Les derniers avis (31722 avis)

Par Blue boy
Note: 4/5
Couverture de la série Silent Jenny
Silent Jenny

« Silent Jenny » était l’une des BD les plus attendues de cette rentrée. Et sans trop se tromper, on peut affirmer que le résultat est tout à fait à la hauteur des attentes. L’objet en lui-même est déjà impressionnant : un pavé grand format de 311 pages, bénéficiant de la touche haut de gamme du « Label 619 » des éditions Rue de Sèvres. La couverture représentant la monade géante hébergeant le groupe de dissidents de ce road trip SF fait également son petit effet. Il ne s’agit là que de la « vitrine », mais lorsqu’on franchit la porte du magasin, la promesse est tenue, et l’émerveillement opère instantanément. Mathieu Bablet est un démiurge du neuvième art, cela va sans dire. Comme pour ses précédents opus, il a édifié ici un univers avec ses codes et une structure très élaborée. Et bien que l’action se déroule sur une Terre totalement ravagée, le lecteur aurait presque l’impression d’être transporté dans une autre galaxie, même si nombre de détails nous semblent familiers. Et pourtant, non. Il s’agit juste de notre planète en voie d’extinction, asséchée par un soleil brûlant et les diverses pollutions des siècles passés. Avant de poursuivre cet avis, peut-être serait-il utile de rappeler la signification du terme « monade ». Si dans cette histoire, il s’agit de ces mastodontes mécaniques errant à travers des paysages désolés, c’est à la base un concept philosophique, qui signifie étymologiquement « unité », l’unité parfaite qui est le principe absolu, ce qui prend ici tout son sens. Dans le roman de l’écrivain de science-fiction Robert Silverberg, « Les Monades urbaines » sont des tours gigantesques où s’entasse la population. Bref. C’est dans ce contexte cataclysmique que « Jenny la silencieuse » va effectuer des missions pour la Pyrrhocorp, l’entreprise tentaculaire qui contrôle ce qui reste du monde. La jeune femme est obsédée à l’idée de trouver de l’ADN d’abeilles qui permettrait de « repolliniser » le monde, un véritable sacerdoce pour elle, plus instinctif que raisonné. Mais la multinationale, si elle la rémunère pour ses actions, et plutôt mal d’ailleurs, n’est pas une organisation altruiste. Ankylosée par ses propres procédures administratives qui lui ont fait oublier le sens de ces missions, elle se contente de consigner les découvertes des prospecteurs dans d’immenses salles aux murs garnis de tiroirs, sans que l’on sache vraiment si celles-ci seront un jour exploitées. De plus, Jenny prend de très gros risques lors de ses expéditions. Dans sa combinaison usée qui laisse passer l’air vicié, elle doit se rendre sous terre (« l’inframonde ») après s’être miniaturisée, puis affronter les microïdes, des humains ayant échoué dans leur mission après avoir muté en zombies informes en voie de calcification. Mais il en faudrait plus pour dissuader la jeune femme de poursuivre son projet. Et même si elle se révèle une solitaire invétérée, elle reste fidèle à sa tribu de dissidents et ne s’éloigne jamais vraiment de l’itinéraire de la monade dans laquelle elle peut reprendre des forces. Sur cette planète devenue hostile, le danger est partout. La monade ne doit jamais s’arrêter, au risque d’être détruite par les canons de la Pyrrhocorp ou attaquée par les mange-cailloux, des parias cachant leur maladie sous des casques, espérant ainsi gagner les faveurs de la multinationale. On l’aura compris, « Silent Jenny » est une lecture riche et foisonnante, mais bénéficiant d’une narration fluide, même s’il faudra peut-être un peu de temps pour rentrer dedans. Mathieu Bablet prend le temps de poser son histoire, évite les rebondissements faciles et à outrance, et tant pis pour les lecteurs les plus impatients. Mais ici, la réflexion philosophique et l’action parviennent à trouver un point d’équilibre idéal, avec une tension omniprésente tout au long du récit. Les thématiques y sont nombreuses, en résonance avec notre époque. La trame principale du livre porte sur l’insoumission de ces « déserteurs » ayant opté pour le « nomadisme en monades », des monades énormes et passablement déglinguées se déplaçant à l’allure de l’escargot, face à une multinationale qui s’est substituée on ne sait trop comment au pouvoir politique, peu versée dans la démocratie et déterminée à mettre au pas les moutons égarés… En marge de ce duel larvé, il y a ces mange-cailloux, des hordes de pillards casqués, maladifs et teigneux. Ils sont à la fois les petits soldats et les idiots utiles d’un pouvoir autoritaire et sans visage, dont le seul but semble être le contrôle pour le contrôle. En s’en prenant au peuple des monades, ils espèrent obtenir de leurs maîtres une reconnaissance plus qu’hypothétique. Dans ce contexte anxiogène, les personnages sont bien campés psychologiquement, et on s’attache à ce petit groupe en résistance, même si on peut regretter une vision unilatérale voire manichéenne des choses, sachant que les personnages des camps adverses (ceux qui vivent sous l’emprise de la corp ou les mange-cailloux) sont réduits à de simples « silhouettes ». Quant à Jenny, la figure centrale, elle nous touche par son action sacrificielle et son sentiment de solitude inconsolable dissimulé sous un scaphandre usé. La jeune femme se burine à chacune de ses missions, la rapprochant un peu plus de la calcification donc de la mort, cette dernière représentée par cette faucheuse qui va la hanter tout au long du récit. Côté dessin, le trait de Mathieu Bablet est toujours très fouillé. On reste abasourdi devant l’abondance de détails et la richesse graphique, avec une bonne part d’onirisme, donnant l’impression que rien n’a été fait par hasard. L’influence d’un certain Moebius semble incontestable, mais un Moebius qui aurait intégré une dose de cyberpunk dans sa boîte à outil. L’imagination fertile de l’auteur fait le reste. Le Cherche-Midi, cette monade rafistolée, telle un Centre Pompidou zadiste à roulettes, est impressionnant, s’imposant comme une image forte, à l’instar du Nostromo dans « Alien ». Pour preuve sa mise à l’honneur en couverture. Dans ce style semi réaliste, les personnages ne sont pas lisses, avec des bizarreries dans les proportions, mais c’est un parti pris évident qu’on apprécie parce qu’il est à l’opposé d’un académisme rigide. Quant à la colorisation, très soignée, elle est raccord avec cet univers toxique et calciné, oscillant généralement du rouge ardent au brun oxydé en passant par le vert maladif, tandis que le bleu du ciel, plutôt rare, symbolise principalement l’espoir du renouveau. D’une ambition folle, « Silent Jenny » est une œuvre que certains jugeront peut-être un peu complexe, mais la puissance du propos et la sophistication graphique sont telles qu’elles battent potentiellement en brèche les critiques des plus réticents. Cet album en forme de road trip post-apo n’est assurément pas une balade de santé, mais s’apparenterait plutôt à un pèlerinage hasardeux et difficile sur une route très escarpée, une quête où il n’est pas seulement question de retour aux sources mais de résistance, de résilience et d’humanité. Incontestablement un des albums qui marquera l’année.

01/11/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 4/5
Couverture de la série 300
300

Visuellement, dramatiquement, c'est fort, peut-être un peu outré…. Mais contrairement à d'autres, je n'ai rien contre le sacrifice, à la guerre, qui n'est pas une partie de croquet. Si on n'est pas prêt à tuer l'ennemi et à mourir, on n'a rien à faire sur un champ de bataille, et il faut donc se dépêcher de se soumettre au premier envahisseur fronçant le sourcil. La liberté des Grecs et donc la notre a été sauvée par les Spartiates, mais aussi par les Athéniens, dont il me semble forcé qu'ils soient quelque peu minorés, comme l'aurait été un récit vu par un Anglais ou par un Français glorifiant son pays aux dépens du pays depuis longtemps rival. Mais avec la progression de la narration, il se fait une conscience grandissante de l'enjeu de la sauvegarde de la liberté des Grecs. Par contre, les Perses sont montrés de façon caricaturale. Problématique ! L'Histoire, et même ce qui ne prétend pas l'être mais à une certaine tenue, se doit d'éviter ce travers. Après la question des amis et ennemis, quoi ? L'homosexualité est dénigrée, au mépris de la réalité historique de toutes les cités grecques. Je me demande si c'est par pure homophobie ou aussi parce qu'on ne veut voir que sacrifice et violence dans la guerre, quand on peut aussi y trouver de l'amour, relégué au seul foyer. Il y a certes les valeurs, la liberté et la loi, dont on ne remerciera jamais assez les Grecs de nous les avoir légués avec la science… Par contre, on évacue les ombres comme l'esclavage avec l'imputation que tous les Perses seraient esclaves de leur roi et leurs guerriers menés à coup de fouet, des légendes à laquelle fait pièce un mythe moins connu et plus moderne comme quoi la Perse aurait abolie l'esclavage. La construction du récit est habile, la mise en page qui y répond ainsi qu'à la violence, parfaite. En somme, cette BD aurait pu être écrite par un Spartiate moderne, si Sparte n'avait laissé les arts et les sciences au reste de la Grèce et singulièrement à Athènes !

01/11/2025 (modifier)
Couverture de la série Batman - Imposter
Batman - Imposter

Batman: Imposter est une plongée sombre et réaliste dans les débuts du Chevalier Noir. Écrit par Mattson Tomlin (coscénariste du film The Batman) et magnifiquement illustré par Andrea Sorrentino, le récit se démarque par son ton cru et psychologique, bien loin des récits de super-héros classiques. L’histoire imagine un Batman traqué par un imitateur meurtrier, qui compromet l’image déjà fragile du justicier auprès de la police et du public. Cette idée d’un “faux Batman” sert de prétexte à une réflexion profonde sur la frontière entre justice et vengeance, mais aussi sur la solitude et la paranoïa de Bruce Wayne. Les dessins de Sorrentino sont sublimes : composition éclatée, jeu d’ombres saisissant, et ambiance poisseuse qui rappelle les thrillers néo-noirs. Le coloriste Jordie Bellaire accentue cette atmosphère réaliste avec une palette terne, presque oppressante. Ce qui frappe, c’est la dimension humaine du récit : Bruce n’est pas un héros infaillible mais un homme brisé, en lutte contre sa propre obsession. Le personnage du Dr. Leslie Thompkins, ici plus présent et lucide que jamais, sert de contrepoint moral à ce Batman au bord du gouffre. En bref : Batman Imposter est une réussite du Black Label. Une relecture mature et crédible du mythe, idéale pour les fans du film The Batman ou des versions plus terre-à-terre du héros.

31/10/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 4/5
Couverture de la série Walking Dead
Walking Dead

J'ai d'abord emprunté les DVD, ensuite les BD à la Bibliothèque. Avant, j'évitais pour raisons personnelles absolument les histoires de zombie, mais les circonstances ayant changé, j'ai découvert ces œuvres. Cela semblait mieux que la plupart des productions du genre dont j'avais entendu parler… J'aimais particulièrement les personnages de Rick et de Michonne chez les gentils, l'homme à la batte chez les moins gentils. Les divers groupes sont bien vus, comme les plus flippants type Chuchoteurs. A un moment, il est question de zombies se mettant à ouvrir des portes, et je me disais que si des rôdeurs retrouvaient de l'intelligence tandis que des vivants comme les Chuchoteurs étaient dans la traîne des zombies et se comportaient comme une meute avec Alpa et…. Béta, on pourrait voir une bascule entre humains et inhumains, mais cela ne s'est pas fait. Amusant, j'ai vu cette idée exploitée autrement sur le site Alterhis dans l'Apocalypse zombie ! Je trouve normal qu'il y ait une impression de brutalité et de crasse dans Walkind Dead, cela convient au sujet. La musique et le générique sont eux aussi pertinents, et cela compte, pour mettre dans l'ambiance ! Et c'est peut-être ce qui manque à la BD, des moments martelant un rythme répétitif et intense, entre actions et scènes entre les actions. Qui sait ? En tout cas, j'ai apprécié de lire la BD, et je m'en souviens sans cette impression pénible de décadence des séries qui périclitent, ce qui est déjà quelque chose, mais je n'ai pas vraiment envie d'y revenir.

31/10/2025 (modifier)
Couverture de la série Girlfriends
Girlfriends

Tout est dans le titre : il est question de petites amies. Plus précisément, il est question du parcours de deux petites-amies, de comment l'une a réalisé qu'elle était femme et que l'autre a réalisé qu'elle aimait les femmes. C'est le témoignage d'un couple sur le coming out, l'acceptation de soi, l'évolution de la vision que l'on a de soi, de nos rapports aux autres aussi lorsque l'on apparait officiellement comme "queer". L'album est bon, très bon même. Je suis agréablement surprise car, d'habitude, ce genre d'autobiographie parvient à me toucher mais jamais sans plus ; et là, surprise, ça a fait mouche. Peut-être est-ce le discours simple mais réfléchi, parvenant à présenter toute la nuance et la complexité de son sujet tout en restant très personnel, peut-être aussi est-ce le rappel du pourquoi ce genre de récit touche certaines personnes et reste encore nécessaire pour faire cesser les préjugés et les comportements nocifs, ou bien peut-être même est-ce les quelques petits passages comiques qui m'ont fait sourire (mention spéciale pour l'image du duel de cowboy où chacune se doute de ce que l'autre cache mais aucune n'ose faire le premier pas), mais quoi qu'il en soit j'ai aimé. Qu'il s'agisse des passages difficiles ou des moments épanouissants, tout nous est raconté pour humaniser au maximum, pour partager au mieux l'expérience de l'autrice et de sa petite-amie. L'évolution de la pensée, de la vision que l'on a du monde, que le monde nous renvoie aussi, lorsque l'on sort de ce que la société juge "normal", "acceptable" même, chacune de leurs expériences touche et est suffisamment bien expliquée pour faire prendre conscience à certaines personnes n'y connaissant rien ce que cela fait de vivre dans la peau d'une personne queer, particulièrement lorsque l'on est une personne transgenre (binaire ou non). Je ne suis pas particulièrement fan du dessin de Sara Soler (que je découvre ici), il n'est pas mauvais, appuie très bien les moments comiques, mais n'est tout simplement pas mon style de prédilection. Bon, les couleurs pastels (bleu, rose et blanc pour évoquer le drapeau transgenre) restent suffisamment douces pour quand-même m'être agréables - j'aime le pastel, que voulez-vous ? Après, le dessin de couverture et le timing comique de l'autrice sont plus à mon goût, donc je suivrais probablement les prochaines créations (y compris celles de sa petite-amie qui, si j'ai bien compris, travaille aussi dans la bande-dessinée). Bref, un très bon témoignage, alliant joliment expérience personnelle et présentation détaillée (bien que simplifiée) de son sujet, qui rappelle aussi que cette expérience n'est qu'une parmi tant d'autres, que si tous les individus sont uniques leurs histoires le sont tout autant, donc moi j'ai bien envie de me montrer plus généreuse qu'à l'accoutumée face à ce genre de création et monter jusqu'à quatre étoiles. (Note réelle 3,5)

30/10/2025 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5
Couverture de la série Fantasy - Yourcenar / Alma
Fantasy - Yourcenar / Alma

3.5 Un album de fantasy intéressant vu qu'on suit l'histoire de deux personnages qui finissent par se rencontrer et chaque face de l'album met en vedette une des deux héroïnes. J'ai bien aimé comment était fait le récit parce qu'on découvre deux sociétés très différentes, Alma étant une humaine et Yourcenar une géante apparemment immortelle ou au moins qui peut vivre plusieurs siècles. Chaque récit montre une différente version des relations entre les humains et ce qu'ils prennent comme des dieux, le fait d'avoir deux histoires sert donc à quelque chose contrairement à d'autres bandes dessinées avec un gimmick qui ne sert pas à grand chose. J'ai commencé avec le coté d'Alma et je me demande si c'était une bonne idée. Le coté de Yourcenar a un scénario plus original et aussi qui prend plus de temps à lire parce que c'est plus verbeux avec plusieurs moments philosophiques alors que lorsqu'on est avec Alma il peut avoir plusieurs pages de suite avec peu ou pas de textes. Or, la fin est la même dans les deux récits. Je pense que c'est le seul problème de l'album: la fin est la même dans les deux récits alors on sait déjà le destin final des deux héroïnes après avoir fini de lire une des deux faces. Je conseille donc de commencer avec Yourcenar comme ça on ne trouve pas le temps un peu long parce qu'on sait déjà ce que signifie la prophétie qui la concerne. Sinon, le dessin et la mise en page sont très bons.

29/10/2025 (modifier)
Par Cleck
Note: 4/5
Couverture de la série Watership Down
Watership Down

Voilà un projet bien original : une ample histoire de survie sur une garenne de lapins sauvages, d'une précision, maturité et violence le destinant à un public adulte. La lecture s'accompagne d'une fascination perpétuelle, l'impression constante d'un décalage entre le sujet et son traitement. Bien des films d'animation, des romans et albums pour la jeunesse proposent des histoires comparables, mais tout ici est développé et revisité à l'aune de ce choix de s'adresser aux adultes, poussant le curseur au-delà de l'horizon d'attente : l'ingéniosité devient stratégie militaire, la gentille peur se transforme en terreur vis-à-vis d'une violence possiblement mortelle, la différenciation des rôles au sein de la garenne devient un assujettissement à une autocratie inégalitaire, etc. Les illustrations assument ce vertige en griffant régulièrement le pelage de nos doux lapins, faisant jaillir l'horrible sang de ces mignons doudous. Certes, j'eus aimé davantage d'audace : des jeux expressionnistes avec les ombres, des mises en pages moins esclaves du gaufrier, une couverture plus gothique, mais la précision du trait est appréciable et permet d'aisément suivre l'intrigue malgré des personnages évidemment fort semblables. Cela manque parfois un peu de rythme, d'audace donc, mais l'on ressort de cette lecture avec le sentiment d'une grande originalité, quand la raison pourrait objectivement nous certifier que cette fable animalière est relativement convenue et déjà vu. Étonnant !

29/10/2025 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5
Couverture de la série Balade mentale - Voyage dans l'infiniment grand
Balade mentale - Voyage dans l'infiniment grand

J'ai toujours été fasciné par les étoiles et la conquête spatiale, même si j'avoue avoir un piètre niveau scientifique. Et bien cet album trouve le parfait juste milieu entre vulgarisation et un niveau tout de même soutenu. C'est à l'initiative du youtuber scientifique Théo Drieu que cet album voit le jour, mis en image par l'illustratrice italienne Giulia Mammone. Son trait minimaliste mais évocateur dans les comparaison d'échelles, se drape d'une certaine poésie visuelle quand on aborde les galaxies et les confins de l'univers. C'est tellement efficace que la prise de conscience des distances qui séparent planètes, étoiles, galaxies et nébuleuses donne le tournis. On est pas prêts de sortir de notre système solaire ! Voilà en tout cas un très bon album pour tous les amoureux d'astronomie ou les curieux de l'univers qui nous englobe.

29/10/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Cézanne - Sur la route Cézanne
Cézanne - Sur la route Cézanne

Cette montagne était apaisante, rassurante… Sainte-Victoire ! - Ce tome contient une histoire complète, ne nécessitant aucune connaissance préalable sur le peintre pour l’apprécier. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Bernard Fauconnier pour le scénario, et par Alexandre Aré pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend cinquante pages de bande dessinée. Il se termine par un dossier de quatre pages intitulé Petite histoire de la route Cézanne, comprenant plusieurs parties : Une route ancienne, Un pays pour les peintres, Des peintres des écrivains, Le baptême de la route. Novembre 1987, place des Quatre Dauphins, Aix-en-Provence. Ce n’est pas simple d’arriver dans une nouvelle ville, en abandonnant et laissant tout derrière soi, pour construire une nouvelle vie ! On se sent un peu perdu dans ce grand labyrinthe de l’inconnu quand on a que onze ans. Maman avait réussi à trouver une petite maison à louer pas très cher, à la sortie d’Aix, vers le Tholonet. Manon, sa fille la trouvait vieillotte, sans âme et sans intérêt. Son appartement parisien lui manquait, avec ses grandes rues, ses grandes avenues et tout ce monde qui grouille ! Mais soudain son regard se posa au loin… Là, devant elle, quelque chose de grand, de fort et de majestueux se dressait ! Cette montagne était apaisante, rassurante… Sainte-Victoire ! Quelques jours plus tard, sa mère a réussi à l’inscrire en cours d’année au collège Mignet. Manon se sent un peu perdue, et pas trop à sa place. Certaines élèves le lui font bien comprendre : en la traitant de tête de veau, en l’enjoignant de retourner voir les rats à Paris. Il faut qu’elle prenne sur elle, qu’elle encaisse. Évitant les railleries, elle s’isole dans la cour de récréation et elle se dit que tout cela finira par s’arranger avec le temps. L’hiver s’installe doucement, la mère de Manon trouve du travail dans un hôpital, mais les horaires sont compliqués et souvent décalés. La jeune fille se retrouve souvent seule à la maison. Alors, pour s’occuper, elle s’installe dans le jardin, elle dessine, elle peint la nature et les paysages qui changent de couleur autour d’elle. Elle ne se sent pas vraiment seule : elle sait que leurs voisins veillent sur elle. Les jours passent : elle et ses voisins apprennent à se connaître. La dame s’appelle Thérèse, elle est calme, douce, très gentille avec Manon qui lui montre ses dessins. Mais la demoiselle sent quelque chose de triste, de cassé, de brisé dans la vieille dame. Et il y a son mari… Un vieux monsieur assez étrange. Une sorte d’ours qui sort de temps à autre de sa tanière. Il a le visage fermé et ne parle jamais. Chaque jour, Manon le voit partir, marcher vers la montagne, avec tout son matériel de peinture. Il disparaît toute la journée, puis quand la lumière du jour s’éteint, il rentre chez lui, toujours sans un mot. Les semaines et les mois passent, les beaux jours réapparaissent et se dessinent avec la nature. Le ciel et les arbres ont retrouvé leur éclat lumineux. Thérèse propose à Manon de l’aider à cueillir des cerises. La jeune fille monte à l’échelle et elle mange autant de cerises qu’elle n’en cueille, se faisant gentiment sermonner par la vieille dame qui lui dit qu’il n’en restera plus assez pour faire un clafoutis. Pas tout à fait une bande dessinée de plus sur Cézanne : dans un premier temps, le lecteur se rend compte que cet ouvrage se lit très facilement, écrit dans un registre tout public. Le personnage principal que suit le lecteur est âgé de onze ans, et rentre au collège dans une ville qu’elle ne connaît pas, avec une intégration difficile car les enfants du coin voient d’abord en elle une parisienne. Ensuite les dessins présentent une apparence très douce, identique au mode de réalisation de l’illustration de couverture : des traits de contour de couleur plutôt que du noir sec et tranchant, une impression de rendu de crayons de couleur, voire de pastels, des visages arrondis avec des émotions faciles à lire, de jolies couleurs vertes et lumineuses pour les paysages naturels, également très lumineux pour quelques rares scènes en intérieur. Le récit est majoritairement raconté par des dialogues, avec des phrases courtes, faciles à lire. François a l’âge d’être un grand-père et il joue le rôle de passeur bienveillant, racontant la vie de Cézanne, avec une sensibilité particulière, à la fois pour le métier de peintre, à la fois pour la région d’Aix-en-Provence, et plus particulièrement pour ce site appelée Route Cézanne. La lecture s’avère d’une grande facilité, accessible et didactique, ancrée sur le point de vue de la jeune fille. La narration visuelle est tout aussi agréable, fortement influencée par les œuvres du maître, majoritairement celles réalisées sous le soleil de Provence. Enfin… Les couleurs claires évoquent également les œuvres de Vincent van Gogh, celles d’Alfred Sisley, tout en étant foncièrement différentes. D’une certaine manière l’artiste combine les techniques picturales traditionnelles de la bande dessinée (détourage des formes avec un trait) et quelques touches impressionnistes (en particulier dans le rendu de la verdure et bien sûr dans la silhouette de la montagne Sainte-Victoire). Il combine une approche représentative et descriptive adaptée à une bande dessinée tout public, et une évocation de l’esprit de l’impressionnisme, de la démarche de rendre compte de la sensibilité de Cézanne, de la beauté de luminosité et du paysage dans cette région. Très régulièrement, le lecteur se retrouve ainsi sous le charme d’une impression, de l’évocation d’une perception en appelant aux sensations : le feuillage de l’arbre devant lequel se dresse la colonne de la fontaine de la place des Quatre Dauphins en planche un, le premier aperçu de Sainte Victoire en planche deux, la silhouette des autres enfants en arrière-plan dans la planche trois, la ribambelle de paysages accrochés au mur de la maison de Thérèse et François, la végétation verdoyante de la région en particulier le long de la route Cézanne, les tuiles de la demeure du toit des Cézanne, les toits des maisons de l’Estaque, les mouvements d’air dans un ciel bleu (du pur Van Gogh) en planche trente-huit, et bien sûr les différentes vues de Sainte Victoire, y compris après l’incendie du vingt-huit août 1989. Dans le même temps, les cases constituent une narration visuelle, proprement dite, tout aussi parlante. Le lecteur s’interroge parfois sur l’âge réel de Manon qui peut sembler plus enfantine dans certaines cases. Toutefois, la différence d’âge est bien marquée avec les retraités Thérèse et François. Les pages semblent dégager une sorte d’uniformité : le lecteur constate qu’il convient plutôt de parler d’unité, ou de cohérence. Le dessinateur découpe sagement ses planches en bande avec des cases rectangulaires… tout en faisant régulièrement usage de variations parfaitement intégrées. Par exemple : une case sans bordure de ci de là, des cases de la largeur de la page, deux cases comme fondues en une seule (planche cinq avec à gauche Manon devant la maison et à droite François déjà loin sur le chemin), une discrète case en trapèze en planche quatorze pour accentuer la violence d’un mouvement, la tête de François en insert en planche dix-neuf, des dessins enfantins en planche vingt-trois pour rendre compte de la terreur d’un cauchemar de Manon, un dessin en double page de Sainte Victoire avec des cases en insert, un paysage en format panoramique découpé en trois cases contigües avec la progression des personnages (Manon & Thomas) qui s’éloignent d’une case à l’autre, etc. Le lecteur remarque également que tout aussi discrètement l’artiste intègre les éléments de ses recherches dans l’évocation de l’époque de la vie de Cézanne, qu’il s’agisse des tenues vestimentaires ou des bâtiments, de leur décoration intérieure. Totalement sous le charme de la narration visuelle, le lecteur se laisse emmener dans cette délicieuse promenade. L’adulte chemine aisément dans cette narration à la portée de tous et… Il prend conscience que le propos des auteurs s’avère solide et qu’ils s’adressent à tout le public potentiel. François raconte la vie de Paul Cézanne (1839-1906) de manière simple et parfois elliptique à la jeune Manon, tout en intégrant de nombreux faits qui parlent aux lecteurs plus âgés. Ils mettent en scène l’amitié entre le peintre et Émile Zola (1840-1902), la rencontre avec Éléonore Alexandrine Meley (1839-1925, future Alexandrine Zola), et celle avec Hortense Fiquet (1850-1922). Il est question de l’amitié entre les deux hommes et de son terme lors de la parution de L’Œuvre (1886), quatorzième volume de la série Les Rougon-Macquart. L’adulte compatit à la situation du jeune peintre se heurtant à la volonté paternelle quant au métier à exercer par son fils, assortie de cette terrible maxime du banquier : On meurt avec du génie, et l’on mange avec de l’argent. Chaque lecteur relève les différents séjours à Paris et les rencontres avec Claude Monet (1840-1926), Berthe Morisot (1841-1895), Camille Pissarro (1830-1903), Auguste Renoir (1841-1919), Alfred Sisley (1839-1899), Gustave Caillebotte (1848-1894), Frédéric Bazille (1841-1870). Il identifie la création du salon des Refusés, sous décision de Napoléon III. Il apprécie l’anecdote relative au nom du mouvement, donné par Louis Leroy (1812-1885). Il se rend compte que dans le même temps il s’est attaché aux personnages, que ce soit la curiosité et la confiance en elle de Manon, ou la forme de résignation sous-jacente de François. Il sent son empathie prendre le dessus quand François exprime avec émotion sa déception vis-à-vis de ses propres limitations d’artiste : une horrible frustration, née de son ressenti d’être incapable de voir la lumière, les couleurs, la matière, de ne pas ressentir. Il sent aussi son cœur se serrer à l’évocation de l’incendie se déclarant au pied de Sainte-Victoire, et de la promenade faite quelques jours après dans un paysage calciné. Il en vient à planifier des vacances pour découvrir cette route Cézanne, et voir par lui-même le barrage de Bimont, le barrage Zole, le moulin de Tholonet, le château noir, et bien sûr la montagne. Une histoire tout public, dans laquelle Manon, onze ans, découvre l’art de Cézanne grâce à un voisin, lui-même peintre, et marchant dans les pas de Cézanne sur la route portant son nom. Une balade gentille et prévenante, avec de magnifiques couleurs, dans l’esprit des impressionnistes. Et aussi beaucoup plus que cela avec une biographie partielle du peintre, son amitié avec Émile Zola, la naissance du mouvement impressionniste et son importance dans l’histoire de la peinture. Sans oublier une narration visuelle sensible, belle et engageante. Une grande réussite.

29/10/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 4/5
Couverture de la série Les Passagers du vent
Les Passagers du vent

C'est le titre, Les passagers du vent, qui m'a attiré, sans parler des trois mâts. J'ai aimé entre autre l'histoire, les personnages, surtout féminins, et les navires bordés de vent, les gens du peuple et les dominants qui tout en entrant en résonnance avec des thématiques modernes ne tombaient pas dans le crime capital de l'anachronisme ! J'avoue que j'ai moins apprécié la suite américaine et française, sans doute parce que je me trouvais en manque d'horizon maritime. Malgré la fille petite-fille d'Isa, qui a eu le bon goût de me surprendre en n'étant pas aussi libérale que sa grand-mère, et ce n'est rien de le dire pour une esclavagiste. A ce propos, les Noirs, libres ou esclaves, ne versent pas dans la caricature, et en fait, personne, dans cette série, ce qui donne un peu d'air frais en plus de celui porté par l'aventure. A noter des couleurs véritablement belles. Je ne dirais j'espère jamais qu'il faut avoir lu une œuvre vu qu'heureusement il y en a tant d'excellentes que chacun peut trouver son bonheur dans certaines dont on peut présumer qu'elles traverseront le temps. Mais si on veut sentir le vent, enfin, au début, l'air salin et le reste, on ne sera pas déçu. Alors…

29/10/2025 (modifier)