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Par Présence
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Captain America - La Vérité
Captain America - La Vérité

Une vérité qui dérange - Ce tome contient une histoire complète ne nécessitant qu'une connaissance superficielle de Captain America pour pouvoir être appréciée. Il contient les épisodes 1 à 7 de la minisérie, initialement parus en 2003, écrits par Robert Morales, dessinés, encrés et mis en couleurs par Kyle Baker. Ce tome comprend également la couverture variante réalisée par Joe Quesada, ainsi qu'un appendice de 4 pages rédigé par Robert Morales explicitant ses sources et les références aux événements historiques. En 1940, Isaiah et Faith Bradley se rendent à la grande fête foraine de New York, en espérant pouvoir aller écouter un discours de William Edward Burghardt Du Bois (W. E. B. Du Bois, 1868-1963). Lors de l'accès à une attraction, ils se heurtent au racisme ordinaire qui fait des citoyens noirs, des citoyens de seconde classe. Dans un bar, Dallas Huxley retrouve son ancien sergent Lucas Evans et ils entament une partie de billard dans un bar fréquenté uniquement par les noirs. Maurice Canfield rentre chez lui, ou plutôt dans la luxueuse demeure de ses parents, les vêtements déchirés et une belle ecchymose au visage, après s'être battu contre des blancs ayant fait preuve de condescendance vis-à-vis de lui et son ami juif. Le 07 décembre 1941, l'armée japonaise effectue une attaque sur Pearl Harbor, et les États-Unis entrent en guerre peu de temps après. Isaiah Bradley se retrouve dans la même section que Maurice Canfield, Dallas Huxley, Lucas Evans et Larsen. Peu de temps après, le commandant de leur base reçoit la visite de Tully et du docteur Reinstein (2 civils) leur indiquant qu'ils souhaitent disposer de plusieurs soldats noirs. Quelques jours plus tard, il est relevé de ses fonction par le colonel Walker Price qui l'abat froidement devant ses troupes. 200 soldats dont Bradley et les autres sont conduits dans un autre camp disposant d'un laboratoire. Ils deviennent des cobayes pour des expériences génétiques. Au temps présent, Captain America (Steve Rogers est amené à rencontrer un ancien soldat de la seconde guerre mondiale dénommé Philip Merritt, en détention pour de nombreux crimes. Il apprend qu'il n'a pas été le premier Captain America. Le début des années 2000 fut une époque de renouveau pour Marvel, avec des projets sortant des sentiers battus de la production industrielle de comics. Truth s'inscrit dans cette veine, même s'il ne jouit pas d'une aussi grande renommée que la gamme Ultimate ou la gamme Marvel Knights. Dans des interviews, Robert Morales a déclaré qu'il avait était approché par des responsables éditoriaux pour effectuer une proposition de récit, et qu'il avait décidé d'en soumettre un le plus noir possible avec la conviction qu'il serait refusé. Non seulement Alex Alonso a accepté son projet en l'état mais a insisté pour l'inclure dans la continuité de Captain America. D'ailleurs pour les 2 éditions en recueils, le nom du superhéros a été apposé devant le titre initial. Du coup, le lecteur aborde cette histoire comme une histoire de superhéros, voire il a peut-être déjà entendu parler d'Isaiah Bradley au travers d'Elijah Bradley (Patriot, voir Young Avengers d'Allan Heinberg & Jim Cheung). Il a la surprise de découvrir un récit assez prévisible dans lequel un afro-américain reçoit le sérum de Captain America et s'en va combattre les nazis, rencontrant même Adolf Hitler le temps d'une séquence. Il trouve que les dessins sont curieusement enfantins, avec des exagérations des visages ou des morphologies qui en deviennent comiques et totalement à contretemps du récit. Il ressort de sa lecture content d'avoir découvert les origines de cette itération de Captain america, et en même temps déçu par un récit linéaire, pas si héroïque que ça, et desservi par des dessins presqu'amateurs et trop dans la caricature. Effectivement, il est un peu difficile de prendre cette histoire au premier degré du fait des dessins. Kyle Baker est un artiste à la très forte personnalité graphique, avec un don pour la caricature, au travers d'exagération anatomique et de d'expressions du visage exagérées. Ce choix génère une forte empathie chez le lecteur, pour les émotions éprouvées par les personnages, et ce dès la quatrième page quand Faith Bradley se moque d'un discours de W.E.B. Dubois et que son mari lui lance un regard noir. Les expressions du soldat Philip Merritt apparaissent dénuées de tout filtre développé par un individu mature, montrant sa personnalité enfantine. Les regards blasés de Tully et du docteur Reinstein attestent de leur immoralité et de leur suffisance nées d'un sentiment de supériorité. Mais dans le contexte d'un récit de superhéros, ce mode narratif fait plutôt penser à un récit pour un jeune public qu'à un récit adulte, à une narration appuyée de manière comique. Il en va de même pour les morphologies ahurissantes des soldats dépassant largement les exagérations habituelles des musculatures des superhéros classiques et même des années 1990. Kyle Baker ne recherche à aucun moment la véracité, ou même l'augmentation musculaire. Il dessine des muscles gonflés comme des ballons, des crânes déformés de manière ridicule et grotesque. Il ne dessine pas non plus avec un degré descriptif élevé. Il détoure des silhouettes à la va-vite. Il n'a que faire des textures. Il esquisse à gros traits les décors. Il recourt souvent à des cases dépourvues d'arrière-plan, qu'il remplit avec des aplats de couleurs simplistes. Si le lecteur persiste à considérer ce récit sous l'angle de vue du genre superhéros, c'est un travail à peine digne d'un amateur qui anéantit toute tension dramatique. Un lecteur qui a déjà lu d'autres ouvrages de Kyle Baker interprète les dessins d'une manière différente. Cet artiste s'est fait connaître pour son humour dépréciateur et sarcastique perspicace et absurde : Why I hate Saturn, The Cowboy Wally show, ou encore les aventures hallucinées du Shadow écrit par Andrew Helfer. Il sait que cet auteur ne peut pas prendre les superhéros au premier degré, et glorifier bêtement leur suprématie physique et leur manière de régler tous leurs problèmes par la force. L'identité même du dessinateur lui indique qu'il ne s'agit pas d'un récit de superhéros au sens traditionnel du terme, et qu'il ne doit pas s'attendre à des prouesses physiques transformées en un spectacle pyrotechnique admirable, ou à une glorification de la virilité triomphante. Sous réserve de pouvoir recalibrer sa sensibilité en conséquence, il se rend compte que la narration visuelle de Kyle Baker apporte une dimension tragique au récit. Les exagérations des expressions des visages permettent au lecteur de ressentir le degré d'implication des personnages. Les exagérations morphologiques traduisent la souffrance physique engendrée par des expérimentations inhumaines. Même la tête d'ahuri crétin de Captain America écoutant les révélations haineuses de Philip Merritt traduit l'énormité des horreurs accomplies et l'incapacité du citoyen moyen à les appréhender. Il est vrai qu'il reste quelques moments où la force comique des dessins reprend le dessus, à contretemps de la gravité du récit. Alors que le récit met en scène des horreurs malheureusement bien réelles et souvent représentées, ces dessins si particuliers donnent l'impression de les voir débarrassés de toute impression d'innocuité, ne permettant pas au lecteur de se retrancher derrière une attitude blasée. Il s'en rend compte à plusieurs reprises, par exemple lors de la scène se déroulant dans une chambre à gaz. Les dessins ont perdu toute dimension comique, conférant toute l'horreur abjecte de ces exécutions. Ils révèlent leur dimension expressionniste qui implique le lecteur quel que soit le nombre de fois où il a vu des représentations de ces pratiques. Le détachement émotionnel n'est pas possible du fait des dessins grotesques de l'artiste, de leur caractère brut et sans fioriture. À la lecture, il apparaît que la narration graphique de Kyle Baker se révèle plus efficace que des dessins simplement descriptifs pour transcrire les intentions du scénariste. Le récit s'ouvre avec la semaine nègre de la fête foraine de 1940 à New York, et une évocation de W.E.B. Dubois (1868-1963), un sociologue, historien, militant pour les droits civiques, militant panafricain, éditorialiste et écrivain américain. Par la suite, le scénariste insère d'autres références à des événements historiques comme la campagne du Double V pendant la seconde guerre mondiale (débutée en 1942), les chambres à gaz, les émeutes raciales du 19 juillet 1919 (Red Summer) à Washington DC, Francis Galton (1822-1911) et les thèses de l'eugénisme, etc. Cette histoire n'est pas une étude de caractère, même s'il est facile pour le lecteur d'éprouver de l'empathie pour le personnage principal, pour Steve Rogers, et même pour l'odieux Philip Merritt. Il s'agit plus d'une mise en scène de réalités socioculturelles peu confortables dans les États-Unis du vingtième siècle. C'est avec consternation que le lecteur constate que l'origine de ce Captain America noir s'intègre parfaitement dans l'Histoire, et que qu'elle reflète une facette de l'histoire de la communauté noire. Dans l'appendice, Robert Morales prend soin d'expliciter les faits historiques réels, et ceux qu'il a adapté pour les besoins de son récit. L'expérimentation médicale sur des sujets à qui on a caché la vérité renvoie directement l'Étude de Tuskegee (1932-1972) substituant le sérum du supersoldat à la syphilis. Avec ce point de vue en tête, le lecteur découvre ou retrouve le point de vue d'une catégorie de la population considérée comme de seconde classe, et la manière dont elle est utilisée par la nation. Captain America est effectivement estomaqué par ce qu'il découvre, et ses gros muscles ne peuvent rien pour redresser ces torts, pour apporter réparation. Les auteurs réussissent le tour de force de mettre le symbole de la nation face à la réalité d'une partie de son Histoire. Ils utilisent les conventions d'un récit de superhéros (affrontements physiques, costume chamarré, méchant symbolique) en les respectant, pour évoquer la condition des afro-américains, luttant pour défendre leur pays en prenant part à la guerre, tout en étant traité comme des sous-citoyens. À la fin du récit, le lecteur a bien compris que Steve Rogers a bénéficié des expérimentations menés sur des individus non-consentants, et qu'il a récolté toute la gloire, alors que la souffrance des cobayes a été effacée des livres d'histoire. La métaphore s'avère puissante et bien menée, sans jamais tourner à la leçon de morale désincarnée. Ils se permettent même de terminer sur une note relativement positive en rendant un hommage à plusieurs afro-américains ayant milité pour la cause des noirs. Morales n'hésite pas à se montrer pince-sans-rire en mettant en scène une femme portant la burqa, sous-entendant qu'il existe encore des formes de discriminations plus ou moins reconnues aux États-Unis. Parti avec l'a priori d'une histoire de superhéros un peu plus sophistiquée que d'habitude, le lecteur découvre d'abord un récit convenu, avec des dessins très éloignés de l'esthétique des comics Marvel. Il lui faut un peu de temps pour se rendre compte de la nature véritable du récit, d'envisager les enjeux sous un autre angle, et de ressentir la force des dessins. Impliqué par les émotions des personnages, il découvre un commentaire engagé sur la condition afro-américaine qui conserve la forme d'une histoire poignante et intelligente. Robert Morales a également écrit les épisodes 21 à 28 de la série Captain America.

12/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Habemus Bastard
Habemus Bastard

Arf 3 ou 4* mon cœur balance, on est sur du bon blockbuster divertissant et bien réalisé. Le fameux 3,5 ;) Un diptyque pas bien profond mais qui joue habilement avec un petit côté amoral. La lecture ne réserve pas de grandes surprises mais se révèle plaisante malgré quelques clichés, ça déroule et ça va rapidement au but. La partie graphique est toujours très bonne, on ne présente plus le savoir faire de Sylvain Vallée. C’est parfaitement orchestré. Un fond un peu trop léger à mon goût mais ça reste le seul vrai défaut decelé. Il faut dire que je ne suis pas archi fan d’histoires de truands à la française mais celle-ci a su me convaincre, je bonifie ma note. Ceux qui aiment le genre se régaleront.

11/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Chevrotine
Chevrotine

Chevrotine, c'est l'histoire d'une sorcière élevant seule sa marmaille, une flopée d'enfants issus de pères différents, vivant une vie très atypique, avançant et bravant les obstacles avec un flegme à toute épreuve. Ah, et aussi elle tue parfois des touristes pour les manger ensuite, et le chien parle, et il y a des histoires de voyages dans le temps, de tueurs à gages télépathes, de personnages quasiment immortels, … Vous l'aurez compris, ici le récit tend vers l'absurde. Ici, les prospecteurs creusent pour trouver le sens de la vie, le cancer est littéralement un crabe parlant et parfaitement insupportable, la poétesse se déplace de ville en ville pour livrer ses poèmes avec l'aide de son cafard. On mélange les genres, le fantastique, la SF, le comique, le tragique, avec un brin de poésie pour la forme. C'est con, mais les dialogues assez bien construits, vraiment toniques, font marcher le tout et donnent une très belle forme à l'œuvre. Beaucoup de jeux de mots, quelques métaphores, une pincée de références, des répliques qui s'enchaînent avec peps et rythme, une désinvolture presque absurde face aux évènements, … Il n'y a pas à dire, la formule est atypique mais marquante. Il y a aussi le dessin de Nicolas Gaignard, que je ne connaissais pas avant cela, mais que j'ai trouvé très joli. Les personnages ont tous une apparence marquée et le joli travail de noir et blanc contrasté avec quelques touches de pastel est vraiment beau. Allez, coup de cœur ! (Note réelle 3,5)

11/02/2025 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5
Couverture de la série Méridien
Méridien

Une BD qui ravive en moi l'intérêt pour ces explorateurs, savants et hommes de sciences qui partirent explorer le monde sur des coques de noix, faisaient avant tout fonctionner leurs cervelles mais devaient également composer avec l'environnement naturel sauvage et hostile. Cette BD est à la fois une sorte d'hommage à cette période et ces personnes, mais aussi un aperçu du monde colonial de l'Amérique Latine alors qu'elle n'est pas encore cartographiée. Le récit dépeint plusieurs personnages de ce voyage étrange, empreint de bonne volonté scientifique, contrarié par des intérêts privés, enrayé par des accidents, des tensions, des catastrophes. L'ensemble révèle à la fois les caractères des personnages mais aussi un peu plus ce qu'était ce Pérou, source de richesse de l'Espagne catholique mais également mouroir de milliers d'indiens, nouveauté vivante pour une Europe qui ne peut tout appréhender ... La BD découpe l'ensemble (qui s'étale sur près de dix ans) en scénettes qui permettent de saisir ce que furent ces expéditions. A la fois politiquement, socialement, scientifiquement et culturellement. Il est étonnant de voir comment chacun finira lors de ces diverses opérations, de la mort à la folie en passant par le succès et l'infortune. Le trait de Briac m'a surpris par son utilisation des couleurs et des visages taillés, aisément reconnaissable, tandis que le trait charbonneux permet de jouer sur les aspects de la jungle, de la montagne mais aussi de la maladie et de la vie. C'est une très belle BD, le genre qui donne envie de regarder à nouveau les pages, tandis qu'elle détaille son monde. Amateurs de récits d'exploration, curieux qui veut s'intéresser aux sciences, lecteur occasionnel, tout le monde peut se retrouver dans cette BD. Elle interroge beaucoup par des procédés habiles (considérations des personnages, dialogues mais aussi animaux qui apportent un éclairage plus contemporain), tout en restant sur l'expédition et tout ce qu'elle provoqua. Une remarquable mise en scène de ce que furent les découvertes, dans le meilleur et le pire de l'humain. Saisissant !

11/02/2025 (modifier)
Par sloane
Note: 4/5
Couverture de la série Fannie la renoueuse
Fannie la renoueuse

Joie et bonheur de retrouver Gess et ses contes de la pieuvre avec des histoires complexes mais parfaitement maitrisées ou le lecteur évolue dans un monde de fin XIXème siècle un brin fantasmé. Nous y croisons de sacrées gueules pas si caricaturales qu'un coup d’œil rapide pourrait laisser supposer. Depuis le début de ces aventures je suis un grand fan de Gess notamment grâce à la précision de son trait( son travail fait de multiples dessins en plongée dans l'album "Celestin et le cœur de Vendrezanne" est de toute beauté). Un très bel univers, je suis déçu d'avoir déjà lu les quatre tomes de cette série, je voudrais les découvrir comme j'invite le plus grand nombre à plonger dans ce Paris de mystères rempli de talents plus surprenant les uns que les autres.

11/02/2025 (modifier)
Par sloane
Note: 4/5
Couverture de la série L'Héritage fossile
L'Héritage fossile

Que voila une fort bonne surprise, et non je n'ai pas lu "la disquette molle", dont j'entends dire le plus grand bien. Ce qui m'a plu dans ce récit c'est tout d'abord le dessin qui a mon sens rend bien compte de l'immensité de la planète ou nos deux héros déambulent. L'espace y est rendu de belle manière et l'on sent bien la solitude, le côté interminable de cette quête à la recherche de morceau de vaisseau spatial. L'histoire est extrêmement bien construite et nous amène à ce dénouement pour le moins surprenant, mais qui est en accord parfait avec des thématiques fort actuelles. Pour moi une belle surprise que je ne saurais trop conseiller

11/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Le Tour de Valse
Le Tour de Valse

Il a fallu beaucoup de temps pour que la réalité de l'univers concentrationnaire soviétique soit pleinement dévoilé. En 2008, quand Lapière et Pellejero proposent ce " Tour de valse" les révélations authentiques se sont multipliées et le secret n'est plus de mise. Toutefois j'ai trouvé cette série très intéressante pour les jeunes générations dans un devoir de mémoire sur la nocivité d'un régime totalitaire basée sur la délation et la terreur. Denis Lapière ne cherche pas le voyeurisme ni dans la violence ni dans le sexe malgré les nombreuses possibilités que lui offre le scénario. Ici les auteurs mettent en avant les non-dits, les interprétations fallacieuses utilisées par les mauvaises oreilles mais aussi la résilience des valeurs nobles qui sont les seules à pouvoir vaincre l'injustice. L'amour du couple Katia/Vitor simples ouvriers écrasés par une délation abjecte. La fraternité des anciens Zek vivants mais brisés. Les auteurs ont choisi la période du début des années 50. Toutefois la série ne prend pas de hauteur historique mais reste au niveau e l'intime. Le trait épais et souple de Pellejero donne une belle profondeur aux sentiments exprimés par ses personnages. La narration visuelle est fluide avec un beau dynamisme corporel. Les extérieurs sont soignés pour rendre l'ambiance de ces camps sibériens très crédible. Une belle lecture qui participe au devoir de mémoire pour ces malheureux qui ont subi les Goulags.

11/02/2025 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5
Couverture de la série Racines (Delcourt)
Racines (Delcourt)

De Lou Lubie scénariste je n'ai lu que Eurydice, avec cet album je vais découvrir une autre facette de cette autrice. Je n'étais pas très attiré par le graphisme de Lou Lubie lors de mes nombreux feuilletages des albums où elle officiait en tant que dessinatrice. J'ai donc décidé de passer outre ma première impression. Et j'ai bien fait. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il m'a enthousiasmé, mais je lui reconnais beaucoup de charme avec son trait fin, précis et tout en rondeur. Un dessin qui amène une certaine douceur au récit. Une mise en page soignée et de belles couleurs complètent le tableau. Du bon boulot et une agréable surprise. Je ne m'attendais pas à lire quelque chose d'aussi instructif et captivant avec un sujet aussi futile - à première vue - que les cheveux. Mais des cheveux crépus. Et là, Lou Lubie m'a bluffé par la richesse de son scénario. Pour le personnage de Rose, on sent qu'elle pioche dans sa vie personnelle, elle est de La Réunion, elle a des parents créoles, elle a la peau blanche et une tignasse crépue, tout comme Rose. Je ne m'imaginais pas les conséquences que peuvent occasionner de tels cheveux dans la vie quotidienne et dans le regard des autres. Un récit qui saura démêler les nœuds de cette discrimination capillaire par la qualité de sa narration. Elle est passionnante, enrichissante et drôle. J'aime beaucoup le titre de cet album, le mot < racines > peut avoir plusieurs sens. Lecture conseillée.

10/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Jesuit Joe
Jesuit Joe

Je suis fan de Pratt mais je dois avouer que cette lecture m'a décontenancé au premier jet. Il faut dire que le début est pour le moins original: 12 pages sans texte d'un énigmatique héros qui joue au mannequin et trucide et scalpe (presque) tout ce qui bouge, cela m'interroge. Comme j'ai la version Glénat 1981, le visuel n'arrange rien avec ses couleurs très fades et datées. Même si on s'aperçoit que Joe n'est pas muet, la suite reste très longtemps énigmatique dans le sillage de l'indien qui rend justice d'une façon tranchée. Il faut attendre la rencontre avec le sergent Fox pour approcher la finesse du récit de Pratt. On retrouve alors les thématiques chères à l'auteur, aventure, identité des peuples colonisés, liberté et justice. En revêtant la tunique rouge si prestigieuse sur sa peau rouge héritière du prestige de ses ancêtres Joe entre forcément en conflit identitaire. Il en résulte un chemin chaotique où la violence( les oiseaux, sa sœur) succède à la bienveillance ( le bébé, les époux). La confrontation finale entre Fox et Joe d'abord en paroles puis en regards puis en action est un vrai moment d'anthologie. Le graphisme est du pur Pratt déjà abouti même si certaines cases m'ont fait tiquer. A l'inverse les scènes de canoé ou la marche finale des deux hommes sont d'une très belle fluidité dans les expressions gestuelles. Une lecture déconcertante mais qui propose beaucoup de richesses.

10/02/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série The Batman's Grave
The Batman's Grave

Une solide histoire - Ce tome contient une histoire complète qui ne nécessite pas de connaissance préalable du personnage. Il regroupe les douze épisodes de la minisérie, initialement parus en 2020/2021 pour la VO, écrits par Warren Ellis, dessinés et encrés par Bryan Hitch, avec une mise en couleurs réalisée par Alex Sinclair, et le lettrage par Richard Starkings. Kevin Nowlan a encré les épisodes 1 et 3, et une partie de l'épisode 5. Les couvertures originales ont été réalisées par Hitch, les couvertures variantes par Jeehyung Lee, Frank Quitely, Rafael Grampá, Stephen Platt, Art Adams, Ashley Wood, Kevin Nowlan. Une fois par semaine, Alfred Pennyworth sort du manoir et se dirige vers la tombe de ses anciens employeurs Martha & Thomas Wayne pour l’entretenir, qu’il vente ou qu’il neige. Ils avaient préparé leur sépulture, et ils souhaitaient que lorsque son heure serait venue, leur fils puisse reposer auprès d’eux. Alfred a toujours su qu’avant qu’il ne s’en aille, il verrait la cavité sous la troisième pierre tombale, accueillir un corps, celui de Bruce Wayne dont le nom est gravé sur la stèle. Ce soir-là, comme tous les soirs, Batman est au sommet d’un gratte-ciel, en train de contempler la ville illuminée qui s’étend à ses pieds, avec la tour Wayne à plusieurs quartiers de là. Ce soir-là, John Nguyen et son compagnon Kevin sortent d’une séance de cinéma, avec leur bébé dans une poche ventrale. Ils prennent par une ruelle déserte et peu éclairée, et ils sont agressés par un groupe de jeunes hommes, le crâne rasé, avec un tatouage au sommet, et ils les menacent de leur pistolet. L’un d’eux appelle John par son nom, énonçant sa profession d’inspecteur de police, et lui disant qu’ils sont le Mépris, qu’ils méprisent leur contrôle. Batman intervient, désarmant les agresseurs et les neutralisant avec force et brutalité. Ils appellent le couple par le nom de famille de l’inspecteur, et leur suggère d’appeler une ambulance, puis il s’en va. Batman circule dans les rues de Gotham à bord de la Batmobile. Alfred ironise dans l’oreillette : ruelles et cinémas, quasiment une carte de visite professionnelle. Puis il informe Bruce d’un appel au numéro de secours 911, le demandeur appelant depuis quatre heures sans réponse : une mort inexpliquée. Batman se rend à l’appartement et monte les étages en demandant aux locataires qui l’a appelé. Finalement sur un palier, une femme avec un enfant dans les bras et un afro-américain âgé lui répondent : Vince dans l’appartement 4C, personne ne l’a vu depuis trois jours et il y a une drôle d’odeur qui passe par sa porte. Il écoute le peu d’informations qu’ils peuvent lui donner et se rend à l’appartement, Alfred lui fournissant le nom complet : Vince William Stannik. Il entre dans l‘appartement : un cadavre déjà en cours de décomposition sur le lit, et des coupures de presse sur Batman affichées au mur, environ cinq ans d’articles. Toute la scène du crime a été soigneusement nettoyée : aucune empreinte. Il appelle les services du commissaire Gordon pour signaler le cadavre. Il retourne au manoir où il trouve Alfred affalé dans un canapé, déjà un peu éméché en descendant une bouteille d’un grand cru de vin blanc, et en écoutant la musique de Peter Warlock (Philip Arnold Heseltine, 1894-1930) L’annonce de ce projet a fait saliver car il s’agit du même duo de créateurs qui a réalisé The Authority (12 épisodes, 1999/2000), une série qui a fait date dans l’histoire des comics de superhéros. A priori, le lecteur fait confiance au scénariste pour avoir conçu une histoire à l’échelle des douze épisodes, anticipant donc le fait que tout ne lui sera pas donné dès le premier épisode qui ne sera peut-être pas satisfaisant pour lui-même. Il s’attend également à ce que le scénariste fasse porter une proportion significative de la narration sur le dessinateur, dans des pages muettes, comme il en a l’habitude. C’est bien le cas : 5 pages muettes dans le numéro 1, 6 dans le 2, 9 dans le 3, 6 dans le 4, 5 dans le 5, 2 dans le 6, 7 dans le 7, 6 dans le 8, 6 dans le 9, 9 dans le 10, 3 dans le 11, 9 dans le 12. Ce n’est pas tant que le scénariste a changé sa manière d’écrire pour le dessinateur, c’est plutôt qu’il a conservé sa manière de faire en laissant le dessin raconter l’histoire, et qu’il a conçu ces scènes en fonction des points forts de cet artiste, ou en fonction des demandes de celui-ci. Ici, il ne s’agit pas d’une équipe de superhéros ayant vocation à intervenir contre des menaces à l’échelle de la planète : Batman reste à Gotham, avec un passage à l’asile d’Arkham, pour lutter contre des individus fêlés, une milice qui souhaite être la police à la place de la police, et un mystérieux très bien préparé. Le lecteur plonge dans une aventure de Batman, sans beaucoup d’éléments en provenance de sa mythologie, juste ses parents, Alfred Pennyworth, le manoir, la grotte avec ses ordinateurs, ses batmobiles, et quelques armes technologiques). James Gordon ne joue qu’un rôle mineur, pas d’ennemis costumés récurrents. Dans le même temps, ce Batman utilise l’informatique et des drones, sans que le scénariste n’en abuse non plus. Il est globalement toléré par la police, et il ne porte pas de slip par-dessus son costume. Il n’est pas question de la vie privée de Bruce Wayne, si ce n’est une ou deux remarques moqueuses en passant. Tout commence avec l’agression d’un policier en civil d’une part, et avec ce meurtre mystérieux d’autre part. Batman doit à la fois intervenir dans des combats physiques, et également enquêter et faire des déductions. Le scénariste n’essaye pas de faire croire au lecteur qu’il peut anticiper les déductions de Batman, car il ne lui donne pas les indices nécessaires pour ce faire. Le plaisir de lecture provient de voir le héros à l’œuvre, que ce soit pour l’enquête, ou pour les interventions physiques. Le lecteur un peu habitué des comics et du format d’histoires complètes en une dizaine d’épisodes ou moins, sait qu’il comporte deux écueils : le premier est celui d’une construction tout en mystère dans les trois-quarts des épisodes, et une résolution artificielle à la fin, ce qui amène le lecteur à s’impliquer de plus en plus, et à trouver la fin pas à la hauteur du suspense et des promesses qu’il contient. Le second réside dans le risque que le dessinateur s’investisse à fond dans les premiers épisodes, puis qu’il soit rattrapé par les délais et qu’il ne dispose plus d’assez de temps pour faire aussi bien dans la seconde moitié du récit. Il feuillète donc rapidement ce tome et il constate que les pages des derniers numéros sont aussi soignées que celles des premiers. Il en a la confirmation à la lecture : Bryan Hitch ne donne à aucun moment l’impression d’avoir dû accélérer la cadence pour boucler ses épisodes. La participation de Kevin Nowlan à l’encrage pour deux épisodes et une partie d’un troisième ne gâche pas la lecture : il soigne un peu plus les contours des personnages et des aplats de noir, mais il faut scruter les cases pour en prendre conscience. Dès la séquence d’ouverture, le lecteur constate que le coloriste a choisi une approche de type naturaliste, avec des couleurs un peu ternies, à l’opposé de couleurs très vives comme dans les comics de superhéros habituels. Il remarque également qu’Alex Sinclair joue discrètement sur l’ambiance lumineuse pour installer une nuance prédominante, une identité de couleur en fonction du lieu, du moment de la journée, et donc de l’éclairage. Il augmente le degré de lisibilité des cases en faisant bien ressortir chaque élément détouré par rapport à ceux qui l’entourent, et il joue un peu sur les nuances d’une même teinte pour augmenter l’impression de relief d’une surface. Il utilise les effets spéciaux avec parcimonie, pour les scènes d’action, les explosions, le halo lumineux des gratte-ciels. Le dessinateur s’attache à donner de la consistance à chaque élément en le représentant de manière détaillée, quelle que soit sa nature. Ça commence avec la magnifique façade du manoir à laquelle il ne manque ni une fenêtre, ni une colonne, ni un panneau vitré. Ça continue avec le dessin en double page de Batman contemplant les immeubles sous lui, avec de nombreux bâtiments, tous représentés, et pas seulement en silhouette. Puis avec les personnes composant la foule. Etc. Le lecteur peut se projeter dans chaque lieu : la pièce principale où se trouve le cadavre avec les dizaines de coupures de presse au mur, la Batcave avec ses structures métalliques, son avion, son bateau, le salon avec le canapé, les bibliothèques, la grande cheminée, le tapis au sol, la table basse, le lustre, les chandeliers, etc. Cette minutie dans la représentation des décors leur confère une réalité solide. L’artiste est tout aussi investi dans les scènes d’action et ça commence avec le grand classique de Batman intervenant pour dérouiller des voyous de rue et empêcher une agression. Premier combat : rapide, en trois pages, brutal, un bras cassé, une rotule cassée, un coup de pied dans le visage avec des dents qui volent, pas de gros plan gore sur les blessures. Deuxième combat : onze pages, tout aussi brutal, dans l’espace confiné d’un appartement. Troisième combat tout en silence en six pages dans le grand salon du manoir Wayne : les coups font tout aussi mal. L’artiste adopte également une approche descriptive détaillée. Il conçoit le déroulement du combat en prenant en compte la géométrie du lieu, sa volumétrie, les obstacles : les ennemis ne donnent jamais l’impression de s’affronter sur une scène de théâtre vide et interchangeable. Il prend également soin de concevoir un plan de prise de vue qui donne à voir la succession de mouvements et de déplacements de Batman et de ses adversaires, sans aller jusqu’à la chorégraphie. Ce parti pris fait toute la différence entre un quota de pages d’actions obligatoires, et des batailles qui font partie intégrante du récit, qui se passent en un lieu précis, dont le déroulement dépend de l’environnement et des individus qui se font face, de leurs armes éventuellement. Le récit conserve son suspense grâce à cette narration premier degré très impliquée, et aussi grâce à la construction de l’intrigue où les mystères du début sont éclaircis progressivement, en même temps que l’implication personnelle de Batman augmente, évitant ainsi l’effet trop mécanique de mystères accrocheurs menant à une résolution en forme d’exposé révélateur. Alléché par le professionnalisme des créateurs, le lecteur plonge dans une histoire de Batman autocontenue, donnant la sensation d’aller à l’essentiel. Ni le scénariste, ni le dessinateur ne révolutionne le personnage, ou ne cherche à en donner une version novatrice. Batman est fidèle à aux grandes caractéristiques des années 2000/2010 : taiseux, professionnel, disposant de moyens financiers et technologiques presque sans limites. Il enquête pour comprendre les agissements d’un nouvel ennemi et le neutraliser, avec une narration visuelle de type réaliste et détaillée, consistante de bout en bout, sans baisse de régime vers la fin. L’intrigue est bien dosée : l’implication personnelle de Batman allant croissante, alors que les mystères sont progressivement révélés, ce qui assure un suspense tout du long. Du bel ouvrage.

10/02/2025 (modifier)