoire, vraie, de cette huissier est triste voire misérable. Il y a la tristesse de voir cette homme subir une vie sans autre issues et avec les déboires qui s’enchaînent. Mais également la tristesse qui l’entoure, la pauvreté des beaux et des moins beaux quartiers. Voir la désespérance des gens auxquels l’huissier vient donner un dernier coup. C’est assez frappant ! Au final c’est plus que la vie de cette huissier à laquelle on assiste mais également le portrait de la société française des années 80 avec toute sa violence et toute sa saleté, une vision sans filtre des classes rurales et peu aisés des grandes villes. Je pense que c’est ce que j’ai le plus aimé dans cette oeuvre. Le style graphique m’a également beaucoup convaincu. J’ai aimé la noirceur de certaines scènes, le côté quasi cartoonesque de certaines situations mais également un style de manière générale auquel je ne suis pas habitué. Une de mes BDs favorite.