C’est l’arbre de l’endurance, de l’énergie, de l’espoir. Même dans les pires circonstances.
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Ce tome contient une histoire complète de nature biographique, sur la chanteuse Björk, qui ne nécessite pas de connaissances préalables sur sa vie ou son œuvre. Son édition originale date de 2015. Il a été réalisé par Guillaume Lebeau pour le scénario et par Christelle Pécout pour les dessins et les couleurs. Il comprend cent-quatorze pages de bande dessinée.
En 2014, un ours polaire sur un bloc de glace traverse la mer de Norvège, allant vers l’Islande. Dans la maternité de Reykjavik, la sage-femme enjoint de pousser à Hildur Rúna Hauksdóttir. Ce dimanche 21 novembre 1965, cette dernière éprouve la sensation d’être un volcan, une terre en formation, elle entre en éruption. La sage-femme lui demande de se concentrer et d’arrêter de délirer, voici le bébé. C’est une fille et elle est en pleine forme. Le père est dans la salle d’attente et il n’entend pas le téléphone, il dort devant les informations : Une éruption sous-marine débutée fin octobre à un kilomètre de Surtsey est en train de donner naissance à une île. La sage-femme vient le chercher et lui indique que tout le monde est en parfaite santé. Sa femme lui propose le nom de leur fille : Björk, le bouleau. Elle est jolie, et aussi rare que les arbres islandais. Le boulot, c’est l’arbre de l’endurance, de l’énergie, de l’espoir, même dans les pires circonstances. Le père accepte, va pour Björk Gusdmundsdóttir, la fille de Gusdmundur.
En 1967, dans un appartement de Reykjavik, Hildur prépare un repas, alors que sa fille est dans une chaise haute. Son mari revient à a maison, et explique qu’il avait beaucoup de boulot. Elle lui indique que Björk a encore pleuré toute la nuit, la pauvre, que, elle, Hildur, n’en peut plus de rester à la maison, cuisiner, se faire belle en attendant le retour de son mari, ce n’est pas elle. Elle veut partir, le quitter. En novembre 1968, la mère de Gusdmundur lui rend visite : elle voit Björk en train de jouer du piano. Le père explique qu’elle a entendu une fois cet air à la radio et qu’elle arrive à la jouer en se souvenant des paroles, c’est incroyable. La mère indique que c’est une chanson de la Mélodie du bonheur, et qu’elle adore cette comédie musicale, et que Björk aussi visiblement. Puis ils évoquent le départ le départ de Hildur : son mari dit que son père était très dur, il pense qu’il la battait. Il sait que lui est un électricien pragmatique, et que sa femme a besoin de se sentir libre, du coup ils se sont séparés, ils refont leur vie. Il pense que leur fille Björk sera le fruit de leurs différences : elle aura la liberté que sa mère n’a pas eue. Novembre 1968, dans le bus, la fille et le père discute, sur le fait que l’Islande est un petit pays, sur le fait qu’il n’a pas de voiture. Björk décide de faire un spectacle dans le bus en jouant de la flute. Elle déclare aux autres passagers qu’elle va jeter de la couleur dans leur vie. 1970, Hildur s’est remariée, elle et sa fille, avec des amis, vont faire voler des cerfs-volants. Björk discute avec sa mère, lui demandant si on est libre d’aimer qui on veut et autant de fois qu’on veut. Sa mère lui répond qu’on est libre comme le vent.
Une biographie d’une artiste musicale extraordinaire, une Islandaise auteure-compositrice-interprète, actrice, productrice, ayant réalisé des albums remarquables dans des registres comprenant musique électronique, electronica, musique alternative, musique expérimentale, pop, art pop, avant-pop, rock alternatif, new wave, trip hop, musique folk, jazz, musique contemporaine, musique concrète. La biographie débute avec sa naissance et s’arrête le 21 mai 2000, lors de la séance de remise des prix du festival de Cannes, puis de la conférence de presse avec l’intervention de Lars von Trier et de Björk, pour la Palme d’Or et le prix d’interprétation féminine pour Björk. La suite de la carrière de l’artiste n’est pas abordée : cette biographie s’arrête avant Vespertine (2001). Le sous-titre s’avère explicite : une femme islandaise. Les auteurs évoquent la vie de l’artiste aussi bien sous l’angle de sa vie personnelle, que de sa vie professionnelle, en intégrant ses origines socio-culturelles, et en particulier son pays de naissance, ainsi qu’un pan de son histoire. Ainsi le lecteur peut être déconcerté par la prise de position explicite de Björk concernant les Danois à l’occasion de sa collaboration avec Graham Vernon Massey, britannique, producteur de disque, musicien, remixer, elle lui dit qu’elle est l’héritière de mille deux cents ans de gènes insulaires qui lui disent qu’elle se doit de lutter contre des ennemis largement plus grands qu’elle.
Lors de cette conversation, Björk continue en s’adressant à son producteur : Il peut la définir en un mot, Islandaise. Elle a l’énergie des gens de son pays, une foi en ses moyens et un optimisme à tout épreuve. En Islande, on ne s’apitoie pas sur son sort. On ne connaît pas ça, on va de l’avant. Tout du long, la narration visuelle donne voir différentes facettes de ce pays, qui comptait entre deux cent mille et deux cent cinquante mille habitants à la naissance de Björk. La première vue en extérieure correspond an voyage en bus : un temps un peu gris, de la neige, un fjord. Les fins traits encrés détourent des contours simplifiés, tout en s’inscrivant un registre descriptif et réaliste. Le lecteur n’est pas bien sûr de pouvoir identifier les modèles de voitures ou du bus, en revanche les habitations présentent des caractéristiques spécifiques à cette région du monde et à cette époque. Par la suite, il peut admirer ou se projeter en bord d’océan pour faire voler des cerfs-volants, autour d’un poêle à bois pour une soirée. Il court avec Björk dans une prairie verdoyante et s’arrête avec elle pour contempler les fleurs. Puis dans la séquence suivante, il est frappé par le contraste avec la lave et les projections de scorie lors de l’éruption du l’Eldfell qui a commencé en janvier 1973, et se poursuit en février de la même année, ravageant une partie de l’île d’Heimaey. Le journaliste télé explique que désormais la lave se dirige vers le nord-ouest, en direction des habitations. Il poursuit : les autorités ont décidé d’arroser le front de la coulée pour figer la lave, la ralentir et édifier ainsi une barrière naturelle. Selon les experts, six millions de mètres cubes d’eau seront nécessaires pour permettre de solidifier vingt mille mètres cubes de lave par heure. Le lecteur peut également voir un ours sur une rive, une usine d’embouteillage, un port de pêche, une usine de poissons, et bien sûr plusieurs lieux dédiés à la musique pour des concerts ou des enregistrements.
Ainsi l’incidence du lieu de naissance et du pays de Björk apparaissent clairement aux yeux du lecteur. Les échanges entre personnages en soulignent d’autres facettes : la petitesse du pays, la place des femmes dans ce pays et leur liberté (par exemple au travers de Vigdis Finnbogadóttir, présidente de l'Islande entre 1980 et 1996, au cours de quatre mandats successifs. Elle est la première femme au monde élue au suffrage universel direct à la tête d'un État), le ressenti de vivre dans un pays qui n’est pas le sien (quand elle s’installe en Angleterre, puis en Espagne), et incidemment le constat que nul n’est prophète en son pays (Ça l’énerve qu’en Islande les médias ne commencent à s’intéresser à son groupe qu’en réaction à son succès à l’étranger…). Le lecteur peut donc suivre la carrière musicale de l’artiste, depuis ce solo de flute dans le car en 1968, jusqu’à Selmasongs en 2000. Les dessins la montrent en train de jouer du piano devant sa grand-mère, en train d‘écouter le nouveau compagnon de sa mère jouer de la guitare, en train de voir le producteur mixer son premier album dans un studio de Reykjavik en 1977, en concert avec son premier groupe Tappi Tíkarrass, puis au sein de KUKL, en concert à l’étranger avec The Sugar Cubes et la couverture des deux magazines NME et Melody Maker, enregistrer son album Gling-Gló (1990) avec Tríó Guðmundar Ingólfssonar, et évoquer le morceau Bedtime Stories (1994) qu’elle a écrit pour Madonna. Les dessins ne parviennent pas complètement à rendre compte des tenues de scène de Björk, ni de l’interprétation surréaliste de (I can’t get no) Satisfaction, avec P.J. Harvey à Londres, à l’occasion de la cérémonie des Brit Awards.
Le récit montre à quel point il est impossible de séparer l’artiste de la femme. Il évoque aussi bien l’incident de février 1996 à l’aéroport de Bangkok où Björk s’en est prise à une journaliste non sans raison, que les collaborations avec Einar Örn Benediktsson, Graham Vernon, Jean-Baptiste Mondino, Michel Gondry, Nellee Hooper de Soul II Soul, le DJ, compositeur de musique électronique Goldie, Lars von Trier. Il met en scène la découverte d’un colis contenant un livre piégé à l’acide sulfurique, envoyé par un fan : Ricardo Lopez qui s’est tiré une balle dans la bouche, laissant huit cents pages de journaux intimes et des heures de journal vidéo, dont un enregistrement de son suicide, avec en fond sonore l’une des chansons de Björk. Manifestement, il n’a pas supporté sa relation avec l’artiste Goldie, un Noir avant tout selon lui. Au travers de ces trois composantes, origine islandaise, musique et vie privée, le lecteur voit se composer un portrait d’une grande cohérence, quant au caractère de l’artiste, à sa créativité, à son comportement et son inspiration.
Un beau défi que de brosser le portrait d’un artiste aussi atypique que Björk, sans égale. Les auteurs savent combiner une structure chronologique traditionnelle pour la dimension biographique, avec un regard sur la création de ses œuvres et l’évolution de sa carrière, au regard de ses origines, des spécificités sociales et culturelles de l’Islande. La narration visuelle reste dans un registre factuel, sans essayer de se mesurer aux univers foisonnant de cette créatrice hors pair et de ses collaborations. Le lecteur en ressort avec l’envie et la motivation de se confronter à nouveau à sa musique qui peut s’avérer exigeante.
3.5
Luz continue de bâtir une œuvre diverse et intéressante. Même si je n'ai pas aimé tous ses albums, au moins il explore différents horizons et essaie des trucs. Son dessin change pratiquement à chaque œuvre et je suis ébloui qu'un dessinateur peut changer aussi facilement son style.
Ce one-shot est un des meilleurs de Luz. On va suivre l'histoire vraie de la vie d'un tableau, Deux filles nues, qui va beaucoup se balader car victime de la censure des nazis. C'est très éducatif de voir comment était traité l'art considéré comme dégénéré par Hitler et ses copains et ce sont selon moi les meilleurs passages du livre. Une particularité de cette BD est que toute l'action se déroule du point de vue du tableau et je trouve que c'est une idée originale et qui est bien maitrisée par l'auteur, on croirait vraiment qu'on voit tout à travers le tableau ! Le dessin est très bon, contrairement à d’autres dessinateurs de presse, Luz sait comment passer de la caricature à la BD.
Je ne sais pas trop quoi ajouter de plus aux avis positifs hormis que c'est un bon album qui mérite d'être lu.
Je ne connaissais pas le podcast dont cet album est une adaptation, mais je dois dire que j'ai désormais sincèrement envie de l'écouter tant le récit a su me plaire.
Comment raconter la vie d'un personnage historique sans trop romancer le tout, sans trop déformer leur passé par notre vision moderne, sans les ériger comme des caricatures, des individus presque légendaires là où toute personne reste bien humaine ?
Ceci n'est pas une simple phrase d'accroche de ma part, il s'agit tout simplement du sujet de cet album.
Sous couvert d'un postulat romancé - ici on imagine Anne Bonny racontant ses mémoires le soir de sa mort - on cherche vraiment à demander ce qu'il faut faire de ce genre de récits du passé. Le peu d'informations que nous possédons sur Anne Bonny nous vient d'une source unique qui était plus que probablement elle-même romancée pour le public de l'époque, donc pouvons-nous vraiment affirmer que l'image que nous avons d'Anne Bonny, même la plus objective que nous puissions tenter d'établir, soit vraiment ce qui se rapproche le plus de ce à quoi sa vie a vraiment ressemblé.
L'album est régulièrement entrecoupé par les interventions de deux historien-ne-s. Iels ne sont pas d'accord sur la manière de retranscrire le personnage d'Anne Bonny, pas d'accord donc sur certains choix de cet album précis, mais leurs visions différentes sont toujours bien argumentées et apportent beaucoup à l'album. Contre toute attente, le point fort de l'album n'est pas la vie d'Anne Bonny elle-même mais bien tout le propos développé autour du besoin de retranscrire des histoires du passé, du devoir de se rapprocher le plus de la vérité et de la question de s'il est bon ou non de réinterpréter ces histoires avec nos attentes et regards bien contemporains. J'ai envie de dire, sommes-nous seulement parfaitement capables de nous affranchir de nos préconceptions sociales et de notre vision des époques retranscrites lorsque l'on aborde ces sujets-là ? Théoriquement oui, mais le simple fait que certains sujets et certaines figures historiques attirent plus que d'autres est déjà dû à nos constructions sociales contemporaines.
Ici, en tout cas, c'est romancé (il n'y a qu'à voir la fin de l'album si vous en doutiez). On cherche à s'approcher le plus possible d'une vision réaliste du personnage mais il reste le fait que toute tentative de retranscrire une vie passé finira inlassablement pas donner un résultat romancé. Alors on peut essayer au mieux de s'approcher d'une version objective des évènements, on peut-même essayer de remettre en question les sources d'époques qui étaient sans doute elles-mêmes subjectives, mais est-il réellement possible de raconter, de rendre vivant un personnage passé sans romancer le moindre aspect de sa vie ? Je dirais que non, que l'objectivité absolue est malheureusement impossible (surtout sur des évènements que nous n'avons pas personnellement vus ou vécus), mais cela ne resterait après tout que ma vision de la chose. Devrions-nous alors arrêter de raconter ces histoires passées, d’enjoliver et déformer malgré nous ces vies qui ne sont pas les nôtres ? Dans cet album on pense que non, que l'on peut chercher à peindre la réalité, à souligner les destins exceptionnels, sans pour autant reléguer ces vies en figures de cartons pâtes tout juste bonnes à imager nos argumentaires contemporains.
L'album (et donc probablement le podcast) est vraiment une porte ouverte sur une réflexion on ne peut plus passionnante.
Quoi qu'il en soit, l'album est bon. La vie d'Anne Bonny est bien retranscrite (en tout cas bien abordée et développée à partir des quelques informations véridiques ou non que nous avons récupérées de l'époque, suivez un peu je n'ai fait que le répéter), le dessin est beau, la lecture est prenante et la réflexion sur la retranscription du passé est vraiment intéressante.
Une lecture chaudement recommandée.
(Note réelle 3,5)
Missouri, XIXe siècle, un jeune garçon peu doué pour l'école décide de se lancer dans une incroyable entreprise : convoyer un millier de dindes jusqu'à Denver, Colorado, où on lui a promis qu'elles se vendraient vingt fois leur prix. Soutenu par son institutrice qui croit en lui au point de financer l'expédition, il doit affronter plus de 1000 km de prairies sauvages, ne comptant que sur lui-même et sur les rares alliés qu'il saura se faire en chemin.
Mêlant aventure initiatique et contexte historique solidement ancré, cette bande dessinée jeunesse met en avant la débrouillardise, l'esprit d'initiative et la solidarité. Le héros, présenté comme un garçon simple, presque naïf, se révèle en réalité d'une remarquable maturité. S'il n'excelle pas à l'école, il fait preuve d'un sens pratique, d'une capacité à anticiper les risques et à bien s'entourer qui forcent le respect. Sa lucidité face au danger et sa manière de composer avec les ressources humaines qu'il croise sur sa route forcent l'admiration. En lecteur pragmatique, j'étais souvent tendu à l'idée qu'il puisse tout perdre à cause d'un vol, d'une attaque animale, de dangers naturels ou simplement de la difficulté logistique à faire marcher un millier de dindes sur une telle distance. Pourtant, même si le récit porte une forme d'optimisme parfois un peu candide, il reste crédible et maintient un vrai suspense tout au long de l'aventure. La dimension humaine du récit n'est pas en reste : les liens forts qui se tissent avec ses compagnons contrastent avec le portrait sombre de son père, figure médiocre, voire détestable, qui endosse finalement le rôle de l'antagoniste principal. Le tout est servi par une narration fluide et efficace, dans un décor dépaysant et historiquement bien restitué.
La conclusion, peut-être un peu trop heureuse pour être totalement réaliste, n'enlève rien au plaisir d'une lecture pleine de chaleur, d'espoir et d'entrain. Un bel exemple de BD jeunesse réussie, intelligente et attachante.
Au fil des années, Thibault Soulcié s'est imposé comme l'un des caricaturistes les plus appréciés de la presse française. L'Equipe, Marianne, l'Est-Eclair, entre autres, font régulièrement appel à son humour grinçant pour croquer l'actualité.
Mais dix ans après l'attentat de Charlie Hebdo, son expérience et sa réflexion sur son métier l'ont amené à écrire et dessiner un ensemble d'histoires courtes pour parler de son activité si particulière. Non qu'il sente sa sécurité, sa vie, menacées, mais il y a quand même une forme d'exposition, notamment via les réseaux sociaux.
C'est l'un des aspects qu'il évoque dans ces pages, indiquant qu'il est quand même touché quand par exemple une communauté se sent agressée par un de ses dessins. Souvent il prend alors l'attache d'un(e) collègue, qui dédramatisent le problème. Il indique ainsi comment il procède pour essayer de trouver le "bon" dessin, capable d'être immédiatement compréhensible par tous les publics (en utilisant par exemple des figures maléfiques censées être connues de tous, comme Darth Vader), un processus complexe, qui lui demande une concentration maximale sur un temps limité parfois à quelques heures, quand il y a un évènement inattendu gravissime (comme des attentats...). Le challenge est également d'essayer de lier deux évènements d'actualité sur un seul dessin, un vrai travail d'équilibriste...
Parlant de son travail, Soulcié se met en scène, dans une version carrément caricaturale de lui-même, notamment au niveau capillaire. Il est également amené chaque mois à parler de son métier à des collégiens, expliquant toutes ces contraintes... et récoltant régulièrement des silences assourdissants, parfois assortis de "la gênance" bien sentis de la part d'une génération qui n'a plus vraiment de culture populaire partagée avec celles d'avant, et construisant la sienne...
Même si en lisant entre les lignes on peut discerner la crainte d'une disparition du dessin de presse, notamment avec l'arrivée de media rapidement consommés, on ne peut s'empêcher de sourire à chaque page, Soulcié étant un professionnel de l'humour (mais aussi un humain). Essentiel pour comprendre ce métier.
Dans un univers imprégné de culture japonaise médiévale, les dragons existent en êtres ambivalents, porteurs autant de bénédictions que de désastres. À l'écart de ce monde, sur une île-prison isolée, vit Isagi, bourreau de profession. Sa fonction, il la doit autant à sa dévotion qu'à son exceptionnelle maîtrise du sabre, capable d'offrir une mort sans souffrance. Un jour, un célèbre prisonnier lui révèle que ce don singulier lui permet également de percevoir la mémoire des condamnés au moment de leur exécution. Lorsque Isagi tranche finalement la tête de cet homme, devenu entretemps son mentor, il hérite d'un souvenir saisissant : cet ancien général fut condamné pour avoir vaincu un véritable dragon. C'est sur les traces de ce mystère qu'Isagi quitte l'île, accompagné du fils du défunt, déterminés à comprendre comment tuer un dragon, afin de prévenir une catastrophe imminente.
L'Âme du dragon est un seinen de fantasy mature, aussi riche par son fond que raffiné dans sa forme. Le dessin, d'une grande précision, allie maîtrise technique et clarté narrative. Malgré la présence de créatures mythiques et de duels au sabre, l'œuvre privilégie la profondeur des dialogues et la réflexion intime à la pure action. L'univers, bien que familier dans ses codes, se distingue par une originalité certaine, notamment dans sa représentation subtile et spirituelle des dragons, à la manière des légendes asiatiques. Les relations entre les personnages sont particulièrement nuancées, chacun occupant une place singulière : Isagi, bourreau sensible habité par le doute ; le général, figure puissante et affable mais résignée ; et son fils, tiraillé entre admiration, jalousie et douleur. L'ensemble dégage une grande maturité émotionnelle et narrative.
C'est une histoire pleine de potentiel qui soulève la curiosité et dont on se demande où elle va nous mener.
Note : 3,5/5
Voilà un album qui s’éloigne énormément des sentiers battus, et qui devrait être ciblé par les lecteurs curieux. En effet, c’est une histoire qui mêle loufoqueries, poésie, romance improbable, pour un rendu inclassable, mais extrêmement plaisant.
Une intrigue surprenante dans les grandes lignes, mais aussi dans les détails. A commencer par les personnages, du gros Albin, asocial amoureux et maladroit qui peine à déclarer sa flamme à Zélie, jeune femme bien plus dynamique soignant quelques blessures intimes. Autour d’eux gravitent un poisson rouge, des bidules extraterrestres, etc.
Yannick Marchat (auteur que j’ai découvert avec cet album) nous embarque dans son histoire avec quelque chose de simple, dans la narration, mais aussi dans le dessin, qui use d’un chouette Noir et Blanc, avec des cases parfois très détaillées, quand d’autres sont avares de décors et d’arrière-plan.
Voilà un album que j’ai acheté un peu au hasard (la couverture m’avait fait penser à une maquette de Cornélius), hasard qui, comme chacun sait, fait parfois bien les choses. Ça a en tout cas été le cas ici, pour ce coup de cœur.
Au vu du titre je m’attendais à un documentaire, me demandant quand même ce que les corsaires faisaient là. Eh bien en fait ça n’est pas du tout un documentaire, et il n’y a aucun corsaire à l’horizon ! En cela le titre est sans doute la seule chose que j’ai trouvée un peu décevante. Autre petit bémol, la nouvelle couverture, que j’ai trouvée bien moins réussie que celle de la première édition que j’ai lue.
Pour le reste, c’est un récit historique finalement assez classique, mais très réussi dans son genre. Les chapitres permettent de s’attacher aux quelques protagonistes que nous suivons, et de nous familiariser avec cette guerre sous-marine au cœur du récit (dans l’Atlantique nord, mais aussi dans l’océan Indien et dans le Pacifique).
Toutes les parties purement militaires sont bien développées. C’est aussi le cas pour la partie psychologique, autour de ce sous-officier qui, ayant commis deux grosses bourdes, galère auprès de ses supérieurs pour redorer son image et obtenir le commandement d’un sous-marin. La fin de ce bras de fer est quelque peu surprenante, mais ça tient finalement la route.
En épilogue, les auteurs ajoutent une touche quelque peu uchronique et fantastique, autour de lettres laissées par le héros, expliquant sa disparition et celle de son équipage. Une fin surprenante et pas désagréable.
A noter que si le récit guerrier est classique et sans doute old school, le dessin, lui, et plutôt moderne. Et lui aussi agréable et réussi. J’ai bien aimé le rendu en tout cas.
Bref, une histoire de sous-mariniers qui se révèle plaisante à lire.
Quand on sait que le salaire moyen pour une femme à Bucarest est de 400 euros…
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Christophe Bec pour le scénario, par Christian Pacariu pour les dessins, et par Alex Guimares pour la couleur. Il comprend quatre-vingt-dix-sept pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec un texte introductif d’une page, rédigé par le scénariste qui indique que les hasards de la vie l’ont amené à faire plusieurs voyages en Roumanie et à y rester quelque temps. Il continue : en additionnant tous ces séjours, il a en fait vécu plusieurs mois à Bucarest, dans le Secteur 5 précisément, bien loin des parcours de la capitale. Il attire l’attention sur le fait qu’en réalité, le peuple roumain est un peuple latin et non pas slave, accueillant, joyeux et chaleureux. Dans le même temps, en observant, en parlant avec certains habitants, en réfléchissant sur les différences entre la France et la Roumanie, il a eu l’envie d’écrire un récit, et des choses qu’il a pu entrapercevoir, telle l’omniprésence de la corruption, de la mafia et de l’industrie du sexe, à demi dissimulées, l’ont rapidement dirigé vers un récit de genre, entre le polar noir et le Thriller.
À San Diego, dans le sud de la Californie, aux États-Unis, un homme handicapé, nu dans son fauteuil roulant, a plusieurs capteurs et stimulateurs sur le corps, dont un dans la verge. Il mate un écran dont le programme produit un effet stimulant intense, qui se répercute dans son corps, dans son rythme cardiaque. Sans qu’il ne s’en soit aperçu, un homme dont le visage est masqué par une capuche est entré dans la pièce. Quand il s’en rend compte, il est déjà trop tard : l’intrus a augmenté les stimuli à travers les électrodes, et le paralytique succombe à une surexcitation fatale. Au centre régional de transit de Bucarest, Calea Giulesti, dans le secteur 1, Peyo Carbajal ouvre le courrier qu’il a reçu et se frappe la tête contre le montant de son vestiaire : sa demande de mutation dans le secteur 5 a été rejetée une nouvelle fois., ça fait la dixième fois. Ses collègues sortent du vestiaire, le laissant seul. Puis Simona y entre à son tour, une jeune femme avenante, elle lui demande si ça va. Il lui répond que non et qu’il va aller se prendre une murge dans la vieille ville. Elle lui recommande prendre soin de lui.
Peyo Carbajal se rend dans un bar à danseuses, et il s’assoit pour siroter une bière. Une pole-danseuse lui propose de s’isoler et qu’elle lui fasse un extra. Il la repousse sans ménagement. Dans le secteur 5, l’inspecteur Marian Ferentari arrive sur le lieu d’un crime : une villa cossue. Les policiers sont en train d’évacuer les deux enfants et l’épouse. Ils surnomment l’inspecteur avec le terme de Cafard, comme dans les couloirs du commissariat, comme ces cafards qui ne voient jamais le jour. Lorsqu’il passe devant eux, ils le saluent froidement. Il arrive dans le salon où gît encore le cadavre. Il demande au policier présent de lui faire le topo, sans fioriture. Son interlocuteur s’exécute : les deux gamins sont en état de choc, ils ont été amenés dans le secteur 1, à l’hôpital central des enfants.la victime était avocat en droit de la famille, casier vierge. Pas d’ennemi connu, mouillé dans aucune affaire de corruption, aucun lien avec la mafia. Pas de caméra de surveillance.
A priori, une simple série B, un polar au ton dur et cynique de circonstance pour un tel exercice de style, des meurtres répugnants, la traque d’un tueur en série dans Bucarest, pour une affaire forcément liée à une des facettes de l‘industrie du sexe, en cohérence avec la réputation de cette capitale. Le lecteur découvre les premières pages et son a priori se voit confirmé. Un premier crime avec nudité masculine, tueur mystérieux à l’identité cachée par sa capuche, handicapé en pleine pratique d’excitation sexuelle, en solitaire. Petite exagération visuelle avec deux ou trois zones de combustion corporelle. Une bonne densité de cases : une dizaine par page, un gros plan sur le sexe en érection. Une mise en couleurs sombre et un encrage appuyé. Impression confirmée avec les deux scènes suivantes : couleurs cafardeuses, dessins descriptifs et réalistes, avec des contours non lissés, donnant une impression âpre et brut de décoffrage. À nouveau une dizaine de cases par page, voire plus, avec des cadrages donnant une sensation d’étroitesse, entre focalisation sur des détails sordides ou dégradants, et un ressenti d’enfermement dans un quotidien à l’horizon bouché. Enfants témoins de l’assassinat de leur père, mutilation du corps comme pour un rituel évoquant la maladie mentale du meurtrier, studio photographique dans le sous-sol avec des centaines de clichés de femmes nues, des jeunes, des moins jeunes, des vieilles même. Le ton est donné : glauque.
Rapidement, le lecteur ressent bien les conventions du polar, ainsi que la profondeur qu’il attend de ce genre. L’usage des figures de style associées à ce genre vont plus loin que les situations ou les visuels crades pour choquer ou pour racoler. Le personnage principal présente toutes les caractéristiques attendues de l’enquêteur tendance perdant de la vie. Pour une raison ou pour une autre, il a été écarté des affaires sensibles ou intéressantes, il est mal considéré de ses collègues qui le qualifient de cafard, parfois en sa présence quand ils oublient de faire attention. Sa femme l’a quitté, et il se complaît dans cette situation familiale, convaincu que les femmes qu’il juge belles ne sont intéressées que par les hommes disposant d’argent et le dépensant avec libéralité, roulant dans de grosses bagnoles tape-à-l’œil. Il a recours aux prostituées mais uniquement pour des fellations, craignant trop de se choper une maladie. Il se montre brut de décoffrage dans ses relations avec autrui. Il se montre totalement dépourvu d’empathie en interrogeant les deux enfants ayant vu leur père assassiné sous leurs yeux. Il s’avère incapable d’une parole réconfortante vis-à-vis de la veuve prosternée devant lui en l’implorant de retrouver l’assassin. En son for intérieur, il a pleinement conscience de cette faille dans son caractère, il se dit que : Les effusions, l’empathie, ce genre de choses, ça n’a jamais vraiment été sa came, pour ça il est une sorte d’handicapé émotionnel. Il sait qu’il aurait dû serrer cette pauvre femme dans ses bras, la rassurer, mais c’est quelque chose dont il est totalement incapable. Les dessins montrent un individu normalement constitué, avec une carrure un peu carrée, portant un imperméable par-dessus une chemise blanche et une cravate, avec le visage souvent fermé, ne souriant jamais. Le lecteur peut voir un individu n’éprouvant pas de plaisir dans la vie, ni dans ses moments de solitude, ni dans ses relations sociales, tout en restant animé par une forme de vague envie d’être utile dans la fonction de la police.
Les auteurs savent montrer que cette forme de résignation à la fatalité de l’ordre choses tel qu’il habite d’autres personnages comme la camgirl Amalya Buluci, le tueur bien sûr, et quelques autres. Du coup, il suffit du comportement normal des deux policiers Mihai & Stefania pour souligner l’accablement qui pèse sur les autres. Le scénariste fait mener une enquête à son personnage principal, en respectant les phases de recherche d’indice, d’interrogatoire, de chance, un travail professionnel laborieux et sans éclat, lent et incertain. La narration visuelle sait montrer le quotidien très ordinaire de ces phases : être assis à un bureau très quelconque, rentrer chez soi en transport en commun, la solitude du petit appartement, le constat pragmatique des circonstances de la mort sur le lieu d’un crime, les recherches internet, les périodes de réflexion. Le lecteur se rend compte que le nombre élevé de cases par page, leur petite taille fonctionnent parfaitement pour rendre compte de ce quotidien. Les auteurs savent alterner cette routine professionnelle avec le quotidien tout aussi prosaïque du tueur dans son milieu professionnel et dans sa vie privée tout aussi banale et commune, et les moments où il passe à l’acte, des scènes violentes et soudaines, méthodiques et froides. Enfin, il y a donc ces meurtres, presque des exécutions : là encore le scénariste ne s’embarrasse pas de fioritures et le dessinateur reste dans un registre très factuel. Il montre clairement la brutalité et la mort violente, sans en rajouter ni dans le spectaculaire, ni dans une envolée romantique.
Le lecteur en ressort avec sa dose de violence et de sexe, de comportements charriant une forme de renoncement à l’espoir d’un monde meilleur, d’accablement du quotidien et d’une société gangrénée par une criminalité systémique qui ne laisse d’autre choix que d’en être partie prenante. La narration visuelle reste à un niveau terre à terre, rien d’enthousiasmant, si ce n’est son efficacité. D’ailleurs, ces caractéristiques finissent par s’imprimer dans la tête du lecteur : des dessins fonctionnels, en fait à l’unisson d’une narration tout aussi fonctionnelle. Une production d’un trio d’artisans (scénariste, dessinateur, coloriste) maîtrisant leur métier, réalisant un polar très correct. Un peu plus que correct même. Il y a peut-être une exagération dans le sens où ils choisissent les points de vue venant insister sur ces aspects déprimants de la vie, sans jamais en mettre en scène d’autres : zéro chaleur humaine, zéro solidarité, zéro plaisir, juste une accumulation d’éléments négatifs. Le lecteur se dit que cela correspond à la vision que Marian Ferentari a de la vie. Ses pensées intérieures viennent conforter cette impression : les Bucarestois préfèrent s’endetter sur vingt-cinq ans pour acquérir une BM ou une Benz, se serrer la ceinture et remplir le réservoir de gasoil plutôt que le frigo, inhaler à longueur de journée du monoxyde de carbone, du dioxyde d’azote et des particules fines d’hydrocarbures cancérogènes. Ou encore : Quand bien même chaque Bucarestois raquerait docilement pour prendre les transports en commun, cette manne serait détournée pour tomber directement dans les poches d’employés corrompus du ministère, qui s’enverraient l’air avec des escort girls de luxe dans les suites douillettes des cinq étoiles de la capitale. Tout est biaisé, vérolé, rongé jusqu’à la moelle ! Et encore : Les salaires des flics sont une misère, alors pour arrondir les fins de mois, soit on se laisse arroser, soit on tente des coups au jeu ou au casino. Personne n’a le choix ici. De toute façon, c’est la règle quand tout marche de traviole. Des milliers de personnes manifestent devant le parlement depuis des mois, mais rien ne change. Le nouveau président, qui s’est fait élire sur un programme anti-corruption, a dû virer quasiment tout son gouvernement… Trop d’entre eux trempaient dans de sales histoires : drogue, sexe, corruption… Quand c’était pas les trois à la fois.
Un polar de plus, à base d’industrie du sexe et de crimes sans pitié pour attirer le lecteur ? Il y a un peu de ça de prime abord, avec en plus la réputation de Bucarest pour ses filles et sa mafia. D’ailleurs la narration visuelle semble très fonctionnelle, et le scénario plutôt linéaire. D’un autre côté, c’est un polar réussi qui tient en haleine du début à la fin, avec les conventions de genre attendues, et juste ce qu’il faut d’originalité pour ne pas pouvoir être réduit à un produit industriel. L’effet cumulatif se fait progressivement ressentir, entre l’état d’esprit blasé et résigné du personnage principal, la bonne connaissance de la ville et de cette partie de la population, l’intrigue bien construite : une vision prosaïque de la banalité du quotidien, une plausibilité qui finit par faire froid dans le dos, entre la pulsion sexuelle des hommes, et la célébrité internationale des camgirls. Loin d’être inoffensif.
Bon je réécris mon avis car il était, effectivement, bien trop dithyrambique.
J'aime beaucoup cet album et le trouve honnêtement très réussi, mais je m'étais bien trop emballée dans mes propos et ai ensuite essayé de corriger plusieurs fois pour adoucir mon discours sans jamais vraiment parvenir à refléter ce que je pense vraiment de l'album. Alors, après avoir mis cinq étoiles pour appuyer mon ressenti sur la qualité technique de l’œuvre, puis quatre et un coup de cœur pour revenir en arrière mais tout de même appuyer mon ressenti positif, je me rabat finalement sur un quatre étoiles tout rond, bien plus proche de mon ressenti réel.
L'album reste très bon, je le trouve toujours très frais et agréable à lire, mais je vais me montrer plus modérée dans mes paroles.
Pourquoi m'étais-je autant emballée à la base ? Parce que l'album est bon, très bon même. Pas une révolution dans son genre ni une source de réflexions profondes mais une œuvre finement construite. En fait, pour faire court, je trouve la construction de l'album excellente, ne serait-ce que du point de vue technique : le rythme parvient à rester prenant sans jamais réellement faire de pauses, les dialogues sont vifs, le personnage principal est une grande-gueule à l'égo surdimensionné et à la psyché chaotique qui parvient à rester attachante tout du long, le dessin de Lafebre est beau, vif et travaillé, … Bref, sur le plan technique, c'est du bon.
Bon, tout n'est pas parfait non plus. Encore une fois, l'album ne révolutionne pas le genre du polar et ne va pas nécessairement chambouler votre vision du monde (ou même vous pousser à la réflexion sur un sujet), il se contente simplement de raconter une histoire prenante par le simple fait de sa construction narrative sur deux plans et son personnages principal dont la personnalité d'apparence plus que farfelue est moteur de l'intrigue. Du bon, donc, mais encore faut-il apprécier le genre. Personnellement j'aime beaucoup les narrations non-linéaires, les histoires centrées sur la psychologie et les personnages qui sous leur apparence loufoque cache un être plus complexe, donc même si les polars ne sont pas nécessairement mes récits préférés (les poncifs du genre me laissent de marbre) je partais avec de bonnes appréhensions. Mais même si l'album brille par la personnalité d'Eva et ses méthodes peu conventionnelles, l'enquête n'en est pas moins un peu trop simple et convenue par moment.
L'œuvre reste très bonne, une lecture sincèrement très agréable et de très bonne qualité.
Je tenais simplement à venir réécrire cet avis dans lequel je m'étais malheureusement un peu trop emballée.
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Björk - Une femme islandaise
C’est l’arbre de l’endurance, de l’énergie, de l’espoir. Même dans les pires circonstances. - Ce tome contient une histoire complète de nature biographique, sur la chanteuse Björk, qui ne nécessite pas de connaissances préalables sur sa vie ou son œuvre. Son édition originale date de 2015. Il a été réalisé par Guillaume Lebeau pour le scénario et par Christelle Pécout pour les dessins et les couleurs. Il comprend cent-quatorze pages de bande dessinée. En 2014, un ours polaire sur un bloc de glace traverse la mer de Norvège, allant vers l’Islande. Dans la maternité de Reykjavik, la sage-femme enjoint de pousser à Hildur Rúna Hauksdóttir. Ce dimanche 21 novembre 1965, cette dernière éprouve la sensation d’être un volcan, une terre en formation, elle entre en éruption. La sage-femme lui demande de se concentrer et d’arrêter de délirer, voici le bébé. C’est une fille et elle est en pleine forme. Le père est dans la salle d’attente et il n’entend pas le téléphone, il dort devant les informations : Une éruption sous-marine débutée fin octobre à un kilomètre de Surtsey est en train de donner naissance à une île. La sage-femme vient le chercher et lui indique que tout le monde est en parfaite santé. Sa femme lui propose le nom de leur fille : Björk, le bouleau. Elle est jolie, et aussi rare que les arbres islandais. Le boulot, c’est l’arbre de l’endurance, de l’énergie, de l’espoir, même dans les pires circonstances. Le père accepte, va pour Björk Gusdmundsdóttir, la fille de Gusdmundur. En 1967, dans un appartement de Reykjavik, Hildur prépare un repas, alors que sa fille est dans une chaise haute. Son mari revient à a maison, et explique qu’il avait beaucoup de boulot. Elle lui indique que Björk a encore pleuré toute la nuit, la pauvre, que, elle, Hildur, n’en peut plus de rester à la maison, cuisiner, se faire belle en attendant le retour de son mari, ce n’est pas elle. Elle veut partir, le quitter. En novembre 1968, la mère de Gusdmundur lui rend visite : elle voit Björk en train de jouer du piano. Le père explique qu’elle a entendu une fois cet air à la radio et qu’elle arrive à la jouer en se souvenant des paroles, c’est incroyable. La mère indique que c’est une chanson de la Mélodie du bonheur, et qu’elle adore cette comédie musicale, et que Björk aussi visiblement. Puis ils évoquent le départ le départ de Hildur : son mari dit que son père était très dur, il pense qu’il la battait. Il sait que lui est un électricien pragmatique, et que sa femme a besoin de se sentir libre, du coup ils se sont séparés, ils refont leur vie. Il pense que leur fille Björk sera le fruit de leurs différences : elle aura la liberté que sa mère n’a pas eue. Novembre 1968, dans le bus, la fille et le père discute, sur le fait que l’Islande est un petit pays, sur le fait qu’il n’a pas de voiture. Björk décide de faire un spectacle dans le bus en jouant de la flute. Elle déclare aux autres passagers qu’elle va jeter de la couleur dans leur vie. 1970, Hildur s’est remariée, elle et sa fille, avec des amis, vont faire voler des cerfs-volants. Björk discute avec sa mère, lui demandant si on est libre d’aimer qui on veut et autant de fois qu’on veut. Sa mère lui répond qu’on est libre comme le vent. Une biographie d’une artiste musicale extraordinaire, une Islandaise auteure-compositrice-interprète, actrice, productrice, ayant réalisé des albums remarquables dans des registres comprenant musique électronique, electronica, musique alternative, musique expérimentale, pop, art pop, avant-pop, rock alternatif, new wave, trip hop, musique folk, jazz, musique contemporaine, musique concrète. La biographie débute avec sa naissance et s’arrête le 21 mai 2000, lors de la séance de remise des prix du festival de Cannes, puis de la conférence de presse avec l’intervention de Lars von Trier et de Björk, pour la Palme d’Or et le prix d’interprétation féminine pour Björk. La suite de la carrière de l’artiste n’est pas abordée : cette biographie s’arrête avant Vespertine (2001). Le sous-titre s’avère explicite : une femme islandaise. Les auteurs évoquent la vie de l’artiste aussi bien sous l’angle de sa vie personnelle, que de sa vie professionnelle, en intégrant ses origines socio-culturelles, et en particulier son pays de naissance, ainsi qu’un pan de son histoire. Ainsi le lecteur peut être déconcerté par la prise de position explicite de Björk concernant les Danois à l’occasion de sa collaboration avec Graham Vernon Massey, britannique, producteur de disque, musicien, remixer, elle lui dit qu’elle est l’héritière de mille deux cents ans de gènes insulaires qui lui disent qu’elle se doit de lutter contre des ennemis largement plus grands qu’elle. Lors de cette conversation, Björk continue en s’adressant à son producteur : Il peut la définir en un mot, Islandaise. Elle a l’énergie des gens de son pays, une foi en ses moyens et un optimisme à tout épreuve. En Islande, on ne s’apitoie pas sur son sort. On ne connaît pas ça, on va de l’avant. Tout du long, la narration visuelle donne voir différentes facettes de ce pays, qui comptait entre deux cent mille et deux cent cinquante mille habitants à la naissance de Björk. La première vue en extérieure correspond an voyage en bus : un temps un peu gris, de la neige, un fjord. Les fins traits encrés détourent des contours simplifiés, tout en s’inscrivant un registre descriptif et réaliste. Le lecteur n’est pas bien sûr de pouvoir identifier les modèles de voitures ou du bus, en revanche les habitations présentent des caractéristiques spécifiques à cette région du monde et à cette époque. Par la suite, il peut admirer ou se projeter en bord d’océan pour faire voler des cerfs-volants, autour d’un poêle à bois pour une soirée. Il court avec Björk dans une prairie verdoyante et s’arrête avec elle pour contempler les fleurs. Puis dans la séquence suivante, il est frappé par le contraste avec la lave et les projections de scorie lors de l’éruption du l’Eldfell qui a commencé en janvier 1973, et se poursuit en février de la même année, ravageant une partie de l’île d’Heimaey. Le journaliste télé explique que désormais la lave se dirige vers le nord-ouest, en direction des habitations. Il poursuit : les autorités ont décidé d’arroser le front de la coulée pour figer la lave, la ralentir et édifier ainsi une barrière naturelle. Selon les experts, six millions de mètres cubes d’eau seront nécessaires pour permettre de solidifier vingt mille mètres cubes de lave par heure. Le lecteur peut également voir un ours sur une rive, une usine d’embouteillage, un port de pêche, une usine de poissons, et bien sûr plusieurs lieux dédiés à la musique pour des concerts ou des enregistrements. Ainsi l’incidence du lieu de naissance et du pays de Björk apparaissent clairement aux yeux du lecteur. Les échanges entre personnages en soulignent d’autres facettes : la petitesse du pays, la place des femmes dans ce pays et leur liberté (par exemple au travers de Vigdis Finnbogadóttir, présidente de l'Islande entre 1980 et 1996, au cours de quatre mandats successifs. Elle est la première femme au monde élue au suffrage universel direct à la tête d'un État), le ressenti de vivre dans un pays qui n’est pas le sien (quand elle s’installe en Angleterre, puis en Espagne), et incidemment le constat que nul n’est prophète en son pays (Ça l’énerve qu’en Islande les médias ne commencent à s’intéresser à son groupe qu’en réaction à son succès à l’étranger…). Le lecteur peut donc suivre la carrière musicale de l’artiste, depuis ce solo de flute dans le car en 1968, jusqu’à Selmasongs en 2000. Les dessins la montrent en train de jouer du piano devant sa grand-mère, en train d‘écouter le nouveau compagnon de sa mère jouer de la guitare, en train de voir le producteur mixer son premier album dans un studio de Reykjavik en 1977, en concert avec son premier groupe Tappi Tíkarrass, puis au sein de KUKL, en concert à l’étranger avec The Sugar Cubes et la couverture des deux magazines NME et Melody Maker, enregistrer son album Gling-Gló (1990) avec Tríó Guðmundar Ingólfssonar, et évoquer le morceau Bedtime Stories (1994) qu’elle a écrit pour Madonna. Les dessins ne parviennent pas complètement à rendre compte des tenues de scène de Björk, ni de l’interprétation surréaliste de (I can’t get no) Satisfaction, avec P.J. Harvey à Londres, à l’occasion de la cérémonie des Brit Awards. Le récit montre à quel point il est impossible de séparer l’artiste de la femme. Il évoque aussi bien l’incident de février 1996 à l’aéroport de Bangkok où Björk s’en est prise à une journaliste non sans raison, que les collaborations avec Einar Örn Benediktsson, Graham Vernon, Jean-Baptiste Mondino, Michel Gondry, Nellee Hooper de Soul II Soul, le DJ, compositeur de musique électronique Goldie, Lars von Trier. Il met en scène la découverte d’un colis contenant un livre piégé à l’acide sulfurique, envoyé par un fan : Ricardo Lopez qui s’est tiré une balle dans la bouche, laissant huit cents pages de journaux intimes et des heures de journal vidéo, dont un enregistrement de son suicide, avec en fond sonore l’une des chansons de Björk. Manifestement, il n’a pas supporté sa relation avec l’artiste Goldie, un Noir avant tout selon lui. Au travers de ces trois composantes, origine islandaise, musique et vie privée, le lecteur voit se composer un portrait d’une grande cohérence, quant au caractère de l’artiste, à sa créativité, à son comportement et son inspiration. Un beau défi que de brosser le portrait d’un artiste aussi atypique que Björk, sans égale. Les auteurs savent combiner une structure chronologique traditionnelle pour la dimension biographique, avec un regard sur la création de ses œuvres et l’évolution de sa carrière, au regard de ses origines, des spécificités sociales et culturelles de l’Islande. La narration visuelle reste dans un registre factuel, sans essayer de se mesurer aux univers foisonnant de cette créatrice hors pair et de ses collaborations. Le lecteur en ressort avec l’envie et la motivation de se confronter à nouveau à sa musique qui peut s’avérer exigeante.
Deux Filles nues
3.5 Luz continue de bâtir une œuvre diverse et intéressante. Même si je n'ai pas aimé tous ses albums, au moins il explore différents horizons et essaie des trucs. Son dessin change pratiquement à chaque œuvre et je suis ébloui qu'un dessinateur peut changer aussi facilement son style. Ce one-shot est un des meilleurs de Luz. On va suivre l'histoire vraie de la vie d'un tableau, Deux filles nues, qui va beaucoup se balader car victime de la censure des nazis. C'est très éducatif de voir comment était traité l'art considéré comme dégénéré par Hitler et ses copains et ce sont selon moi les meilleurs passages du livre. Une particularité de cette BD est que toute l'action se déroule du point de vue du tableau et je trouve que c'est une idée originale et qui est bien maitrisée par l'auteur, on croirait vraiment qu'on voit tout à travers le tableau ! Le dessin est très bon, contrairement à d’autres dessinateurs de presse, Luz sait comment passer de la caricature à la BD. Je ne sais pas trop quoi ajouter de plus aux avis positifs hormis que c'est un bon album qui mérite d'être lu.
La Dernière Nuit d'Anne Bonny
Je ne connaissais pas le podcast dont cet album est une adaptation, mais je dois dire que j'ai désormais sincèrement envie de l'écouter tant le récit a su me plaire. Comment raconter la vie d'un personnage historique sans trop romancer le tout, sans trop déformer leur passé par notre vision moderne, sans les ériger comme des caricatures, des individus presque légendaires là où toute personne reste bien humaine ? Ceci n'est pas une simple phrase d'accroche de ma part, il s'agit tout simplement du sujet de cet album. Sous couvert d'un postulat romancé - ici on imagine Anne Bonny racontant ses mémoires le soir de sa mort - on cherche vraiment à demander ce qu'il faut faire de ce genre de récits du passé. Le peu d'informations que nous possédons sur Anne Bonny nous vient d'une source unique qui était plus que probablement elle-même romancée pour le public de l'époque, donc pouvons-nous vraiment affirmer que l'image que nous avons d'Anne Bonny, même la plus objective que nous puissions tenter d'établir, soit vraiment ce qui se rapproche le plus de ce à quoi sa vie a vraiment ressemblé. L'album est régulièrement entrecoupé par les interventions de deux historien-ne-s. Iels ne sont pas d'accord sur la manière de retranscrire le personnage d'Anne Bonny, pas d'accord donc sur certains choix de cet album précis, mais leurs visions différentes sont toujours bien argumentées et apportent beaucoup à l'album. Contre toute attente, le point fort de l'album n'est pas la vie d'Anne Bonny elle-même mais bien tout le propos développé autour du besoin de retranscrire des histoires du passé, du devoir de se rapprocher le plus de la vérité et de la question de s'il est bon ou non de réinterpréter ces histoires avec nos attentes et regards bien contemporains. J'ai envie de dire, sommes-nous seulement parfaitement capables de nous affranchir de nos préconceptions sociales et de notre vision des époques retranscrites lorsque l'on aborde ces sujets-là ? Théoriquement oui, mais le simple fait que certains sujets et certaines figures historiques attirent plus que d'autres est déjà dû à nos constructions sociales contemporaines. Ici, en tout cas, c'est romancé (il n'y a qu'à voir la fin de l'album si vous en doutiez). On cherche à s'approcher le plus possible d'une vision réaliste du personnage mais il reste le fait que toute tentative de retranscrire une vie passé finira inlassablement pas donner un résultat romancé. Alors on peut essayer au mieux de s'approcher d'une version objective des évènements, on peut-même essayer de remettre en question les sources d'époques qui étaient sans doute elles-mêmes subjectives, mais est-il réellement possible de raconter, de rendre vivant un personnage passé sans romancer le moindre aspect de sa vie ? Je dirais que non, que l'objectivité absolue est malheureusement impossible (surtout sur des évènements que nous n'avons pas personnellement vus ou vécus), mais cela ne resterait après tout que ma vision de la chose. Devrions-nous alors arrêter de raconter ces histoires passées, d’enjoliver et déformer malgré nous ces vies qui ne sont pas les nôtres ? Dans cet album on pense que non, que l'on peut chercher à peindre la réalité, à souligner les destins exceptionnels, sans pour autant reléguer ces vies en figures de cartons pâtes tout juste bonnes à imager nos argumentaires contemporains. L'album (et donc probablement le podcast) est vraiment une porte ouverte sur une réflexion on ne peut plus passionnante. Quoi qu'il en soit, l'album est bon. La vie d'Anne Bonny est bien retranscrite (en tout cas bien abordée et développée à partir des quelques informations véridiques ou non que nous avons récupérées de l'époque, suivez un peu je n'ai fait que le répéter), le dessin est beau, la lecture est prenante et la réflexion sur la retranscription du passé est vraiment intéressante. Une lecture chaudement recommandée. (Note réelle 3,5)
La Longue Marche des Dindes
Missouri, XIXe siècle, un jeune garçon peu doué pour l'école décide de se lancer dans une incroyable entreprise : convoyer un millier de dindes jusqu'à Denver, Colorado, où on lui a promis qu'elles se vendraient vingt fois leur prix. Soutenu par son institutrice qui croit en lui au point de financer l'expédition, il doit affronter plus de 1000 km de prairies sauvages, ne comptant que sur lui-même et sur les rares alliés qu'il saura se faire en chemin. Mêlant aventure initiatique et contexte historique solidement ancré, cette bande dessinée jeunesse met en avant la débrouillardise, l'esprit d'initiative et la solidarité. Le héros, présenté comme un garçon simple, presque naïf, se révèle en réalité d'une remarquable maturité. S'il n'excelle pas à l'école, il fait preuve d'un sens pratique, d'une capacité à anticiper les risques et à bien s'entourer qui forcent le respect. Sa lucidité face au danger et sa manière de composer avec les ressources humaines qu'il croise sur sa route forcent l'admiration. En lecteur pragmatique, j'étais souvent tendu à l'idée qu'il puisse tout perdre à cause d'un vol, d'une attaque animale, de dangers naturels ou simplement de la difficulté logistique à faire marcher un millier de dindes sur une telle distance. Pourtant, même si le récit porte une forme d'optimisme parfois un peu candide, il reste crédible et maintient un vrai suspense tout au long de l'aventure. La dimension humaine du récit n'est pas en reste : les liens forts qui se tissent avec ses compagnons contrastent avec le portrait sombre de son père, figure médiocre, voire détestable, qui endosse finalement le rôle de l'antagoniste principal. Le tout est servi par une narration fluide et efficace, dans un décor dépaysant et historiquement bien restitué. La conclusion, peut-être un peu trop heureuse pour être totalement réaliste, n'enlève rien au plaisir d'une lecture pleine de chaleur, d'espoir et d'entrain. Un bel exemple de BD jeunesse réussie, intelligente et attachante.
Dans la tête d'un dessinateur de presse
Au fil des années, Thibault Soulcié s'est imposé comme l'un des caricaturistes les plus appréciés de la presse française. L'Equipe, Marianne, l'Est-Eclair, entre autres, font régulièrement appel à son humour grinçant pour croquer l'actualité. Mais dix ans après l'attentat de Charlie Hebdo, son expérience et sa réflexion sur son métier l'ont amené à écrire et dessiner un ensemble d'histoires courtes pour parler de son activité si particulière. Non qu'il sente sa sécurité, sa vie, menacées, mais il y a quand même une forme d'exposition, notamment via les réseaux sociaux. C'est l'un des aspects qu'il évoque dans ces pages, indiquant qu'il est quand même touché quand par exemple une communauté se sent agressée par un de ses dessins. Souvent il prend alors l'attache d'un(e) collègue, qui dédramatisent le problème. Il indique ainsi comment il procède pour essayer de trouver le "bon" dessin, capable d'être immédiatement compréhensible par tous les publics (en utilisant par exemple des figures maléfiques censées être connues de tous, comme Darth Vader), un processus complexe, qui lui demande une concentration maximale sur un temps limité parfois à quelques heures, quand il y a un évènement inattendu gravissime (comme des attentats...). Le challenge est également d'essayer de lier deux évènements d'actualité sur un seul dessin, un vrai travail d'équilibriste... Parlant de son travail, Soulcié se met en scène, dans une version carrément caricaturale de lui-même, notamment au niveau capillaire. Il est également amené chaque mois à parler de son métier à des collégiens, expliquant toutes ces contraintes... et récoltant régulièrement des silences assourdissants, parfois assortis de "la gênance" bien sentis de la part d'une génération qui n'a plus vraiment de culture populaire partagée avec celles d'avant, et construisant la sienne... Même si en lisant entre les lignes on peut discerner la crainte d'une disparition du dessin de presse, notamment avec l'arrivée de media rapidement consommés, on ne peut s'empêcher de sourire à chaque page, Soulcié étant un professionnel de l'humour (mais aussi un humain). Essentiel pour comprendre ce métier.
L'Âme du dragon
Dans un univers imprégné de culture japonaise médiévale, les dragons existent en êtres ambivalents, porteurs autant de bénédictions que de désastres. À l'écart de ce monde, sur une île-prison isolée, vit Isagi, bourreau de profession. Sa fonction, il la doit autant à sa dévotion qu'à son exceptionnelle maîtrise du sabre, capable d'offrir une mort sans souffrance. Un jour, un célèbre prisonnier lui révèle que ce don singulier lui permet également de percevoir la mémoire des condamnés au moment de leur exécution. Lorsque Isagi tranche finalement la tête de cet homme, devenu entretemps son mentor, il hérite d'un souvenir saisissant : cet ancien général fut condamné pour avoir vaincu un véritable dragon. C'est sur les traces de ce mystère qu'Isagi quitte l'île, accompagné du fils du défunt, déterminés à comprendre comment tuer un dragon, afin de prévenir une catastrophe imminente. L'Âme du dragon est un seinen de fantasy mature, aussi riche par son fond que raffiné dans sa forme. Le dessin, d'une grande précision, allie maîtrise technique et clarté narrative. Malgré la présence de créatures mythiques et de duels au sabre, l'œuvre privilégie la profondeur des dialogues et la réflexion intime à la pure action. L'univers, bien que familier dans ses codes, se distingue par une originalité certaine, notamment dans sa représentation subtile et spirituelle des dragons, à la manière des légendes asiatiques. Les relations entre les personnages sont particulièrement nuancées, chacun occupant une place singulière : Isagi, bourreau sensible habité par le doute ; le général, figure puissante et affable mais résignée ; et son fils, tiraillé entre admiration, jalousie et douleur. L'ensemble dégage une grande maturité émotionnelle et narrative. C'est une histoire pleine de potentiel qui soulève la curiosité et dont on se demande où elle va nous mener. Note : 3,5/5
Albin et Zélie
Voilà un album qui s’éloigne énormément des sentiers battus, et qui devrait être ciblé par les lecteurs curieux. En effet, c’est une histoire qui mêle loufoqueries, poésie, romance improbable, pour un rendu inclassable, mais extrêmement plaisant. Une intrigue surprenante dans les grandes lignes, mais aussi dans les détails. A commencer par les personnages, du gros Albin, asocial amoureux et maladroit qui peine à déclarer sa flamme à Zélie, jeune femme bien plus dynamique soignant quelques blessures intimes. Autour d’eux gravitent un poisson rouge, des bidules extraterrestres, etc. Yannick Marchat (auteur que j’ai découvert avec cet album) nous embarque dans son histoire avec quelque chose de simple, dans la narration, mais aussi dans le dessin, qui use d’un chouette Noir et Blanc, avec des cases parfois très détaillées, quand d’autres sont avares de décors et d’arrière-plan. Voilà un album que j’ai acheté un peu au hasard (la couverture m’avait fait penser à une maquette de Cornélius), hasard qui, comme chacun sait, fait parfois bien les choses. Ça a en tout cas été le cas ici, pour ce coup de cœur.
Les Derniers corsaires
Au vu du titre je m’attendais à un documentaire, me demandant quand même ce que les corsaires faisaient là. Eh bien en fait ça n’est pas du tout un documentaire, et il n’y a aucun corsaire à l’horizon ! En cela le titre est sans doute la seule chose que j’ai trouvée un peu décevante. Autre petit bémol, la nouvelle couverture, que j’ai trouvée bien moins réussie que celle de la première édition que j’ai lue. Pour le reste, c’est un récit historique finalement assez classique, mais très réussi dans son genre. Les chapitres permettent de s’attacher aux quelques protagonistes que nous suivons, et de nous familiariser avec cette guerre sous-marine au cœur du récit (dans l’Atlantique nord, mais aussi dans l’océan Indien et dans le Pacifique). Toutes les parties purement militaires sont bien développées. C’est aussi le cas pour la partie psychologique, autour de ce sous-officier qui, ayant commis deux grosses bourdes, galère auprès de ses supérieurs pour redorer son image et obtenir le commandement d’un sous-marin. La fin de ce bras de fer est quelque peu surprenante, mais ça tient finalement la route. En épilogue, les auteurs ajoutent une touche quelque peu uchronique et fantastique, autour de lettres laissées par le héros, expliquant sa disparition et celle de son équipage. Une fin surprenante et pas désagréable. A noter que si le récit guerrier est classique et sans doute old school, le dessin, lui, et plutôt moderne. Et lui aussi agréable et réussi. J’ai bien aimé le rendu en tout cas. Bref, une histoire de sous-mariniers qui se révèle plaisante à lire.
Sector 5
Quand on sait que le salaire moyen pour une femme à Bucarest est de 400 euros… - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Christophe Bec pour le scénario, par Christian Pacariu pour les dessins, et par Alex Guimares pour la couleur. Il comprend quatre-vingt-dix-sept pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec un texte introductif d’une page, rédigé par le scénariste qui indique que les hasards de la vie l’ont amené à faire plusieurs voyages en Roumanie et à y rester quelque temps. Il continue : en additionnant tous ces séjours, il a en fait vécu plusieurs mois à Bucarest, dans le Secteur 5 précisément, bien loin des parcours de la capitale. Il attire l’attention sur le fait qu’en réalité, le peuple roumain est un peuple latin et non pas slave, accueillant, joyeux et chaleureux. Dans le même temps, en observant, en parlant avec certains habitants, en réfléchissant sur les différences entre la France et la Roumanie, il a eu l’envie d’écrire un récit, et des choses qu’il a pu entrapercevoir, telle l’omniprésence de la corruption, de la mafia et de l’industrie du sexe, à demi dissimulées, l’ont rapidement dirigé vers un récit de genre, entre le polar noir et le Thriller. À San Diego, dans le sud de la Californie, aux États-Unis, un homme handicapé, nu dans son fauteuil roulant, a plusieurs capteurs et stimulateurs sur le corps, dont un dans la verge. Il mate un écran dont le programme produit un effet stimulant intense, qui se répercute dans son corps, dans son rythme cardiaque. Sans qu’il ne s’en soit aperçu, un homme dont le visage est masqué par une capuche est entré dans la pièce. Quand il s’en rend compte, il est déjà trop tard : l’intrus a augmenté les stimuli à travers les électrodes, et le paralytique succombe à une surexcitation fatale. Au centre régional de transit de Bucarest, Calea Giulesti, dans le secteur 1, Peyo Carbajal ouvre le courrier qu’il a reçu et se frappe la tête contre le montant de son vestiaire : sa demande de mutation dans le secteur 5 a été rejetée une nouvelle fois., ça fait la dixième fois. Ses collègues sortent du vestiaire, le laissant seul. Puis Simona y entre à son tour, une jeune femme avenante, elle lui demande si ça va. Il lui répond que non et qu’il va aller se prendre une murge dans la vieille ville. Elle lui recommande prendre soin de lui. Peyo Carbajal se rend dans un bar à danseuses, et il s’assoit pour siroter une bière. Une pole-danseuse lui propose de s’isoler et qu’elle lui fasse un extra. Il la repousse sans ménagement. Dans le secteur 5, l’inspecteur Marian Ferentari arrive sur le lieu d’un crime : une villa cossue. Les policiers sont en train d’évacuer les deux enfants et l’épouse. Ils surnomment l’inspecteur avec le terme de Cafard, comme dans les couloirs du commissariat, comme ces cafards qui ne voient jamais le jour. Lorsqu’il passe devant eux, ils le saluent froidement. Il arrive dans le salon où gît encore le cadavre. Il demande au policier présent de lui faire le topo, sans fioriture. Son interlocuteur s’exécute : les deux gamins sont en état de choc, ils ont été amenés dans le secteur 1, à l’hôpital central des enfants.la victime était avocat en droit de la famille, casier vierge. Pas d’ennemi connu, mouillé dans aucune affaire de corruption, aucun lien avec la mafia. Pas de caméra de surveillance. A priori, une simple série B, un polar au ton dur et cynique de circonstance pour un tel exercice de style, des meurtres répugnants, la traque d’un tueur en série dans Bucarest, pour une affaire forcément liée à une des facettes de l‘industrie du sexe, en cohérence avec la réputation de cette capitale. Le lecteur découvre les premières pages et son a priori se voit confirmé. Un premier crime avec nudité masculine, tueur mystérieux à l’identité cachée par sa capuche, handicapé en pleine pratique d’excitation sexuelle, en solitaire. Petite exagération visuelle avec deux ou trois zones de combustion corporelle. Une bonne densité de cases : une dizaine par page, un gros plan sur le sexe en érection. Une mise en couleurs sombre et un encrage appuyé. Impression confirmée avec les deux scènes suivantes : couleurs cafardeuses, dessins descriptifs et réalistes, avec des contours non lissés, donnant une impression âpre et brut de décoffrage. À nouveau une dizaine de cases par page, voire plus, avec des cadrages donnant une sensation d’étroitesse, entre focalisation sur des détails sordides ou dégradants, et un ressenti d’enfermement dans un quotidien à l’horizon bouché. Enfants témoins de l’assassinat de leur père, mutilation du corps comme pour un rituel évoquant la maladie mentale du meurtrier, studio photographique dans le sous-sol avec des centaines de clichés de femmes nues, des jeunes, des moins jeunes, des vieilles même. Le ton est donné : glauque. Rapidement, le lecteur ressent bien les conventions du polar, ainsi que la profondeur qu’il attend de ce genre. L’usage des figures de style associées à ce genre vont plus loin que les situations ou les visuels crades pour choquer ou pour racoler. Le personnage principal présente toutes les caractéristiques attendues de l’enquêteur tendance perdant de la vie. Pour une raison ou pour une autre, il a été écarté des affaires sensibles ou intéressantes, il est mal considéré de ses collègues qui le qualifient de cafard, parfois en sa présence quand ils oublient de faire attention. Sa femme l’a quitté, et il se complaît dans cette situation familiale, convaincu que les femmes qu’il juge belles ne sont intéressées que par les hommes disposant d’argent et le dépensant avec libéralité, roulant dans de grosses bagnoles tape-à-l’œil. Il a recours aux prostituées mais uniquement pour des fellations, craignant trop de se choper une maladie. Il se montre brut de décoffrage dans ses relations avec autrui. Il se montre totalement dépourvu d’empathie en interrogeant les deux enfants ayant vu leur père assassiné sous leurs yeux. Il s’avère incapable d’une parole réconfortante vis-à-vis de la veuve prosternée devant lui en l’implorant de retrouver l’assassin. En son for intérieur, il a pleinement conscience de cette faille dans son caractère, il se dit que : Les effusions, l’empathie, ce genre de choses, ça n’a jamais vraiment été sa came, pour ça il est une sorte d’handicapé émotionnel. Il sait qu’il aurait dû serrer cette pauvre femme dans ses bras, la rassurer, mais c’est quelque chose dont il est totalement incapable. Les dessins montrent un individu normalement constitué, avec une carrure un peu carrée, portant un imperméable par-dessus une chemise blanche et une cravate, avec le visage souvent fermé, ne souriant jamais. Le lecteur peut voir un individu n’éprouvant pas de plaisir dans la vie, ni dans ses moments de solitude, ni dans ses relations sociales, tout en restant animé par une forme de vague envie d’être utile dans la fonction de la police. Les auteurs savent montrer que cette forme de résignation à la fatalité de l’ordre choses tel qu’il habite d’autres personnages comme la camgirl Amalya Buluci, le tueur bien sûr, et quelques autres. Du coup, il suffit du comportement normal des deux policiers Mihai & Stefania pour souligner l’accablement qui pèse sur les autres. Le scénariste fait mener une enquête à son personnage principal, en respectant les phases de recherche d’indice, d’interrogatoire, de chance, un travail professionnel laborieux et sans éclat, lent et incertain. La narration visuelle sait montrer le quotidien très ordinaire de ces phases : être assis à un bureau très quelconque, rentrer chez soi en transport en commun, la solitude du petit appartement, le constat pragmatique des circonstances de la mort sur le lieu d’un crime, les recherches internet, les périodes de réflexion. Le lecteur se rend compte que le nombre élevé de cases par page, leur petite taille fonctionnent parfaitement pour rendre compte de ce quotidien. Les auteurs savent alterner cette routine professionnelle avec le quotidien tout aussi prosaïque du tueur dans son milieu professionnel et dans sa vie privée tout aussi banale et commune, et les moments où il passe à l’acte, des scènes violentes et soudaines, méthodiques et froides. Enfin, il y a donc ces meurtres, presque des exécutions : là encore le scénariste ne s’embarrasse pas de fioritures et le dessinateur reste dans un registre très factuel. Il montre clairement la brutalité et la mort violente, sans en rajouter ni dans le spectaculaire, ni dans une envolée romantique. Le lecteur en ressort avec sa dose de violence et de sexe, de comportements charriant une forme de renoncement à l’espoir d’un monde meilleur, d’accablement du quotidien et d’une société gangrénée par une criminalité systémique qui ne laisse d’autre choix que d’en être partie prenante. La narration visuelle reste à un niveau terre à terre, rien d’enthousiasmant, si ce n’est son efficacité. D’ailleurs, ces caractéristiques finissent par s’imprimer dans la tête du lecteur : des dessins fonctionnels, en fait à l’unisson d’une narration tout aussi fonctionnelle. Une production d’un trio d’artisans (scénariste, dessinateur, coloriste) maîtrisant leur métier, réalisant un polar très correct. Un peu plus que correct même. Il y a peut-être une exagération dans le sens où ils choisissent les points de vue venant insister sur ces aspects déprimants de la vie, sans jamais en mettre en scène d’autres : zéro chaleur humaine, zéro solidarité, zéro plaisir, juste une accumulation d’éléments négatifs. Le lecteur se dit que cela correspond à la vision que Marian Ferentari a de la vie. Ses pensées intérieures viennent conforter cette impression : les Bucarestois préfèrent s’endetter sur vingt-cinq ans pour acquérir une BM ou une Benz, se serrer la ceinture et remplir le réservoir de gasoil plutôt que le frigo, inhaler à longueur de journée du monoxyde de carbone, du dioxyde d’azote et des particules fines d’hydrocarbures cancérogènes. Ou encore : Quand bien même chaque Bucarestois raquerait docilement pour prendre les transports en commun, cette manne serait détournée pour tomber directement dans les poches d’employés corrompus du ministère, qui s’enverraient l’air avec des escort girls de luxe dans les suites douillettes des cinq étoiles de la capitale. Tout est biaisé, vérolé, rongé jusqu’à la moelle ! Et encore : Les salaires des flics sont une misère, alors pour arrondir les fins de mois, soit on se laisse arroser, soit on tente des coups au jeu ou au casino. Personne n’a le choix ici. De toute façon, c’est la règle quand tout marche de traviole. Des milliers de personnes manifestent devant le parlement depuis des mois, mais rien ne change. Le nouveau président, qui s’est fait élire sur un programme anti-corruption, a dû virer quasiment tout son gouvernement… Trop d’entre eux trempaient dans de sales histoires : drogue, sexe, corruption… Quand c’était pas les trois à la fois. Un polar de plus, à base d’industrie du sexe et de crimes sans pitié pour attirer le lecteur ? Il y a un peu de ça de prime abord, avec en plus la réputation de Bucarest pour ses filles et sa mafia. D’ailleurs la narration visuelle semble très fonctionnelle, et le scénario plutôt linéaire. D’un autre côté, c’est un polar réussi qui tient en haleine du début à la fin, avec les conventions de genre attendues, et juste ce qu’il faut d’originalité pour ne pas pouvoir être réduit à un produit industriel. L’effet cumulatif se fait progressivement ressentir, entre l’état d’esprit blasé et résigné du personnage principal, la bonne connaissance de la ville et de cette partie de la population, l’intrigue bien construite : une vision prosaïque de la banalité du quotidien, une plausibilité qui finit par faire froid dans le dos, entre la pulsion sexuelle des hommes, et la célébrité internationale des camgirls. Loin d’être inoffensif.
Je suis leur silence
Bon je réécris mon avis car il était, effectivement, bien trop dithyrambique. J'aime beaucoup cet album et le trouve honnêtement très réussi, mais je m'étais bien trop emballée dans mes propos et ai ensuite essayé de corriger plusieurs fois pour adoucir mon discours sans jamais vraiment parvenir à refléter ce que je pense vraiment de l'album. Alors, après avoir mis cinq étoiles pour appuyer mon ressenti sur la qualité technique de l’œuvre, puis quatre et un coup de cœur pour revenir en arrière mais tout de même appuyer mon ressenti positif, je me rabat finalement sur un quatre étoiles tout rond, bien plus proche de mon ressenti réel. L'album reste très bon, je le trouve toujours très frais et agréable à lire, mais je vais me montrer plus modérée dans mes paroles. Pourquoi m'étais-je autant emballée à la base ? Parce que l'album est bon, très bon même. Pas une révolution dans son genre ni une source de réflexions profondes mais une œuvre finement construite. En fait, pour faire court, je trouve la construction de l'album excellente, ne serait-ce que du point de vue technique : le rythme parvient à rester prenant sans jamais réellement faire de pauses, les dialogues sont vifs, le personnage principal est une grande-gueule à l'égo surdimensionné et à la psyché chaotique qui parvient à rester attachante tout du long, le dessin de Lafebre est beau, vif et travaillé, … Bref, sur le plan technique, c'est du bon. Bon, tout n'est pas parfait non plus. Encore une fois, l'album ne révolutionne pas le genre du polar et ne va pas nécessairement chambouler votre vision du monde (ou même vous pousser à la réflexion sur un sujet), il se contente simplement de raconter une histoire prenante par le simple fait de sa construction narrative sur deux plans et son personnages principal dont la personnalité d'apparence plus que farfelue est moteur de l'intrigue. Du bon, donc, mais encore faut-il apprécier le genre. Personnellement j'aime beaucoup les narrations non-linéaires, les histoires centrées sur la psychologie et les personnages qui sous leur apparence loufoque cache un être plus complexe, donc même si les polars ne sont pas nécessairement mes récits préférés (les poncifs du genre me laissent de marbre) je partais avec de bonnes appréhensions. Mais même si l'album brille par la personnalité d'Eva et ses méthodes peu conventionnelles, l'enquête n'en est pas moins un peu trop simple et convenue par moment. L'œuvre reste très bonne, une lecture sincèrement très agréable et de très bonne qualité. Je tenais simplement à venir réécrire cet avis dans lequel je m'étais malheureusement un peu trop emballée.