L’Héritage fossile est une BD originale qui mêle récit intime et réflexion écologique. Le dessin réaliste soutient un propos engagé sur notre rapport aux énergies et à la mémoire du passé. Un album enrichissant, parfois un peu dense, mais marquant.
Cette série pacifiste est à lire en complément du documentaire vidéo " L'Âme en sang. Retour d'Irak". Contrairement au film où Olivier Morel n'intervient jamais et reste invisible et inaudible. La série le met en scène de façon importante. Cela montre très bien comment son action n'est pas neutre sur le réveil des traumatismes que connaissent beaucoup de vétérans depuis le conflit irakien. L'auteur n'insiste pas spécialement sur les exactions conduites en Irak à Ramadi, Abou Ghraib ou ailleurs. Seules quelques situations signifiantes rappellent l'horreur. Ce qui est plus marquant est la démonstration qu'une même scène peut être vécue de façon très différente d'un soldat à l'autre. Morel s'attache ,lui, aux traumatisés qui ont été acteurs ou témoins de scènes indicibles. Ce sont de jeunes hommes ou femmes , tout juste sorti-e-s de l'adolescence et confronté-e-s à une réalité qui les dépasse. Le livre n'est pas un pamphlet de plus contre une guerre atroce car toutes les guerres sont atroces. Morel s'attache plus à montrer comment des êtres, éduqués et sincères peuvent revenir vivre avec ce trauma de bourreau tabou pour la société qui l'entoure.
Le dessin de Maël restitue bien cette ambiance oppressante et dramatique. Les images de la guerre sont rares (inexistantes dans la vidéo). Pour éviter une suite d'entretiens possiblement lassante, les auteurs intègrent les témoignages des vétérans ou de leur famille dans le contexte d'une Amérique à plusieurs vitesse ou dans le parcours de Morel à son accession à la nationalité américaine.
Une lecture émouvante qui reste d'une malheureuse actualité.
Ambiance années 20 pour cette aventure aérienne de Bix et Tillie, les Bonnie and Clyde des airs. Le dessin glamour de Tula Lotay, très original, vaut à lui seul le baptême de l'air.
Le barnstorming c'était le cirque volant que pratiquaient dans les années 20, les pilotes US démobilisés de la première guerre mondiale, les fous volants : cascades et prouesses étaient exécutées en plein ciel pour épater les fermiers du monde rampant (et récolter quelques subsides grâce aux baptêmes de l'air qui étaient proposés).
L'américain Scott Snyder (venu des comics US) signe un scénario qui nous emmène survoler les champs de sorgho et de soja US que viennent rehausser les superbes dessins de Tula Lotay alias Lisa Wood (une dame, c'est peu fréquent et il faut le souligner).
Leur collaboration date des années 2010 avec la série American Vampire et en 2023, ils ont produit "Barnstormers", une série en ligne [Comixology désormais Amazon] dont est tiré l'album papier d'aujourd'hui, adapté des premiers épisodes.
La superbe colorisation est signée par l'irlandais Dee Cunniffe.
Lui, c'est l'as des pilotes, Hawk E. Baron (ou Bix Huckett c'est selon). Glorieux héros, beau gosse et bon pilote de sa Jenny (le surnom du Curtiss JN4), du moins jusqu'à que son avion s'écrase au beau milieu d'une réception de noces.
Elle, c'est la mariée, Tillie (ou Petra Zolatskyi, c'est selon), une brune fatale qui, du haut des talons de ses santiags, renvoie toutes les blondes au vestiaire.
« [lui] - Je ne suis pas ... un mec bien.
[elle] - Tu me le jures ? »
Et hop, c'est parti pour un « périple qui va terroriser certaines des plus riches familles du pays, et qui laissera cent onze cadavres », excusez du peu.
Mais les années 20 c'est aussi le temps de l'agence Pinkerton et un de leurs agents se retrouve bientôt aux trousses de Bix et Tillie, les Bonnie and Clyde des airs.
Alors on espère très fort que ça finira peut-être pas si mal que ça, et on voudrait bien croire « qu'ils sont trop hauts pour être atteints, trop rapides pour être pris. »
On est vraiment emballé par le dessin de Tula Lotay aux influences multiples : comics, roman photo, affiches de spectacles ou de cinéma, ...
Et le côté glamour qui sied à cette histoire tragique mais terriblement romantique, est rehaussé par une colorisation qui rappelle les effets obtenus à l'aérographe.
À tel point que le scénario, plutôt classique, de Scott Snyder ne semble là que pour permettre à la dessinatrice de déployer tout son talent. Mais sur fond de lutte des classes, un vent de liberté souffle suffisamment fort pour bousculer les conventions et l'intrigue se révèle d'une finesse inattendue, dépassant largement le simple hommage nostalgique à l'ambiance désuète des films d'antan.
Faut pas se mentir, en finissant la BD j'avais une petite larme à l’œil. Il faut dire que Laurent Astier se livre totalement dans cette BD, présentant une amitié profonde et sincère, terminée hélas. Une amitié qu'il va décortiquer petit à petit, refaisant au fil des souvenirs les évènements clés de celle-ci.
Et honnêtement, c'est arrivé vers la moitié d'album que je me suis rendu compte que le récit était autobiographique, tant le début me faisait penser à une histoire "banale" d'amitié qui se finit par la mort et dont on doit gérer le deuil. Mais progressivement, l'émotion s'installe et je dois dire que sa sincérité se comprend mieux. Pas de pathos, ni de moment larmoyant, juste la brutale vérité d'une saloperie de maladie qui emporte quelqu'un après un long combat acharné. Rien de plus, mais en a-t-on besoin ?
Je dois avouer que Laurent Astier réussit très bien son coup, la BD étant épaisse et longue, sans être pour autant trop bavarde et installant petit à petit les éléments importants de cette relation. Le début est plus long, les premières rencontres, les premiers échanges, la découverte de l'autre... Puis le temps passe, l'amitié reste et les liens se tissent plus profond. C'est émouvant, notamment dans les détails qui sonnent vrai et parfois si bête en même temps (comme pour la moto jamais réparée). On sent réellement l'amour de Astier pour son ami, et c'est un travail d'autant plus réussi qu'il ne donne pas l'impression d'être une simple histoire personnelle, un deuil qu'il règle dans cette BD (enfin, si, mais le lecteur y trouve aussi son compte).
L'auteur n'est pas novice de la BD, et ça se sent dans plusieurs détails comme l'utilisation de la couleur lorsqu'il y a des changements de réalité, mais aussi dans les représentations avec l'utilisation de super-héros comme avatar. La narration est subtile dans les graphismes et je trouve ça parfaitement adapté de parler autant visuellement lorsque c'est l'émotion qui gagne.
Une BD qu'on pourrait dire déjà vue, mille fois même, du drame intime et personnel, de la lutte contre un vilain crabe et du deuil, mais très bien faite, chargée en émotion et très bien rendue. Non, vraiment, une belle réussite !
Très bel album !
Luz parvient à traiter « par la bande » la montée du nazisme, de l’intolérance, du racisme quasiment sans en parler directement. Ou plutôt en le faisant du point de vue de l’art, des créateurs, des collectionneurs, des galeristes, des amateurs. Et d’un tableau donc, intitulé « Deux filles nues », qui va passer devant pas mal d’yeux, de mains en mains, comme une balise ou un témoin de son triste temps.
J’ai bien aimé la construction narrative et graphique, qui montre souvent les Nazis au travers de fenêtres, ou seulement au travers de quelques passages express de Goebbels, voire Hitler pour un discours haineux. Leurs sous-fifres censés faire appliquer leurs lois sont vraiment grotesques.
L’hypocrisie de certains dignitaires nazis au moment des saisies d’œuvres d’art – art prétendument dégénéré (au passage, voulant vilipender l’art moderne, les Nazis ont sans doute involontairement présenté une des plus belles expositions d’art moderne avec leur « tournée « Entartete Kunst ») est incroyable. Comme l’est le cynisme et/ou l’hypocrisie de ceux qui ont acheté à vil prix certains de ces tableaux vendus en Suisse par les Nazis.
La narration est fluide, presque légère. Aérée (comme la mise en page d’ailleurs). Et intelligente. Si on n’est pas ici dans le rentre-dedans jouissif de certains albums de l’époque Charlie (je pense à l’excellent et très drôle Les Mégret Gèrent la Ville), le travail plus « posé » de Luz n’est pas ici moins efficace.
Ainsi, avec une économie de moyens, Luz parvient à traiter d’un sujet douloureux, mais aussi de questions artistiques en nous proposant un album qui donne à voir et à réfléchir. Une grande réussite en tout cas.
Vous aimez vous énerver ? Non ? Alors passez votre chemin, puisque c'est le genre de BD qui énerve tout du long.
Emmené par Hippocrate dans les arcanes du scandale du Médiator, la BD remonte assez loin en nous présentant le monsieur Servier à l'origine de cette saloperie, le premier scandale de médicament autour de la même molécule (l'Isoméride), puis l'apparition de Irène Fanchon et son combat. Le tout avec des détails bien étayés (et vu les procès que Servier fait à tout va c'est nécessaire) et sourcés en permanence. Une présentation glaçante d'effroi ...
En fin de compte, l'histoire nous apprend l'impunité des cols blancs, les liens entre politique et entreprises, notamment sur la question de la justice (à deux visages malheureusement), mais aussi le silence dans les contrôles, le lobbying ... Bref, rien de neuf sous le soleil, mais encore une fois mis en forme de façon à comprendre comment une entreprise à permis de faire tuer des centaines de personnes en toute impunité, alors qu'elle savait. Et qu'elle a cachée, niée, etc .... Une entreprise gérée par un gars nommée à la plus haute distinction française par Sarkozy.
En dehors de l'histoire affolante (et passionnante) du Médiator et le portait de Irène Franchon qui a eu un courage immense et une opiniâtreté qui fait plaisir, je dois bien dire que j'ai assez peu aimé le dessin. C'est du classique, j'avais déjà vu le trait de l'autrice dans une autre BD et je suis assez peu fan. Les visages notamment font très durs et fermés, souvent dans les mêmes postures. Ça manque un peu de vie, mais le découpage est très bien pour suivre avec tout les détails techniques tout en restant clair.
Une saine lecture, contrairement aux médicaments qu'ils vendaient ...
J’ai encore des larmes dans les yeux quand je commence à rédiger cet avis. Je viens juste de refermer le troisième tome… Enfin, c’était peut-être il y a dix minutes, voire plus. Le temps qu’il m’a fallu pour encaisser ça. Mon épouse me regarde, l’air étonné, un peu amusé, ou peut-être aussi gâteux. Sans doute un peu de tout ça. Je suis dévasté. Littéralement dévasté. J'ai l'impression que je viens de perdre un ami proche, je sens que le monde s'écroule autour de moi, et pourtant, tout est là, debout, immobile. Je ne comprends pas ce regard qui ne comprend pas ma douleur. Pourtant, il faut bien que la vie reprenne...
Si je commence mon avis par cette courte introspection, ce n’est pas pour raconter ma vie. Mais cette scène un peu cocasse, ce mari qui n’arrive plus à retenir ses larmes devant une bande dessinée, sous le regard gentiment décontenancé de son épouse qui ne parvient pas à comprendre, c’est une scène de Pierre-Henry Gomont. Elle s’insère logiquement dans la suite du récit, elle a été créée par lui de toute pièce. On dit que le silence après Mozart est encore du Mozart, et les larmes après du Gomont sont encore du Gomont.
Que dire de plus, après cela ? Tant de choses et si peu. On a l’impression que plus on va ajouter des mots, moins ils seront efficaces.
Et pourtant, il faut en parler ! Il faut parler de ce fabuleux dessin de Pierre-Henry Gomont, aux couleurs si maîtrisées. La première fois que j'ai ouvert cette bande dessinée, j'ai craint d'être rebuté par ce dessin que je croyais brouillon, mais j'ai été séduit par ces couleurs délicates. Et j'ai découvert peu à peu, avec un émerveillement grandissant, la magie de ce trait d'un Sempé des temps nouveaux. Peu de dessinateurs savent exprimer avec autant de justesse que Gomont cette complexité des sentiments au travers de leur dessin. Chez lui, il y a une tonalité humoristique évidente qui n'entrave jamais la noirceur du récit. Ce qu'il a à nous dire est sombre, très sombre, mais il le dit avec la naïveté rêveuse d'un enfant.
Slava est une œuvre majeure. Pas seulement une bande dessinée majeure, non. Elle est une œuvre d'art majeure. Elle transcende les formats pour nous offrir quelque chose qui ressemblerait à une forme d'art total. Visuel, évidemment, tant la splendeur et la justesse du dessin de Gomont transparaît à chaque page. Narratif, comment le nier ? Cette montée en puissance dans le tome 3 est une pure merveille d'orfèvrerie narrative. Et cette écriture... Les textes de Slava sont dignes du meilleur des romans. La puissance d'un Dumas et d'un Céline étrangement réunis dans une sorte d'épopée à la Audiard. Car bien sûr, cette alliance entre l'art narratif et l'art visuel ne peut qu'évoquer le cinéma. Quand on sort de là, on a l'impression d'avoir vu un immense film. Comment nos réalisateurs peuvent-il passer à côté de Slava ? (Non, en vrai, ça vaut mieux, peut-être que Dupontel réussirait à en faire quelque chose, mais c'est sûrement le seul !)
Slava est tout aussi bruyant. Même si ses onomatopées sont en russe, elles claquent à nos oreilles autant que des répliques parfaitement écrites. On entend tout. Et comment ne pas être saisi aux tripes par cette symphonie du chaos que Gomont orchestre si bien ? Tout comme ces personnages de théâtre, qui relèvent aussi bien de la pantomime et de la commedia dell'arte que du plus puissant drame shakespearien ? Là est tout le génie de Gomont : dans le refus du choix. La pantomime survient en plein cœur de la tragédie (ou inversement), et pourtant, le tout est d'une homogénéité exemplaire !
Bref, je crois que je pourrais continuer longtemps, mais il ne faut pas. J'ai vécu une épopée en compagnie de Slava, Nina, Lavrine et Volodia. Je me suis hissé au sommet et suis tombé dans les mêmes gouffres qu'eux, en même temps qu'eux. Personne ne peut imaginer la grandeur de cette épopée qu'ils m'ont fait vivre. Même s'il y a quelques moments où le soufflé retombe un peu dans le 2e tome. Même si la vulgarité prend parfois le pas, ou que l'équilibre du récit est menacé par cette dépiction de toutes les bassesses humaines. Même si, à certains moments, on aimerait que le scénario avance (un peu) plus vite. Cette épopée que j'ai vécue, donc, personne ne peut l'imaginer mais tout le monde peut la vivre. Vivre, revivre cette tragédie de la Russie d'Eltsine. Voir, revoir la noblesse de l'âme russe, capable de surmonter toutes les tragédies. Regarder, admirer le spectacle de quelques îlots d'humanité incapables de sombrer dans les flammes d'une infernale décadence où le diable du capitalisme veut l'entraîner.
Et pleurer.
Pleurer les morts qu'un récit trop réel nous inflige.
Pleurer la grandeur passée d'une nation qui vendit son âme à des ogres cupides et désincarnés.
Pleurer la force de ces hommes et de ces femmes qui réussirent à vivre au milieu des tempêtes.
Pleurer l'héroïsme de ceux qui surent faire preuve de courage et d'abnégation contre les lâches et les puissants.
Pleurer face à la beauté d'un spectacle qui résonnera encore bien longtemps dans nos cœurs.
Pleurer, car quand on ne sait plus quoi dire, il nous reste toujours les larmes pour l'exprimer.
Pleurer. Se taire. Et contempler.
Je rejoins plusieurs avis sur la qualité des dessins en ajoutant ma touche personnelle : je comprends que l'on n'apprécie pas mais on peut reconnaitre de magnifiques planches, un travail somptueux sur l'aquarelle noire (ou encre de chine par endroit ?). Pour ma part les dessins m'ont touché voire émerveillé.
J'ai lu le roman de Steinbeck il y a de nombreuses années : le huis clos complexe et les personnages trempés sont très bien retranscrits. La difficulté de savoir "qui est qui" me semble plus une volonté de retranscrire à la fois la froideur des personnages, l'universalité du rêve, et l'identification possible à tous les acteurs ou à aucun (sauf Lennie peut-être qui d'ailleurs est plus reconnaissable).
A lire.
Cette lecture m'a beaucoup remué même si je ne suis pas une femme. Emily Carroll adapte d'une façon magistrale le roman de Laurie Halse Anderson où cette dernière livre son expérience dramatique d'un événement criminel subi dans son adolescence. En s'appuyant sur le texte de la romancière , l'autrice livre un visuel très poignant qui nous enferme dans le huis clos de la tête de Melinda. La prouesse du récit est de faire de nous, lecteurs et lectrices , des témoins intérieurs mais aussi extérieurs à Melinda.
L'axe principal est représenté par la découverte de l'intériorité de Melinda qui se réfugie dans le mutisme quasi total et le sommeil.
Le mal-être de Melinda grandit en nous au fur et à mesure de l'année scolaire de seconde vécue par l'élève comme un long chemin de croix parsemé d'injustices, de déceptions mais aussi d'une nouvelle perception plus cynique et lucide sur la vanité de son entourage. Mais nous sommes aussi impliqués dans le cas Melinda. Les autrices montrent comment il peut être difficile de comprendre ce comportement. En effet le changement d'attitude de la JF est décrit avec la perception de son entourage: parents, amies ou professeurs. Les réponses sont maladroites (parents) ou bienveillantes (binôme, prof d'art) mais Melinda n'est pas abandonnée même si aucun ne peut parvenir à la réponse exacte dans cet environnement social huppé où la criminalité doit rester en dehors de ce cercle et réservé au domaine des infos TV.
J'ai beaucoup apprécié la construction du récit qui lentement nous dévoile l'horreur d'une situation vécue par de nombreuses victimes à savoir vivre sous le regard goguenard et impuni de son bourreau.
Le final est libérateur . Il est renforcé par cette liste de centres d'aide et d'écoute pour ce type de situation. Car comme le souligne le titre concis mais puissant, l'enjeu principal est de libérer la parole. Une parole qui a souvent été étouffée par un environnement peu réceptif voire hostile à traiter cette situation.
La thématique est très lourde mais elle est traité de façon si intelligente qu'elle s'adresse à un très large public: les JF dès l'entrée au collège, les parents , les profs et les garçons possibles prédateurs.
Une très belle lecture.
Quelle belle surprise! Cette vulgarisation sur l'étude du microbiote est d'une rare intelligence. Pourtant la lecture n'est pas forcément très engageante au premier abord. Le texte est rempli de termes scientifiques liés à l'intestin, les apartés philosophiques ou littéraires sont nombreux et l'argumentation qui défend l'importance de la diversité environnementale ou le risque d'une uniformisation mortifère est d'un très bon niveau. Cette enquête sur l'infiniment petit de nos intestins m'a captivé de bout en bout. La thématique que je découvre, pourrait être aride. Toutefois les auteurs y intègrent une fiction aux "senteurs" de blockbuster sur une île du Pacifique où tout dérape d'une façon très convaincante. Cela permet d'introduire une belle dose d'humour et de dérision dans cette urgence à prendre conscience de notre fragilité et de notre dépendance à l'invisible qui nous construit. J'ai beaucoup aimé cette présentation non agressive avec un champs d'étude encore vierge. Un champs d'étude qui pourrait à la fois nous mener vers un meilleur bien être mais aussi une meilleure connaissance de nous même et de la relation organique qui nous lie à l'extérieur. Pascal, Descartes illustrent par leurs pensées différents passages de la démonstration des auteurs. Entre biologie et philosophie cette série peut servir à mieux comprendre la complexité de la vie. C'est érudit sans être pédant.
Le graphisme de Héloïse Chochois procure une narration visuelle très fluide et très agréable parfaitement en accord avec le texte. L'autrice a su créer des personnages très attachants.
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L'Héritage fossile
L’Héritage fossile est une BD originale qui mêle récit intime et réflexion écologique. Le dessin réaliste soutient un propos engagé sur notre rapport aux énergies et à la mémoire du passé. Un album enrichissant, parfois un peu dense, mais marquant.
Revenants
Cette série pacifiste est à lire en complément du documentaire vidéo " L'Âme en sang. Retour d'Irak". Contrairement au film où Olivier Morel n'intervient jamais et reste invisible et inaudible. La série le met en scène de façon importante. Cela montre très bien comment son action n'est pas neutre sur le réveil des traumatismes que connaissent beaucoup de vétérans depuis le conflit irakien. L'auteur n'insiste pas spécialement sur les exactions conduites en Irak à Ramadi, Abou Ghraib ou ailleurs. Seules quelques situations signifiantes rappellent l'horreur. Ce qui est plus marquant est la démonstration qu'une même scène peut être vécue de façon très différente d'un soldat à l'autre. Morel s'attache ,lui, aux traumatisés qui ont été acteurs ou témoins de scènes indicibles. Ce sont de jeunes hommes ou femmes , tout juste sorti-e-s de l'adolescence et confronté-e-s à une réalité qui les dépasse. Le livre n'est pas un pamphlet de plus contre une guerre atroce car toutes les guerres sont atroces. Morel s'attache plus à montrer comment des êtres, éduqués et sincères peuvent revenir vivre avec ce trauma de bourreau tabou pour la société qui l'entoure. Le dessin de Maël restitue bien cette ambiance oppressante et dramatique. Les images de la guerre sont rares (inexistantes dans la vidéo). Pour éviter une suite d'entretiens possiblement lassante, les auteurs intègrent les témoignages des vétérans ou de leur famille dans le contexte d'une Amérique à plusieurs vitesse ou dans le parcours de Morel à son accession à la nationalité américaine. Une lecture émouvante qui reste d'une malheureuse actualité.
Barnstormers
Ambiance années 20 pour cette aventure aérienne de Bix et Tillie, les Bonnie and Clyde des airs. Le dessin glamour de Tula Lotay, très original, vaut à lui seul le baptême de l'air. Le barnstorming c'était le cirque volant que pratiquaient dans les années 20, les pilotes US démobilisés de la première guerre mondiale, les fous volants : cascades et prouesses étaient exécutées en plein ciel pour épater les fermiers du monde rampant (et récolter quelques subsides grâce aux baptêmes de l'air qui étaient proposés). L'américain Scott Snyder (venu des comics US) signe un scénario qui nous emmène survoler les champs de sorgho et de soja US que viennent rehausser les superbes dessins de Tula Lotay alias Lisa Wood (une dame, c'est peu fréquent et il faut le souligner). Leur collaboration date des années 2010 avec la série American Vampire et en 2023, ils ont produit "Barnstormers", une série en ligne [Comixology désormais Amazon] dont est tiré l'album papier d'aujourd'hui, adapté des premiers épisodes. La superbe colorisation est signée par l'irlandais Dee Cunniffe. Lui, c'est l'as des pilotes, Hawk E. Baron (ou Bix Huckett c'est selon). Glorieux héros, beau gosse et bon pilote de sa Jenny (le surnom du Curtiss JN4), du moins jusqu'à que son avion s'écrase au beau milieu d'une réception de noces. Elle, c'est la mariée, Tillie (ou Petra Zolatskyi, c'est selon), une brune fatale qui, du haut des talons de ses santiags, renvoie toutes les blondes au vestiaire. « [lui] - Je ne suis pas ... un mec bien. [elle] - Tu me le jures ? » Et hop, c'est parti pour un « périple qui va terroriser certaines des plus riches familles du pays, et qui laissera cent onze cadavres », excusez du peu. Mais les années 20 c'est aussi le temps de l'agence Pinkerton et un de leurs agents se retrouve bientôt aux trousses de Bix et Tillie, les Bonnie and Clyde des airs. Alors on espère très fort que ça finira peut-être pas si mal que ça, et on voudrait bien croire « qu'ils sont trop hauts pour être atteints, trop rapides pour être pris. » On est vraiment emballé par le dessin de Tula Lotay aux influences multiples : comics, roman photo, affiches de spectacles ou de cinéma, ... Et le côté glamour qui sied à cette histoire tragique mais terriblement romantique, est rehaussé par une colorisation qui rappelle les effets obtenus à l'aérographe. À tel point que le scénario, plutôt classique, de Scott Snyder ne semble là que pour permettre à la dessinatrice de déployer tout son talent. Mais sur fond de lutte des classes, un vent de liberté souffle suffisamment fort pour bousculer les conventions et l'intrigue se révèle d'une finesse inattendue, dépassant largement le simple hommage nostalgique à l'ambiance désuète des films d'antan.
La Force de vivre
Faut pas se mentir, en finissant la BD j'avais une petite larme à l’œil. Il faut dire que Laurent Astier se livre totalement dans cette BD, présentant une amitié profonde et sincère, terminée hélas. Une amitié qu'il va décortiquer petit à petit, refaisant au fil des souvenirs les évènements clés de celle-ci. Et honnêtement, c'est arrivé vers la moitié d'album que je me suis rendu compte que le récit était autobiographique, tant le début me faisait penser à une histoire "banale" d'amitié qui se finit par la mort et dont on doit gérer le deuil. Mais progressivement, l'émotion s'installe et je dois dire que sa sincérité se comprend mieux. Pas de pathos, ni de moment larmoyant, juste la brutale vérité d'une saloperie de maladie qui emporte quelqu'un après un long combat acharné. Rien de plus, mais en a-t-on besoin ? Je dois avouer que Laurent Astier réussit très bien son coup, la BD étant épaisse et longue, sans être pour autant trop bavarde et installant petit à petit les éléments importants de cette relation. Le début est plus long, les premières rencontres, les premiers échanges, la découverte de l'autre... Puis le temps passe, l'amitié reste et les liens se tissent plus profond. C'est émouvant, notamment dans les détails qui sonnent vrai et parfois si bête en même temps (comme pour la moto jamais réparée). On sent réellement l'amour de Astier pour son ami, et c'est un travail d'autant plus réussi qu'il ne donne pas l'impression d'être une simple histoire personnelle, un deuil qu'il règle dans cette BD (enfin, si, mais le lecteur y trouve aussi son compte). L'auteur n'est pas novice de la BD, et ça se sent dans plusieurs détails comme l'utilisation de la couleur lorsqu'il y a des changements de réalité, mais aussi dans les représentations avec l'utilisation de super-héros comme avatar. La narration est subtile dans les graphismes et je trouve ça parfaitement adapté de parler autant visuellement lorsque c'est l'émotion qui gagne. Une BD qu'on pourrait dire déjà vue, mille fois même, du drame intime et personnel, de la lutte contre un vilain crabe et du deuil, mais très bien faite, chargée en émotion et très bien rendue. Non, vraiment, une belle réussite !
Deux Filles nues
Très bel album ! Luz parvient à traiter « par la bande » la montée du nazisme, de l’intolérance, du racisme quasiment sans en parler directement. Ou plutôt en le faisant du point de vue de l’art, des créateurs, des collectionneurs, des galeristes, des amateurs. Et d’un tableau donc, intitulé « Deux filles nues », qui va passer devant pas mal d’yeux, de mains en mains, comme une balise ou un témoin de son triste temps. J’ai bien aimé la construction narrative et graphique, qui montre souvent les Nazis au travers de fenêtres, ou seulement au travers de quelques passages express de Goebbels, voire Hitler pour un discours haineux. Leurs sous-fifres censés faire appliquer leurs lois sont vraiment grotesques. L’hypocrisie de certains dignitaires nazis au moment des saisies d’œuvres d’art – art prétendument dégénéré (au passage, voulant vilipender l’art moderne, les Nazis ont sans doute involontairement présenté une des plus belles expositions d’art moderne avec leur « tournée « Entartete Kunst ») est incroyable. Comme l’est le cynisme et/ou l’hypocrisie de ceux qui ont acheté à vil prix certains de ces tableaux vendus en Suisse par les Nazis. La narration est fluide, presque légère. Aérée (comme la mise en page d’ailleurs). Et intelligente. Si on n’est pas ici dans le rentre-dedans jouissif de certains albums de l’époque Charlie (je pense à l’excellent et très drôle Les Mégret Gèrent la Ville), le travail plus « posé » de Luz n’est pas ici moins efficace. Ainsi, avec une économie de moyens, Luz parvient à traiter d’un sujet douloureux, mais aussi de questions artistiques en nous proposant un album qui donne à voir et à réfléchir. Une grande réussite en tout cas.
Mediator - Un crime chimiquement pur
Vous aimez vous énerver ? Non ? Alors passez votre chemin, puisque c'est le genre de BD qui énerve tout du long. Emmené par Hippocrate dans les arcanes du scandale du Médiator, la BD remonte assez loin en nous présentant le monsieur Servier à l'origine de cette saloperie, le premier scandale de médicament autour de la même molécule (l'Isoméride), puis l'apparition de Irène Fanchon et son combat. Le tout avec des détails bien étayés (et vu les procès que Servier fait à tout va c'est nécessaire) et sourcés en permanence. Une présentation glaçante d'effroi ... En fin de compte, l'histoire nous apprend l'impunité des cols blancs, les liens entre politique et entreprises, notamment sur la question de la justice (à deux visages malheureusement), mais aussi le silence dans les contrôles, le lobbying ... Bref, rien de neuf sous le soleil, mais encore une fois mis en forme de façon à comprendre comment une entreprise à permis de faire tuer des centaines de personnes en toute impunité, alors qu'elle savait. Et qu'elle a cachée, niée, etc .... Une entreprise gérée par un gars nommée à la plus haute distinction française par Sarkozy. En dehors de l'histoire affolante (et passionnante) du Médiator et le portait de Irène Franchon qui a eu un courage immense et une opiniâtreté qui fait plaisir, je dois bien dire que j'ai assez peu aimé le dessin. C'est du classique, j'avais déjà vu le trait de l'autrice dans une autre BD et je suis assez peu fan. Les visages notamment font très durs et fermés, souvent dans les mêmes postures. Ça manque un peu de vie, mais le découpage est très bien pour suivre avec tout les détails techniques tout en restant clair. Une saine lecture, contrairement aux médicaments qu'ils vendaient ...
Slava
J’ai encore des larmes dans les yeux quand je commence à rédiger cet avis. Je viens juste de refermer le troisième tome… Enfin, c’était peut-être il y a dix minutes, voire plus. Le temps qu’il m’a fallu pour encaisser ça. Mon épouse me regarde, l’air étonné, un peu amusé, ou peut-être aussi gâteux. Sans doute un peu de tout ça. Je suis dévasté. Littéralement dévasté. J'ai l'impression que je viens de perdre un ami proche, je sens que le monde s'écroule autour de moi, et pourtant, tout est là, debout, immobile. Je ne comprends pas ce regard qui ne comprend pas ma douleur. Pourtant, il faut bien que la vie reprenne... Si je commence mon avis par cette courte introspection, ce n’est pas pour raconter ma vie. Mais cette scène un peu cocasse, ce mari qui n’arrive plus à retenir ses larmes devant une bande dessinée, sous le regard gentiment décontenancé de son épouse qui ne parvient pas à comprendre, c’est une scène de Pierre-Henry Gomont. Elle s’insère logiquement dans la suite du récit, elle a été créée par lui de toute pièce. On dit que le silence après Mozart est encore du Mozart, et les larmes après du Gomont sont encore du Gomont. Que dire de plus, après cela ? Tant de choses et si peu. On a l’impression que plus on va ajouter des mots, moins ils seront efficaces. Et pourtant, il faut en parler ! Il faut parler de ce fabuleux dessin de Pierre-Henry Gomont, aux couleurs si maîtrisées. La première fois que j'ai ouvert cette bande dessinée, j'ai craint d'être rebuté par ce dessin que je croyais brouillon, mais j'ai été séduit par ces couleurs délicates. Et j'ai découvert peu à peu, avec un émerveillement grandissant, la magie de ce trait d'un Sempé des temps nouveaux. Peu de dessinateurs savent exprimer avec autant de justesse que Gomont cette complexité des sentiments au travers de leur dessin. Chez lui, il y a une tonalité humoristique évidente qui n'entrave jamais la noirceur du récit. Ce qu'il a à nous dire est sombre, très sombre, mais il le dit avec la naïveté rêveuse d'un enfant. Slava est une œuvre majeure. Pas seulement une bande dessinée majeure, non. Elle est une œuvre d'art majeure. Elle transcende les formats pour nous offrir quelque chose qui ressemblerait à une forme d'art total. Visuel, évidemment, tant la splendeur et la justesse du dessin de Gomont transparaît à chaque page. Narratif, comment le nier ? Cette montée en puissance dans le tome 3 est une pure merveille d'orfèvrerie narrative. Et cette écriture... Les textes de Slava sont dignes du meilleur des romans. La puissance d'un Dumas et d'un Céline étrangement réunis dans une sorte d'épopée à la Audiard. Car bien sûr, cette alliance entre l'art narratif et l'art visuel ne peut qu'évoquer le cinéma. Quand on sort de là, on a l'impression d'avoir vu un immense film. Comment nos réalisateurs peuvent-il passer à côté de Slava ? (Non, en vrai, ça vaut mieux, peut-être que Dupontel réussirait à en faire quelque chose, mais c'est sûrement le seul !) Slava est tout aussi bruyant. Même si ses onomatopées sont en russe, elles claquent à nos oreilles autant que des répliques parfaitement écrites. On entend tout. Et comment ne pas être saisi aux tripes par cette symphonie du chaos que Gomont orchestre si bien ? Tout comme ces personnages de théâtre, qui relèvent aussi bien de la pantomime et de la commedia dell'arte que du plus puissant drame shakespearien ? Là est tout le génie de Gomont : dans le refus du choix. La pantomime survient en plein cœur de la tragédie (ou inversement), et pourtant, le tout est d'une homogénéité exemplaire ! Bref, je crois que je pourrais continuer longtemps, mais il ne faut pas. J'ai vécu une épopée en compagnie de Slava, Nina, Lavrine et Volodia. Je me suis hissé au sommet et suis tombé dans les mêmes gouffres qu'eux, en même temps qu'eux. Personne ne peut imaginer la grandeur de cette épopée qu'ils m'ont fait vivre. Même s'il y a quelques moments où le soufflé retombe un peu dans le 2e tome. Même si la vulgarité prend parfois le pas, ou que l'équilibre du récit est menacé par cette dépiction de toutes les bassesses humaines. Même si, à certains moments, on aimerait que le scénario avance (un peu) plus vite. Cette épopée que j'ai vécue, donc, personne ne peut l'imaginer mais tout le monde peut la vivre. Vivre, revivre cette tragédie de la Russie d'Eltsine. Voir, revoir la noblesse de l'âme russe, capable de surmonter toutes les tragédies. Regarder, admirer le spectacle de quelques îlots d'humanité incapables de sombrer dans les flammes d'une infernale décadence où le diable du capitalisme veut l'entraîner. Et pleurer. Pleurer les morts qu'un récit trop réel nous inflige. Pleurer la grandeur passée d'une nation qui vendit son âme à des ogres cupides et désincarnés. Pleurer la force de ces hommes et de ces femmes qui réussirent à vivre au milieu des tempêtes. Pleurer l'héroïsme de ceux qui surent faire preuve de courage et d'abnégation contre les lâches et les puissants. Pleurer face à la beauté d'un spectacle qui résonnera encore bien longtemps dans nos cœurs. Pleurer, car quand on ne sait plus quoi dire, il nous reste toujours les larmes pour l'exprimer. Pleurer. Se taire. Et contempler.
Des souris et des hommes
Je rejoins plusieurs avis sur la qualité des dessins en ajoutant ma touche personnelle : je comprends que l'on n'apprécie pas mais on peut reconnaitre de magnifiques planches, un travail somptueux sur l'aquarelle noire (ou encre de chine par endroit ?). Pour ma part les dessins m'ont touché voire émerveillé. J'ai lu le roman de Steinbeck il y a de nombreuses années : le huis clos complexe et les personnages trempés sont très bien retranscrits. La difficulté de savoir "qui est qui" me semble plus une volonté de retranscrire à la fois la froideur des personnages, l'universalité du rêve, et l'identification possible à tous les acteurs ou à aucun (sauf Lennie peut-être qui d'ailleurs est plus reconnaissable). A lire.
Speak
Cette lecture m'a beaucoup remué même si je ne suis pas une femme. Emily Carroll adapte d'une façon magistrale le roman de Laurie Halse Anderson où cette dernière livre son expérience dramatique d'un événement criminel subi dans son adolescence. En s'appuyant sur le texte de la romancière , l'autrice livre un visuel très poignant qui nous enferme dans le huis clos de la tête de Melinda. La prouesse du récit est de faire de nous, lecteurs et lectrices , des témoins intérieurs mais aussi extérieurs à Melinda. L'axe principal est représenté par la découverte de l'intériorité de Melinda qui se réfugie dans le mutisme quasi total et le sommeil. Le mal-être de Melinda grandit en nous au fur et à mesure de l'année scolaire de seconde vécue par l'élève comme un long chemin de croix parsemé d'injustices, de déceptions mais aussi d'une nouvelle perception plus cynique et lucide sur la vanité de son entourage. Mais nous sommes aussi impliqués dans le cas Melinda. Les autrices montrent comment il peut être difficile de comprendre ce comportement. En effet le changement d'attitude de la JF est décrit avec la perception de son entourage: parents, amies ou professeurs. Les réponses sont maladroites (parents) ou bienveillantes (binôme, prof d'art) mais Melinda n'est pas abandonnée même si aucun ne peut parvenir à la réponse exacte dans cet environnement social huppé où la criminalité doit rester en dehors de ce cercle et réservé au domaine des infos TV. J'ai beaucoup apprécié la construction du récit qui lentement nous dévoile l'horreur d'une situation vécue par de nombreuses victimes à savoir vivre sous le regard goguenard et impuni de son bourreau. Le final est libérateur . Il est renforcé par cette liste de centres d'aide et d'écoute pour ce type de situation. Car comme le souligne le titre concis mais puissant, l'enjeu principal est de libérer la parole. Une parole qui a souvent été étouffée par un environnement peu réceptif voire hostile à traiter cette situation. La thématique est très lourde mais elle est traité de façon si intelligente qu'elle s'adresse à un très large public: les JF dès l'entrée au collège, les parents , les profs et les garçons possibles prédateurs. Une très belle lecture.
Voyage au centre du microbiote
Quelle belle surprise! Cette vulgarisation sur l'étude du microbiote est d'une rare intelligence. Pourtant la lecture n'est pas forcément très engageante au premier abord. Le texte est rempli de termes scientifiques liés à l'intestin, les apartés philosophiques ou littéraires sont nombreux et l'argumentation qui défend l'importance de la diversité environnementale ou le risque d'une uniformisation mortifère est d'un très bon niveau. Cette enquête sur l'infiniment petit de nos intestins m'a captivé de bout en bout. La thématique que je découvre, pourrait être aride. Toutefois les auteurs y intègrent une fiction aux "senteurs" de blockbuster sur une île du Pacifique où tout dérape d'une façon très convaincante. Cela permet d'introduire une belle dose d'humour et de dérision dans cette urgence à prendre conscience de notre fragilité et de notre dépendance à l'invisible qui nous construit. J'ai beaucoup aimé cette présentation non agressive avec un champs d'étude encore vierge. Un champs d'étude qui pourrait à la fois nous mener vers un meilleur bien être mais aussi une meilleure connaissance de nous même et de la relation organique qui nous lie à l'extérieur. Pascal, Descartes illustrent par leurs pensées différents passages de la démonstration des auteurs. Entre biologie et philosophie cette série peut servir à mieux comprendre la complexité de la vie. C'est érudit sans être pédant. Le graphisme de Héloïse Chochois procure une narration visuelle très fluide et très agréable parfaitement en accord avec le texte. L'autrice a su créer des personnages très attachants.