Les derniers avis (29350 avis)

Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Not All Robots
Not All Robots

Obsolescence humaine - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, qui n'appelle pas de suite. Il regroupe les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2021, écrits par Mark Russell, dessinés et encrés par Mike Deodato, avec une mise en couleurs de Lee Loughridge. Il contient les couvertures réalisées par Rahzzah, ainsi que les couvertures variantes de Mike Deodato (*1), Leila Leiz (*1), et une postface du scénariste sur son inspiration, ainsi qu'une de l'artiste sur ses inquiétudes à réaliser un tel type d'histoire. En 2056, la race humaine a tellement massacré l'environnement qu'elle est reléguée à vivre dans des métropoles mises sous cloches, comme Bulle Atlanta, et les robots ont pris le contrôle des opérations. Ils sont doués d'une forme de conscience. Ils ont remplacé les humains dans tous les métiers, sauf coiffeur. Chaque cellule familiale s'est vu attribuer un robot de forme anthropoïde avec bras, jambes, tronc et tête, mais d'apparence très mécanique. Ce robot va au travail et son salaire sert à faire vivre le ménage et les enfants s'il y en a. Les entreprises qui fabriquent les robots sont en train de finaliser leur recherche sur la conception d'androïdes, des robots avec un corps similaire à celui d'un être humain. Ce soir-là, à l'émission de débat Talkin' Bot, le robot animateur reçoit un autre robot et Megan, une humaine. le thème du débat : est-ce que l'obsolescence humaine est une bonne chose ? le robot invité Slice-a-tron expose les faits : le comportement humain est erratique et dicté par des émotions. Les humains sont fainéants et grâce au travail du robot dans chaque foyer, ils peuvent se relaxer, ce qui semble être leur spécialité. Megan oppose le fait que la révolution robotique était sensée libérer les humains, mais que dans la réalité le contrôle de leur vie leur échappe toujours plus. le robot invité répond que la gestion des affaires humaines par les robots a permis d'améliorer la situation sur tous les plans. Dans leur salon, autour de la table la famille Walkers s'apprêtent à manger, tout en commentant le débat. le père Donny commence par rendre grâce à Dieu, puis il remercie Razorball, leur robot, dont le salaire a permis qu'ils aient à manger. La fille adolescente Cora fait remarquer que c'est déjà assez pénible de vivre dans la même maison que ce robot, qu'elle ne va pas en plus le remercier. le fils adolescent Sven dit qu'il a l'impression que le robot le regarde comme s'il était un robinet qui fuit. La mère Cheryl ajoute qu'il fait peur à rentrer en coup de vent, puis à aller s'enfermer dans son atelier au garage toute la nuit, sans qu'on sache ce qu'il y fait. Elle demande à son mari ce qu'il pense qu'il y fait. Donny coupe court à cette conversation car Razorball rentre du boulot. Il lui demande si sa journée a été bonne : Razorball répond que non, comme d'habitude. La réponse est toujours non. Donny lui demande s'il veut qu'il lui prépare un bain d'huile chaud. le robot lui demande de le laisser tranquille, que c'est tout ce qu'il veut. Et il va s'enfermer au garage pour se livrer à son occupation solitaire. Le lecteur qui suit la carrière de Mark Russell situe rapidement la nature du récit : appartenant au genre science-fiction, et évoquant une situation sociale toxique, comme il avait pu le faire dans Billionaire Island (2020) avec Steve Pugh. le scénariste sait poser les bases de cette société du futur en quelques pages : désastres écologiques, êtres humains obligés de vivre dans des mégapoles mises sous cloche, et omniprésence des robots qui sont devenus 99,99% de la force de travail, les humains dépendant d'eux pour leur subsistance, gîte et couvert. Russell ne s'attarde pas trop sur le principe de fonctionnement de l'intelligence artificielle des robots : pas de lois de la robotique comme chez Isaac Asimov (1920-1992), pas de théorie sur l'intelligence artificielle, juste des êtres mécaniques avec des capacités professionnelles, une logique mathématique, et une forme de conscience d'eux-mêmes, avec un processeur d'empathie à l'amplitude limitée. Cela génère un sentiment de frustration chez les robots qui travaillent pour des humains qui se tournent les pouces, qui sont moins efficients qu'eux, et qui ont laissé la Terre dans un état de délabrement avancé. Il a fallu que ce soient eux, les robots, qui reprennent les choses en main pour préserver ce qui pouvait encore l'être, pour assurer l'intendance permettant aux humains de vivre, en leur assurant leurs besoins primaires. Cela génère un sentiment de ressentiment chez certains humains, en état de dépendance, ne servant plus à rien, dépossédés de leur capacité à décider par eux-mêmes. Le lecteur ressent pleinement ce malaise partagé, ce ressentiment mutuel non exprimé, la pression du travail qui pèse sur les robots, sans parler des accidents qui peuvent se produire quand un robot blesse ou tue un humain ou plusieurs par inadvertance quand il se produit un bug. La tension monte entre les deux communautés, même s'il reste des individus des deux camps qui croient en une cohabitation pacifique et mutuellement profitable… sauf que certaines usines commencent déjà à produire une version améliorée de robots, avec une allure totalement humaine, et un microprocesseur empathique plus performant. Dans la postface, l'artiste explique que ce récit représentait un défi pour lui pour deux raisons : représenter des robots d'allure mécanique et parvenir à trouver un langage corporel un tant soit peu expressif, mettre en scène une comédie satirique qui est également une critique sociale. Même un dessinateur aussi chevronné que lui a eu besoin des encouragements de son responsable éditorial pour avoir assez confiance en lui. Quand il entame l'ouvrage, le lecteur ne ressent pas du tout cette inquiétude. Il retrouve les dessins proches d'un photoréalisme de Deodato, avec un haut niveau de détails, des trames mécanographiées qui apportent des textures et augmentent le relief, des séparations en case parfois arbitraire, plus pour l'allure générale que pour la narration. Il admire toujours autant son usage des ombrages pour accentuer le relief, dramatiser certains éclairages à bon escient, sans systématisme. L'artiste a très bien réussi à donner un minimum d'expressivité aux robots, sans aucun trait de visage, simplement avec des postures cohérentes avec les articulations de leur corps. du coup, ces masses métalliques ne sont pas que des objets, mais sans être humanisées, ce qui est parfaitement en phase avec la forme d'intelligence que leur a attribuée le scénariste. le contraste est d'autant plus grand avec la nouvelle génération de robot, plutôt des androïdes à l'apparence exactement identique à celle d'un être humain. D'un autre côté, quand le lecteur assiste à un défilé de robots mécaniques, il reçoit avec force la menace constituée par cette foule à la force physique impressionnante, totalement déconnectée de l'humanité. Pour les êtres humains le dessinateur reste dans un registre majoritairement réaliste, même si la diversité des morphologies reste très limitée. de plus, il n'exagère pas le langage corporel : il reste bien dans une comédie dramatique, et il ne passe pas en mode action ou aventure. Comme à son habitude, il épate le lecteur par la consistance de ses décors, et par leur niveau de détails, avec une forme de représentation quasi photographique. La mise en couleurs de Lee Loughridge s'avère assez foncée, ce qui renforce encore l'impression de cases très denses en informations visuelles. Au fur et à mesure, le lecteur peut, s'il le souhaite, ralentir un peu son rythme de lecture pour savourer les cases et les environnements qui y sont décrits et mieux prendre la mesure du niveau de détails pour les bâtiments, les bureaux, le salon des Walters, les salles de réunion, la pelouse du pavillon, etc. La tension entre humains et robots augmente très progressivement, en allant en se généralisant. Dans un premier temps, le lecteur voit bien que le robot de la famille est la personne qui ramène l'argent par son travail, le gagneur, mais aussi un individu renfermé sur lui-même, coupé des personnes qui dépendent de lui, sans possibilité de reconnaissance de leur part. En outre, l'emploi de chaque robot semble aliénant et sans joie. le lecteur voit bien le parallèle se dessiner avec un foyer où seul le père travaille, et le reste de la famille dépend de lui sur le plan financier. Dans la postface, Russell explicite clairement que cette situation lui permet ainsi de mettre en scène la masculinité toxique, le titre évoquant le hashtag NotAllMen. le lecteur peut être un peu surpris car le propos semble de plus grande envergure, et pas forcément focalisé sur ce thème. Pour commencer, il n'est possible d'attribuer un sexe aux robots travailleurs, pas plus mâle que femelle. Ensuite le père de famille prend le parti de leur robot, et ce sont son épouse et ses enfants qui lui manifestent une hostilité feutrée. Enfin, le travail du robot leur permet effectivement de bénéficier d'une vie de loisirs, même si ceux-ci ne sont pas évoqués. Au fil des pages, le lecteur ressent plus un commentaire sur le travail et sur la force de travail. Lors d'un débat, un robot dit clairement que les humains sont moins efficaces, moins résistants, et qu'en plus ils prennent des pauses nocturnes pour dormir : une métaphore implacable sur la mise sur la touche des travailleurs fatigués ou moins productifs, et de la valeur absolue de la productivité. le récit devient plus dramatique encore quand cette génération de robots mécaniques devient elle-même obsolète, avec l'arrivée des androïdes. Vu sous cet angle, le récit est alors aussi caustique qu'impitoyable, aussi cruel que pénétrant. L'association de Mark Russell et Mike Deodato junior donne naissance à un récit concis, à la narration visuelle dense et très concrète, faisant exister ce futur proche. L'intrigue réserve des surprises et est intéressante pour elle-même. Les thèmes développés ressortent avec plus d'acuité du fait de l'utilisation très élégante des conventions de la science-fiction pour mieux montrer ces mécanismes sous un jour nouveau et parlant.

15/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série B.O. comme un dieu
B.O. comme un dieu

On peut tout faire du moment qu'on est dans le bon tempo. - Ce tome contient une histoire à caractère pornographique, complète et indépendante de toute autre. Il s'agit d'une bande dessinée en couleurs, de cent-dix-neuf pages, réalisée par Ugo Bienvenu, scénario, dessins et couleurs. Sa première édition date de 2020, et elle porte le numéro vingt-trois dans la collection BD.cul des éditions Les requins marteaux. Le robot B.O a sept cent soixante-douze ans. Il y a beaucoup de probabilités dans l'univers. Tout un tas de probabilités auxquelles vient s'ajouter celle-ci : il a sûrement couché avec l'une des ancêtres de ceux qui le lisent. Une arrière-grand-mère, une tante, peut-être la mère. Et il peut assurer qu'elles ont aimé ! Il est un professionnel. Même mieux ! Il a été créé pour ça. Et son créateur l'a bien fait. On n'a sûrement jamais entendu parler de lui. Aucune mère, aucune fille, aucune soeur, aucune amie n'osera jamais dire qu'elle a eu recours à ses services. Et pourtant il les a fait jouir ! Il est le dernier robot sexuel de la galaxie. Avant toute chose, il sait que ça peut paraître étrange, mais il est un robot hétérosexuel. Il n'y peut strictement rien. Il a été programmé comme ça. Ça limite fortement sa clientèle potentielle. Mais c'est mieux comme ça… il a déjà du mal à honorer ses contrats. B.O voyage à travers le vide de l'espace à bord d'un vaisseau. Sa trajectoire le fait passer devant des planètes, des lunes, dans le vide interstellaire. Il est le dernier robot sexuel de la galaxie. B.O atterrit sur une planète, devant une maison à l'écart de toute civilisation, chez sa plus fidèle cliente : Joulia. La plupart du temps, il doit venir la voir plusieurs fois par semaine. Parfois elle lui demande de rester pour la journée ou pour la nuit. Elle a les moyens, ce qui est nécessaire car il n'est pas donné. B.O sort de sa petite fusée et se dirige vers elle, car elle l'attend et elle court vers lui. Elle l'enserre dans ses bras et le dirige séance tenante vers la chambre pour débuter incontinent les ébats. Joulia est un mannequin intergalactique. Tous les humains rêvent de coucher avec elle. Mais c'est avec lui qu'elle baise. Tous les humains rêvent d'être aimés par elle. Mais c'est lui qu'elle aime. Alors qu'elle est allongée nue sur le lit, il commence par un cunnilingus. Il sait qu'elle l'aime. Elle ne l'a pas encore formulé, mais il le sait. Son cerveau quantique a analysé tous les signes. Sa marge d'erreur étant d'un milliardième, il peut qualifier son amour pour lui de certitude absolue. Il n'en tire aucune fierté, aucun plaisir. C'est un robot. S'il raconte ça, c'est qu'il trouve les humains absurdes. La partie de plaisir continue et elle le chevauche. Les humains sont toujours à vouloir quelque chose qu'ils n'auront pas. Toujours à vouloir compliquer les choses. C'est sûrement dû à la simplicité de fonctionnement de l'être humain. Ce dernier est sensible à une chose : le rythme ! Là par exemple, il va falloir que BO accélère la cadence. C'est comme en musique. Ils changent de position : elle debout devant, lui derrière. B.O se rend compte qu'elle est sur le point de jouir. Il calme un peu le jeu, puis il y va à fond. Depuis le premier tome, cette collection tient ses promesses : des récits explicites, ouvertement pornographiques, avec des représentations de pénétrations en gros plans, des positions variées, des éjaculations et des jouissances sexuelles. Cette bande dessinée ne déroge pas à la règle. de prime abord, le lecteur peut être un instant décontenancé par le choix de l'artiste qui donne une peau grise avec des reflets de lumière à BO, comme s'il s'agissait d'une enveloppe métallique, avec des quelques jointures apparentes. Toutefois, la représentation des actes sexuels montre que ces dames apprécient la texture du robot, que son apparence ne les rebute en rien, n'obère pas leur plaisir. le lecteur effectue l'ajustement dans son esprit et comprend que ce choix de représentation remplit l'objectif de lui faire se souvenir qu'il s'agit d'un robot avec une apparence artificielle, à chaque séquence, une machine créée pour satisfaire le plaisir de ses partenaires. Il sourit quand il lit la remarque de B.O sur son hétérosexualité : il a été créé comme ça. Les partenaires de ce robot disposent toutes d'une morphologie humanoïde. Joulia, la première, est une femme humaine, et sa nudité permet de n'entretenir aucun doute à ce propos. Les clientes suivantes présentent une caractéristique ou deux attestant de leur caractère extraterrestre : la couleur de peau, des paires de sein surnuméraires pour une, des antennes pour une autre, mais des attributs sexuels (vagin, seins, fesses, bouche) exactement identiques à la physiologie humaine. Les représentations des actes sexuels sont donc explicites, avec des gros plans de pénétration et d'autres pratiques, toutes restant dans un registre classique, sans aller vers des pratiques parfois qualifiées de déviances. le robot dispose d'un engin de gros calibre : il précise lors d'une prestation, dans son flux de pensée, que c'est ce qu'attendent les clientes. Les femmes ont toutes un corps jeune et de mannequin. Il y a des gros plans et des très gros plans. Cette bande dessinée présente des dimensions plus petites que celles d'un format franco-belge : 13,2cm * 18cm. Les pages comprennent parfois deux cases, l'une au-dessus de l'autre, jamais plus, il y a de nombreux dessins en pleine page, et plusieurs en double page ne laissant rien ignorer de l'acte sexuel. L'artiste réalise des dessins dans un registre descriptif et réaliste. Il détoure les formes d'un trait fin. Il représente régulièrement les décors : le vide interstellaire, la fusée De BO, les montagnes entourant la propriété de Joulia, la chambre à coucher de Joulia, la chambre à coucher de Maartaa, le salon de Joulia. Ugo Bienvenu aime bien également dessiner le vide de l'espace, le contour d'une planète ou d'une lune, éclairé par une lumière rasante. Après son départ de chez Maartaa, B.O arrête sn vaisseau dans l'espace, sort sur la coque et s'y assoit dessus pour contempler les étoiles scintillant. le lecteur de comics peut penser à Silver Surfer faisant de même assis sur sa planche. Le scénariste propose un ouvrage pornographique quelque peu déstabilisant. Effectivement, il peut se lire d'une seule main, sous réserve de fétichiser les orifices féminins, et de ne pas s'attacher à la couleur de peau, ou à la nature extraterrestre des clientes. La dynamique du récit est imparable : un robot-plaisir à usage des femmes, le dernier de sa race, qui fait son métier, ce pour quoi il a été programmé, et qui le fait bien. le meilleur tombeur de ces dames, celui qui s'estime être un cadeau de Dieu fait aux femmes, peut peut-être se reconnaître dans un tel avatar. Un objet de plaisir tout entier conçu pour celui de sa partenaire, infatigable bien sûr, mais aussi doté de senseurs lui permettant de capter le moindre changement de respiration, de tension musculaire, de posture, pour réagir au plus efficace, être parfaitement en phase avec sa partenaire. Dans son flux de pensées s'adressant au lecteur, B.O explique que se clientes lui demandent de leur faire des choses qu'elles ne feraient jamais avec un partenaire humain. Tout simplement parce qu'elles se foutent de ce qu'il pense. Ou plus précisément parce qu'elles savent qu'il n'a ni morale, ni tabou, qu'il n'attend rien. Avec lui, elles peuvent dire et faire ce qui leur plaît. Elles n'ont aucune retenue à avoir, aucune performance à tenir, aucun complexe de quelque sorte. La seule chose qu'elles ont à penser avec lui, c'est leur plaisir. À l'évidence, peu d'hommes peuvent faire preuve d'un tel désintéressement, d'un tel altruisme, et même d'un tel niveau d'empathie pendant un rapport sexuel. Le lecteur ne s'attache pas forcément à ce robot qui est présenté comme une machine. Il suit sa première mission, puis ses considérations sur l'expérience acquise au cours de toutes ces décennies d'activité, et lors de sa deuxième séance. de manière inattendue, le scénariste étoffe son récit, avec des éléments explicatifs, sur le fait qu'il n'existe plus qu'un unique robot-plaisir, sur son coût de maintenance, sur la manière dont il cache son existence aux autorités, sur la disparition des robots-plaisir. Dans la dernière séquence, le lecteur découvre qu'il y avait même une intrigue, ténue mais débouchant sur une résolution. Il apprécie que Ugo Bienvenu utilise les conventions propres au genre de la science-fiction pour mettre en scène les rapports sexuels, avec ce dispositif de robot qui permet de prendre du recul, de la présenter sous une facette décalée. B.O incarne le gigolo ultime : il se fait payer et ses services sont d'un niveau de qualité optimale. Son esprit programmé lui permet d'accomplir sa tâche avec efficience, et l'amène également à observer la race humaine dans ce qu'elle lui apparaît comme illogique. Il trouve les humains absurdes : Toujours à vouloir quelque chose qu'ils n'auront pas. Toujours à vouloir compliquer les choses. Ou encore : à installer des cadres moraux… Et rien ne leur fait plus plaisir que leur transgression. Ou encore : à éprouver le plus grand des plaisirs à identifier un motif, et à avoir très vite besoin qu'il soit remplacé par un autre, d'une nature différente, de la manière la plus inattendue possible. La couverture et la quatrième de couverture annonce clairement la nature de cette bande dessinée : un ouvrage pornographique. La lecture confirme que l'auteur a respecté cette nature, en la servant avec des dessins représentatifs de grande qualité, un sens de la mise en scène, et une absence d'hypocrisie évidente au travers des gros plans. le lecteur assiste donc aux performances de ce robot-plaisir avec des clientes qui peuvent se lâcher sans crainte, sans arrière-pensée. Tout du long du récit, le lecteur découvre les pensées de B.O qui viennent expliquer sa situation, le fait qu'il soit le dernier de ce genre, ainsi que ses observations sur le comportement humain. Contre toute attente, Ugo Bienvenu se sort haut la main d'un exercice périlleux : utiliser les conventions du genre pornographique, mêlées à celles de la science-fiction, pour mettre en lumière des facettes du genre humain.

15/04/2024 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Et à la fin, ils meurent
Et à la fin, ils meurent

Un excellent documentaire sur les contes. J'aime lire les contes et aussi les mythes et les légendes alors c'est vraiment le genre de BD qui est fait pour moi ! J'ai dévoré l'album du début jusqu'à la fin. La présentation de Lubie est parfaite avec un dessin mignon qui va bien pour les contes et aussi un bon mélange de sérieux et d'humour. L'autrice traite de plusieurs aspects des contes: leurs origines, l'influences de plusieurs auteurs sur ce genre ainsi que de celle Disney, les stéréotypes qui découlent des contes, etc et etc. C'est très bien documenté et j'ai bien aimé qu'à la fin de chaque thématique abordé, l'autrice présentait un conte pour illustré son propos. J'aime aussi comment elle parle des cotés problématiques des contes sans tombés dans la dénonciation facile comment on voit sur les réseaux sociaux. Elle semble d'ailleurs ne pas trop apprécier la tendance actuel de certains adultes à vouloir que tout soit rational et voient le mal partout lorsqu'il s'agit de fiction destiné aux enfants. Le seul défaut selon moi du livre est qu'il y a des compléments d'informations sur certains sujets abordés par l'autrice sauf qu'au lieu de mettre ça comme bonus de fin comme dans n'importe quelle BD-documentaire, il faut télécharger un appli pour pouvoir les lires ! C'est quoi ce bordel ? Avant lorsque tu achetais/empruntais une BD, on l'avait au complet et maintenant pour avoir tout il faut avoir internet ?! Ça va être quoi après, on acheter un livre sans pages et il va falloir télécharger un appli pour lire toute la BD ?

15/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série L'Orchidée Noire (Black Orchid)
L'Orchidée Noire (Black Orchid)

Et plus rien ne sera comme avant. - Il s'agit d'une minisérie en 3 épisodes d'une quarantaine de pages chacun, initialement parus en 1988/1989. Il s'agit de la deuxième collaboration entre Neil Gaiman (scénario) et Dave McKean (illustrations), après Violent Cases, et de leur premier travail pour DC Comics. Dans une salle de réunion dans une grande métropole, monsieur Sterling (vice-président d'un conseil d'administration un peu spécial) s'adresse à une assemblée de cadres pour faire un bilan mensuel sur les activités du groupe : il s'agit de l'évolution des parts de marché des secteurs du crime organisé qu'ils gèrent. La réunion s'achève sur la mise à mort de Black Orchid qui s'était infiltrée parmi eux (une balle dans la tête). Ailleurs Carl Thorne s'apprête à sortir de prison. Il était l'un des aides de Lex Luthor (dans le cadre de ses activités illégales) et il a été condamné entre autres grâce au témoignage de sa femme (Susan Linden-Thorne). Ailleurs Philip Sylvain est en train de lire dans son salon quand une femme violette sort de la serre qui côtoie la maison. En 1982, Alan Moore initie le début d'une révolution chez l'éditeur DC Comics : il reprend en main la série Swamp Thing. Il prouve mois après mois que les superhéros peuvent être utilisés comme vecteur d'histoires ambitieuses et adultes, complexes et thématiquement riches. Petit à petit, les responsables éditoriaux prennent conscience (1) qu'il existe des créateurs en Angleterre et qu'il est possible de les recruter pour travailler sur des superhéros américains, (2) qu'une partie du lectorat est prête à acheter des comics s'adressant à un public plus âgé. "Black Orchid" intègre ces 2 caractéristiques (Gaiman et McKean sont anglais, le récit n'a presque plus aucun rapport avec les superhéros). le succès de cette minisérie emportera la décision de créer la branche Vertigo. Pour ce premier récit pour le compte de DC Comics, Neil Gaiman et Dave McKean reprennent un personnage très mystérieux, dépourvu d'origine secrète et très peu utilisé dans l'univers partagé DC : Black Orchid, créée en 1973 par Sheldon Mayer et Tony DeZuniga. Autant dire qu'ils peuvent en faire ce qu'ils veulent, cela ne mettra pas en péril la valeur d'une propriété intellectuelle de DC Comics, et ils ne s'en sont pas privés. Toutefois, il transparaît à la lecture qu'ils avaient quand même un cahier des charges à respecter. Cette histoire a donc pour objet de donner une origine secrète à Black Orchid. Neil Gaiman prend le parti de commencer le récit par le milieu alors que la première Black Orchid est froidement abattue. Philip Sylvain va relater une partie des événements qui ont conduit à l'existence de Black Orchid, à celle qui succède à l'originale, et d'autres personnages de l'univers partagé DC fourniront les éléments manquants. Cet aspect du récit correspond à la volonté de DC Comics de faire migrer quelques personnages secondaires propriétés de DC vers Vertigo. Toutefois, le lecteur de la série Sandman est en terrain connu. Neil Gaiman déroule un récit dont le thème principal est le changement, entremêlé avec la permanence des personnages de fictions (Black Orchid continue d'exister dans une nouvelle version) et une forme allégée de destin (les conditions de l'existence de Black Orchid déterminent pour partie ce qu'elle estime être son devoir). La construction sur 2 directions permet à la fois de lever le mystère de qui est Black Orchid, de découvrir cette personne, et à la fois d'envisager son devenir dans un monde déconnecté des superhéros. Gaiman a concocté un mystère intriguant (savoureux si vous appréciez l'univers partagé DC), et il dépeint un personnage très étonnant, inattendu. Dans ce récit, il s'appuie sur un dispositif narratif délicat qu'il manie avec une grande efficacité : le recours à des extraits de chansons de Frank Sinatra (en particulier "American beauty rose"). Carl Thorne est un admirateur éclairé de Sinatra et il fredonne régulièrement de courts extraits avec une pertinence remarquable. Je me suis surpris à fredonner le refrain de "Strangers in the night" pendant plusieurs minutes après l'avoir lu du fait de la résonnance entre ces paroles et le récit. Dave McKean a choisi un mode d'illustration plus canalisé qu'à son habitude pour ce récit. Il met en place une mise en page assez sage oscillant entre 6 et 8 cases par page (2 lignes de 3, ou 2 lignes de 4 cases). Il réalise son travail à la peinture du début jusqu'à la fin en incorporant quelques contours délimités au crayon et quelques photographiques retouchées (en nombre réduit), ou collages. Dans un premier temps ce qui arrête le plus le regard est le travail sur les couleurs. La teinte (et les nuances associées) choisie pour Black Orchid est à la fois chaude, irréelle, diaphane et étrangère à l'humain. Chaque fois que la nature est évoquée, McKean compose des camaïeux de vert fascinants et hypnotisants, avec une mention spéciale pour la jungle amazonienne tout en feuillage et pour un magnifique portait de Swamp Thing. Chaque planche arrête le regard par la beauté et l'intelligence de sa mise en couleurs. McKean réalise des planches qui ne subissent pas l'influence des comics de superhéros. Il s'astreint à une narration très séquentielle où les cases se suivent comme autant de décomposition de la scène en train de se dérouler. En ce sens il a opté pour une narration traditionnelle. Par contre il a choisi des modèles vivants pour chacun des personnages, ce qui donne des visages très individualisés, naturels sans être des photographies. Et il utilise un graphisme qui privilégie le naturel et le réalisme. Bien qu'il s'agisse d'un travail de jeunesse et de commande, McKean impose déjà sa vision personnelle sur les modalités de narration visuelle. Au final ce comics est comme son personnage principal, à savoir hybride. Neil Gaiman respecte le cahier des charges (donner une origine ancrée dans l'univers partagé DC), tout en développant les thèmes qui lui sont chers et en transformant Black Orchid en bien autre chose que ce qu'elle était au départ. Dave McKean s'astreint à une forme de narration traditionnelle, tout en appliquant sa vision unique en son genre. Les collaborations suivantes entre Neil Gaiman et Dave McKean se classent parmi les chefs d’œuvre de la bande dessinée, en particulier Signal / Bruit et Mr Punch.

15/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Violent Cases
Violent Cases

Rétrospectivement - J'ai relu cette histoire après avoir terminé les 10 tomes de Sandman et force est de constater que ce premier comics de Neil Gaiman contient déjà plusieurs thèmes chers à cet auteur. En 1987, un éditeur anglais a l'intuition de confier le scénario d'un jeune anonyme à un illustrateur qui n'a encore rien réalisé : Neil Gaiman et Dave McKean font connaissance. L'histoire est bâtie autour de réminiscences d'un narrateur qui a l'apparence de Neil Gaiman. Il se souvient qu'un accident domestique avait amené son père à le faire triturer par un vieil ostéopathe. À partir de là, le narrateur entremêle ses discussions avec l'ostéopathe et ses souvenirs de fête d'anniversaire chez des enfants d'amis de ses parents... jusqu'à sa dernière rencontre avec ce vieil homme. Neil Gaiman nous convie à analyser l'effet des souvenirs d'enfance, leur nature fragmentaire et le merveilleux qui naît du manque de compréhension du monde des adultes (difficultés de reconnaître les liens de cause à effet). le lecteur assiste à la naissance d'un mythe dans un contexte très quotidien. Il contemple un enfant dont l'interprétation de la réalité est différente de celle de ses camarades. Il assiste à une petite révélation de ce qui se cache derrière les tours de passe-passe d'un magicien. Au fil des pages, Neil Gaiman parle du souvenir, des émotions qui lui sont liées, mais aussi en arrière plan d'un cheminement psychanalytique. Pour mettre en image ce récit ambitieux, il a eu la chance de croiser le chemin de Dave McKean qu'il retrouvera pour les couvertures de Sandman (réunies dans "Sandman: Dust covers", un incroyable voyage onirique) et pour quelques collaborations sortant de l'ordinaire telles que Le jour où j'ai échangé mon père contre deux poissons rouges, ou Des Loups dans les murs, et Signal / Bruit et Mr Punch. Dave McKean illustre ce récit introspectif avec des dessins déjà inventifs, avec quelques collages, des trames et quelques photographies d'objets. Sa créativité est à un niveau tel qu'il est possible pour le profane de distinguer les techniques qu'il emploie et de comprendre dans quel but il y a eu recours. Au final cette première collaboration entre ces 2 créateurs s'avère déjà très aboutie, tout en restant accessible. L'histoire constitue une interrogation sur la transfiguration des expériences de l'enfant par le prisme de la mémoire. La bande dessinée permet à cette histoire de provoquer des associations d'idées et de conjurer des sensations qu'un livre n'aurait pas pu faire. Cette lecture est à recommander aux delà du cercle des admirateurs de Gaiman et McKean.

15/04/2024 (modifier)
Couverture de la série La Cage aux cons
La Cage aux cons

J'étais assez perplexe en commençant ma lecture. Au final c'est une bonne surprise avec un récit très rythmé qui mène le lecteur par le bout du nez. A la lecture des premières cases, j'ai eu peur de lire des dialogues en pâles imitations d'Audiard suppléant un manque d'humour par de la vulgarité. Je me suis trompé et j'ai pris un vif plaisir à lire la joute verbale entre les deux hommes. C'est souvent bien trouvé et drôle. Evidemment le scénario plonge le lecteur dans un abyme de perplexité quant à la passivité des visiteurs de Cageot-Dinguet. Mais le rythme élevé et la succession rapide de nouvelles situations empêchent à une analyse poussée. C'est d'ailleurs une bonne chose de se laisser porter par cette histoire qui révèle tout son piquant dans un final bien réussi à mon goût. J'ai eu du mal à rentrer dans ce graphisme au trait gras et épais . Toutefois cela correspond au caractère du prisonnier dont on ne connait jamais le nom. Le N&B aux grisés souvent sombres sonne juste dans cette ambiance de petit pavillon de banlieue qui rappelle Petiot ou Landru. Au final j'ai apprécié le travail des détails de certaines cases et l'expressivité dans un humour pince sans rire des personnages. Une lecture originale pour un bon moment de détente.

14/04/2024 (modifier)
Par David
Note: 4/5
Couverture de la série Je veux une Harley
Je veux une Harley

J'ai connu Lucien ado, lorsque je jouais les caïds sur ma 103 sp, je lisais ses aventures avec délectation. J'ai passé la cinquantaine de printemps mais je n'ai pas eu d'Harley, cette bd m'a enchanté, elle reprend les clichés associés aux bikers qui ont un certain pouvoir d'achat et qui aiment se retrouver entre eux. Les dessins sont chouettes, l'univers est chouette, bref j'ai adoré.

14/04/2024 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Vampire & sorcières
Vampire & sorcières

J’ai beaucoup aimé les autres albums de Michel Jans et Capucine Mazille (Le Dernier Ours de Chartreuse et Gargantua en Chartreuse), et j’ai encore une fois apprécié ce conte paru dans la collection jeunesse Lily Mosquito. L’histoire est certes classique, mais propose une relation intéressante et improbable entre deux personnages attachants : un vampire ayant perdu le goût du sang, et une sorcière lui venant en aide bien maladroitement. Leurs mésaventures sont prenantes, et proposent en filigrane des thèmes intéressants et modernes. Je note aussi que l’auteur ne peut s’empêcher de glisser une énième référence à la « liqueur de santé » Chartreuse, pour mon plus grand plaisir. La mise en image de Capucine Mazille est superbe et sert parfaitement le récit. Un chouette conte jeunesse.

14/04/2024 (modifier)
Couverture de la série De cape et de mots
De cape et de mots

Franchement pas mal bien cette bd. C’est positif, universel, à défaut d’être véritablement marquant, le lecteur passera à minima un bon moment, les plus jeunes apprécieront même d’avantage. Aux pinceaux, on retrouve la patte graphique des Kerascoët fluide et légère, et qui est à l’image du scénario. On se laisse très facilement embarquer dans l’histoire, notre héroïne est attachante et j’ai aimé la façon dont elle bouscule tout ce petit monde, elle amène de la facétie face aux codes et rigueurs de la cour. Je regrette juste un côté un peu trop manichéen avec les personnages, tout comme la fin « happy end ». Ça manque un peu de nuances à mon goût pour m’enthousiasmer plus, mais c’est conforme à ce que l’on peut attendre d’un conte, et n’enlève en rien le beau travail des auteurs. 3,5

14/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Le Royaume sans nom
Le Royaume sans nom

Je tourne autour depuis sa sortie, j’ai finalement craqué sur le bon retour de mon libraire. Et bin ça ne révolutionnera pas grand chose mais une lecture forte agréable au final. Pourtant pas spécialement jouasse de prime abord, une couverture plutôt moyenne, des couleurs informatiques, un dessin tout droit sorti du Roi lion … et surtout ce sentiment que ça surfe gentiment sur le succès des 5 Terres. Les récits Fantasy anthropomorphiques ont le vent en poupe : L'Ogre Lion, Sa Majesté des Ours… Le royaume sans nom ajoute sa petite pierre à l’édifice en ajoutant modérément une dramaturgie toute shakespearienne. Passé les premières pages, je suis vite rentré dans cet univers, on peut reprocher des trucs mais j’en suis sorti pas mal conquis. Pas d’énormes surprises au menu cependant les ingrédients fonctionnent très bien. C’est admirablement raconté, malgré la multitude de personnages nous ne sommes jamais perdu, franchement hâte de connaître la suite. Un bel équilibre entre sérieux et humour discret, le dessin est parfait. Je n’attendais pas les auteurs de Blind Dog Rhapsody dans ce registre, bravo à eux. MàJ après tome 2 : Un 2ème tome dans la lignée du premier, c’est toujours bien agréable à suivre. Les persos sont toujours aussi sympas, les masques commencent à tomber, l’histoire avance à grands pas sans se laisser deviner et tout délivrer … bref du chouette boulot. J’attends de pied ferme la conclusion et conseille de bon cœur la série aux amateurs de Game of thrones.

15/01/2024 (MAJ le 13/04/2024) (modifier)