Les derniers avis (36133 avis)

Par Présence
Note: 5/5
Couverture de la série Cage - Mafia blues
Cage - Mafia blues

Polar, gangs et petit malin - Ce tome comprend une histoire complète et indépendante de toute autre qui ne nécessite pas de connaissance particulière du personnage principal pour pouvoir l'apprécier. Il comprend les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2002, écrits par Brian Azzarello, dessinés et encrés par Richard Corben, avec une mise en couleurs de José Villarrubia. Cette histoire est initialement parue dans le label MAX de Marvel, branche produisant des récits à la tonalité plus adulte que ceux des superhéros classiques. Dans un quartier défavorisé de New York, un grand balèze noir est assis à une table dans un bar avec des serveuses topless, et des stripteaseuses en train de danser le long d'une barre verticale, sur une scène. Il contemple son reflet dans son miroir, avec un bonnet sur la tête, des gros écouteurs sur les oreilles, et des lunettes de soleil masquant ses yeux au regard des autres. Une femme s'approche de lui. Elle lui demande de punir ceux qui ont tué sa fille Hope Dickens de 13 ans, en lui tendant 2 billets de 100 dollars. À contrecœur (parce que ça ne fait pas lourd de rémunération), Luke Cage accepte d'y consacrer son après-midi, mais pas plus. Cage se rend dans le quartier où Hope Dickens a été abattue. Il va se renseigner auprès d'un groupe de jeunes jouant au basket, avec un dénommé Egg. Il doit les rudoyer un peu. Il va ensuite s'installer dans le bar d'en face (tenu par une coréenne prénommée Dixie) pour prendre une bière, en s'admirant dans la glace. Sa présence attire l'attention d'un sergent de police du quartier qui aimerait bien que ça ne fasse pas d'histoire et qui accepte l'argent du chef du caïd Lonnie Tombstone. Clifto, le chef de la bande du quartier, ne voit pas d'un bon œil la présence de Cage. Il y a également l'italien Sony Caputo (surnommé Hammer) qui s'interroge sur l'allégeance de Cage. Ce dernier se dit qu'autant d'hommes d'affaire dans le même quartier laisse subodorer qu'il doit y avoir un enjeu économique bien juteux. Brian Azzarello a laissé son empreinte dans les comics aves la série noire 100 bullets. Richard Corben est un artiste ayant réalisé des séries devenues cultes, dans les comics underground des années 1970, comme Den (1973). Ils ont déjà collaboré à 2 reprises : Hard time (2000), et Banner (2001). le lecteur se délecte par avance à l'idée de découvrir une nouvelle version de Luke Cage, qui plus est débarrassée des contraintes éditoriales d'un personnage récurrent, et réinventée pour un public plus adulte, dans le cadre du label MAX, celui qui a permis l'existence de la version ultime du Punisher de Garth Ennis (voir Punisher MAX et suivants). La scène d'ouverture donne le ton : un bar à striptease au faible éclairage propices aux affaires louches, et un individu évoquant les rappeurs gangsta (adjectif dérivé de Gang et gangster). Luke Cage dégage une présence monstrueuse, massive, inamovible, immarcescible. Il a une jolie barbichette taillée avec soin, un look de rue à la fois exagérée (le blouson en jean sans manche, les grosses baskets) et totalement décontracté, sans aucune inquiétude sur le qu'en dira-t-on. Richard Corben lui dessine une silhouette que l'on dirait sculptée dans la pâte à modeler, des muscles gonflés, presque comme s'ils étaient rembourrés avec de l'air comprimé. Il montre les veines qui court sur ses bras musclés au-delà du possible. Il lui donne un air impénétrable du fait de ces lunettes de soleil à la forme très ronde. Cette apparence peut être vue comme une caricature, comme un individu sous stéroïde dont le développement musculaire a échappé à tout contrôle. Dans ce bar, il y a donc des femmes qui se déhanchent, la poitrine à l'air. Dans l'épisode 3, le lecteur peut également admirer la plastique de la sympathique jeune femme qui a passé la nuit avec Luke Cage. À nouveau, Richard Corben reste fidèle à ses choix graphiques : elle est bien en chair, gironde et callipyge, avec des courbes affolantes. le lecteur qui n'est pas habitué à ce dessinateur peut éprouver un sentiment de répugnance devant ces personnages à la tête parfois caricaturale, parfois un peu trop grosse pour leur corps. Mais en même temps, le sergent ripou dispose d'une dégaine qui le rend immédiatement antipathique. L'exagération rend la déformation physique de Sony Caputo plus plausible qu'elle ne l'a jamais été dans la série Amazing Spider-Man pour le supercriminel Hammerhead. de la même manière, l'albinos Lonnie Tombstone dégage une impression désagréable inéluctable du fait de son visage si marqué. Mick Marko (surnommé Mountain, les amateurs des vieux épisodes de Spider-Man apprécieront ce clin d'oeil à l'univers 616) fascine dans sa monstruosité. Sous réserve de ne pas être rebuté par l'apparence des personnages, le lecteur s'immerge dans des environnements urbains très convaincants, sans être stéréotypés. José Villarrubia utilise des couleurs à la fois foncées et délavées qui donnent une impression d'une ville usée (sans que les bâtiments ne soient en déliquescence), d'une ambiance oppressante sans que les couleurs ne soient agressives. Richard Corben montre une ville aux rues qui se coupent géométriquement à angle droit, avec des bâtiments fonctionnels, sans beaucoup de personnalité, sans donner envie d'y habiter, mais pas pour cause d'insalubrité. En fonction des séquences et des cases, l'artiste peut aller dans le détail (tous les ustensiles sous le comptoir du bar de Dixie) ou n'esquisser que les éléments les plus structurants (des débuts de brique par exemple). Toute l'histoire (à une séquence ou deux près) se déroule de nuit, dans une pénombre légère, bien rendue par les couleurs de Villarrubia. Corben réalise des cases sagement rectangulaires, mais avec des contours tracés à trait épais, et légèrement décalés, de sorte à ce que tous les bas de cases ne soient pas alignés. Lors des affrontements, Corben joue avec le lettrage, en dessinant des grosses lettres, avec un gros trait de contour, donnant une impression de bruitage de comics pour enfant, soulignant la dimension primaire des affrontements physiques. En outre, Corben joue avec la mise en page pendant les combats, déformant les contours de cases à base de ligne brisée, pour les rendre plus agressifs et accentuer la force des coups. le lecteur a le choix d'y voir une forme de sarcasme vis-à-vis de ces séquences obligatoires dans le cadre d'un comics de superhéros, ou un commentaire tranché sur la brutalité primaire de cette forme de gestion de conflit, bestiale et ras les pâquerettes. L'histoire de Brian Azzarello bénéficie donc d'une mise en images pleine de personnalité, avec un environnement urbain poisseux et oppressant, et un personnage principal massif et flegmatique. le scénariste a concocté un polar dont il a le secret. La jeune Hope Dickens a été abattue par erreur, car c'était un autre qui était visé. Pour une raison qui apparaît au cours du récit, Luke Cage trouve une motivation très personnelle à réaliser cette enquête, et surtout à mener à son terme cette vengeance pour une personne qu'il n'a pas connue. Azzarello écrit un récit hardboiled : un individu pas forcément beaucoup plus intelligent les autres, qui confronte le crime dans la rue, qui côtoie des criminels dangereux, et qui tâtonne pour comprendre ce qui se trame dans ce quartier, pour découvrir l'enjeu qui fait monter la tension entre les différentes factions. Il est difficile de résister à la nonchalance de Luke Cage. Même s'il patauge dans des affaires dont il ne saisit pas la nature, Luke Cage ne fonce pas dans le tas tête baissée. le lecteur le regarde se rendre d'un endroit à un autre et papoter avec les uns à les autres, sans se battre, sans frapper, sans même se faire tirer dessus. Il se gratte la tête en voyant Cage accepter une petite enveloppe. Il ne peut pas anticiper ses réactions car il n'a pas accès à son flux de pensée et il parle tellement peu qu'il en devient mutique. Sa masse corporelle le rend incontournable et pourtant il ne fait pas grand-chose et il est très avare de mots. Il provoque les réactions des différentes factions par sa simple présence, en ne donnant l'impression que de réagir mollement aux déclarations des uns et des autres. Ce mode narratif donne une impression de détachement, et il revient au lecteur d'identifier ce qui constitue une information et d'assembler ces rares pièces. Pourtant, il peut devancer la révélation de ce qui se trame sans trop de difficultés, ce qui diminue un peu l'impact de l'intrigue, mais pas celui de l'ambiance. À l'évidence l'appréciation du lecteur dépend fortement de ce qu'il attendait. S'il voulait un récit de superhéros avec un vocabulaire plus vulgaire et des pouvoirs plus brutaux, il ressort déçu du faible nombre d'affrontements (pourtant bien brutaux). S'il est venu pour Richard Corben en connaissance de cause, il se délecte de l'apparence de Luke Cage que l'artiste s'est totalement approprié et a emmené dans son univers graphique. S'il est venu pour Brian Azzarello, il découvre un vrai polar réalisé dans les règles de l'art, attestant d'un amour du genre, mais manquant d'un petit peu de densité dans l'intrigue. 4 étoiles pour un récit malin et un personnage principal à la forte présence, et au comportement mesuré, ou 5 étoiles parce que Richard Corben ça ne se refuse pas (en toute mauvaise foi, en assumant une forme d'adoration de cet artiste).

16/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Ragemoor
Ragemoor

Le mariage de E.A. Poe & H.P. Lovecraft - Il s'agit d'une histoire complète indépendante de toute autre, initialement publiée en 4 épisodes parus en 2012. le scénario est de Jan Strnad, et les illustrations en noir & blanc (et niveaux de gris) de Richard Corben. Ils avaient déjà collaboré sur d'autres histoires dans les années 1970 et 1980, comme par exemple Jeremy Brood et Les mille et une nuits. L'histoire se passe quelque part aux États-Unis, au dix-huitième ou dix neuvième siècle, dans une demeure en pierre imposante baptisée Ragemoor, bâtie sur un éperon rocheux, en bordure d'océan. Herbert, le maître de céans, accueille son oncle et sa fille Anoria. Au cours du repas, il les incite à partir séance tenante et de nuit, car la demeure est peu hospitalière. Il leur raconte les circonstances dans lesquelles elle a été érigée. Il insiste sur le fait que la nuit elle a tendance à se modifier d'elle-même en ajoutant une pièce supplémentaire, ou en allongeant un couloir. Les 2 hôtes ne sont guère impressionnés et ils décident de rester malgré l'avertissement. L'oncle demande des nouvelles de son frère Machlan, qui est aussi le père d'Herbert. Ce dernier explique qu'il a perdu la raison et qu'il erre dans les couloirs, qu'il disparaît des fois des jours durant. Anoria demande à Bodrick, le domestique ayant servi à table et les guidant vers leurs chambres, où se trouvent les autres serviteurs. Il répond qu'ils vaquent à leurs occupations et qu'ils n'auront pas l'occasion de les voir. Avec une entrée en la matière aussi convenue et classique, le lecteur n'attend pas grand-chose du récit. L'attrait principal réside dans l'identité de l'illustrateur : Richard Corben, dessinateur au style affirmé et très personnel, s'étant fait connaître en 1973 avec Den première époque et des histoires courtes pour Eerie et Creepy (rassemblées dans Eerie et Creepy présentent Richard Corben Volume 1 et volume 2). Dès la première page, tout le style de Corben saute aux yeux. Dans ce récit en noir & blanc, il utilise des aplats de noir pour donner du poids aux cases, et pour conserver l'inconnu qui se tapit dans ces zones inscrutables. Il utilise les niveaux de gris pour ajouter du volume aux surfaces, en particulier pour les visages, et la peau en général, avec une technique qui permet un dégradé très lissé, très progressive, parfaitement adapté à cet usage. Dès la première page, le lecteur peut également constater qu'il n'a pas perdu la main pour croquer des visages mémorables, aux expressions très parlantes. le visage fermé d'Herbert indique toute sa contrariété à devoir accueillir l'oncle et Anoria. Dans les pages suivantes le visage de l'oncle en dit long sur sa condition, son mode de vie et sa capacité à embellir la vérité. le visage parcheminé de Bodrick permet de ne jamais oublier son âge et sa condition sociale. Comme à son habitude, Corben mélange 2 registres représentatifs différents d'un personnage à l'autre et parfois dans la même case. Il en va ainsi par exemple pour Machlan (le père d'Herbert) et Anoria, la fille de l'oncle. le premier apparaît comme une silhouette vite esquissée avec laquelle Corben joue dans le registre de l'humour, alors que la seconde est détaillée et sublimée, comme elle apparaît aux yeux d'Herbert. En jouant sur ces 2 registres, l'artiste introduit une forme d'humour décalé et second degré qui indique au lecteur qu'il ne se prend pas au sérieux. Mais ce même humour en coin sert aussi de comparaison avec les éléments sérieux et premier degré pour mieux les faire ressortir. Tout l'art du dessinateur est de savoir doser ses effets afin de ne pas créer de dissonance visuelle, et Corben s'y entend à merveille. Il devient virtuose en mélangeant ces 2 techniques pour les monstres en forme de ver anthropomorphe, à la fois immondes et parodiques. du début à la fin, le lecteur peut se régaler d'illustrations mitonnées avec amour des pages savoureuses au premier et au deuxième degré. Il faut dire que le scénario joue sur ses forces graphiques. La scène d'ouverture laisse supposer que Jan Strnad va se contenter de piocher dans les atmosphères gothiques chères à Edgar Allan Poe (Histoires extraordinaires), en les mâtinant d'une couche d'horreur fantastique à la Howard Philips Lovecraft. Lui aussi maîtrise bien ses techniques et l'atmosphère est au rendez-vous, pour une situation très classique et peu originale. Mais les dessins transforment ces poncifs en des ambiances irrésistibles et ces séquences passent toutes seules, jusqu'à ce que… En fait Strnad pose les bases de son récit jusqu'à ce qu'il dispose de fondations assez solides pour l'emmener dans des territoires plus originaux, avec un récit bien ficelé, logique et qui tient la route. Il ne se contente pas d'évoquer le sentiment d'effroi de loin, il plonge les mains dans le cambouis pour concevoir toute la structure mythologique justifiant les particularités de Ragemoor (en seulement 4 épisodes). du coup le récit dépasse le simple exercice de style pour devenir une histoire consistante et très prenante. Jan Strnad et Richard Corben invoquent les mânes d'Edgar Allan Poe et Howard Philips Lovecraft pour un récit d'horreur à l'ancienne convainquant et non dénué d'un humour malicieux.

16/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Starr le tueur
Starr le tueur

De retour dans les comics underground des années 1970, ou presque - Ce tome regroupe les 4 épisodes de la minisérie du même nom parue en 2009. Dans un pays moyenâgeux, un ménestrel d'une race indéterminée (mais pas de notre terre) raconte l'édifiante histoire de Starr en vers (en tout cas en phrases qui riment). Bizarrement son récit commence avec l'ascension vers la gloire d'un romancier de série Z bien de chez nous (enfin américain). Len Carson a créé Starr, un personnage d'heroic fantasy, barbare de base aux cheveux blonds et à l'épée tranchante. Grâce à sa création, il vend des palettes de livres et il fait la fortune de son éditeur. Il décide de changer de registre pour se lancer dans le roman sérieux et écrire un vrai roman américain qui fera date dans l'histoire de la littérature. La pauvreté est vite au rendez-vous. En parallèle le ménestrel raconte comment Starr a quitté sa cambrousse natale avec son père, son frère et sa sœur, comment il est arrivé à la civilisation (une petite ville avec un système féodal rudimentaire), comment il s'est rapidement retrouvé gladiateur dans l'arène et victime d'un sorcier dont il a malencontreusement tué le frère. Pour des raisons inconnues, Marvel avait décidé en 2009 de ressusciter 2 titres oubliés de tout le monde : Dominic Fortune et Starr the Slayer. Pour mon plus grand plaisir "Dominic Fortune" a bénéficié des talents d'Howard Chaykin, et "Starr" a le droit à un dessinateur encore plus culte : Richard Corben. C'est son nom qui m'a convaincu de me lancer dans la lecture de ce tome. Il faut dire que le personnage de Starr est encore plus obscur que celui de Dominic Fortune. Il s'agit à la base d'un comics écrit par Roy Thomas et dessiné par Barry Windsor Smith, paru pour la première fois en 1970. L'objectif pour Marvel était de voir comment répondrait le public à un comics à base de barbares et d'épées. le résultat ayant été concluant, Roy Thomas et Barry Windsor Smith furent ensuite associés pour lancer l'adaptation en comics de Conan avec le succès que l'on connaît. Pour avoir une idée de la prestation de Corben, il faut commencer par quelques mots sur le scénario. Il a été écrit par Daniel Way qui n'est pas réputé pour sa finesse. Pour autant, dans cette histoire, il fait preuve d'un second degré suffisant pour accompagner les illustrations parfois pince sans rire de Corben. le ménestrel donne le ton du récit : il ne raconte que pour pouvoir payer son loyer, il émaille sa chanson de quelques mots grossiers bien placés et en nombre restreint pour qu'ils gardent tout leur pouvoir. Il présente les événements avec une vision narquoise et légèrement cynique. Daniel Way prend le soin d'inclure tous les éléments propres à ce genre de récit : barbare musclé, épée tranchante, belle demoiselle pulpeuse, méchant sorcier, créatures horribles. Et il prend également soin de prendre le contrepied de certains de ces clichés : demoiselle physiquement plus forte et plus intelligente que le héros, barbare respectueux des lois de la civilisation, femmes entreprenantes au lieu d'être soumises et victimes, etc. Ce scénario est du pain béni pour Corben dont le style marie des éléments hyper réalistes avec des déformations cartoons. le vieux fan retrouve même par moment le Corben des années 1970 quand Starr écrase son poing dans la figure d'un citadin avec la chair qui cède, le sang qui gicle et le lettrage du bruitage limite artisanal. Corben renoue également avec les formes généreuses du corps humain. Son héros présente une musculature qu'aucun culturiste ne pourra jamais égaler, avec des veines saillantes sous l'effort. Les représentantes de la gente féminine disposent de courbes bien en chair (elles sont vraiment girondes) avec une musculature très efficace. Les 2 ou 3 monstres qui apparaissent constituent des croisements entre le règne animal et des déformations répugnantes. de la même manière les races humanoïdes doivent autant aux humains qu'à une imagination parfaitement maîtrisée qui les rend aussi bizarres qu'étranges grâce à un ou deux détails bien choisis. Comme toujours la connaissance anatomique de Corben décuple la force visuelle de chaque mouvement, de chaque blessure, de chaque exagération. Chaque coup porté avec force fait des ravages sur l'anatomie que les illustrations rendent parfaitement et le lecteur voit les dégâts, perçoit la douleur du corps abimé comme rarement dans les comics. Il manque quand même 2 éléments pour que le niveau de provocation des années 1970 soit atteint. le premier est évident : même sous la bannière Max de Marvel, il n'est pas question de montrer des corps nus de front. le deuxième élément que seuls les lecteurs de Den ou Jeremy Brood ou autre décèleront : Richard Corben n'a pas réalisé la mise en couleurs. José Villarrubia réalise un travail de bon niveau, mais qui n'a ni la saveur, ni l'intensité, ni la subtilité des couleurs du maître. "Starr the slayer" constitue un bon défouloir avec quelques touches de second degré et de dérision servi par les illustrations toujours aussi délicieuses de Richard Corben.

16/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Bukowski - De liqueur et d’encre
Bukowski - De liqueur et d’encre

Alcoolique, violent, provocateur, machiste, Charles Bukowski a tout du poète maudit et détestable. La gageure pour les auteurs de cette biographie était de nous le rendre intéressant sans cacher ses excès. Et ils y parviennent parfaitement ! A un point tel qu'ils m'ont donné l'envie de lire l'une ou l'autre œuvre de Bukowski (et ça, pour moi, c'est la preuve que le but est atteint). Nous avons pourtant droit à une biographie on ne peut plus conventionnelle. Elle revient dans un ordre chronologique sur le parcours de l'artiste et sa seule originalité est d'être écrite à la première personne. Mais c'est justement en procédant de la sorte que les auteurs parviennent à humaniser ce personnage. Bukowski, battu par son père, addict à l'alcool au plus haut point, obsédé par le sexe et multipliant les conquêtes, enchainant les petits boulots dans l'unique but de récolter suffisamment d'argent pour se saouler un jour de plus. Mais aussi Bukowski galérant dans son ambition d'écrivain, travaillant d'arrache-pied, constamment insatisfait de ses écrits, Bukowski convaincu qu'il fallait souffrir pour bien écrire, et qu'il fallait avoir souffert pour avoir quelque chose à dire. Les réflexions amères succèdent aux punch-lines violentes, cette narration en voix off porte le récit, bien soutenue par un dessin soigné dans un style réaliste tout à fait adéquat. Les auteurs (italiens) livrent une partition sans fausse note au travers de laquelle l'arrogance désespérée, l'irrévérence et les provocations de l'homme finissent par dévoiler la fragilité de l'écrivain. Le portrait de l'écrivain devient fascinant alors même que l'homme est détestable par plus d'un aspect... mais touchant par d'autres. C'est le portrait d'un être brisé et amer pour qui l'alcool est le seul refuge face à son dégoût du monde et de lui-même. La narration, le dessin, le découpage, les petits documentaires insérés : tout est vraiment d'une belle qualité. J'ai dévoré et j'ai adoré. Franchement bien !!

16/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Nées Rebelles
Nées Rebelles

Je vais faire court et rapide. Je me méfiais un peu de cet album mais force est de constater qu’il est tout simplement excellent. C’est réalisé avec grand soin. Les différentes parties graphiques m’ont toutes franchement plu, mais la qualité des portraits m’a encore plus emporté, qu’importe la cause, c’est super bien raconté. Une belle leçon et résilience de la part de ces jeunes « rebelles ». J’en conseille vivement la lecture et encourage toutes les médiathèques à le posséder. Coup de cœur !!

16/04/2024 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5
Couverture de la série Beast Complex
Beast Complex

3.5 Une série d'histoires courtes pour les fans de Beastars, je ne pense pas que c'est une lecture pour quelqu'un qui n'a pas lu la série-mère. L'autrice développe son univers à travers des histoires qui parlent de relation entre animaux, surtout entre les herbivores et les carnivores. Il y a de très bonnes histoires courtes, notamment cela du show de cuisine qui met en vedette un crocodile et une gazelle. J'ai adoré aussi l'histoire courte avec les personnages vedettes de Beastars, c'était sympa de les revoir. Évidemment, comme ce sont des histoires courtes, il y a la frustration de ne pas revoir des personnages dont on s'est attaché après une quarantaine de pages et aussi c'est un peu inégal au niveau du scénario, mais globalement c'est une bonne lecture si on a aimé la série-mère.

16/04/2024 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5
Couverture de la série Love in Vain
Love in Vain

Robert Johnson, figure mythologique de la musique. Clamant avoir vendu son âme pour une musique sans précédent, créateur du rock pour bon nombre d'artiste, musicien parmi les plus influent du XXè siècle, mort dans la jeunesse, vivant dans la misère et la richesse (selon ses jours), membre éternel du club des 27 ... Que dire sur le personnage qui n'a pas déjà été dit ? J'ai personnellement revu sa figure dans l'excellent Mojo que je rapproche de cette BD, puisque nous découvrons le monde de la musique soul et blues dans les années 40, préparant le terrain à l'explosion post-seconde guerre mondiale. La biographie permets de mettre en lumière les différentes phases de sa vie, notamment les deuils qui le dévastèrent avant qu'il ne se plonge à corps perdu dans la musique. Le dessin rajoute à l'ensemble avec un noir et blanc travaillé, donnant l'impression d'anciennes gravures et surtout une très belle mise en scène de ce monde de danseurs, de cabanes à musique et d'années de ségrégation. La lecture est instructive et plaisante, mais surtout un bel hommage à Robert Johnson dont les enregistrements le sauvèrent de l'oubli. Lecture recommandée !

16/04/2024 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5
Couverture de la série Je suis leur silence
Je suis leur silence

Cet album est assez dense, légèrement confus et on ne sait pas toujours si l'auteur sait bien où il veut aller, mais je l'ai lu avec beaucoup de plaisir. Il tient avant tout sur la personnalité de son héroïne. Outre sa beauté et sa finesse d'esprit, celle-ci est d'un caractère volontairement étonnant, difficile à cerner, entre exubérance imprudente et intelligence avec beaucoup de recul. L'auteur rend hommage en fin d'album aux personnes bipolaires mais je n'ai pas l'impression que son héroïne le soit. Oui, elle fait preuve d'hyperactivité et de troubles maniaques, mais on ne lui voit quasiment pas de phase de dépression qui viennent les contrebalancer si ce n'est une séance de pleurs mais pas vraiment sans raison. Par contre, on peut l'observer dans une sorte d'éternelle fuite en avant, incapable de restreindre ses émotions et ses envies ni de se brider, par peur d'un traumatisme de son passé qu'on découvrira peu à peu. Ça en fait un personnage très original et charmant malgré ses défauts et son côté parfois casse-pieds. L'histoire pour sa part est très rythmée, complexe et intéressante même si parfois légèrement embrouillée. Les personnages y sont tous bons et les situations sortent assez des sentiers battus. Quant au dessin de Jordi Lafebre, il est excellent comme toujours. Ce n'est pas un scénario complètement ficelé avec un déroulement clair et une fin percutante, mais c'est une histoire très sympathique, avec une bonne dose d'humour et une héroïne joyeusement "attachiante".

16/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Les Guerres de Lucas
Les Guerres de Lucas

Il y a longtemps, dans une Californie lointaine, très lointaine... Incontournable pour les adeptes de la saga, ce roman graphique super bien foutu pourra également intéresser les amateurs de backstage de cinéma tellement l’œuvre regorge d’anecdotes tout en étant dotée d’une narration fluide et assimilable par n’importe qui. Ce livre ce lit comme un vrai page-turner, j’ai été scotché de bout en bout et pourtant je ne suis pas un néophyte : j’ai vu les 6 premiers films des dizaines de fois chacun, j’ai lu des comics, des romans, fait tous les jeux vidéos, je me suis intéressé à d’autres médias, bref, je connais plutôt bien l’univers Star Wars par rapport à la moyenne. Après pour certaines personnes c’est quasiment une religion il faut dire, donc des trucs diverses et variés on peut en apprendre tout les jours. J’ignorais par exemple que les interprètes de C3PO et R2-D2 ne pouvaient pas se blairer sur le tournage (est-ce toujours le cas ? ), l’infarctus de Lucas, sa jeunesse rebelle dont je n’avais pas le moindre soupçon (quand on voit Lucas il fait plus pépère tranquille, même lorsqu’il était jeune), je ne vais pas vous gâcher le plaisir de lecture en vous spoilant le récit mais il y a à boire et à manger là-dedans. Ce qui est diablement intéressant, et c’est le tour de Force des auteurs, c’est d’avoir réussi à conjuguer une biographie intimiste de Georges Lucas tout en étant à la fois une histoire sur la production du tout premier « La Guerre des étoiles », de l’envie du réalisateur de créer quelque chose qui lui ressemble et qui sort des sentiers battus à la sortie dudit film et le ras-de-marée culturel qu’il a représenté. C’est une véritable aventure en parallèle de ce space fantasy qui nous est contée, et de for belle manière : Lucas cet homme taiseux et affable m’a touché par sa réserve, les gens de la 20st Century Fox au contraire apparaissent comme des méchants de James Bond tant ils sont vénales et calculateurs (c’est romancé mais est-ce si éloigné de la réalité ? ), certains personnages m’ont déçu : je savais par exemple qu’Alec Guinness trouvé les dialogues enfantins, ou que pas grand monde parmi le crew ne croyait au projet, mais j’ai été surpris que des Ford, Fisher ou Kenny Baker, c’est-à-dire des moins que rien avant ce film, se foutent ouvertement de ce film « de merde ». Cela a été plus qu’un parcours du combattant la réalisation de ce film, dans la lignée de ces films maudits comme Fitzcarraldo, Don Quichotte ou Waterworld. Lucas a sué sang et eau pour le mener au bout et il est intéressant de remarquer que si son succès repose pour l’immense partie sur les épaules de Lucas imself, quelques noms de notables sont à ajouter, des gens qui ont cru au projet et en l’homme : sa femme Marcia Lucas sa première critique et relectrice et son équipe de monteurs, Gary Kurtz le producteur exécutif le Sam de l’équipe, Tom Pollock son avocat qui a négocié le contrat du siècle, Ben Burtt prodige des effets sonores, John Williams l’un des plus grands compositeurs de cinéma, Alan Ladd indéfectible soutient de Lucas envers et contre tous, George Mather qui a remis de l’ordre dans le bordel des studios I.L.M ; Willard et Gloria Huyck les dialoguistes (sans eux ça ne ressemblerai à rien vu que Lucas « ne sait pas écrire »), Fred Roos le directeur de casting qui a eu du flair. Ah oui ! Et le dessin est juste parfait, aux petits oignons, il sert parfaitement la narration, le code couleur est génial, y rien à redire, c’est très plaisant à regarder.

16/04/2024 (modifier)
Par karibou79
Note: 4/5
Couverture de la série La Traque - L'Affaire de Ligonnés
La Traque - L'Affaire de Ligonnés

De la piste de la DEA en passant par l'univers mystique d'une secte, d'extraits de blogs à séances d'interrogatoires, on a accès à toutes les informations révélées plus ou moins confidentiellement de l'affaire XDDL qui a défrayé les chroniques durant plus 8 ans (et peut-être encore plus si de nouvelles pistes font surface). Les faits sont mis en image à hauteur d'homme, les spéléologues effectuant les fouilles souterraines portent des noms et des visages. Et des protagonistes il y a en a : famille, amis de longue date, policiers, scientifiques, ecclésisastiques... Je suis admiratif de l'alternance si fluide de flashbacks en BD biographique, d'investigation en BD documentaire, de reproductions de lettres, mails, notes de blogs, de texte compléementaires, de suggestions de lecture. Les 200 pages de cet album sont justifiées, les chapitres sont également pondérés. Tout le monde prendra donc plaisir à gratter une piste plus qu'une autre. Car cette traque est toujours en cours, à l'instar de celle de la Chouette d'Or, relancée aux USA par la série Netflix dont je n'avais pas entendu parler. Car de locale, l'enquête a vite pris une tournure nationale puis européenne et maintenant mondiale. Et ce bel ouvrage de Petit-Valette risque d'en inspirer d'autres tant tous les ingrédients d'une course-poursuite sans fin sont là. Les dernières pages le confirment en empilant les avis de spécialistes, proches et autres concernant la question pourtant simple de la vie ou de la mort de l'insaisissable XDDL. Une expérience passionante chaudement recommandée aux amateurs de polar et de faits divers.

16/04/2024 (modifier)