Qu'il est agréable d'espérer beaucoup d'une BD et de voir son impatience récompensée !
Claire Fauvel revient avec "Les Yeux d'Alex", un roman graphique osant développer et assumer des thématiques féministes quelque peu mises de côté depuis la nécessaire vague MeToo et l'effroyable procès Pelicot : comment s'affranchir des normes de représentation du corps féminin, aborder frontalement le désir féminin, interroger l'érotisme pour le distinguer de l'habituelle pornographie glauque ; autrement dit, interroger les représentations et images normées par des millénaires de patriarcat, ou plus malicieusement citer Magritte : "ceci n'est pas une pipe".
Voilà une ambition vertigineuse délicate à assumer graphiquement ! D'autant que le trait de Fauvel, moderne dans son usage de la palette graphique, est davantage rassurant que renversant : des aplats pastels, un trait rond et fin assez féminin, des proportions bouche-yeux façon manga. Aux premiers abords, il n'est pas certain que l'ambitieux propos trouve un pertinent relai dans ces chaleureuses et séduisantes illustrations. Et puis, ici et là, insidieusement, de discrètes fulgurances apparaissent : une colorisation incomplète mimant de l'aquarelle, une mise en page déstructurée, des bulles et cartouches légèrement "dézonées", une mise à nu spectaculairement figurée en contre-plongée... Le doute quant aux illustrations s’atténue et l'indulgence finit même par primer. Parce que le développement de l'intrigue est véritablement pertinent : les thématiques ajoutées renforcent chacune à leur manière le propos général, donnant de l'ampleur à un discours construit, nuancé, riche : la thématique de la beauté dans l'Art trouve ainsi un joli écho avec celle de la haine de son corps coupable d'eczéma.
L'ensemble se tient parfaitement, est à la fois militant, profond et véritablement divertissant car habillé en chronique douce amère sur le quotidien et les amours d'une jeune femme d'aujourd'hui. Une jolie symbiose entre un ambitieux projet et une lecture plaisir.
Superbe série, originale, imaginative, avec des dessins très beaux et très efficaces! Les personnages sont attachants, l'histoire est pleine de surprises et on en veut encore! Le seul bémol est le fait qu'il n'y a que trois albums et on ne sait pas si il y aura une suite et fin. Sans spoiler, la fin du troisième album n'est pas la fin de l'histoire.
Gou Tanabe m'éblouit à double titre, dans ses adaptations de Lovecraft. Qu'est-il ? Un dessinateur tombé du ciel. Evidemment, pas en couleurs… Si un autre faisait aussi bien en couleur, je lui mettrais un coup de cœur, tiens. Bref, il adapte, il réinvente Lovecraft, et ce n'est pas rien ! Il n'illustre pas platement, il ne transfère pas non plus une partie de son univers dans un autre pour le raviver comme dans les eaux de Mortelune mais pas seulement. Il parvient à montrer l’immontrable, qui échappe pourtant toujours à l'appréhension du lecteur.
Et comment y parvient-il ? Je pense que c'est grâce à un noir et blanc étonnant, je veux dire ni noir et blanc tranché, expressionniste, ni gris crasseux censé montrer le chaos, la misère et le trouble des deux. Il unit les deux et un caractère contemplatif pour montrer et dérober à la fois les images que le maître de Providence ne fait qu'évoquer sans les réduire à des phénomènes de foire. Montrer fortement, avec une réserve, et en instaurant un tempo, un temps différent des autres BD, bravo ! Accessoirement, il n'est pas mal d'avoir une couverture évoquant celles des anciens grimoires, c'est un bel objet, et un seuil à ouvrir pour franchir un autre monde.
Après tant de compliments, on pourrait s'étonner que je ne marque pas de coup de cœur. Je l'attribue au fait de ne pas découvrir une nouvelle histoire, et je ne peux pas donner la note que j'aurais accordé au maître au disciple.
Les fils d'El Topo est une fable initiatique fabuleuse racontée par un Jodorowsky ultra motivé.
Cette bd, c'est sa grande revanche par rapport au film qu'il n'a jamais pu tourner faute de financement et qui devait être la suite d'El Topo sorti dans les salles en 1970.
C'est le récit le plus ambitieux que j'ai pu lire de sa part, c'est difficile d'en parler sans révéler l'intrigue. La plupart des personnages sont en quête de rédemption même sans en avoir conscience. J'ai rarement vu des personnages vivre de telles expériences - et en ressortir autant transformés - dans une bande dessinée.
Ladronn a permis de donner vie à cet univers, il y a une osmose entre le texte et l'image très forte, on le sent en état de grâce comme son compère.
Les fils d'El Topo sera un jour considéré à sa juste valeur, c'est à dire comme l'ultime chef d'oeuvre de Jodorowsky, son magnum opus.
J'ai lu l'intégrale qui comprends le tome 1 et le début du tome 2 dessiné par Gal (mais pas le tome 2 dessiné par Kordey) avant que celui-ci ne nous quitte malheureusement.
Jodo nous explique en prologue que cette saga devait durer initialement 4 tomes.
Alors que dire?
J'ai mis un moment avant d'oser ouvrir cette bd, un peu comme pour les fils d'El Topo, j'avais la même crainte infondée d'un récit austère et un peu hermétique. Mais pas du tout, le fun est bien présent et on sent aussi que c'était une oeuvre importante pour Jodo, tout du moins dans sa collaboration avec Gal qu'il admirait beaucoup (et c'était réciproque).
Le seul tome 1 m'a permis de faire un très beau voyage en compagnie de l'héroïne.
Le dessin de Gal est juste incroyable et brasse plein d'influences issues de Metal Hurlant, Druillet notamment pour certaines cases étirées en longueur ou en hauteur.
Le chef d'oeuvre inachevé de Jodorowsky.
J'ai hésité à lire cet album.
Bien m'en a pris.
La période 50-60 n'est pas très clair dans mon esprit et en lisant l'album j'ai compris pourquoi ! Quelle tambouille !
J'ai appris pleins de choses en lisant cet album, les faits historiques mais surtout les petits choses, le bas niveau qui peut faire basculer un pays dans une guerre civile, une dictature. Je n'ai jamais douté que l'on puisse être médiocre et avoir de hautes responsabilités. C'est un peu le fond de l'affaire.
Le texte de fin d'album, qui commente de façon globale cette période "mai 58" est instructif également.
Le tout est dosé avec beaucoup d'humour, car effectivement, quand on voit le niveau, et malgré la brutalité des évènements, il faut prendre ça sur la corde de l'humour !
Si j'étais prof, je ferais lire cette bd à mes élèves de lycée. Ils ne comprendraient pas tout, mais on en tire une leçon globale de cette bd que je ne saurais définir.
Très instructif pour ma part, et très plaisant à lire.
Il faut se rappeler le sacrifice du premier né, la riche idée qu'il faudrait une bonne guerre pour la jeunesse et autre choses semblables pour voir qu'il serait possible d'amener les gens à accepter le risque de voir leur enfant éliminé à la majorité, surtout si c'est par loterie : on ne discute guère le hasard. Bien sûr, le gouvernement autoritaire doit y mettre les formes. Mais je trouve que c'est en fait plus vraisemblable que des scénarios à la Bataille royale. Les jeux du cirque, qu'on se le dise, c'est aux esclaves qu'on les impose, et pas aux citoyens qui ceci dit pouvaient vouloir devenir des gladiateurs. De même, les Aztèques capturaient des combattants dans les "guerres fleuries", pour les sacrifier aux dieux, s'il y avait aussi des immolations d'Aztèques. Bref, je veux dire qu'on frappe en principe moins le compatriote, et en principe avec des égards, ce pourquoi la mort par vaccination et une personne vous en prévenant est à mon avis assez vraisemblable. Et si le condamné se vengeait de ceux qu'il n'aime pas ? Il y a la vengeance du pouvoir sur la famille, donc l'immolé se tient en principe tranquille.
J'estime beaucoup la manière de mettre en parallèle la lente dépression du messager de la mort et la tragédie d'une victime, l'une après l'autre. Le dessin fait le job. Je ne pense à rien, pourquoi ne pas l'avoir dit plus tôt ? Pourquoi tuer une partie de la population, ce qui outre que ce n'est pas bien gentil et qui sait favorable à une opposition, ne donnera pas l'idée que la vie est précieuse, au contraire, quand on voit le gouvernement tuer avec une telle légèreté ?
Des naïfs peuvent croire à cette histoire, des cyniques croire dominer leurs contemporains ainsi, mais en vérité, le sacrifice soude la société, comme c'est bien expliqué par René Girard. Je ne vais pas développer toute la théorie ici, mais remarquer que le renoncement à renoncer au sacrifice, un long mouvement historique, est une des caractéristiques des totalitarismes. Les gouvernants ont la partie facile car nous sommes tous capables de frapper et nous réconcilier sur des victimes, on se demande toujours le degré de connaissance du mécanisme par les dirigeants. En tout cas, il est fin de faire des victimes selon le style de la société dans laquelle on se trouve, et ce manga est plus crédible que d'autres du même type.
Un diptyque sur les origines du metabaron.
En progressant dans ma lecture, fort agréable, je m'interrogeais néanmoins sur la nécessité de l'oeuvre.
Et puis à partir du tome 2, axé sur les enjeux de la première famille du metabaron, on distingue encore mieux cette touche si singulière qui fait la magie de Jodorowsky. Il est vraiment très fort pour conter des épopées, avec ce tragique outrancier qui donne une dimension Shakespearienne aux aventures de cette caste.
Six années séparent les deux tomes et pourtant on retrouve une continuité tout au long du récit qui est, cerise sur le gâteau, conclu de fort belle manière.
Le dessin est épatant sans être trop éloigné du style de Gimenez, avec un bémol sur les visages hélas.
Castaka est le tome 0 de la caste des metabarons sans rougir.
Orbital : une série sur la diplomatie dans l'espace. Quelle bonne idée ! Et quels beaux dessins, originaux ! Et quels bons personnages… Cela me fait penser à Valérian mais en mieux. Les deux personnages principaux sont aussi attachants queValérian et Laureline à la base sauf que… Plus ! On voit leur histoire, très intriquée dans la galaxie, et pour l'instant je ne me lasse pas, contrairement à ce qui s'est passé pour Valérian. Parce que je trouve l'univers à la fois plus inventif et plus crédible ? J'hésite : qu'elle continue car les virtualités me semblent très grande, ou qu'elle arrête pour ne pas me décevoir ? Et la couleur qu'on ne remarque guère tant elle ne fait qu'un avec un dessin aussi précis que dynamique ! C'est rare, un dessin qu'on reconnait tout de suite sans qu'il s'impose devant l'univers.
On a tant dit qu'il fallait donner dans un mélange d'enseignement et de prêche pour empêcher le retour des génocides, de l'antisémitisme et des guerres, et cela bien sûr sans en empêcher l'éternel retour ! Alors le chantage à replongez dans cette époque ou du moins faites semblant, sinon, vous êtes en quelque sorte responsable du pire, ça ne marche pas sur moi, merci. Non plus que l'affirmation que qui laisse faire est plus responsable que les assassins, non mais, vive la révolte des porteurs de charentaises !
Mais la série a su m'attirer par la couverture, me séduire par le dessin, le découpage et l'absence de chantage moral porté par une histoire si originale. Le héros, si on peut parler d'un héros, ne fait qu'essayer de survivre, comme la plupart des gens, il se trouve simplement qu'il se révèle en mesure de s'enrichir en plus, il est victime car Juif, et complice des bourreaux , lui qui en profite largement, comme si une souris de Mauss avait partagé le repas des méchants chats nazis ! Cela ne fait pas de cette BD l'égale de Mauss, mais une sorte de prolongement, d'exception à la règle qui fait des chats et des souris des rôles sans ambiguïté. Il y a le bien et le mal, mais les êtres sont rarement de purs représentants des ténèbres ou de la lumière, ce que de rares circonstances peuvent mettre en exergue dans le cas de génocidaires face à leurs victimes.
Je pense que si l'enseignement, et non la matraquage, du passé est utile, des œuvres de fiction aussi prenantes que possible actualisent les connaissances par le déclanchement de l'empathie provoquée par la lecture de fiction. Bien sûr, cette empathie va en priorité aux personnages, mais aussi à tous les êtres : on lit par curiosité, on en sort un peu plus humain. Face à des héros, on prend quelque chose de leur ardeur vers l'excelllence, face à des non héros, on se rappelle de l'ambiguïté des êtres.
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Les Yeux d'Alex
Qu'il est agréable d'espérer beaucoup d'une BD et de voir son impatience récompensée ! Claire Fauvel revient avec "Les Yeux d'Alex", un roman graphique osant développer et assumer des thématiques féministes quelque peu mises de côté depuis la nécessaire vague MeToo et l'effroyable procès Pelicot : comment s'affranchir des normes de représentation du corps féminin, aborder frontalement le désir féminin, interroger l'érotisme pour le distinguer de l'habituelle pornographie glauque ; autrement dit, interroger les représentations et images normées par des millénaires de patriarcat, ou plus malicieusement citer Magritte : "ceci n'est pas une pipe". Voilà une ambition vertigineuse délicate à assumer graphiquement ! D'autant que le trait de Fauvel, moderne dans son usage de la palette graphique, est davantage rassurant que renversant : des aplats pastels, un trait rond et fin assez féminin, des proportions bouche-yeux façon manga. Aux premiers abords, il n'est pas certain que l'ambitieux propos trouve un pertinent relai dans ces chaleureuses et séduisantes illustrations. Et puis, ici et là, insidieusement, de discrètes fulgurances apparaissent : une colorisation incomplète mimant de l'aquarelle, une mise en page déstructurée, des bulles et cartouches légèrement "dézonées", une mise à nu spectaculairement figurée en contre-plongée... Le doute quant aux illustrations s’atténue et l'indulgence finit même par primer. Parce que le développement de l'intrigue est véritablement pertinent : les thématiques ajoutées renforcent chacune à leur manière le propos général, donnant de l'ampleur à un discours construit, nuancé, riche : la thématique de la beauté dans l'Art trouve ainsi un joli écho avec celle de la haine de son corps coupable d'eczéma. L'ensemble se tient parfaitement, est à la fois militant, profond et véritablement divertissant car habillé en chronique douce amère sur le quotidien et les amours d'une jeune femme d'aujourd'hui. Une jolie symbiose entre un ambitieux projet et une lecture plaisir.
Nomen Omen
Superbe série, originale, imaginative, avec des dessins très beaux et très efficaces! Les personnages sont attachants, l'histoire est pleine de surprises et on en veut encore! Le seul bémol est le fait qu'il n'y a que trois albums et on ne sait pas si il y aura une suite et fin. Sans spoiler, la fin du troisième album n'est pas la fin de l'histoire.
La Couleur tombée du ciel
Gou Tanabe m'éblouit à double titre, dans ses adaptations de Lovecraft. Qu'est-il ? Un dessinateur tombé du ciel. Evidemment, pas en couleurs… Si un autre faisait aussi bien en couleur, je lui mettrais un coup de cœur, tiens. Bref, il adapte, il réinvente Lovecraft, et ce n'est pas rien ! Il n'illustre pas platement, il ne transfère pas non plus une partie de son univers dans un autre pour le raviver comme dans les eaux de Mortelune mais pas seulement. Il parvient à montrer l’immontrable, qui échappe pourtant toujours à l'appréhension du lecteur. Et comment y parvient-il ? Je pense que c'est grâce à un noir et blanc étonnant, je veux dire ni noir et blanc tranché, expressionniste, ni gris crasseux censé montrer le chaos, la misère et le trouble des deux. Il unit les deux et un caractère contemplatif pour montrer et dérober à la fois les images que le maître de Providence ne fait qu'évoquer sans les réduire à des phénomènes de foire. Montrer fortement, avec une réserve, et en instaurant un tempo, un temps différent des autres BD, bravo ! Accessoirement, il n'est pas mal d'avoir une couverture évoquant celles des anciens grimoires, c'est un bel objet, et un seuil à ouvrir pour franchir un autre monde. Après tant de compliments, on pourrait s'étonner que je ne marque pas de coup de cœur. Je l'attribue au fait de ne pas découvrir une nouvelle histoire, et je ne peux pas donner la note que j'aurais accordé au maître au disciple.
Les Fils d'El Topo
Les fils d'El Topo est une fable initiatique fabuleuse racontée par un Jodorowsky ultra motivé. Cette bd, c'est sa grande revanche par rapport au film qu'il n'a jamais pu tourner faute de financement et qui devait être la suite d'El Topo sorti dans les salles en 1970. C'est le récit le plus ambitieux que j'ai pu lire de sa part, c'est difficile d'en parler sans révéler l'intrigue. La plupart des personnages sont en quête de rédemption même sans en avoir conscience. J'ai rarement vu des personnages vivre de telles expériences - et en ressortir autant transformés - dans une bande dessinée. Ladronn a permis de donner vie à cet univers, il y a une osmose entre le texte et l'image très forte, on le sent en état de grâce comme son compère. Les fils d'El Topo sera un jour considéré à sa juste valeur, c'est à dire comme l'ultime chef d'oeuvre de Jodorowsky, son magnum opus.
Diosamante
J'ai lu l'intégrale qui comprends le tome 1 et le début du tome 2 dessiné par Gal (mais pas le tome 2 dessiné par Kordey) avant que celui-ci ne nous quitte malheureusement. Jodo nous explique en prologue que cette saga devait durer initialement 4 tomes. Alors que dire? J'ai mis un moment avant d'oser ouvrir cette bd, un peu comme pour les fils d'El Topo, j'avais la même crainte infondée d'un récit austère et un peu hermétique. Mais pas du tout, le fun est bien présent et on sent aussi que c'était une oeuvre importante pour Jodo, tout du moins dans sa collaboration avec Gal qu'il admirait beaucoup (et c'était réciproque). Le seul tome 1 m'a permis de faire un très beau voyage en compagnie de l'héroïne. Le dessin de Gal est juste incroyable et brasse plein d'influences issues de Metal Hurlant, Druillet notamment pour certaines cases étirées en longueur ou en hauteur. Le chef d'oeuvre inachevé de Jodorowsky.
Un général, des généraux
J'ai hésité à lire cet album. Bien m'en a pris. La période 50-60 n'est pas très clair dans mon esprit et en lisant l'album j'ai compris pourquoi ! Quelle tambouille ! J'ai appris pleins de choses en lisant cet album, les faits historiques mais surtout les petits choses, le bas niveau qui peut faire basculer un pays dans une guerre civile, une dictature. Je n'ai jamais douté que l'on puisse être médiocre et avoir de hautes responsabilités. C'est un peu le fond de l'affaire. Le texte de fin d'album, qui commente de façon globale cette période "mai 58" est instructif également. Le tout est dosé avec beaucoup d'humour, car effectivement, quand on voit le niveau, et malgré la brutalité des évènements, il faut prendre ça sur la corde de l'humour ! Si j'étais prof, je ferais lire cette bd à mes élèves de lycée. Ils ne comprendraient pas tout, mais on en tire une leçon globale de cette bd que je ne saurais définir. Très instructif pour ma part, et très plaisant à lire.
Ikigami - Préavis de mort
Il faut se rappeler le sacrifice du premier né, la riche idée qu'il faudrait une bonne guerre pour la jeunesse et autre choses semblables pour voir qu'il serait possible d'amener les gens à accepter le risque de voir leur enfant éliminé à la majorité, surtout si c'est par loterie : on ne discute guère le hasard. Bien sûr, le gouvernement autoritaire doit y mettre les formes. Mais je trouve que c'est en fait plus vraisemblable que des scénarios à la Bataille royale. Les jeux du cirque, qu'on se le dise, c'est aux esclaves qu'on les impose, et pas aux citoyens qui ceci dit pouvaient vouloir devenir des gladiateurs. De même, les Aztèques capturaient des combattants dans les "guerres fleuries", pour les sacrifier aux dieux, s'il y avait aussi des immolations d'Aztèques. Bref, je veux dire qu'on frappe en principe moins le compatriote, et en principe avec des égards, ce pourquoi la mort par vaccination et une personne vous en prévenant est à mon avis assez vraisemblable. Et si le condamné se vengeait de ceux qu'il n'aime pas ? Il y a la vengeance du pouvoir sur la famille, donc l'immolé se tient en principe tranquille. J'estime beaucoup la manière de mettre en parallèle la lente dépression du messager de la mort et la tragédie d'une victime, l'une après l'autre. Le dessin fait le job. Je ne pense à rien, pourquoi ne pas l'avoir dit plus tôt ? Pourquoi tuer une partie de la population, ce qui outre que ce n'est pas bien gentil et qui sait favorable à une opposition, ne donnera pas l'idée que la vie est précieuse, au contraire, quand on voit le gouvernement tuer avec une telle légèreté ? Des naïfs peuvent croire à cette histoire, des cyniques croire dominer leurs contemporains ainsi, mais en vérité, le sacrifice soude la société, comme c'est bien expliqué par René Girard. Je ne vais pas développer toute la théorie ici, mais remarquer que le renoncement à renoncer au sacrifice, un long mouvement historique, est une des caractéristiques des totalitarismes. Les gouvernants ont la partie facile car nous sommes tous capables de frapper et nous réconcilier sur des victimes, on se demande toujours le degré de connaissance du mécanisme par les dirigeants. En tout cas, il est fin de faire des victimes selon le style de la société dans laquelle on se trouve, et ce manga est plus crédible que d'autres du même type.
Castaka
Un diptyque sur les origines du metabaron. En progressant dans ma lecture, fort agréable, je m'interrogeais néanmoins sur la nécessité de l'oeuvre. Et puis à partir du tome 2, axé sur les enjeux de la première famille du metabaron, on distingue encore mieux cette touche si singulière qui fait la magie de Jodorowsky. Il est vraiment très fort pour conter des épopées, avec ce tragique outrancier qui donne une dimension Shakespearienne aux aventures de cette caste. Six années séparent les deux tomes et pourtant on retrouve une continuité tout au long du récit qui est, cerise sur le gâteau, conclu de fort belle manière. Le dessin est épatant sans être trop éloigné du style de Gimenez, avec un bémol sur les visages hélas. Castaka est le tome 0 de la caste des metabarons sans rougir.
Orbital
Orbital : une série sur la diplomatie dans l'espace. Quelle bonne idée ! Et quels beaux dessins, originaux ! Et quels bons personnages… Cela me fait penser à Valérian mais en mieux. Les deux personnages principaux sont aussi attachants queValérian et Laureline à la base sauf que… Plus ! On voit leur histoire, très intriquée dans la galaxie, et pour l'instant je ne me lasse pas, contrairement à ce qui s'est passé pour Valérian. Parce que je trouve l'univers à la fois plus inventif et plus crédible ? J'hésite : qu'elle continue car les virtualités me semblent très grande, ou qu'elle arrête pour ne pas me décevoir ? Et la couleur qu'on ne remarque guère tant elle ne fait qu'un avec un dessin aussi précis que dynamique ! C'est rare, un dessin qu'on reconnait tout de suite sans qu'il s'impose devant l'univers.
Il était une fois en France
On a tant dit qu'il fallait donner dans un mélange d'enseignement et de prêche pour empêcher le retour des génocides, de l'antisémitisme et des guerres, et cela bien sûr sans en empêcher l'éternel retour ! Alors le chantage à replongez dans cette époque ou du moins faites semblant, sinon, vous êtes en quelque sorte responsable du pire, ça ne marche pas sur moi, merci. Non plus que l'affirmation que qui laisse faire est plus responsable que les assassins, non mais, vive la révolte des porteurs de charentaises ! Mais la série a su m'attirer par la couverture, me séduire par le dessin, le découpage et l'absence de chantage moral porté par une histoire si originale. Le héros, si on peut parler d'un héros, ne fait qu'essayer de survivre, comme la plupart des gens, il se trouve simplement qu'il se révèle en mesure de s'enrichir en plus, il est victime car Juif, et complice des bourreaux , lui qui en profite largement, comme si une souris de Mauss avait partagé le repas des méchants chats nazis ! Cela ne fait pas de cette BD l'égale de Mauss, mais une sorte de prolongement, d'exception à la règle qui fait des chats et des souris des rôles sans ambiguïté. Il y a le bien et le mal, mais les êtres sont rarement de purs représentants des ténèbres ou de la lumière, ce que de rares circonstances peuvent mettre en exergue dans le cas de génocidaires face à leurs victimes. Je pense que si l'enseignement, et non la matraquage, du passé est utile, des œuvres de fiction aussi prenantes que possible actualisent les connaissances par le déclanchement de l'empathie provoquée par la lecture de fiction. Bien sûr, cette empathie va en priorité aux personnages, mais aussi à tous les êtres : on lit par curiosité, on en sort un peu plus humain. Face à des héros, on prend quelque chose de leur ardeur vers l'excelllence, face à des non héros, on se rappelle de l'ambiguïté des êtres.