C'est franchement difficile de passer après ces excellents avis ! C'est un peu comme si les 4 fantastiques se réunissaient pour parler BD ;-). On entre sur cette page en mettant les patins, mais je me lance quand même.
Si le dessin est selon moi sans grand intérêt, cette BD documentaire (pas vraiment ce que j'aime de prime abord) est particulièrement instructive sur une période comme il est dit en préambule peu documentée et l'on comprend rapidement pourquoi...
Ses auteurs s'appuient sur des témoignages et des reproductions d'archives qui montrent factuellement comment les petits paysans ont été victimes du remembrement décidé par l'état (politique mise en place au milieu du XXème siècle qui consiste à former des champs immenses en absorbant les petites parcelles des fermiers, en détruisant les bocages, les haies pour rendre les terres carrossables, en drainant les zones humides, en redessinant les cours d'eau...).
Ces petits paysans sont la plupart du temps spoliés au profit de quelques grands exploitants et des agents de l'état qui s'enrichissent sur leur dos. Cette redistribution des terres est souvent le fruit du népotisme, les petits fermiers qui ont perdu les terres familiales sont contraints de cultiver de grandes surfaces peu fertiles. A l'arrivée, catastrophe environnementale, mal-être profond des paysans et vie qui se retire peu à peu des villages (plus besoin de main-d'œuvre remplacée par le tracteur, disparition des commerces, endettement colossal et recours massif aux engrais industriels et pesticides, exode des fermiers qui aimaient leur métier et qui se voient contraints de devenir ouvriers dans les grandes villes). Le constat est évidemment sans appel et c'est navrant.
C'est clair, pédagogique (le dossier final est très complet) et édifiant. Mais il n'y a pas, selon moi, de qualités artistiques notables, ce qui est dommage pour une BD, à la différence par exemple de Saison brune qui reste dans le genre une oeuvre très importante dans laquelle Squarzoni parvient à tirer je trouve le meilleur de ce que peut offrir ce medium en alliant fond et forme avec un grand talent.
En conclusion, " Champs de bataille " n'est pas une grande bd, mais cela reste une très bonne lecture. Un peu sonné en refermant le bouquin...
Note réelle :
3,5 /5.
4/5 si vous aimez particulièrement ce genre de BD avec un contenu didactique.
Une BD touchante et prenante, portée par une héroïne forte en quête de vérité après un accident suspect. Le récit mêle enquête, émotions et justice avec justesse. Les dessins colorés contrastent habilement avec la gravité du sujet. Une lecture à la fois accessible et engagée.
Je suis un grand admiratif du travail de l’auteur sur son œuvre autobiographique "L’Arabe du futur".
J’avoue que j’avais commencé à la lire un peu mollement avant de succomber à la formule, l’histoire de son petit frère m’avait d’ailleurs particulièrement touché.
Après s’être raconté, Riad Sattouf a l’altruisme de raconter le parcours de ce frère disparu. On retrouve avec plaisir la narration de l’auteur, simple et parfaite pour le sujet, comme le fait qu’il ne cherche pas à se mette en valeur en grand frère modèle.
Il y a du rythme et toujours ce côté léger qui se dégage malgré des événements pas spécialement drôles à suivre.
Une série que je n’attendais pas mais que je ne bouderai pas à lire. J’ai énormément de sympathie pour Fadi.
A noter que l’auteur continuera d’explorer l’histoire familiale en mettant à l’honneur sa mère, j’ai lu des planches en prépublication dans je ne sais plus quelle revue.
Un réalisme viscéral qui captive dès la première page : L'atout majeur d "Autopsie" réside incontestablement dans son ancrage profond dans la réalité de la médecine légale. Antoine Tracqui ne se contente pas de saupoudrer son récit de quelques termes techniques ; il nous immerge littéralement dans les procédures d'autopsie avec une précision chirurgicale. La description méticuleuse des examens, des prélèvements et des analyses confère à la série une authenticité rare dans le genre. On sent que l'auteur maîtrise son sujet, et cette expertise transparaît à chaque page, rendant l'horreur d'autant plus palpable et crédible. Loin des clichés édulcorés des séries télévisées, "Autopsie" nous confronte à la crudité de la mort et à la complexité scientifique nécessaire pour en déchiffrer les secrets.
Muir, comme Thoreau ou d’autres, a représenté une certaine vision de l’homme en symbiose avec lui-même, avec la nature, dans une attitude en grande partie contemplative. C’est un personnage intéressant, avec une trajectoire à rebours de l’évolution de la société américaine dans laquelle il a en grande partie vécu : un « retour à la nature », un refus du progrès pour le progrès qui en ont peut-être fait un inadapté au monde moderne, mais qui en ont fait quelqu’un d’estimable, et finalement un des phares qui peuvent encore guider pas mal de monde.
Lomig a déjà montré son attirance pour la nature, et pour les idées proches du romantisme américain incarné par Thoreau ou Muir (voir Dans la forêt - d'après le roman de Jean Hegland). On sent bien que le personnage de Muir et ses choix de vie lui plaisent. Et il donne ici une belle résonance à la trajectoire décalée de Muir, poète géologue et naturaliste qui renonce à son travail, pour se lancer dans un très long voyage au cœur d’une partie des États-Unis (il va même jusqu’à Cuba sur la fin), pour admirer la nature.
Un passage est presque amusant, en tout cas ironique. Au milieu de son long voyage, alors qu’il essuie de nombreux refus, Muir est accueilli et logé une nuit dans une famille, dont le patriarche lui fait l’éloge de l’électricité, de l’exploitation de la nature, de l’efficacité capitaliste et de la recherche de rendement – tout ce contre quoi Muir se positionne !
Il est aussi singulier qu’à la fin des années 1860 (le voyage se déroule peu de temps après la fin de la guerre de Sécession) les Indiens sont totalement absents du grand Est américain, déjà évaporés de l’espace qu’ils occupaient – et des mémoires… le seul Indien apparaissant ici est croisé en Californie ou Oregon, sur la fin du voyage, et il alimente une discussion où Muir se sent curieux de leurs cultures, là aussi… C’est aussi là qu’il a le coup de foudre pour la Yosemite Valley, déclaration d’amour qui clôt ce bel album (Muir sera ensuite à l’origine du Parc du Yosemite, un des plus anciens parcs naturels au monde).
Enfin, le ressenti du lecteur ne serait pas aussi bon sans le très beau dessin de Lomig. Agréable et dynamique pour les décors et les personnages, il est carrément superbe dans pas mal de planches « naturalistes » (les animaux sont franchement réussis !), et fait honneur aux idées de Muir.
Il y a quelque chose à la fois d'organique et de virevoltant dans le travail de David Prudhomme.
Les regards de ces musiciens déracinés, même voilés par les brumes de l'alcool ou les effets des drogues vous transpercent, ils semblent toujours porter plus loin.
Ces hommes et femmes, malgré la censure et les persécutions d'un état policier, agissent avec une insolente liberté, refusant de plier sous le poids de l'oppression, de la xénophobie et de la misère. Leurs silhouettes aériennes dans des rues baignées de soleil impriment durablement la rétine et l'on observe fasciné leurs doigts qui courent, infatigables, libres, sur les cordes d'instruments pourtant interdits par le dictateur grec, Metaxas.
Je m'arrête là, mais je pourrais encore parler de la chanteuse envoûtante Beba (quel personnage !) qui ouvre le tome : " Rebetissa ", de ces ombres portées sur le port et, pour reprendre les mots de Neruda, de cette lumière estivale qui " noie des fleurs " sur les bouches des musiciens attablés sous une tonnelle.
Bref, c'est très beau.
Je rajoute mon avis parmi ceux qui ont été enthousiasmés par cette BD.
Ce qui est incroyable est que c'est tiré d'un roman, mais il y a tellement peu de textes que cela ne se voit pas du tout. L'histoire est au final simple, mais terriblement efficace. Le récit est prenant et j'ai eu quelques surprises au fil des pages, même si j'avoue que la fin est un peu prévisible. La poésie du récit m'a touché et la narration est fluide. Ça se lit facilement malgré le nombre de pages.
Le dessin est très bon et j'apprécie particulièrement les couleurs. Je ne sais pas trop quoi ajouter de plus au niveau des qualités de cette BD. Je peux comprendre que d'autres lecteurs aient été moins touchés par ce récit que moi, c'est pourquoi je recommanderais un emprunt pour savoir après lecture si on veut posséder cet album ou non.
Cette petite bande dessinée destinée aux jeunes lecteurs met en scène une fée à l'allure enfantine, gardienne des choses minuscules. Elle est fascinée par les grains de poussière, les brins d'herbe, les cailloux oubliés, tout ce qui échappe habituellement à l'attention. Douée de pouvoirs aussi discrets que leur objet, elle peut rétrécir ou grandir à volonté, faire apparaître des merveilles minuscules, éphémères, presque imperceptibles. À ses côtés, le lecteur apprend à regarder autrement, à voir la poésie et l'imaginaire là où personne ne pose les yeux.
Derrière sa simplicité apparente, tant dans les dessins ronds et colorés que dans ses petites histoires, cette BD porte un très beau message. Le ton est calme, apaisant, presque méditatif, incitant à savourer la délicatesse du quotidien et la beauté de ce qu'on croit insignifiant. L'album propose une grande variété de formes : apartés de la fée au lecteur, récits courts, petits contes, chansons ou même un horoscope des insectes. On peut picorer dans ces pages comme dans un recueil de petits trésors. C'est une œuvre douce, souriante, empreinte de tendresse, qui transmet un vrai plaisir de lecture et un message lumineux que les parents auront plaisir à partager avec leurs enfants.
C’est l’arbre de l’endurance, de l’énergie, de l’espoir. Même dans les pires circonstances.
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Ce tome contient une histoire complète de nature biographique, sur la chanteuse Björk, qui ne nécessite pas de connaissances préalables sur sa vie ou son œuvre. Son édition originale date de 2015. Il a été réalisé par Guillaume Lebeau pour le scénario et par Christelle Pécout pour les dessins et les couleurs. Il comprend cent-quatorze pages de bande dessinée.
En 2014, un ours polaire sur un bloc de glace traverse la mer de Norvège, allant vers l’Islande. Dans la maternité de Reykjavik, la sage-femme enjoint de pousser à Hildur Rúna Hauksdóttir. Ce dimanche 21 novembre 1965, cette dernière éprouve la sensation d’être un volcan, une terre en formation, elle entre en éruption. La sage-femme lui demande de se concentrer et d’arrêter de délirer, voici le bébé. C’est une fille et elle est en pleine forme. Le père est dans la salle d’attente et il n’entend pas le téléphone, il dort devant les informations : Une éruption sous-marine débutée fin octobre à un kilomètre de Surtsey est en train de donner naissance à une île. La sage-femme vient le chercher et lui indique que tout le monde est en parfaite santé. Sa femme lui propose le nom de leur fille : Björk, le bouleau. Elle est jolie, et aussi rare que les arbres islandais. Le boulot, c’est l’arbre de l’endurance, de l’énergie, de l’espoir, même dans les pires circonstances. Le père accepte, va pour Björk Gusdmundsdóttir, la fille de Gusdmundur.
En 1967, dans un appartement de Reykjavik, Hildur prépare un repas, alors que sa fille est dans une chaise haute. Son mari revient à a maison, et explique qu’il avait beaucoup de boulot. Elle lui indique que Björk a encore pleuré toute la nuit, la pauvre, que, elle, Hildur, n’en peut plus de rester à la maison, cuisiner, se faire belle en attendant le retour de son mari, ce n’est pas elle. Elle veut partir, le quitter. En novembre 1968, la mère de Gusdmundur lui rend visite : elle voit Björk en train de jouer du piano. Le père explique qu’elle a entendu une fois cet air à la radio et qu’elle arrive à la jouer en se souvenant des paroles, c’est incroyable. La mère indique que c’est une chanson de la Mélodie du bonheur, et qu’elle adore cette comédie musicale, et que Björk aussi visiblement. Puis ils évoquent le départ le départ de Hildur : son mari dit que son père était très dur, il pense qu’il la battait. Il sait que lui est un électricien pragmatique, et que sa femme a besoin de se sentir libre, du coup ils se sont séparés, ils refont leur vie. Il pense que leur fille Björk sera le fruit de leurs différences : elle aura la liberté que sa mère n’a pas eue. Novembre 1968, dans le bus, la fille et le père discute, sur le fait que l’Islande est un petit pays, sur le fait qu’il n’a pas de voiture. Björk décide de faire un spectacle dans le bus en jouant de la flute. Elle déclare aux autres passagers qu’elle va jeter de la couleur dans leur vie. 1970, Hildur s’est remariée, elle et sa fille, avec des amis, vont faire voler des cerfs-volants. Björk discute avec sa mère, lui demandant si on est libre d’aimer qui on veut et autant de fois qu’on veut. Sa mère lui répond qu’on est libre comme le vent.
Une biographie d’une artiste musicale extraordinaire, une Islandaise auteure-compositrice-interprète, actrice, productrice, ayant réalisé des albums remarquables dans des registres comprenant musique électronique, electronica, musique alternative, musique expérimentale, pop, art pop, avant-pop, rock alternatif, new wave, trip hop, musique folk, jazz, musique contemporaine, musique concrète. La biographie débute avec sa naissance et s’arrête le 21 mai 2000, lors de la séance de remise des prix du festival de Cannes, puis de la conférence de presse avec l’intervention de Lars von Trier et de Björk, pour la Palme d’Or et le prix d’interprétation féminine pour Björk. La suite de la carrière de l’artiste n’est pas abordée : cette biographie s’arrête avant Vespertine (2001). Le sous-titre s’avère explicite : une femme islandaise. Les auteurs évoquent la vie de l’artiste aussi bien sous l’angle de sa vie personnelle, que de sa vie professionnelle, en intégrant ses origines socio-culturelles, et en particulier son pays de naissance, ainsi qu’un pan de son histoire. Ainsi le lecteur peut être déconcerté par la prise de position explicite de Björk concernant les Danois à l’occasion de sa collaboration avec Graham Vernon Massey, britannique, producteur de disque, musicien, remixer, elle lui dit qu’elle est l’héritière de mille deux cents ans de gènes insulaires qui lui disent qu’elle se doit de lutter contre des ennemis largement plus grands qu’elle.
Lors de cette conversation, Björk continue en s’adressant à son producteur : Il peut la définir en un mot, Islandaise. Elle a l’énergie des gens de son pays, une foi en ses moyens et un optimisme à tout épreuve. En Islande, on ne s’apitoie pas sur son sort. On ne connaît pas ça, on va de l’avant. Tout du long, la narration visuelle donne voir différentes facettes de ce pays, qui comptait entre deux cent mille et deux cent cinquante mille habitants à la naissance de Björk. La première vue en extérieure correspond an voyage en bus : un temps un peu gris, de la neige, un fjord. Les fins traits encrés détourent des contours simplifiés, tout en s’inscrivant un registre descriptif et réaliste. Le lecteur n’est pas bien sûr de pouvoir identifier les modèles de voitures ou du bus, en revanche les habitations présentent des caractéristiques spécifiques à cette région du monde et à cette époque. Par la suite, il peut admirer ou se projeter en bord d’océan pour faire voler des cerfs-volants, autour d’un poêle à bois pour une soirée. Il court avec Björk dans une prairie verdoyante et s’arrête avec elle pour contempler les fleurs. Puis dans la séquence suivante, il est frappé par le contraste avec la lave et les projections de scorie lors de l’éruption du l’Eldfell qui a commencé en janvier 1973, et se poursuit en février de la même année, ravageant une partie de l’île d’Heimaey. Le journaliste télé explique que désormais la lave se dirige vers le nord-ouest, en direction des habitations. Il poursuit : les autorités ont décidé d’arroser le front de la coulée pour figer la lave, la ralentir et édifier ainsi une barrière naturelle. Selon les experts, six millions de mètres cubes d’eau seront nécessaires pour permettre de solidifier vingt mille mètres cubes de lave par heure. Le lecteur peut également voir un ours sur une rive, une usine d’embouteillage, un port de pêche, une usine de poissons, et bien sûr plusieurs lieux dédiés à la musique pour des concerts ou des enregistrements.
Ainsi l’incidence du lieu de naissance et du pays de Björk apparaissent clairement aux yeux du lecteur. Les échanges entre personnages en soulignent d’autres facettes : la petitesse du pays, la place des femmes dans ce pays et leur liberté (par exemple au travers de Vigdis Finnbogadóttir, présidente de l'Islande entre 1980 et 1996, au cours de quatre mandats successifs. Elle est la première femme au monde élue au suffrage universel direct à la tête d'un État), le ressenti de vivre dans un pays qui n’est pas le sien (quand elle s’installe en Angleterre, puis en Espagne), et incidemment le constat que nul n’est prophète en son pays (Ça l’énerve qu’en Islande les médias ne commencent à s’intéresser à son groupe qu’en réaction à son succès à l’étranger…). Le lecteur peut donc suivre la carrière musicale de l’artiste, depuis ce solo de flute dans le car en 1968, jusqu’à Selmasongs en 2000. Les dessins la montrent en train de jouer du piano devant sa grand-mère, en train d‘écouter le nouveau compagnon de sa mère jouer de la guitare, en train de voir le producteur mixer son premier album dans un studio de Reykjavik en 1977, en concert avec son premier groupe Tappi Tíkarrass, puis au sein de KUKL, en concert à l’étranger avec The Sugar Cubes et la couverture des deux magazines NME et Melody Maker, enregistrer son album Gling-Gló (1990) avec Tríó Guðmundar Ingólfssonar, et évoquer le morceau Bedtime Stories (1994) qu’elle a écrit pour Madonna. Les dessins ne parviennent pas complètement à rendre compte des tenues de scène de Björk, ni de l’interprétation surréaliste de (I can’t get no) Satisfaction, avec P.J. Harvey à Londres, à l’occasion de la cérémonie des Brit Awards.
Le récit montre à quel point il est impossible de séparer l’artiste de la femme. Il évoque aussi bien l’incident de février 1996 à l’aéroport de Bangkok où Björk s’en est prise à une journaliste non sans raison, que les collaborations avec Einar Örn Benediktsson, Graham Vernon, Jean-Baptiste Mondino, Michel Gondry, Nellee Hooper de Soul II Soul, le DJ, compositeur de musique électronique Goldie, Lars von Trier. Il met en scène la découverte d’un colis contenant un livre piégé à l’acide sulfurique, envoyé par un fan : Ricardo Lopez qui s’est tiré une balle dans la bouche, laissant huit cents pages de journaux intimes et des heures de journal vidéo, dont un enregistrement de son suicide, avec en fond sonore l’une des chansons de Björk. Manifestement, il n’a pas supporté sa relation avec l’artiste Goldie, un Noir avant tout selon lui. Au travers de ces trois composantes, origine islandaise, musique et vie privée, le lecteur voit se composer un portrait d’une grande cohérence, quant au caractère de l’artiste, à sa créativité, à son comportement et son inspiration.
Un beau défi que de brosser le portrait d’un artiste aussi atypique que Björk, sans égale. Les auteurs savent combiner une structure chronologique traditionnelle pour la dimension biographique, avec un regard sur la création de ses œuvres et l’évolution de sa carrière, au regard de ses origines, des spécificités sociales et culturelles de l’Islande. La narration visuelle reste dans un registre factuel, sans essayer de se mesurer aux univers foisonnant de cette créatrice hors pair et de ses collaborations. Le lecteur en ressort avec l’envie et la motivation de se confronter à nouveau à sa musique qui peut s’avérer exigeante.
3.5
Luz continue de bâtir une œuvre diverse et intéressante. Même si je n'ai pas aimé tous ses albums, au moins il explore différents horizons et essaie des trucs. Son dessin change pratiquement à chaque œuvre et je suis ébloui qu'un dessinateur peut changer aussi facilement son style.
Ce one-shot est un des meilleurs de Luz. On va suivre l'histoire vraie de la vie d'un tableau, Deux filles nues, qui va beaucoup se balader car victime de la censure des nazis. C'est très éducatif de voir comment était traité l'art considéré comme dégénéré par Hitler et ses copains et ce sont selon moi les meilleurs passages du livre. Une particularité de cette BD est que toute l'action se déroule du point de vue du tableau et je trouve que c'est une idée originale et qui est bien maitrisée par l'auteur, on croirait vraiment qu'on voit tout à travers le tableau ! Le dessin est très bon, contrairement à d’autres dessinateurs de presse, Luz sait comment passer de la caricature à la BD.
Je ne sais pas trop quoi ajouter de plus aux avis positifs hormis que c'est un bon album qui mérite d'être lu.
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Champs de Bataille - L'histoire enfouie du remembrement
C'est franchement difficile de passer après ces excellents avis ! C'est un peu comme si les 4 fantastiques se réunissaient pour parler BD ;-). On entre sur cette page en mettant les patins, mais je me lance quand même. Si le dessin est selon moi sans grand intérêt, cette BD documentaire (pas vraiment ce que j'aime de prime abord) est particulièrement instructive sur une période comme il est dit en préambule peu documentée et l'on comprend rapidement pourquoi... Ses auteurs s'appuient sur des témoignages et des reproductions d'archives qui montrent factuellement comment les petits paysans ont été victimes du remembrement décidé par l'état (politique mise en place au milieu du XXème siècle qui consiste à former des champs immenses en absorbant les petites parcelles des fermiers, en détruisant les bocages, les haies pour rendre les terres carrossables, en drainant les zones humides, en redessinant les cours d'eau...). Ces petits paysans sont la plupart du temps spoliés au profit de quelques grands exploitants et des agents de l'état qui s'enrichissent sur leur dos. Cette redistribution des terres est souvent le fruit du népotisme, les petits fermiers qui ont perdu les terres familiales sont contraints de cultiver de grandes surfaces peu fertiles. A l'arrivée, catastrophe environnementale, mal-être profond des paysans et vie qui se retire peu à peu des villages (plus besoin de main-d'œuvre remplacée par le tracteur, disparition des commerces, endettement colossal et recours massif aux engrais industriels et pesticides, exode des fermiers qui aimaient leur métier et qui se voient contraints de devenir ouvriers dans les grandes villes). Le constat est évidemment sans appel et c'est navrant. C'est clair, pédagogique (le dossier final est très complet) et édifiant. Mais il n'y a pas, selon moi, de qualités artistiques notables, ce qui est dommage pour une BD, à la différence par exemple de Saison brune qui reste dans le genre une oeuvre très importante dans laquelle Squarzoni parvient à tirer je trouve le meilleur de ce que peut offrir ce medium en alliant fond et forme avec un grand talent. En conclusion, " Champs de bataille " n'est pas une grande bd, mais cela reste une très bonne lecture. Un peu sonné en refermant le bouquin... Note réelle : 3,5 /5. 4/5 si vous aimez particulièrement ce genre de BD avec un contenu didactique.
Dans les yeux de Lya
Une BD touchante et prenante, portée par une héroïne forte en quête de vérité après un accident suspect. Le récit mêle enquête, émotions et justice avec justesse. Les dessins colorés contrastent habilement avec la gravité du sujet. Une lecture à la fois accessible et engagée.
Moi, Fadi - Le Frère volé
Je suis un grand admiratif du travail de l’auteur sur son œuvre autobiographique "L’Arabe du futur". J’avoue que j’avais commencé à la lire un peu mollement avant de succomber à la formule, l’histoire de son petit frère m’avait d’ailleurs particulièrement touché. Après s’être raconté, Riad Sattouf a l’altruisme de raconter le parcours de ce frère disparu. On retrouve avec plaisir la narration de l’auteur, simple et parfaite pour le sujet, comme le fait qu’il ne cherche pas à se mette en valeur en grand frère modèle. Il y a du rythme et toujours ce côté léger qui se dégage malgré des événements pas spécialement drôles à suivre. Une série que je n’attendais pas mais que je ne bouderai pas à lire. J’ai énormément de sympathie pour Fadi. A noter que l’auteur continuera d’explorer l’histoire familiale en mettant à l’honneur sa mère, j’ai lu des planches en prépublication dans je ne sais plus quelle revue.
Autopsie
Un réalisme viscéral qui captive dès la première page : L'atout majeur d "Autopsie" réside incontestablement dans son ancrage profond dans la réalité de la médecine légale. Antoine Tracqui ne se contente pas de saupoudrer son récit de quelques termes techniques ; il nous immerge littéralement dans les procédures d'autopsie avec une précision chirurgicale. La description méticuleuse des examens, des prélèvements et des analyses confère à la série une authenticité rare dans le genre. On sent que l'auteur maîtrise son sujet, et cette expertise transparaît à chaque page, rendant l'horreur d'autant plus palpable et crédible. Loin des clichés édulcorés des séries télévisées, "Autopsie" nous confronte à la crudité de la mort et à la complexité scientifique nécessaire pour en déchiffrer les secrets.
Au cœur des solitudes
Muir, comme Thoreau ou d’autres, a représenté une certaine vision de l’homme en symbiose avec lui-même, avec la nature, dans une attitude en grande partie contemplative. C’est un personnage intéressant, avec une trajectoire à rebours de l’évolution de la société américaine dans laquelle il a en grande partie vécu : un « retour à la nature », un refus du progrès pour le progrès qui en ont peut-être fait un inadapté au monde moderne, mais qui en ont fait quelqu’un d’estimable, et finalement un des phares qui peuvent encore guider pas mal de monde. Lomig a déjà montré son attirance pour la nature, et pour les idées proches du romantisme américain incarné par Thoreau ou Muir (voir Dans la forêt - d'après le roman de Jean Hegland). On sent bien que le personnage de Muir et ses choix de vie lui plaisent. Et il donne ici une belle résonance à la trajectoire décalée de Muir, poète géologue et naturaliste qui renonce à son travail, pour se lancer dans un très long voyage au cœur d’une partie des États-Unis (il va même jusqu’à Cuba sur la fin), pour admirer la nature. Un passage est presque amusant, en tout cas ironique. Au milieu de son long voyage, alors qu’il essuie de nombreux refus, Muir est accueilli et logé une nuit dans une famille, dont le patriarche lui fait l’éloge de l’électricité, de l’exploitation de la nature, de l’efficacité capitaliste et de la recherche de rendement – tout ce contre quoi Muir se positionne ! Il est aussi singulier qu’à la fin des années 1860 (le voyage se déroule peu de temps après la fin de la guerre de Sécession) les Indiens sont totalement absents du grand Est américain, déjà évaporés de l’espace qu’ils occupaient – et des mémoires… le seul Indien apparaissant ici est croisé en Californie ou Oregon, sur la fin du voyage, et il alimente une discussion où Muir se sent curieux de leurs cultures, là aussi… C’est aussi là qu’il a le coup de foudre pour la Yosemite Valley, déclaration d’amour qui clôt ce bel album (Muir sera ensuite à l’origine du Parc du Yosemite, un des plus anciens parcs naturels au monde). Enfin, le ressenti du lecteur ne serait pas aussi bon sans le très beau dessin de Lomig. Agréable et dynamique pour les décors et les personnages, il est carrément superbe dans pas mal de planches « naturalistes » (les animaux sont franchement réussis !), et fait honneur aux idées de Muir.
Rébétiko
Il y a quelque chose à la fois d'organique et de virevoltant dans le travail de David Prudhomme. Les regards de ces musiciens déracinés, même voilés par les brumes de l'alcool ou les effets des drogues vous transpercent, ils semblent toujours porter plus loin. Ces hommes et femmes, malgré la censure et les persécutions d'un état policier, agissent avec une insolente liberté, refusant de plier sous le poids de l'oppression, de la xénophobie et de la misère. Leurs silhouettes aériennes dans des rues baignées de soleil impriment durablement la rétine et l'on observe fasciné leurs doigts qui courent, infatigables, libres, sur les cordes d'instruments pourtant interdits par le dictateur grec, Metaxas. Je m'arrête là, mais je pourrais encore parler de la chanteuse envoûtante Beba (quel personnage !) qui ouvre le tome : " Rebetissa ", de ces ombres portées sur le port et, pour reprendre les mots de Neruda, de cette lumière estivale qui " noie des fleurs " sur les bouches des musiciens attablés sous une tonnelle. Bref, c'est très beau.
La Petite Lumière
Je rajoute mon avis parmi ceux qui ont été enthousiasmés par cette BD. Ce qui est incroyable est que c'est tiré d'un roman, mais il y a tellement peu de textes que cela ne se voit pas du tout. L'histoire est au final simple, mais terriblement efficace. Le récit est prenant et j'ai eu quelques surprises au fil des pages, même si j'avoue que la fin est un peu prévisible. La poésie du récit m'a touché et la narration est fluide. Ça se lit facilement malgré le nombre de pages. Le dessin est très bon et j'apprécie particulièrement les couleurs. Je ne sais pas trop quoi ajouter de plus au niveau des qualités de cette BD. Je peux comprendre que d'autres lecteurs aient été moins touchés par ce récit que moi, c'est pourquoi je recommanderais un emprunt pour savoir après lecture si on veut posséder cet album ou non.
La Fée des grains de poussière
Cette petite bande dessinée destinée aux jeunes lecteurs met en scène une fée à l'allure enfantine, gardienne des choses minuscules. Elle est fascinée par les grains de poussière, les brins d'herbe, les cailloux oubliés, tout ce qui échappe habituellement à l'attention. Douée de pouvoirs aussi discrets que leur objet, elle peut rétrécir ou grandir à volonté, faire apparaître des merveilles minuscules, éphémères, presque imperceptibles. À ses côtés, le lecteur apprend à regarder autrement, à voir la poésie et l'imaginaire là où personne ne pose les yeux. Derrière sa simplicité apparente, tant dans les dessins ronds et colorés que dans ses petites histoires, cette BD porte un très beau message. Le ton est calme, apaisant, presque méditatif, incitant à savourer la délicatesse du quotidien et la beauté de ce qu'on croit insignifiant. L'album propose une grande variété de formes : apartés de la fée au lecteur, récits courts, petits contes, chansons ou même un horoscope des insectes. On peut picorer dans ces pages comme dans un recueil de petits trésors. C'est une œuvre douce, souriante, empreinte de tendresse, qui transmet un vrai plaisir de lecture et un message lumineux que les parents auront plaisir à partager avec leurs enfants.
Björk - Une femme islandaise
C’est l’arbre de l’endurance, de l’énergie, de l’espoir. Même dans les pires circonstances. - Ce tome contient une histoire complète de nature biographique, sur la chanteuse Björk, qui ne nécessite pas de connaissances préalables sur sa vie ou son œuvre. Son édition originale date de 2015. Il a été réalisé par Guillaume Lebeau pour le scénario et par Christelle Pécout pour les dessins et les couleurs. Il comprend cent-quatorze pages de bande dessinée. En 2014, un ours polaire sur un bloc de glace traverse la mer de Norvège, allant vers l’Islande. Dans la maternité de Reykjavik, la sage-femme enjoint de pousser à Hildur Rúna Hauksdóttir. Ce dimanche 21 novembre 1965, cette dernière éprouve la sensation d’être un volcan, une terre en formation, elle entre en éruption. La sage-femme lui demande de se concentrer et d’arrêter de délirer, voici le bébé. C’est une fille et elle est en pleine forme. Le père est dans la salle d’attente et il n’entend pas le téléphone, il dort devant les informations : Une éruption sous-marine débutée fin octobre à un kilomètre de Surtsey est en train de donner naissance à une île. La sage-femme vient le chercher et lui indique que tout le monde est en parfaite santé. Sa femme lui propose le nom de leur fille : Björk, le bouleau. Elle est jolie, et aussi rare que les arbres islandais. Le boulot, c’est l’arbre de l’endurance, de l’énergie, de l’espoir, même dans les pires circonstances. Le père accepte, va pour Björk Gusdmundsdóttir, la fille de Gusdmundur. En 1967, dans un appartement de Reykjavik, Hildur prépare un repas, alors que sa fille est dans une chaise haute. Son mari revient à a maison, et explique qu’il avait beaucoup de boulot. Elle lui indique que Björk a encore pleuré toute la nuit, la pauvre, que, elle, Hildur, n’en peut plus de rester à la maison, cuisiner, se faire belle en attendant le retour de son mari, ce n’est pas elle. Elle veut partir, le quitter. En novembre 1968, la mère de Gusdmundur lui rend visite : elle voit Björk en train de jouer du piano. Le père explique qu’elle a entendu une fois cet air à la radio et qu’elle arrive à la jouer en se souvenant des paroles, c’est incroyable. La mère indique que c’est une chanson de la Mélodie du bonheur, et qu’elle adore cette comédie musicale, et que Björk aussi visiblement. Puis ils évoquent le départ le départ de Hildur : son mari dit que son père était très dur, il pense qu’il la battait. Il sait que lui est un électricien pragmatique, et que sa femme a besoin de se sentir libre, du coup ils se sont séparés, ils refont leur vie. Il pense que leur fille Björk sera le fruit de leurs différences : elle aura la liberté que sa mère n’a pas eue. Novembre 1968, dans le bus, la fille et le père discute, sur le fait que l’Islande est un petit pays, sur le fait qu’il n’a pas de voiture. Björk décide de faire un spectacle dans le bus en jouant de la flute. Elle déclare aux autres passagers qu’elle va jeter de la couleur dans leur vie. 1970, Hildur s’est remariée, elle et sa fille, avec des amis, vont faire voler des cerfs-volants. Björk discute avec sa mère, lui demandant si on est libre d’aimer qui on veut et autant de fois qu’on veut. Sa mère lui répond qu’on est libre comme le vent. Une biographie d’une artiste musicale extraordinaire, une Islandaise auteure-compositrice-interprète, actrice, productrice, ayant réalisé des albums remarquables dans des registres comprenant musique électronique, electronica, musique alternative, musique expérimentale, pop, art pop, avant-pop, rock alternatif, new wave, trip hop, musique folk, jazz, musique contemporaine, musique concrète. La biographie débute avec sa naissance et s’arrête le 21 mai 2000, lors de la séance de remise des prix du festival de Cannes, puis de la conférence de presse avec l’intervention de Lars von Trier et de Björk, pour la Palme d’Or et le prix d’interprétation féminine pour Björk. La suite de la carrière de l’artiste n’est pas abordée : cette biographie s’arrête avant Vespertine (2001). Le sous-titre s’avère explicite : une femme islandaise. Les auteurs évoquent la vie de l’artiste aussi bien sous l’angle de sa vie personnelle, que de sa vie professionnelle, en intégrant ses origines socio-culturelles, et en particulier son pays de naissance, ainsi qu’un pan de son histoire. Ainsi le lecteur peut être déconcerté par la prise de position explicite de Björk concernant les Danois à l’occasion de sa collaboration avec Graham Vernon Massey, britannique, producteur de disque, musicien, remixer, elle lui dit qu’elle est l’héritière de mille deux cents ans de gènes insulaires qui lui disent qu’elle se doit de lutter contre des ennemis largement plus grands qu’elle. Lors de cette conversation, Björk continue en s’adressant à son producteur : Il peut la définir en un mot, Islandaise. Elle a l’énergie des gens de son pays, une foi en ses moyens et un optimisme à tout épreuve. En Islande, on ne s’apitoie pas sur son sort. On ne connaît pas ça, on va de l’avant. Tout du long, la narration visuelle donne voir différentes facettes de ce pays, qui comptait entre deux cent mille et deux cent cinquante mille habitants à la naissance de Björk. La première vue en extérieure correspond an voyage en bus : un temps un peu gris, de la neige, un fjord. Les fins traits encrés détourent des contours simplifiés, tout en s’inscrivant un registre descriptif et réaliste. Le lecteur n’est pas bien sûr de pouvoir identifier les modèles de voitures ou du bus, en revanche les habitations présentent des caractéristiques spécifiques à cette région du monde et à cette époque. Par la suite, il peut admirer ou se projeter en bord d’océan pour faire voler des cerfs-volants, autour d’un poêle à bois pour une soirée. Il court avec Björk dans une prairie verdoyante et s’arrête avec elle pour contempler les fleurs. Puis dans la séquence suivante, il est frappé par le contraste avec la lave et les projections de scorie lors de l’éruption du l’Eldfell qui a commencé en janvier 1973, et se poursuit en février de la même année, ravageant une partie de l’île d’Heimaey. Le journaliste télé explique que désormais la lave se dirige vers le nord-ouest, en direction des habitations. Il poursuit : les autorités ont décidé d’arroser le front de la coulée pour figer la lave, la ralentir et édifier ainsi une barrière naturelle. Selon les experts, six millions de mètres cubes d’eau seront nécessaires pour permettre de solidifier vingt mille mètres cubes de lave par heure. Le lecteur peut également voir un ours sur une rive, une usine d’embouteillage, un port de pêche, une usine de poissons, et bien sûr plusieurs lieux dédiés à la musique pour des concerts ou des enregistrements. Ainsi l’incidence du lieu de naissance et du pays de Björk apparaissent clairement aux yeux du lecteur. Les échanges entre personnages en soulignent d’autres facettes : la petitesse du pays, la place des femmes dans ce pays et leur liberté (par exemple au travers de Vigdis Finnbogadóttir, présidente de l'Islande entre 1980 et 1996, au cours de quatre mandats successifs. Elle est la première femme au monde élue au suffrage universel direct à la tête d'un État), le ressenti de vivre dans un pays qui n’est pas le sien (quand elle s’installe en Angleterre, puis en Espagne), et incidemment le constat que nul n’est prophète en son pays (Ça l’énerve qu’en Islande les médias ne commencent à s’intéresser à son groupe qu’en réaction à son succès à l’étranger…). Le lecteur peut donc suivre la carrière musicale de l’artiste, depuis ce solo de flute dans le car en 1968, jusqu’à Selmasongs en 2000. Les dessins la montrent en train de jouer du piano devant sa grand-mère, en train d‘écouter le nouveau compagnon de sa mère jouer de la guitare, en train de voir le producteur mixer son premier album dans un studio de Reykjavik en 1977, en concert avec son premier groupe Tappi Tíkarrass, puis au sein de KUKL, en concert à l’étranger avec The Sugar Cubes et la couverture des deux magazines NME et Melody Maker, enregistrer son album Gling-Gló (1990) avec Tríó Guðmundar Ingólfssonar, et évoquer le morceau Bedtime Stories (1994) qu’elle a écrit pour Madonna. Les dessins ne parviennent pas complètement à rendre compte des tenues de scène de Björk, ni de l’interprétation surréaliste de (I can’t get no) Satisfaction, avec P.J. Harvey à Londres, à l’occasion de la cérémonie des Brit Awards. Le récit montre à quel point il est impossible de séparer l’artiste de la femme. Il évoque aussi bien l’incident de février 1996 à l’aéroport de Bangkok où Björk s’en est prise à une journaliste non sans raison, que les collaborations avec Einar Örn Benediktsson, Graham Vernon, Jean-Baptiste Mondino, Michel Gondry, Nellee Hooper de Soul II Soul, le DJ, compositeur de musique électronique Goldie, Lars von Trier. Il met en scène la découverte d’un colis contenant un livre piégé à l’acide sulfurique, envoyé par un fan : Ricardo Lopez qui s’est tiré une balle dans la bouche, laissant huit cents pages de journaux intimes et des heures de journal vidéo, dont un enregistrement de son suicide, avec en fond sonore l’une des chansons de Björk. Manifestement, il n’a pas supporté sa relation avec l’artiste Goldie, un Noir avant tout selon lui. Au travers de ces trois composantes, origine islandaise, musique et vie privée, le lecteur voit se composer un portrait d’une grande cohérence, quant au caractère de l’artiste, à sa créativité, à son comportement et son inspiration. Un beau défi que de brosser le portrait d’un artiste aussi atypique que Björk, sans égale. Les auteurs savent combiner une structure chronologique traditionnelle pour la dimension biographique, avec un regard sur la création de ses œuvres et l’évolution de sa carrière, au regard de ses origines, des spécificités sociales et culturelles de l’Islande. La narration visuelle reste dans un registre factuel, sans essayer de se mesurer aux univers foisonnant de cette créatrice hors pair et de ses collaborations. Le lecteur en ressort avec l’envie et la motivation de se confronter à nouveau à sa musique qui peut s’avérer exigeante.
Deux Filles nues
3.5 Luz continue de bâtir une œuvre diverse et intéressante. Même si je n'ai pas aimé tous ses albums, au moins il explore différents horizons et essaie des trucs. Son dessin change pratiquement à chaque œuvre et je suis ébloui qu'un dessinateur peut changer aussi facilement son style. Ce one-shot est un des meilleurs de Luz. On va suivre l'histoire vraie de la vie d'un tableau, Deux filles nues, qui va beaucoup se balader car victime de la censure des nazis. C'est très éducatif de voir comment était traité l'art considéré comme dégénéré par Hitler et ses copains et ce sont selon moi les meilleurs passages du livre. Une particularité de cette BD est que toute l'action se déroule du point de vue du tableau et je trouve que c'est une idée originale et qui est bien maitrisée par l'auteur, on croirait vraiment qu'on voit tout à travers le tableau ! Le dessin est très bon, contrairement à d’autres dessinateurs de presse, Luz sait comment passer de la caricature à la BD. Je ne sais pas trop quoi ajouter de plus aux avis positifs hormis que c'est un bon album qui mérite d'être lu.