Un premier tome de très bonne facture.
J'étais pourtant un peu sur la réserve avant ma lecture, le dessin ne fait pas partie de ceux que j'apprécie le plus.
Enfin une biographie digne de ce nom pour cet immense artiste. Artiste atypique, profondément humain et toujours pas remplacé. Combien de chanteurs ont arrêté le tour de chant en pleine gloire ?
Artiste reconnu mondialement, il suffit de voir le nombre de reprises de ses chansons : Bowie, Sting, Nina Simone, Joseph Gordon-Lewitt ..... pour les plus connus.
Le mot qu'il détestait : la médiocrité. Il s'efforcera toujours de la combattre et sa vie ne sera faite que de nouveaux défis.
Il aura touché à tout : acteur, réalisateur, comédie musicale, pilote d'avion, barreur de son voilier .....
Tome 1
Salva Rubio ne fait aucune concession, on y découvre un Brel avec ses contradictions, son amour des femmes, ses peurs et sa persévérance. Et il lui en aura fallut de la persévérance pour arriver à la reconnaissance avec son allure de grand déglingué et son physique ingrat.
On y découvre un Paris d'après guerre où le milieu artistique déborde de talent, ainsi que les rencontres qui vont marquer sa vie d'artiste et d'homme. On y voit le "tout Paris" du music hall. Jojo qui deviendra son meilleur ami, ce lien entre les hommes qu'il trouve beau et fort.
Et surtout "Miche" son épouse qui a toujours soutenu son Jacques malgré les infidélités. Son éducation catholique fera qu'il ne divorcera jamais.
Du l'usine de cartonnage à papa comme point de départ, puis Paris et les petites salles, la période des vaches maigres, enfin l'olympia en première partie de Philippe Clay.
Une narration maîtrisée et captivante.
Voilà la première partie des trois vie du grand Jacques.
Tome 2
Un album qui commence le 16 mai 1967 à Roubaix, Brel vient de donner son dernier concert.
Un album qui retrace la vie du grand Jacques de 1958 à 1967, la période qui va le mener à la gloire. Le début ne sera pas facile, il entre en conflit avec sa maison de disques Philips. Il faudra qu'Eddie Barclay intervienne en proposant Johnny Hallyday en échange de Brel pour débloquer la situation.
Un second tome qui tourne autour de la complexité du bonhomme, les raisons qui ont poussé Brel a arrêter le tour de chant, sa relation avec les femmes (toujours marié, mais une nouvelle maîtresse et les autres ...), sa vie de bohème, toujours sur la route pour donner des concerts (il en fait plus de 300 par an) et le lien indéfectible qui le lie à ses musiciens et à Jojo.
Une narration toujours autant maîtrisée avec ces pages où la voix off de Brel ajoute une profondeur au récit, une voix off qui reprend des extraits d'interview de l'artiste, elles viennent régulièrement s’immiscer le long de l'album.
Un album qui se termine avec Brel à la barre de son voilier l'Askoy, il est prêt à parcourir deux océans .....
Voilà la seconde partie des trois vies du grand Jacques.
En postface, l'auteur nous éclaire sur la réalisation de ce deuxième opus.
Tome 3.
Avec ce dernier volet, Brel se réinvente, il va produire une comédie musicale où il aura le rôle principal : l'homme de la mancha. Ensuite, il sera acteur dans 10 films dont L'Aventure c'est l'aventure de Lelouche et "L'emmerdeur" de Molinaro, dans le rôle du désormais célèbre François Pignon. Il réalisera aussi deux films, "Frantz" où il donne la réplique à Barbara et "Far West" qui sera assassiné par la critique et boudé par le public. Dès lors il va prendre du recul avec le show-business. Il aura entre temps passé son brevet de pilote et obtenu son diplôme pour barrer un voilier (Il rêvait d'être Saint-Exupéry et Magellan). Avec les femmes c'est toujours aussi compliqué (il sera accusé d'adultère). Il décide de faire le tour du monde sur son voilier, L'Askoy II. C'est Maddly Bamy, une ex-clodette, qui va l'accompagner. Un voyage qui le mènera jusqu'aux îles Marquise. C'est sur ce rocher perdu dans le Pacifique qu'il finira sa vie, un bout de terre où personne ne le reconnaît. Il y rendra de nombreux services en faisant des navettes avec son petit avion entre son île d'Hiva-Oa et Tahiti. En 1977 sort son dernier album (un million de disques vendus en une journée) et meurt en 1978 d'une embolie pulmonaire. Il est enterré au cimetière d'Atuona à Hiva-Oa, non loin de la tombe de Paul Gauguin.
Et toujours cette narration maîtrisée et captivante.
Une postface très instructive sur la réalisation de cette BD.
Un crayonné proche du fusain, un trait gras et des couleurs sombres donnent une âme au récit. Mes réticences du début ont disparu.
Il s'en dégage une ambiance vintage du plus bel effet.
Une biographie complète, avec de nombreuses anecdotes, que je ne peux que conseiller.
Et pour les curieux, je recommande le bouquin d'Olivier Todd, "Jacques Brel : une vie".
Cela commence comme un grand classique : une petite fille laissée par ses parents pour passer un été avec son grand-père. Sauf que la forêt dans laquelle il habite seul est complètement magique, peuplée d'animaux qui parlent, d'arbres qui se baladent, de lutins et de puissants esprits du jour, de la nuit ou encore de la forêt elle-même. Le grand-père d'Hannah en est le gardien et sa mère était amie des créatures des lieux. Mais comme Hanah n'a pas grandi ici et vient de la ville, elle est rejetée par l'esprit de la forêt qui veut la faire fuir. Hannah, son grand-père et quelques-uns des habitants de la forêt doivent alors braver les dangers pour convaincre l'esprit qu'elle fait partie de la famille du gardien et a sa place en ces lieux.
C'est une histoire légère et emplie d'autant d'humour que de magie. Elle est dessinée avec un trait tout rond, mignon et expressif tout en accentuant les aspects humoristiques des personnages. La petite brochette de personnages est attachante et relativement originale, que ce soit le gentil grand-père qui ne maitrise pas tout mais ne se laisse pas faire, la petite fille apeurée mais pas bête, ou encore l'amusant Infiniticochon qui se régénère quand on lui coupe un jarret pour le manger. L'histoire est simple mais prenante car elle permet de découvrir cette forêt magique pleine d'insolite et de quelques dangers. D'ailleurs on apprécie les illustrations des pages de garde de l'album qui montrent la progression de la découverte du plan de la forêt comme celle d'un jeu vidéo qui se dévoile peu à peu au fil de l'avancée du joueur.
La série s'adresse en théorie à un jeune public mais un adulte peut la lire avec un grand sourire et l'envie de voir où elle va nous mener. En cela, la fin du premier tome est un peu frustrante car on découvre avec surprise que l'histoire est loin d'être finie malgré les 100 pages de l'album et la quantité de choses qu'il s'y est passée. Il faudra donc attendre la suite pour en avoir le fin mot et savoir comment la petite Hannah va se faire accepter par la forêt.
J’étais très intriguée par cette série depuis que Ro l’a postée sur le site il y a de cela presque dix jours. Les jolis décors à l’esthétique grecque, les personnages aux bouilles adorables, la promesse d’aventure(s), … Tout ça titille des cordes sensibles chez moi.
Et puis, c’est Kerascoët au dessin. J’adore Kerascoët ! Facilement parmi mes dessinateur-ice-s préféré-e-s du medium. Leurs personnages ont toujours des designs sobres et élégants, des visages très expressifs et charmants, je trouve leur trait sincèrement très chiadés, … Ouais, les voir au dessin, ça m’annonce du bon, ne serait-ce que visuellement.
Fort heureusement, l’histoire est elle aussi intéressante.
Elle commence sur l’île de l’Atlantide, visiblement coupée du reste du monde depuis la disparition il y a fort longtemps de l’électricité (pardon, "l’élektricité"), l’énergie que les habitant-e-s étaient les seul-e-s à maîtriser et qui leur permettait d’alimenter des machines très complexes. Mais aujourd’hui, c'est dommage, l’élektricité à disparu. Tout du moins, c’est ce que l’on pense, car un jeune garçon du nom d’Icare découvre un beau jour qu’il est un "élu", quelqu’un capable de produire et de contrôler l’élektricité. Mauvaise surprise en réalité, car on raconte qu’un mystérieux peuple venu des mers aurait par le passé enlevé tous-tes les élu-e-s atlantes.
Voilà, une base simple mais très prometteuse. Et l’exécution est plus que bonne. Icare, le jeune garçon timide et un peu gringalet, et Kalio, la jeune fille sage et autoritaire qui l’accompagne et pour qui il a le béguin, sont très attachant-e-s. Les personnages secondaires sont tout aussi charmants (tout spécialement la sœur de Kalio et la grand-mère d’Icare). Et, comme dit Ro, il se dégage déjà dès ce premier album une ambiance qui n’est pas sans rappeler les Mystérieuses Cités d’Or.
Franchement, c’est un très bon départ de série. J’attend déjà le second tome avec impatience.
Le coup de cœur pour un premier tome de 48 pages est peut-être risqué, mais je suis honnêtement charmée par les promesses de cette histoire. Et puis, si ça peut aider à la visibilité de la série et assurer qu’elle puisse être menée à terme, j’ai envie de dire qu’elle le mérite bien. On n’a qu’à dire que c’était un coup de foudre.
Des contes pour comprendre
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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il regroupe les 4 épisodes de la série, initialement parus en 2021 (pour la VO), écrits par Matt Kindt, dessinés et encrés par Matt Lesniewski qui a également assuré le lettrage (pour la VO). La mise en couleurs a été réalisée par Bill Crabtree. Les couvertures ont été réalisées par Lesniewski, les couvertures variantes par Malashi Ward, Jill Thompson, Patric Reynolds, Marguerite Sauvage, Tyler Bence. Le tome se termine avec 5 pages extraites du carnet de croquis de l'artiste.
Il y a une vingtaine d'années de cela, la jeune fille Crimson se glisse dans le bureau de son père qui est en train de travailler. Elle sait que si elle se montre discrète, elle peut lire et le regarder travailler. Elle va sur la pointe des pieds, chercher sur une étagère, son livre préféré : un recueil de contes slaves. Elle s'installe dans le grand fauteuil profond et se met à lire dans le calme de ce bureau. Au temps présent, elle conduit sa voiture dans les rues de Saint-Pétersbourg pour se rendre à un rendez-vous avec un médecin. Elle travaille pour le groupe Cardinal Perennial Pharmaceuticals en tant que représentante. Elle-même est sous traitement, des médicaments produits par le même laboratoire : elle a conscience de son état et vit bien avec. Ce jour-là, elle déroule son argumentaire de vente bien rodé, mais elle n'est pas venue pour réaliser une vente. Elle termine son intervention sur le fait que ces médicaments ont prouvé leur efficacité sur quatre types de schizophrénie. Un instant, elle a la sensation que son interlocuteur a une tête de loup. Elle peut confier un an de stock au médecin, en échange d'un service. Elle souhaite savoir s'il a déjà vu un patient nommé Anton Shubin.
Le médecin explique qu'il ne peut pas divulguer ce genre d'information. Elle le prend à la gorge d'un geste vif pour l'étrangler et il finit par céder et lui confier le dossier de son patient. Crimson s'en va, le médecin lui promettant de porter plainte. Elle se rend à l'adresse figurant dans le dossier, dans un quartier pauvre. Elle monte dans la cage d'escalier en piteux état et frappe à la porte 73. Un homme âgé entrouvre le battant et le referme après qu'elle se soit présentée. Elle parle plus fort et indique qu'elle peut lui confier un tube complet à titre gracieux. Anton Shubin entrebâille rapidement la porte et saisit le tube. Crimson tire violemment la porte pour la refermer, Shubin reculant de douleur, puis elle donne un violent coup de pied pour l'ouvrir en grand. L'homme est à terre et lui demande ce qu'elle veut. Elle lui intime de parler de lui pour commencer : c'est un tueur. Est-ce qu'il se souvient ? Il y a vingt ans, se souvient-il de ce qu'il a fait, de son père à elle ? Est-ce lui qui l'a assassiné en l'étranglant avec une corde, puis en le poignardant dans le dos ? Il explique qu'il se cache de ses anciens employeurs pour qui il était un assassin. Il sait qu'il n'a pas tué le père de Crimson car il n'utilise pas de poignard. Cette réponse évoque un conte à Crimson et elle se met à le raconter : l'histoire d'un jeune garçon, à la recherche d'un boulot. Il voulait être mineur, et donc les mineurs lui ont proposé de passer un test, une épreuve : descendre jusqu'au fond de la mine avec une torche enflammée.
Après un véritable chef d'œuvre MIND MGMT , et une autre série Dept. H, Matt Kindt a décidé de réaliser des histoires courtes avec des artistes différents à chaque fois pour plusieurs éditeurs. Le premier contact avec le récit s'établit avec la couverture : elle est un peu chargée et semble promettre une aventure de type Fantasy, avec la présence étrange d'une jeune femme avec une valise, et cette chaîne d'ADN en médicaments. La première page évoque le plaisir de la lecture des contes durant l'enfance, avec des dessins descriptifs avec un fort niveau de détails. La deuxième séquence en 3 pages montre le monde réel, à nouveau avec un bon niveau de détails, des personnages avec une tête un peu grande (Crimson Flower) ou un peu petite pour le médecin, et cette case inattendue dans laquelle ce dernier a une tête de loup. Dans la séquence suivante, l'artiste et le scénariste semblent prendre plus de liberté : le corps distordu d'Anton Shubin, le passage au mode conte avec un jeune garçon fluet et petit et les mineurs à la carrure trop large pour être plausible, et le torse comme un tonneau. Le récit fonctionne donc sur une dynamique de mystère, ou plutôt d'énigme incitant le lecteur à se prêter au jeu, en faisant des hypothèses sur les capacités physiques de Crimson Flower, sur le parallèle entre la réalité et les contes, sur cette quête de vengeance pour le meurtre du père, sur la réalité même de la façon dont Crimson interprète les faits, voire les invente de toute pièce.
En découvrant le premier conte, le lecteur reconnaît le plaisir que prend le scénariste à entremêler la réalité avec la fiction, à jouer sur le rapport entre les deux, à créer une mise en abîme. Ici, le conte est une fiction dans la fiction, et renvoie le lecteur au fait que l'histoire qu'il lit est toute aussi fictive que l'histoire dans l'histoire. S'il entretient des réserves sur l'adéquation des particularités des dessins avec l'histoire au temps présent, le lecteur est vite conquis par sa pertinence pour les contes. Il retrouve la manière d'exagérer des morphologies pour que des personnages incarnent plus un état ou un caractère marqué, ainsi que les environnements avec des éléments oniriques. Le jeune garçon avec sa torche exsude une envie de bien faire et une forme d'insouciance de la jeunesse, progressant dans des tunnels sans étai, plus une forme de grotte que de mine. Le second conte survient dans le deuxième épisode, alors que Crimson Flower essaye d'échapper à deux assassins professionnels avec une longue expérience. Elle devient une héroïne, une chasseresse, et ses deux poursuivants deviennent des créatures démoniaques ailées. Il suffit du premier conte pour que le lecteur comprenne la pertinence du choix de cet artiste. Après coup, il comprend que les bizarreries de ses dessins au temps présent dans le monde réel agissent comme des rémanences de la narration des contes. Pour une raison qui est à découvrir, la réalité est empreinte du ton des contes. Ceux-ci servent-ils à Crimson Flower pour donner sens aux événements ? Y a-t-il une dimension fantastique à prendre au premier degré, avec la coexistence des deux mondes ? S'agit-il du pouvoir des ennemis contre lesquels elle se bat ? Faut-il envisager une autre possibilité ?
Le récit est court, seulement 4 épisodes, et les auteurs ne font pas de remplissage. Chaque numéro fait avancer l'intrigue et comporte un conte (3 même dans l'épisode 3), ainsi que des scènes d'action. Le lecteur a bien compris que Crimson Flower a vu son père assassiné sous yeux et qu'elle a juré de se venger. Elle est à la recherche de son assassin, ce qui l'amène à se confronter à des tueurs pour leur poser la question de savoir si c'est eux qui ont perpétré ce meurtre. Les dessins montrent une jeune femme costaud sans être bodybuildée, pas si habile que ça au combat à main nu, profitant souvent des circonstances pour s'en sortir, plutôt que de vaincre par la force ou par ses compétences de combattante. Elle se bat contre des hommes à la mine patibulaire, ce qui les rend immédiatement coupables des pires exactions dans le contexte de ce type de bande dessinée. Le lecteur entretient un doute, mais il est levé par les aveux d'Anton Bushin. Pour autant, la dynamique ludique l'incite à prêter attention à tous les détails, à se demander si telle remarque, ou tel geste est bien cohérent avec l'idée qu'il se fait de la situation. Il tombe sous le charme des contes qui fonctionnent parfaitement, pouvant être transposés directement à la situation de Crimson Flower à ce moment-là. Il réfléchit à la manière dont la morale du conte peut s'appliquer à l'héroïne, et finit par prendre conscience que son vrai nom n'ait jamais prononcé. Il se dit qu'elle est une sorte de justicière qui élimine des assassins, peut-être grâce au fruit de son enquête, peut-être pour partie par chance. Progressivement une autre possibilité commence à apparaître.
Étrange : une couverture intrigante, mais un peu chargée, pas facile à déchiffrer entre cette guerrière médiévale, ces mineurs à la mine renfrognée, et cet ADN de médicaments. Un peu bizarre au début, ces dessins qui malmènent un peu la morphologie, qui montrent des personnages peu avenants, y compris l'héroïne, dans les mauvais quartiers d'un monde réaliste. Irrésistible cette narration ludique associant des doutes sur la perception de la réalité par le personnage principal, et ses efforts pour comprendre les événements ou les comportements de ses opposants grâce à la sagesse de contes slaves qu'elle lisait quand elle était petite. Quoi qu'il en soit, la dynamique de la vengeance accroche le lecteur assurant un divertissement de bonne qualité. Puis le premier conte rend évidente la qualité de la narration graphique, et la manière dont les contes colorent la compréhension de Crimson Flower, dont ils contaminent la réalité. Le thème de l'intrication à double sens entre réalité et fiction se pose également comme une évidence. L'histoire acquiert encore plus d'épaisseur quand il s'avère que les différents mystères participent d'une unique énigme qui ajoute une interaction supplémentaire entre fiction et réalité pour une histoire fonctionnant au premier degré et en abîme.
J'ai découvert L'Île de Minuit sans grande conviction au début, en lecture à suivre dans le journal Spirou. Mais contrairement à Tanis, une série parue simultanément, qui a vu peu à peu mon intérêt s'émousser, la BD de Lylian et Grebil n'a eu de cesse de l'augmenter. Voici mon avis à l'issue du premier tome.
L'autre point commun avec Tanis, c'est que ce qui m'a emporté de prime abord, c'est le dessin. Je trouve le trait de Grebil élégant, plaisant à l'œil sans tomber dans les excès d'une modernité criarde. Avec ses couleurs chaleureuses, il m'a emporté dans les méandres de cette série que je craignais trop exclusivement destinée à la jeunesse.
Bien sûr, on ne perdra jamais de vue le public cible du récit, mais Lylian a le bon goût d'instaurer un mystère suffisamment captivant pour susciter l'attention d'un public plus expérimenté sans le lasser. On ne pourra pas ne pas voir planer sur ce scénario les dangereuses ombres de Lost, Sa Majesté des Mouches et Seuls, dont on espère que cette nouvelle série ne sera pas un simple palimpseste. Mais jusqu'à présent, Lylian semble avoir réussi à tracer sa route, quoiqu'on a toujours peur de revenir en terrain connu...
Quoiqu'il en soit, je sors de ce premier tome amplement satisfait. L'univers est bon, le mystère est vraiment accrocheur, la qualité graphique et narrative de l'ensemble est tout à fait convaincante. J'avoue qu'arrivé à ce stade, j'ai un peu du mal à voir comment les multiples twists dont on imagine que la suite du scénario sera jonchée pourraient me surprendre, tant j'ai l'impression que ce genre de récit mystérieux a été trop balisé pour qu'on puisse en découvrir un embranchement encore inconnu, mais je me suis pris à vraiment espérer que pourtant, Lylian ait réussi à découvrir un tel embranchement. Affaire à suivre, on espère dans le moins longtemps possible !
Le nouveau Jim Bishop, forcément j'y vais les yeux fermés.
Après Lettres perdues et Mon ami Pierrot, voici "L'Enfantôme", et cet album est différent des deux précédents.
Différent puisqu'ici le récit ne se déroule pas dans un univers fantastique, mais dans le monde réel des années 90/2000.
Différent graphiquement, si dans les deux autres albums cités ci-dessus, la touche manga était bien présente, elle prend ici une place beaucoup plus importante. Cet album est un hommage aux mangas qui ont bercé la jeunesse de Jim Bishop. Un trait tout en rondeur, expressif et dynamique aux couleurs moins chatoyantes qu'à l'accoutumé. Quelques belles planches en noir et blanc. Tous ces yeux sur la couverture ne sont pas là par hasard...
Différent dans le contenu, d'abord il puise dans le vécu de l'auteur, ensuite l'intrigue m'a désarçonné avec ce premier gros chapitre qui se focalise sur le contrat qui va lier nos deux adolescents (le boutonneux et la bizarre) avec l'étrange conseiller d'orientation : vous réussissez votre année scolaire ou sinon vos parents vous butent ! Un nouveau système basé sur la peur pour motiver la petite troupe. Mais y a un truc qui déconne, car les gamins vont vite s'apercevoir qu'ils risquent réellement leur peau. Violent dans tous les sens du terme !
Différent dans le genre, si du fantastique sera bien présent, avec la présence de la Mort, de fantômes et d'un mystérieux détective au doux nom de postmortem, dans le deuxième (et dernier) chapitre, des passages horrifiques vont venir se greffer à l'histoire.
Un récit très dur, il aborde le thème de l'adolescence (mal-être et harcèlement scolaire), une période souvent difficile avec l'incompréhension du monde des adultes, mais aussi celui de l'école, avec la réussite scolaire en point de mire, il n'y pas de place pour les nuls. Jim Bishop démonte une certaine éducation et les parents qui mettent une grosse pression sur les épaules de leurs progénitures. Un système où la compétition entre élèves ne laisse pas de place aux rêveurs, le cœur n'a plus son mot à dire.
Un conte moderne et métaphorique à la narration singulière et violente avec deux parties distinctes (une rupture brutale entre les deux), parfaitement maîtrisée, elle fera fonctionner vos méninges.
Un titre qui prend tout son sens.
J'ai essayé d'en dire le moins possible, laissez-vous surprendre.
Cette série vous arrache volontiers un petit sourire, son dessin donne immédiatement le ton. Dès la deuxième page on sait à quoi s'attendre et la suite ne donne pas tord à cette première impression. Le trait est très agréable, dynamique, tout en rondeur, les visages sont expressifs, et le tout est servi par de chatoyantes couleurs qui donnent des ambiances différentes, mais harmonieuses, à chaque double page.
Pour accompagner ce visuel, les bons mots ne tardent pas à arriver. Les rimes amusantes et les belles tournures de phrases sont nombreuses. Si on ajoute à cela des mousquetaires, des capes, des personnages animaliers... est ce que ça ne vous rappellerait pas quelque chose ? Evidement. Sans atteindre le génie de maitre Ayrolles, il faut reconnaitre que l'auteur s'en sort très bien. Mais nulle compassion n'est évidement possible, parlons plutôt d'un sympathique clin d'oeil. En tout cas, les dialogues sont bien écrits et plutôt amusants. L'univers est réussi, on plonge volontiers dans cette fable teintée de fantastique, d'humour, d'aventures, de capes et d'épées.
Le petit twist qui permet l'entrée en scène des personnages animaliers est très bien vu. On n'a pas juste imposé au lecteur des animaux qui parlent. Non l'histoire explique comment et pourquoi ils sont là. C'est malin et complètement au service de l'histoire. Il sera question dans celle-ci d'une révolte animale. Nos héros vont enquêter à leur risques et périls sur l'origine de ce conflit, pour tenter d'y mettre fin. Ils seront bien aidé par un certain monsieur De La Fontaine. Le clin d'oeil est également très sympa, son rôle à lui aussi est bien trouvé. Qui d'autre que lui aurait pu faire un meilleur lien avec les animaux ?
Au final tout cela s'emboite plutôt bien. On a un récit rythmé et amusant, mélange équilibré d'aventures et de fantastique. Il se passe pas mal de choses, on ne s'ennuie pas. La conclusion appelle une suite, mais ce premier tome raconte une histoire complète et terminée qui se lit comme un one shot.
Voici une bd où le dragon est central et omniprésent. Finalement c'est assez rare quand on y pense, par exemple dans la Geste des chevaliers dragons l'on voit des beaux animaux mais pas à chaque page.
Bref, le thème centré sur le dragon/les dragons est (selon ma propre perception) original et finalement assez rare avec une telle intensité. C'est vraiment ce qui démarque cette bd du reste des autres histoires courantes où il y a souvent un dragon à la fin en tant que boss final.
L'univers de cette BD est également un grand point positif que je ne vais pas commenter pour vous laisser découvrir.
Question dessin c'est très beau, rien à redire c'est également un joli + pour cette bd.
Concernant l'histoire, ça se suit bien sans décrocher. Après ça reste un scénario classique à hyper classique, mais de mon point de vue pas si gênant.
Question personnage, c'est peut-être un peu insuffisant, où les protagonistes ne sont pas vraiment approfondis, voir légèrement caricaturés (je suis méchant car je suis méchant....bref).
Pour les dialogues ça va, rien à voir avec la richesse de certaines bd comme les 5 terres, ça se lit bien, sans plus.
Je regrette peut-être le nom que les auteurs ont choisi de donner à leurs montures car à mon avis ça manque cruellement d'imagination, faisant allusion à une référence archi connue.
Mon bilan : Presque que du +, j'ai vraiment aimé cette bd (un peu trop courte à regret) et je suis très content de l'avoir dans ma bibliothèque.
Bref une bd qui demande à être plus connue, je recommande la découverte sans hésiter pour tous ceux qui n'ont pas peur de se brûler les yeux à la chaleur du dragon.
Si le thème ne vous parle pas trop, peut-être faut-il mieux passer votre chemin.
Sache qu’il y a des choses qui se règlent en dehors des dossiers.
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. La première édition date de 2024. Il a été réalisé par Marzena Sowa pour le scénario, et par Benoît Blary pour les dessins et la mise en couleurs. Il comprend quatre-vingt-six pages de bande dessinée.
Dans une zone désertique du Wyoming, une maison très isolée au bout du chemin, avec quelques bêtes en pâturage. Tom Brodowski regarde par la fenêtre, réchauffé par le soleil, avec un mug dans la main. Dans cette petite maison sans étage, un matelas au sol, des cartons non déballés, une valise encore fermée. Le téléphone diffuse une chanson, alors que le jeune homme prend sa douche. Puis la sonnerie retentit et Tom se précipite pour décrocher, et il éprouve un moment de déception. C’est Edith, la cheffe du commissariat qui l’appelle. Elle lui demande poliment comment s’est passée cette première nuit chez lui et elle lui explique sa première mission. Ils vont l’envoyer direct sur le terrain, il ne faut pas qu’il s’attende à débarquer dans un western. Il s’agit d’une femme un peu spéciale, elle habite pas trop loin de chez lui. Il y a une plainte au commissariat : une association qui défend les animaux, des tarés mais dans un autre genre. Apparemment, elle garde des chèvres dans sa caravane. Edith continue : il faudrait que Tom lui dise qu’il y a une plainte, mais qu’on ne veut pas l’accabler avec ça, mais que ce serait bien si elle relâchait les pauvres bêtes dans le pâturage. Il faut qu’il dise que c’est illégal et barbare, et tout le tralala, on ne fait pas ça aux animaux. Pour finir, Edith lui envoie les coordonnées GPS.
Dans le commissariat, Reynold, le mari d’Edith, également policier, rassure un père et son fils, sur le fait qu’avec les photos qu’ils ont collées partout, il est sûr qu’on retrouvera leur chien. William, un autre policier, ironise sur la manière dont Edith a présenté la mission : une femme un peu spéciale, une tarée de première plutôt. Quand il est arrivé, on ne l’a pas envoyé chez elle au premier feu, mais lui est d’ici, aussi c’est différent. Il la connait depuis gamin, elle avait un corbeau apprivoisé sur l’épaule, il avait peur de lui aussi. Il se rappelle qu’un jour elle est venue chercher Jean à l’école, elle était seins nus, elle venait chercher sa fille à poil, même si elle n’est pas sortie de sa voiture. Edith reprend la parole : le jeune arrive de Chicago, s’il ne se débrouille pas ici, il est fait pour nulle part. Bob fait observer qu’ici, ils sont au far-west, pas le même monde, pas les mêmes règles. Edith conclut qu’il faut le laisser faire, ce n’est qu’une femme après tout, cette dernière phrase lui attirant des regards chargés de sous-entendus. Tom Brodowski se présente devant la clôture et il hèle pour attirer l’attention. À l’intérieur de sa caravane, Rose Shaw fume tranquillement sa cigarette et son chien Boo aboie sans discontinuer. Elle finit par le laisser sortir, toujours sans se montrer. Le chien se précipite à la clôture, empli de curiosité, sans plus aboyer. Tom finit par renoncer. Dans une maison distante de trois cents mètres, un couple âgé observe, mécontent qu’Edith ait envoyé le nouveau.
Une vague promesse contenue dans le titre, d’une femme jugée peu recommandable par les autres, vivant visiblement avec un chien dans une caravane ou un mobil-home, laissant les déchets s’accumuler autour. Une histoire qui commence avec un jeune policier, récemment arrivé (arrivé de la veille même) dans un vrai patelin au fin fond du Wyoming, où tout le monde se connaît, et connaît Rose Shaw. Une simple enquête de voisinage ? Un secret honteux, ou peut-être criminel ? Une histoire d’amour improbable entre un jeune homme et une femme âgée ? Des rancœurs accumulées pendant des dizaines d’années ne demandant qu’à alimenter des actes de violence ? Le lecteur ne sait pas trop sur quel pied danser, qu’attendre du récit, ce qui le rend plus attentif à ce qu’il voit. Tout commence par une belle aquarelle mettant en valeur la profondeur de champ de cette plaine s’étendant jusqu’au pied de lointaines montagnes, sous un ciel d’un beau bleu rehaussé par quelques nuages. L’artiste a-t-il séjourné dans le Wyoming ? Quoi qu’il en soit, il donne à voir ce coin d’Amérique rurale. La maison de Tom apparaît toute simple et peu onéreuse, en préfabriquée, de plain-pied, avec une rangée de poteaux électriques pour le long de l’allée qui y mène, pour rejoindre la route. De près, la parcelle de Rose Shaw semble jonchée de carcasses de voitures, de mobilier abandonné, avec assez d’espace entre chaque pour que ce ne soit pas encore un dépotoir ou une décharge.
Un peu plus loin, la parcelle des époux Connie & Boyle apparaît comme un modèle de propreté et de terrain entretenu avec soin. Vues d’un peu plus loin encore, les deux parcelles ne diffèrent quasiment plus. Plus tard, lorsque Tom revient chez lui en marchant le long de la route, l’obscurité semble comme écraser les espaces, à l’exception du ruban de la route qui donne l’impression d’être sans fin. À la lumière du soleil le lendemain au petit matin, le paysage a retrouvé toute son ampleur, son horizon sans fin. Cette sensation de grand espace ouvert se retrouve en page cinquante-sept avec une case de la largeur de la page consacrée à la plaine ondoyante. De manière surprenante, ce même paysage donne l’impression d’avoir repris une dimension un peu plus petite plus en relation avec les deux chevaux qui portent chacun leur cavalier. Enfin la fin du récit emmène le lecteur dans une forêt à proximité d’une mesa de grande hauteur, avec une très belle case de la largeur de la page (en page 78), une vue de dessus, avec des rapaces dans le ciel au premier plan.
Si les grands espaces de ce coin du Wyoming sont bien présents, les personnages évoluent également dans d’autres environnements. Le lecteur commence par avoir droit à une vue globale de l’intérieur de la petite maison de Tom. Puis vient la salle principale du commissariat : un espace de travail accueillant trois ou quatre bureaux avec leurs tiroirs, le poste informatique avec sa souris sans fil, les casiers pour les dossiers, la lampe de bureau, le petit matériel de type stylos, bloc-notes et papillons adhésifs, sans oublier les mugs, et bien sûr un gros photocopieur, un réfrigérateur, une machine à café. Par la suite, le lecteur accompagne Tom chez ses voisins, dans le meilleur bar-restaurant du coin, dans un bar plus lointain où se tient un concert de musique Country, à l’intérieur de la caravane de Rose, dans un supermarché impersonnel, dans une pizzeria à emporter, dans un ranch avec sa douche à l’extérieur, et même dans une cellule du commissariat. L’artiste dépeint une petite ville de l’Amérique profonde, dans la banalité de son quotidien, un environnement où il fait bon vivre, pensé pour faciliter la vie de consommateur tout en présentant des endroits accueillant où il fait bon se retrouver et papoter.
Le lecteur constate rapidement que la distribution de personnages s’articule autour de Tom Brodowski et Rose Shaw, avec une poignée de seconds rôles : quatre policiers dont le couple d’Edith & Reynold, Connie & Boyle le couple voisin de Rose, Jena la fille de Rose, Boo son chien, Chumani une jeune femme et bien sûr Helen la fiancée de Tom. Les dessins montrent des personnages adultes, avec des gestes d’adulte, des comportements en conséquence, et des physiques normaux et banals, tout en étant individualisés. Tom est un beau jeune homme blond, avec une implantation de cheveux qui lui est propre, une forme de visage un peu allongée. Edith, Reynold et Bob portent les marques de l’âge. Le lecteur peut noter que William est plus jeune, que les autres, avec une coiffure plus soignée. Il apprécie l’expressivité plus marquée de Jean, que ce soit quand elle fait des mimiques parce qu’elle trouve que Tom a déjà des goûts de vieux, ou sa colère face à sa mère.
Il apparaît que Rose Shaw s’est vue affublée de cet adjectif péjoratif du fait de son style de vie, qu’une autre femme résume ainsi : Elle n’avait peur de rien ni de personne, elle faisait tout comme elle le sentait, elle aimait l’alcool et les hommes et la fête et les armes, la totale. Il apparaît vite que Rose Shaw ne se conforme pas aux valeurs implicites de la société dans laquelle elle se trouve. Son anticonformisme atteste du fait qu’il est possible de vivre autrement, qu’un individu peut prendre la liberté d’agir différemment. Par voie de conséquence, les règles de vie tacites des uns et des autres se trouvent remises en cause : la fidélité entre époux, l’élimination des objets et des véhicules usagés, l’acceptation des règles de vie en société à commencer par la soumission à l’autorité de la police, le respect de la pudeur, l’acceptation des responsabilités de la parentalité, le respect de l’intimité des autres, etc. Bien évidemment, ce comportement ne peut qu’entrer en conflit avec les valeurs d’un jeune policier, même intelligent. Hé bien non, pas tout à fait. La curiosité de Tom Brodowski s’accompagne d’une empathie, ou d’une absence de préjugé, et aussi d’un sens de la justice. Dans une scène étrange, deux dessins en pleine page, la première avec une case, et le monologue d’un personnage, le lecteur découvre quelqu’un pour qui Rose a représenté bien autre chose, des valeurs différentes et des plaisirs honnêtes. Puis, dans la deuxième page, un événement traumatisant qui permet d’entrevoir ce qui conduit Rose Shaw à arrêter de jouer en respectant des règles dépourvues de sens. La conclusion en deux temps met en scène deux facettes de la liberté, et laisse augurer de l’avenir de Tom Brodowski à moyen ou long terme.
Au vu de la couverture, une histoire courue d’avance, d’une femme vivant une vie de marginale dans sa caravane. À la lecture plutôt l’histoire d’un jeune policier qui effectue son travail, sans pour autant accepter les choses comme elles sont, en particulier le consensus général contre Rose Shaw, une femme qui s’est mise à l’écart de la société, qui n’y a plus sa place, qui en paye le prix. Mais aussi Rose et son mauvais caractère. La narration visuelle qui transporte le lecteur dans un petit patelin tranquille du Wyoming, avec de beaux paysages, des endroits accueillants en ville, des habitants normaux et plutôt sympathiques. Des incidents pas si graves que ça, le temps de vivre, une femme complexe dont l’excentricité empêche la normalité des autres, contraints d’accepter l’existence de choix différents, suscitant des interrogations irrépressibles.
Je n’ai pas grande inspiration pour vous donner envie de vous jeter sur ce diptyque, si ce n’est de dire que c’est franchement bien.
Heureusement les auteurs n’ont pas la même tare. Johnny Jungle est une lecture inventive, drôle et qui n’oublie pas l’émotion. Ce n’est pas indispensable mais tout me plaît dans cette Bd.
Dessins et couleurs des Jouvray sont toujours aux petits oignons, la narration est impeccable, le coup des affiches de film permet de bien faire respirer l’ensemble en plus de lui donner une cohérence. Classique mais efficace, j’aime bien la fausse simplicité qui s’en dégage.
Quant au scénario, il est super bien vu et profite d’un développement très soigné.
En fait, le tout fait preuve d’une telle maîtrise que vous passerez assurément un bon moment.
A découvrir (que l’on aime Tarzan ou non), on est face à un truc plutôt classe.
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Brel - Une vie à mille temps
Un premier tome de très bonne facture. J'étais pourtant un peu sur la réserve avant ma lecture, le dessin ne fait pas partie de ceux que j'apprécie le plus. Enfin une biographie digne de ce nom pour cet immense artiste. Artiste atypique, profondément humain et toujours pas remplacé. Combien de chanteurs ont arrêté le tour de chant en pleine gloire ? Artiste reconnu mondialement, il suffit de voir le nombre de reprises de ses chansons : Bowie, Sting, Nina Simone, Joseph Gordon-Lewitt ..... pour les plus connus. Le mot qu'il détestait : la médiocrité. Il s'efforcera toujours de la combattre et sa vie ne sera faite que de nouveaux défis. Il aura touché à tout : acteur, réalisateur, comédie musicale, pilote d'avion, barreur de son voilier ..... Tome 1 Salva Rubio ne fait aucune concession, on y découvre un Brel avec ses contradictions, son amour des femmes, ses peurs et sa persévérance. Et il lui en aura fallut de la persévérance pour arriver à la reconnaissance avec son allure de grand déglingué et son physique ingrat. On y découvre un Paris d'après guerre où le milieu artistique déborde de talent, ainsi que les rencontres qui vont marquer sa vie d'artiste et d'homme. On y voit le "tout Paris" du music hall. Jojo qui deviendra son meilleur ami, ce lien entre les hommes qu'il trouve beau et fort. Et surtout "Miche" son épouse qui a toujours soutenu son Jacques malgré les infidélités. Son éducation catholique fera qu'il ne divorcera jamais. Du l'usine de cartonnage à papa comme point de départ, puis Paris et les petites salles, la période des vaches maigres, enfin l'olympia en première partie de Philippe Clay. Une narration maîtrisée et captivante. Voilà la première partie des trois vie du grand Jacques. Tome 2 Un album qui commence le 16 mai 1967 à Roubaix, Brel vient de donner son dernier concert. Un album qui retrace la vie du grand Jacques de 1958 à 1967, la période qui va le mener à la gloire. Le début ne sera pas facile, il entre en conflit avec sa maison de disques Philips. Il faudra qu'Eddie Barclay intervienne en proposant Johnny Hallyday en échange de Brel pour débloquer la situation. Un second tome qui tourne autour de la complexité du bonhomme, les raisons qui ont poussé Brel a arrêter le tour de chant, sa relation avec les femmes (toujours marié, mais une nouvelle maîtresse et les autres ...), sa vie de bohème, toujours sur la route pour donner des concerts (il en fait plus de 300 par an) et le lien indéfectible qui le lie à ses musiciens et à Jojo. Une narration toujours autant maîtrisée avec ces pages où la voix off de Brel ajoute une profondeur au récit, une voix off qui reprend des extraits d'interview de l'artiste, elles viennent régulièrement s’immiscer le long de l'album. Un album qui se termine avec Brel à la barre de son voilier l'Askoy, il est prêt à parcourir deux océans ..... Voilà la seconde partie des trois vies du grand Jacques. En postface, l'auteur nous éclaire sur la réalisation de ce deuxième opus. Tome 3. Avec ce dernier volet, Brel se réinvente, il va produire une comédie musicale où il aura le rôle principal : l'homme de la mancha. Ensuite, il sera acteur dans 10 films dont L'Aventure c'est l'aventure de Lelouche et "L'emmerdeur" de Molinaro, dans le rôle du désormais célèbre François Pignon. Il réalisera aussi deux films, "Frantz" où il donne la réplique à Barbara et "Far West" qui sera assassiné par la critique et boudé par le public. Dès lors il va prendre du recul avec le show-business. Il aura entre temps passé son brevet de pilote et obtenu son diplôme pour barrer un voilier (Il rêvait d'être Saint-Exupéry et Magellan). Avec les femmes c'est toujours aussi compliqué (il sera accusé d'adultère). Il décide de faire le tour du monde sur son voilier, L'Askoy II. C'est Maddly Bamy, une ex-clodette, qui va l'accompagner. Un voyage qui le mènera jusqu'aux îles Marquise. C'est sur ce rocher perdu dans le Pacifique qu'il finira sa vie, un bout de terre où personne ne le reconnaît. Il y rendra de nombreux services en faisant des navettes avec son petit avion entre son île d'Hiva-Oa et Tahiti. En 1977 sort son dernier album (un million de disques vendus en une journée) et meurt en 1978 d'une embolie pulmonaire. Il est enterré au cimetière d'Atuona à Hiva-Oa, non loin de la tombe de Paul Gauguin. Et toujours cette narration maîtrisée et captivante. Une postface très instructive sur la réalisation de cette BD. Un crayonné proche du fusain, un trait gras et des couleurs sombres donnent une âme au récit. Mes réticences du début ont disparu. Il s'en dégage une ambiance vintage du plus bel effet. Une biographie complète, avec de nombreuses anecdotes, que je ne peux que conseiller. Et pour les curieux, je recommande le bouquin d'Olivier Todd, "Jacques Brel : une vie".
La Forêt d’Oreka
Cela commence comme un grand classique : une petite fille laissée par ses parents pour passer un été avec son grand-père. Sauf que la forêt dans laquelle il habite seul est complètement magique, peuplée d'animaux qui parlent, d'arbres qui se baladent, de lutins et de puissants esprits du jour, de la nuit ou encore de la forêt elle-même. Le grand-père d'Hannah en est le gardien et sa mère était amie des créatures des lieux. Mais comme Hanah n'a pas grandi ici et vient de la ville, elle est rejetée par l'esprit de la forêt qui veut la faire fuir. Hannah, son grand-père et quelques-uns des habitants de la forêt doivent alors braver les dangers pour convaincre l'esprit qu'elle fait partie de la famille du gardien et a sa place en ces lieux. C'est une histoire légère et emplie d'autant d'humour que de magie. Elle est dessinée avec un trait tout rond, mignon et expressif tout en accentuant les aspects humoristiques des personnages. La petite brochette de personnages est attachante et relativement originale, que ce soit le gentil grand-père qui ne maitrise pas tout mais ne se laisse pas faire, la petite fille apeurée mais pas bête, ou encore l'amusant Infiniticochon qui se régénère quand on lui coupe un jarret pour le manger. L'histoire est simple mais prenante car elle permet de découvrir cette forêt magique pleine d'insolite et de quelques dangers. D'ailleurs on apprécie les illustrations des pages de garde de l'album qui montrent la progression de la découverte du plan de la forêt comme celle d'un jeu vidéo qui se dévoile peu à peu au fil de l'avancée du joueur. La série s'adresse en théorie à un jeune public mais un adulte peut la lire avec un grand sourire et l'envie de voir où elle va nous mener. En cela, la fin du premier tome est un peu frustrante car on découvre avec surprise que l'histoire est loin d'être finie malgré les 100 pages de l'album et la quantité de choses qu'il s'y est passée. Il faudra donc attendre la suite pour en avoir le fin mot et savoir comment la petite Hannah va se faire accepter par la forêt.
Foudroyants
J’étais très intriguée par cette série depuis que Ro l’a postée sur le site il y a de cela presque dix jours. Les jolis décors à l’esthétique grecque, les personnages aux bouilles adorables, la promesse d’aventure(s), … Tout ça titille des cordes sensibles chez moi. Et puis, c’est Kerascoët au dessin. J’adore Kerascoët ! Facilement parmi mes dessinateur-ice-s préféré-e-s du medium. Leurs personnages ont toujours des designs sobres et élégants, des visages très expressifs et charmants, je trouve leur trait sincèrement très chiadés, … Ouais, les voir au dessin, ça m’annonce du bon, ne serait-ce que visuellement. Fort heureusement, l’histoire est elle aussi intéressante. Elle commence sur l’île de l’Atlantide, visiblement coupée du reste du monde depuis la disparition il y a fort longtemps de l’électricité (pardon, "l’élektricité"), l’énergie que les habitant-e-s étaient les seul-e-s à maîtriser et qui leur permettait d’alimenter des machines très complexes. Mais aujourd’hui, c'est dommage, l’élektricité à disparu. Tout du moins, c’est ce que l’on pense, car un jeune garçon du nom d’Icare découvre un beau jour qu’il est un "élu", quelqu’un capable de produire et de contrôler l’élektricité. Mauvaise surprise en réalité, car on raconte qu’un mystérieux peuple venu des mers aurait par le passé enlevé tous-tes les élu-e-s atlantes. Voilà, une base simple mais très prometteuse. Et l’exécution est plus que bonne. Icare, le jeune garçon timide et un peu gringalet, et Kalio, la jeune fille sage et autoritaire qui l’accompagne et pour qui il a le béguin, sont très attachant-e-s. Les personnages secondaires sont tout aussi charmants (tout spécialement la sœur de Kalio et la grand-mère d’Icare). Et, comme dit Ro, il se dégage déjà dès ce premier album une ambiance qui n’est pas sans rappeler les Mystérieuses Cités d’Or. Franchement, c’est un très bon départ de série. J’attend déjà le second tome avec impatience. Le coup de cœur pour un premier tome de 48 pages est peut-être risqué, mais je suis honnêtement charmée par les promesses de cette histoire. Et puis, si ça peut aider à la visibilité de la série et assurer qu’elle puisse être menée à terme, j’ai envie de dire qu’elle le mérite bien. On n’a qu’à dire que c’était un coup de foudre.
Crimson flower
Des contes pour comprendre - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il regroupe les 4 épisodes de la série, initialement parus en 2021 (pour la VO), écrits par Matt Kindt, dessinés et encrés par Matt Lesniewski qui a également assuré le lettrage (pour la VO). La mise en couleurs a été réalisée par Bill Crabtree. Les couvertures ont été réalisées par Lesniewski, les couvertures variantes par Malashi Ward, Jill Thompson, Patric Reynolds, Marguerite Sauvage, Tyler Bence. Le tome se termine avec 5 pages extraites du carnet de croquis de l'artiste. Il y a une vingtaine d'années de cela, la jeune fille Crimson se glisse dans le bureau de son père qui est en train de travailler. Elle sait que si elle se montre discrète, elle peut lire et le regarder travailler. Elle va sur la pointe des pieds, chercher sur une étagère, son livre préféré : un recueil de contes slaves. Elle s'installe dans le grand fauteuil profond et se met à lire dans le calme de ce bureau. Au temps présent, elle conduit sa voiture dans les rues de Saint-Pétersbourg pour se rendre à un rendez-vous avec un médecin. Elle travaille pour le groupe Cardinal Perennial Pharmaceuticals en tant que représentante. Elle-même est sous traitement, des médicaments produits par le même laboratoire : elle a conscience de son état et vit bien avec. Ce jour-là, elle déroule son argumentaire de vente bien rodé, mais elle n'est pas venue pour réaliser une vente. Elle termine son intervention sur le fait que ces médicaments ont prouvé leur efficacité sur quatre types de schizophrénie. Un instant, elle a la sensation que son interlocuteur a une tête de loup. Elle peut confier un an de stock au médecin, en échange d'un service. Elle souhaite savoir s'il a déjà vu un patient nommé Anton Shubin. Le médecin explique qu'il ne peut pas divulguer ce genre d'information. Elle le prend à la gorge d'un geste vif pour l'étrangler et il finit par céder et lui confier le dossier de son patient. Crimson s'en va, le médecin lui promettant de porter plainte. Elle se rend à l'adresse figurant dans le dossier, dans un quartier pauvre. Elle monte dans la cage d'escalier en piteux état et frappe à la porte 73. Un homme âgé entrouvre le battant et le referme après qu'elle se soit présentée. Elle parle plus fort et indique qu'elle peut lui confier un tube complet à titre gracieux. Anton Shubin entrebâille rapidement la porte et saisit le tube. Crimson tire violemment la porte pour la refermer, Shubin reculant de douleur, puis elle donne un violent coup de pied pour l'ouvrir en grand. L'homme est à terre et lui demande ce qu'elle veut. Elle lui intime de parler de lui pour commencer : c'est un tueur. Est-ce qu'il se souvient ? Il y a vingt ans, se souvient-il de ce qu'il a fait, de son père à elle ? Est-ce lui qui l'a assassiné en l'étranglant avec une corde, puis en le poignardant dans le dos ? Il explique qu'il se cache de ses anciens employeurs pour qui il était un assassin. Il sait qu'il n'a pas tué le père de Crimson car il n'utilise pas de poignard. Cette réponse évoque un conte à Crimson et elle se met à le raconter : l'histoire d'un jeune garçon, à la recherche d'un boulot. Il voulait être mineur, et donc les mineurs lui ont proposé de passer un test, une épreuve : descendre jusqu'au fond de la mine avec une torche enflammée. Après un véritable chef d'œuvre MIND MGMT , et une autre série Dept. H, Matt Kindt a décidé de réaliser des histoires courtes avec des artistes différents à chaque fois pour plusieurs éditeurs. Le premier contact avec le récit s'établit avec la couverture : elle est un peu chargée et semble promettre une aventure de type Fantasy, avec la présence étrange d'une jeune femme avec une valise, et cette chaîne d'ADN en médicaments. La première page évoque le plaisir de la lecture des contes durant l'enfance, avec des dessins descriptifs avec un fort niveau de détails. La deuxième séquence en 3 pages montre le monde réel, à nouveau avec un bon niveau de détails, des personnages avec une tête un peu grande (Crimson Flower) ou un peu petite pour le médecin, et cette case inattendue dans laquelle ce dernier a une tête de loup. Dans la séquence suivante, l'artiste et le scénariste semblent prendre plus de liberté : le corps distordu d'Anton Shubin, le passage au mode conte avec un jeune garçon fluet et petit et les mineurs à la carrure trop large pour être plausible, et le torse comme un tonneau. Le récit fonctionne donc sur une dynamique de mystère, ou plutôt d'énigme incitant le lecteur à se prêter au jeu, en faisant des hypothèses sur les capacités physiques de Crimson Flower, sur le parallèle entre la réalité et les contes, sur cette quête de vengeance pour le meurtre du père, sur la réalité même de la façon dont Crimson interprète les faits, voire les invente de toute pièce. En découvrant le premier conte, le lecteur reconnaît le plaisir que prend le scénariste à entremêler la réalité avec la fiction, à jouer sur le rapport entre les deux, à créer une mise en abîme. Ici, le conte est une fiction dans la fiction, et renvoie le lecteur au fait que l'histoire qu'il lit est toute aussi fictive que l'histoire dans l'histoire. S'il entretient des réserves sur l'adéquation des particularités des dessins avec l'histoire au temps présent, le lecteur est vite conquis par sa pertinence pour les contes. Il retrouve la manière d'exagérer des morphologies pour que des personnages incarnent plus un état ou un caractère marqué, ainsi que les environnements avec des éléments oniriques. Le jeune garçon avec sa torche exsude une envie de bien faire et une forme d'insouciance de la jeunesse, progressant dans des tunnels sans étai, plus une forme de grotte que de mine. Le second conte survient dans le deuxième épisode, alors que Crimson Flower essaye d'échapper à deux assassins professionnels avec une longue expérience. Elle devient une héroïne, une chasseresse, et ses deux poursuivants deviennent des créatures démoniaques ailées. Il suffit du premier conte pour que le lecteur comprenne la pertinence du choix de cet artiste. Après coup, il comprend que les bizarreries de ses dessins au temps présent dans le monde réel agissent comme des rémanences de la narration des contes. Pour une raison qui est à découvrir, la réalité est empreinte du ton des contes. Ceux-ci servent-ils à Crimson Flower pour donner sens aux événements ? Y a-t-il une dimension fantastique à prendre au premier degré, avec la coexistence des deux mondes ? S'agit-il du pouvoir des ennemis contre lesquels elle se bat ? Faut-il envisager une autre possibilité ? Le récit est court, seulement 4 épisodes, et les auteurs ne font pas de remplissage. Chaque numéro fait avancer l'intrigue et comporte un conte (3 même dans l'épisode 3), ainsi que des scènes d'action. Le lecteur a bien compris que Crimson Flower a vu son père assassiné sous yeux et qu'elle a juré de se venger. Elle est à la recherche de son assassin, ce qui l'amène à se confronter à des tueurs pour leur poser la question de savoir si c'est eux qui ont perpétré ce meurtre. Les dessins montrent une jeune femme costaud sans être bodybuildée, pas si habile que ça au combat à main nu, profitant souvent des circonstances pour s'en sortir, plutôt que de vaincre par la force ou par ses compétences de combattante. Elle se bat contre des hommes à la mine patibulaire, ce qui les rend immédiatement coupables des pires exactions dans le contexte de ce type de bande dessinée. Le lecteur entretient un doute, mais il est levé par les aveux d'Anton Bushin. Pour autant, la dynamique ludique l'incite à prêter attention à tous les détails, à se demander si telle remarque, ou tel geste est bien cohérent avec l'idée qu'il se fait de la situation. Il tombe sous le charme des contes qui fonctionnent parfaitement, pouvant être transposés directement à la situation de Crimson Flower à ce moment-là. Il réfléchit à la manière dont la morale du conte peut s'appliquer à l'héroïne, et finit par prendre conscience que son vrai nom n'ait jamais prononcé. Il se dit qu'elle est une sorte de justicière qui élimine des assassins, peut-être grâce au fruit de son enquête, peut-être pour partie par chance. Progressivement une autre possibilité commence à apparaître. Étrange : une couverture intrigante, mais un peu chargée, pas facile à déchiffrer entre cette guerrière médiévale, ces mineurs à la mine renfrognée, et cet ADN de médicaments. Un peu bizarre au début, ces dessins qui malmènent un peu la morphologie, qui montrent des personnages peu avenants, y compris l'héroïne, dans les mauvais quartiers d'un monde réaliste. Irrésistible cette narration ludique associant des doutes sur la perception de la réalité par le personnage principal, et ses efforts pour comprendre les événements ou les comportements de ses opposants grâce à la sagesse de contes slaves qu'elle lisait quand elle était petite. Quoi qu'il en soit, la dynamique de la vengeance accroche le lecteur assurant un divertissement de bonne qualité. Puis le premier conte rend évidente la qualité de la narration graphique, et la manière dont les contes colorent la compréhension de Crimson Flower, dont ils contaminent la réalité. Le thème de l'intrication à double sens entre réalité et fiction se pose également comme une évidence. L'histoire acquiert encore plus d'épaisseur quand il s'avère que les différents mystères participent d'une unique énigme qui ajoute une interaction supplémentaire entre fiction et réalité pour une histoire fonctionnant au premier degré et en abîme.
L'Île de Minuit
J'ai découvert L'Île de Minuit sans grande conviction au début, en lecture à suivre dans le journal Spirou. Mais contrairement à Tanis, une série parue simultanément, qui a vu peu à peu mon intérêt s'émousser, la BD de Lylian et Grebil n'a eu de cesse de l'augmenter. Voici mon avis à l'issue du premier tome. L'autre point commun avec Tanis, c'est que ce qui m'a emporté de prime abord, c'est le dessin. Je trouve le trait de Grebil élégant, plaisant à l'œil sans tomber dans les excès d'une modernité criarde. Avec ses couleurs chaleureuses, il m'a emporté dans les méandres de cette série que je craignais trop exclusivement destinée à la jeunesse. Bien sûr, on ne perdra jamais de vue le public cible du récit, mais Lylian a le bon goût d'instaurer un mystère suffisamment captivant pour susciter l'attention d'un public plus expérimenté sans le lasser. On ne pourra pas ne pas voir planer sur ce scénario les dangereuses ombres de Lost, Sa Majesté des Mouches et Seuls, dont on espère que cette nouvelle série ne sera pas un simple palimpseste. Mais jusqu'à présent, Lylian semble avoir réussi à tracer sa route, quoiqu'on a toujours peur de revenir en terrain connu... Quoiqu'il en soit, je sors de ce premier tome amplement satisfait. L'univers est bon, le mystère est vraiment accrocheur, la qualité graphique et narrative de l'ensemble est tout à fait convaincante. J'avoue qu'arrivé à ce stade, j'ai un peu du mal à voir comment les multiples twists dont on imagine que la suite du scénario sera jonchée pourraient me surprendre, tant j'ai l'impression que ce genre de récit mystérieux a été trop balisé pour qu'on puisse en découvrir un embranchement encore inconnu, mais je me suis pris à vraiment espérer que pourtant, Lylian ait réussi à découvrir un tel embranchement. Affaire à suivre, on espère dans le moins longtemps possible !
L'Enfantôme
Le nouveau Jim Bishop, forcément j'y vais les yeux fermés. Après Lettres perdues et Mon ami Pierrot, voici "L'Enfantôme", et cet album est différent des deux précédents. Différent puisqu'ici le récit ne se déroule pas dans un univers fantastique, mais dans le monde réel des années 90/2000. Différent graphiquement, si dans les deux autres albums cités ci-dessus, la touche manga était bien présente, elle prend ici une place beaucoup plus importante. Cet album est un hommage aux mangas qui ont bercé la jeunesse de Jim Bishop. Un trait tout en rondeur, expressif et dynamique aux couleurs moins chatoyantes qu'à l'accoutumé. Quelques belles planches en noir et blanc. Tous ces yeux sur la couverture ne sont pas là par hasard... Différent dans le contenu, d'abord il puise dans le vécu de l'auteur, ensuite l'intrigue m'a désarçonné avec ce premier gros chapitre qui se focalise sur le contrat qui va lier nos deux adolescents (le boutonneux et la bizarre) avec l'étrange conseiller d'orientation : vous réussissez votre année scolaire ou sinon vos parents vous butent ! Un nouveau système basé sur la peur pour motiver la petite troupe. Mais y a un truc qui déconne, car les gamins vont vite s'apercevoir qu'ils risquent réellement leur peau. Violent dans tous les sens du terme ! Différent dans le genre, si du fantastique sera bien présent, avec la présence de la Mort, de fantômes et d'un mystérieux détective au doux nom de postmortem, dans le deuxième (et dernier) chapitre, des passages horrifiques vont venir se greffer à l'histoire. Un récit très dur, il aborde le thème de l'adolescence (mal-être et harcèlement scolaire), une période souvent difficile avec l'incompréhension du monde des adultes, mais aussi celui de l'école, avec la réussite scolaire en point de mire, il n'y pas de place pour les nuls. Jim Bishop démonte une certaine éducation et les parents qui mettent une grosse pression sur les épaules de leurs progénitures. Un système où la compétition entre élèves ne laisse pas de place aux rêveurs, le cœur n'a plus son mot à dire. Un conte moderne et métaphorique à la narration singulière et violente avec deux parties distinctes (une rupture brutale entre les deux), parfaitement maîtrisée, elle fera fonctionner vos méninges. Un titre qui prend tout son sens. J'ai essayé d'en dire le moins possible, laissez-vous surprendre.
Mousquetaires Fantastiques
Cette série vous arrache volontiers un petit sourire, son dessin donne immédiatement le ton. Dès la deuxième page on sait à quoi s'attendre et la suite ne donne pas tord à cette première impression. Le trait est très agréable, dynamique, tout en rondeur, les visages sont expressifs, et le tout est servi par de chatoyantes couleurs qui donnent des ambiances différentes, mais harmonieuses, à chaque double page. Pour accompagner ce visuel, les bons mots ne tardent pas à arriver. Les rimes amusantes et les belles tournures de phrases sont nombreuses. Si on ajoute à cela des mousquetaires, des capes, des personnages animaliers... est ce que ça ne vous rappellerait pas quelque chose ? Evidement. Sans atteindre le génie de maitre Ayrolles, il faut reconnaitre que l'auteur s'en sort très bien. Mais nulle compassion n'est évidement possible, parlons plutôt d'un sympathique clin d'oeil. En tout cas, les dialogues sont bien écrits et plutôt amusants. L'univers est réussi, on plonge volontiers dans cette fable teintée de fantastique, d'humour, d'aventures, de capes et d'épées. Le petit twist qui permet l'entrée en scène des personnages animaliers est très bien vu. On n'a pas juste imposé au lecteur des animaux qui parlent. Non l'histoire explique comment et pourquoi ils sont là. C'est malin et complètement au service de l'histoire. Il sera question dans celle-ci d'une révolte animale. Nos héros vont enquêter à leur risques et périls sur l'origine de ce conflit, pour tenter d'y mettre fin. Ils seront bien aidé par un certain monsieur De La Fontaine. Le clin d'oeil est également très sympa, son rôle à lui aussi est bien trouvé. Qui d'autre que lui aurait pu faire un meilleur lien avec les animaux ? Au final tout cela s'emboite plutôt bien. On a un récit rythmé et amusant, mélange équilibré d'aventures et de fantastique. Il se passe pas mal de choses, on ne s'ennuie pas. La conclusion appelle une suite, mais ce premier tome raconte une histoire complète et terminée qui se lit comme un one shot.
Drakko
Voici une bd où le dragon est central et omniprésent. Finalement c'est assez rare quand on y pense, par exemple dans la Geste des chevaliers dragons l'on voit des beaux animaux mais pas à chaque page. Bref, le thème centré sur le dragon/les dragons est (selon ma propre perception) original et finalement assez rare avec une telle intensité. C'est vraiment ce qui démarque cette bd du reste des autres histoires courantes où il y a souvent un dragon à la fin en tant que boss final. L'univers de cette BD est également un grand point positif que je ne vais pas commenter pour vous laisser découvrir. Question dessin c'est très beau, rien à redire c'est également un joli + pour cette bd. Concernant l'histoire, ça se suit bien sans décrocher. Après ça reste un scénario classique à hyper classique, mais de mon point de vue pas si gênant. Question personnage, c'est peut-être un peu insuffisant, où les protagonistes ne sont pas vraiment approfondis, voir légèrement caricaturés (je suis méchant car je suis méchant....bref). Pour les dialogues ça va, rien à voir avec la richesse de certaines bd comme les 5 terres, ça se lit bien, sans plus. Je regrette peut-être le nom que les auteurs ont choisi de donner à leurs montures car à mon avis ça manque cruellement d'imagination, faisant allusion à une référence archi connue. Mon bilan : Presque que du +, j'ai vraiment aimé cette bd (un peu trop courte à regret) et je suis très content de l'avoir dans ma bibliothèque. Bref une bd qui demande à être plus connue, je recommande la découverte sans hésiter pour tous ceux qui n'ont pas peur de se brûler les yeux à la chaleur du dragon. Si le thème ne vous parle pas trop, peut-être faut-il mieux passer votre chemin.
Dirty Rose
Sache qu’il y a des choses qui se règlent en dehors des dossiers. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. La première édition date de 2024. Il a été réalisé par Marzena Sowa pour le scénario, et par Benoît Blary pour les dessins et la mise en couleurs. Il comprend quatre-vingt-six pages de bande dessinée. Dans une zone désertique du Wyoming, une maison très isolée au bout du chemin, avec quelques bêtes en pâturage. Tom Brodowski regarde par la fenêtre, réchauffé par le soleil, avec un mug dans la main. Dans cette petite maison sans étage, un matelas au sol, des cartons non déballés, une valise encore fermée. Le téléphone diffuse une chanson, alors que le jeune homme prend sa douche. Puis la sonnerie retentit et Tom se précipite pour décrocher, et il éprouve un moment de déception. C’est Edith, la cheffe du commissariat qui l’appelle. Elle lui demande poliment comment s’est passée cette première nuit chez lui et elle lui explique sa première mission. Ils vont l’envoyer direct sur le terrain, il ne faut pas qu’il s’attende à débarquer dans un western. Il s’agit d’une femme un peu spéciale, elle habite pas trop loin de chez lui. Il y a une plainte au commissariat : une association qui défend les animaux, des tarés mais dans un autre genre. Apparemment, elle garde des chèvres dans sa caravane. Edith continue : il faudrait que Tom lui dise qu’il y a une plainte, mais qu’on ne veut pas l’accabler avec ça, mais que ce serait bien si elle relâchait les pauvres bêtes dans le pâturage. Il faut qu’il dise que c’est illégal et barbare, et tout le tralala, on ne fait pas ça aux animaux. Pour finir, Edith lui envoie les coordonnées GPS. Dans le commissariat, Reynold, le mari d’Edith, également policier, rassure un père et son fils, sur le fait qu’avec les photos qu’ils ont collées partout, il est sûr qu’on retrouvera leur chien. William, un autre policier, ironise sur la manière dont Edith a présenté la mission : une femme un peu spéciale, une tarée de première plutôt. Quand il est arrivé, on ne l’a pas envoyé chez elle au premier feu, mais lui est d’ici, aussi c’est différent. Il la connait depuis gamin, elle avait un corbeau apprivoisé sur l’épaule, il avait peur de lui aussi. Il se rappelle qu’un jour elle est venue chercher Jean à l’école, elle était seins nus, elle venait chercher sa fille à poil, même si elle n’est pas sortie de sa voiture. Edith reprend la parole : le jeune arrive de Chicago, s’il ne se débrouille pas ici, il est fait pour nulle part. Bob fait observer qu’ici, ils sont au far-west, pas le même monde, pas les mêmes règles. Edith conclut qu’il faut le laisser faire, ce n’est qu’une femme après tout, cette dernière phrase lui attirant des regards chargés de sous-entendus. Tom Brodowski se présente devant la clôture et il hèle pour attirer l’attention. À l’intérieur de sa caravane, Rose Shaw fume tranquillement sa cigarette et son chien Boo aboie sans discontinuer. Elle finit par le laisser sortir, toujours sans se montrer. Le chien se précipite à la clôture, empli de curiosité, sans plus aboyer. Tom finit par renoncer. Dans une maison distante de trois cents mètres, un couple âgé observe, mécontent qu’Edith ait envoyé le nouveau. Une vague promesse contenue dans le titre, d’une femme jugée peu recommandable par les autres, vivant visiblement avec un chien dans une caravane ou un mobil-home, laissant les déchets s’accumuler autour. Une histoire qui commence avec un jeune policier, récemment arrivé (arrivé de la veille même) dans un vrai patelin au fin fond du Wyoming, où tout le monde se connaît, et connaît Rose Shaw. Une simple enquête de voisinage ? Un secret honteux, ou peut-être criminel ? Une histoire d’amour improbable entre un jeune homme et une femme âgée ? Des rancœurs accumulées pendant des dizaines d’années ne demandant qu’à alimenter des actes de violence ? Le lecteur ne sait pas trop sur quel pied danser, qu’attendre du récit, ce qui le rend plus attentif à ce qu’il voit. Tout commence par une belle aquarelle mettant en valeur la profondeur de champ de cette plaine s’étendant jusqu’au pied de lointaines montagnes, sous un ciel d’un beau bleu rehaussé par quelques nuages. L’artiste a-t-il séjourné dans le Wyoming ? Quoi qu’il en soit, il donne à voir ce coin d’Amérique rurale. La maison de Tom apparaît toute simple et peu onéreuse, en préfabriquée, de plain-pied, avec une rangée de poteaux électriques pour le long de l’allée qui y mène, pour rejoindre la route. De près, la parcelle de Rose Shaw semble jonchée de carcasses de voitures, de mobilier abandonné, avec assez d’espace entre chaque pour que ce ne soit pas encore un dépotoir ou une décharge. Un peu plus loin, la parcelle des époux Connie & Boyle apparaît comme un modèle de propreté et de terrain entretenu avec soin. Vues d’un peu plus loin encore, les deux parcelles ne diffèrent quasiment plus. Plus tard, lorsque Tom revient chez lui en marchant le long de la route, l’obscurité semble comme écraser les espaces, à l’exception du ruban de la route qui donne l’impression d’être sans fin. À la lumière du soleil le lendemain au petit matin, le paysage a retrouvé toute son ampleur, son horizon sans fin. Cette sensation de grand espace ouvert se retrouve en page cinquante-sept avec une case de la largeur de la page consacrée à la plaine ondoyante. De manière surprenante, ce même paysage donne l’impression d’avoir repris une dimension un peu plus petite plus en relation avec les deux chevaux qui portent chacun leur cavalier. Enfin la fin du récit emmène le lecteur dans une forêt à proximité d’une mesa de grande hauteur, avec une très belle case de la largeur de la page (en page 78), une vue de dessus, avec des rapaces dans le ciel au premier plan. Si les grands espaces de ce coin du Wyoming sont bien présents, les personnages évoluent également dans d’autres environnements. Le lecteur commence par avoir droit à une vue globale de l’intérieur de la petite maison de Tom. Puis vient la salle principale du commissariat : un espace de travail accueillant trois ou quatre bureaux avec leurs tiroirs, le poste informatique avec sa souris sans fil, les casiers pour les dossiers, la lampe de bureau, le petit matériel de type stylos, bloc-notes et papillons adhésifs, sans oublier les mugs, et bien sûr un gros photocopieur, un réfrigérateur, une machine à café. Par la suite, le lecteur accompagne Tom chez ses voisins, dans le meilleur bar-restaurant du coin, dans un bar plus lointain où se tient un concert de musique Country, à l’intérieur de la caravane de Rose, dans un supermarché impersonnel, dans une pizzeria à emporter, dans un ranch avec sa douche à l’extérieur, et même dans une cellule du commissariat. L’artiste dépeint une petite ville de l’Amérique profonde, dans la banalité de son quotidien, un environnement où il fait bon vivre, pensé pour faciliter la vie de consommateur tout en présentant des endroits accueillant où il fait bon se retrouver et papoter. Le lecteur constate rapidement que la distribution de personnages s’articule autour de Tom Brodowski et Rose Shaw, avec une poignée de seconds rôles : quatre policiers dont le couple d’Edith & Reynold, Connie & Boyle le couple voisin de Rose, Jena la fille de Rose, Boo son chien, Chumani une jeune femme et bien sûr Helen la fiancée de Tom. Les dessins montrent des personnages adultes, avec des gestes d’adulte, des comportements en conséquence, et des physiques normaux et banals, tout en étant individualisés. Tom est un beau jeune homme blond, avec une implantation de cheveux qui lui est propre, une forme de visage un peu allongée. Edith, Reynold et Bob portent les marques de l’âge. Le lecteur peut noter que William est plus jeune, que les autres, avec une coiffure plus soignée. Il apprécie l’expressivité plus marquée de Jean, que ce soit quand elle fait des mimiques parce qu’elle trouve que Tom a déjà des goûts de vieux, ou sa colère face à sa mère. Il apparaît que Rose Shaw s’est vue affublée de cet adjectif péjoratif du fait de son style de vie, qu’une autre femme résume ainsi : Elle n’avait peur de rien ni de personne, elle faisait tout comme elle le sentait, elle aimait l’alcool et les hommes et la fête et les armes, la totale. Il apparaît vite que Rose Shaw ne se conforme pas aux valeurs implicites de la société dans laquelle elle se trouve. Son anticonformisme atteste du fait qu’il est possible de vivre autrement, qu’un individu peut prendre la liberté d’agir différemment. Par voie de conséquence, les règles de vie tacites des uns et des autres se trouvent remises en cause : la fidélité entre époux, l’élimination des objets et des véhicules usagés, l’acceptation des règles de vie en société à commencer par la soumission à l’autorité de la police, le respect de la pudeur, l’acceptation des responsabilités de la parentalité, le respect de l’intimité des autres, etc. Bien évidemment, ce comportement ne peut qu’entrer en conflit avec les valeurs d’un jeune policier, même intelligent. Hé bien non, pas tout à fait. La curiosité de Tom Brodowski s’accompagne d’une empathie, ou d’une absence de préjugé, et aussi d’un sens de la justice. Dans une scène étrange, deux dessins en pleine page, la première avec une case, et le monologue d’un personnage, le lecteur découvre quelqu’un pour qui Rose a représenté bien autre chose, des valeurs différentes et des plaisirs honnêtes. Puis, dans la deuxième page, un événement traumatisant qui permet d’entrevoir ce qui conduit Rose Shaw à arrêter de jouer en respectant des règles dépourvues de sens. La conclusion en deux temps met en scène deux facettes de la liberté, et laisse augurer de l’avenir de Tom Brodowski à moyen ou long terme. Au vu de la couverture, une histoire courue d’avance, d’une femme vivant une vie de marginale dans sa caravane. À la lecture plutôt l’histoire d’un jeune policier qui effectue son travail, sans pour autant accepter les choses comme elles sont, en particulier le consensus général contre Rose Shaw, une femme qui s’est mise à l’écart de la société, qui n’y a plus sa place, qui en paye le prix. Mais aussi Rose et son mauvais caractère. La narration visuelle qui transporte le lecteur dans un petit patelin tranquille du Wyoming, avec de beaux paysages, des endroits accueillants en ville, des habitants normaux et plutôt sympathiques. Des incidents pas si graves que ça, le temps de vivre, une femme complexe dont l’excentricité empêche la normalité des autres, contraints d’accepter l’existence de choix différents, suscitant des interrogations irrépressibles.
Johnny Jungle
Je n’ai pas grande inspiration pour vous donner envie de vous jeter sur ce diptyque, si ce n’est de dire que c’est franchement bien. Heureusement les auteurs n’ont pas la même tare. Johnny Jungle est une lecture inventive, drôle et qui n’oublie pas l’émotion. Ce n’est pas indispensable mais tout me plaît dans cette Bd. Dessins et couleurs des Jouvray sont toujours aux petits oignons, la narration est impeccable, le coup des affiches de film permet de bien faire respirer l’ensemble en plus de lui donner une cohérence. Classique mais efficace, j’aime bien la fausse simplicité qui s’en dégage. Quant au scénario, il est super bien vu et profite d’un développement très soigné. En fait, le tout fait preuve d’une telle maîtrise que vous passerez assurément un bon moment. A découvrir (que l’on aime Tarzan ou non), on est face à un truc plutôt classe.