Les Yeux du Chat

Note: 3.3/5
(3.3/5 pour 10 avis)

Les bandes dessinées de Moebius, maître incontesté du rêve, ne se racontent pas, elles se voient et se regardent. Les ramener à leur histoire, revient a oublier l'essentiel: l'intelligence de ses images.


Bichromie Chats Ecole Duperré Giraud-Moebius Jodorowsky Les Rapaces Une image par page

C'est une histoire assez hermétique et en même temps, elle donne à voir, elle montre un univers fascinant. C'est l'histoire d'une cité, une cité quasiment vide. Pour seuls habitants, un chat, un aigle et un aveugle. Une BD au scénario fantastique, un album artistique et hermétique.

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution Mars 1978
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Les Yeux du Chat © Les Humanoïdes Associés 1978
Les notes
Note: 3.3/5
(3.3/5 pour 10 avis)
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13/05/2004 | Ro
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Par Présence
Note: 4/5
L'avatar du posteur Présence

Jouer à voir - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Son édition originale date de 1978. Il s’agit de la première collaboration entre Alejandro Jodorowsky (scénario) et Jean Giraud (1938-2012), sous le pseudonyme de Mœbius. Cet ouvrage compte cinquante pages de bande dessinée. L’édition de 2013 présente la particularité d’avoir été imprimée sur des pages jaunes. Elle comprend également une préface écrite par le scénariste le vingt-neuf juillet 2011. Il explique comment il avait commencé à travailler sur le projet de film d’adaptation du roman Dune (1970) de Frank Herbert (1920-1986). Lors d’un plein d’essence, il découvre sur les rayonnages de la station-service de splendides dessins de vaisseaux spatiaux signés Mœbius, et sur une série western dessinée par Jean Giraud, et il comprend qu’il a trouvé l’artiste pour les costumes et celui pour le storyboard. Arrivé à Paris, il rend visite à son attaché de presse qui est en conversation avec Jean Giraud, et le scénariste découvre qu’il a devant lui les deux personnes qu’il recherche, et qui ne sont qu’un seul homme. Puis il explique dans sa préface les circonstances de la réalisation de la présente histoire, réalisée à titre gracieux, et offerte aux lecteurs du mensuel Métal Hurlant, publié par les Humanoïdes Associés. Un enfant se tient dans l’encadrement d’une très haute fenêtre, ou sur une terrasse. Il est revêtu d’un vêtement ample, il a le crâne rasé. Il regarde au loin. Haut dans le ciel un aigle s’éloigne pour une destination inconnue. Une mégalopole indéterminée : de très hauts gratte-ciels qui surplombent les autres constructions, certaines se trouvant dans leur ombre. Des antennes au sommet de ces constructions fines et élancées. Le ciel est totalement masqué par des nuages d’une nature indiscernable. L’enfant n’a pas bougé de place. Il se tient parfaitement immobile, tourné vers le lointain, dans la même posture. À une distance indéterminée dans la ville, les nuages ont pris une forme étale, constituant une sorte de plafond opaque. Il se produit une trouée à la forme régulière qui laisse passer comme une colonne inclinée de lumière atteignant le sol d’une sorte de placette. Dans ce quartier, l’architecture de la ville combine plusieurs caractéristiques. Comme un rappel d’une fortification, ou peut-être une large parcelle piétonne desservant les étages les plus élevés des maisons. Il se trouve aussi un mélange d’immeubles parisiens et de constructions plus baroques surmontées de dômes. Au pied de l’une d’elle sur le pont piétons se trouvent des débris de maçonnerie. L’enfant respecte une immobilité parfaite devant sa très haute fenêtre : il a perçu le rayon de soleil qui a percé la couche nuageuse. Il s’agit en fait d’un rayon de lumière d’un ou deux mètres de diamètre qui atteint le sol de la placette. Les façades d’immeubles sont délabrées : les fenêtres éclatées, des impacts sur les murs, le revêtement dégradé. Des détritus au sol de nature technologique. Au travers d’une fenêtre brisée, apparaissent des objets abandonnés en tas. Le secteur semble désert, dépourvu de toute présence humaine. En lisant la préface, le lecteur prend connaissance des circonstances dans lesquelles cette bande dessinée a vu le jour : une belle campagne de publicité de l’éditeur qui a pris la forme d’une nouvelle collection de petits volumes, en tirage limité, baptisée Mistral. Chacun de ces volumes portaient la mention : Cette édition ne saurait être vendue, elle est donnée gratuitement à tout fidèle des Humanoïdes Associés. Jodorowsky explicite en détails les conditions de réalisation de ces petits volumes. Il commence par rappeler que : La bande dessinée est un art industriel, les artistes sont des artisans, ils font leur travail et ils sont payés à la page, c’est leur modus vivendi. Pour ces ouvrages, l’éditeur leur proposait de travailler gratuitement, c’est-à-dire sans toucher de droits d’auteurs, ce que les présents créateurs ont accepté pour être sûr sur que leur autre projet puisse bien aller jusqu’à la publication, en l’occurrence L’Incal. Afin de répondre à la demande, le scénariste a intégré les spécifications et les exigences éditoriales, pour les transformer en un exercice de style. Il a indiqué à l’artiste que : Plutôt que de réaliser des planches découpées en vignettes, ils vont présenter l’histoire comme une suite d’illustrations aussi solitaires que l’enfant et le chat, et chaque vignette occupera une page entière. En face de chaque tableau, l’artiste pourra mettre comme un motif qui se répète, l’ombre de l’enfant en train de regarder par la fenêtre. Ainsi les contraintes éditoriales deviennent une structure formelle conceptuelle. Les créateurs partent sur le principe que la planche de gauche, celle avec l’enfant qui tourne le dos au lecteur, est multipliée dix-huit fois. Dans la première, Mœbius a simplement ajouté l’aigle au loin qui part en chasse. Puis lorsque l’aigle revient après une longue attente, il a commencé à animer l’enfant, et à modifier les ombres qui fonctionnent alors comme un contrechamp de l’image à droite. En outre, le personnage prononce en tout et pour tout douze phrases, très courtes, moins de dix mots à chaque fois, saupoudrées sur douze pages différentes. Du coup, au premier contact, la lecture s’avère très rapide : dix minutes en prenant le temps de vérifier si le personnage a bougé d’une page de gauche à une autre, et en absorbant les informations visuelles de la page de droite. L’intrigue s’avère linéaire et simple : page de gauche le personnage a vu partir l’aigle et il attend son retour sans bouger, page de droite l’aigle finit par arriver sur la placette où il fait face au chat que mentionne le titre du récit. La promesse implicite de la couverture est tenue : il y a bien un affrontement entre les deux animaux. Le récit se clôt en bonne et due forme, inscrivant le récit dans le genre horrifique, dans un environnement de science-fiction. Et voilà. Le récit s’avère plus intéressant pour un amateur de bande dessinée en tant que médium. Il constitue la première collaboration entre deux auteurs majeurs, qui travailleront ensuite sur la série L’Incal (1980-1988), la trilogie du Cœur couronné (La folle du Sacré Cœur, Le piège de l’irrationnel, Le fou de la Sorbonne), Griffes d’ange, ainsi que sur le projet de film avorté Dune. Il permet également d’admirer les planches de l’artiste, dans un récit complet, avec une structure rigoureuse et accessible. Tout commence avec une page de gauche, et la silhouette immobile du personnage de dos, dans un grand cadre étroit vertical. Le lecteur en déduit qu’il s’agit du personnage principal, qu’il se tient dans l’embrasure d’une fenêtre monumentale, démesurée par rapport à la taille d’un être humain, relativisant l’importance de ce dernier dans un décor gigantesque. Il découvre la répétition de cette image à l’identique, dix-sept fois la même, et avec un élément supplémentaire (l’aigle au loin dans le ciel) pour la première. Ce dispositif visuel produit un effet de stabilité, d’impassibilité, laissant le doute dans l’esprit du lecteur si le personnage est perdu dans ses pensées, ou au contraire focalisé sur la survenance d’un événement à venir. Le déroulement du récit lui permet de comprendre qu’il s’agit de la deuxième hypothèse. Les pages de droite s’avèrent plus fournies en information, constituant une narration visuelle plus classique, racontant des événements dans un ordre chronologique. Du fait de la composition de l’ouvrage, une case par page, celle de gauche identique de l’une à l’autre, l’attention du lecteur se trouve focalisée sur les informations contenues dans l’illustration en pleine page à droite. Il commence par s’intéresser à l’environnement : une mégalopole dans un futur indéterminé, peut-être pas sur Terre, peut-être que oui, cela n’a finalement pas d’importance dans le récit. Une influence de l’urbanisme parisien visible dans certaines formes d’immeubles et de toitures. Et comme une ville construite pour partie par-dessus, avec une architecture futuriste, un avenir plus ou moins lointain, pas très rieur, une forme de résignation à un environnement inhospitalier commençant à se délabrer. Le lecteur relève un ou deux détails supplémentaires : les appareillages technologiques abscons dont il n’est pas possible de devenir les fonctions, les déchets présents sur le sol, et la forme caractéristique d’une plante à cinq feuilles sur le frontispice au-dessus de la fenêtre à l’extérieur. Les pages de droites révèlent également que le personnage se tient bien devant l’encadrement d’une haute fenêtre, et qu’il s’agit peut-être d’un adolescent ou d’un jeune adulte. Le lecteur découvre donc progressivement l’intrigue : l’apparition d’un chat sur la placette et l’arrivée de l’aigle pour un affrontement, comme le montre l’illustration retenue pour la couverture de l’édition de 2013. Jodorowsky utilise le mot tableau pour parler de chacune de ces illustrations. Le lecteur fait l’expérience qu’elles forment bien d’une narration séquentielle : chacune raconte quelque chose en elle-même, et en relation avec la précédente et la suivante elle constitue un moment. Sur la première planche de droite, le lecteur ne voit pas juste la représentation d’une ville d’un point de vue au-dessus des toits, il voit ce que voit le personnage, il voit une cité d’anticipation, et il voit un ciel bouché, peut-être du fait de la pollution atmosphérique, une préoccupation très prégnante à l’époque de la réalisation du récit. Dans la deuxième, il comprend que la trouée dans les nuages laissant passer la lumière du soleil constitue un événement, rendant l’image dynamique, au lieu d’une simple représentation statique. Dans la troisième, la lumière du soleil atteint le sol de la placette : vraisemblablement un fait remarquable, comme un coup de projecteur sur cet endroit précis, et le décor montre qu’il s’agit d’un quartier particulier de la mégalopole. Par la suite, le lecteur ressent les variations de nature dans les cadrages et les cadrages plus ou moins large ou près : les postures et la curiosité du chat, le comportement de prédateur de l’aigle, le lien qui l’unit au personnage humain, etc. La narration visuelle se suffit à elle-même pour que le lecteur comprenne l’intrigue, sans l’aide de mots. Une curiosité que cette première collaboration entre ces deux créateurs hors norme ? Il y a de cela, et c’est aussi une leçon magistrale d’art séquentiel, de narration visuelle utilisant les fortes contraintes de production du récit (pagination imposée, absence de rémunération, rythme élevé de production) pour structurer la bande dessinée. Une histoire courte vite lue et classique ? Certes, et aussi une intrigue de genre, cruelle et mystique (l’affrontement entre deux animaux pour le bénéficie d’un être humain isolé du reste de l’humanité dans sa tour d’ivoire, et délabrée). Un conte impitoyable pour adultes.

06/06/2025 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

Tiens, voilà un album que je pensais avoir avisé depuis longtemps, moi qui suis un gros amateur de Moebius. Voilà donc un oubli réparé. Mais je dois aussi dire que cet album intéressera avant tout ceux qui comme moi souhaitent tout lire du maître, ici accompagné de Jodo. La lecture est ultra rapide, puisqu’il n’y a qu’une image par case (souvent muette), celle de gauche étant souvent la même. Il y a bien une histoire, mais minimaliste. Reste que ce bout d’histoire est intéressant, avec une chute un peu noire. L’atout principal vient du dessin, vraiment très chouette, sans être forcément très fouillé. Un décor assez dépouillé, presque post-apocalypse, ou faisant penser à l’intérieur d’un temple ou d’une pyramide égyptienne. Un petit plaisir pour les complétistes des deux auteurs, une lecture très rapide mais agréable.

08/09/2022 (modifier)
Par Gaston
Note: 3/5
L'avatar du posteur Gaston

Une histoire courte et simple à comprendre ce qui peut surprendre de la part de ce duo. J'ai bien aimé lire cet album même si cela se lit en moins de 5 minutes. Ce récit est bien fait et assez mémorable pour une histoire aussi courte. Maintenant, je ne suis pas certain de conseiller l'achat pour un album qui se lit aussi vite. Disons que je conseille l'achat pour les fans du trait de Moebius et qui auraient du plaisir à prendre bien leur temps pour bien admirer les planches. Pas un truc incontournable, mais à lire si on aime bien les deux auteurs.

06/08/2017 (modifier)
Par Thobias
Note: 4/5

C'est vraiment une bd particulière que j'aurais beaucoup de mal à juger et à noter. Le scénario est minimaliste (surprenant pour du Jodorowsky) mais bien ficelé et le dessin de Moebius est particulièrement réussi. Moi qui pourtant ne suis pas un grand fan du travail de ce dernier sur L'Incal j'ai été impressionné par son sens de l'architecture sur cette bd. Le parti pris de mise en page (une page un dessin, une page du texte, une page un dessin) est assez audacieux et très efficace mettant vraiment en valeur le dessin de Moebius. Ça me fait penser au film India Song de Duras où les paroles ne collent pas aux images, cette séparation de deux éléments a priori indissociables créant un effet assez curieux.

24/05/2014 (modifier)
Par jul
Note: 3/5

Je possédais cette bd il y a longtemps, dans un format souple (ou un Métal Hurlant je ne sais plus) que... sacrilège ... j'ai découpé pour en faire une magnifique frise autour des murs de ma chambre d'ado. Il faut dire que cette bd sous forme de dessins d'une planche s'y prêtait assez bien. J'ai pu donc admirer pendant plusieurs années cette "histoire" d'un humanoïde à sa fenêtre, qui envoie un aigle aller lui chercher les yeux du chat. Les dessins sont magnifiques. Mais ce n'est pas vraiment une bd. C'est plus une série de très belles illustrations en noir et blanc. Incontournable pour tout fan de Moebius seulement.

09/05/2013 (modifier)
Par Miranda
Note: 3/5
L'avatar du posteur Miranda

Court, très court, pas vraiment original non plus, mais il y a quelque chose d’indéfinissable et d’accrocheur qui a fait qu’à la fin de ma lecture je n’étais pas frustrée, même si j‘aurais aimé une suite. Le dessin est joli et les couleurs bien choisies, le jaune associé au noir apporte la vie mais aussi la mort, c’est plutôt bien vu dans cette histoire assez macabre. Le découpage est efficace et original. A lire par curiosité, pas forcément à posséder sauf pour les fans des auteurs... et de chats.

05/09/2010 (modifier)
Par Ems
Note: 2/5

Cette BD est avant tout artistique. Le dessin est vraiment très beau et le scénario... virtuel. Je n'ai pas saisi le sens de ce récit. Si je m'en tiens au premier degré, je n'ai pas d'explications concernant le comportement de l'enfant. Je ne comprends pas pourquoi il veut les yeux du chat alors qu'il a indirectement ceux de l'aigle qu'il manipule. Je m'en tiens donc à ces belles images vite regardées. Pour les curieux uniquement.

07/08/2009 (modifier)

C'est du grand Moebius. Cet album est le reflet du génie de Moebius, de sa perfection dans son travail. Il prouve, à travers ces quelques pages, que les images peuvent remplacer les mots et qu'elles sont empruntes de poésie, de philosophie et de sensibilité. Je suis rarement resté silencieux, admiratif, plongé dans une réflexion inconsciente après la lecture d'une BD, et là, à ma grande surprise, je me suis retrouvé tout con ne sachant quoi faire. Cet album ne laisse pas son lecteur indifférent. On en oublie les images tellement il joue sur notre inconscient et notre imagination, cette histoire est comme un rêve.

03/02/2006 (modifier)

J'écris cet avis parce que je ne suis pas du tout d'accord avec l'avis précédent : Non seulement le graphisme de Moebius est extraordinaire mais l'histoire en elle-même donne le vertige. Je suis pourtant d'accord avec le fait qu'elle se lit vite, mais c'est du super-concentré ! A découvrir.

15/05/2004 (modifier)
Par Ro
Note: 2/5
L'avatar du posteur Ro

Le bon côté de cet album, c'est qu'il est beau. Sa construction est originale : une image par page, et ainsi alternativement, une image narrative sur une page et une planche muette sur la seconde. Et le dessin y est soigné, excellent, superbe. C'est du grand Moebius, même si certains peuvent regretter un travail trop soigné qui rejette alors la spontanéité et la souplesse si typique du dessin de ce maître. Oui, le dessin est un peu froid par rapport aux BDs plus "libérées" que Moebius fait plus souvent. Concernant l'histoire, elle est... hermétique. Elle se comprend très facilement mais je n'ai pas su en saisir d'émotion, ni de curiosité, ni d'intérêt. Assez moyen sur ce plan-là. Et puis, il y a le fait que ce soit une image par planche, et quelques mots à peine de texte en gros toutes les deux pages. Ca donne un album de 50 pages qui se lit en deux minutes à peine. Alors oui, on peut ensuite revenir admirer le détail des dessins de Moebius, mais franchement, payer ce prix pour une lecture si rapide, je ne suis pas pour.

13/05/2004 (modifier)